T-50-89
Bing Hui Wu, Jim Ween Lu, Kee Few Ng, Chi
Kin Cham, Wen Pon San, Won Tim Chang, Sam
Choi Chaq, Man Wai Leung, Suk Ling Chen et
Jane Jin He (requérants)
c.
Ministre de l'Immigration (intimé)
RÉPERTORIÉ: WU c. CANADA (MINISTRE DE L'IMMIGRATION)
Section de première instance, juge Reed—Confé-
rence téléphonique, 20 janvier; Ottawa, 24 janvier
1989.
Immigration — Pratique — Les requérants sont arrivés au
Canada le P 1 janvier 1989 — Ils ont déclaré être des réfugiés
au sens de la Convention, en provenance de la Chine — Ils ont
subi un interrogatoire à leur point d'entrée au pays — On a
pris des notes de cet interrogatoire — Une audience prélimi-
naire devant un jury de deux personnes a été prévue — Il s'agit
de savoir si la communication des notes prises au cours de
l'interrogatoire est essentielle pour que les requérants soient
traités de façon équitable — Ceux-ci étaient sous un certain
stress lorsqu'ils ont été interrogés — L'interrogatoire s'est fait
en l'absence de tout conseiller — Il y avait un risque d'inter-
prétations erronées entre l'interrogateur et l'interrogé vu qu'ils
devaient communiquer par l'intermédiaire d'un interprète —
L'avocat cherche à éviter les surprises durant l'audience — Le
ministre allègue qu'il n'existe pas de règle d'équité qui oblige
l'une des parties à divulguer des éléments de preuve avant une
audience, car la procédure prévue par les modifications appor-
tées à la Loi sur l'immigration est une procédure sommaire et
elle ne le sera plus si la demande des requérants est accueillie
— Ceux-ci ont reçu un document contenant certains «faits
saillants» de l'interrogatoire — II s'agit de savoir si les
requérants ont une cause défendable au moment de l'autorisa-
tion d'introduire une instance — Aucune loi n'est directement
concernée — La procédure en vue de garantir une audience
équitable dépend des circonstances, dont celles qui découleront
de l'audience — Il ne serait pas difficile sur le plan adminis-
tratif de fournir une photocopie des notes prises au cours de
l'interrogatoire — Il y a une question importante à trancher —
L'autorisation d'introduire une requête fondée sur l'art. 18 est
accordée.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7,
art.18, 28.
Loi sur la protection des renseignements personnels,
L.R.C. (1985), chap. P-21.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. 1-2, art. 2(1)
(mod. par S.C. 1988, chap. 35, art. 1), 12, 48(2) (mod.,
idem, art. 14), 48.02 (mod., idem), 83.1 (mod., idem,
art. 19).
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52,
art. 104(6),(7).
Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration,
DORS/89-26.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Piperno c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(1985), 64 N.R. 313 (C.A.F.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Bauer c. La Reine (Commission de l'immigration du
Canada), [1984] 2 C.F. 455 (1" inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Bhattia c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immi-
gration), 89-A-1000, juges d'appel Pratte et Marceau,
13-1-89, encore inédit; Nicholson c. Haldimand-Norfolk
Regional Board of Commissioners of Police, [ 1979] 1
R.C.S. 311; McCarthy v. Bd. of Trustees of Calgary
Roman Catholic Separate S. Dist. No. I, [1979] 4
W.W.R. 725 (1' inst. Alb.); Campeau Corpn. v. Calgary
City Council (1980), 12 Alta. L.R. (2d) 379 (C.A.);
Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de
Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602; Harvie v. Calgary Regio
nal Planning Commn. (1978), 8 Alta. L.R. (2d) 166
(C.A.); Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; (1985), 58 N.R. 1;
Muliadi c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immi-
gration), [1986] 2 C.F. 205 (C.A.).
DOCTRINE
Evans, J.M., et autres, Administrative Law Cases, Text,
and Materials Toronto: Emond-Montgomery Limited,
1980.
Jones, David Phillip and Anne S. de Villars, Principles of
Administrative Law Toronto: Carswell Company Limi
ted, 1985.
