T-988-87A
T-989-87B
Solvent Petroleum Extraction Inc., Organic
Research Inc., Organic Research Limited Part
nership, Becker Engineering Limited, Union Fars
Equipment, Inc., Seona Wilder, Dara Wilder,
Gerald Byerlay, C & C Auto Truck and Equip
ment Sales Inc., Diversified Machine Tool Inc. et
Ronald Johnson (requérants)
c.
Ministre du Revenu national (intimé)
RÉPERTORIÉ: SOLVENT PETROLEUM EXTRACTION INC. C.
CANADA (M.R.N.)
Division de première instance, juge Dubé—Van-
couver, 16 et 24 février 1988.
Impôt sur le revenu — Saisies — Requête en contestation de
la validité des mandats de perquisition délivrés par un juge de
la Cour fédérale — Les affidavits à l'appui des demandes de
mandats de perquisition indiquaient les mesures prises pour
obtenir les renseignements, les documents requis et exposaient
les motifs qui en justifiaient la production — Les requérants
avaient déjà fourni une grande quantité de documents, mais
l'intimé en réclamait davantage — Il n'existe pas de pouvoir
discrétionnaire de refuser la délivrance d'un mandat en raison
de la non-divulgation du fait que le contribuable a coopéré —
Le juge doit délivrer le mandat s'il est convaincu que les
exigences de l'art. 231.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu ont
été remplies — Le juge a conclu que le ministre du Revenu
national n'avait d'autre solution que de chercher à obtenir un
mandat — Les mandats contenaient suffisamment de détails
— La Loi et ses modifications prévoyant les procédures relati
ves à la perquisition et à la saisie ne contreviennent pas à la
Charte.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Perquisition et
saisie — L'art. 231.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu comble
les lacunes de l'ancien art. 231(4) comme il a été souligné dans
l'arrêt Re Print Three Inc. et al. and The Queen (1985), 20
C.C.C. (3d) 392 (C.A. Ont.) — Les nouvelles procédures de
perquisition et de saisie constituent des limites raisonnables au
sens de l'art. 1 de la Charte.
Il s'agit en l'espèce de requêtes en annulation des mandats de
perquisition des locaux des requérants. Les demandes visant
l'obtention des mandats s'appuyaient sur des affidavits conte-
nant une foule de détails portant sur les documents requis et sur
les motifs qui en justifiaient la production. Les mandats ont été
contestés en invoquant quatre moyens, à savoir: 1) que le juge
qui les a décernés n'avait pas été informé que les documents
avaient déjà été déposés volontairement 2) que Revenu Canada
avait d'autres moyens d'obtenir les documents demandés 3) que
le libellé des mandats était trop vague et imprécis 4) que les
mandats violaient les articles 7 et 8 de la Charte.
Jugement: les requêtes doivent être rejetées.
Le juge doit décerner le mandat si les exigences du paragra-
phe 231.3(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu ont été
remplies, et ce, même si les requérants avaient déjà fourni une
grande quantité de documents et que l'intimé en réclamait
davantage. Ni le juge qui a décerné le mandat, ni le juge qui
procède à l'examen ne devrait tenter de décider si les contribua-
bles ont coopéré suffisamment et si d'autres documents sont
requis pour terminer l'enquête. Seule la fraude ou l'absence de
preuve pouvait invalider le mandat décerné en vertu de l'article
susmentionné.
Quant au deuxième moyen, le juge qui a décerné le mandat a
dû conclure en tenant compte des nombreux documents à sa
disposition, que toutes les mesures raisonnables avaient été
prises par le ministère du Revenu et que la dernière solution de
rechange consistait à demander des mandats pour obtenir les
renseignements dont il avait besoin dans la poursuite de son
enquête. Le juge qui procède à l'examen ne devrait pas remet-
tre en question l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.
Quant au troisième moyen, les mandats étaient suffisamment
précis, compte tenu des circonstances. Ils fournissaient des
précisions sur toutes les infractions au sujet desquelles le dépo-
sant avait des motifs raisonnables de croire qu'elles avaient été
commises ainsi que sur les lieux qui devaient faire l'objet d'une
perquisition et donnaient aussi une description générale de
chaque type de documents suivie des divers éléments faisant
l'objet d'une enquête à laquelle ils se rapportaient. La norme
des «motifs raisonnables de croire» a trait simplement au critère
d'une probabilité raisonnable en matière civile.
