A-85I-88
American Airlines, Inc. (Appelante)
c.
Tribunal de la concurrence, Air Canada, Services
Air Canada Inc., PWA Corporation, Lignes
aériennes Canadien International, Pacific Wes
tern Airlines Ltd., Lignes aériennes Canadien
Pacifique, Limitée, 154793 Canada Ltd., 153333
Canada Limited Partnership, The Gemini Group
Automated Distribution Systems Inc., Directeur
des enquêtes et recherches, Wardair Canada Inc.,
Association des consommateurs du Canada, Pro-
cureur général de la province du Manitoba
(intimés)
RÉPERTORITE: AMERICAN AIRLINES, INC. C. CANADA (TRIBU-
NAL DE LA CONCURRENCE)
Cour d'appel, juge en chef Iacobucci, juges Heald
et Stone—Ottawa, 25 octobre et 10 novembre
1988.
Coalitions — Pratique — Étendue des interventions devant
le Tribunal de la concurrence sous le régime de l'art. 9(3) de la
Loi sur le Tribunal de la concurrence — L'art. 9(3) de cette loi
n'empêche pas le Tribunal d'autoriser les intervenants à parti-
ciper pleinement aux procédures, notamment en leur permet-
tant de participer à la communication, de présenter des élé-
ments de preuve et de contre-interroger les témoins — Pouvoir
discrétionnaire du Tribunal de déterminer le rôle spécifique
que sont appelés à jouer les intervenants dans une espèce
particulière.
Interprétation des lois — Sens de l'expression »présenter des
observations» utilisée à l'art. 9(3) de la Loi sur le Tribunal de
la concurrence — Étendue de l'intervention qui y est prévue —
La règle d'interprétation in pari materia peut être réfutée par
des arguments qui emportent la conviction.
Soupçonnant les sociétés Air Canada ou ses filiales, d'une
part, et les Lignes aériennes Canadien International et ses
associées, d'autre part, d'avoir fusionné leurs systèmes de réser-
vation informatisés, le directeur des enquêtes et recherches (le
directeur) a présenté devant le Tribunal de la concurrence une
demande en vue d'obtenir une ordonnance de dissolution de ce
fusionnement, alléguant que ce dernier empêcherait ou dimi-
nuerait la compétition dans la prestation de services de réserva-
tion informatisés.
La société American Airlines, Inc. (American), entre autres,
a déposé devant le Tribunal de la concurrence une requête en
intervention en vertu du paragraphe 9(3) de la Loi sur le
Tribunal de la concurrence. Ce paragraphe autorise les interve-
nants, avec la permission du Tribunal, à présenter des observa
tions concernant des questions qui les touchent. Le Tribunal a
accordé l'autorisation d'intervenir, mais il a interprété le para-
graphe 9(3) de façon à empêcher les intervenants de participer
aux interrogatoires préalables, à la présentation d'éléments de
preuve et au contre-interrogatoire des témoins. D'où les pré-
sents appel et contre-appel.
Arrêt: l'appel et le contre-appel devraient être accueillis.
Le principe selon lequel la cour jouit de la compétence et du
pouvoir discrétionnaire sur sa procédure, et à cet égard le
Tribunal est clairement investi de pouvoirs de nature judiciaire,
est à ce point essentiel qu'il ne peut être abrogé que par une
disposition législative clairement exprimée.
Selon la définition dans le dictionnaire, le terme anglais
«representations» s'étend non seulement aux exposés d'argu-
ments, mais aussi aux faits et aux motifs. Aussi les intervenants
devraient-ils être autorisés à exposer les faits sur lesquels ils
s'appuient? Cette interprétation est renforcée par le vaste objet
de la Loi sur la concurrence, tel qu'il ressort de son article 1.1.
En vue de la réalisation de cet objectif, il est logique que le
législateur ait fourni à ceux qui peuvent être touchés la possibi-
lité de participer efficacement aux procédures aux fins d'infor-
mer le Tribunal de l'impact que risquent d'entraîner sur eux les
agissements faisant l'objet de la plainte. Leur apport élargi ne
peut ainsi que contribuer à la prise d'une décision plus éclairée
et judicieuse.
Il est possible qu'une participation accrue des intervenants
prolonge et complique les procédures, mais c'est le prix à payer
pour satisfaire à l'exigence expresse d'équité du paragraphe
9(2).
Le fait que les articles 97 et 98 de la Loi sur la concurrence,
législation in pari materia avec la Loi sur le Tribunal de la
concurrence, autorisent le directeur à «présenter des observa
tions et des preuves» ne signifie pas nécessairement que le
législateur a voulu exclure de l'expression «présenter des obser
vations», utilisée au paragraphe 9(3) de la Loi sur le Tribunal
de la concurrence, la présentation d'éléments de preuve. La
règle d'interprétation applicable peut être réfutée, comme elle
l'a été en l'espèce, par des arguments qui emportent la
conviction.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen-
dice III.