Halsbury's Laws of England, vol. 1, 4 e éd., London:
Butterworths, 1979.
Sgayias, David et al., Federal Court Practice -1988
Toronto: Carswell Company Limited, 1987.
AVOCATS:
William J. Major, c.r. pour les requérants.
D. Bruce Logan pour l'intimé.
PROCUREURS:
Major, Caron & Company, Calgary, pour les
requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: Il s'agit d'une requête présentée
conformément à l'article 83.1 de la Loi sur l'im-
migration, L.R.C. (1985), chap. I-2, modifié par
S.C. 1988, chap. 35 [art. 19]. L'article 83.1 a été
ajouté à la Loi sur l'immigration [de 1976, S.C.
1976-77, chap. 52] afin de prévoir une nouvelle
procédure dans le cas des requêtes en matière
d'immigration présentées conformément aux arti
cles 18 et 28 de la Loi sur la Cour fédérale
[L.R.C. (1985), chap. F-7]. Elle résulte, en partie
du moins, du grand nombre d'appels concernant
des revendications du statut de réfugié selon la
Convention dont la Cour a été saisie.
La nouvelle procédure prévoit un processus en
deux étapes. Les requêtes présentées en matière
d'immigration, conformément aux articles 18 et 28
de la Loi sur la Cour fédérale, ne peuvent mainte-
nant être introduites qu'avec l'autorisation de la
Cour. Le processus requis est étudié dans une
décision rendue par le juge Marceau dans l'affaire
Bhattia c. Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration) (no du greffe 89-A-1000, juges
d'appel Pratte et Marceau, jugement en date du
13 janvier 1989, C.A.F., encore inédit).
En plus de la procédure en deux étapes requise
pour la poursuite de l'instance devant notre Cour,
la nouvelle loi prévoit également une procédure en
deux étapes afin de déterminer la validité des
revendications du statut de réfugié, décisions qui
sont rendues par la Commission de l'immigration
et du statut de réfugié (ci-après appelée «la Com
mission»). La personne qui revendique le statut de
réfugié doit maintenant comparaître d'abord
devant un jury de deux personnes pour ce que
j'appellerai une audience préliminaire. Ces deux
personnes sont un arbitre et un membre de la
section du statut de réfugié de la Commission
(ci-après appelée la «section du statut»). À cette
audience préliminaire, il appartient au demandeur
de statut de prouver que la revendication du statut
de réfugié est recevable et qu'elle a un minimum
de fondement (voir le paragraphe 48(2) de la Loi
sur l'immigration modifié par S.C. 1988, chap. 35
[art. 14]). Si l'un ou l'autre des deux membres du
jury détermine que la personne a non seulement
présenté une demande recevable mais a, aussi
prouvé que cette demande a un minimum de fon-
dement, la section du statut de réfugié de la Com
mission entendra alors la revendication du statut
de réfugié (voir l'article 48.02 de la Loi sur l'im-
migration modifié par S.C. 1988, chap. 35 [art.
14] ).
Les nouvelles procédures, tant celle qui exige
l'autorisation de notre Cour avant l'introduction
d'une instance devant elle que celle qui exige qu'un
jury de deux personnes présélectionne les revendi-
cations du statut de réfugié avant que la section du
statut en soit saisie, étaient en vigueur le 1 »r janvier
1989.
Les présents requérants sont arrivés au Canada
le 1e" janvier 1989. Ils prétendent être des réfugiés
au sens de la Convention' provenant de la Républi-
que populaire chinoise. Le 2 janvier 1989, les
requérants ont subi un interrogatoire à leur point
d'entrée au pays ainsi que le requiert l'article 12 de
la Loi sur l'immigration 2 . On a pris des notes de
cet interrogatoire. Les requérants en ont reçu un
résumé.
' Le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration modifié par
S.C. 1988, chap. 35 [art. 1], définit ainsi le «réfugié au sens de
la Convention»: une personne
a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa
race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à
un groupe social ou de ses opinions politiques:
(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et
ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de
la protection de ce pays,
(ii) soit n'ayant pas de nationalité et se trouvant hors du
pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut
ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner; ...
