T-2160-87
Ottawa Football Club, une division de CFRA
Limited, Argonaut Football Club Inc., Hamilton
Football Club, une branche du Maple Leaf Gar
dens Limited, Winnipeg Football Club, Saskatche-
wan Roughrider Football Club, Stampeder Foot
ball Club Limited, Edmonton Eskimo Football
Club et B.C. Lions Football Club, qui forment
ensemble une association sans personnalité morale
connue sous le nom de la Ligue canadienne de
football (requérants)
c.
Ministre de la Condition physique et du Sport
amateur et David Shoalts (intimés)
RÉPERTORIÉ: OTTAWA FOOTBALL CLUB C. CANADA (MINISTRE
DE LA CONDITION PHYSIQUE ET DU SPORT AMATEUR)
Section de première instance, juge Strayer—
Ottawa, 21 décembre 1988 et 9 janvier 1989.
Accès à l'information — Document soumis confidentielle-
ment et volontairement au gouvernement en vue de l'adoption
d'une loi ou d'une affectation de crédits — Divulgation propo
sée d'une partie du document — La Loi s'applique à tous les
renseignements et documents de l'administration fédérale, peu
importe comment et à quelles conditions l'Exécutif les a
obtenus — Le document ne contient pas de renseignements
financiers ou commerciaux de nature confidentielle — Il n'a
pas été établi que la divulgation risquerait vraisemblablement
de causer des pertes — Prélèvements.
Pratique — Dépens — La partie déboutée n'a pas fait
instruire l'affaire avec suffisamment de diligence — Elle n'a
pas déposé son dossier en temps utile — Elle est condamnée à
payer les frais sur la base procureur-client.
En avril 1986, la Ligue canadienne de football (LCF) a
soumis au gouvernement un mémoire qui contenait des rensei-
gnements sur la LCF et qui proposait certaines mesures exi-
geant probablement l'adoption d'une loi ou une affectation de
crédits ou les deux. Suite à une demande de renseignements
fondée sur la Loi sur l'accès à l'information, le ministre d'État
à la Condition physique et au Sport amateur a décidé de
divulguer une partie du document soumis à l'origine par la LCF
Il s'agit d'une demande fondée sur l'article 44 visant la révision
de cette décision.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
Bien que le document ait porté la mention «confidentiel» et
qu'il ait été soumis volontairement, il s'agissait quand même de
renseignements visés par le droit d'accès à l'information dont il
est question au paragraphe 2(1) de la Loi. La Loi s'applique à
tous les renseignements ou documents de l'administration fédé-
rale, peu importe comment et à quelles conditions l'Exécutif les
a obtenus.
Le document, dans sa version expurgée, ne contient pas de
renseignements financiers et commerciaux de nature confiden-
tielle au sens de l'alinéa 20(1)b) de la Loi. Les requérants n'ont
pas établi que la version expurgée est de nature confidentielle.
Lorsque des particuliers ou des organismes incitent le gouverne-
ment à prendre une mesure en leur faveur, il ne leur suffit pas
de déclarer leur demande confidentielle pour la rendre telle. Un
tel principe saperait l'objectif de la Loi.
Les requérants n'ont pas établi que la divulgation risquerait
vraisemblablement de causer des pertes. Ils ne peuvent par
conséquent invoquer l'alinéa 20(1)c) de la Loi. Ils n'ont pas
davantage établi que le document expurgé ne peut être dissocié
du reste sans problèmes sérieux.
Comme la LCF n'a pas fait preuve de diligence pour faire
instruire l'affaire et qu'elle n'a pas déposé un dossier complet
en temps utile comme elle y est tenue par les Règles, les
requérants sont condamnés à payer les frais des intimés sur la
base procureur-client.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83,
chap. I 1 1, annexe I, art. 2(1), 4(1), 20(1)6),c), 25,
44(3) (mod. par S.C. 1988, chap. 2, art. 67, annexe Ill,
n° 1), 47.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
321.1 (ajoutée par DORS/88-221, art. 7).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l'Agricul-
ture), [1989] I C.F. 47 (C.A.); Maislin Industries Limi
ted c. Ministre de l'Industrie et du Commerce, [1984] 1
C.F. 939 (1"° inst.).
AVOCATS:
Donald B. Houston pour les requérants.
Barbara A. Mcisaac pour l'intimé le ministre
de la Condition physique et du Sport amateur.
Peter M. Jacobsen pour l'intimé David
Shoalts.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliot, Toronto, pour les requé-
rants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé, le ministre de la Condition physique
et du Sport amateur.
