A-108-87
Ken Rubin (appelant) (requérant)
c.
Président de la Société canadienne d'hypothèques
et de logement (intimé)
RÉPERTORIE: RUBIN C. CANADA (SOCIÉTÉ CANADIENNE D'HY-
POTHÈQUES ET DE LOGEMENT)
Cour d'appel, juges Heald, Urie et Stone—
Ottawa, 11 mai et 6 juillet 1988.
Accès à l'information — Les procès-verbaux des réunions de
la SCHL sont-ils exempts de communication sous le régime de
l'art. 21(1)b) de la Loi sur l'accès à l'information? — Erreur
commise en concluant que tous les documents étaient visés par
l'exception énoncée à l'art. 21(1)b), et en ne procédant pas au
prélèvement des parties susceptibles de communication — La
décision du juge des requêtes n'a pas tenu compte des objectifs
de la Loi — Le droit du public à l'accès est susceptible de
recours indépendants du pouvoir excécutif — Le fardeau de la
preuve d'une exemption incombe à l'institution fédérale qui y
prétend.
Appel est interjeté de la décision par laquelle la Division de
première instance a rejeté un recours en révision du refus par la
SCHL de donner communication des procès-verbaux des réu-
nions de son comité exécutif et de son conseil d'administration.
Des échantillons prélevés au hasard des ordres du jour des
réunions ont été fournis, mais on a refusé de donner communi
cation des procès-verbaux en invoquant l'alinéa 21(1)b) de la
Loi sur l'accès à l'information et la jurisprudence selon laquelle
le droit à la communication est assujettie au pouvoir discrétion-
naire du responsable d'une institution fédérale.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
L'affaire Canada (Commissaire à l'information) c. Conseil
de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes,
[1986] 3 C.F. 413 (1« inst.), que l'intimé a invoquée, se
distingue de l'espèce, parce que la demande dans cette affai-
re-là portait sur un ensemble particulier de documents, alors
que l'espèce porte sur une grande variété de documents à
laquelle on aurait dû appliquer les dispositions relatives au
prélèvement obligatoire de l'article 25. On aurait dû examiner
les documents pour tenter de séparer les parties qui auraient pu
faire l'objet d'un prélèvement, particulièrement compte tenu de
l'avis exprimé par le commissaire adjoint à l'information selon
lequel «la divulgation de la plus grande partie des procès-ver-
baux ne nuirait pas aux intérêts de la Société». L'échantillon
des ordres du jour comprend plusieurs articles dont on ne peut
nullement dire qu'ils sont couverts par la rubrique conseils
donnés à l'institution ou à son ministre par des cadres ou des
employés d'un organisme, ou comptes rendus de consultations
ou de délibérations faits par ceux-ci.
De plus, la conclusion de la Division de première instance
selon laquelle une fois qu'il est décidé qu'un document entre
dans la catégorie de documents mentionnés au paragraphe
21(1), le droit à la communication est assujetti au pouvoir
discrétionnaire du responsable de l'institution, ne tient pas
compte des objets et des fins visés par la Loi. La Loi vise à
prévoir un moyen permettant d'assujettir les décisions relatives
à l'accès du public aux documents publics à des recours indé-
pendants du pouvoir exécutif. En vertu de l'article 2, il incombe
à l'institution fédérale de rapporter la preuve d'une exemption.
L'article 46 autorise la Cour à examiner tout document pour
s'assurer que le pouvoir discrétionnaire conféré au responsable
administratif a été exercé selon les principes appropriés.
L'intimé a eu tort de conclure que tous les documents étaient
visés par l'exception énoncée à l'alinéa 21(1)b) et de ne pas
procéder au prélèvement requis par l'article 25.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83,
chap. I 11, annexe I, art. 2 (mod. par S.C. 1984, chap.
40, art. 79), 4(1), 11, 21(1)b), 25, 41, 49.
Règlement sur l'accès à ['information, DORS/83-507,
art. 7.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Canada (Commissaire à ['information) c. Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications canadiennes,
[1986] 3 C.F. 413 (1' inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Padfield v. Minister of Agriculture, Fisheries and Food,
[1968] A.C. 997 (H.L.); Oakwood Developments Ltd. c.
