T-1-88
Re Calderwood
RÉPERTORIÉ: CALDERWOOD (RE) (I re inst.)
Division de première instance, juge Joyal—
Ottawa, ler et 30 juin 1988.
Citoyenneté — Conditions de résidence — La Loi exige trois
ans de résidence au Canada au cours des quatre ans précédant
immédiatement la présentation de la demande — La requé-
rante a démontré qu'elle avait établi sa résidence au Canada
avant son séjour de deux ans au Nigeria par l'intermédiaire du
Canadian University Students Overseas (CUSO) — L'absence
d'un domicile fixe au Canada doit être soupesé avec d'autres
facteurs — Compte tenu de toutes les circonstances, l'absence
d'un établissement matériel au Canada n'empêche pas la
requérante de satisfaire aux conditions de résidence.
L'appelante, née en Écosse, a obtenu le statut d'immigrante
ayant obtenu le droit d'établissement en 1968. En 1984, elle est
allée au Nigeria avec son époux pour y enseigner par l'intermé-
diaire du CUSO. Elle est revenue au Canada en 1986 et avait
donc été absente du Canada pendant deux ans au cours des
quatre dernières années de résidence au Canada. L'alinéa
5(1)b) de la Loi sur la citoyenneté, exige trois ans de résidence
au cours des quatre années précédant la présentation d'une
demande de citoyenneté et le requérant doit, s'il s'absente
pendant une longue période, établir qu'il n'a pas eu l'intention
d'abandonner le Canada comme lieu de résidence permanente.
Il s'agit d'un appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté
qui a refusé d'accorder la citoyenneté canadienne.
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
Pour répondre aux conditions de l'article 5 de la Loi, la
présence physique au Canada pendant le nombre minimal
d'années requis n'est pas essentielle dans la mesure où le
requérant «s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centra
lise son mode de vie habituel avec son cortège de relations
sociales, d'intérêts et de convenances» au Canada. Les affirma
tions relatives à l'intention de résider au Canada devraient être
étayées d'éléments de preuve objectifs pour éviter que les
requérants n'adoptent le Canada comme un simple pavillon de
complaisance. Il faut se conformer à l'esprit de la loi et
examiner chacun des faits importants appuyant ou réfutant une
décision quant à l'existence d'une résidence stable au Canada.
En l'espèce, les facteurs suivants sont importants: le mariage de
la requérante à un citoyen canadien, la fréquentation de trois
universités canadiennes et l'obtention d'un diplôme en droit,
l'obtention d'un Permis de retour pour résidents permanents
comme preuve de son intention de revenir et le caractère
temporaire de son engagement avec le CUSO. Compte tenu de
toutes les circonstances, l'absence d'un établissement matériel
réel au Canada au cours de son absence n'empêche pas l'appe-
lante de satisfaire aux conditions de résidence de l'article 5.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, chap. 108, art.
5(1)b) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 52, art. 128).
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Thomson v. Minister of National Revenue, [1946]
R.C.S. 209.
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
In re Papadogiorgakis et in re la Loi sur la citoyenneté,
[1978] 2 C.F. 208; 88 D.L.R. (3d) 243 (1" inst.); Canada
(Secrétaire d'État) c. Nakhjavani, [1988] 1 C.F. 84 (1te
inst.); Re Roberts (1978), 92 D.L.R. (3d) 76 (C.F. 1'e
inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Re Kumar, T-2349-79, juge en chef adjoint Thurlow,
jugement en date du 2-11-79, C.F. 1" inst., non publié;
Re Stafford (1979), 97 D.L.R. (3d) 499 (C.F. 1" inst.).
DECISIONS EXAMINÉES:
Re Anquist (1984), 34 Alta. L.R. (2d) 241; [1985] 1
W.W.R. 562 (C.F. lre inst.); Re Chan (1986), 7 F.T.R. 1
(C.F. lre inst.).
AVOCATS:
Moira Reid Calderwood, pour son propre
compte.
Maria Natziuk, amicus curiae.
PROCUREURS:
Maria Natziuk, Ottawa, amicus curiae.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE JOYAL: La Cour est saisie d'un appel
d'une décision du bureau de la citoyenneté qui a
refusé d'accorder à l'appelante sa citoyenneté
canadienne pour le motif qu'elle n'avait pas satis-
fait au critère de résidence établi à l'alinéa 5(1)b)
de la Loi sur la citoyenneté [S.C. 1974-75-76,
chap. 108; 1976-77, chap. 52, art. 128].