Loi sur la concurrence, S.R.C. 1970, chap. C-23 (mod.
par S.C. 1986, chap. 26, art. 19), art. 1.1 (édicté,
idem), 22 (édicté, idem, art. 24), 60 (art. 50 100,
édicté, idem, art. 47), 64, 73, 76, 77, 97, 98.
Loi sur le Tribunal de la concurrence, S.C. 1986, chap.
26, art. 8, 9(1),(2),(3), 13(1), 16, 17.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
344(3) (mod. par DORS/87-221), 1203 (mod. par
DORS/79-57, art. 20), 1312.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Fishing Vessel Owners' Association of British Columbia
et autres c. Canada (1985), 57 N.R. 376 (C.A.F.).
AVOCATS:
Colin L. Campbell, c.r. pour l'appelante.
Nick J. Shultz et Janet Yale pour l'Associa-
tion des consommateurs du Canada.
Marshall E. Rothstein, c.r. pour Air Canada,
153333 Canada Limited Partnership, Services
Air Canada Inc.
Jo'Anne Strekaf pour PWA Corporation,
Lignes aériennes Canadien International,
Pacific Western Airlines Ltd., Lignes aérien-
nes Canadien Pacifique, Limitée, 154793
Canada Ltd., 153333 Canada Limited Part
nership, Services Air Canada Inc.
John F. Rook, c.r. et Trevor. S. Whiffen pour
le directeur des enquêtes et recherches.
Personne n'a comparu pour le procureur géné-
ral de la province du Manitoba.
Personne n'a comparu pour Wardair Canada
Inc.
PROCUREURS:
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour
l'appelante.
L'association des consommateurs du Canada,
Ottawa, pour son propre compte.
Aikins, MacAulay & Thorvaldson, Winni-
peg, pour Air Canada, 153333 Canada Limi
ted Partnership, Services Air Canada Inc.
Bennett Jones, Calgary, pour PWA Corpora
tion, Lignes aériennes Canadien Internatio
nal, Pacific Western Airlines Ltd., Lignes
aériennes Canadien Pacifique, Limitée,
154793 Canada Ltd., 153333 Canada Limited
Partnership, Services Air Canada Inc.
Holden, Murdoch & Finlay, Toronto, pour le
directeur des enquêtes et recherches.
Procureur général de la province du Mani-
toba, Winnipeg, pour son propre compte.
Blake, Cassels & Graydon, Toronto, pour
Wardair Canada Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF IACOBUCCI: La société Ame-
rican Airlines, Inc. (ci-après American ou l'appe-
lante) a interjeté appel, conformément au paragra-
phe 13(1) de la Loi sur le Tribunal de la
concurrence, S.C. 1986, chap. 26, de l'ordonnance
qu'a rendue le juge Strayer de ce Tribunal [ordon-
nance en date du 18-7-88, CT-88/1, encore iné-
dite] relativement à la demande de la société
d'intervenir, en application du paragraphe 9(3) de
cette même Loi, dans une procédure se déroulant
devant le Tribunal.
Il s'agit en l'occurrence de la demande qu'a
présentée le directeur des enquêtes et recherches
(ci-après le directeur) en vue notamment d'obtenir
une ordonnance en vertu de l'article 64 de la Loi
sur la concurrence, S.R.C. 1970, chap. C-23, telle
que modifiée [par S.C. 1986, chap. 26, art. 19,
47] *, ainsi qu'une ordonnance provisoire en vertu
de l'article 76 de cette Loi'. Le directeur allègue
que Air Canada et les Lignes aériennes Canadien
International ont, avec d'autres parties nommées,
fusionné leurs systèmes de réservation informatisés
et que ce fusionnement empêche ou diminue sensi-
blement la concurrence ou aura vraisemblablement
cet effet, au sens de l'article 64 de la Loi sur la
concurrence, dans la prestation au Canada de ser
vices de réservation informatisés aux lignes aérien-
nes, aux agents de voyage et aux consommateurs.
La société Wardair Canada Inc. (ci-après War-
dair) et l'Association des consommateurs du
Canada (ci-après l'ACC) ont également déposé
des requêtes en intervention. Dans son ordonnance,
le juge Strayer autorise les sociétés American et
Wardair, de même que l'ACC, à intervenir dans la
procédure, et en particulier à assister et à présen-
ter des arguments à toutes audiences relatives à
des requêtes et à toutes conférences préparatoires
et audiences concernant toutes questions qui tou-
chent chacune d'entre elles.
Appuyée par l'ACC qui s'est portée contre-
appelante conformément à la Règle 1203 des
Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663
(mod. par DORS/79-57, art. 20)], la société Ame-
rican en appelle de la portée limitée de l'interven-
tion permise par le juge Strayer. Soulignons que le
directeur appuie les arguments de l'appelante et
des autres intervenants en faveur de l'accroisse-
ment de leur intervention.