Municipalité rurale de St. François Xavier, [1985] 2
R.C.S. 164; Anisminic Ltd. v. Foreign Compensation
Commission, [1969] 2 A.C. 147 (H.L.).
AVOCATS:
Richard G. Dearden et Neil Wilson pour
l'appelant (requérant).
Barbara A. Mcisaac pour l'intimé.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'appe-
lant (requérant).
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Appel est interjeté d'une
ordonnance que la Division de première instance a
rendue le 3 février 1987 [Rubin c. Société cana-
dienne d'hypothèques et de logement (président)
(1987), 8 F.T.R. 230 (C.F. lfe inst.)]. Dans cette
ordonnance, le juge des requêtes a rejeté une
demande présentée par l'appelant en vertu de l'ar-
tide 41 de la Loi sur l'accès à l'information, S.C.
1980-81-82-83, chap. 111, annexe I (la Loi)'.
Les circonstances conduisant à la demande
fondée sur l'article 41 peuvent être résumées en ces
termes. Le 6 mars 1985, l'appelant s'est adressé à
la Société canadienne d'hypothèques et de loge-
ment (SCHL) pour avoir accès aux [TRADUC-
TION] «procès-verbaux des réunions du comité exé-
cutif du conseil d'administration, y compris les
annexes (tels que les rapports du personnel au
conseil) depuis 1970 jusqu'au 7 mars 1985». Cette
demande est également parvenue au Bureau natio
nal de la SCHL le 6 mars. Par lettre recommandée
en date du 7 mars 1985, Mme Lezlie Oler, coor-
donnatrice, accès à l'information et protection des
renseignements personnels de la SCHL a, après
avoir cité l'alinéa 21(1)b) de la Loi 2 , informé
l'appelant que: [TRADUCTION] «Les procès-ver-
baux du conseil d'administration et du comité
exécutif du conseil d'administration contiennent
des comptes rendus de délibérations au sens de
l'alinéa 21(1)b) de la Loi. Nous ne pouvons, par
conséquent, vous fournir l'information que vous
demandez.»
L'intimé avait délégué à Mme Oler les attribu
tions qu'il tient de la Loi. Cette délégation a été
I Voici le libellé de l'article 41:
41. La personne qui s'est vu refuser communication totale
ou partielle d'un document demandé en vertu de la présente
loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet
devant le Commissaire à l'information peut, dans un délai de
quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire
prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de
la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou
après l'expiration du délai, le proroger ou en autoriser la
prorogation.
2 L'alinéa 21(1)b) est ainsi conçu:
21. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut
refuser la communication de documents datés de moins de
vingt ans lors de la demande et contenant:
b) des comptes rendus de consultations ou délibérations où
sont concernés des cadres ou employés d'une institution
fédérale, un ministre de la Couronne ou le personnel de
celui-ci;
faite en juillet 1983 en vertu de l'article 73 de la
Loi.
Le 16 mars 1985, l'appelant s'est fondé sur la
Loi pour déposer une plainte auprès du Commis-
saire à l'information du Canada, relativement au
refus par la SCHL de lui communiquer l'informa-
tion demandée. Par suite de discussions menées
entre l'appelant et la SCHL, celle-ci a fourni des
échantillons représentatifs des ordres du jour de
plusieurs réunions du conseil d'administration de
la SCHL au cours de la période allant du 24 août
1976 au 21 mars 1985, et elle a également choisi
au hasard des ordres du jour des réunions du
comité exécutif pendant la période du 13 juin 1974
au 21 mars 1985. Le 2 octobre 1985, l'appelant a
demandé à la SCHL de lui fournir d'autres ordres
du jour, et il a continué de contester le refus par
celle-ci de fournir les véritables procès-verbaux des
réunions du conseil d'administration et du comité
exécutif.