Je dois souligner qu'un appel logé devant cette
Cour en matière de citoyenneté constitue réelle-
ment un procès de novo. J'ai donc le privilège
d'entendre et d'examiner tous les éléments de
preuve qui me sont présentés comme si la demande
de citoyenneté de l'appelante était entendue pour
la première fois.
L'appelante est née en Écosse en 1957 et réside
au Canada depuis l'âge de onze ans. Elle a acquis
le statut d'immigrante ayant obtenu le droit d'éta-
blissement en 1968. Elle a fréquenté l'école au
Canada et a épousé un citoyen canadien en 1980.
Elle a étudié à Trent University à Peterborough et
plus tard à St-Francis Xavier University à Antigo-
nish. Elle a ultérieurement obtenu un diplôme de
Queen's University à Kingston.
Au mois d'août 1984, par l'intermédiaire du
Canadian University Service Overseas (CUSO),
l'appelante et son époux sont allés résider deux ans
au Nigeria où l'appelante a enseigné. Ils sont
revenus au Canada au mois de juillet 1986. Ils ont
alors complété leur stage afin d'être admis à la
Société du barreau du Haut-Canada. Ils prévoient
être admis à pratiquer en avril 1989.
L'absence de l'appelante du Canada pendant
deux ans au cours des quatre dernières années de
résidence au Canada nous incite certainement à
examiner si elle se conforme aux règles de la
résidence établies à l'article 5 de la Loi sur la
citoyenneté.
À première vue, elle ne se conforme pas. On
peut peut-être dire qu'elle a choisi le mauvais
moment pour présenter une demande de citoyen-
neté. La jurisprudence a cependant établi que,
pour répondre aux exigences de l'article 5 de la
Loi, la présence physique au Canada pendant le
nombre minimal d'années requis ne constitue pas
une condition essentielle. Évidemment, depuis que
le juge en chef adjoint Thurlow (tel était alors son
titre) a rendu la décision de principe In re Papa-
dogiorgakis et in re la Loi sur la citoyenneté,
publiée dans [ 1978] 2 C.F. 208; 88 D.L.R. (3d)
243, cette Cour a adopté une interprétation plus
large ou souple de la règle. L'interprétation adop-
tée par le juge en chef adjoint est exposée briève-
ment aux pages 213 et 214 C.F.; 247 D.L.R. de ses
motifs:
Il me semble que les termes «résidence» et «résident» employés
dans l'alinéa 5(1)b) de la nouvelle Loi sur la citoyenneté ne
soient pas strictement limités à la présence effective au Canada
pendant toute la période requise, ainsi que l'exigeait l'ancienne
loi, mais peuvent aussi comprendre le cas de personnes ayant un
lieu de résidence au Canada, qu'elles utilisent comme un lieu de
domicile dans une mesure suffisante fréquente pour prouver le
caractère effectif de leur résidence dans ce lieu pendant la
période pertinente, même si elles en ont été absentes pendant un
certain temps ...
Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne
cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins
temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances
ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille
continue à y habiter durant son absence peut appuyer la
conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à
cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue.
Le juge en chef adjoint a alors fait siennes les
remarques du juge Rand dans l'arrêt Thomson v.
Minister of National Revenue, [1946] R.C.S. 209,
à la page 225, où celui-ci a dit que la question de
la résidence [TRADUCTION] «dépend essentielle-
ment du point jusqu'auquel une personne s'établit
en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son
mode de vie habituel avec son cortège de relations
sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en
question.»
L'examen de la décision Papadogiorgakis révèle
l'existence des nombreuses pistes d'enquête qui
peuvent être suivies pour déterminer si les règles
de la résidence de la Loi sur la citoyenneté ont été
respectées. Les tribunaux ont donc utilisé divers
indices dans les cas individuels. Ils ont utilisés des
indices tels l'existence de liens de parenté au
Canada, un lieu de résidence stable, des comptes
dans des banques canadiennes, un permis de con-
duire provincial, le fait d'être membre de l'OHIP
ou d'organisations sociales ou professionnelles, la
fréquence des voyages de retour au Canada. On
peut affirmer que cette liste est inépuisable et que
l'importance accordée à chacun de ces divers élé-
ments peut évidemment varier d'un cas à l'autre.
