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A-165-87
Positive Action Against Pornography (appelante)
C.
Ministre du Revenu national (intimé)
RÉPERTORIÉ: POSITIVE ACTION AGAINST PORNOGRAPHY C. M.R.N.
Cour d'appel, juges Urie, Mahoney et Stone— Edmonton, 13 janvier; Ottawa, 15 février 1988.
Organismes de charité Appel contre le refus d'enregistre- ment en qualité d'organisme de charité Les objectifs de l'appelante comprennent la fourniture de documentation et d'objets éducatifs visant la pornographie L'appel est rejeté
La définition d'un organisme de charité reconnue par la common law s'applique La présentation au public de cer- tains renseignements et opinions choisis ayant trait à la porno- graphie n'est pas assimilable à «la promotion de l'éducation»
Il ne s'agit pas de la formation classique de l'esprit ni de l'amélioration d'une branche utile du savoir humain Les fins de l'appelante ne sont pas charitables au sens elles seraient «par ailleurs utiles à la collectivité» L'appelante ne se contente pas d'être utile à la collectivité, mais elle est à caractère politique en s'efforçant d'influer sur l'opinion publi- que pour obtenir la modification de la loi Les fiducies ayant des fins politiques ne sont pas à caractère charitable Leurs fins ne sont pas charitables au sens de la jurisprudence, car elles proposent une définition de la pornographie différente de celle qui est reconnue par la jurisprudence et dans les mesures législatives envisagées Une fiducie visant la modification de la loi n'est pas à caractère charitable L'art. 149.1(6.2) de la Loi ne s'applique pas.
Impôt sur le revenu Exemptions Organismes de charité La fourniture au public de documents et objets concernant la pornographie n'est pas assimilable à «la promo tion de l'éducation» Les fins de l'appelante ne sont pas «par ailleurs utiles à la collectivité» car elles sont de nature politi- que en visant à influer sur l'opinion publique pour obtenir la modification de la loi Les fiducies ayant des fins politiques ne sont pas à caractère charitable L'appelante veut imposer une définition de la pornographie qui ne correspond pas à ce que la majorité des Canadiens et des tribunaux considère être la pornographie Les fiducies visant la modification de la loi ne sont pas à caractère charitable car les tribunaux sont incapables de juger si les modifications proposées seront utiles à la société L'art. 149.1(6.2) ne s'applique pas.
Il s'agit d'un appel contre la décision par laquelle l'intimé refusait à l'appelante son enregistrement en qualité d'organisme de charité. Les objets de l'appelante consistent notamment à fournir à la collectivité de la documentation et des objets éducatifs relativement à la pornographie. L'intimé a conclu que le but de l'appelante visait à modifier l'attitude du public plutôt qu'à promouvoir l'éducation, au sens charitable. Le ministre a estimé que l'intention de l'appelante était d'influer sur l'opinion publique en vue d'obtenir la modification de la loi. L'impor- tance des préjugés et de la persuasion manifestés par l'appe-
lante donnait à ses activités un caractère politique qui empê- chait de lui conférer le statut d'organisme de charité. L'appelante a soutenu que ses activités visaient la promotion de l'éducation, ou que ses fins étaient par ailleurs utiles à la collectivité dans un contexte de charité.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté.
Il a été nécessaire de recourir à la common law pour définir l'expression «organisme de charité» dans son sens juridique, et pour trouver les principes qui devraient nous guider dans l'application de cette définition. Dans l'arrêt Commissioners of Income Tax v. Pemsel, lord Macnaghten a mentionné quatre types d'organismes de charité, dont «les fiducies constituées pour promouvoir l'éducation». En Angleterre, on estime que la «promotion de l'éducation» comprend non seulement la forma tion de l'esprit, mais aussi «l'amélioration d'une branche utile du savoir humain et sa diffusion parmi le public». Il n'est pas question en l'espèce de la formation classique de l'esprit pas plus que de l'amélioration d'une branche du savoir humain. Nous ne sommes en présence que de la simple présentation au public de renseignements et d'opinions choisis ayant trait à la pornographie. Cela ne peut être considéré comme étant éducatif.