Enfin, quant au quatrième moyen, les garanties additionnel-
les accordées par le nouvel article 231.3 de la Loi de l'impôt sur
le revenu rendent acceptable la procédure en matière de perqui-
sition et de saisie et en font «une règle de droit, dans les limites
qui soient raisonnables» selon les termes de l'article 1 de la
Charte. Le nouvel article 231.3 comble les lacunes de l'ancien
article 231(4) tel qu'énoncé dans l'arrêt Re Print Three Inc. et
al. and The Queen, en raison desquelles on a jugé qu'il était
inconstitutionnel parce qu'il enfreignait l'article 8 de la Charte.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) art.
7, 8.
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 443.
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 231, 231.3 (édicté par S.C. 1986, chap. 6, art.
121).
Loi sur la concurrence, S.R.C. 1970, chap. C-23 (mod.
par S.C. 1986, chap. 26, art. 19).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
320.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
McLeod and Red Lake Supermarkets v. The Queen
(Cour suprême de l'Ontario, juge O'Leary, octobre
1987).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Re Pacific Press Ltd. and The Queen (1977), 37 C.C.C.
(2d) 487 (C.S.C.-B.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Hellenic Import-Export Co. et al. v. M.N.R. et al.,
[1987] 1 C.T.C. 281 (C.S.C.-B.); Hellenic Import-
Export Company Limited et al. v. M.N.R. et al. (No. 2)
(1987), 87 DTC 5299; [1987] 2 C.T.C. 36 (C.S.C.-B.);
Re Church of Scientology and The Queen (No. 4) (1985),
17 C.C.C. (3d) 499 (H.C. Ont.); Canada (directeur des
enquêtes et recherches) c. Calgary Real Estate Board
Co-operative Ltd., [1987] 3 C.F. 676 (1" inst.); McIn-
tosh Paving Co. et al. v. Hunter, Director of Investigation
& Research of Combines Investigation Branch et al.
(1987), 15 C.P.R. (3d) 500 (H.C. Ont.); Re United
Distillers Ltd. (1946), 88 C.C.C. 338 (C.S.C.-B.); Re
Times Square Book Store and The Queen (1985), 21
C.C.C. (3d) 503 (C.A. Ont.); Re Print Three Inc. et al.
and The Queen (1985), 20 C.C.C. (3d) 392 (C.A. Ont.);
Ministre du Revenu national c. Kruger Inc., [1984] 2
C.F. 535; 13 D.L.R. (4th) 706; 84 DTC 6478 (C.A.);
confirmant [1984] 1 C.F. 120; (1983), 150 D.L.R. (3d)
176 (Ire inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594; Vespoli, D. et
autres c. La Reine et autres (1984), 84 DTC 6489
(C.A.F.); R. v. DeBot (1986), 54 C.R. (3d) 120 (C.A.
Ont.).
AVOCATS:
M. R. V. Storrow, c.r. et M. 0 MacLean
pour les requérants.
P. W. Halprin, c.r. pour l'intimé.
PROCUREURS:
Davis & Company, Vancouver, pour les
requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DuBÉ: Les présentes requêtes contes-
tent la validité des mandats de perquisition des
locaux des requérants, mandats qui ont été décer-
nés par le juge John C. McNair au mois de mai
1987.
Les demandes visant à obtenir les mandats en
question étaient appuyées par de longs affidavits
de Maurice Kin Chung Ma, comptable en mana
gement accrédité qui travaillait pour le ministère
du Revenu national au bureau régional de Vancou-
ver. Ces affidavits contenaient une foule de détails
sur les documents requis et sur les motifs qui en
justifiaient la production. Avec les pièces justifica-
tives, ils remplissent quatre gros classeurs. Les
requérants ont contre-interrogé M. Ma avant l'au-
dition de la présente requête. Ils contestent les
mandats de perquisition en invoquant quatre
moyens distincts que j'examinerai séparément.
Les requérants soutiennent en premier lieu que
les renseignements accessibles à l'intimé n'ont pas
été communiqués intégralement au juge McNair,
ce qui constitue donc une non-divulgation impor-
tante. Ils prétendent essentiellement que les docu
ments demandés avaient déjà été déposés volontai-
rement, qu'ils s'étaient conformés de plein gré à
cette demande et que, dans l'ensemble, ils avaient
pleinement coopéré avec l'intimé. Ces renseigne-
ments n'ont pas été communiqués au juge, ce qui
constitue donc une non-divulgation importante.
