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T-845-88
Organisation nationale anti -pauvreté et Arthur Milner (demandeurs)
c.
Procureur général du Canada (défendeur)
et
Bell Canada Internationl Inc. et BCE Inc. (intervenantes)
RÉPERTORIÉ: ORGANISATION NATIONALE ANTI -PAUVRETÉ c. CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)
Division de première instance, juge Muldoon— Ottawa, 25 et 26 mai, 10 et 27 juin 1988.
Télécommunications Action visant à obtenir un jugement déclarant que le décret modifiant la partie de la décision du CRTC sur la proposition tarifaire de Bell Canada concernant le dédommagement pour les employés de Bell provisoirement mutés à la BCI est nul et inopérant Il s'agit de savoir si les coûts de mutation sont assumés par les abonnés de Bell et s'ils constituent un interfinancement entre Bell et BCI Le décret est soumis au contrôle judiciaire Le gouverneur en conseil a violé l'art. 2e) puisqu'il n'a pas permis à la demanderesse ONAP d'être entendue.
Contrôle judiciaire Recours en equity Jugements déclaratoires Décret modifiant la partie de la décision du CRTC relative à la proposition tarifaire de Bell Canada concernant le dédommagement pour les employés de Bell provisoirement mutés à une autre société Le décret n'est pas une question de commodité publique et de politique générale et il s'ensuit qu'il est soumis au contrôle judiciaire En l'ab- sence d'urgence ou d'exigences relatives au renseignement de sécurité, le gouverneur en conseil est lié par la règle audi alteram partem en vertu de l'art. 2e) de la Déclaration des droits La règle en l'espèce a été violée puisque la demande- resse ONAP n'a pas eu la possibilité d'être entendue Remarque: C'est avoir une vision métaphysique archaïque que de prétendre qu'un bref de prérogative (au nom du Souverain) ne peut être délivré contre le gouverneur en conseil (présidé, en théorie, par le régent du Souverain); ce dernier n'est pas au-dessus de la loi; en outre, le Parlement et le gouvernement sont soumis à la Constitution.
Déclaration des droits Droit à une audience impartiale Avant de modifier la décision du CRTC ayant trait à la proposition de Bell Canada sur les tarifs, le gouverneur en conseil doit, en l'absence d'urgence ou d'exigences relatives au renseignement de sécurité, permettre à la partie devant le CRTC d'être entendue et examiner sérieusement les observa tions qui lui sont faites.
Droit constitutionnel Charte des droits Droits à l'égalité Les droits prévus à l'art. 15 de la Charte ne s'appliquent pas aux personnes morales Le particulier demandeur n'a pas établi qu'il avait le droit d'être traité de façon égale à tout autre individu se trouvant dans la même
situation Dans les causes de droit constitutionnel, les tribunaux ont l'obligation de ramener les parties aux questions pertinentes pour empêcher que les principes constitutionnels soient mis en échec ou laissés dans l'oubli.
Puisque Bell Canada s'apparente à une entreprise de service public, elle est soumise au pouvoir de réglementation du CRTC, notamment en ce qui concerne les tarifs, les coûts et les procédures comptables. Les tarifs de Bell Canada sont approu- vés par le CRTC conformément à certains facteurs tels que les revenus et les besoins en revenus. Au cours des audiences tenues en 1986 et en 1987 au sujet des besoins en recettes de Bell Canada, on s'est demandé si cette dernière ne se trouvait pas à interfinancer sa filiale indépendante Bell Canada International Inc. (BCI) lorsque ses employés sont mutés au service de la BCI à l'étranger pour une période dont la durée normale est de deux ans au moins. On était préoccupé par le fait qu'une partie des coûts était transmise aux abonnés de Bell. Dans sa décision 88-4 du 17 mars 1988, le CRTC a fixé à 25 % l'indemnité payable à Bell ou à sa filiale Tele-Direct en raison de la mutation temporaire d'employés (une contribution compensa- toire correspondant à 25 % du salaire annuel et des frais connexes de chaque employé). Le 25 mars 1988, Bell Canada Enterprises Inc. (BCE) et BCI, qui n'avaient été ni l'une ni l'autre parties devant le CRTC, ont présenté au gouverneur en conseil une pétition demandant que le niveau des frais soit abaissé.
Sans tenir compte de la demande de l'Organisation nationale anti -pauvreté (ONAP) visant à obtenir la possibilité de formu- ler une réponse, le gouverneur en conseil, agissant conformé- ment au paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les attribu tions en matière de télécommunications (Loi NAMT), a pris le décret C.P. 1988-762 qui, en fait, déclarait que l'établissement de la valeur des mutations devait être restreint à l'utilisation des frais vérifiés et des garanties de réemploi, faisant ainsi droit aux demandes de BCE et BCI.
Les procédures en l'espèce ont commencé par une requête en certiorari visant à faire annuler le décret C.P. 1988-762. Les parties ont convenu de la remplacer par une action visant à faire déclarer le décret nul et inopérant.
Jugement: l'action doit être accueillie.
Remarque: Il est métaphysiquement archaïque de prétendre qu'en raison du fait que les brefs de prérogatives sont délivrés au nom du Souverain, ils ne peuvent être décernés contre un organisme présidé par le régent du Souverain comme le gouver- neur en conseil. Le Souverain n'est pas au-dessus de la loi et le Parlement ainsi que le gouvernement du Canada sont soumis à la Constitution.
Il est bien établi que les décrets sont soumis au contrôle judiciaire surtout lorsqu'ils ne se rapportent pas, comme en l'espèce, à des questions de commodité publique ou de politique générale. La décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Thorne's Hardware établit un précédent quant à la proposition selon laquelle ni le pouvoir conféré au gouverneur en conseil, ni l'exercice particulier de ce pouvoir n'échappent au contrôle judiciaire.
Le principe suivant lequel les décrets pris illégalement ne jouissent d'aucune immunité a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Inuit Tapirisat. Le principe bien établi suivant lequel ni la Souveraine ni la Souveraine en conseil n'est
au-dessus de la loi a été confirmé dernièrement par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Operation Dismantle.
Les pouvoirs conférés par le paragraphe 64(1) de la Loi NAMT, dont l'exercice est examiné aux présentes, sont mani- festement arbitraires, despotiques et autocratiques. La constitu- tionnalité de ce paragraphe, bien que douteuse, n'est pas con- testée en l'espèce.
Même si le juge Estey, dans l'arrêt Inuit Tapirisat, qualifie le pouvoir conféré en vertu du paragraphe 64(1) de «législatif», ce pouvoir pourrait être défini de façon plus exacte comme étant un pouvoir légal d'intervention en vue de modifier ou d'annuler des décisions qui ne seraient pas conformes aux énoncés de principe du gouvernement dans ces domaines. Qua lifier ce pouvoir de pouvoir législatif dépasse le cadre fixé par la Cour suprême du Canada dans son arrêt ultérieur Thorne's Hardware, dans tous les cas comme en l'espèce le pouvoir n'est pas exercé relativement à «des questions de commodité publique et de politique générale».
En outre, l'arrêt Inuit Tapirisat précède la Charte de même que la réanimation de la Déclaration des droits dans l'arrêt Singh. Dans cet arrêt antérieur, le juge Estey était libre de grouper en une simple fonction législative l'intervention pour des motifs de politique en vue de corriger une décision rendue inter partes et le fait de légiférer pour le public en général. Il pouvait également conclure que la règle audi alteram partem ne s'applique pas au gouverneur en conseil lorsqu'il intervient dans une décision rendue inter partes par le CRTC. Aujour- d'hui, l'exercice des pouvoirs qu'on retrouve au paragraphe 64(1) doit être interprété en conformité avec la Constitution et la teneur de la loi.
Dès le début, les demandeurs ont invoqué l'article 15 de la Charte. Toutefois, puisque les particuliers sont les seuls à pouvoir jouir des droits qui y sont garantis, l'ONAP ne peut invoquer l'article 15. En outre, le demandeur Milner n'a pas établi qu'il avait le droit d'être traité de façon égale à tout autre individu se trouvant dans la même situation. Dans un litige ordinaire, la Cour n'est pas tenue de venir au secours d'une partie dont les plaidoiries sont inaptes ou en dehors du but visé. Toutefois, dans une affaire de droit constitutionnel, la Cour ne doit pas laisser avorter la cause d'un plaideur privé si cela entraîne une déformation ou une contradiction des principes ou des impératifs constitutionnels. Conformément à ce principe, la Cour a recommandé aux procureurs de présenter des argu ments sur l'application de l'alinéa 2e) de la Déclaration cana- dienne des droits. En 1988, le gouverneur en conseil doit, en vertu de l'alinéa 2e), respecter les canons de base de la »justice naturelle», de la justice fondamentale ou tout simplement de l'impartialité, c'est-à-dire la règle audi alteram partem qui oblige à entendre l'autre partie avant de déterminer les droits et obligations de celle-ci. En l'absence d'urgence ou d'exigences relatives au renseignement de sécurité, le gouverneur en conseil ne peut légalement agir autrement.
Ainsi, bien qu'une personne cynique puisse demander s'il y a des conséquences au cas le gouverneur en conseil ne tient pas compte des réponses des parties intéressées, la loi en 1988 exige non seulement que toutes les parties devant le CRTC (autres que le(s) requérant(s) devant le gouverneur en conseil) bénéfi- cient d'une chance raisonnable de répondre par écrit à la requête, mais également que leur réponse, le cas échéant, soit considérée avec autant de soin et d'attention que la requête originale.
Pour répondre à l'argument selon lequel le contrôle judiciaire prévu aux termes de la Déclaration des droits est quelque peut antimajoritaire ou antidémocratique, il n'y a qu'à souligner que les dispositions relatives au contrôle judiciaire dans la Charte et dans la Déclaration des droits ont été introduites par des législateurs élus par le peuple.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 2,7à15,33.
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen- dice III, art. 2e).
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 5] (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de /982, 1).
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.).
Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. 1-23, art. 28.
Loi nationale sur les attributions en matière de télécom- munications, S.R.C. 1970, chap. N-17 (mod. par S.C. 1987, chap. 34, art. 302), art. 1, 2, 64(1).
Loi nationale de 1987 sur les transports, S.C. 1987, chap. 34, art. 301, 302, 303.
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap. 10, art. 2, 18.
Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, chap. R-2, art. 321.
Loi sur les corporations canadiennes, S.R.C. 1970, chap. C-32.
Ordonnance modifiant la décision Telecom CRTC 88-4, DORS/88-250 (C.P. 1988-762).
JURISPRUDENCE DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Thorne's Hardware Ltd. et autres c. La Reine et autres, [1983] 1 R.C.S. 106; 143 D.L.R (3d) 577; Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] I R.C.S. 441; Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] I R.C.S. 177; Smith, Kline & French Laboratories Ltd. c. Canada (procureur général), [1987] 2 C.F. 359; (1986), 27 C.R.R. 286; 34 D.L.R. (4th) 584; 12 C.P.R. (3d) 385; 78 N.R. 30 (C.A); R. v. Stoddard (1987), 59 C.R. (3d) 134 (C.A. Ont.); Omi- nayak v. Norcen Energy Resources Ltd. (1987), 83 A.R. 363 (B.R.); Leighton c. Canada, T-165-85, juge Mul- doon, jugement en date du 18-5-88, C.F. 1" inst., encore inédit; Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] l R.C.S. 110; Rajpaul c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1988] 3 C.F. 157 (C.A.); Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735; Padfield v. Minis-
ter of Agriculture, Fisheries and Food, [1968] A.C. 997 (H.L.).