Le droit applicable au quatrième type d'organismes de cha- rité dont il est question dans l'arrêt Pemsel («fiducies consti- tuées pour des fins utiles à l'ensemble de la société et ne se situant pas à l'intérieur des autres catégories») est quelque peu élastique, et les tribunaux consentent à reconnaître toute modi fication pertinente des conditions sociales ou d'autres circons- tances spéciales. Néanmoins, pour être charitable, une fin ou une activité doit l'être d'une façon que la loi reconnaît comme charitable, c'est-à-dire celle qu'envisage lord Macnaghten dans l'arrêt Pemsel. L'appelante a fait valoir que le public est susceptible de bénéficier de la discussion la plus libre et la plus complète possible des questions présentées. Mais les fins et les activités de l'appelante ne sont pas à caractère charitable car elles sont bien autre chose que simplement utiles à la collecti- vité au sens juridique. L'appelante n'était pas neutre à l'égard de la pornographie, favorisant comme elle le faisait un plus grand contrôle de l'État plutôt que le statu quo ou le relâche- ment des contraintes légales actuelles. Les fins premières de l'appelante étaient «politiques» en ce sens qu'elle cherchait à changer la loi et l'attitude du public envers la pornographie. Il a été statué dans l'arrêt McGovern v. Attorney -General qu'une fiducie ayant des fins politiques, y compris les fiducies visant la modification des lois du pays ou le revirement d'une politique du gouvernement, ne peut être considérée comme si elle était pour l'avantage public d'une façon à laquelle la loi reconnaît un caractère charitable. Les fins de l'appelante correspondent à cette notion.
Le dernier argument tient à ce que les fins de l'appelante seraient à caractère charitable par analogie avec certaines affaires qui ont été décidées, étant donné que toute modifica tion législative qui pourrait être préconisée serait conforme avec ce que le public canadien et les tribunaux estiment être porno- graphique, c'est-à-dire ce qui dépeint la violence et l'avilisse- ment. Cet argument ne saurait s'imposer. La définition de la pornographie préconisée par l'appelante va bien au-delà de la violence au sens physique discuté dans les affaires mentionnées, pour comprendre aussi le préjudice d'ordre émotif et/ou psycho- logique. La définition de la «pornographie» que propose le
projet de loi actuel se limite à la conduite sexuelle violente, notamment toute conduite caractérisée par des douleurs physi ques infligées. En outre, une fiducie visant la modification de la loi n'est pas à caractère charitable car les tribunaux n'ont aucun moyen de juger si la modification proposée de la loi sera ou non utile au public (voir l'arrêt Bowman v. Secular Society, [1917] A. C. 406 (H.L.)).
Le paragraphe 149.1(6.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui s'applique aux oeuvres qui consacrent presque toutes leurs ressources à des activités de bienfaisance et la partie restante de ses ressources à des activités politiques accessoires à ses activi- tés de bienfaisance, ne s'applique pas en l'espèce. Les activités de l'appelante sont en premier lieu de nature politique.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 149.1(1)b) (édicté par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 60; S.C. 1984, chap. 45, art. 57), (6.2) (édicté par S.C. 1986, chap. 6, art. 85).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 1312.
