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A-870-88
Joseph Toth (appelant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
RÉPERTORIÉ: TOTH c. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION)
Cour d'appel, juges Heald, Mahoney et Stone— Toronto, 17 octobre; Ottawa, 28 octobre 1988.
Immigration Expulsion Compétence de la Commis
sion d'appel de l'immigration Sursis à l'exécution de l'or- donnance d'expulsion Appel de la décision de la Commis sion rejetant la demande de réexamen de son ordonnance portant qu'une ordonnance de renvoi rendue en 1971 soit exécutée aussitôt que possible Appelant au Canada depuis son admission comme immigrant reçu à l'âge de 15 ans En 1971, déclaré coupable d'une infraction en vertu du Code criminel Expulsion ordonnée en vertu de la Loi sur l'immi- gration, S.R.C. 1952, chap. 325 Appel de l'ordonnance d'expulsion rejeté en 1975 et sursis à l'exécution accordé En 1980, sursis annulé Permission d'en appeler de la décision de la Commission rendue en 1980 rejetée En 1988, la Commission a rejeté un autre sursis à l'exécution La Commission n'a pas commis d'erreur en exerçant sa compé- tence en equity, en refusant un autre sursis à l'exécution La Commission avait-elle, en 1988, compétence d'entendre un appel sur la validité de l'expulsion? La Cour pouvait-elle être saisie de la validité d'une ordonnance lorsque l'appelant a omis de soulever la question lors d'une audience de la Com
mission en 1988? Un réexamen du sursis a été correctement soumis à la Commission étant donné que l'ordonnance avait été rendue en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration et n'avait pas été exécutée La compétence de la Commission est une compétence qui se prolonge dans le temps car la Commission peut reprendre un appel jusqu'à ce que l'ordon- nance d'expulsion ait été exécutée Dans le cadre de l'an- cienne Loi, un sursis à l'exécution ne pouvait être ordonné par la Commission qu'après qu'elle eut rejeté l'appel de l'ordon- nance et son pouvoir d'annuler une ordonnance après le rejet de l'appel était fonction d'un sursis encore en vigueur Comme le sursis n'était pas en vigueur en 1988, on ne peut déduire une compétence continue de la législation ancienne permettant à la Commission de réexaminer la validité de l'ordonnance d'expulsion Dans la loi actuelle, le seul pouvoir de la Commission d'annuler une ordonnance d'expul- sion qui a fait l'objet d'un sursis se trouve à l'art. 76(3)b)(ii) Le pouvoir doit être exercé conjointement avec l'annulation du sursis et non sous forme d'un réexamen distinct de la validité de l'ordonnance d'expulsion.
11 s'agit d'un appel du rejet par la Commission d'appel de l'immigration d'une demande de réexamen de son ordonnance portant qu'une ordonnance de renvoi rendue en 1971 soit exécutée aussitôt que possible. L'appelant, en Hongrie et citoyen britannique, avait résidé au Canada depuis son admis sion dans ce pays comme immigrant reçu à l'âge de 15 ans. En
janvier 1971, il a été déclaré coupable d'une infraction en vertu du Code criminel et une ordonnance d'expulsion a été rendue par la suite en vertu de la Loi sur l'immigration, S.R.C. 1952, chap. 325. Un appel de l'ordonnance d'expulsion a été rejeté et il a été sursis à l'ordonnance à l'occasion jusqu'en 1980, date à laquelle une ordonnance d'exécution a été rendue. La permis sion d'en appeler de l'ordonnance de la Commission en 1980 a été rejetée. Lors d'une audience d'examen ultérieure autorisée par le vice-président, la seule question soulevée portait sur le fait de savoir si la Commission devrait exercer sa compétence en equity pour ordonner à nouveau un sursis à l'exécution. En mars 1988, la Commission a refusé un autre sursis à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté; le sursis à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion accordé par cette Cour devrait être annulé.
La Commission n'a pas commis d'erreur en exerçant sa compétence en equity, en statuant qu'étant donné toutes les circonstances, un autre sursis à l'exécution devrait être refusé.
Avant l'examen de la validité de l'ordonnance, il faudrait démontrer que la Comission avait en 1988 compétence d'enten- dre un appel portant sur la même question. Le réexamen du sursis a été correctement soumis à la Commission étant donné que l'ordonnance d'expulsion avait été rendue en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration et n'avait pas été exécutée. La compétence en equity de la Commission, en vertu du paragra- phe 15(1) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigra- tion, était une compétence qui se prolonge dans le temps et non une compétence qui s'exerce une fois pour toutes.