DÉCISIONS CITÉES:
Re. Public Utilities Review Commission Act (1986), 52 Sask. R. 53; 26 Admin.L.R. 216 (C.A.); Chambre de commerce de Jasper Park c. Gouverneur général en conseil, [1983] 2 C.F. 98 (C.A.); Re Doctors Hospital and Minister of Health et al. (1976), 12 O.R. (2d) 164 (H.C. Ont.); FAI Insurances Ltd v Winneke (1982), 41 ALR 1 (H.C.); Reade v. Smith, [1959] N.Z.L.R. 996 (S.C.); Aerlinte Eireann Teoranta c. Canada, [1987] 3 C.F. 383; 9 F.T.R. 29 (It' inst.); C.E. Jamieson & Co. (Dominion) Ltd. et autre c. Procureur général du Canada (1987), 37 C.C.C. (3d) 193; 12 F.T.R. 167 (C.F. l'e inst.).
AVOCATS:
Andrew J. Roman et Glen W. Bell pour les
demandeurs.
Duff F. Friesen pour le défendeur.
David Wilson pour les intervenantes.
PROCUREURS:
Centre pour la promotion de l'intérêt public, Ottawa, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Osler, Hoskin & Harcourt, Ottawa, pour les intervenantes.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MULDOON: Les procédures en l'espèce ont commencé par une demande présentée en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, contre l'intimé, le gouverneur en conseil, en vue d'obtenir un bref de certiorari, visant à faire annuler le décret C.P. 1988-762 en date du 22 avril 1988 [Ordonnance modifiant la décision Télécom CRTC 88-4, DORS/88-250]. Le décret avait pour effet de modifier, conformément au paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les attributions en matière de télécommunications', la décision Télécom CRTC 88-4 rendue en date du 17 mars 1988.
' Le 28 août 1987, la sanction royale a été donnée à la Loi nationale de 1987 sur les transports, S.C. 1987, chap. 34, qui prévoit:
Au début de l'audience, le procureur du gouver- neur en conseil, qui est également procureur de la Couronne et membre du personnel du procureur général, a fait une objection préliminaire. Son argument n'était pas illogique mais il prônait une vision anachronique et archaïque du noble person- nage de Sa Majesté la Reine, sa Couronne et sa dignité. Se basant sur l'article 28 de la Loi d'inter- prétation, S.R.C. 1970, chap. I-23, le procureur de la Couronne fait valoir que, comme le gouverneur en conseil, de toute évidence un «office, commis sion ou autre tribunal fédéral», agit au nom de la Souveraine, certains principes de droit applicables à la Couronne s'appliquent également au gouver- neur en conseil. Comme le paradigme du certiorari est un bref de prérogative décerné par les cours d'archives supérieures, au nom de la Souveraine, il est au-delà du pouvoir de la Cour (ou à tout le moins inconvenant) prétend-on de décerner une telle ordonnance contre un office, commission ou autre tribunal fédéral ayant à sa tête le régent de la Souveraine, même si celui-ci assiste rarement aux réunions du cabinet.
Le procureur de la Couronne prétend, par consé- quent, que puisqu'aucun bref de prérogative ou autre ordonnance impérative fondé sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale ne peut être décerné contre la Couronne ou le gouverneur en conseil, [TRADUCTION] «la seule et unique façon d'obtenir une révision judiciaire est par la voie d'une procé- dure dirigée contre le procureur général du Canada, en vue d'obtenir un jugement déclaratoire contre le gouverneur en conseil». Il peut s'agir d'une vision métaphysique archaïque alors que
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Loi nationale sur les transports
301. Le titre intégral de la Loi nationale sur les transports est abrogé et remplacé par ce qui suit:
«Loi concernant les attributions relatives à certaines matières de télécommunications»
302. Les articles 1 et 2 de la même loi sont abrogés et remplacés par ce qui suit:
«1. Loi nationale sur les attributions en matière de télécommunications.
DÉFINITIONS
2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi. «Conseil» Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommuni- cations canadiennes.
«ministre» Le ministre des Communications.
«Secrétaire» Le fonctionnaire ou l'employé du Conseil nommé par celui-ci pour accomplir le travail de secrétaire.»
303. L'intertitre qui précède l'article 3 et les articles 3 à 16 de la même loi sont abrogés.
tout le monde sait depuis longtemps que le Souve- rain n'est pas au-dessus de la loi et, depuis 1982, sinon avant, le Parlement et le gouvernement du Canada sont soumis à la loi suprême du Canada, la Constitution. De plus, il est évident que si Sa Majesté a connaissance de ces procédures, elle ne peut se sentir personnellement lésée car son régent en conseil d'outre-mer pourrait, si telle était la décision, être tenu de se plier à une ordonnance de la Cour fédérale, ce qui, en matière de certiorari signifierait seulement qu'une décision du cabinet serait annulée pour des raisons légales. Ceux qui, comme le procureur de la Couronne, prétendent le contraire, pourraient induire à tort certains de leurs concitoyens à souhaiter une forme de gouver- nement plus républicaine. Le gouvernement royal ne devrait pas être vu et protégé comme une plante de serre, de crainte qu'elle en devienne une. La common law de la Constitution ne peut véritable- ment être un arbre vivant si elle est étouffée par un atavisme pathologiquement vieux jeu, qui serait l'objectif stérile de ses praticiens et juges.
Le procureur du requérant ne souhaitait toute- fois pas que l'argumentation soit centrée sur l'ob- jection préliminaire. Après une suspension d'au- dience au cours de laquelle les procureurs ont pu discuter avec leurs clients respectifs, et entre eux, ils ont déposé une espèce d'avis de requête, au sujet duquel tous les procureurs ont obtenu le consentement de leurs clients respectifs. Il est libellé ainsi:
[TRADUCTION] REQUÊTE VISANT À OBTENIR UNE ORDON- NANCE:
1. modifiant l'intitulé de la cause, de sorte que l'intimé soit le procureur général du Canada;
2. modifiant la forme des procédures, qui seraient non plus une requête mais une action, par laquelle le redressement sollicité est un jugement déclaratoire portant que le décret C.P. 1988-762, daté du 22 avril 1988, est nul et inopérant, et que le procès est instruit aujourd'hui, sur la base du dossier du requérant, pourvu qu'aucun jugement déclaratoire ne conclue que les droits des demandeurs reconnus par l'article 15 de la Charte ont été enfreints, jusqu'à ce que les parties aient échangé des actes de procédure et aient eu la chance d'exer- cer tous les droits qui leur sont conférés avant le procès et qu'il y ait eu une audience séparée sur toute question pouvant être soulevée en vertu de l'article 1 de la Charte.
D'un commun accord, les procureurs ont préparé une ordonnance visant à donner suite aux requêtes ci-dessus, laquelle ordonnance a été signée et pro- noncée le 26 mai 1988. Cela explique l'intitulé de la cause figurant ci-dessus. De plus, tous les procu-
reurs ont accepté, au nom de leurs clients, de ne pas interjeter appel de la métamorphose bizarre de la nature des procédures, en renonçant aux plaidoi- ries, aux interrogatoires préalables et aux témoins viva voce, dans la mesure prévue.
Comme on peut le constater, cette action risque de durer «jusqu'à ce que les parties aient échangé des actes de procédure et aient eu la chance d'exercer tous les droits qui leur sont conférés avant le procès» quant à la question de savoir si les droits des demandeurs prévus par l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui cons- titue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] ont été violés, et jusqu'à ce que toute question pouvant être soulevée en vertu de l'article 1 de la Charte ait été jugée. Afin d'obtenir une solution relativement rapide sur les autres questions en litige en date du 25 mai, reportées au 26 mai à cause du volume des prétentions du procureur des demandeurs et reportées une fois de plus au 10 juin pour entendre le défendeur et les intervenantes, les procureurs peuvent très bien avoir conçu une nouvelle espèce de procédure à peine recevable, qu'ils ont acceptée en toute con- naissance de cause et dont ils ne peuvent mainte- nant se plaindre.
La demanderesse, l'Organisation nationale anti - pauvreté (ONAP), est un organisme de charité constitué en mai 1973, en vertu de la Partie II de la Loi sur les corporations canadiennes [S.R.C. 1970, chap. C-32]. Elle est censée agir et être intervenue dans les procédures en cause devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunica- tions canadiennes, (CRTC), au nom des «familles à faible revenu», conformément à ses lettres paten- tes, qui peuvent ou non, mais qui sont supposées approuver ses activités. Le demandeur, Arthur Milner, jure qu'il est un membre associé de l'ONAP et un abonné de Bell, mais il ne dit rien sur la question de savoir s'il est membre d'une «famille à faible revenu». De toute façon, le CRTC a accepté la présence de l'ONAP à titre d'interve- nante lors de ses audiences et elle a effectivement payé à l'ONAP ses frais de comparution et de participation. Le Centre pour la promotion de l'intérêt public a agi à titre de conseiller pour l'ONAP lors des audiences du _ CRTC, selon l'affidavit d'Elizabeth MacKenzie.
La pièce «A» jointe au premier affidavit d'Eliza- beth MacKenzie, assermentée le 6. mai 1988, con- siste en une copie d'extraits sélectionnés de la décision Télécom CRTC 88-4, qui est bilingue, soit les pages 1 (page titre) à 5 (incluant la table des matières et le premier paragraphe de l'introduc- tion) et les pages 52 59. La décision porte le titre suivant:
BELL CANADA-BESOINS EN REVENUS POUR 1988, RÉÉQUI- LIBRAGE DES TARIFS ET QUESTIONS DE PARTAGE DES REVENUS
COMPAGNIE DE TÉLÉPHONE DE LA COLOMBIE-BRITANNI- QUE-RÉVISIONS AU BARÈME TARIFAIRE TRANSCANADIEN ET QUESTIONS DE PARTAGE DES REVENUS
Voici le paragraphe introductif de la décision du CRTC:
Le 3 février 1987, le Conseil a reçu deux requêtes de Bell Canada (Bell) en vertu des avis de modification tarifaire 2269 et 2270. Dans la lettre qui accompagnait ces requêtes, Bell a souligné que, dans la décision Télécom CRTC 85-19 du 29 août 1985, intitulée Concurrence intercirconscription et questions connexes (la décision 85-19), le Conseil avait indiqué qu'il comptait procéder à un examen public des questions liées au rééquilibrage des tarifs. Dans ce contexte, les requêtes constituaient une proposition précise de rééquili- brage des tarifs pour fins d'étude par le Conseil.