Societies Act, R.S.A. 1980, chap. S-18.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Native Communications Society of B.C. c. Canada (M.R.N.), [1986] 3 C.F. 471 (C.A.); McGovern v. Attor- ney -General, [1982] 2 W.L.R. 222 (Ch. D.); Bowman v. Secular Society, [1917] A. C. 406 (H.L.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Incorporated Council of Law Reporting for England and Wales v. Attorney -General, [1972] Ch. 73 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Commissioners of Income Tax v. Pemsel, [1891] A. C. 531 (H.L.); Morice v. Durham (Bishop of) (1805), 10 Ves. Jun. 522 (H.C. of Ch.); R. v. Red Hot Video Ltd. (1985), 18 C.C.C. (3d) 1 (C.A.C.-B.); R. v. Wagner (1985), 36 Alta. L.R. (2d) 301 (B.R.); confirmé par (1986), 43 Alta. L.R. (2d) 204; Anglo-Swedish Society v. Commissioners of Inland Revenue (1931), 16 T.C. 34 (K.B.); In re Strakosch, decd., Temperley v. Attorney - General, [1949] Ch. 529 (C.A.); Buxton and Others v. Public Trustee and Others (1962), 41 T.C. 235 (Ch. D.); In re Koeppler Will Trusts, [1986] Ch. 423 (C.A.).
AVOCATS:
Charles B. Davison pour l'appelante. Robert McMechan pour l'intimé.
PROCUREURS:
Charles B. Davison, Edmonton, pour l'appe- lante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STONE: Le présent appel est formé contre la décision de l'intimé, en date du 24 février 1987, par laquelle il refusait de procéder à l'enre- gistrement de l'appelante comme «organisme de charité» conformément à l'alinéa 149.1(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, modifié par S.C. 1970-71-72, chap. 63; S.C. 1976-77, chap. 4, art. 60; S.C. 1984, chap. 45, art. 57 (la «Loi»). Les dispositions pertinentes de cet alinéa sont libellées comme suit:
149.1 (1) Pour l'application du présent article, de l'article 172 et de la partie V,
b) «oeuvre de charité» désigne une oeuvre, constituée ou non en corporation,
(i) dont la totalité des ressources est consacrée à des activités de bienfaisance qu'elle mène elle-même,
(ii) dont aucune partie du revenu n'est payable à l'un de ses propriétaires, membres, actionnaires, fiduciaires ou auteurs ni ne peut servir, de quelque façon, à leur profit personnel,
L'appelante a été constituée en vertu de la Societies Act, R.S.A. 1980, chap. S-18 au moyen d'un certificat de constitution en personne morale en date du 20 août 1985; elle s'est donné les objets
suivants:
[TRADUCTION] 2. Les objets de la société sont les suivants:
a) Voir au divertissement des membres, favoriser les activi- tés amicales et sociales et en fournir l'occasion.
b) Acquérir des terrains, par achat ou autrement, y ériger ou fournir d'autre façon un ou des immeubles devant servir à des fins sociales et communautaires.
d) Fournir un lieu de rencontre pour l'étude et la discussion des questions qui ont une incidence sur les droits de la collectivité.
e) Tenir un club littéraire et de débats en vue de la discus sion de sujets d'intérêt général, et pour encourager ses mem- bres à prendre la parole en public.
f) Voir à ce que soient prononcées des causeries sur des sujets sociaux, éducationnels, politiques, économiques et d'autres sujets, et donner et préparer des séances musicales et dramatiques.
g) Établir et conserver une bibliothèque et une salle de lecture.
h) Fournir tout le matériel et le mobilier nécessaires à la poursuite de ses divers objets.
i) Fournir un centre et un lieu de rencontre convenant aux diverses activités de la collectivité.
k) Vendre, gérer, louer, hypothéquer, aliéner ou faire d'au- tres actes relatifs aux biens de la société.
I) Fournir à la collectivité de la documentation et des objets éducatifs relativement à la question.
En octobre 1985, une demande d'enregistrement a été soumise à l'intimé qui a exprimé, dans sa réponse du 27 janvier 1986, deux préoccupations. La première tenait à ce que tous les objets énumé- rés à l'article 2, à l'exception du paragraphe (1), étaient «de nature générale et variée» et «de peu de rapport, s'il en est un, avec ce qui semble être le but véritable de cette association», sans compter que certains de ces objets «ne sont pas nécessaire- ment charitables selon le sens juridique donné à cette expression». À cet égard, l'intimé a égale- ment laissé entendre qu'il ne pouvait considérer davantage la demande tant que l'article 2 n'aurait pas été formellement modifié, à l'exception des alinéas b) et k) qui étaient considérés comme «de simples pouvoirs ou des articles habilitants» qui pouvaient rester tels quels. Il ne semble toutefois pas que l'intimé ait insisté davantage sur ce sujet.