Au début de l'instruction, l'avocat des requé-
rants a demandé de déposer l'affidavit de W
Robert James Crump qui représente l'un des
requérants. L'avocat de l'intimé s'est, à bon droit,
opposé à la production tardive de cet affidavit
puisque la Règle 320 [Règles de la Cour fédérale,
C.R.C., chap. 663] précise qu'un affidavit de ce
genre doit être déposé au moins deux jours francs
avant l'instruction. J'ai toutefois permis le dépôt
dudit affidavit, mais à la condition que son auteur
se présente pour être contre-interrogé au cas où
l'intimé l'exigerait.
Dans son affidavit, le déposant allègue notam-
ment que [TRADUCTION] «tous les documents
exigés par les employés de Revenu Canada avant
que soient décernés les mandats en cause ont été
remis à Revenu Canada». En guise de réponse, j'ai
permis à l'intimé d'interroger verbalement un
fonctionnaire du Ministère, M. William Lucas, un
superviseur qui était au courant du dossier. Sa
version des faits et surtout celle relative à la
dernière réunion tenue le ler octobre 1986 entre les
fonctionnaires du ministère et l'avocat des requé-
rants, différaient de la déposition de Me Crump.
M. Lucas a déposé une note qu'il avait rédigée
immédiatement après la tenue de la réunion. Il
ressort de ladite note que les discussions ont été
particulièrement mouvementées et que l'avocat des
requérants a refusé de produire certains docu
ments.
Comme l'indique sa note, M. Lucas rappelait
par exemple à Me Crump [TRADUCTION] «que l'on
n'avait pas encore satisfait à la demande». Celui-ci
a répondu [TRADUCTION] «qu'il invoquera devant
le tribunal le moyen de défense selon lequel Wilder
vous a déjà fourni les documents demandés et qu'il
ne convenait pas de recommencer». La façon dont
je vois les choses, c'est que les requérants ont
effectivement fourni une grande quantité de docu
ments, mais que l'intimé en réclamait davantage.
Les requérants invoquent une décision rendue
par la Cour suprême de la Colombie-Britannique
dans l'affaire Hellenic Import-Export Co. et al. v.
M.N.R. et al., [1987] 1 C.T.C. 281. Le juge qui,
aux termes de l'article 231 de la Loi de l'impôt sur
le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63], avait
accordé la requête visant l'obtention de mandats
n'avait pas été informé de ce qui s'était passé entre
l'intimé, les requérants et leurs procureurs et sur-
tout du fait que l'avocat des requérants avait été
avisé par l'enquêteur qu'aucun autre document
n'était requis. Madame le juge Proudfoot a annulé
les mandats en se fondant sur la non-divulgation
importante. Elle a déclaré ce qui suit à la page
284:
[TRADUCTION] La non-divulgation des faits pertinents avait
trait à des questions qui ne sont pas sans importance ou ne
concernent pas la procédure, aux yeux du juge qui a signé le
mandat et elle est, en soi, néfaste ... Il n'appartenait pas au
dénonciateur pour quelque motif que ce soit, de décider de ce
qui serait dit au juge Callaghan.
Toutefois, un autre juge du même tribunal a
adopté un point de vue différent dans l'affaire
Hellenic Import-Export Company Limited et al.
v. M.N.R. et al. (No. 2) (1987), 87 DTC 5299;
[1987] 2 C.T.C. 36 (C.S.C.-B.). Madame le juge
Southin a déclaré ce qui suit aux pages 5305 DTC;
46 C.T.C.:
[TRADUCTION] Je répète que seule la fraude ou peut-être
l'absence d'une preuve quelconque peut invalider un mandat
décerné en vertu du présent article. En toute déférence, je
rejette en bonne partie les propos tenus par madame le juge
Proudfoot pour justifier l'annulation du mandat délivré
précédemment.