Il faut noter ici que Bell est l'une des deux filiales entièrement canadiennes de l'une des deux intervenantes, Bell Canada Enterprises Inc. (BCE), le holding du groupe de compagnies et d'entreprises Bell. La BCE gère les services de télécommunications, de fabrication d'équipement de télécommunication, d'énergie, d'imprimerie et d'immobilier. L'autre intervenante, Bell Canada International Inc. (BCI) est également une filiale entièrement canadienne de la BCE. Selon l'exposé des faits et du droit préparé par son procureur, la BCI offre des services de consultation en matière de télécommunications à des gouvernements et à des entreprises dans environ 70 pays, depuis les 20 dernières années. Bell était partie aux procédures devant le CRTC. La propriétaire BCE et sa filiale soeur BCI n'étaient pas parties à l'audience devant le CRTC, mais elles étaient les requérantes ayant amené le gouverneur en conseil à prendre le décret C.P. 1988-762, et elles sont les intervenantes en l'espèce devant cette Cour. Contrairement à la société mère (ou propriétaire) BCE et à sa filiale soeur BCI, Bell est soumise au pouvoir de régle- mentation du CRTC dans différents domaines, notamment les tarifs, les coûts et les procédures
comptables, à cause du genre d'entreprise, qui s'apparente aux services publics, qu'elle a choisie d'exploiter en vue de réaliser un profit.
Ces questions de réglementation sont soulevées parce que seule Bell est réglementée, puisqu'elle offre des services prévus par les règlements perti- nents. Afin d'exécuter ses contrats internationaux, la BCI engage, de temps à autre, sur une base temporaire, des employés de Bell et d'autres entre- prises réglementées de télécommunications cana- diennes. Pendant que ces employés sont au service de la BCI, tous leurs frais directs, tels les salaires, avantages et dépenses accessoires sont assumés exclusivement par la BCI. De plus, conformément aux présentes ententes entre Bell et la BCI, celle-ci verse à Bell certains frais indirects liés à l'embau- che des employés de Bell, dont:
a) un montant forfaitaire de 1 840 $ pour chaque employé muté pour plus de 30 jours;
b) un montant forfaitaire de 455 $ pour chaque employé «rapatrié» par Bell;
c) un montant forfaitaire de 90 $ pour chaque prolongation de la durée du congé autorisé pour tout employé prêté à la BCI; et
d) en plus, un versement annuel de 1 000 $ par employé embauché par la BCI, en vue de cou- vrir les frais inconnus possibles ou les frais indéterminés que Bell pourraient encourir quant à cet employé.
La question posée au CRTC était de savoir si Bell réclamait à la BCI des frais suffisants lorsque cette dernière embauchait des experts de Bell en vue de satisfaire aux besoins de ses contrats de consultation.
On peut aussi analyser la question en se deman- dant si les montants réclamés par Bell pour prêter ses employés sont si bas que certains coûts doivent être imposés à ses abonnés. Il ressort de la lecture des extraits des motifs et ordonnances du CRTC, CRTC 88-4 ci-dessus mentionné, CRTC 88-6 dont une copie constitue la pièce «A» jointe à l'affidavit additionnel d'Elizabeth MacKenzie assermentée le 10 mai 1988, et de la transcription partielle qui constitue la pièce «K» jointe à cet affidavit addi- tionnel, que les audiences du CRTC et l'analyse de la question des frais de Bell déjà mentionnés pour le prêt de ses employés ont été longues et soigneu- sement détaillées, prudentes, profondes et justes.
I1 est opportun d'examiner au moins quelques extraits tirés de la décision Télécom CRTC 88-4 [ci-après parfois appelée décision 88-4], qui font partie des extraits annexés comme pièce «A» jointe à l'affidavit d'Elizabeth MacKenzie, assermentée le 6 mai 1988. Il est utile de noter que la décision 88-4 du CRTC est une «décision tarifaire concer- nant Bell Canada, rendue conformément à l'article 321 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, [chap.] R-2», comme l'ont admis les intervenantes BCE et BC1 à la page 10 de leur exposé des faits et du droit, déposé en l'espèce le 25 mai 1988.
Voici donc certains extraits tirés de la décision 88-4 [aux pages 52 54]:
V TRANSACTIONS INTERCOMPAGNIES
A. Dédommagement pour les employés provisoirement mutés
1) Historique
Dans la décision 86-17, le Conseil a jugé que le dédommage- ment convenable pour les employés provisoirement mutés à la Bell Canada International Inc. (la BCI) est une contribution de 25 % calculée en fonction d'un coût imputé composé de l'ensemble des frais annuels reliés aux salaires et à la main d'oeuvre de chacun de ces employés, immédiatement avant la mutation. Il a aussi été établi que ces frais doivent être rajustés, le cas échéant, de manière à tenir compte de toute majoration normale de salaire au cours de la période de mutation, mais qu'ils ne doivent pas inclure tout rajustement de salaire attribuable uniquement à une affectation outre-mer.
Bell a aussi déclaré que, dans une lettre du 14 juillet 1987 jointe à son Dossier des pièces justificatives et adressée à M. A.J. de Grandpré, président des BCE Inc. (les BCE), jadis les Entreprises Bell Canada Inc., la ministre des Communi cations a indiqué que, de fait, le niveau de dédommagement aux fins de la réglementation ne doit pas dépasser les frais vérifiés liés directement et indirectement à ces mutations.
Dans une lettre du 9 octobre 1987 adressée au Conseil et déposée comme pièce 2 du CRTC, la ministre des Communi cations a déclaré que les observations formulées dans sa lettre du 14 juillet 1987 ne donnaient pas d'instructions au Conseil sur la manière de traiter le transfert de revenus entre Bell et la BCI. Dans sa lettre, la ministre a également déclaré qu'elle n'avait pas l'intention de donner l'impression que l'établissement de la valeur de ces transferts devait être restreint à l'utilisation des frais comptables.
La Cour a entendu beaucoup de commentaires au sujet de ces lettres adressées à la ministre ou provenant d'elle, au cours des plaidoiries de chacun des procureurs. Il sera fait état plus loin de l'importance que leur accorde le procureur des demandeurs.
Par la suite, aux pages 54 à 58, le CRTC a scrupuleusement résumé les positions respectives
des parties en présence: Bell, l'Alliance canadienne des télécommunications de l'entreprise (ACTE, représentant les grandes entreprises utilisatrices) et l'Association des consommateurs du Canada (ACC), et encore Bell, en réponse. Le CRTC a aussi noté que «l'Ontario, l'ACTE et autres et l'ACC ... tous ont exprimé l'avis que le traitement réglementaire exposé dans la décision 86-17 conti nue d'être approprié» (page 56), alors que «Bell a ... exprimé l'avis que le Conseil ne doit pas se sentir limité par sa conclusion dans la décision (page 57) 86-17, mais qu'il doit envisager la ques tion à la lumière des facteurs et des développe- ments exposés au cours de l'instance» [page 58].
Le CRTC a ensuite fait part [aux pages 58 et 59] de sa conclusion sur la question du dédomma- gement à Bell pour avoir prêté et pour prêter ses employés à la BCI ou à une compagnie affiliée.
3) Conclusions
Le Conseil n'a pas été persuadé qu'il y a lieu de modifier l'approche au dédommagement des employés provisoirement mutés prescrite dans la décision 86-17. Bell a choisi de se pencher sur la question de savoir s'il existe de l'interfinance- ment uniquement en fonction des frais comptables. Le Con- seil rejette ce point de vue et il estime que les frais compta- bles seuls ne tiennent pas compte de tous les frais inhérents aux mutations provisoires d'employés à la BCI. À cet égard, le Conseil note la lettre de la Ministre, en date du 9 octobre 1987, dans laquelle elle a déclaré: [TRADUCTION] u... je n'avais pas l'intention de donner l'impression que l'établisse- ment de la valeur de ces mutations doit être restreint à l'utilisation des frais comptables.»
Au nombre des frais non inclus dans les frais comptables se trouvent les frais liés aux garanties de réemploi. Le Conseil juge convaincant l'argument de I'ACC voulant que Bell, du fait de ces garanties, absorbe une plus grande partie du risque que la BCI puisse, à un moment donné, être incapable de trouver suffisamment de travail pour ses employés.
Dans la décision 86-17, le Conseil a fait remarquer que la compagnie a raisonnablement réussi à atteindre la majora- tion traditionnelle de 25 % relativement aux transactions intercompagnies. A cet égard, le Conseil fait remarquer que, lorsque Bell prête simplement des employés à la BCI plutôt que de les muter provisoirement, le dédommagement que la BCI verse à Bell comprend une contribution de 25 % calculée en fonction des salaires et avantages sociaux des employés et que l'approche adoptée dans la décision 86-17 est conforme à cette pratique.
De l'avis du Conseil, la meilleure façon d'établir s'il existe ou non de l'interfinancement est de s'en remettre à la juste valeur marchande des biens ou services fournis. Si Bell fournit des biens ou services à une compagnie avec lien de dépendance à un prix inférieur à la juste valeur marchande, elle interfinance cette compagnie. Le Conseil est conscient que la juste valeur marchande est, dans les circonstances, difficile à établir. Toutefois, rien dans le dossier de la pré-
sente instance n'indique que la méthode de rechange à la juste valeur marchande des employés provisoirement mutés, n'est pas appropriée. Le Conseil estime que les problèmes qui peuvent se poser pour la BCI sur les marchés internationaux ne justifient pas suffisamment une dérogation à la politique du Conseil qui veut que les abonnés de Bell ne soient pas obligés d'interfinancer les entreprises concurrentielles des affiliées de Bell.
Le Conseil a rajusté les besoins en revenus de la compagnie pour 1988 de manière à tenir compte de sa décision concer- nant le dédommagement annuel des employés provisoirement mutés. Le Conseil estime qu'aux fins de la réglementation, cette décision accroîtra d'environ quatre millions de dollars les revenus nets après impôts de la compagnie pour 1988.
La décision Télécom CRTC 88-4 a été publiée le 17 mars 1988. Le 25 mars, la BCE et la BCI, qui n'avaient été ni l'une ni l'autre parties devant le CRTC, ont déposé une requête en vertu du paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les attri butions en matière de télécommunications préci- tée. Ils ont demandé au gouverneur en conseil de modifier les décisions 86-17 et 88-4. Cette requête a été présentée en secret pour le motif qu'elle renfermerait des renseignements commerciaux névralgiques concernant la BCE et la BCI. De toute évidence, aucune copie de la requête n'a été adressée aux autres partie_ s qui s'étaient opposées à Bell devant le CRTC.
Après avoir eu connaissance de l'existence de la requête, l'ONAP a communiqué avec l'avocat en chef de la BCE et en a demandé une copie de même que les documents à l'appui. Le procureur de BCE a toutefois indiqué qu'une copie de la requête serait remise aux représentants de l'ONAP, à la condition qu'ils ne la rendent pas publique. L'ONAP a refusé l'offre, tout comme elle avait auparavant (avec les autres parties) refusé d'accepter la condition de garder le secret exigée par Bell au nom de la BCE et de la BCI vers la fin des audiences du CRTC sur la question.
Sur ce léger contretemps, la Cour est d'accord avec le procureur du défendeur. L'ONAP se plaint que, parce qu'elle a refusé la condition de garder le secret, elle n'a jamais pu examiner la requête. À cet égard, elle doit simplement assumer les consé- quences inhérentes à la voie qu'elle a choisi de suivre. L'obligation de garder le secret concernant des renseignements commerciaux névralgiques n'est pas étrangère aux procédures en matière de droit administratif au point de créer un choc ou de
soulever des plaintes. Cependant, l'ONAP doit choisir entre la voie des procédures de droit admi- nistratif ou celle de la politique. Elle obtiendra peu de résultat en suivant les deux simultanément, mais personne ne peut l'empêcher de s'engager dans un tel chemin. On peut clairement en déduire que l'ONAP tenait absolument à rendre public le contenu de la requête et des documents à l'appui. La Cour n'est pas touchée par cette plainte, en supposant que les renseignements concernant la BCE et la BCI étaient en fait névralgiques, ques tion qui aurait pu être tranchée après, et de façon honorable. Si le rôle politique de l'ONAP est légitime, ce qui est le cas, alors la prudence prati- quée par une entreprise commerciale compétitive eu égard à ses renseignements névralgiques l'est aussi. L'ONAP s'est volontairement fermé les yeux.