La seconde préoccupation de l'intimé visait une déclaration jointe à la demande et qui exposait comme suit les activités de l'appelante (Documen- tation, page 22):
[TRADUCTION] 1) Élaborer et diffuser de la documentation éducative sur la question de la pornographie.
2) Mettre en train et promouvoir des projets qui favorisent le respect de soi.
3) Répondre aux demandes de renseignements et aux recom- mandations émanant des gouvernements fédéral et provinciaux, des administrations municipales, des institutions d'enseigne- ment, des organismes communautaires et des médias.
L'intimé s'est montré préoccupé que ces activités de l'appelante [TRADUCTION] «à l'appui de son objectif énoncé à l'article (1) soient exclusivement éducatives au sens charitable» et, en conséquence, il a réclamé des détails sur les activités courantes et envisagées de l'appelante, notamment sur le plan éducatif, de façon à mieux apprécier sa demande en ce qui concerne une partie de la documentation désignée dans l'exposé des activités sans y être jointe. Dans sa réponse en date du 20 mars 1986, l'appelante a soumis dix articles dis- tincts d'information, y compris une trousse com- plète d'information qu'elle a compilée pour la
transmettre au public sur demande. Cette trousse contient une documentation considérable sur la pornographie inspirée par divers points de vue et fins, dont un document de cinq pages intitulé «What can you do?» («Que pouvez-vous faire?») En temps et lieu, il sera nécessaire de parler davantage de son contenu et de son importance en l'espèce.
Par lettre en date du 25 juin 1986, l'intimé a indiqué que selon les principes reconnus de la common law régissant les organismes de charité, il était «peu probable» que l'appelante soit suscepti ble d'enregistrement. L'intimé a aussi laissé enten- dre que le but premier de l'appelante tel qu'il se dégage de la documentation remise, était de four- nir à la collectivité de la documentation éducative sur la question de la pornographie et que cet objet ne pouvait être considéré comme servant à «la promotion de l'éducation» dans un contexte de charité. À cet égard, l'intimé a écrit ce qui suit (Documentation, pages 119 et 120):
[TRADUCTION] À notre avis, le but premier de Positive Action Against Pornography (la Société) n'est pas d'éduquer au sens du mot pris dans un contexte de charité, mais de réaliser une évolution sociale. Il semble que la Société vise, au moyen de ses activités diverses, à gagner l'appui du public en faveur d'une question qui doit mener en fin de compte à la tentative d'influer sur la législation. Comme on l'a dit plus tôt, les tribunaux ont statué que ne sont pas constitués exclusivement à des fins charitables les organismes dont le but premier est de gagner l'appui du public en faveur d'un certain point de vue sur une question controversée. Nous ajouterons qu'il ne suffit pas qu'un organisme poursuive ses objets au moyen de discussions, d'ate- liers, et de renseignements dispensés au public; la fin de ses activités doit elle-même être clairement et exclusivement chari table pour que l'organisme en cause soit susceptible d'enregis- trement sous le régime des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il nous est impossible de conclure, selon la documen tation fournie, que la fin que visent les objectifs de la Société est exclusivement charitable.