Les requérants invoquent aussi l'affaire Re
Pacific Press Ltd. and The Queen (1977), 37
C.C.C. (2d) 487 dans laquelle le juge en chef
Nemetz de la Cour suprême de la C.-B. a annulé
un mandat de perquisition décerné en vertu du
Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34]. Voici les
propos qu'il a tenus à la page 495:
[TRADUCTION] La délivrance d'un mandat de perquisition
est une affaire grave, notamment lorsque sa délivrance à l'en-
contre d'un journal peut empêcher, comme c'est le cas en
l'espèce, sa publication ... le juge de paix «devrait disposer de
suffisamment de renseignements pour lui permettre de décider
de façon judiciaire s'il doit ou non délivrer un tel mandat». À
mon avis, il ne disposait pas de suffisamment de renseignements
puisqu'il n'y avait pas de pièce pour démontrer:
1. s'il existait une autre source pouvant fournir les mêmes
renseignements, et
2. dans l'affirmative, que des mesures raisonnables avaient été
prises pour obtenir les renseignements de cette autre source.
Dans cette affaire, il y a lieu de croire que le
juge de paix ne disposait d'aucune information
importante concernant les mesures qui avaient été
prises pour obtenir les renseignements. En l'espèce,
comme on l'a mentionné précédemment, des affi
davits bien étoffés indiquent toutes les mesures
prises pour obtenir les renseignements des requé-
rants.
Dans une cause récente entendue devant la Cour
suprême de l'Ontario, l'affaire McLeod and Red
Lake Supermarkets v. The Queen, dans laquelle le
juge O'Leary a prononcé ses motifs à l'audience au
mois d'octobre 1987, le requérant se plaignait qu'il
y avait eu non-divulgation, ajoutant [TRADUC-
TION] «qu'il avait coopéré» et qu'il avait remis
[TRADUCTION] «plusieurs documents». Il a fait
valoir que le juge de première instance avait donc
le pouvoir discrétionnaire de ne pas décerner le
mandat. Le troisième paragraphe de la transcrip
tion des motifs du jugement prononcés à l'audience
est libellé comme suit:
[TRADUCTION] J'estime que le juge n'a pas ce pouvoir discré-
tionnaire. S'il est convaincu que les exigences de l'art. 231.3(3)
ont été remplies, la loi lui ordonne alors de délivrer le mandat.
À ce stade, il n'y a aucune conséquence si le juge estime que le
directeur a déjà suffisamment d'éléments de preuve ou que les
contribuables permettraient la perquisition et remettraient les
documents en l'absence du mandat.
Je partage l'opinion exprimée par le juge
O'Leary. Il n'appartient pas au juge de première
instance, et il ne m'appartient pas de décider si les
contribuables ont suffisamment coopéré et si les
enquêteurs ont besoin ou non d'un plus grand
nombre de documents pour terminer leur enquête.
Cela nous amène au deuxième moyen soulevé
par les requérants, selon lequel Revenu Canada
pouvait obtenir les renseignements demandés en
exerçant des recours autres qu'une demande de
mandats de perquisition. Il va de soi que je ne dois
pas substituer mon pouvoir discrétionnaire à celui
du juge McNair. (Voir l'arrêt Wilson c. La Reine,
[1983] 2 R.C.S. 594, à la page 608.) De toute
évidence, il a dû conclure, en tenant compte des
nombreux documents mis à sa disposition, que
toutes les mesures raisonnables avaient été prises
par ce Ministère et que la dernière solution de
rechange consistait à demander des mandats pour
obtenir les renseignements dont il avait besoin
dans la poursuite de son enquête.
Dans l'arrêt Re Church of Scientology and The
Queen (No. 4) (1985), 17 C.C.C. (3d) 499, la
Haute Cour de justice de l'Ontario a décidé que
lorsqu'il s'agit d'une demande d'annulation d'un
mandat de perquisition, le tribunal doit s'en tenir
au manque de compétence qui pourrait cependant
comprendre le cas où un mandat de perquisition a
été obtenu au moyen d'une fraude: la requête
visant à obtenir l'autorisation de soumettre une
telle preuve doit être fondée sur des allégations de
mensonge délibéré, ou d'omission insouciante de
dire la vérité.
Dans l'affaire Canada (directeur des enquêtes et
recherches) c. Calgary Real Estate Board
Co-operative Ltd., [1987] 3 C.F. 676 (i ie inst.),
j'ai analysé la jurisprudence sur la question du
droit de contre-interroger un déposant au sujet de
son affidavit de façon à obtenir un mandat en
vertu de la Loi sur la concurrence [S.R.C. 1970,
chap. C-23 (mod. par S.C. 1986, chap. 26, art.