Comme il ne lui a pas été possible d'obtenir, sans condition, une copie publique de la requête présentée au gouverneur en conseil par la BCE et la BCI, l'ONAP a, le 19 avril 1988, livré en mains propres au greffier du Conseil Privé une lettre (pièce «B» jointe à l'affidavit de Mme MacKenzie assermentée le 6 mai 1988) demandant au gouver- neur en conseil de ne pas se prononcer sur la requête avant qu'elle ait pu en obtenir une copie et qu'elle ait pu bénéficier d'un délai raisonnable pour formuler une réponse.
Le gouverneur en conseil a répondu, un peu à la façon de Frontenac, en prenant le décret C.P. 1988-762 le 22 avril 1988. On peut excuser Fron- tenac étant donné l'urgence de la situation, mais l'ONAP n'a reçu aucune autre réponse. On lui a refusé toute chance raisonnable de présenter des observations, même à l'aveuglette. Aucune urgence n'a été démontrée par les parties en l'espèce.
Le gouverneur en conseil prétend avoir agi léga- lement en invoquant le paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les attributions en matière de télé- communications (Loi NAMT). Ce texte était autrefois le paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les transports qui prévoit:
64. (1) Le gouverneur en conseil peut à toute époque, à sa discrétion, soit à la requête d'une partie, personne ou compa- gnie intéressée, soit de son propre mouvement et sans aucune requête ni demande à cet égard, modifier ou rescinder toute ordonnance, décision, règle ou règlement de la Commission, que cette ordonnance ou décision ait été rendue inter partes ou autrement,' et que ce règlement ait une portée et une
application générales ou restreintes; et tout décret que le gouverneur en conseil prend à cet égard lie la Commission et toutes les parties.
Comme toutes les parties en l'espèce admettent que le gouverneur en conseil, lorsqu'il agit confor- mément au paragraphe 64(1) précité, constitue un «office, commission ou autre tribunal fédéral» selon la définition de ce terme à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, il sera utile et loin d'être offensant d'utiliser le pronom «il» pour désigner le gouver- neur en conseil. De cette façon, la Cour et les parties pourront satisfaire aux exigences gramma- ticales de l'alinéa 18b) de la Loi sur la Cour fédérale.
Voici la réponse du gouverneur en conseil trois jours seulement après avoir reçu la lettre de l'ONAP, sans en avoir accusé réception. Une copie du C.P. 1988-762 constitue la pièce «C» jointe à l'affidavit de Mme E. MacKenzie, assermentée le 6 mai 1988.
Vu que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommuni- cations canadiennes a rendu la décision Télécom CRTC 86-17 le 14 octobre 1986, dans laquelle il a jugé qu'un dédommagement convenable pour les employés de Bell Canada temporairement mutés à Bell Canada International Inc. serait une contribution de vingt-cinq pour cent, qui doit être calculée en fonction d'un coût imputé composé de l'en- semble des frais annuels reliés aux salaires et à la main- d'oeuvre de chacun de ces employés, avant la mutation;
Vu que, le 17 mars 1988, le Conseil a jugé dans la décision Télécom CRTC 88-4 qu'aux fins de la réglementation le dédommagement pour tout employé provisoirement muté de Bell ou de Télé-Direct (Publications) Inc. à toute compagnie affiliée doit être celui qui est prescrit dans la décision CRTC Télécom 86-17;
Vu que, le 25 mars 1988, BCE Inc. et Bell Canada International Inc. ont présenté une requête en vertu du paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les attributions en matière de télécommunications, afin d'obtenir que le gouver- neur en conseil modifie ou rescinde cette partie de la décision Télécom CRTC 86-17 ainsi que la partie de la décision Télécom CRTC 88-4 en ce qui concerne le dédommagement payé par Bell Canada International Inc. à Bell Canada pour les employés temporairement mutés à Bell Canada Interna tional Inc.;
Vu que le gouverneur en conseil juge qu'il est dans l'intérêt public de modifier la décision Télécom CRTC 88-4,
À ces causes, sur avis conforme du ministre des Communi cations et en vertu du paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les attributions en matière de télécommunications, Son Excellence le Gouverneur général en conseil modifie la déci- sion Télécom CRTC 88-4 du 17 mars 1988 en supprimant
aux pages 58 et 59 les cinq paragraphes qui se trouvent sous le titre «3) Conclusions» et en les remplaçant par ce qui suit:
«Les frais liés à la mutation provisoire d'employés consis tent uniquement en des frais comptables, soit les frais de sélection et de réintégration des employés de Bell Canada, les frais de prolongation de leur congé et tous les autres frais administratifs directement liés à leur mutation, ainsi que les frais liés aux garanties de réemploi. Par consé- quent, le Conseil juge qu'aux fins de la réglementation le dédommagement pour tout employé provisoirement muté de Bell Canada ou de Télé-Direct à toute compagnie affiliée doit être comme suit:
a) pour chaque employé muté pour des périodes de plus de 30 jours, un montant forfaitaire de 1 840 $;
b) pour chaque employé rapatrié, un montant forfaitaire de 455 $;
c) pour chaque prolongation de la durée de tout congé autorisé à un employé muté, un montant forfaitaire de 90 $;
d) un montant annuel de 1 000 $ par employé muté provisoirement;
e) en plus des montants spécifiés aux alinéas a) à d), un montant annuel qui sera déterminé par le Conseil et qui représente les frais liés aux garanties de réemploi.
Afin que le Conseil puisse déterminer le montant spécifié à l'alinéa e), Bell Canada doit déposer devant celui-ci, au plus tard le 15 juin 1988, ses frais vérifiés liés aux garan- ties de réemploi et toute information et documentation pertinentes qui seraient utiles au Conseil pour qu'il arrive à sa conclusion.»
Certified to be a true copy Copie certifiée conforme
«P. Tellier»
Clerk of the Privy Council Le greffier du Conseil Privé
Ainsi donc, malgré la promesse antérieure de la ministre au président du CRTC en date du 9 octobre 1987, selon laquelle [TRADUCTION] «je n'avais pas l'intention de donner l'impression [même lors de la correspondance antérieure avec le président et le PDG de la BCE] que l'établisse- ment de la valeur de ces mutations doit être res- treint à l'utilisation des frais comptables» [pièce «J» jointe à l'affidavit de Mme MacKenzie asser- mentée le 10 mai 1988], le décret n'est en réalité qu'une restriction de l'utilisation des «frais vérifiés et des garanties de réemploi». Évidemment, la ministre et le gouverneur en conseil ne sont pas liés en droit par les lettres antérieures de la ministre, qui visaient à apaiser les appréhensions des diri- geants des intervenantes quant à la décision 86-17, avant l'audience du CRTC ayant donné lieu ulti- mement à la décision 88-4. Ces dirigeants jouis- saient de toute liberté pour communiquer avec la ministre et échanger de la correspondance avec
cette dernière, comme l'ont fait l'ACC, l'ONAP et l'ACTE et autres. Des copies de toute cette corres- pondance constituent les pièces «C», «D», «E», «F», «G», «H» et «J» jointes à l'affidavit additionnel assermenté le 10 mai 1988.
Il faut également noter qu'en date du 22 avril
1988, la même date que le C.P. 1988-762, la Direction de l'information du ministère de la ministre, appelé Communications Canada, a publié un communiqué concernant précisément la modification de la décision CRTC 88-4. Ce com- muniqué (pièce «D» de l'affidavit de Mme Mac- Kenzie assermentée le 6 mai) est trop long pour être récité en entier, puisqu'il comporte deux pages et quart complètes. Il y a lieu de citer certains de ses passages, y compris celui qui est attaqué par les demandeurs. Les demandeurs ne veulent pas bla- guer lorsqu'ils qualifient le communiqué de «motifs de la décision» du gouverneur en conseil.
NEWS RELEASE COMMUNIQUÉ
LE 22 AVRIL 1988 DIFFUSION IMMÉDIATE
Le gouverneur en conseil modifie
une décision du CRTC concernant Bell Canada
OTTAWA—Le gouverneur en conseil a modifié la décision CRTC 88-4 pour éviter que la société Bell Canada Interna tional (BCI) ne soit désavantagée sur le marché mondial et hautement concurrentiel des télécommunications en raison d'un calcul financier arbitraire. La modification comprend des mesures visant à protéger les intérêts des abonnés de Bell Canada et à prévenir tout interfinancement entre la société Bell Canada et la BCI.
Le différend portait sur le niveau des frais administratifs que la BCI doit verser à Bell Canada lorsque des employés de Bell sont temporairement affectés aux marchés de services d'expert-conseil de la BCI à l'étranger. Cette dernière, qui est une filiale des Entreprises Bell Canada, n'est pas assujet- tie à l'autorité du CRTC. Société canadienne à part entière, elle fournit depuis vingt ans des services d'expert-conseil en matière de télécommunications dans plus de 70 pays. Les centaines de Canadiens qui ont travaillé pour la BCI ont contribué à établir la réputation de chef de file mondial du Canada en matière de biens et services de haute technologie. Les marchés de services d'expert-conseil de la BCI ont également entraîné d'importantes ventes de produits de fabri cation canadienne, allant du simple câble au matériel de commutation perfectionné et aux automobiles.
Comme il ne disposait pas d'une analyse financière détail- lée de ces frais indirects, le CRTC a conclu, en se fondant sur les preuves qui lui ont été présentées, que le juste montant de la contribution compensatoire correspondait à 25 p. 100 du salaire annuel et des frais connexes pour chaque employé. Dans sa décision 88-4 du 17 mars 1988, le Conseil a donc fixé à 25 p. 100 la compensation à verser à Bell ou à son
affiliée réglementée par le CRTC, la Télé-Direct, pour la mutation temporaire d'employés. Le 25 mars 1988, les Entre- prises Bell Canada et la BCI ont présenté une requête au gouverneur en conseil pour demander que le niveau de la compensation soit abaissé.
En réponse à la requête, le gouvernement a examiné les preuves présentées au CRTC. Le principe fondamental qui sous-tend cet examen est l'engagement du gouvernement à veiller à ce que les abonnés de Bell Canada ne soient pas forcés d'interfinancer les opérations des filiales non régle- mentées de la société. Le gouvernement reconnaît également l'importance des retombées économiques qu'entraîne dans toutes les régions du pays la vente de biens et services de télécommunications canadiens à l'étranger.