Dans le cadre de l'ancienne Loi sur l'immigration, un sursis à l'exécution ne pouvait être ordonné que par la Commission après que cette dernière eut rejeté l'appel de l'ordonnance et son pouvoir d'annuler une ordonnance après le rejet de l'appel était fonction d'un sursis encore en vigueur. Comme le sursis n'était pas en vigueur en 1988, on ne peut déduire une compé- tence continue de la législation ancienne permettant à la Com mission de réexaminer la validité de l'ordonnance d'expulsion. Dans la Loi actuelle, le seul pouvoir de la Commission d'annu- ler une ordonnance d'expulsion qui a fait l'objet d'un sursis se trouve au sous-alinéa 76(3)b)(ii). Ce pouvoir doit être exercé conjointement avec l'annulation du sursis et non sous forme d'un réexamen de la validité de l'ordonnance d'expulsion. L'ap- pelant ayant refusé de poursuivre la question de la validité de l'ordonnance, la Commission et cette Cour étaient donc sans compétence pour considérer que cette question était un motif d'appel.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34.
Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, S.C. 1966-67, chap. 90, art. 15(1)a),(4)a).
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2c Supp.), chap. 10, art. 28.
Loi sur l'immigration, S.R.C. 1952, chap. 325, art. 18(1)e)(ii).
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 72(1) (mod. par S.C. 1984, chap. 21, art. 81), 75(1), 76(1),(3)b)(ii).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Grillas c. Ministre de la Main-d'Oeuvre et de l'Immi- gration, [1972] R.C.S. 577; Mercier v. Canada (1985), 62 N.R. 73 (C.A.F.).
DÉCISION CITÉE:
Lyle c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1982] 2 C.F. 821 (C.A.).
AVOCATS:
F. J. O'Connor et Barbara L. Jackman pour
l'appelant.
Michael W. Duffy pour l'intimé.
PROCUREURS:
O'Connor, Ecclestone & Kaiser, Kingston, pour l'appelant.
Le sous-procureur genéral du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Appel est interjeté, par permission accordée sur consentement, par un immigrant reçu de la décision de la Commission d'appel de l'immigration rejetant une demande de réexamen de son ordonnance portant qu'une ordonnance de renvoi en date du 27 juillet 1971 soit exécutée aussitôt que possible. L'appelant est en Hongrie en 1952, il s'est installé en Grande- Bretagne en 1956 avec sa famille et il est devenu par la suite citoyen du Royaume-Uni. Il a été admis au Canada avec ses parents comme immi grant reçu à l'âge de 15 ans et il vit depuis dans ce pays. En janvier 1971, il a été déclaré coupable, en vertu du Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34], d'avoir pris et conduit illégalement un véhicule à moteur et en juin 1971, de tentative de vol d'une automobile. L'ordonnance d'expulsion rendue en vertu de la Loi sur l'immigration, S.R.C. 1952, chap. 325, modifiée, ci-après désignée «l'ancienne Loi», était fondée sur la conclusion qu'il était une personne visée par le sous-alinéa 18(1)e)(ii), c'est-à-dire «toute personne, autre qu'un citoyen canadien ou une personne ayant un domicile cana- dien, qui ... a été déclarée coupable d'une infrac tion visée par le Code criminel». La déclaration de culpabilité pour tentative de vol a été par la suite annulée en appel.
Un appel de l'ordonnance d'expulsion a été intenté et le 19 août 1975, rejeté. Cependant, l'exécution de l'ordonnance d'expulsion a fait l'ob- jet d'un sursis pendant deux ans en vertu de l'ali- néa 15(1)a) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, S.C. 1966-67, chap. 90. Le 20 avril 1976, après la condamnation de l'appelant pour d'autres infractions criminelles, la Commis sion a réexaminé son dossier. Le sursis à l'exécu- tion n'a pas été annulé mais un examen oral a été fixé pour le 18 août 1977, après l'expiration du sursis. Il y eut ajournement en attendant la déci- sion des tribunaux criminels à l'égard d'appels d'autres condamnations et peines. Les tentatives de reprise des procédures ont échoué en raison de l'incapacité de l'appelant de comparaître devant la Commission, parce qu'il était détenu en attendant son procès ou parce qu'il purgeait des peines aux diverses dates fixées pour l'audience. L'exécution de l'ordonnance d'expulsion a fait par la suite l'objet de sursis à l'occasion. Finalement, l'examen oral a eu lieu le 9 juin 1980 et, par ordonnance datée du 25 juin 1980, la Commission a annulé le sursis à l'ordonnance d'expulsion et ordonné qu'elle soit exécutée dès que possible.