Par conséquent, les conclusions qu'il est possible
de tirer de l'application de tous ces éléments qui
gravitent autour d'un cas ne rencontreront pas
souvent le degré de précision mathématique qu'une
simple computation de jours offrirait. Il s'agit
d'une recherche de faits qui comporte ses déduc-
tions, ses incidences ou conclusions habituelles et à
l'égard de laquelle les décisions judiciaires peuvent
fort bien différer.
Je dois également souligner à cette étape-ci que,
dans la plupart des cas examinés par la Cour, les
indices appliqués concernaient des demandeurs qui
s'étaient tout juste conformés à la règle des quatre
ans depuis qu'ils avaient le statut d'immigrant
ayant obtenu le droit d'établissement. Il apparte-
nait alors à la Cour d'exiger du demandeur qu'il
présente plus que des affirmations intéressées
quant à son intention de résider au Canada ou d'y
retourner. À mon avis, compte tenu des absences
prolongées du pays, ces affirmations n'ont pas
beaucoup de poids à moins d'être étayées d'élé-
ments de preuve objectifs ou de faits concordant
avec l'intention avouée du demandeur. Autrement,
on risquerait de se trouver en présence de situa
tions abusives où l'intention du Parlement n'est pas
respectée et où la règle exposée dans la décision Re
Papadogiorgakis devient reductio ad absurdem.
On remarque également dans la jurisprudence
des cas où même l'établissement antérieur d'une
résidence au Canada, une condition essentielle
selon la règle de la décision Papadogiorgakis, était
douteux. Si une personne obtient le droit d'établis-
sement au Canada, mais quitte immédiatement le
pays pour poursuivre ses affaires ou son travail
habituel à l'étranger, l'application des indices men-
tionnés précédemment fait une pétition de principe
quant à savoir si cette personne a vraiment l'inten-
tion de revenir à une résidence canadienne qu'elle
n'a même pas établie. Comme je me suis permis de
le mentionner dans la décision Canada (Secrétaire
d'État) c. Nakhjavani, [1988] 1 C.F. 84 (i re inst.),
la signification étendue que la Cour a accordée au
terme «résidence» ne devrait pas être interprétée de
façon à permettre à un requérant d'adopter le
Canada à titre de pavillon de complaisance.
Le juge Muldoon a fait la remarque suivante
dans la décision Re Anquist (1984), 34 Alta. L.R.
(2d) 241, la page 249; [1985] 1 W.W.R. 562,
aux pages 571 et 572 (C.F. ire inst.):
Le législateur n'a pas modifié l'esprit de la Loi par son amende-
ment subséquent, même s'il a élargi les critères servant à établir
la résidence par renvoi à l'article 24 de la Loi sur l'immigration
de 1976. Comme l'affirme le juge Pratte, le législateur a voulu
que le requérant démontre qu'il a effectivement résidé parmi les
Canadiens et qu'il partage volontairement notre sort au sein
d'une collectivité canadienne.
Ces remarques servent de mise en garde pour
éviter que des critères normatifs ou fixes soient
adoptés en vue d'établir les conditions requises par
la Loi en matière de résidence. Il faut éviter
d'établir un système de points pour chacun des
nombreux indices traditionnellement appliqués par
la Cour. Il faut s'attarder à l'esprit de la loi et
examiner chacun des faits importants appuyant ou
réfutant une décision quant à l'existence d'une
résidence stable au Canada. Les remarques du
juge Cullen dans la décision Re Chan (1986), 7
F.T.R. 1 (C.F. lre inst.), sont particulièrement
pertinentes à cet égard.
Il me faut maintenant revenir aux faits en l'es-
pèce. Selon les conclusions du tribunal d'instance
inférieure, l'appelante avait vécu au Canada et y
avait certainement établi résidence avant son
séjour au Nigeria par l'intermédiaire du CUSO.
Elle a poursuivi ses études aux universités Trent,
St-Francis Xavier et Queen's. Elle a épousé un
citoyen canadien en 1980. Il ressort de la preuve
produite devant moi que sa participation au pro
gramme du CUSO constituait une exception puis-
qu'elle n'était pas citoyenne canadienne. A cet
égard, il faut conclure qu'elle était à la remorque
de son époux. Cet arrangement a cependant permis
aux époux de consacrer deux ans de leur vie à la
poursuite des objectifs du CUSO. Et je pourrais
ajouter que c'était en retour d'un maigre
traitement.
Il est cependant vrai qu'au moment de quitter le
Canada l'appelante et son époux ont vidé leur
logement à Kingston (Ontario), laissant certains
de leurs meubles et livres chez la mère de celle-ci.