19)]. Tout comme la Cour suprême de l'Ontario
dans l'arrêt Re Church of Scientology, précité, j'ai
conclu qu'il existe une présomption de validité en
faveur d'un affidavit appuyant une demande de
mandat de perquisition. J'ai également souscrit à
la décision de cette même Cour dans l'arrêt Mcin-
tosh Paving Co. et al. v. Hunter, Director of
Investigation & Research of Combines Investiga
tion Branch et al. (1987), 15 C.P.R. (3d) 500
(H.C. Ont.); selon cette décision, il faudrait avant
de pouvoir procéder à un contre-interrogatoire,
alléguer un mensonge délibéré ou une omission
insouciante de dire la vérité quant aux faits essen-
tiels et en faire la preuve pour qu'un mandat soit
annulé.
Si le juge est convaincu qu'il existe des motifs
raisonnables de croire qu'une infraction a été com-
mise et que des documents qui en établissent la
preuve sont susceptibles d'être trouvés dans les
lieux qui y sont décrits, il décerne le mandat
nécessaire à la perquisition et à la saisie.
J'aborde maintenant le troisième moyen selon
lequel les mandats sont trop généraux et vagues, et
ne concordent pas avec les documents déposés
devant le juge McNair. Les requérants invoquent
en premier lieu l'affaire Re United Distillers Ltd.,
une décision rendue par la Cour suprême de la
Colombie-Britannique (1946), 88 C.C.C. 338
(C.S.C.-B.), dans laquelle le juge en chef Farris a
annulé un mandat pour les motifs suivants que l'on
trouve à la page 344:
[TRADUCTION] Je conclus que le mandat de perquisition a
été décerné sans qu'on ait recueilli dans la dénonciation suffi-
samment d'éléments pour permettre au juge de paix agissant en
sa qualité judiciaire de décerner le mandat. Je conclus égale-
ment que la description des documents telle qu'elle figurait sur
le mandat lui-même était insuffisante et la police avait le
pouvoir discrétionnaire de choisir quels documents devraient
être saisis. Je conclus enfin que le mandat lui-même décrivait
l'infraction commise d'une façon tellement vague et imprécise
qu'il ne permettait pas à la personne dont les lieux faisaient
l'objet d'une perquisition de connaître le but précis de cette
perquisition. J'ordonne en conséquence que ledit mandat de
perquisition soit annulé.
Ces principes qu'on vient d'énoncer ont été
repris par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt
Re Times Square Book Store and The Queen
(1985), 21 C.C.C. (3d) 503 (C.A. Ont.). Cette
décision qui est plus récente a confirmé le principe
selon lequel le juge qui agit à titre de fonctionnaire
judiciaire indépendant doit, en se fondant sur la
prépondérance des probabilités, être convaincu que
des objets doivent se trouver dans les lieux décrits
dans le mandat et qu'ils permettront de prouver
qu'une infraction définie par le Code criminel a été
commise. La Cour a ajouté que le mandat doit être
suffisamment précis lorsqu'il s'agit de livres et de
revues. Elle a conclu que les renseignements per-
mettant d'obtenir le mandat étaient suffisants dans
ce cas mais que le mandat lui-même était défec-
tueux parce que les détails concernant l'emplace-
ment des revues non désignées par leur nom et les
scènes figurant sur leur couverture n'étaient pas
décrits dans le mandat. Les policiers ont joui en
raison de ces omissions, d'un trop grand pouvoir
discrétionnaire pour déterminer ce qui était
obscène.
Dans une autre décision de la Cour d'appel de
l'Ontario rendue la même année, l'affaire Re Print
Three Inc. et al. and The Queen (1985), 20 C.C.C.
(3d) 392, la Cour était saisie d'un cas de perquisi-
tion et de saisie sous le régime de l'ancien paragra-
phe 231(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Elle
a suivi deux décisions de la Cour d'appel fédérale,
Ministre du Revenu national c. Kruger Inc.,
[1984] 2 C.F. 535; 13 D.L.R. (4th) 706; 84 DTC
6478; et Vespoli, D. et autres c. La Reine et autres
(1984), 84 DTC 6489 selon laquelle le paragraphe
231(4) enfreint l'article 8 de la Charte canadienne
des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] et est
donc inconstitutionnel. (Je reviendrai plus tard sur
la décision Kruger.)