2 L.R.C. (1985), chap. 1-2.
12. (1) Quiconque cherche à entrer au Canada est tenu de
se présenter devant un agent d'immigration à un point d'entrée
ou à tout autre lieu désigné par l'agent principal en vue de
l'interrogatoire visant à déterminer s'il est autorisé à entrer au
Canada ou s'il peut y être admis.
(2) Pour l'application du présent article, quiconque cherche
à rentrer au Canada, qu'il ait été ou non autorisé à se rendre
dans un pays étranger, est réputé chercher à entrer au Canada.
(3) L'agent d'immigration qui procède à l'interrogatoire
peut, lorsqu'il le juge à propos:
a) confier la fin de l'interrogatoire à un autre agent
d'immigration;
b) retenir la personne interrogée ou prendre une mesure à
cet effet contre elle.
(4) L'intéressé doit répondre franchement aux questions de
l'agent d'immigration et produire toutes les pièces que ce
dernier exige pour établir s'il est autorisé à entrer au Canada
ou s'il peut y être admis.
L'audience préliminaire prévue par l'article 48
de la Loi a été fixée pour le 26 janvier 1989. Pour
se préparer à cette audience, l'avocat des requé-
rants a tenté d'obtenir des agents d'immigration
une copie des notes prises au cours de l'interroga-
toire le 2 janvier 1989. Il soutient que la communi
cation de ces notes avant l'audience prévue par
l'article 48 est essentielle pour que les requérants y
soient traités de façon équitable. Il est allégué que
la communication de ces documents est nécessaire
pour que les requérants prennent connaissance de
la preuve qui va être présentée contre eux à l'au-
dience préliminaire.
L'un des requérants, Chi Kin Cham, a signé un
affidavit à l'appui de la présente requête, dans
lequel il déclare entre autres:
[TRADUCTION] 3. ... le lendemain de mon arrivée, j'ai été
interrogé par des agents de l'Immigration canadienne sur les
raisons de ma venue au Canada. Cet interrogatoire s'est déroulé
en l'absence de tout conseiller juridique.
4. Les agents de l'Immigration canadienne ont indiqué que, si je
ne répondais pas franchement à leurs questions, on me renver-
rait en République populaire chinoise.
5. ... je ne sais pas lesquelles de mes déclarations ont été
consignées ni ne me rappelle de la nature précise des questions
posées.
7. Je crois vraiment que ces déclarations seront utilisées contre
moi au cours de l'audience sur mon statut de réfugié. Je crois
également que, pour être en mesure de répondre aux points
soulevés dans les déclarations, je devrais pouvoir examiner ce
que je suis censé avoir dit au moment de l'interrogatoire initial.
Cet affidavit a été signé par le requérant après
qu'on le lui eut interprété et expliqué (voir l'affida-
vit de Peter Wong en date du 16 janvier 1989).
Procédure suivie
La présente requête a d'abord été présentée
devant moi à une session ordinaire d'audition des
requêtes à Calgary, le 17 janvier 1989. Bien que
l'avis de requête introductive d'instance ne fasse
pas expressément référence à l'article 18 de la Loi
sur la Cour fédérale, le redressement demandé est,
au fond, de cette nature. La requête n'avait pas
encore été signifiée en bonne et due forme à
l'intimé le 17 janvier. Je ne pouvais manifestement
pas statuer sur la requête à ce moment-là. Les
Règles de la Cour fédérale en matière d'immigra-
tion, DORS/89-26 (décret du C.P. 1988-2794) ont
été enregistrées auprès du greffier du Conseil privé
le 27 décembre 1988 et sont entrées en vigueur à
cette date. Elles n'avaient pas encore été publiées
dans la Gazette du Canada le 17 janvier 1989.
Étant donné qu'il faut statuer rapidement sur la
demande d'autorisation d'introduire une instance
fondée sur l'article 18 dans la présente affaire,
l'avocat de l'intimé et l'avocat des requérants ont
convenu que le moyen le plus expéditif de procéder
serait de plaider cette requête le 20 janvier 1989
en recourant au procédé de la conférence télépho-
nique. C'est la procédure qui, du consentement des
parties, a été suivie.