Entretemps, le 10 avril 1978, la Loi sur l'immi- gration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, ci-après désignée «la Loi actuelle», était entrée en vigueur. Elle annulait l'ancienne Loi ainsi que la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration. Il y a une différence entre la Loi actuelle et l'ancienne Loi: en vertu du paragraphe 75(1) de la Loi actuelle, le sursis à l'exécution constitue une solution de rechange à l'admission ou au rejet d'un appel alors qu'en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, le rejet est une condition préalable à un sursis. Autre diffé- rence importante: la condamnation pour conduite d'une automobile volée, qui était à l'origine de l'ordonnance d'expulsion en vertu de l'ancienne Loi, n'aurait pu servir de fondement à une ordon- nance d'expulsion en vertu de la Loi actuelle. La permission d'en appeler de l'ordonnance de la Commission en date du 25 juin 1980 a été refusée le 12 février 1981 (numéro du greffe 80-A-325) et une demande en vertu de l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] contestant l'ordonnance a été rejetée le 24 juillet 1981 lorsque l'appelant, ayant renvoyé son avocat, n'a pas comparu en cour (numéro du greffe
A-428-80). Le 1" septembre 1987, un vice-prési- dent a accueilli la demande de l'appelant présentée à la Commission en vue de faire réexaminer l'or- donnance d'expulsion.
Lors de l'audience de réexamen, l'appelant a expressément refusé de contester la validité de l'ordonnance d'expulsion parce qu'il était d'avis que, même si elle était invalide, ses condamnations postérieures justifieraient une autre ordonnance d'expulsion en vertu de la Loi actuelle. Le seul point en litige qui a été discuté consistait à savoir si la Commission devrait exercer sa présumée com- pétence «en equity» afin de surseoir de nouveau à l'exécution. Néanmoins, il a bien exprimé son désir de se réserver le droit de contester la validité de l'ordonnance si la Commission n'exerçait pas sa compétence en equity en sa faveur.
Par ordonnance du 29 mars 1988, la Commis sion a refusé d'ordonner un autre sursis à l'exécu- tion de l'ordonnance d'expulsion. L'espèce est un appel de cette décision. L'appelant invoque deux motifs d'appel: la Commission, en exerçant sa compétence en equity, a commis une erreur pre- mièrement en ne concluant pas, vu toutes les cir- constances, que l'appelant ne devrait pas être ren- voyé du Canada et deuxièmement, en ne statuant pas que l'ordonnance d'expulsion était nulle et non avenue puisque la condamnation qui est à son origine n'est pas une condamnation sur laquelle peut être fondée une ordonnance d'expulsion en vertu de la Loi actuelle.
Le premier motif d'appel n'est pas fondé et il ne donne pas lieu à de nombreux commentaires. La Commission a conclu ce qui suit:
Il est clair que depuis 1980 l'appelant a réussi à défier tous les efforts faits par les autorités canadiennes pour le renvoyer, en utilisant à plein les ressources financières de son père et la générosité du système judiciaire. Et ce, il avait pleinement le droit de le faire. Toutefois, ce qui est particulièrement cynique et mauvais au sujet de cet appelant, c'est qu'il a délibérément commis des infractions criminelles et utilisé le système de justice et de pénitenciers pour se soustraire à l'exécution des lois d'immigration canadiennes. De l'avis de la Commission, cet appelant a poussé la tolérance et la générosité de la société et de la justice canadiennes à la limite et au-delà. En fait, par sa conduite il s'en est moqué et en a abusé. Tout membre raison- nable de la société canadienne qui examinerait cette saga de 17 ans conclurait qu'il a fourni un exemple vivant d'une situation où, avec suffisamment de ressources financières, suffisamment de demandes et d'appels, et suffisamment de lois criminelles à enfreindre, n'importe qui peut éviter pour toujours d'être expulsé du Canada. Et cela est scandaleux.
Même si le recours légitime aux tribunaux en vue d'empêcher l'exécution d'une ordonnance d'expul- sion n'est pas une raison pour que la Commission refuse d'exercer sa compétence en equity en faveur de l'appelant, il ne s'agit aucunement de la seule conduite que la Commission a envisagée. De la bouche même de l'appelant, la preuve abondait contre un autre sursis. Voici sa propre déclaration:
Vous savez, cela vous choquera peut-être, mais la raison pour laquelle je m'attirais toujours des ennuis, c'était parce que c'était la seule façon que je connaissais qui m'éviterait d'être expulsé.