Le 27 mars 1986, M. Bruce Mann, commissaire
adjoint à l'information du Canada, a rendu compte
par lettre à l'appelant (dossier d'appel, pages 16 et
17) des conclusions de son enquête relative à la
plainte de ce dernier. Dans ce compte rendu, il a
fait état de la décision rendue par la Division de
première instance dans l'affaire Canada (Commis-
saire à l'information) c. Conseil de la radiodiffu-
sion et des télécommunications canadiennes,
[1986] 3 C.F. 413 (1re inst.), et il a avisé l'appelant
que l'affaire CRTC [TRADUCTION] «a un effet
direct sur la façon dont nous traiterons votre
demande de communication des procès-verbaux
des réunions de la SCHL». Il a ajouté ceci:
[TRADUCTION] Je pense qu'il est juste de vous informer que
j'avais décidé que l'application de l'exception prévue par l'ali-
néa 21(1)b) à tous les procès-verbaux de la S.C.H.L. ne se
justifiait pas et que j'avais recommandé leur divulgation, sous
réserve d'exceptions plus spécifiques qui auraient pu être appro-
priées ... Je ne change pas ma décision ... La décision dans
l'affaire C.R.T.C. a clairement montré que le pouvoir d'inter-
vention de la Cour était limité mais n'a pas touché au mandat
de notre bureau de prendre toutes les décisions et de faire
toutes les recommandations que nous considérons appropriées.
La décision dans l'affaire C.R.T.C. a évidemment limité les
mesures que nous pouvons prendre après avoir rendu notre
décision et fait notre recommandation et j'espère qu'on pourra
trouver une solution de compromis.
À la même date, le Commissaire adjoint a égale-
ment fait un compte rendu, sous forme de lettre, à
la SCHL (dossier d'appel, pages 24à 28). Dans
cette lettre, il a tenu les propos suivants après avoir
fait mention de la décision CRTC (dossier d'appel,
page 25):
[TRADUCTION] Par suite de la décision de la Cour, il est clair
que lorsque le pouvoir discrétionnaire d'exempter un document
sous le régime de l'alinéa 21(1)b) est exercé, la Cour ne saurait
intervenir, pourvu que les documents relèvent de la catégorie
déterminée et que le responsable de l'institution fédérale con-
cernée n'ait pas agi de façon répréhensible.
À la page 26 du dossier d'appel, il s'est exprimé en
ces termes:
[TRADUCTION] Bien que nous estimions que la S.C.H.L. ne
nous a pas fourni des raisons convaincantes pour refuser de
communiquer la totalité de ses procès-verbaux, et c'est la
conclusion dont nous ferons part au plaignant, il appert mainte-
nant que, pour nous comme pour le plaignant, recourir au
contrôle judiciaire pour y remédier n'aboutissait à rien.
Le 22 avril 1986, l'appelant a adressé à la
SCHL une autre demande de communication de
renseignements. Cette demande a donné lieu à la
correspondance suivante:
a) une lettre envoyée par le Commissaire
adjoint à l'information à l'intimé le 3 septembre
1986 (dossier d'appel, pages 34 à 36 dans laquelle
il a tenu les propos suivants à la page 35):
[TRADUCTION] En supposant que les documents que j'ai exa-
minés représentent bien les quelques treize pieds de registres
qui, si je comprends bien, tomberaient sous le coup de la
demande d'accès, je ne conteste pas que les procès-verbaux
soient en effet des comptes rendus de consultations ou de
délibérations concernant des cadres ou des employés ... et, par
conséquent, font partie des documents qui peuvent être exemp
tés en vertu de l'alinéa 21(1)b). La question que je dois
trancher est de savoir si la SCHL aurait dû exercer en l'espèce
son pouvoir discrétionnaire de façon si générale. Je ne pense pas
qu'il convienne d'exempter de communication tous les docu
ments simplement parce qu'ils peuvent rentrer dans la catégorie
décrite à l'alinéa 21(1)b), qui est en fait d'une portée très
générale. Le faire rendrait inopérantes plusieurs autres disposi
tions d'exemption expresses de la Loi et constituerait une
dérogation au principe selon lequel les exceptions indispensa
bles au droit du public à la communication des documents de
l'administration fédérale doivent être précises et limitées.
S'il peut y avoir des raisons valables pour exempter certaines
parties des documents demandés, en vertu de l'alinéa 21(1)b)
... le reste des documents doit être divulgué en vertu du
principe des prélèvements prévu par l'article 25 de la Loi. Cette
possibilité a été envisagée avec les représentants de la SCHL
mais l'exemption complète de la divulgation de tous les docu
ments demandés a été maintenue.