Allégations respectives
Ainsi que je l'ai déjà mentionné, l'avocat des
requérants soutient que la communication des
notes de l'interrogatoire est nécessaire pour que
ceux-ci puissent être traités de façon équitable à
l'audience. Il allègue que la communication de ces
documents en l'espèce est prérequise à la tenue
d'une audience équitable parce que les requérants
étaient sous une certaine contrainte (un certain
stress du moins) lorsqu'ils ont été interrogés; qu'ils
n'ont pas bénéficié des services d'un avocat durant
l'interrogatoire; qu'il y avait un risque élevé d'in-
terprétations erronées entre l'interrogeur et l'inter-
rogé vu qu'ils devaient communiquer par l'inter-
médiaire d'un interprète. L'avocat des requérants
cherche à obtenir copie des notes afin de les revoir
avec les requérants avant la tenue de l'audience
prévue par l'article 48. L'avocat avance que les
requérants devraient avoir le droit de revoir les
notes afin de s'assurer de leur exactitude et égale-
ment de vérifier s'ils ont compris les questions qui
leur ont été demandées. L'avocat prétend que ce
qu'il tente d'obtenir est analogue aux droits que la
Loi sur la protection des renseignements person-
nels, L.R.C. (1985), chap. P-21, confère aux parti-
culiers. Sous le régime de cette Loi, les particuliers
ont le droit d'examiner les renseignements que le
gouvernement détient à leur sujet et de les corriger
au besoin. Je résumerais les allégations de l'avocat
en disant qu'il cherche à éviter les surprises durant
l'audience préliminaire.
Voici les allégations de l'avocat de l'intimé: il
n'existe pas de règle d'équité qui oblige l'une ou
l'autre partie à divulguer avant une audience tous
les éléments de preuve auxquels elle a l'intention
de recourir durant cette audience; la procédure
prévue par les modifications apportées à la Loi sur
l'immigration est une procédure sommaire et elle
ne le sera plus si la demande des requérants est
accueillie; si les requérants ont droit de prendre
connaissance des notes, l'initimé devrait également
avoir le droit de prendre connaissance de tous les
documents en possession des requérants. L'avocat
de l'intimé fait remarquer que l'arbitre et le
membre de la section du statut qui tiendront l'au-
dience préliminaire n'auront pas reçu avant l'au-
dience copie des notes qui leur seront alors présen-
tées; si les notes sont utilisées, ce sera dans le but
de contester les éléments de preuve présentés à
l'audience par les requérants pour le motif que ces
éléments de preuve ne concordent pas avec les
déclarations faites au moment de l'interrogatoire
tenu au point où ils sont entrés au Canada. L'avo-
cat fait aussi valoir que la procédure visant à
déterminer la validité d'une revendication du
statut de réfugié est de nature «civile» et qu'il
appartient aux requérants de prouver qu'ils répon-
dent aux conditions requises pour être considérés
comme des réfugiés au sens de la Convention. En
dernier lieu, comme je l'ai indiqué précédemment,
les requérants out reçu un résumé qui, m'a-t-on
fait comprendre, contient certains «faits saillants»
de l'interrogatoire.
Conclusions
La Cour n'a pas à déterminer, au moment de la
présentation d'une demande d'autorisation d'intro-
duire une instance, quelles allégations seront rete-
nues à la suite d'une audience. Elle doit établir si
les requérants ont une cause défendable, une ques
tion importante à faire trancher. Dans l'affirma-
tive, on doit accorder l'autorisation et permettre
aux requérants de se faire entendre.