Toutefois, il ressort également de la preuve qu'au-
cun des époux n'avait accumulé de biens impor-
tants. De plus, on ne pouvait s'attendre à ce qu'ils
puissent, de façon réaliste, sous-louer leur loge-
ment ou y laisser leurs meubles et s'occuper de
leurs affaires du Nigeria.
Comme l'a souligné le juge de la citoyenneté,
l'appelante a conservé un compte en banque à
Kingston, son permis de conduire qui, quoi qu'il en
soit, était valide pour deux ans et elle avait égale-
ment obtenu un Permis de retour pour résidents
permanents. Il ressort des nouveaux éléments de
preuve qui m'ont été présentés que, pendant tout le
séjour de l'appelante au Nigeria, CUSO versait
une partie de son traitement à sa banque à Kings-
ton pour réduire le montant de son emprunt.
Le juge de la citoyenneté a également souligné,
à bon droit, que [TRADUCTION] «la seule intention
de revenir n'est pas suffisante». Selon elle, l'appe-
lante n'a rien conservé qui puisse ressembler de
loin à un véritable foyer ou à une autre forme de
résidence. Elle a conclu de plus que l'appelante
avait [TRADUCTION] «essentiellement concentré
son mode de vie en Afrique au cours de la période
en cause» et que [TRADUCTION] «son travail, son
époux et son lieu de résidence étaient au Nigeria et
non au Canada».
Avec tout le respect que je dois au juge de la
citoyenneté, et même si je partage une partie de
son raisonnement à cet égard, je diffère d'opinion.
Selon l'état actuel du droit, ce n'est pas parce
que le requérant n'a pas de foyer ou de lieu de
résidence au Canada qu'il ne peut se conformer
aux règles de la résidence. Comme je l'ai men-
tionné auparavant, il faut tenir compte de toutes
les circonstances susceptibles d'établir, dans un
sens ou dans l'autre, si les règles de la résidence
ont été respectées. A cet égard, j'ai présent à
l'esprit deux aspects de cette affaire qui n'ont pas
été présentés au juge de la citoyenneté ou portés à
son attention.
Le premier de ces aspects porte évidemment sur
la nature de la participation de l'appelante au
programme du CUSO et la nature même de ce
programme. Le CUSO est un programme public
entièrement subventionné par l'Agence canadienne
de développement international. Les volontaires du
CUSO ne considèrent pas qu'il s'agit d'une aven-
ture de type commercial menée dans un quelcon-
que pays sous-développé. Il s'agit effectivement
d'un programme missionnaire, bien que laïque,
d'enseignement, de formation, d'aide et d'assis-
tance aux gens défavorisés. Il n'est pas question
d'argent pour le volontaire mais bien de satisfac
tion, comme dans toute activité de bienfaisance,
d'avoir à la fois enrichi sa vie personnelle et celle
d'un semblable.
De plus, le programme est de nature strictement
temporaire et le seul engagement du CUSO est de
remettre au volontaire, à la fin de son contrat, un
billet d'avion pour rentrer au Canada. Au cours de
son contrat, le volontaire ne profite que du seul
statut que lui procure le CUSO.
L'autre aspect, manifestement négligeable, est le
lien que l'appelante a conservé concernant le rem-
boursement de son emprunt bancaire au Canada
pendant son absence. A mon humble avis, ce lien
particulier doit être considéré en regard des autres
circonstances. L'existence de l'emprunt bancaire
représente à tout le moins un certain poids dans la
situation financière de l'appelante.
Quoi qu'il en soit, je dois conclure que l'absence
d'un domicile fixe ou de tout lieu matériel de
résidence au Canada au cours des années visées ne
peut être déterminante. Un tel facteur doit être
évalué en regard des facteurs que j'ai décrits aupa-
ravant. Aucun de ces facteurs, comme dans le cas
d'une maison ou d'un logement, n'est déterminant,
mais j'estime que, pris tous ensemble, ils ont une
plus grande force persuasive. Je les énumérerais de
la façon suivante:
1. L'appelante a résidé au Canada à titre d'immi-
grante ayant obtenu le droit d'établissement pen
dant une longue période.
2. Elle a fréquenté trois universités canadiennes et
a obtenu son diplôme en droit de l'université
Queen's.
3. Elle est mariée à un citoyen canadien depuis
1980 et les deux époux ont des liens familiaux au
Canada.