Paterson, MacDougall, Toronto, pour l'intimé
David Shoalts.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER:
INTRODUCTION
Il s'agit d'une demande fondée sur l'article 44 de
la Loi sur l'accès à l'information' tendant à la
révision de la décision du ministre intimé de divul-
guer une partie d'un dossier consistant en un docu
ment soumis à l'origine au ministre intimé par les
requérants (qui constituent la Ligue canadienne de
football et qui sont désignés aux présentes par
l'abréviation «la LCF»).
J'en suis arrivé à la conclusion que la demande
devrait être rejetée mais en donnant ces motifs je
vais, comme l'exige l'article 47 de la Loi, «pren-
d[re] toutes les précautions possibles» pour éviter
que soient divulgués les renseignements qui retire-
raient toute portée pratique à l'appel qui pourrait
être interjeté contre ma décision. Je crois raisonna-
ble de noter dès le début que le document en
question consiste en un mémoire que les requérants
ont soumis au gouvernement du Canada, dans
lequel certains renseignements sur la Ligue cana-
dienne de football ont été transmis au gouverne-
ment du Canada et certaines mesures gouverne-
mentales ont été sollicitées, lesquelles exigeraient
probablement l'adoption d'une loi ou une affecta
tion de crédits, ou les deux. La plupart de ces
renseignements sur la nature du document en
question peuvent déjà être obtenus dans la partie
du dossier de la Cour qui est publique. Quant aux
renseignements qui ne peuvent être obtenus de la
sorte, j'estime devoir les révéler de façon à donner
un sens à mes motifs.
HISTORIQUE
Le 9 octobre 1986 le ministre d'État à la Condi
tion physique et au Sport amateur a reçu une
demande, conformément à la Loi sur l'accès à
l'information, visant notamment:
[TRADUCTION] tous les rapports, et/ou les études, et/ou les
analyses concernant la Ligue canadienne de football ... Je
demande des renseignements à compter de septembre 1984.
Le 1°r avril 1987, le coordonnateur intérimaire de
l'Accès à l'information pour le programme de la
Condition physique et du Sport amateur a avisé
M. Douglas H. Mitchell, commissaire de la Ligue
canadienne de football, que la demande susmen-
tionnée avait été faite et que le seul document que
l'on estimait jusqu'alors susceptible d'être commu-
niqué conformément à la demande était un
I S.C. 1980-81-82-83, chap. I l 1, annexe I.
mémoire que la LCF avait soumis au ministre et
qui portait la date du mois d'avril 1986. Le 20
avril 1987 l'avocat de la LCF a avisé le coordonna-
teur de l'Accès à l'information qu'il était d'avis
que ce mémoire ne devait être communiqué ni
dans son ensemble ni en partie à celui qui en
faisait la demande. Le coordonnateur a fait savoir
à M. Mitchell, le 30 septembre 1987, que les
fonctionnaires compétents avaient pris en considé-
ration les observations de l'avocat de la LCF, qu'ils
avaient étudié le mémoire et la Loi, et qu'ils
avaient conclu que le mémoire devrait être com-
muniqué sauf pour certaines parties que le gouver-
nement était disposé à retrancher. Une copie du
mémoire a été adressée avec mise en vedette des
prélèvements proposés. Le 15 octobre 1987, la
LCF a déposé cette demande de révision. Il s'est
ensuite écoulé une longue période pendant laquelle
il ne semble pas que la LCF ait fait quoi que ce
soit pour faire avancer sa demande. L'affaire a
finalement été soumise au juge en chef adjoint le
16 mai 1988 par voie d'avis de requête déposé par
le ministre intimé, qui cherchait à obtenir d'une
part une ordonnance portant que le document en
question devait être déposé dans une enveloppe
scellée, et d'autre part, des directives et une date
d'audition de la demande de révision. À cette date,
le juge en chef adjoint a rendu une ordonnance
relativement au dépôt du document sur une base
confidentielle et il a ordonné aux requérants de
signifier à l'avocat de l'intimé, sur une base confi-
dentielle et dans les trente jours, les affidavits sur
lesquels la LCF entendait s'appuyer. L'ordonnance
indiquait que la LCF pouvait ensuite demander
une ordonnance pour préserver le caractère confi-
dentiel des affidavits devant le tribunal, et pour
obtenir des directives relativement à l'audition de
l'affaire. Bien que je crois savoir que les avocats de
la LCF et du ministre ont ensuite discuté du
contenu des affidavits susmentionnés, la LCF ne
s'est pas présentée de nouveau devant la Cour pour
obtenir d'autres directives, pas plus qu'elle n'a
présenté un affidavit visant le dépôt du mémoire à
titre confidentiel avant le 13 décembre 1988. Entre
temps, comme la LCF n'avait pris aucune mesure
visant l'instruction de l'affaire, l'avocat du minis-
tre intimé a écrit à la Cour le 21 septembre 1988,
lui demandant de fixer la date de l'audition. Le 18
octobre 1988, l'audition a été fixée au 15 décembre
1988.