À mon avis, qui se fonde sur mon examen de l'échantillon des
documents, la divulgation de la plus grande partie des procès-
verbaux ne nuirait pas aux intérêts de la société.
b) une lettre expurgée envoyée le 10 septembre
1985 par l'avocat-conseil général et secrétaire de la
SCHL au commissaire adjoint à l'information
(dossier d'appel, pages 37 et 38). Les renseigne-
ments pertinents dans cette lettre portent sur le
fait que la demande originaire de l'appelant con-
cernait treize pieds de documents, et que faire
droit à la demande de communication de l'appe-
lant nécessiterait environ trois mois-personne et
coûterait à la société environ 4 800 $, les frais de
reproduction n'y étant pas inclus.
c) une autre lettre envoyée le 22 avril 1986 par
l'avocat-conseil général et secrétaire de la SCHL
au commissaire adjoint à l'information (dossier
d'appel, page 44). La partie pertinente de cette
lettre est ainsi rédigée:
[TRADUCTION] À la SCHL, nous attendions avec beaucoup
d'intérêt la décision de la Cour fédérale dans l'affaire CRTC.
Ainsi que nous l'avons discuté précédemment, la Société a fait
sienne la position du CRTC selon laquelle les procès-verbaux
entrent dans la catégorie de documents visés à l'alinéa 21(1)b)
de la Loi sur l'accès à l'information.
Naturellement, le jugement rendu récemment par la Cour
fédérale dans cette affaire nous a satisfaits.
À ce stade, je ne peux prévoir que la plainte de M. Rubin puisse
être tranchée par voie de médiation, et je ne peux non plus être
d'accord avec votre proposition selon laquelle «sans un engage
ment réel ou implicite de communication de tous ses procès-ver-
baux, la SCHL en communiquerait une partie représentative».
La Société n'est pas disposée à créer un précédent en communi-
quant des parties des procès-verbaux au requérant et, à ce
stade, nous sommes enclins à suivre la décision de la Cour
fédérale.
L'ORDONNANCE DE LA DIVISION DE PREMIÈRE
INSTANCE
a) La décision fondée sur l'article 25
Le juge des requêtes a estimé que la situation de
fait en l'espèce était «clairement parallèle...» à
celle de l'affaire CRTC susmentionnée. En consé-
quence, il a conclu [à la page 234] que: «aucune
distinction réelle n'est possible entre [elles]», et il
s'est trouvé, bien que peu disposé à le faire, forcé
de suivre cette décision (voir dossier d'appel, page
124). Il a cité un extrait des motifs prononcés par
le juge en chef adjoint dans l'affaire CRTC [à la
page 420]:
Une fois qu'il est décidé qu'un document entre dans la catégorie
de documents mentionnés au paragraphe 21(1), le droit du
requérant d'en obtenir la communication est assujetti au pou-
voir discrétionnaire du responsable de l'institution fédérale de
donner suite à la demande. Autrement dit, le requérant ne
possède pas un droit absolu à la communication des documents
visés par le paragraphe 21(1).
Avec tout le respect que je dois au juge des
requêtes, je ne saurais convenir que les faits de
l'espèce sont clairement parallèles à ceux de l'af-
faire CRTC. Dans celle-ci, la demande de commu
nication de renseignements du requérant portait
sur le compte rendu d'une partie particulière d'un
seul ensemble de procès-verbaux du comité de
direction concernant une décision relative à sa
propre demande. Dans cette affaire, rien n'a laissé
entendre que les dispositions de l'article 25
entraient en jeu. Par contre, en l'espèce, la
demande porte sur une grande variété de docu
ments relatifs à des logements. J'estime que l'arti-
cle 25 s'applique clairement aux faits de l'espèce.
Voici son libellé:
25. Le responsable d'une institution fédérale, dans les cas où
il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le
document demandé, s'autoriser de la présente loi pour refuser
la communication du document, est cependant tenu, nonobstant
les autres dispositions de la présente loi, d'en communiquer les
parties dépourvues des renseignements en cause, à condition
que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes
sérieux.