L'appelante soutient, en bref, que le juge
Strayer a erré en droit lorsqu'il a interprété le
paragraphe 9(3) de la Loi sur le Tribunal de la
* Note de l'arrêtiste: Les articles 50 100 de la Loi sur la
concurrence ont été ajoutés par S.C. 1986, chap. 26, art. 47.
' La demande du directeur a ultérieurement été modifiée par
ordonnance du Tribunal de la concurrence de façon à inclure
une demande de redressement en vertu du sous-alinéa
64(1)e)(iii), de l'article 77 et de l'alinéa 77(1)b) de la Loi sur
la concurrence.
concurrence de façon à empêcher les intervenants
de participer aux interrogatoires préalables, à la
présentation d'éléments de preuve et au contre-
interrogatoire des témoins 2 .
J'estime que l'appel et le contre-appel devraient
être accueillis, mais avant d'exposer mes motifs,
j'aimerais souligner .certains passages du jugement
dont appel, tant en raison de l'importance de la
question en litige eu égard aux procédures enga
gées sous le régime de la Loi sur la concurrence,
qu'à cause du caractère remarquablement complet
de l'analyse qu'y fait le juge Strayer.
Il convient, dès le départ, de citer l'article 9 de
la Loi sur le Tribunal de la concurrence:
9. (1) Le Tribunal est une cour d'archives et il a un sceau
officiel dont l'authenticité est admise d'office.
(2) Dans la mesure où les circonstances et l'équité le permet-
tent, il appartient au Tribunal d'agir sans formalisme, en
procédure expéditive.
(3) Toute personne peut, avec la permission du Tribunal,
intervenir dans les procédures se déroulant devant le Tribunal
afin de présenter des observations qui se rapportent à ces
procédures et qui concernent des questions touchant cette per-
sonne. [Non souligné dans le texte original.]
JUGEMENT DONT APPEL
Donnant au terme «observations» utilisé au para-
graphe 9(3) le sens d'«arguments», le juge Strayer
soutient que ne sauraient être compris dans ce
paragraphe les droits dont se réclament les interve-
nants, savoir le droit de participer à la communica
tion, de présenter des éléments de preuve et de
contre-interroger les témoins. Il affirme à cet
égard [aux pages 13 et 14 de l'ordonnance]:
Le paragraphe 9(3) de la Loi sur le Tribunal de la concur
rence autorise toute personne, y ayant été autorisée par le
Tribunal, à «intervenir ... afin de présenter des observa
tions ...» ... Le premier point à remarquer est que l'autorité
est donnée pour intervenir à une fin particulière seulement, et
l'on ne peut donc pas en faire dériver une autorité plus étendue
en faisant référence à d'autres sens que le terme «intervenir»
peut avoir dans d'autres contextes. L'expression «présenter des
observations» selon l'usage anglais («to make representations»)
évoque la présentation d'arguments, autrement dit, la persua
sion plutôt que la preuve. Si le terme employé dans la version
anglaise laisse subsister une ambiguïté sous-jacente, celle-ci
semble clarifiée dans la version française, qui précise la fin
2 Lors de l'audience présidée par le juge Strayer, la société
Wardair n'a apparemment pas demandé à participer à la
communication mais a exprimé le désir de présenter des élé-
ments de preuve et de contre-interroger les témoins, en plus de
soumettre des arguments.
d'une intervention permise: «afin de présenter des observations».
Le terme «observations» est plus communément appliqué à la
présentation de commentaires ou d'arguments devant un tribu
nal judiciaire ou administratif. [Dossier d'appel, p. 14-15.]
Le juge Strayer déclare que cette interprétation
du paragraphe 9(3) est renforcée par la référence
aux articles 97 et 98 de la Loi sur la concurrence,
lesquels autorisent le directeur à intervenir devant
les offices et organismes tant fédéraux que provin-
ciaux. Dans chacun de ces articles, dans la version
anglaise, le directeur est autorisé à «make repre
sentations to and call evidence before the board».
Ainsi, une distinction est faite entre «representa-
tions» et «the calling of evidence», ce que confirme
la version française des deux articles où il est
question de «présenter des observations et des
preuves» à l'article 97, et de «présenter des obser
vations et soumettre des éléments de preuve» à
l'article 98. Estimant que la Loi sur le Tribunal de
la concurrence et la Loi sur la concurrence sont in
pari materia, le juge soutient que le même terme
utilisé dans les deux lois doit avoir le même sens. Il
en conclut que, comme dans les articles 97 et 98 de
la Loi sur la concurrence le terme «observations»
n'inclut pas la présentation d'éléments de preuve, il
doit en être de même au paragraphe 9(3) de la Loi
sur le Tribunal de la concurrence, à savoir que
l'expression «présenter des observations» ne devrait
pas comprendre la présentation d'éléments de
preuve.