Dans l'intervalle aussi, M. David Shoalts, jour-
naliste de la section des sports au journal The
Globe and Mail de Toronto a demandé, le 5 mai
1988, des documents au gouvernement du Canada
en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.
Cette demande était très longue, mais il suffira de
dire que le document que le ministre estimait y
avoir trait se trouvait être précisément le mémoire
à la divulgation duquel s'était opposée la LCF
comme on l'a vu plus haut. Le 23 août 1988, M.
Shoalts a donné avis de son intention d'être partie
à cette demande de révision. Les autres parties ne
se sont pas opposées à sa participation, le traitant
apparemment comme une personne qui avait le
droit de participer à l'instance en vertu du para-
graphe 44(3) [mod. par S.C. 1988, chap. 2, art.
67, annexe III, n° 1] de la Loi.
J'ajouterais que bien qu'une ordonnance rendue
le 18 octobre 1988 inscrivait l'affaire pour instruc
tion à Toronto le 15 décembre 1988, le dossier de
la requête de la LCF n'a été déposé que le 13
décembre, deux jours avant la date fixée pour
l'audition, nonobstant la Règle 321.1 [Règles de la
Cour fédérale, C.R.C., chap. 663 (ajoutée par
DORS/88-221, art. 7)] qui exige le dépôt de ces
dossiers dix jours avant la date de l'audition. En
outre, le dossier déposé était incomplet car il ne
contenait pas un exposé concis des faits et du droit
sur lesquels devait s'appuyer la LCF, lequel n'a été
fourni que le 19 décembre, et encore seulement
parce que j'ai été obligé d'ajourner au 21 décem-
bre l'audience fixée au 15 décembre. J'ai accordé
l'ajournement à la demande de la LCF, mais en y
mettant des conditions, dont l'une était que le
dossier de la LCF devait être complété le 19
décembre.
LES QUESTIONS EN LITIGE
La LCF prétend que son mémoire ne devrait pas
être divulgué pour les motifs suivants: a) il ne
s'agit pas d'un «document des institutions fédéra-
les»; b) l'alinéa 20(1)b) de la Loi en interdit la
communication parce qu'il contient des renseigne-
ments financiers et commerciaux de nature confi-
dentielle; c) l'alinéa 20(1)c) de la Loi en interdit la
communication parce qu'il contient des renseigne-
ments dont la divulgation risquerait vraisemblable-
ment de causer des pertes financières aux requé-
rants ou de nuire à leur compétitivité; et d) bien
que le ministre intimé ait laissé entendre que des
parties seraient retranchées avant que le reste du
mémoire ne soit communiqué, ces prélèvements
posent de sérieux problèmes, contrairement aux
dispositions de l'article 25 de la Loi.
S'agit-il d'un «document des institutions fédéra-
les»?
Le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'accès à
l'information prévoit ce qui suit:
2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux
documents de l'administration fédérale en consacrant le prin-
cipe du droit du public à leur communication, les exceptions
indispensables à ce droit étant précises et limitées et les déci-
sions quant à la communication étant susceptibles de recours
indépendants du pouvoir exécutif.
Le paragraphe 4(1) confère aux Canadiens et aux
résidents permanents le droit général «à l'accès aux
documents des institutions fédérales» sous réserve
naturellement d'autres dispositions de la Loi.
La LCF soutient que parce que le document visé
en l'espèce portait la mention «confidentiel» et que
sa nature confidentielle avait été soulignée au gou-
vernement au moment de sa remise, laquelle avait
été volontaire et non obligatoire, le document n'est
pas un «document de l'administration fédérale» au
sens de l'objet déclaré de la Loi au paragraphe
2(1), pas plus qu'il ne s'agit d'un document de
«l'administration fédérale» au sens du paragraphe
2(1) ni des «institutions fédérales» au sens du
paragraphe 4(1) de la version française.