J'estime qu'il importe de faire remarquer que
l'article 25 est un article prépondérant puisque
l'expression «nonobstant les autres dispositions de
la présente loi» est employée. À mon avis, cela
signifie qu'une fois que le responsable d'une insti
tution fédérale a décidé, comme en l'espèce, que
certains des documents sont exemptés de commu
nication, lui, ou son délégué, est tenu d'examiner si
une partie des documents demandés peut raisonna-
blement faire l'objet d'un prélèvement. L'article 25
fait usage du mot «shan» (est tenu) qui exprime
l'obligation de communiquer cette partie tronquée,
obligeant de la sorte le responsable de l'institution
à procéder au prélèvement prescrit. Il ressort du
dossier de l'espèce qu'un tel examen n'a pas été
fait. La SCHL a reçu la demande de renseigne-
ments le 6 mars 1985. Elle l'a rejetée le 7 mars
1985, soit un jour plus tard. Étant donné que treize
pieds de documents sont en cause, il aurait été
matériellement impossible d'achever l'examen
prévu à l'article 25 en un laps de temps aussi court.
En fait, l'avocat de l'intimé n'a pas laissé entendre
qu'on avait en l'espèce procédé à un tel examen.
Selon l'avocate, il y a en l'espèce preuve [TRA-
DUCTION] «accablante que les procès-verbaux du
conseil d'administration et du conseil exécutif de la
SCHL seraient, des comptes rendus de consulta
tions ou délibérations où sont concernés des cadres
ou employés d'une institution fédérale». (Voir l'ex-
posé des faits et du droit de l'intimé, paragraphe
41.)
Toujours selon l'avocate, rien ne prouvait qu'il
serait raisonnable dans les circonstances de préle-
ver certains des renseignements visés à l'alinéa
21(1)b). À mon avis, le dossier n'étaye pas ce point
de vue. Dans la lettre qu'il a envoyée à l'intimé le 3
septembre 1986, le commissaire adjoint à l'infor-
mation du Canada a exprimé le très clair avis, qui
se fonde sur son examen de l'échantillon des docu
ments, que [TRADUCTION] «la divulgation de la
plus grande partie des procès-verbaux ne nuirait
pas aux intérêts de la Société». On devrait tenir
compte de cet avis mûrement réfléchi d'un fonc-
tionnaire supérieur et digne de confiance. De plus,
l'exemption générale réclamée en l'espèce par l'in-
timé fait effectivement violence aux objets de la
Loi tels qu'ils sont énoncés à l'article 2 [mod. par
S.C. 1984, chap. 40, art. 79] de celle-ci'.
À mon avis, cet article prévoit l'accès aux docu
ments de l'administration fédérale selon les princi-
pes suivants:
a) les documents de l'administration fédérale
devraient être mis à la disposition du public;
b) les exceptions indispensables au droit d'accès
devraient être précises et limitées;
c) les décisions quant à la communication des
documents de l'administration fédérale devraient
être susceptibles de recours indépendants du pou-
voir exécutif; et
d) la Loi vise à compléter et non à remplacer les
modalités d'accès aux documents de l'administra-
' L'article 2 est ainsi rédigé:
2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux
documents de l'administration fédérale en consacrant le prin-
cipe du droit du public à leur communication, les exceptions
indispensables à ce droit étant précises et limitées et les
décisions quant à la communication étant susceptibles de
recours indépendants du pouvoir exécutif.
(2) La présente loi vise à compléter les modalités d'accès
aux documents de l'administration fédérale; elle ne vise pas à
restreindre l'accès aux renseignements que les institutions
fédérales mettent normalement à la disposition du grand
public.
tion fédérale que les institutions fédérales mettent
normalement à la disposition du grand public.
En l'espèce, la prétention générale au privilège
de non-divulgation ne correspond pas à ces princi-
pes. En particulier, il est fait violence à l'idée que
les exceptions au droit d'accès devraient être préci-
ses et limitées.