Dans l'affaire Print Three, la Cour a cependant
examiné le second argument des intimés selon
lequel les mandats de perquisition décernés en
vertu du Code criminel ne fournissaient pas les
précisions requises par l'article 443 et par la doc
trine et la jurisprudence. Ils prétendaient que le
libellé des mandats était tellement vague que
ceux-ci portaient atteinte à leurs droits à la protec
tion contre les fouilles, les perquisitions ou les
saisies abusives que garantissait l'article 8 de la
Charte. Selon la thèse des intimés, l'inspecteur du
ministère de l'Impôt sur le revenu avait déjà pro-
cédé à un examen approfondi de leurs livres et il
avait fait allusion à trois cas possibles de violation
de la Loi de l'impôt sur le revenu dans leur
dénonciation: les mandats n'auraient dû porter que
sur les quelques documents reliés à ces violations.
Dans cette affaire, les mandats faisaient état de
trois catégories distinctes d'articles devant faire
l'objet d'une perquisition et ils précisaient les
années auxquelles ils s'appliquaient. Les descrip
tions qui y étaient contenues se terminaient par
[TRADUCTION] «ayant trait ou étant nécessaire à
l'établissement du revenu imposable et de l'impôt
exigible». La Cour a conclu qu'en raison de l'éten-
due et de la complexité des activités commerciales
que favorisent la technologie moderne et les
méthodes de commercialisation, il était impossible
d'apporter de plus amples détails sur les docu
ments demandés dans les cas susmentionnés. Se
fondant sur ce motif, le tribunal a statué que, vu la
nature de l'infraction, les mandats étaient suffi-
samment précis et détaillés et que sous ce rapport,
ils ne violaient pas l'article 8 de la Charte.
Les mandats contestés dans les requêtes dont je
suis saisi contiennent de nombreux détails. Ils
fournissent en premier lieu des précisions sur
toutes les infractions au sujet desquelles le dépo-
sant a des motifs raisonnables de croire qu'elles
ont été commises par les diverses parties qui sont
les requérants en l'espèce. Ils décrivent ensuite
dans chaque cas les lieux qui doivent faire l'objet
d'une perquisition. Chaque mandat est accompa-
gné d'une annexe donnant un aperçu des recher-
ches envisagées, de la période à laquelle les docu
ments se rapportent et d'une description générale
de chaque type de documents. Les descriptions en
question se terminent par les mots «ayant trait ou
étant nécessaire à l'établissement de». Après cela
figurent les divers éléments faisant l'objet d'une
enquête, tels que les dépenses de recherches scien-
tifiques, le revenu imposable et l'impôt exigible en
vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. A mon
avis, les mandats en cause contiennent suffisam-
ment de détails dans les circonstances.
La norme des «motifs raisonnables de croire»
équivaut non pas à une preuve au-delà de tout
doute raisonnable comme dans le cas d'une infrac
tion criminelle mais simplement au critère d'une
probabilité raisonnable en matière civile (voir R. v.
DeBot (1986), 54 C.R. (3d) 120 (C.A. Ont.), à la
page 132).
Enfin, le quatrième moyen invoqué par les
requérants porte que les mandats contreviennent à
la Charte canadienne des droits et libertés et en
particulier aux articles 7 et 8.
Dans l'affaire Kruger Inc. c. Ministre du
Revenu national du Canada, [1984] 1 C.F. 120;
(1983), 150 D.L.R. (3d) 176 (i re inst.), j'ai conclu
que l'ancien paragraphe 231(4) de la Loi de l'im-
pôt sur le revenu traitant de perquisition et de
saisie contrevenait à la Charte et qu'en consé-
quence, il était inconstitutionnel. Cette décision a
été confirmée par la Cour d'appel fédérale [1984]
2 C.F. 535; 13 D.L.R. (4th) 706; 84 DTC 6478
(C.A.). Parlant au nom de la majorité, le juge
Pratte a posé une question et y a répondu comme
suit aux pages 549 C.F.; 716 et 717 D.L.R.; 6483
DTC:
C'est la constitutionnalité de ce paragraphe qui est contestée
dans la mesure où il confère au Ministre, lorsqu'il a des motifs
de croire qu'une infraction spécifique a été commise, le pouvoir
d'autoriser des recherches et une saisie sans restriction, relative-
ment à la violation de toute disposition de la Loi de l'impôt sur
le revenu.