En l'espèce, il n'y a aucune loi qui soit directe-
ment concernée. Ni l'un ni l'autre des avocats
n'ont pu trouver quelque décision judiciaire trai-
tant directement de la question de savoir si, dans
certains cas, une partie de la preuve devrait être
communiquée à la partie adverse avant la tenue de
l'audience afin de lui permettre d'être traitée de
façon équitable à cette audience. L'avocat des
requérants a cité les principes généraux d'équité,
tout particulièrement dans la mesure où ils se
rapportent à la nécessité pour une personne de
savoir ce qu'on lui reproche: Jones & Villars,
Principles of Administrative Law (1985, Carswell)
aux pages 176 et 177'; Evans, Janisch, Mullan,
Risk, Administrative Law Cases, Text, and Mate
rials (1980) aux pages 156 159. À cet égard, il
est très évident que la procédure qui est nécessaire
dans n'importe quel cas donné afin de garantir une
audience équitable dépendra énormément des cir-
constances 4 . L'une de ces circonstances est les
conséquences qui découleront des décisions ren-
dues à l'audience. En l'espèce, les conséquences
sont importantes. Le défaut de prouver que la
revendication du statut de réfugié, même si la
décision du jury de sélection peut faire l'objet d'un
appel, établit le fondement de tout ce qui suit.
Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'intimé a fait
référence à l'arrêt Bauer c. La Reine (Commission
de l'immigration du Canada), [1984] 2 C.F. 455
(i re inst.), et au texte de Sgayias, Kinnear, Rennie
et Saunders intitulé Federal Court Practice -1988
(Carswell), à la page 100, ainsi qu'à l'arrêt
Piperno c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion (1985), 64 N.R. 313 (C.A.F.). Le passage du
texte Fede... 1 Court Practice -1988 cité traite de
cas où il n'est pas à propos de rendre des ordon-
nances de prohibition et de l'incapacité des tribu-
naux de prononcer des injonctions contre la Cou-
ronne. Ce n'est pas une question importante. Bien
que par leur requête les requérants demandent
expressément une ordonnance de prohibition et
une injonction, si notre Cour a le droit d'accorder
l'autorisation d'introduire une instance fondée sur
l'article 18, elle a également le droit de surseoir à
la tenue de l'audience préliminaire jusqu'à ce qu'il
soit statué sur la requête fondée sur l'article 18.
C'est un pouvoir accessoire (voir la décision rendue
par le juge Marceau dans l'affaire Bhattia). Quant
3 L'avocat a fait précisément référence aux affaires mention-
nées dans cette partie du texte: Nicholson c. Haldimand-Nor-
folk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1
R.C.S. 311; McCarthy v. Bd. of Trustees of Calgary Roman
Catholic Separate S. Dist. No. 1, [1979] 4 W.W.R. 725 (lte
inst. Alb.); Campeau Corpn. v. Calgary City Council
(1980), 12 Alta. L.R. (2d) 379 (C.A.); Martineau c. Comité de
discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602;
Harvie v. Calgary Regional Planning Commn. (1978), 8 Alta.
L.R. (2d) 166 (C.A.).
4 Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Mats-
qui, [1980] 1 R.C.S. 602; Singh et autres c. Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, la p. 212
et suivantes; (1985), 58 N.R. 1, à la p. 62 et suivantes; Muliadi
c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2
C.F. 205 (C.A.), à la p. 215 et suivantes.
à l'affaire Bauer, on a décidé que ce n'était pas un
déni de justice naturelle (équité) que de refuser à
un demandeur le droit de faire transcrire les exa-
mens périodiques des motifs en vertu desquels il
était détenu dans un établissement à sécurité maxi
mum, conformément aux paragraphes 104(6) et
(7) [maintenant les paragraphes 103(6) et (7)] de
la Loi sur l'immigration. La Cour a également
statué que les examens des motifs de la détention
ne faisaient pas partie du processus d'enquête et
que par conséquent la loi n'oblige pas à garantir la
présence d'un sténographe. La Cour a aussi traité
de l'applicabilité des ordonnances de prohibition et
a cité Halsbury's Laws of England, volume 1, 4 e
éd., par. 130, page 138, pour indiquer qu'il n'y a
pas lieu à prohibition [TRADUCTION] «lorsqu'il
s'agit de corriger la pratique ou la procédure d'un
tribunal d'instance inférieure». Le premier point
traité dans l'affaire Bauer ne concerne pas vrai-
ment la présente instance. Le requérant ne cherche
pas à faire transcrire une procédure ou un interro-
gatoire mais plutôt à avoir accès à une «transcrip-
tion» qui a déjà été faite. On rejoint sur deux
points les observations formulées au sujet de l'op-
portunité de la prohibition: premièrement, ainsi
qu'il a déjà été mentionné, si l'autorisation est
accordée, notre Cour a sûrement le pouvoir acces-
soire de surseoir à l'instance; deuxièmement,
immédiatement avant le passage susmentionné
extrait de Halsbury figure un texte qui indique
que la prohibition est accordée lorsqu'il y a un
manquement aux règles de la justice naturelle.