La signification évidente du libellé de la Loi ne
laisse pas entendre que les «renseignements», «les
documents de l'administration fédérale» et les
«documents» du gouvernement doivent être soumis
à un test visant à établir comment le gouvernement
les a obtenus et à quelles conditions. Or, c'est cette
sorte de limite que la LCF me demande de créer.
Je ne vois aucune raison de le faire. Il ressort
clairement des paragraphes 2(1) et 4(1) précités
que la Loi donne accès, sous réserve de plusieurs
exceptions, aux documents de l'administration
fédérale et aux renseignements qu'ils peuvent con-
tenir, nonobstant la façon dont l'administration en
a eu possession. C'est sûrement aussi l'interpréta-
tion la plus conforme à l'objet de la Loi. D'autre
part, l'interprétation proposée par la LCF ne
semble pas conforme à l'alinéa 20(1)b) sur lequel
elle s'appuie aussi: cet alinéa laisse évidemment
présumer que des «renseignements ... fournis à
une institution fédérale par un tiers, qui sont de
nature confidentielle» sont visés prima facie par la
définition du mot «documents» par ailleurs suscep-
tibles de communication n'était-ce la protection
possible prévue par l'alinéa en cause. En d'autres
mots, cette exception confirme la règle que les
documents confidentiels fournis au gouvernement
par un tiers peuvent former la totalité ou une
partie des «documents des institutions fédérales».
On notera que le mot «fournis» à l'alinéa 20(1)b)
n'est qualifié par aucune expression telle «de
force».
Exception possible en vertu de l'alinéa 20(1)b)
Cet alinéa dit que le responsable d'une institu
tion fédérale est tenu de refuser la communication
de documents contenant:
2o.(1)...
b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques
ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers,
qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme
tels de façon constante par ce tiers;
La LCF prétend que le mémoire en question con-
tient des renseignements financiers ou commer-
ciaux de nature confidentielle. Il appartient évi-
demment à la LCF de faire la preuve de cette
allégation 2 .
Je doute grandement que ce qui reste dans la
version expurgée du document en cause que le
ministre se propose de divulguer puisse sérieuse-
ment être considéré comme étant des renseigne-
ments financiers ou commerciaux.
Je n'ai cependant pas à me prononcer sur cette
question, car je suis d'avis que les requérants ne se
sont pas acquittés de l'obligation qui est la leur de
démontrer que «les renseignements» en cause «sont
de nature confidentielle». C'est là une question
qu'il faut déterminer objectivement, en se deman-
dant si les renseignements sont de nature confiden-
tielle'. Je ne puis voir grand chose dans la version
expurgée que ne connaîtrait pas au moins de façon
générale tout amateur de sports ou même presque
toute personne raisonnablement éveillée résidant
2 Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l'Agriculture),
[1989] 1 C.F. 47 (C.A.).
3 Maislin Industries Limited c. Ministre de l'Industrie et du
Commerce, [1984] 1 C.F. 939 (l« inst).
au Canada. Bien qu'on l'ait invité à le faire,
l'avocat de la LCF a été incapable de désigner
aucun passage particulier qui soit de nature confi-
dentielle. Il a plutôt soutenu que la présentation
même du mémoire jointe à la nature générale de ce
dernier (qui nécessite l'adoption d'une loi ou l'af-
fectation de crédits ou les deux) constituaient les
aspects essentiellement confidentiels de la version
expurgée du mémoire que le ministre entend
communiquer.
Je suis convaincu que lorsque des particuliers,
des associations ou des sociétés incitent le gouver-
nement à prendre une mesure en leur faveur, il ne
leur suffit pas de déclarer leur demande confiden-
tielle pour la rendre telle de façon objective. Un tel
principe saperait sûrement pour une grande part
l'objectif de la Loi, qui consiste en partie à rendre
disponibles au public les documents ayant motivé
une certaine mesure gouvernementale ou son refus.
Il ne serait pas davantage conforme à cet objectif
qu'un ministre ou ses fonctionnaires puissent
exempter des documents d'être communiqués en
s'engageant simplement, lors de leur remise, à les
considérer comme confidentiels. (Il n'existe en l'es-
pèce aucune preuve d'un tel engagement.)