L'appelante a fourni une documentation supplé- mentaire considérable dans la lettre qu'elle a adressée le 30 juillet 1986 en réponse à la demande qui lui était faite de présenter d'autres observa tions écrites. Cependant, par lettre en date du 10 septembre 1986, l'intimé rejetait complètement la demande au motif qu'elle ne pouvait être considé- rée comme visant la promotion de l'éducation, dans un contexte de charité. Il a écrit ce qui suit (Documentation, page 184):
[TRADUCTION] À notre avis, la Société ne restreint pas son rôle à celui d'un organisme de charité visant l'éducation, car elle ne s'intéresse pas à l'éducation pour elle-même, mais elle cherche
plutôt à susciter et à stimuler la conscience du problème social que pose la pornographie. En d'autres termes, nous estimons que la transmission de la connaissance envisagée par l'appe- lante est si inextricablement liée à la persuasion qu'elle en devient une activité non éducative. Bien que l'on reconnaisse que toute éducation comporte inévitablement un certain parti- pris et qu'un élément de persuasion soit commun, c'est l'impor- tance de la persuasion qui fait obstacle à l'octroi du statut d'organisme de charité.
La même lettre s'étend davantage plus loin sur le motif du rejet de la demande (Documentation, pages 185 et 186):
[TRADUCTION] Par conséquent, nous sommes d'avis que le but premier de la Société n'est pas l'éducation prise dans un contexte de charité, mais la réalisation d'une évolution sociale. Étant donné ses diverses activités, comme les décrivent les diverses mentions faites plus haut (qui ne sont pas exhaustives), nous restons convaincus que l'intention de la Société est de gagner l'opinion publique en faveur de la diminution et peut- être de l'élimination de la pornographie dans notre société.
L'importance du parti-pris et de la persuasion dont fait foi la documentation soumise par la Société place clairement ses objectifs au nombre des activités politiques dans le sens large du terme. Un organisme exploité principalement à des fins politiques ne serait pas considéré en droit comme étant un organisme de charité. Nous ne prétendons pas que la requé- rante elle-même s'emploie à rechercher la modification de la législation qui touche à la question de la pornographie. Un organisme n'a pas à aller aussi loin pour être considéré comme étant de nature politique.
De plus, bien que la Société ait inclus dans sa trousse d'infor- mation des essais favorables et défavorables à l'adoption d'une mesure législative, nous restons convaincus que la documenta tion soumise est imprégnée de parti-pris et de persuasion au point il nous est impossible de conclure que la fin que visent les objectifs de la Société est exclusivement charitable. Il ne suffit pas qu'un organisme poursuive ses objets au moyen de discussions, d'ateliers et de renseignements dispensés au public; la fin de ses activités doit elle-même être clairement et exclusi- vement charitable pour que l'organisme en cause soit suscepti ble d'enregistrement en qualité d'organisme de charité.
Il convient de noter que notre décision en l'espèce n'est pas liée à la question de savoir si les fins poursuivies par la requérante sont bonnes ou mauvaises sur le plan moral ou social. Notre souci est simplement de voir à ce que les avantages fiscaux de l'enregistrement ne soient disponibles qu'aux organismes exploités dans les limites que la loi impose aux organismes de charité.
Nonobstant cette décision, la demande a été de nouveau étudiée à la lumière d'autres observations. Toutefois, par lettre en date du 24 février 1987, l'intimé a confirmé sa décision antérieure, de la façon suivante (Documentation, page 207):
[TRADUCTION] Bien que l'organisme poursuive ses objectifs au moyen de la diffusion de l'information, nous estimons que la Société s'emploie surtout à dénigrer la valeur de la pornogra- phie et à établir un courant d'opinion qui lui est défavorable. Je
regrette de vous informer que nous continuons de croire comme nous l'avons dit dans nos lettres précédentes que les ressources de la Société sont consacrées dans une large mesure à promou- voir la modification de l'attitude du public à l'égard de la pornographie, et de la façon dont il la traite.