Cela vous choquera peut-être un peu, mais c'est ce que je pensais. Je serai accusé, ils ne peuvent m'expulser, et j'ai donc continué à faire cela.
Il est évident que la Commission a tenu compte de toutes les preuves favorables et défavorables à un nouveau sursis à l'exécution de l'ordonnance d'ex- pulsion. On ne peut affirmer que la Commission était coupable d'erreur en exerçant sa discrétion comme elle l'a fait.
En affirmant que l'ordonnance d'expulsion est nulle et non avenue, l'appelant s'appuie sur la décision de la Cour dans l'arrêt Lyle c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [ 1982] 2 C.F. 821 (C.A.). Cependant, il me semble qu'avant qu'on puisse examiner la validité de l'ordonnance, il faut démontrer en premier lieu que la Commis sion avait en 1988 compétence pour entendre un appel sur la validité de l'ordonnance d'expulsion et en deuxième lieu, s'il en est ainsi, que nonobstant le refus de l'appelant de contester sa validité à l'audience en 1988, cette validité reste une ques tion que la Cour doit examiner à juste titre en appel de la décision de la Commission.
Il n'y a pas de doute que le réexamen du sursis a été correctement soumis à la Commission, étant donné que l'ordonnance d'expulsion avait été rendue en vertu de l'ancienne Loi et n'avait pas été exécutée.
Dans l'arrêt Grillas c. Ministre de la Main- d'Oeuvre et de l'Immigration, [1972] R.C.S. 577, la Cour suprême du Canada a statué que la page 590] la compétence en equity en vertu du paragraphe 15 (1) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration est «une compétence qui se prolonge dans le temps et non une compétence qu'elle exerce une fois pour toutes» et, à la page 582, que:
... jusqu'à l'exécution effective de l'ordonnance d'expulsion, la Commission a le pouvoir, comme elle l'a fait dans ce cas-ci, de reprendre un appel, d'entendre une nouvelle preuve, et, si elle le juge à propos, de réviser la décision qu'elle a déjà rendue et d'exercer le pouvoir discrétionnaire qu'elle possède en vertu de l'art. 15 d'autoriser un appelant à demeurer au Canada.
En rendant cette conclusion, la Cour suprême reconnaissait qu'en l'absence d'un pouvoir prévu par la loi d'examiner de nouveau une ordonnance définitive, un tribunal ne s'arroge ce pouvoir que (1) lorsqu'il y a eu une erreur de plume ou (2) lorsqu'il y a eu une erreur dans l'expression de l'intention manifeste de la cour. La jurisprudence récente a ajouté une troisième exception: (3) lors- qu'il y a un déni manifeste de justice naturelle dans les procédures qui ont donné lieu à l'ordon- nance. Aucune de ces exceptions ne s'applique dans les circonstances actuelles. La compétence continue en equity a été prévue dans la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration dont voici l'article 15:
15. (1) Lorsque la Commission rejette un appel d'une ordon- nance d'expulsion ou rend une ordonnance d'expulsion en con- formité de l'alinéa I4c), elle doit ordonner que l'ordonnance soit exécutée le plus tôt possible. Toutefois,
a) dans le cas d'une personne qui était un résident permanent à l'époque a été rendue l'ordonnance d'expulsion, compte tenu de toutes les circonstances du cas, ou
la Commission peut ordonner de surseoir à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion ou peut annuler l'ordonnance et ordonner d'accorder à la personne contre qui l'ordonnance avait été rendue le droit d'entrée ou de débarquement.
(4) Lorsqu'il a été sursis à l'exécution d'une ordonnance d'expulsion
a) en conformité de l'alinéa (I )a), la Commission peut, en tout temps par la suite, annuler l'ordonnance; ou
Il n'y a pas d'autre disposition qui permette de conclure à l'existence d'une compétence continue à l'égard de l'examen d'une décision antérieure sur la validité d'une ordonnance d'expulsion. Dans le cadre de l'ancienne Loi, un sursis à l'exécution ne pouvait être ordonné que par la Commission après que cette dernière eut rejeté l'appel de l'ordon- nance, et son pouvoir d'annuler une ordonnance après le rejet de l'appel était fonction d'un sursis encore en vigueur. Le sursis en l'espèce n'était pas en vigueur en 1988. On ne peut affirmer, en l'espèce, qu'on pouvait déduire une compétence continue de la législation ancienne par analogie avec la décision Grillas, permettant à la Commis-
Sion de réexaminer la validité de l'ordonnance d'expulsion. Cette compétence, si elle doit être prévue dans un texte quelconque, ne peut l'être que dans la Loi actuelle dont voici les dispositions pertinentes:
72. (1) Sous réserve du paragraphe (3), toute personne frappée d'une ordonnance de renvoi qui est soit un résident permanent, soit un titulaire de permis de retour valable et délivré conformément aux règlements, peut interjeter appel devant la Commission en invoquant l'un des deux motifs sui- vants, ou les deux:
a) un moyen d'appel comportant une question de droit ou de fait ou une question mixte de droit et de fait;
b) le fait que, compte tenu des circonstances de l'espèce, elle ne devrait pas être renvoyée du Canada.