C'est un manquement aux règles de l'équité que
les requérants font valoir en l'espèce.
L'affaire Piperno est plus pertinente. Il a été
jugé que, selon l'ancienne procédure, le ministre de
l'Emploi et de l'Immigration n'était pas tenu de
communiquer à l'avance tous les éléments de
preuve qu'il avait l'intention de présenter à la
Commission d'appel de l'immigration, pour qu'un
demandeur du statut de réfugié soit traité de façon
équitable devant la Commission. Je ne suis pas en
désaccord avec cette déclaration, mais ce que je
crois que l'avocat veut dire, c'est que, dans le cadre
particulier d'une audience préliminaire, il est
nécessaire non pas que toute la preuve de l'intimé
soit communiquée à l'avance mais qu'une certaine
partie de celle-ci soit communiquée d'avance, à
savoir les notes prises durant l'interrogatoire tenu
au point d'entrée.
On peut disposer facilement de certaines des
allégations présentées par l'avocat de l'intimé.
Elles ne sont pas très convaincantes. L'obligation
de communiquer les notes ne sapera pas le carac-
tère sommaire de cette procédure. Les notes exis
tent; il ne serait pas difficile sur le plan adminis-
tratif de fournir aux requérants une photocopie de
celles-ci. Les requérants ne demandent pas que
l'intimé leur communique tous ses éléments de
preuve; la communication des notes ne mènerait
pas à conclure à l'obligation de fournir tous les
documents dont les deux parties sont en possession.
J'accepte en même temps l'allégation de l'avocat
de l'intimé selon laquelle, si on invoque les notes
au cours du contre-interrogatoire à l'audience pré-
liminaire, il ne fait aucun doute qu'elles seront
transmises aux requérants à ce moment-là. Il reste
à savoir si les notes doivent être communiquées
avant l'audience, pour que les requérants y soient
traités de façon équitable.
Je suis convaincue que les requérants présentent
une cause défendable. Ils ont prouvé qu'il existait
une question importante à trancher. Par consé-
quent, l'autorisation d'introduire une requête
fondée sur l'article 18 doit être accordée. J'en suis
venue à cette conclusion pour les raisons suivantes:
(1) aucune loi n'est directement concernée; (2)
bien qu'il existe un principe selon lequel il n'est
généralement pas nécessaire de communiquer tous
les éléments de preuve à une personne avant la
tenue d'une audience, on peut être justifié en
l'espèce de réclamer la communication des notes
particulières de l'interrogatoire en question; (3) il
ressort de la jurisprudence que ce qui sera réclamé,
en équité, dépendra des circonstances de chaque
affaire et de l'importance des répercussions à
l'égard du requérant; (4) en l'espèce, le fait que
l'audience préliminaire se veut une procédure som-
maire et que les répercussions peuvent êtres graves
pour le requérant, ainsi que les circonstances dans
lesquelles les déclarations ont été consignées mili-
tent en faveur de la demande des requérants. À
mon avis, ceux-ci ont prouvé qu'il y avait une
question importante à débattre. L'autorisation sera
accordée.
Dans leur requête, les requérants demandent
également de proroger le délai prévu pour l'audi-
tion de la requête fondée sur l'article 18. Les
Règles de la Cour fédérale en matière d'immigra-
tion prévoient que l'audition d'une requête de ce
genre doit se faire dans les 15 jours suivant la date
où l'autorisation d'introduire une instance a été
accordée. Je ne rendrai pas d'ordonnance quant à
la prorogation de délai. Cela n'empêche pas un
autre juge de notre Cour de statuer sur la question
à l'occasion d'une autre requête qui pourrait être
présentée par l'une ou l'autre des parties si elles le
désirent.
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