L'appelante oppose deux moyens fondamentaux à la décision en cause. Premièrement, elle dit que la documentation appuie sa prétention que ses activités visent «la promotion de l'éducation» et, deuxièmement, elle affirme que l'intimé aurait se demander si ses fins sont par ailleurs utiles à la collectivité, dans un contexte de charité. Pour pou- voir correctement juger du bien-fondé relatif de ces attaques, il faut les considérer à la lumière des principes applicables de la common law, la défini- tion que nous donne la Loi de l'expresssion «orga- nisme de charité» nous aidant peu ou pas du tout à répondre aux questions sur lesquelles nous devons statuer en l'espèce. L'alinéa 149.1(1)d) dit simple- ment que le mot désigne «une oeuvre de charité ou une fondation de charité», ces deux expressions étant à leur tour définies respectivement aux ali- néas a) et b) du même paragraphe, sans que cela nous aide pour autant. La Loi semble plutôt claire- ment envisager le recours à la common law lors- qu'il s'agit de définir l'expression «organisme de charité» dans son sens juridique, et de trouver les principes qui devraient nous guider dans l'applica- tion de cette définition. Dans l'arrêt Native Com munications Society of B.C. c. Canada (M.R.N.), [1986] 3 C.F. 471 (C.A.), cette Cour a fait réfé- rence, aux pages 478 et 479, la définition que donne la common law de l'expression «charity» («organisme de charité»):
Le point de départ d'une discussion sur ce qui peut ou non constituer une fin charitable valable est la décision de la Chambre des lords dans l'affaire Commissioners of Income Tax v. Pemsel, [1891] A.C. 531, et plus particulièrement le sens juridique du mot «charity» (organisme de charité) donné par lord Macnaghten à la page 583 du recueil:
[TRADUCTION] Dans quelle mesure la signification courante de l'expression «charity» correspond-elle à son sens juridique? Entendue dans son sens juridique, l'expression «charity» («organisme de charité») comprend quatre types d'organis- mes: des fiducies ayant pour but de soulager la pauvreté; des fiducies constituées pour promouvoir l'éducation; des fiducies visant à promouvoir la religion; et des fiducies constituées pour des fins utiles à l'ensemble de la société et ne se situant pas à l'intérieur des catégories susmentionnées.
Cette définition a été appliquée à plusieurs reprises au Canada et a été approuvée par notre Cour suprême (voir Guaranty Trust Company of Canada v. Minister of National Revenue,
[ 1967] R.C.S. 133, la page 141). Pour constituer une fin »charitable» valable, une fin doit avoir un caractère charitable
au sens de [TRADUCTION] «l'esprit» du préambule de la Loi d'Elizabeth intitulée «An Acte to redresse the Misemployment of Landes Goodes and Stockes of Money heretofore given to Charitable Uses». Cette Loi a été adoptée en Angleterre en 1601 au cours du règne d'Elizabeth Ir» et est rapportée à 43 Eliz. I, chap. 4. De nos jours, elle est généralement désignée dans ce domaine du droit simplement comme la [TRADUCTION] «Loi d'Elizabeth». Il n'est pas nécessaire d'exposer tout ce préambule et il n'est peut-être pas souhaitable non plus d'es- sayer de le reproduire dans sa version originale. Je préfère plutôt suivre l'exemple du juge Slade dans l'arrêt McGovern v. Attorney -General, [1982] Ch. 321, à la page 332, il a donné en anglais moderne la liste des fins charitables prévues dans cette Loi:
[TRADUCTION] Soulager les personnes âgées, les infirmes ou les pauvres ... pourvoir aux besoins des soldats et des marins malades ou invalides; subventionner les établissements scolai- res, les écoles gratuites et les boursiers étudiant dans les universités ... réparer les ponts, les ports, les havres, la chaussée, les églises, le littoral et les grandes routes ... faire élever et instruire les orphelins ... venir en aide aux maisons de correction, leur fournir des provisions ou les subventionner ... doter les jeunes filles pauvres ... fournir une aide aux jeunes commerçants, aux artisans et aux personnes ruinées ... soulager ou déliver les prisonniers, et aider ou soulager tous les citoyens pauvres relativement au paiement de la taxe d'un quinzième, de l'impôt pour la levée des armées et d'autres taxes.