75. (1) La Commission statuant sur un appel visé à l'article 72, peut
a) l'accueillir;
b) le rejeter; ou
c) ordonner de surseoir à l'exécution de l'ordonnance de renvoi en cas d'appel fondé sur les alinéas 72(I )b) ou 72(2)d).
76. (1) La Commission, en accueillant un appel visé à l'arti- cle 72, doit annuler l'ordonnance de renvoi et peut
a) prononcer toute autre ordonnance de renvoi que l'arbitre chargé de l'enquête aurait dii rendre; ou
b) ordonner, sauf s'il s'agit d'un résident permanent, que l'appelant soit examiné comme s'il demandait l'admission à un point d'entrée.
(2) Lorsque la Commission, en statuant sur un appel, ordonne de surseoir à l'exécution de l'ordonnance de renvoi, la personne concernée doit être autorisée à entrer ou à demeurer au Canada aux conditions que fixe la Commission. Celle-ci procédera à une révision de l'affaire chaque fois qu'elle juge opportun de le faire.
(3) Lorsque la Commission a statué sur un appel en ordon- nant de surseoir à l'exécution de l'ordonnance de renvoi, elle peut, à tout moment,
a) modifier les conditions imposées en vertu du paragraphe (2) ou en imposer de nouvelles; ou
b) annuler sa décision de surseoir à l'exécution de l'ordon- nance de renvoi, et
(i) rejeter l'appel et ordonner que l'ordonnance soit exécu- tée dès que les circonstances le permettent, ou
(ii) accueillir l'appel et prendre toute autre mesure visée au paragraphe (1).
L'effet pertinent de la Loi actuelle semble être identique à celui de la législation antérieure. Le seul pouvoir d'annuler une ordonnance d'expulsion qui a fait l'objet d'un sursis se trouve au sous-ali-
néa 76(3)b)(ii) parce qu'il recouvre le paragraphe 76(1). I1 s'agit d'un pouvoir qui doit être exercé conjointement avec l'annulation du sursis, et non sous forme d'un réexamen distinct de la validité de l'ordonnance d'expulsion. Le sursis a été annulé en 1980. Il n'y avait pas de sursis encore en vigueur en 1988 qui aurait permis de justifier une compé- tence pour examiner la validité de l'ordonnance d'expulsion. J'en conclus par conséquent qu'en 1988, la Commission d'appel de l'immigration n'était pas compétente pour réexaminer la validité de l'ordonnance d'expulsion comme motif distinct d'appel.
Si la Commission avait été convaincue que l'or- donnance d'expulsion était nulle et non avenue, cela aurait pu constituer fort bien un fait pertinent à retenir dans l'exercice de sa compétence continue en equity. Cependant, comme l'appelant n'a pas voulu soumettre la question à la Commission, on ne peut accuser cette dernière de ne pas l'avoir examinée. Comme l'a déclaré la Cour dans l'arrêt Mercier v. Canada (1985), 62 N.R. 73 (C.A.F.), à la page 74:
Lorsque cette cour entend un appel d'une décision de la Division de première instance, elle siège alors à titre de tribunal d'appel dont le rôle consiste à juger si l'on a statué adéquate- ment sur les questions soumises à l'instruction. Il ne nous appartient pas de décider si quelque autre question qui aurait pu être soulevée aurait entraîné un résultat différent si les faits essentiels avaient été établis.
Ce passage s'applique autant à un appel de la Commission d'appel de l'immigration qu'à la Divi sion de première instance. Finalement, par excès de prudence et au risque de répéter ce qui est évident, on peut affirmer qu'il n'y a aucune inten tion d'indiquer, en l'espèce, si l'ordonnance d'ex- pulsion est nulle et non avenue ni même si elle est annulée par application de la décision rendue dans l'arrêt Lyle ou autrement.
Je suis d'avis de rejeter cet appel. Le sursis à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion imposé par cette Cour devrait être annulé.
LE JUGE HEALD: J'y souscris. LE JUGE STONE: J'y souscris.
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