À l'appui de sa conclusion, le juge Strayer souli-
gne qu'accorder aux intervenants le rôle qu'ils
souhaitent équivaudrait à leur donner le statut de
parties et que seul le directeur peut, en vertu de la
Loi sur la concurrence, demander à ce qu'une
ordonnance soit rendue contre des personnes dési-
gnées. Ainsi, sont seules parties aux procédures se
déroulant sous l'empire de la Loi sur la concur
rence le directeur et les personnes à l'égard des-
quelles est demandée une ordonnance. Par consé-
quent, affirme le juge Strayer, il n'existe, en vertu
de cette Loi, aucun droit privé d'action contre les
parties à un fusionnement anticoncurrentiel puis-
que la seule action prévue est celle que prend le
directeur.
Le juge Strayer conclut également que le pou-
voir général implicite dont une cour est investie de
permettre l'intervention aux conditions qu'elle
estime appropriées est limité par le libellé restrictif
du paragraphe 9(3) de la Loi sur le Tribunal de la
concurrence. De plus, il estime que, dans le con-
texte de la Loi sur la concurrence, les procédures
qui se déroulent devant le Tribunal de la concur
rence ont un caractère justiciable, ce qui, à son
avis, vient renforcer l'interprétation étroite de ce
paragraphe. Voici ce qu'il déclare à ce propos [aux
pages 20 et 21]:
Cela est conforme avec l'opinion selon laquelle le Parlement a
créé un lis entre le directeur des enquêtes et recherches et les
parties à un fusionnement; ce lis doit être réglé en fonction des
faits et du droit que les parties directement en cause dans les
procédures ont la responsabilité première de présenter. Dans ce
contexte, il est logique que le rôle éventuel des intervenants soit
assez limité, et l'interprétation en ce sens du paragraphe 9(3)
ne peut être jugée absurde ni incompatible avec l'objet général
de la Loi. Le Parlement avait la possibilité de permettre à tous
ceux qui pourraient être touchés par un fusionnement d'engager
une procédure devant le Tribunal contre les parties au fusionne-
ment, mais il n'a pas choisi de le faire. À la place, il a de toute
évidence compris que le déclenchement d'une telle procédure et
sa conduite mettent en jeu des intérêts publics importants que
le directeur, en sa qualité de fonctionnaire, devait définir et
poursuivre de la façon qu'il juge la plus appropriée dans
l'intérêt public. Dans de telles circonstances, il importe peu que
d'autres personnes puissent avoir une opinion différente sur le
moment ou la façon de mener une telle procédure. Le directeur
sera sans doute reconnaissant à ces personnes de leur aide dans
l'établissement des preuves à l'appui des allégations qu'il a
formulées, mais c'est au directeur que revient la conduite de la
procédure. C'est lui qui, en dernière analyse, a la responsabilité
de cerner les questions, avec la collaboration des défenderesses,
et de fait d'en arriver à un règlement (sous réserve de l'appro-
bation du Tribunal en cas d'ordonnance par consentement).
[Dossier d'appel, p. 22-23.]
Le juge Strayer fait en outre remarquer qu'en
vertu des dispositions du paragraphe 9(2), le Tri
bunal de la concurrence se doit «Dans la mesure où
les circonstances et l'équité le permettent ...
d'agir sans formalisme, en procédure expéditive.»
À son avis, tout délai dont les intervenants pour-
raient être responsables dans la procédure, en
raison du grand nombre de témoins et de contre-
interrogatoires, ne pourrait que retarder les déci-
sions du Tribunal et dissuader les parties d'y
recourir: d'où la justification de l'interprétation
restrictive du terme «observations» utilisé au para-
graphe 9(3). En dernière analyse, le juge Strayer
évoque le rôle d'intervenants que jouent les procu-
reurs généraux provinciaux et fédéraux dans les
affaires constitutionnelles portées devant les juri-
dictions d'appel; il souligne que ces derniers n'ont
pas été indûment empêchés d'exercer leur fonction
en n'agissant pas en première instance en ce qui
concerne la présentation des éléments de preuve et
le contre-interrogatoire des témoins. Il affirme [à
la page 25]:
Le rôle du Tribunal de la concurrence dans les procédures de
fusionnement ressemble plus à celui d'un tribunal judiciaire
qu'à celui d'un organisme d'enquête publique, et il n'est ni
absurde, ni illogique, ni dégradant, pour des parties non enga
gées dans de telles procédures, d'être limitées à jouer un rôle
restreint: Si des preuves propres à aider l'une des parties
autorisées pouvaient être fournies, il est difficile de croire que
cette partie n'accepterait pas qu'on l'aide. Toutefois, si ces
parties non engagées veulent soulever de nouvelles questions
qu'aucune des parties n'est prête à appuyer, elles ne peuvent le
faire, puisque cela irait à l'encontre de la procédure contradic-
toire qu'a prévue le Parlement. [Dossier d'appel, p. 28.]