Lorsqu'on interprète en contexte les articles 2 et
25 de la Loi, il appert que la déléguée de l'intimé a
commis une erreur en ne respectant pas les disposi
tions de l'article 25. L'omission de procéder à
l'examen relatif au prélèvement prescrit par l'arti-
cle 25 constitue, à mon avis, une erreur de droit
qui porte un coup fatal à la décision frappée
d'appel. Je parviens à cette conclusion en présu-
mant, pour les fins de cette discussion sur la
possibilité de faire des prélèvements, que tous les
documents dont on réclame l'exemption sont visés
par l'alinéa 21(1)b) de la Loi.
b) La décision fondée sur l'alinéa 21(1)b)
Le pouvoir de révision de la Cour est prévu à
l'article 49 de la Loi. La partie applicable est ainsi
conçue: «La Cour, dans les cas où elle conclut au
bon droit de la personne qui a exercé un recours en
révision d'une décision de refus de communication
totale ou partielle d'un document fondée sur des
dispositions de la présente loi autres que celles
mentionnées à l'article 50, ordonne ... au respon-
sable de l'institution fédérale dont relève le docu
ment en litige d'en donner à cette personne com
munication totale ou partielle...» [C'est moi qui
souligne.]
À mon avis, l'article 49 confère à la Cour le
pouvoir de déterminer si le responsable de l'institu-
tion peut refuser de donner communication. Le
pouvoir discrétionnaire du responsable de l'institu-
tion n'est pas absolu. Il doit être exercé conformé-
ment aux principes de droit reconnus. On doit en
faire usage d'une manière compatible avec la loi
habilitante (lord Reid dans l'affaire Padfield v.
Minister of Agriculture, Fisheries and Food,
[1968] A.C. 997 (H.L.), aux pages 1030, 1034).
Dans l'affaire Oakwood 4 , le juge Wilson a bien
formulé les principes juridiques applicables lors-
4 Oakwood Developments Ltd. c. Municipalité rurale de St.
François Xavier, [I985] 2 R.C.S. 164, à la p. 175.
qu'elle a dit que: «Il faut donc non seulement
(qu'un organisme de décision administrative) ait
tenu compte uniquement de facteurs qui relèvent
de la compétence que lui a conférée la loi, mais
aussi qu'elle ait pris en considération tous les
facteurs dont elle doit tenir compte pour bien
remplir la fonction de prise de décisions qu'elle a
aux termes de la loi.» Dans l'affaire Padfield
susmentionnée, lord Reid s'est prononcé en ces
termes à la page 1030:
[TRADUCTION] Le Parlement a dû attribuer ce pouvoir discré-
tionnaire avec l'intention qu'il soit exercé pour promouvoir la
politique et les objets de la Loi. La politique et les objets de la
Loi doivent être déterminés en interprétant la Loi dans son
ensemble et l'interprétation est toujours une question de droit
pour la Cour ... si le Ministre, parce qu'il a mal interprété la
Loi ou pour toute autre raison, exerce son pouvoir discrétion-
naire de façon à contrecarrer la politique ou les objets de la Loi
ou à aller à l'encontre de ceux-ci, alors notre droit accuserait
une grave lacune si les personnes qui en subissaient des préjudi-
ces n'avaient pas droit à la protection de la cour.
En conséquence, il incombe au responsable
d'une institution (ou à son délégué) de tenir
compte de la politique et de l'objet de la Loi sur
l'accès à l'information dans l'exercice du pouvoir
discrétionnaire qu'il tient du législateur en vertu
du paragraphe 21(1) 5 . Lorsqu'on se rappelle que le
paragraphe 4(1) de la Loi confère aux citoyens
canadiens et aux résidents permanents un droit
général d'accès et que les exemptions à cette règle
doivent être précises et limitées, le législateur a, à
mon avis, clairement voulu que les exemptions
fassent l'objet d'une interprétation stricte.
La question se pose alors de savoir si, compte
tenu des faits de l'espèce, la déléguée de l'intimé a,
de façon appropriée, exercé le pouvoir discrétion-
naire qu'on lui a conféré en application de la
politique et des objets de la Loi. Elle devait tout
d'abord déterminer si les renseignements deman
dés, ou une partie de ceux-ci, étaient visés par
l'alinéa 21(1)b). Elle ne l'a évidemment pas fait, si
on se rappelle le volume des documents en cause.