4. Au cours de toute la période de résidence au
Canada qui a précédé la participation de l'appe-
lante au CUSO, aucun élément de preuve n'indi-
que qu'elle avait des intérêts ou des attaches avec
des individus, des groupes, des institutions ou des
communautés autres que canadiens.
5. Le fait que l'appelante ait obtenu un Permis de
retour pour résidents permanents avant son départ
pour le Nigeria révèle une ferme intention de
conserver son statut de résidente permanente au
Canada.
6. Le fait que l'appelante ait continué à rembour-
ser son emprunt à Kingston est également révéla-
teur. A cet égard, on pourrait se demander pour-
quoi elle aurait été si empressée de rembourser son
emprunt à la banque si elle n'avait pas eu l'inten-
tion de revenir au Canada.
7. L'appelante n'a pas apporté avec elle ses mai-
gres possessions et ses quelques livres mais les a
laissés au soin de sa mère; c'était peut-être abuser
d'elle mais cela indique aussi l'existence de liens
entre l'appelante et sa famille au Canada.
8. Enfin, je dois signaler le caractère temporaire,
en vertu d'un programme public, de l'engagement
de l'appelante au Nigeria. Peut-être pouvons-nous
affirmer que sa présence là-bas constituait une
manifestation tangible des politiques canadiennes
et des valeurs nationales à l'étranger. Je ne dois
pas conclure, contrairement au tribunal d'instance
inférieure, que ces éléments représentaient un
mode de vie concentré exclusivement en Afrique
au cours de la période visée.
Je suis très conscient que mon opinion quant aux
règles de droit applicables puisse sembler s'écarter
des principes et des remarques formulés par le juge
en chef adjoint Thurlow dans la décision Re
Kumar, T-2349-79, en date du 2 novembre 1979,
(C.F. lie inst.), non publiée, ou par le juge Addy
dans la décision Re Stafford (1979), 97 D.L.R.
(3d) 499 (C.F. lie inst.) et sur lesquels le savant
juge de la citoyenneté fonde sa décision. Je crois
cependant que ces principes et ces remarques ont
été formulés dans le cadre des faits particuliers
présentés à la Cour. Les appliquer trop aveuglé-
ment aux faits qui me sont présentés fermerait la
porte à des requérants de bonne réputation, bien
que coincés financièrement, et, de la même façon,
les ouvrirait peut-être toutes grandes à ceux qui
peuvent conserver de grosses résidences à Forest
Hills et à Belgrave ou, plus exactement peut-être,
à Victoria Peak.
Je dois donc conclure que, compte tenu de toutes
les circonstances que j'ai énumérées, l'absence
d'un établissement matériel réel au Canada au
cours du séjour de l'appelante au Nigeria ne l'em-
pêche pas de satisfaire aux conditions de la rési-
dence en application de l'article 5 de la Loi sur la
citoyenneté.
Compte tenu de mon opinion quant aux règles
de droit et à leur application aux faits de l'espèce,
je peux m'appuyer sur la décision du juge sup
pléant Grant dans la décision Re Roberts (1978),
92 D.L.R. (3d) 76 (C.F. ire inst.), où le juge devait
se prononcer sur le cas d'un résident canadien et
de son épouse qui, malgré le fait qu'ils étaient des
immigrants ayant obtenu le droit d'établissement
depuis 1966, avaient passé la plupart des années
précédant la présentation de leur demande de
citoyenneté en 1978 faire du travail missionnaire
au nom de l'Église unie du Canada en Argentine.
En examinant les motifs de la décision Re Papa-
dogiorgakis (précitée) et en formulant en détail
des remarques quant au concept juridique global
de la «résidence», le juge a dit, à la page 81:
D'après les dépositions du révérend Roberts, je suis persuadé
qu'il a toujours été dans l'intention des deux auteurs de la
demande d'aller résider en dehors du Canada que pendant le
temps que l'Église unie leur demanderait de servir comme
missionnaire en Argentine, et qu'ils avaient l'intention de reve-
nir et d'établir leur résidence permanente.
Je dois tirer la même conclusion quant à l'appe-
lante en l'espèce. Son engagement au Nigeria au
nom du CUSO et de ses objets laïques ressemble
étrangement à l'engagement du révérend Roberts
en Argentine au nom de l'Eglise unie et de ses
objets missionnaires. Aux fins de la Loi sur la
citoyenneté, ces situations ne peuvent être distin-
guées.
Je suis d'avis d'accueillir l'appel et d'approuver
la demande de citoyenneté de l'appelante.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.