QUESTION EN LITIGE
Les motifs de l'ordonnance du juge Strayer ainsi
exposés, la question en litige devant cette Cour se
résume à l'interprétation du paragraphe 9(3) de la
Loi sur le Tribunal de la concurrence. Toutes les
parties ayant comparu devant la Cour sont en effet
d'accord avec le juge Strayer pour affirmer que,
n'eût été du paragraphe 9(3), le Tribunal aurait
l'autorité implicite de permettre aux intervenants
de présenter des éléments de preuve et de contre-
interroger des témoins. Il convient donc de décider
si ce paragraphe limite le rôle des intervenants
comme l'estime le juge Strayer ou si, comme le
soutiennent les appelants, ce même paragraphe
n'empêche pas le Tribunal de la concurrence de
déterminer, à sa discrétion, le rôle que les interve-
nants seront appelés à jouer.
MOTIFS D'ACCUEIL DE L'APPEL
Pour trancher cette question, il est intéressant
de partir du principe largement accepté suivant
lequel les tribunaux judiciaires et administratifs
sont maîtres de leur propre procédure. C'est en
vertu de ce principe que les tribunaux se sont
également vu reconnaître l'autorité ou le pouvoir
inhérent de permettre les interventions aux condi
tions qu'ils estiment adaptées aux circonstances.
La présente Cour a clairement exposé ce principe
dans l'affaire Fishing Vessel Owners' Association:
Chaque tribunal est investi du pouvoir fondamental de contrô-
ler sa propre procédure afin d'assurer que la justice est rendue.
Ce pouvoir est toutefois assujetti à toute limitation ou disposi
tion prévue soit par le droit en général, soit par une loi, soit par
les règles de la Cour 3 . [ Non souligné dans le texte original.]
3 Fishing Vessel Owners' Association of British Columbia et
autres c. Canada (1985), 57 N.R. 376 (C.A.F.), à la p. 381.
Dans le cas du Tribunal de la concurrence, sa loi
constitutive lui confère clairement des pouvoirs de
nature judiciaire de même qu'une compétence dis-
crétionnaire concomitante en matière de procé-
dure: voir l'article 8, le paragraphe 9(1) et l'article
16 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence 4 , et
particulièrement le paragraphe 8(2) suivant:
8....
(2) Le Tribunal a, en ce qui concerne la présence, la presta-
tion de serment et l'interrogatoire des témoins, la production et
l'examen de documents, l'exécution de ses ordonnances et les
questions nécessaires ou utiles à l'exercice de sa compétence,
tous les pouvoirs droits et privilèges d'une cour supérieure
d'archives.
Ce principe de la compétence et du pouvoir
discrétionnaire de la cour sur sa procédure est à ce
point essentiel à son bon fonctionnement et à celui
de la justice qu'il ne peut, à mon avis, être écarté
que par une disposition clairement exprimée de sa
loi constitutive ou d'une autre loi applicable. Or, si
l'on prend en compte la définition que donne le
dictionnaire des termes importants de l'article 9,
dans le contexte des procédures engagées sous le
régime de la Loi sur la concurrence, il est, à mon
avis, impossible de conclure, comme l'a fait le juge
Strayer, que le paragraphe 9(3) est libellé de façon
à faire expressément échec au pouvoir ou à la
discrétion inhérente du Tribunal.
En vertu du paragraphe 9(3), toute personne
peut, avec la permission du Tribunal de la concur
rence, intervenir «afin de présenter des observa
tions qui se rapportent [aux] procédures et qui
concernent des questions touchant cette personne».
Pour connaître la signification des mots utilisés
dans cette disposition, il y a lieu non seulement
d'en vérifier la définition dans le dictionnaire et
d'en examiner le contexte, mais également de tenir
compte de la nature des questions soulevées dans
l'action, ainsi que des objectifs globaux de la loi.
Entre autres définitions du terme «representa-
tion», The Shorter Oxford English Dictionary
° En vertu du paragraphe 8(1), le Tribunal entend les deman-
des présentées en application de la Partie VII de la Loi sur la
concurrence de même que les questions s'y rattachant; le para-
graphe 8(3) vise quant à lui la question de l'outrage au
tribunal. Le paragraphe 9(1) porte que le Tribunal est une cour
d'archives et qu'il a un sceau officiel dont l'authenticité est
admise d'office. L'article 16 lui confère le pouvoir d'établir des
règles d'application.
donne la suivante que j'estime applicable au para-
graphe 9(3):
[TRADUCTION] Un exposé formel et sérieux de faits, de motifs
ou d'arguments visant à apporter des changements, à prévenir
certaines actions, etc.... [Non souligné dans le texte original.]
Dans son ordonnance, le juge Strayer a choisi de
restreindre l'acception de ce terme à l'aspect
«arguments», dans le sens de la persuasion et non
de la preuve. D'après son raisonnement, les faits et
les motifs sur lesquels les intervenants appuient
leurs arguments proviennent du directeur (ou peut-
être de la partie à l'égard de laquelle ce dernier
demande une ordonnance).