Cependant, je ne peux admettre la proposition générale voulant
que le simple fait qu'un contribuable ait, à un certain moment,
commis une infraction à la Loi de l'impôt sur le revenu ou aux
règlements, si peu importante que soit cette infraction, consti-
tue une justification suffisante du pouvoir général de perquisi-
tion et de saisie conféré par le paragraphe 231(4). À mon avis,
ce paragraphe contrevient à l'article 8 de la Loi constitution-
nelle de 1982 en ce qu'il viole le droit du contribuable «à la
protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies
abusives».
Dans l'affaire Print Three précitée, le juge en
chef adjoint MacKinnon a examiné attentivement
la jurisprudence et les motifs pour lesquels on a
jugé que ce paragraphe violait l'article 8 de la
Charte. Par souci de commodité, ces motifs peu-
vent être énoncés comme suit:
(i) L'article permettait d'entrer dans un lieu pour chercher
tous les documents pouvant prouver qu'une infraction à la Loi
avait été commise;
(ii) L'article en question permettait d'entrer dans un lieu pour
chercher tous les documents pouvant prouver qu'une infraction
à un règlement d'application de la Loi avait été commise;
(iii) Il ne prévoyait pas le recours à un arbitre indépendant;
(iv) Il n'était pas nécessaire que l'autorité habilitante soit
convaincue, en se fondant sur des motifs raisonnables, qu'une
infraction avait été commise;
(v) Il n'exigeait pas de croire qu'un élément de preuve était
susceptible d'être découvert au lieu où la perquisition avait été
effectuée;
(vi) Il n'était pas nécessaire que les motifs du ministre soient
soumis au juge;
(vii) L'article en question ne fournissait aucune instruction sur
ce que le juge devait décerner en accordant son autorisation
(p.ex. devait-il s'agir d'un mandat);
(viii) Le ministre n'était pas tenu d'indiquer dans son autorisa-
tion les choses qui devaient faire l'objet de la perquisition.
Le législateur a, de toute évidence, conçu le
nouvel article 231.3 [édicté par S.C. 1986, chap. 6,
art. 121] pour répondre à ces objections. L'article
modifié offre maintenant les garanties suivantes:
(i) un arbitre indépendant (un juge) doit décerner le mandat;
(ii) celui-ci doit être établi par écrit et contenir tous les rensei-
gnements prévus au paragraphe 4;
(iii) le mandat ne peut être décerné que dans le cas d'une
infraction à la Loi; les infractions aux règlements ayant été
supprimées;
(iv) le juge doit être convaincu, en se fondant sur des motifs
raisonnables, qu'une infraction à la Loi a été commise, que des
éléments de preuve sont susceptibles d'être découverts au lieu
où s'effectue la perquisition et que les motifs en question lui
seront présentés sous serment;
(v) le mandat doit donner suffisamment de précisions sur les
documents ou choses à chercher et à saisir;
(vi) il est permis au juge, soit de sa propre initiative, soit sur
requête sommaire présentée par une personne intéressée, d'or-
donner la restitution des documents ou choses saisis
a) s'ils ne sont pas nécessaires à une enquête relative à un
procès criminel, ou
b) s'ils n'ont pas été saisis conformément au mandat.
Il est vrai que le paragraphe 231.3(5) contient
encore cette disposition selon laquelle une personne
«peut saisir, outre les documents ou choses men-
tionnés à ce paragraphe, tous autres documents ou
choses qu'[elle] croit, pour des motifs raisonnables,
constituer des éléments de preuve de la perpétra-
tion d'une infraction à la présente Loi». Mais, à
mon avis, il est clair que les garanties additionnel-
les accordées par le nouvel article 231.3 rendent
acceptable la procédure en matière de perquisition
et de saisie et constituent «une règle de droit, dans
des limites qui soient raisonnables» selon les termes
de l'article 1 de la Charte.
En conséquence, les requêtes en annulation sont
rejetées et toutes ordonnances de la Cour concer-
nant l'apposition des scellés sur les documents
obtenus au moyen des mandats de perquisition
sont annulées, sous réserve des réclamations résul-
tant du secret entre procureur et client relative-
ment aux documents saisis dans les locaux de
Walsh, Micay and Company de Winnipeg et de
Clark Dymond Crump de Calgary. La Couronne
ne réclame aucuns dépens et aucuns ne lui seront
adjugés. Les deux parties ont demandé une suspen
sion d'instance de vingt jours pour qu'elles puissent
éventuellement interjeter appel et cette demande
leur est accordée par les présentes.
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