Cette conclusion est confirmée par le point de vue
adopté par l'avocate-conseil général et secrétaire
de la SCHL dans la lettre, précitée, qu'elle a
envoyée le 22 avril 1986 au Commissaire adjoint à
5 Les catégories énumérées au paragraphe 21(1), l'égard
desquelles le responsable est investi d'un pouvoir discrétion-
naire, doivent être comparées avec les catégories précisées au
paragraphe 13(1) de la Loi, à l'égard desquelles le responsable
doit refuser communication.
l'information Mann et selon laquelle la Société
était d'avis, sans même avoir examiné les docu
ments, que tous les procès-verbaux demandés
étaient visés par l'alinéa 21(1 )b) de la Loi.
Le juge des requêtes a fait cette remarque [à la
page 223]:
... le requérant ou au moins son représentant, le Commissaire
adjoint, a admis que les documents étaient bien du type prévu à
l'alinéa 21(1 )b) de la Loi, relatif à l'exception.
À l'audition de l'appel, l'avocat de l'appelant a
contesté avec vigueur cette conclusion. Il a souli-
gné que l'appelant n'avait pas été représenté° par le
Commissaire adjoint à l'information devant le juge
des requêtes. Il a également affirmé que, aux
procédures devant la Division de première ins
tance, l'appelant a clairement et fermement fait
valoir que tous les documents faisant l'objet de la
demande de communication ne relevaient pas de
l'alinéa 21(1)b).
À mon avis, il ressort d'une lecture même super-
ficielle des ordres du jour des réunions du conseil
d'administration et du comité exécutif (dossier
d'appel, vol. 1, annexe I) qu'une grande partie des
documents demandés était visée par l'alinéa
21(1)b) de la Loi. L'échantillon des ordres du jour
donné au vol. 1 de l'annexe I comprend plusieurs
articles dont on ne peut nullement dire qu'ils sont
couverts par la rubrique conseils donnés à l'institu-
tion ou à son ministre par des cadres ou employés.
On ne saurait qualifier de comptes rendus des
consultations ou délibérations où sont concernés
des cadres ou employés d'une institution plusieurs
des questions discutées aux réunions dont font état
les ordres du jour en cause. Une telle lecture, à
mon avis, donne créance au point de vue exprimé
par le Commissaire adjoint à l'information dans la
lettre qu'il a envoyée le 3 septembre 1985 l'in-
timé (susmentionnée), et où il dit que [TRADUC-
TION] «la divulgation de la plus grande partie des
procès-verbaux ne nuirait pas aux intérêts de la
Société».
Toutefois, ce qui est crucial et déterminant dans
ce scénario de fait est l'omission par la déléguée du
responsable de l'institution d'entamer l'examen
nécessaire des documents demandés pour décider
ce qui relevait ou ne relevait pas de l'alinéa
21(1)b).
En approuvant la mesure prise par la déléguée
de l'intimé, le juge des requêtes a suivi la décision
rendue par le juge en chef adjoint dans l'affaire
CRTC susmentionnée. Il s'est particulièrement
appuyé sur les propos tenus par le juge en chef
adjoint à la page 420 qu'il convient de reproduire
ci-dessous:
Une fois qu'il est décidé qu'un document entre dans la catégorie
de documents mentionnés au paragraphe 21(1), le droit du
requérant d'en obtenir la communication est assujetti au pou-
voir discrétionnaire du responsable de l'institution fédérale de
donner suite à la demande.
Avec déférence, je ne saurais souscrire à ce
point de vue sur l'affaire. Une telle conclusion ne
tient pas compte des objets et des fins visés par la
Loi. L'objet général de la Loi, tel qu'il est énoncé à
l'article 2 précité, comprend l'intention claire du
législateur de prévoir un moyen permettant d'assu-
jettir les décisions relatives à l'accès du public aux
documents publics à des recours «indépendants du
pouvoir exécutif» (paragraphe 2(1) précité). Il est
ensuite prévu à l'article 48:
48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux
articles 41 ou 42, la charge d'établir le bien-fondé du refus de
communication totale ou partielle d'un document incombe à
l'institution fédérale concernée.
En vertu de cet article, le fardeau de la preuve
d'une exemption incombe à l'institution fédérale
qui y prétend.
La communication est la règle générale et
l'exemption, l'exception, et c'est à ceux qui récla-
ment l'exemption de prouver leur droit à cet égard.