Toutefois, il importe de souligner que le para-
graphe 9(3) permet à une personne d'intervenir
afin de présenter des observations qui se rappor-
tent aux procédures et qui concernent des ques
tions touchant cette personne. Il est ainsi expressé-
ment reconnu que le Tribunal peut rendre des
ordonnances susceptibles de toucher les interve-
nants comme dans le cas sous étude. Or, si les
intervenants peuvent présenter un exposé de faits,
de motifs ou d'arguments sur les questions qui les
touchent, on peut se demander s'ils ne devraient
pas, à la discrétion de la cour suivant le principe
général évoqué plus haut, être autorisés à présenter
des éléments de preuve à l'appui des faits montrant
en quoi ils sont concernés. De même, on peut se
demander pourquoi les intervenants ne pourraient
pas fonder leurs arguments ou leurs motifs sur des
faits qu'ils auraient eux-mêmes eu l'occasion de
produire en preuve.
Il me semble qu'il n'est pas satisfaisant de dire
que les intervenants doivent se fier au directeur
pour établir les faits (ou les motifs) sous prétexte
qu'il est le seul à être partie, ou que seuls possè-
dent ce statut le directeur et les personnes à
l'égard desquelles une ordonnance est demandée
ou qu'ils ont entre eux un litige, ou encore que
c'est au directeur que revient, en vertu de la Loi
sur la concurrence, la conduite de la procédure.
Je vois mal en quoi le fait de donner aux interve-
nants l'occasion de montrer, de façon significative
et efficace, l'effet qu'une ordonnance risque
d'avoir sur eux—le tout sous la surveillance et à la
discrétion du Tribunal—serait inconciliable avec le
caractère contradictoire ou justiciable de l'ins-
tance. De plus, en jouant un tel rôle, les interve-
nants ne modifieraient pas nécessairement le statut
des parties devant le Tribunal, ni la façon dont le
directeur conduit la procédure ni le caractère liti-
gieux de cette dernière. Je suis certain que les
juges du Tribunal de la concurrence peuvent, au
besoin, tenir compte de ces diverses considérations.
Ma conclusion en ce qui concerne le sens du
terme «observations» aux fins du paragraphe 9(3)
de la Loi sur le Tribunal de la concurrence est
renforcée par l'examen du contexte et de la nature
des procédures engagées sous le régime de la Loi
sur la concurrence.
L'objet de cette loi, tel qu'il ressort de son
article 1.1 [édicté par S.C. 1986, chap. 26, art.
19], est très vaste:
1.1 La présente loi a pour objet de préserver et de favoriser
la concurrence au Canada dans le but de stimuler l'adaptabilité
et l'efficience de l'économie canadienne, d'améliorer les chances
de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en
tenant simultanément compte du rôle de la concurrence étran-
gère au Canada, d'assurer à la petite et à la moyenne entreprise
une chance honnête de participer à l'économie canadienne, de
même que dans le but d'assurer aux consommateurs des prix
compétitifs et un choix dans les produits.
Il est manifeste à la lecture de cette disposition
que les agissements anti -concurrentiels, tel un
fusionnement donnant lieu à une diminution sensi
ble de la concurrence, peuvent avoir de grandes
répercussions et susciter un intérêt des plus vifs
chez de nombreuses personnes. Le Parlement a fait
du directeur le gardien de l'éthique dans ce
domaine, lui confiant le soin d'engager devant le
Tribunal les procédures découlant de l'application
de la Partie VII de cette Loi; mais parallèlement,
le législateur a fourni à ceux qui peuvent être
touchés la possibilité de participer aux procédures
aux fins d'informer le Tribunal de l'impact que
risquent d'entraîner sur eux les agissements faisant
l'objet de la plainte. Il faut à mon avis présumer
que le Parlement a voulu, non seulement autoriser
les intervenants à participer aux procédures, mais
également à le faire efficacement. En certains cas,
une interprétation restrictive du paragraphe 9(3)
pourrait compromettre le règlement satisfaisant
des litiges portés devant le Tribunal.
Dans la présente espèce, la Cour est notamment
saisie, conformément à l'article 64 de la Loi sur la
concurrence, d'une demande d'ordonnance de dis
solution du fusionnement des systèmes de réserva-
tion informatisés dans le secteur des lignes aérien-
nes. À l'article 65 sont énumérés les différents
éléments dont le Tribunal peut tenir compte lors-
qu'il détermine s'il y a lieu d'émettre une telle
ordonnance. Ces facteurs couvrant un champ assez
vaste, il paraît raisonnable de présumer que les
personnes se qualifiant comme intervenantes aux
termes du paragraphe 9(3) seraient bien placées
pour éclairer le Tribunal à cet égard par des
arguments et des motifs fondés sur des faits. Il
peut en outre être allégué que, suivant la nature
des questions soulevées et les circonstances de
l'espèce, les intervenants pourraient démontrer
plus efficacement l'existence de ces faits s'ils
avaient aussi la possibilité de soumettre des élé-
ments de preuve ou de contre-interroger les
témoins.