À la suite de cet examen, le gouvernement a conclu que les niveaux de compensation proposés par le CRTC étaient arbitraires, qu'ils semblaient exagérés et pouvaient même porter préjudice aux intérêts du Canada à l'étranger. Le gouvernement n'a pas pu relever d'autres instances des montants compensatoires d'une telle ampleur étaient imposés à la mutation d'employés entre des entreprises de télécommu- nications et leurs filiales non réglementées dans des circons- tances semblables. Le gouvernement a aussi remarqué que les niveaux de compensation accordés par la BCI à Bell Canada étaient du même ordre que ceux payés par la BCI à d'autres entreprises de télécommunications canadiennes réglementées lorsque des employés de ces dernières étaient temporairement affectés à l'emploi de la BCI. Par consé- quent, le gouvernement est d'avis que le niveau fixé par le CRTC impose à la BCI un traitement différent de celui qui est fait à ses concurrents canadiens et constitue un handicap par rapport à ses principaux concurrents étrangers.
De plus, le gouvernement est d'avis que le seul coût indirect suggéré par des intervenants qu'il conviendrait de rembourser à Bell Canada est celui relié à la promesse de réemploi qu'elle fait aux employés mutés à la BCI. Le gouvernement a donc modifié la décision en conséquence. Comme aucune information permettant d'établir la valeur de ce service n'a été présentée au CRTC, le gouverneur en conseil demande à Bell Canada de déposer devant le Conseil, d'ici au 15 juin 1988, un devis estimatif vérifié des coûts liés aux promesses de réemploi, ainsi que toute l'information et la documentation dont le Conseil pourrait avoir besoin pour effectuer ses propres calculs.
Le communiqué a été publié soit en même temps, soit tout de suite après la promulgation du décret. Il n'émanait pas du gouverneur en conseil mais de l'«attachée de presse, Cabinet de la Minis- tre, Ottawa ...» (page 3), apparemment par l'in- termédiaire de «la Direction générale de l'informa- tion» également à Ottawa, et il portait le logo du ministère des Communications. Comme il s'agis- sait d'un communiqué, destiné à renseigner le public et donc, à lui présenter une image favorable de l'intervention du gouverneur en conseil, il n'a pas été démontré qu'il s'agissait d'une «déclaration
ayant l'effet d'un règlement», qui serait formulée avant la rédaction ou la promulgation d'un décret et qui serait en fait la base dudit décret.
On pourrait certes démontrer, par inférence, que le gouverneur en conseil a pu être trompé et mal informé lors de la rédaction du décret, par une déclaration ayant l'effet d'un règlement, mais il ne peut en être ainsi d'un communiqué qui a pu être rédigé par l'attaché de presse d'un ministre. Le procureur des demandeurs exhorte la Cour, sans objection de la part des procureurs adverses, à adopter une attitude terre à terre et à comprendre la façon dont ces choses fonctionnent réellement. Suivant ce critère, on ne se fierait pas trop à ces communiqués, puisque les personnes averties com- prennent que, dans les communiqués du gouverne- ment fédéral ou des provinces, peu importe leur allégeance, il y a une bonne dose d'opportunisme politique. En effet, si par une coïncidence heu- reuse, des conséquences favorables d'un décret peuvent être décelées au-delà des limites imposées par la loi cadre, pourquoi l'attachée de presse d'un ministre un tant soit peu compétente ne les inté- grerait-elle pas dans un communiqué? Il n'y a, dans le communiqué, aucune preuve, même par présomption, que lorsqu'il a pris le décret C.P. 1988-762, le gouverneur en conseil connaissait même le contenu du communiqué, et il n'y a certainement aucune présomption qu'il a été mal informé ou trompé par ledit communiqué, que l'on peut considérer comme ayant été rédigé après l'événement.
Il existe une volumineuse jurisprudence selon laquelle un décret ou une directive du ministre qui vise à passer outre aux fonctions impératives d'un office ou d'une commission (Re. Public Utilities Review Commission Act (1986), 52 Sask. R. 53; 26 Admin.L.R. 216 (C.A.)), ou qui vise à exami ner un type différent d'ordonnance ou à faire quelque chose au-delà ou différent de la portée de la décision de la Commission (Chambre de com merce de Jasper Park c. Gouverneur général en conseil, [1983] 2 C.F. 98 (C.A.), à la page 115; Re Doctors Hospital and Minister of Health et al. (1976), 12 O.R. (2d) 164 (H.C. Ont.), à la page 176), est annulable par voie de jugement déclara- toire et inopérant. Il existe de la jurisprudence au même effet dans des pays ayant le même système
parlementaire et des traditions de common law dans leur droit public comme au Canada, même s'ils n'ont pas les mêmes exigences ou droits consti- tutionnels pour tous, comme ceux que l'on trouve au Canada. Il s'agit des arrêts Padfield v. Minister of Agriculture, Fisheries and Food, [1968] A.C. 997 (H.L.) d'Angleterre et FAI Insurances Ltd y Winneke (1982), 41 ALR 1 (H.C.) d'Australie. Dans cette dernière cause, le juge en chef Gibbs cite dans le même sens l'arrêt Reade v. Smith, [1959] N.Z.L.R. 996 (S.C.) de Nouvelle-Zélande.
Dans un contexte quelque peu différent, le gouverneur en conseil prend des règlements qui ont une portée étendue, sinon générale, sans qu'il y ait litige ou intervention directe dans la décision d'un quelconque office, tribunal, commission ou autre organisme exerçant des pouvoirs légaux, l'actuel juge en chef Dickson, rendant un jugement una- nime de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Thorne's Hardware Ltd. et autres c. Reine et autre, [1983] 1 R.C.S. 106; 143 D.L.R. (3d) 577, écrivait [aux pages 111 R.C.S.; 581 D.L.R.]:
Les décisions prises par le gouverneur en conseil sur des questions de commodité publique et de politique générale sont sans appel et ne peuvent être examinées par voie de procédures judiciaires. Comme je l'ai déjà indiqué, bien qu'un décret du Conseil puisse être annulé pour incompé- tence ou pour tout autre motif péremptoire, seul un cas flagrant pourrait justifier une pareille mesure. Tel n'est pas le cas ici. [Non souligné dans le texte original.]
Curieusement, le procureur des demandeurs et celui des intervenantes ont tous deux cité le pas sage ci-dessus, à l'appui des prétentions de leurs clients respectifs.
Lorsqu'on l'analyse, la décision rendue en l'es- pèce par le gouverneur en conseil, en vertu du paragraphe 64(1) de la Loi NAMT n'est pas une question de commodité publique ou de politique générale. Le gouverneur en conseil intervient pour une question de commodité privée et au nom des deux compagnies non réglementées, BCE et BCI, les intervenantes en l'espèce. Il s'agit non pas d'une question de politique générale mais plutôt d'une politique particulière énoncée dans les lettres de la ministre et le C.P. 1988-762 lui-même, demandant que le CRTC fonde le dédommagement de Bell sur les états financiers vérifiés, qu'il adopte une appro- che comptable eu égard aux dollars et cents déjà dépensés et non une approche actuarielle des ris- ques prévisibles. Il ressort par conséquent du juge-
ment rendu dans l'arrêt Thorne's Hardware que ni le pouvoir conféré au gouverneur en conseil ni l'exercice particulier de ce pouvoir, n'échappent au contrôle judiciaire.
Le principe suivant lequel les décrets pris illéga- lement ne jouissent d'aucune immunité a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735,à la page 748. Le principe bien établi suivant lequel ni la Souveraine ni la Souveraine en conseil, y compris le régent canadien de la Souveraine, n'est au-dessus de la loi a été confirmé, quelques années plus tard, par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441, la page 455.
Afin de bien analyser l'exercice particulier des pouvoirs conférés par le paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les attributions en matière de télécommunications, il faut examiner ce paragra- phe avec soin. Sauf pour ce qui est de reconnaître l'existence restreinte d'une «ordonnance, décision, règle ou règlement de la Commission» qui est analogue à la compétence comme une étincelle d'allumage, il n'y a presqu'aucune limite à l'éten- due des pouvoirs conférés au gouverneur en conseil par le Parlement. Cet organisme peut, dès lors, à toute époque, soit à la requête d'une partie, per- sonne ou compagnie intéressée, soit de son propre mouvement et sans aucune requête ni demande, simplement faire ce qu'il veut de toute décision rendue par le CRTC comme la décision Télécom 88-4, même si elle a été rendue inter partes; et peu importe ce que le cabinet fera d'un tel règlement, tout décret lie le CRTC et toutes les parties. Il est difficile de décrire ces pouvoirs avec des qualifica- tifs autres qu'arbitraires, despotiques et autocrati- ques.
La question de savoir si, en temps de paix, la constitution autorise le Parlement canadien à con- férer au gouverneur en conseil, par voie de législa- tion ordinaire, des pouvoirs qui, tout en étant restreints, sont absolus et d'une durée illimitée, surtout lorsqu'il n'y a aucune tentative législative d'invoquer l'article 33 de la Charte ou l'article 2 de la Déclaration canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice III], est une question qui devra être tranchée plus tard. Lors de l'audience, le
procureur des demandeurs s'est abstenu d'attaquer le pouvoir du Parlement d'adopter le paragraphe 64(1) de la Loi NAMT. La contestation porte sur la façon dont le gouverneur en conseil a exercé ces pouvoirs.
Quel genre de pouvoirs est conféré? Dans l'arrêt Inuit Tapirisat, le juge Estey qualifie ces pouvoirs de législatifs. Il a fait plusieurs remarques de cette nature dans [ 1980] 2 R.C.S. que voici:
[aux pages 752 754]
L'article 321 de la Loi sur les chemins de fer, précitée, et l'article déjà noté de la Loi sur le CRTC autorisent le Conseil à approuver tous les droits exigés pour l'usage des téléphones de Bell Canada. Ce faisant, le Conseil décide si le tarif de taxes proposé est juste et raisonnable et s'il est discriminatoire. La loi délègue donc au CRTC la fonction d'approuver les taxes pour le service de téléphone, assortie d'une directive sur les critères applicables. Le législateur délègue ensuite au gouverneur en conseil la fonction de fixer les tarifs, mais cette délégation secondaire joue seulement après que le Conseil a approuvé un tarif de taxes; une fois cette condition préalable remplie, le gouverneur en conseil peut exercer son pouvoir de fixer les tarifs pour le service de téléphone en modifiant l'ordonnance, la décision, la règle ou le règlement du CRTC. Alors que le CRTC doit prendre ses décisions dans un certain cadre, le par. 64(1) n'impose pas à l'Exécutif de normes ou de règles applicables à l'exercice de sa fonction de révision des tarifs. Le législateur n'a pas imposé non plus de normes de procédure expresses ou même implicites ... On ne peut priver l'Exécutif de son droit d'avoir recours à son personnel, aux fonctionnaires du minis- tère concerné, et surtout aux commentaires et aux avis des ministres membres du conseil, responsables, à ce titre, des questions d'intérêt public soulevées par la requête, que ces questions soient de nature économique, politique, commer- ciale ou autre. Le législateur pourrait ordonner qu'il en soit autrement, mais l'art. 64 n'impose pas de restriction sembla- ble au gouverneur en conseil dans l'adoption des règles de procédure pour l'audition de requêtes en vertu du par. (1).
Cette conclusion s'impose d'autant plus que le par. 64(I) autorise en outre le gouverneur en conseil à modifier ou rescinder «de son propre mouvement» une règle ou ordon- nance du Conseil. C'est un acte législatif sous la forme la plus pure qui a pour objet de fixer les tarifs d'un service public tel un réseau téléphonique.