Si j'applique le test de «l'homme raisonnable»
comme les requérants m'ont incité à le faire, je ne
puis voir comment une personne raisonnable peut
s'attendre à ce que reste toujours confidentiel le
fait même qu'elle a incité le gouvernement à pren-
dre une mesure spéciale en sa faveur, particulière-
ment lorsque la faveur demandée nécessiterait que
le Parlement approuve une loi ou une affectation
de crédits. Il se peut que certains renseignements
communiqués dans le cadre d'une telle requête,
comme ceux qui ont trait aux finances d'un parti-
culier ou d'une société, puissent être confidentiels
de par leur nature, mais je ne vois rien de sembla-
ble en l'espèce, pas plus que la LCF ne fait état de
tels renseignements dans le mémoire expurgé.
Exceptions possibles en vertu de l'alinéa 20(1)c)
Cet alinéa oblige le gouvernement à refuser la
communication de documents contenant:
20. (1) ...
c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisem-
blablement de causer des pertes ou profits financiers appré-
ciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;
La Cour d'appel fédérale a statué que pour invo-
quer cet alinéa, le requérant doit établir que la
divulgation «risque vraisemblable de préjudice pro
bable 4 . La seule preuve que j'aie d'un tel préjudice
est l'affidavit de Douglas H. Mitchell qui décrit de
la façon la plus générale certaines conséquences
«susceptibles» de découler de la divulgation du
mémoire. Cette preuve ne permet pas à la LCF de
s'acquitter du fardeau de la preuve qui lui
incombe. De plus, les nombreux articles publiés
dans le Globe and Mail et produits en preuve qui
exposaient la plupart des problèmes mentionnés
dans le mémoire mettent sérieusement en question
l'affidavit susmentionné. Il est difficile de croire
qu'un tort supplémentaire considérable puisse
découler de la divulgation de la version expurgée
de ce mémoire qui, si elle se fait conformément à
ce jugement, n'aura lieu que près de trois ans après
la remise du mémoire au gouvernement.
Prélèvements en vertu de l'article 25
Cet article prévoit que lorsque le responsable
d'une institution fédérale peut refuser la communi
cation de documents parce qu'ils contiennent des
renseignements dont la Loi restreint la divulgation,
il est autorisé à en communiquer les parties
dépourvues des renseignements en cause, à condi
tion que «le prélèvement de ces parties ne pose pas
de problèmes sérieux». Les requérants prétendent
que la partie du mémoire que le ministre se pro
pose de communiquer en l'espèce ne peut être
dissociée sans problèmes sérieux des parties qu'il
n'entend pas divulguer. Ils avancent que les parties
pouvant être communiquées sont trompeuses en
l'absence des passages-clés qui ont été retirés. Ils
soutiennent que des parties de ce qui reste, surtout
lorsqu'elles suivent les espaces en blanc des passa
ges retirés, donneront lieu à des conjectures préju-
diciables sur ce qui n'a pas été divulgué. J'ai relu
le mémoire en entier, y compris les passages qui ne
doivent pas être communiqués, et je n'estime pas
que les prélèvements concernés poseraient de
sérieux problèmes. Je suis d'avis que ce qui reste a
un sens sans les passages prélevés et n'altère pas le
sens du mémoire original. Par conséquent, le prélè-
vement est permis par l'article 25, et toute crainte,
fondée ou non, des conjectures des médias sur ce
qui n'a pas été divulgué n'y peut rien. C'est une
chose qui peut se produire lorsqu'un document
4 L'arrêt Canada Packers, précité, note 2, â la p. 60.
tronqué est communiqué, mais cela fait partie du
régime prescrit par la Loi.
CONCLUSION
La demande sera par conséquent rejetée. L'affi-
davit de John Horricks, donné sous serment le 4
mai 1988 et déposé de façon confidentielle confor-
mément à l'ordonnance du juge en chef adjoint
Jerome en date du 16 mai 1988 demeurera scellé
et ne formera pas partie du dossier public de la
Cour. J'ai ordonné, le 21 décembre 1988, que le
dossier de motion supplémentaire des requérants,
contenant ledit affidavit de John Horricks et un
affidavit supplémentaire de Douglas H. Mitchell
donné sous serment le 10 novembre 1988, soit
déposé de façon confidentielle et qu'il le reste
jusqu'à nouvel ordre. Bien que l'intimé Shoalts
m'ait prié de communiquer au moins une partie du
contenu de l'affidavit supplémentaire de Douglas
H. Mitchell, je ne le ferai pas. Il me semble qu'il se
trouve certaines allusions dans l'affidavit et ses
annexes à des aspects du mémoire que le ministre
n'entend pas divulguer. Étant donné l'obligation
faite à la Cour à l'article 47 de la Loi sur l'accès à
l'information de prendre toutes les précautions
possibles pour éviter que ne soient divulgués des
documents que le ministre est tenu de ne pas
communiquer, et vu que cette demande vise la
communication du mémoire lui-même et non de
ces autres documents, je ne tenterai pas d'y faire
des prélèvements. Ce qui n'empêche pas, naturelle-
ment, la communication que le ministre entend
faire de la version expurgée du mémoire qui consti-
tue aussi la pièce C de l'affidavit supplémentaire
de M. Mitchell.