Il me semble qu'en étant autorisés à jouer un
rôle plus actif que de simplement présenter des
arguments, les intervenants recevraient également
un traitement plus équitable. Bien qu'en l'espèce le
directeur appuie la thèse de l'interprétation large,
il est facile d'envisager des situations où le direc-
teur et un intervenant ne seraient pas d'accord sur
une question de fait ou de preuve devant être
soumise au Tribunal. Il est donc non seulement
logique mais équitable de donner au Tribunal la
compétence de trancher le débat au lieu d'en lais-
ser chaque fois la responsabilité au directeur.
L'équité est un facteur important à considérer
puisqu'aux termes mêmes du paragraphe 9(2) de
la Loi sur le Tribunal de la concurrence, le Tribu
nal se doit d'agir sans formalisme, en procédure
expéditive, dans la mesure où les circonstances et
l'équité le permettent. Cet aspect rejoint la préoc-
cupation exprimée par le juge Strayer, à savoir
qu'une participation accrue des intervenants ris-
querait de prolonger et de compliquer les procédu-
res se déroulant devant le Tribunal et d'en retarder
par le fait même les décisions. Cependant, si tel
était le cas, ce serait, à n'en pas douter, le prix à
payer pour satisfaire à l'exigence expresse du para-
graphe 9(2).
Considérons enfin l'opinion du juge Strayer
selon laquelle la thèse de l'interprétation étroite est
renforcée par le texte des articles 97 et 98 de la
Loi sur la concurrence. Dans ces dispositions qui,
de l'avis du juge Strayer, sont contenues dans une
loi in pari materia avec la Loi sur le Tribunal de
la concurrence, est établie une distinction entre le
fait de présenter des observations et celui de sou-
mettre des preuves. Il en conclut que la même
distinction doit s'appliquer au paragraphe 9(3) de
la Loi sur le Tribunal de la concurrence.
Que ces lois soient in pari materia, je ne le
conteste pas; ce que je ne peux accepter cependant,
c'est que le choix des termes utilisés aux articles 97
et 98 de la Loi sur la concurrence en dicte la
signification au paragraphe 9(3) de la Loi sur le
Tribunal de la concurrence. En effet, les termes
«observations» et «faire des observations» figurent
dans plusieurs autres dispositions de ces deux lois.
Par exemple, les articles 60 et 73 de la Loi sur la
concurrence autorisent le procureur général d'une
province à intervenir «pour présenter des observa
tions» au nom de la province; aux paragraphes 22
[édicté par S.C. 1986, chap. 26, art. 24] (2) et (3)
de cette même Loi, les personnes intéressées sont
autorisées à «présenter des observations» à l'égard
de projets de règlements relatifs à certaines
demandes, ordonnances et procédures; en vertu
enfin de l'article 17 de la Loi sur le Tribunal de la
concurrence, le Tribunal invite les intéressés «à lui
présenter par écrit leurs observations» à l'égard de
toute règle d'application qu'il peut établir. Or, je
ne crois pas que dans chacune de ces dispositions,
le terme «observations» doive nécessairement revê-
tir la même signification, particulièrement lorsque
le contexte et l'objet de la disposition s'y opposent.
Les articles 97 et 98 de la Loi sur la concurrence
confèrent au directeur le pouvoir de comparaître
devant des organismes ou offices fédéraux et pro-
vinciaux où sont soulevés des éléments différents
de ceux dont il est question au paragraphe 9(3) de
la Loi sur le Tribunal de la concurrence. Il se
peut, bien que je m'abstienne de toute conclusion
formelle à ce sujet, que le Parlement ait, pour plus
de précaution, ajouté la «soumission d'éléments de
preuve» aux articles 97 et 98 afin que lesdits
offices et organismes n'interprètent pas restrictive-
ment le droit du directeur de présenter des obser
vations. Quoi qu'il en soit, j'estime qu'il appartient
à la cour, dans chaque cas, de déterminer le sens
d'une disposition donnée en examinant le texte de
cette disposition de même que le contexte dans
lequel elle s'insère. Ainsi, le fait que le Parlement
ait choisi d'utiliser, dans une autre disposition
d'une loi connexe, une formulation qui paraît avoir
une signification particulière, ne doit pas suffire à
écarter les raisons par ailleurs convaincantes de
croire que la disposition en litige en l'espèce
devrait recevoir la même interprétation. Le moyen
tiré des articles 97 et 98 n'est après tout qu'une
règle d'interprétation dont l'application peut être
réfutée—et elle l'a été dans la présente affaire—
par des arguments qui emportent la conviction.