[aux pages 758 760]
Le paragraphe 64(1) autorise le gouverneur en conseil à modifier une décision sur les tarifs téléphoniques déjà rendue par un autre organisme, mais cette distinction ne me paraît pas pertinente. La possibilité qu'a un citoyen de recourir par requête à la procédure de révision prévue au par. 64(1), alors que la loi britannique ne créait pas de droit comparable, ne constitue pas non plus une différence valable. Le paragraphe 64(1) n'établit qu'une seule procédure de révision, qui peut cependant être déclenchée de deux façons, c.-à-d. par requête ou du propre mouvement du gouverneur en conseil. Les
ordonnances en cause dans l'affaire Bates et en l'espèce sont manifestement de nature législative et j'adopte le raisonne- ment du juge Megarry qu'aucune audition n'est requise en pareils cas. Je suis conscient, cependant, que la ligne de démarcation entre les fonctions de nature législative et les fonctions de nature administrative n'est pas toujours facile à tracer: voir Essex County Council v. Ministry of Housing and Local Government ((1967), 66 L.G.R. 23 (Ch.D.)).
Si, cependant, l'Exécutif s'est vu attribuer une fonction aupa- ravant remplie par le législatif lui-même et que la res ou l'objet n'est pas de nature personnelle ou propre au requérant ou à l'appelant, l'on peut croire que des considérations différentes entrent en jeu. Le fait que la fonction ait été attribuée à deux paliers (au CRTC en premier lieu et au gouverneur en conseil en second lieu) ne change rien, à mon avis, au caractère anormal de l'affaire du point de vue des sciences politiques. En pareil cas, la Cour doit revenir à son rôle fondamental de surveillance de la compétence, et, ce faisant, interpréter la Loi pour établir si le gouverneur en conseil a rempli ses fonctions dans les limites du pouvoir et du mandat que lui a confiés le législateur.
Quoi qu'il en soit, rien au par. 64(1) ne me paraît justifier l'adoption d'un critère variable pour appliquer à ce paragra- phe le principe d'équité selon la source des renseignements communiqués au gouverneur en conseil pour qu'il statue sur la requête des intimées. Le point fondamental est l'interpré- tation de cette disposition dans le contexte de la Loi elle se trouve. À mon avis, une fois établie, la bonne interprétation à y donner s'applique à l'ensemble des procédures devant le gouverneur en conseil.
Il y a à peine huit ans, soit en 1980, la jurispru dence n'était pas tout à fait la même qu'aujour- d'hui. Le Parlement et les législateurs élus des législatures fédérale et provinciales ont agi de façon décisive et ont considérablement modifié le fondement juridique et constitutionnel de la longue discussion didactique du juge Estey quant à la raison pour laquelle la Cour suprême du Canada, en 1980, avait simplement suivi à la lettre «cette disposition dans le contexte de la Loi elle se trouve».
Quant aux pouvoirs purement législatifs délé- gués par le Parlement à l'exécutif, il y a eu peu ou pas de modification. Cette Cour a jugé que les véritables pouvoirs législatifs (par exemple, le pou- voir de prendre des règlements en conformité avec la teneur d'une loi), accordés à l'exécutif fédéral ou provincial, sont des pouvoirs supérieurs ayant beaucoup plus de poids, sur le plan du droit, que les pouvoirs de réglementation municipaux: voir Aerlinte Eireann Teoranta c. Canada, [1987] 3
C.F. 383 aux pages 391 et 400 405; 9 F.T.R. 29 (ire inst.), aux pages 34 et 39 42 et C.E. Jamie- son & Co. (Dominion) Ltd. et autre c. Procureur général du Canada (1987), 37 C.C.C. (3d) 193 aux pages 231 à 244; 12 F.T.R. 167 (C.F. lie inst.), aux pages 194 204.
Dans une démocratie parlementaire, le pouvoir de légiférer évoque la présentation d'un projet de loi, devant une assemblée ouverte, publique et (sauf pour le Sénat) démocratiquement élue, projet de loi que les membres ont le droit de débattre en le critiquant, en s'y opposant et même en l'expliquant élogieusement; sauf exceptions, le gouvernement met en jeu son droit d'exister sui- vant le résultat du vote, si ledit projet de loi constitue également une manifestation de con- fiance dans le gouvernement. Au Canada, la légis- lature fédérale est formée du Sénat, de la Cham- bre des communes et de la Reine, représentée par le gouverneur général. Elle légifère. Ainsi, lorsque le juge Estey qualifie, dans l'arrêt Inuit Tapirisat, le pouvoir conféré en vertu du paragraphe 64(1) de «législatif», il ne peut avoir eu en tête le processus législatif, le pouvoir et l'institution ci-haut décrits. Il désignait un pouvoir délégué par le Parlement par voie de législation. Bien sûr, comme il a été statué dans cette affaire la page 752 R.C.S.), ce pouvoir n'est ni judiciaire ni décisionnel. Le conti nuum des procédures décisionnelles va du CRTC à la Division d'appel de cette Cour et non au gouver- neur en conseil. Le pouvoir conféré par le paragra- phe 64(1) pourrait être défini de façon plus exacte comme étant un pouvoir légal d'intervention en vue de modifier ou d'annuler des décisions qui ne seraient pas conformes aux énoncés de principe du gouvernement dans ces domaines. Qualifier ce pouvoir de pouvoir législatif dépasse le cadre fixé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Thorne's Hardware, ci-dessus mentionné, dans tous les cas comme en l'espèce le pouvoir n'est pas exercé relativement à «des questions de com- modité publique et de politique générale». Le fait de déterminer à l'occasion les frontières du port de Saint John est un véritable pouvoir législatif. Tou- tefois, modifier la décision du CRTC dans la cause de Bell, conformément à la politique discrète du gouvernement quant au calcul du dédommagement approprié lorsque Bell prête ses employés à la BCI, en indiquant au CRTC quels facteurs exclusifs
utiliser pour faire le calcul, est moins législatif selon le sens donné à ce terme dans l'arrêt Thor- ne's Hardware. Il ne s'agit ni d'une question de commodité publique ni de politique générale.
Ce pouvoir de rendre des décisions sur des ques tions de commodité privée et de politique discrète est un pouvoir spécial de régir les délibérations ainsi que les conclusions et les actes administratifs du CRTC. Ce n'est pas un pouvoir tout à fait général car il ne touche que les décisions, ordon- nances, règles ou règlements pris par le Conseil et que le gouverneur en conseil souhaite modifier ou rescinder. Il dépasse également le cadre des droits et obligations des personnes lesquels peuvent être déterminés lors des procédures devant le CRTC. Cela montre l'importance de se rappeler que le jugement rendu dans Inuit Tapirisat a été quelque peu dépassé par des événements très importants survenus depuis lors. Deux de ces événements sont les modifications de 1982 à la Constitution [Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] et la réanimation de la Déclaration canadienne des droits par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, aux pages 226 à 231.
Les amendements et le rapatriement de la Cons titution en 1982 sont très importants non seule- ment à cause de l'enchâssement de la Charte canadienne des droits et libertés et tout ce que cela entraîne, mais également parce que les législateurs canadiens ont dans les faits ajouté aux définitions écrites quant au genre de pays qu'est le Canada. Ces deux volets sont distincts puisque les nouvelles définitions écrites, même si certaines d'entre elles sont incorporées dans la Charte, sont tout à fait indépendantes de ses dispositions, et constituent à tous égards les définitions constitutionelles du Canada. La première de ces définitions a été ins- crite dans les dispositions liminaires de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n°5] (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1)], décrétant que le Canada aurait «une constitution semblable dans son principe à celle du Royaume-Uni». C'est ainsi que furent importées toutes les conventions et les traditions constitution-
nelles non écrites, y compris celles qui ont été constituées par la common law qui est le fonde- ment du droit public au Canada et dans toutes les provinces et qui ont été incorporées dans ladite common law. D'autres raffinements ont été appor- tés par la jurisprudence, mais en 1960, le pouvoir législatif a, encore une fois, pour le Dominion cette fois, défini le Canada par écrit en déclarant que la nation canadienne est fondée sur des principes qui reconnaissent notamment «une société d'hommes libres et d'institutions libres» lesquels «ne demeu- rent libres que dans la mesure la liberté s'ins- pire du respect des valeurs morales et spirituelles et du règne du droit». Ces énoncés, qui précèdent les dispositions de fond de la Déclaration cana- dienne des droits, ont été adoptés par le Parlement dans le contexte des lois du Canada uniquement et non de celles des provinces. Une fois de plus en 1981 et 1982, les législateurs élus du fédéral et des provinces (de concert avec les législateurs non élus du Sénat) ont défini la position légale et constitu- tionnelle du Canada dans les derniers amende- ments qu'ils ont persuadé le Parlement de West- minster d'adopter eu égard à la constitution du Canada. Encore une fois, on retrouve l'énoncé selon lequel le Canada est fondé sur des principes qui «reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit», mais cet énoncé est enchâssé dans la constitution vis-à-vis les lois nationales et provinciales et les institutions, dans cette «société libre et démocratique» qui n'impose que des «limi- tes qui soient raisonnables» aux «droits et libertés» des Canadiens qui sont garantis par la Charte, et qui «ne peuvent être restreints que par une règle de droit ... dont la justification puisse se démontrer». À l'instar de la Déclaration canadienne des droits qui l'a précédée, la Charte prend position contre le traitement injuste, inégal ou arbitraire des person- nes; et si le Parlement tentait un jour d'agir ainsi, les législateurs précédents ont exigé qu'il le fasse de façon délibérée en prévoyant que la législation en question énonce qu'elle est adoptée nonobstant la Déclaration canadienne des droits ou l'article 2 ou les articles 7 à 15 de la Charte.
Ainsi, la Charte a été enchâssée et la Déclara- tion canadienne des droits a été réanimée lorsque la Cour suprême du Canada, par la voix du juge Estey, a rendu son jugement dans l'arrêt Inuit Tapirisat. Quoique le juge Estey reconnût la dis tinction entre le fait d'intervenir, pour des motifs
de politique, en vue de corriger une décision rendue entre des parties, et le fait de légiférer pour le public en général la page 752 R.C.S.), il était toutefois libre de grouper les deux volets en une simple fonction législative. Comme s'il voulait con- firmer cette qualification de la fonction, lorsque le juge Estey a demandé s'il y avait une obligation de respecter les règles de justice naturelle, ou tout au moins, l'obligation moindre d'agir équitablement la page 745 R.C.S.), il a finalement répondu par la négative (aux pages 755 et 756 R.C.S.) parce que «le Cabinet doit être libre de consulter toutes les sources auxquelles le législateur lui- même aurait pu faire appel s'il s'était réservé cette fonction». Ainsi, parce que le pouvoir d'intervenir inter partes est mêlé ou amalgamé avec le pouvoir de légiférer, et que le législateur n'est pas tenu tout le moins entre les élections) de consulter ou d'entendre tout le monde, le juge a alors conclu que la règle principale de justice fondamentale audi alteram partem ne pose aucune restriction au gouverneur en conseil lorsqu'il intervient dans une décision rendue entre les parties par le CRTC. Il ne fait aucun doute que le juge Estey a fait état du droit tel qu'il était le 7 octobre 1980, mais cette analyse n'est plus valide en 1988.