Je vais suspendre l'effet de mon ordonnance
pendant trente jours pour permettre aux requé-
rants de décider s'ils entendent interjeter appel.
LES FRAIS
Les frais seront payés par les requérants, la
LCF. Comme je l'ai dit dans l'historique plus haut,
la LCF n'a pas fait preuve de diligence pour faire
instruire l'affaire. Il semble qu'elle n'ait rien fait
entre octobre 1987 et le 16 mai 1988, date à
laquelle le ministre intimé a fait instruire l'affaire.
À cette date, la LCF a reçu l'ordre de signifier à
l'avocat du ministre dans les trente jours tout
affidavit sur lequel elle entendait s'appuyer et
ensuite, de demander d'autres directives à la Cour
relativement à la production des documents sur
une base confidentielle, et quant à l'audience. Cet
affidavit (un peu plus de deux pages) n'a été donné
sous serment que le 10 novembre 1988 et il n'a été
déposé que le 13 décembre. De plus, bien que le 18
octobre la Cour ait fixé la date de l'audition au 15
décembre, la LCF n'a déposé à cet égard aucun
dossier dans le délai prescrit par la Règle 321.1,
savoir au moins dix jours avant l'audience. Lors-
qu'elle a déposé un dossier deux jours avant la date
de l'audition, celui-ci était incomplet. L'avocat de
la LCF a principalement expliqué cette façon
d'agir en disant, premièrement, qu'une bonne
partie de ce temps a été consacrée à des négocia-
tions avec l'avocat du ministre intimé, puis avec
l'avocat de l'intimé Shoalts une fois que ce dernier
a pris part à la procédure à compter du mois
d'août; et, deuxièmement, il a ajouté qu'il n'a pas
déposé un exposé des faits et du droit comme
l'exigent les Règles parce qu'il ne l'estimait pas
approprié étant donné la nature confidentielle de
ses moyens. Mais il lui était toujours loisible de
demander des directives à la Cour à l'égard du
dépôt des affidavits de façon confidentielle, et à
l'égard de la forme de son dossier de requête. Or, il
n'a rien demandé de tel.
Les ordonnances doivent être respectées, tout
comme les Règles de la Cour. Le défaut de déposer
un dossier suffisant est une affaire particulière-
ment sérieuse car cela nuit aux parties adverses
qui ne connaissent pas la nature des arguments
qu'elles auront à réfuter, et cela est aussi pour le
moins gênant et peu pratique pour la Cour de ne
pas avoir un tel document en temps utile comme le
veulent les Règles. Les exigences de la Règle 321.1
ne sont pas des dispositions qui peuvent être lais-
sées de côté unilatéralement ni même modifiées du
consentement de tous les avocats. Si d'autres direc
tives sur le contenu ou le mode de dépôt des
documents étaient nécessaires, vu les aspects confi-
dentiels de l'affaire, il aurait été possible d'obtenir
ces directives de façon officielle ou sans formalités.
Puisque très peu de la plaidoirie de la LCF se
rapportait au document en question, je peux diffi-
cilement comprendre pourquoi il n'a pas été possi
ble de déposer un exposé suffisant des faits et du
droit de façon non confidentielle comme cela s'est
finalement effectué à la suite de mon ordonnance
du 15 décembre.
Quand il n'y a pas respect des exigences de la
Règle 321.1, ce peut être parfois une sanction
suffisante d'ajourner l'audience en attendant qu'on
s'exécute. Mais cette mesure n'aurait pas été une
sanction appropriée en l'espèce car elle n'aurait
fait que causer un plus grand retard, lequel joue en
faveur des requérants en repoussant davantage la
possibilité de la publication du mémoire. Dans de
telles circonstances, la sanction appropriée réside
dans les frais.
Étant donné ce qui précède, je vais ordonner que
les requérants soient tenus de payer sur la base
procureur-client les frais du ministre et de David
Shoalts relativement à l'ajournement du 15 décem-
bre et à l'audience du 21 décembre.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.