Vu ces motifs, il n'y a pas lieu que je me
prononce sur les autres arguments de l'appelante à
l'encontre du jugement du juge Strayer, savoir le
déni de justice naturelle ou la contravention à la
Déclaration canadienne des droits [S.R.C. 1970,
Appendice III].
CONCLUSION
Étant donné la signification ordinaire du terme
«observations» selon le dictionnaire ainsi qu'il
appert de l'examen ci-haut, et vu la reconnaissance
expresse au paragraphe 9(3) des intervenants
comme personnes touchées par les procédures en
matière de concurrence, vu enfin l'objet et le con-
texte global de la Loi sur la concurrence et des
procédures y relatives, j'en viens à la conclusion
que le terme «observations» figurant au paragraphe
9(3) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence
n'est pas utilisé dans un sens aussi restrictif que l'a
affirmé le juge Strayer. En conséquence, je suis
d'avis d'accueillir l'appel et le contre-appel, d'infir-
mer la décision du juge Strayer et de renvoyer
l'affaire au Tribunal, eu égard aux principes
suivants:
a) rien n'empêche le Tribunal, dans l'exercice de
sa discrétion inhérente, d'autoriser les interve-
nants à participer pleinement aux procédures
dont il est saisi en leur permettant notamment,
s'il en décide ainsi, de participer à la communi
cation, de présenter des éléments de preuve et
de contre-interroger les témoins;
b) il appartient au Tribunal de déterminer le rôle
spécifique que seront appelés à jouer les inter-
venants dans la présente procédure, compte
tenu des circonstances de l'espèce, mais dans le
respect des principes d'équité et de justice fon-
damentale et sous réserve des exigences du
paragraphe 9(3) portant que les observations
des intervenants doivent se rapporter à cette
procédure et concerner des questions qui les
touchent.
Il reste à trancher la question des dépens. Ni
l'appelante, ni les parties qui l'ont appuyée n'ont
demandé qu'ils leur soient adjugés, que ce soit
dans leurs exposés ou oralement lors de l'audition
de l'appel. Les avocats des intimés ont par contre
demandé dans leur exposé que l'appel soit rejeté
avec dépens. Ils n'ont toutefois pas présenté d'ar-
guments oraux à cet effet. La Cour estime donc
qu'aucun argument, oral ou écrit, n'a été porté à
son attention à ce sujet. Je suis néanmoins d'avis
qu'il convient de statuer sur les dépens.
Le paragraphe 13 (1) de la Loi sur le Tribunal
de la concurrence dispose que les décisions ou
ordonnances du Tribunal sont susceptibles d'appel
devant la présente Cour «tout comme s'il s'agissait
de jugements de la Division de première instance
de cette Cour». Par conséquent, il semble que la
question des dépens doive être réglée, dans le cas
d'une décision du Tribunal frappée d'appel, de la
même façon que dans le cas d'un appel en prove
nance de la Division de première instance. Or, en
vertu de la nouvelle Règle 344 [mod. par
DORS/87-221] en vigueur depuis le 1" avril 1987,
il semble manifeste que la Cour a entière discré-
tion pour adjuger les dépens. Le paragraphe (3) de
cette Règle énumère une série de facteurs dont la
Cour a le droit de tenir compte à cet égard, l'un
d'eux étant le résultat de l'instance. L'appelante et
les parties qui l'ont appuyée ayant eu gain de cause
en l'espèce, j'estime qu'il s'agit, dans les circons-
tances, d'une raison suffisante pour adjuger des
dépens. L'examen des autres facteurs énumérés,
dans la mesure où ils se rapportent aux circons-
tances du présent appel, n'ébranle pas ma
conviction.
Je dois cependant ajouter que, n'eussent été les
dispositions du paragraphe 13(1) de la Loi sur le
Tribunal de la concurrence, la discrétion dont jouit
la Cour en vertu de la Règle 344(1) aurait dû
s'exercer en conformité avec les dispositions de la
Règle 1312, laquelle constitue la règle générale
applicable aux appels émanant de tribunaux autres
que la Division de première instance. Cette Règle
est ainsi libellée:
Règle /312. Il n'y aura pas de dépens entre parties à un appel
interjeté sous le régime du présent chapitre, à moins que la
Cour, à sa discrétion, ne l'ordonne pour une raison spéciale.
Si je devais appliquer cette Règle à l'espèce, je
n'aurais aucune hésitation à conclure qu'il ne doit
pas y avoir d'adjudication de dépens à moins
qu'une raison spéciale n'apparaisse au dossier.
Cependant, vu le texte de l'article 13 précité,
j'estime que c'est la Règle 344(1), et non la Règle
1312, qui s'applique dans le présent cas: comme,
pour les motifs déjà exprimés, j'adjugerais des
dépens s'il s'agissait d'un appel provenant de la
Division de première instance, je suis d'avis d'ac-
cueillir l'appel et le contre-appel avec dépens, si
demande en est faite.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE STONE: Je suis d'accord avec ces
motifs.
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