Aujourd'hui surtout, à cause des travaux conti- nus de l'exécutif et du législatif des gouvernements au Canada, nous nous sommes considérés sur le plan constitutionnel, comme l'antithèse même d'un État les pouvoirs arbitraires, despotiques et autocratiques, comme ceux conférés par le para- graphe 64(1), sont remis entre les mains d'un office, d'une commission ou d'un autre tribunal fédéral. On peut supposer que, lorsqu'il confie ces pouvoirs à une personne ou à un groupe de person- nes, incluant le Cabinet, le Parlement s'attend à ce que l'exercice de ces pouvoirs soit interprété en conformité avec la Constitution et la teneur de la loi.
Les demandeurs appuient leur attaque du décret C.P. 1988-762 sur l'article 15 de la Charte. Ils sont bien peu aidés par cette disposition parce qu'elle exige essentiellement de toutes les person- nes en autorité qu'elles traitent de la même façon tous ceux qui sont dans une situation identique quant à leur statut, état ou position juridique. L'article 15, qui est en vigueur depuis le 17 avril 1985, prévoit que la loi ne fait acception de per-
sonne et s'applique également à tous indépendam- ment de toute discrimination fondée sur les divers attributs et caractéristiques humains.
L'article 15 ne garantit pas aux sociétés le droit à l'égalité et à la non discrimination. Cette affir mation a été faite clairement, même si elle était entre parenthèses, dans une décision unanime de la Division d'appel de cette Cour Smith, Kline & French Laboratories Ltd. c. Canada (procureur général), [1987] 2 C.F. 359; (1986), 27 C.R.R. 286; 34 D.L.R. (4th) 584; 12 C.P.R. (3d) 385; 78 N.R. 30, aux pages 364 C.F., à la note 2 en bas de page; 290 C.R.R.; 588 D.L.R.; 388 C.P.R.; 30 N.R., la Cour conclut:
Tous les problèmes possibles résultant de la tentative par les demandeurs qui sont des personnes morales de faire valoir des droits dont seuls les particuliers peuvent jouir sont tran- chés par la conclusion du juge de première instance, qui n'est pas contestée en appel, selon laquelle les particuliers faisant partie des demandeurs possèdent l'intérêt nécessaire pour faire valoir la réclamation pour leur propre compte.
Une demande d'autorisation d'interjeter appel à la Cour suprême du Canada a été rejetée: [1987] 1 R.C.S. xiv. Tout d'abord, aucune des parties ou des intervenantes ne peut faire valoir un droit à l'égalité devant la Souveraine, qu'elle soit désignée comme La Reine, la Couronne, le gouverneur général en conseil, le gouvernement du Canada ou l'une de ses émanations ou les divers offices, com missions ou autres tribunaux fédéraux qui ont été constitués par une loi. On peut tenir cette règle pour acquise dans la jurisprudence suivante: R. v. Stoddard (1987), 59 C.R. (3d) 134 (C.A. Ont.), le juge Tarnopolsky de la Cour d'appel, à la page 145; Ominayak v. Norcen Energy Resources Ltd. (1987), 83 A.R. 363 (B.R.) et Leighton c. Canada, (C.F. 1" inst. T-165-85, 18 mai 1988 encore inédit).
En l'espèce, la seule partie qui est un particulier, le demandeur Arthur Milner n'a pas établi qu'il avait le droit d'être traité de façon égale à tout autre individu se trouvant dans la même situation. Comme les deux personnes morales intervenantes, il n'était pas partie aux procédures devant le CRTC. Toutefois, contrairement à la BCE ou à la BCI, M. Milner n'était pas non plus une partie ni même une partie éventuelle aux procédures enga gées en vertu du paragraphe 64(1). Les parties qui sont des personnes morales en l'espèce semblent être dans une situation relativement similaire mais
l'article 15 de la Charte ne peut rien faire pour ou contre ces dernières puisque son rayon d'action vise les droits des humains et non ceux des person- nes morales. Ainsi donc, le recours des deman- deurs à l'article 15 de la Charte en vue de contes- ter la promulgation par le Cabinet du C.P. 1988-762 doit être rejeté pour ce motif.
Les arguments de tous les procureurs et les questions soulevées par la Cour à leur sujet vont bien au-delà de l'article 15 de la Charte. Lors d'un litige ordinaire, la Cour n'est pas tenue de venir au secours d'une partie dont les plaidoiries sont inep- tes ou en dehors du but visé. Toutefois, comme le juge Beetz l'a clairement laissé entendre dans le jugement unanime de la Cour suprême du Canada Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, à la page 135, dans les causes de droit constitutionnel, les tribu- naux «ont jugé nécessaire de subordonner les inté- rêts des plaideurs privés à l'intérêt public». Dans une affaire de droit constitutionnel, la Cour ne doit pas laisser avorter la cause d'un plaideur privé, si cela entraîne une déformation ou une contradic tion des principes ou des impératifs constitution- nels. Ainsi, même si les demandeurs ont commencé par invoquer l'article 15 de la Charte, la Cour a recommandé aux procureurs de présenter des arguments fondés sur l'alinéa 2e) de la Déclara- tion canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen- dice III. Même si à l'origine les demandeurs n'ont pas soulevé cette disposition de la Déclaration canadienne des droits, la Cour est chargée en vertu de la Constitution d'assurer la suprématie de cette dernière et d'empêcher toute atteinte à ses principes, si tel était le cas, ou ce qui est aussi grave, de prévenir l'oubli ou l'ignorance desdits principes. On a donc, au cours du procès, examiné l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, comme il se devait dans les circonstances.
La Déclaration canadienne des droits a une portée quasi constitutionnelle, contrairement à la Charte qui est enchâssée dans la constitution et qui lie toutes les législatures et tous les gouvernements au Canada, y compris le Parlement et le gouverne- ment fédéral. La Déclaration canadienne des droits est une loi du Parlement ayant reçue la sanction royale le 10 août 1960. L'article 2 déclare que toutes les autres lois du Canada, c'est-à-dire
les lois fédérales, doivent s'interpréter et s'appli- quer de manière à lui donner son sens. L'alinéa 2e) ordonne:
2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s'inter- préter et s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restrein- dre ou enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particu- lier, nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme
e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations.
Pendant plusieurs années, on semble avoir consi- déré que la Déclaration canadienne des droits était dans un état moribond. Puis en 1985, les positions également divisées de la Cour suprême du Canada se basaient respectivement sur la Charte et sur la Déclaration canadienne des droits pour arriver à la conclusion unique dans l'arrêt déjà mentionné Singh. Aucun argument n'avait été présenté à l'époque de la première audience mais, comme en l'espèce, la Cour suprême du Canada, de son propre chef, a demandé des observations sur l'ap- plication de la Déclaration canadienne des droits. A la fin, le juge Beetz a rendu un jugement au nom de la moitié des juges ayant siégé lors de cette affaire, en faveur de l'applicabilité de la Déclara- tion canadienne des droits.
Voici un passage important des motifs du juge Beetz qui figure à la page 228 R.C.S. et il dit:
... je ne suis pas tout à fait convaincu qu'il ait reconnu que les «droits» mentionnés à l'al. 2e) de la Déclaration cana- dienne des droits ne sont pas les mêmes droits, ou des droits de même nature, que ceux énumérés à l'art. I, dont «le droit de l'individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ... et le droit de ne s'en voir privé que par l'application régulière de la loi».
Quoi qu'il en soit, il me semble évident que l'al. 2e) a une portée plus large que la liste des droits énumérés à l'art. I et désignés comme «droits de l'homme et libertés fondamenta- les», tandis qu'à l'al. 2e), ce que protège le droit à une audition impartiale, c'est la définition des «droits et obliga tions» d'une personne quels qu'ils soient et dans tous les cas le processus de définition relève de l'autorité législative du Parlement du Canada. Il est vrai que la première partie de l'art. 2 parle «des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes», mais l'al. 2e) protège un droit fondamental, savoir le «droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale», pour la définition des droits et des obligations d'une personne, qu'ils soient fonda- mentaux au non. Je suis d'avis que comme l'a fait valoir M` Coveney, il est possible d'appliquer l'al. 2e) sans se
référer à l'art. 1 et que le droit garanti par l'al. 2e) n'est nullement limité par la notion «d'application régulière de la loi» mentionnée à l'al. l a). [Non souligné dans le texte original.]
Plus loin, aux pages 238 et 239, le juge conclut que la Déclaration canadienne des droits s'applique également aux dispositions législatives adoptées autant avant et qu'après l'entrée en vigueur de la Déclaration canadienne des droits. Qui plus est, dans une récente décision unanime de la Division d'appel de cette Cour concernant les droits du parrain à une audience impartiale devant la Com mission d'appel de l'immigration, l'arrêt Rajpaul c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra- tion), [1988] 3 C.F. 157, l'alinéa 2e) a été étoffé par cette conclusion du juge Mahoney la page 159]:
Le savant juge de première instance a cité de très nom- breuses décisions et de nombreux auteurs à l'appui de sa conclusion que l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice Ill] s'appliquait à l'audition de l'appel. Ces décisions et ces auteurs ne seront pas repris ici; nous sommes d'accord avec la conclusion.
Le terme «individu» n'inclut pas les personnes morales qui sont toutefois comprises dans le terme «personnes». On peut donc considérer que l'alinéa 2e) s'applique aux individus et aux personnes morales. Le processus de détermination par le gouverneur en conseil, comme il a été démontré, est sous l'autorité législative du Parlement du Canada, qui est conférée par le paragraphe 64(1) de la Loi NAMT.
Ainsi donc, il y a eu la décision CRTC 88-4 (précédée de la décision CRTC 86-17) rendue après une détermination impartiale des questions soulevées par les parties en litige, dans lequel l'ONAP était une partie dont la position et la contribution au débat ont été reconnues par le CRTC qui lui a adjugé les dépens. Sur ce, deux compagnies liées non réglementées se sont glissées derrière le «rideau» imaginaire afin de «souffler» une requête aux oreilles du Cabinet, visant à faire rescinder ou modifier une partie importante de la décision du CRTC durement mais justement gagnée. Il s'agissait d'un «murmure» puisqu'il a été démontré que c'était une requête confidentielle. L'ONAP a peut-être à tort refusé d'accepter la condition de garder le secret et elle a ainsi fermé les yeux au sens figuré, mais elle a demandé dans sa lettre au greffier du Conseil privé un délai en vue de préparer une contre-proposition.
Si le gouverneur en conseil avait accordé un délai pour permettre une réponse ou même, s'il avait accusé réception d'une quelconque façon de la demande de l'ONAP, les motifs en l'espèce auraient été beaucoup plus courts, sinon inexis- tants. Le gouverneur en conseil ne s'apprêtait quand même pas à adopter une loi concernant «des questions de commodité publique et de politique générale», pour emprunter les termes du jugement de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Thor- ne's Hardware Ltd. Il allait plutôt intervenir dans une décision du CRTC rendue entre les parties au litige, en se fondant sur une requête soufflée par des personnes qui n'étaient pas des parties.