Il faut examiner également l'article 46. Il porte:
46. Nonobstant toute autre loi du Parlement et toute immu-
nité reconnue par, le droit de la preuve, la Cour a, pour les
recours prévus aux articles 41, 42 et 44, accès à tous les
documents qui relèvent d'une institution fédérale et auxquels la
présente loi s'applique; aucun de ces documents ne peut, pour
quelque motif que ce soit, lui être refusé.
À mon avis, le législateur entend, à l'article 46,
permettre à la Cour d'avoir les renseignements et
documents nécessaires à l'accomplissement de son
mandat et de s'assurer que le pouvoir discrétion-
naire conféré au responsable administratif a été
exercé dans les limites appropriées et selon les
principes appropriés. La déférence judiciaire à
l'égard de l'exercice du pouvoir discrétionnaire
conféré à un tribunal administratif doit nécessaire-
ment se restreindre aux limites régulières du pou-
voir décisionnel du tribunal. Or, il appartient à la
Cour de déterminer ces limites. Ainsi que l'a
statué lord Wilberforce dans l'affaire Anisminic
Ltd. v. Foreign Compensation Commission,
[1969] 2 A.C. 147 (H.L.), à la page 208:
[TRADUCTION] Lorsqu'ils statuent qu'une «décision» est «enta-
chée de nullité», les tribunaux tiennent compte de la clause
privative, car, tout comme il leur incombe de reconnaître à une
instance la liberté de décider des mesures à prendre dans un
domaine désigné, ils doivent, en contrepartie de cette autono-
mie, s'assurer que les limites fixées au domaine en question ont
été respectées...
Pour les motifs invoqués ci-dessus, j'ai conclu
que la déléguée du responsable de l'institution ne
s'était pas livrée à l'examen nécessaire pour déter-
miner si tous les renseignements demandés rele-
vaient du domaine désigné prévu à l'alinéa 21(1)b)
de la Loi. Sa décision à cet égard ne peut donc être
maintenue.
En conséquence, j'estime que la déléguée de
l'intimé a commis une erreur de droit en décidant
que tous les documents demandés en l'espèce
étaient visés par l'exception énoncée à l'alinéa
21(1)b) de la Loi. Je conclus également que même
si la décision fondée sur l'article 21(1)b) n'était
entachée d'aucune erreur, la déléguée de l'intimé a
commis une deuxième erreur en ne procédant pas
au prélèvement requis par l'article 25 de la Loi.
REDRESSEMENT
À l'audition, les avocats des deux parties ont
estimé que dans l'éventualité où la Cour conclurait
à une erreur susceptible de contrôle judiciaire,
l'affaire devrait être renvoyée à l'instance décision-
nelle SCHL plutôt qu'à la Division de première
instance puisque le juge des requêtes ne disposait
pas des documents nécessaires à un examen
approprié.
L'avocat de l'appelant a également demandé à
la Cour d'ordonner que les frais ordinaires paya-
bles par un requérant en vertu de la Loi soient
dispensés en l'espèce. Le paiement des frais est
prescrit par l'article 11 de la Loi et l'article 7 du
Règlement [Règlement sur l'accès à l'information,
DORS/83-507]. Puisque ces frais prescrits se
reflèteront dans le coût de reproduction et puis-
qu'on ne peut calculer ce coût avant que la déci-
sion ait été prise quant à l'importance de la pro-
duction et de l'exemption de production, je pense
qu'une ordonnance portant dispense de frais serait
prématurée.
En conséquence, j'accueillerais l'appel avec
dépens tant en cette instance que devant la Divi
sion de première instance et ce, sur la base entre
parties. Je renverrais l'affaire à Mme Lezlie Oler,
coordonnatrice, accès à l'information et protection
des renseignements personnels de la SCHL, la
déléguée désignée de l'intimé (ou son successeur,
selon le cas), pour qu'elle réexamine et tranche à
nouveau la demande en l'espèce conformément à
l'alinéa 21(1)b) et à l'article 25 de la Loi sur
l'accès â l'information, selon les principes appro-
priés et sur une base compatible avec les présents
motifs de jugement.
LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE STONE: Je souscris aux motifs
ci-dessus.
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