Il allait exercer son pouvoir de conseiller rectifi- cateur sur une question précise de détermination des droits et obligations des parties. (L'emploi du pronom personnel à l'alinéa 2e) dans l'expression «ses droits et obligations» n'a aucune conséquence. Après tout, l'expression «à sa discrétion» est utili sée au paragraphe 64(1), eu égard au gouverneur en conseil). L'ONAP, représentant les abonnés de Bell, comme l'a admis le CRTC, et Bell elle- même, allaient voir les droits et obligations desdits abonnés être déterminés par le gouverneur en conseil.
Le gouverneur en conseil a agi, ne tenant tout simplement pas compte de la demande de l'ONAP d'être «entendue», c'est-à-dire de présenter des observations écrites. En 1988, le gouverneur en conseil doit respecter les canons de base de «justice naturelle», «justice fondamentale» ou tout simple- ment d'impartialité; c'est la règle audi alteram partem, qui oblige à entendre l'autre partie avant de déterminer les droits et obligations de celle-ci. En l'absence d'urgence ou d'exigences relatives au renseignement de sécurité, le gouverneur en conseil ne peut légalement agir autrement.
Le décret C.P. 1988-762 opère une telle déter- mination même s'il renvoie la question au CRTC, parce que ledit décret limite les éléments dont le CRTC doit tenir compte aux frais vérifiés de Bell et empêche des considérations plus générales au sujet desquelles la ministre, dans sa correspon- dance antérieure, avait indiqué qu'elle n'avait pas l'intention de donner cette fausse impression de restriction. Ainsi Bell, pour obtenir le dédommage- ment que le CRTC lui avait accordé en acceptant de ne pas augmenter les tarifs réclamés à ses
abonnés, et les abonnés représentés par l'ONAP, ont vu en fait leurs droits et obligations détermi- nés, malgré le renvoi au CRTC. Etant donné que ces ordonnances, tarifs et réglementations ont eu lieu conformément aux lois du Canada, il n'y a pas d'édulcoration ou de déni des droits et obligations mêmes dont il est question à l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits.
Le décret C.P. 1988-762 doit être annulé, mais sans préjudice du droit incontesté du gouverneur en conseil de reprendre la question, légalement cette fois, en demandant une réponse de chaque personne, entreprise ou compagnie qui était partie aux procédures devant le CRTC. C'est la seule façon d'assurer à tous, qu'ils répondent ou non, le droit à une audition impartiale selon les principes de justice fondamentale pour la détermination de leurs droits et obligations.
Une personne cynique pourrait demander s'il y a des conséquences, si le gouverneur en conseil ne tient pas compte de telles réponses. La réponse se trouve dans les motifs du juge Estey dans l'arrêt Inuit Tapirisat, d'où on peut tirer plusieurs ensei- gnements. Ainsi, on pourrait répondre à la ques tion imaginaire du cynique en citant ce que le juge Estey a écrit à la page 753 concernant le cas le gouverneur en conseil n'examinerait pas le contenu d'une requête. La même chose s'appliquerait à une réponse. Il serait tout simplement illégal, avec toutes les conséquences qui en découlent, de ne pas tenir compte d'une requête ou d'une réponse d'une autre partie parce qu'une telle omission constitue- rait une absence d'Kaudition». Le gouverneur en conseil a habituellement à son service plusieurs personnes intelligentes et instruites pour l'aider dans de tels cas, son personnel ainsi que le person nel du ministère concerné par la question, toutes ces personnes étant mentionnées par le juge Estey à la page 753 R.C.S., auxquelles il peut légalement faire appel pour l'aider à examiner les réponses et les requêtes.
Au Royaume-Uni, et dans la partie désignée sur le plan administratif comme l'Angleterre et le pays de Galles, il n'y a évidemment pas de Déclaration canadienne des droits en vigueur, mais unique- ment les droits et obligations prévus par la common law. Ainsi, dans l'arrêt Padfield v. Minister of Agriculture, Fisheries and Food men-
tionné ci-dessus, une loi du Parlement a conféré au ministre le pouvoir discrétionnaire de renvoyer une plainte, la même question cynique s'est posée. Lord Pearce a écrit, aux pages 1053 et 1054 A.C.:
[TRADUCTION] Il est très évident à la lecture de la loi concernée que le ministre doit avoir quelque obligation au sujet de la question. On admet qu'il doit examiner attentive- ment la plainte. Il ne peut la jeter aux poubelles sans la lire. Il ne peut simplement dire (même honnêtement) «Je crois qu'en général l'enquête sur les plaintes a un effet perturba- teur sur la question et crée plus de problèmes (tout bien considéré) qu'il n'est justifié; je ne renverrai, par conséquent, plus rien au comité d'enquête». Lui permettre de faire une telle chose serait lui donner le pouvoir de mettre de côté pour la durée de sa charge de ministre, l'intention claire du Parlement, savoir qu'un comité indépendant institué à cette fin puisse examiner les griefs et que son rapport soit soumis au Parlement. Il est évident que cela n'a jamais été prévu dans la loi. Il n'a jamais été prévu non plus qu'il pourra discrètement étouffer son intention en négligeant de respecter son but. Je ne considère pas l'omission ou le refus d'un ministre de donner des motifs comme une raison suffisante pour exclure le pouvoir de surveillance de la Cour. Si tous les motifs prima fade semblent favoriser la voie qu'il a choisie pour respecter les intentions du Parlement concernant un pouvoir qui lui a été conféré à cette fin, et qu'il ne donne aucune raison pour prendre une direction contraire, la Cour peut déduire qu'il n'a aucune bonne raison et qu'il n'exerce pas le pouvoir qui lui a été conféré par le Parlement pour atteindre son but. En l'espèce, toutefois, le ministre a fourni des motifs qui démontrent qu'il n'exerçait pas son pouvoir discrétionnaire selon les intentions de la loi.
Dans la même décision, lord Upjohn déclare à la page 1058 A.C.:
[TRADUCTION] L'ordonnance de prérogative est le seul moyen de soumettre le ministre, dans l'exercice des pouvoirs et fonctions qu'il tient de la loi, à un contrôle judiciaire, ordonnance qui ne sera délivrée que s'il agit illégalement. Aux fins du présent appel, on peut dire avec assez de précision qu'une conduite illégale du ministre (et j'adopte ici la classification adoptée par lord Parker, juge en chef, de la cour divisionnaire) consiste: a) à refuser catégoriquement d'examiner la question pertinente; b) à commettre une erreur sur un point de droit; e) à tenir compte d'un facteur complè- tement inapproprié ou étranger; ou d) à omettre entièrement de tenir compte d'une considération appropriée.
Il existe une jurisprudence abondante à l'appui de ces propositions qui n'ont pas été contestées lors des plaidoiries. En pratique, elles s'intègrent une dans l'autre et à la fin, cela revient à déterminer si, pour une quelconque raison, le ministre a agi illégalement, commettant une erreur sur un point de droit et en omettant d'observer les autres règles que j'ai mentionnées. [Non souligné dans le texte original.]
Tel était l'état de la common law en Angleterre qui remonte à 1968.
Au Canada, en 1988, la loi exige non seulement que toutes les parties devant le CRTC (autres que le(s) requérant(s) devant le gouverneur en conseil) bénéficient d'une chance raisonnable de répondre par écrit à la requête, mais également que leur réponse (le cas échéant) soit considérée avec autant de soin et d'attention que la requête origi- nale. C'est-à-dire que la requête et toutes les réponses doivent être examinées méticuleusement et sérieusement. Si le gouverneur en conseil dispo- sait de ces réponses, au sens propre ou figuré, en les mettant à la poubelle, rien au paragraphe 64(1) ne pourrait empêcher cet organisme d'agir tout à fait illégalement et il serait en droit, au début à tout le moins, sujet à une dénonciation publique par quiconque le saurait.
L'obligation de recevoir des observations emporte inévitablement le devoir de les examiner sérieusement, parce qu'un examen moins attentif enlèverait clairement aux autres parties le droit à une audition impartiale conformément aux princi- pes de justice fondamentale pour la détermination de leurs droits et obligations. Par conséquent, un examen moins attentif violerait l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits. Aucune partie n'a pu mentionner une disposition d'une loi fédé- rale disant expressément que le paragraphe 64(1) de la Loi NAMPT peut «s'appliquer nonobstant la Déclaration canadienne des droits».
Il n'aurait pas incomber à cette Cour d'inter- préter seule les pouvoirs du gouverneur en conseil en vertu du paragraphe 64(1), lorsque ledit gou- verneur intervient dans une décision rendue entre des parties au litige, conformément à la Déclara- tion canadienne des droits. Le Parlement aurait pu lui-même restreindre l'application du paragraphe 64(1) par une loi modificatrice appropriée. Encore une fois, les conseillers juridiques de la Couronne auraient pu recommander une telle interprétation restrictive et l'exercice contrôlé des pouvoirs confé- rés par la loi. La Cour n'est pas nécessairement l'institution de première instance et elle préférerait ne pas l'être.
Le contrôle judiciaire est néanmoins légitime à toutes les étapes d'un conflit malgré l'opinion, clairement exprimée dans certains milieux des États-Unis d'Amérique et même au Canada, que le contrôle judiciaire est quelque peu antimajori- taire, une expression polie pour dire antidémocrati-
que. En effet, il est évident qu'au Canada, les moyens constitutionnels de contrôle judiciaire dans la Déclaration canadienne des droits et la Charte, ont été rédigés et inclus par des législateurs élus par le peuple. C'est la Cour suprême du Canada, dans le jugement rendu à la majorité dans le Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., et rédigé par le juge Lamer qui, certains diront «ironique- ment», répudiait la théorie antimajoritaire du con- trôle judiciaire. Les juges minoritaires étaient d'accord sur ce point. La cause est citée à [1985] 2 R.C.S. 486 et l'extrait pertinent se trouve à la page 497:
C'est un argument qu'on a entendu maintes et maintes fois avant l'enchâssement de la Charte, mais qui, en vérité, pour le meilleur ou pour le pire, a été réglé par l'entrée en vigueur même de la Loi constitutionnelle de /982. Il ne faut pas oublier que la décision historique d'enchâsser la Charte dans notre Constitution a été prise non pas par les tribunaux, mais par les représentants élus de la population canadienne. Ce sont ces représentants qui ont étendu la portée des décisions constitutionnelles et confié aux tribunaux cette responsabilité à la fois nouvelle et lourde. On doit aborder les décisions en vertu de la Charte en se libérant de tout doute qui peut subsister quant à leur légitimité.
On peut dire la même chose de la genèse générale de la Déclaration canadienne des droits et des décisions rendues conformément à celle-ci. La législature est capable, toutefois, d'entreprendre une réforme beaucoup plus appropriée et complète de la loi en conformité avec la Déclaration cana- dienne des droits et la Charte, parce que le rôle des tribunaux se limite à examiner chaque cas particulier qui leur est soumis.
Pour conclure, le décret C.P. 1988-762 est déclaré nul et non avenu et inopérant puisqu'il empiète sur les droits des demandeurs énoncés à l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, sans préjudice de la possibilité pour le gouverneur en conseil de reformuler ses pouvoirs conformément au paragraphe 64(1) de la Loi NAMPT sur le même sujet, mais de façon légale, comme il est prévu aux présentes.
Les procureurs des parties et des intervenantes étaient tous d'accord pour qu'il n'y ait aucune adjudication des dépens directs ou accessoires aux présentes procédures. La Cour y souscrit.
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