Conscient de ce qui précède, je passe maintenant à l'étude de l'argument selon lequel l'appelante serait constituée et exploitée en vue de «la promo tion de l'éducation», et je m'en tiens à la question précise de façon à ne pas nuire à quelque fiducie qui pourrait par ailleurs satisfaire aux exigences de la loi. Je dirai entre parenthèses que rien dans les statuts de la société ne nous dit quelle est «la question» dont il est fait mention à l'article 2(1), mais il s'agit assurément de la pornographie. En effet, on peut aisément tirer cette conclusion de la dénomination sociale de la société qui dit claire- ment qu'elle est de toute façon «against pornogra phy» («contre la pornographie»). Pour autant que je sache, il n'y a jamais eu dans ce pays une affaire dans laquelle on a reconnu comme ayant un carac- tère charitable des fins et des activités semblables à celles en cause. En Angleterre, la promotion de l'éducation s'est vu octroyer un sens assez large, car l'on estime qu'elle comprend non seulement la formation de l'esprit comme telle, mais comme l'a dit le lord juge Buckley dans l'arrêt Incorporated Council of Law Reporting for England and Wales v. Attorney -General, [1972] Ch. 73 (C.A.), à la page 102, [TRADUCTION] «l'amélioration d'une branche utile du savoir humain et sa diffusion parmi le public». Je suis tout à fait incapable de
trouver au dossier quoi que ce soit qui ressemble à «la promotion de l'éducation» au sens juridique du terme, car il ne saurait être question ici ni de la formation classique de l'esprit ni de l'amélioration d'une branche utile du savoir humain. Nous ne sommes en présence, en l'espèce, que de la simple présentation au public de renseignements et d'opi- nions choisis ayant trait à la pornographie. À mon avis, cela ne peut être considéré comme étant éducatif au sens l'entend cette branche du droit.
J'en arrive au second moyen opposé à la décision litigieuse. On soutient que l'appelante serait sus ceptible d'enregistrement parce qu'elle appartien- drait au quatrième type d'organismes mentionné par le juge Macnaghten, et on affirme de plus que l'intimé a totalement négligé d'envisager cette pos- sibilité. Je puis traiter de cette dernière proposition en peu de mots. Bien que sans doute le motif le plus invoqué à l'appui de l'enregistrement visait «la promotion de l'éducation», l'intimé semble aussi avoir tenu compte de l'application possible de cette quatrième catégorie. Dans sa lettre du 25 juin 1986, par exemple, l'intimé a mentionné de façon générale les principes de la common law régissant les organismes de charité, y compris [TRADUC- TION] «d'autres fins utiles à la collectivité dans son ensemble d'une façon à laquelle la loi reconnaît un caractère charitable», et il a poursuivi en appelant «d'autres observations écrites relatives au motif pour lequel cet organisme devrait se voir accorder ... l'enregistrement» en vertu de la Loi. Bien que le débat ait continué à se concentrer sur l'éduca- tion, cela est difficilement une raison suffisante pour convaincre l'intimé de n'avoir pas expressé- ment traité du quatrième type d'organismes de charité, d'autant plus que l'appelante elle-même n'a pas jugé bon d'en parler davantage. Je crois que la bonne façon d'envisager la question consiste à dire que cette quatrième catégorie a été prise en considération et mise de côté, bien qu'elle ne l'ait pas été de façon expresse, dans les circonstances.
En discutant de ce type d'organismes de charité, je me réfère avec déférence, dès le départ, aux vues suivantes exprimées au nom de cette Cour dans l'arrêt Native Communications Society, aux pages 479 et 480:
Il semble ressortir de la jurisprudence que les propositions suivantes au moins peuvent être présentées comme des condi tions préalables pour déterminer si une fin particulière peut être
considérée comme une fin charitable s'inscrivant dans la qua- trième catégorie prévue dans la classification de lord Macnaghten:
a) la fin doit être utile à la société d'une façon que la loi considère comme charitable en étant conforme à «l'esprit» du préambule de la Loi d'Elizabeth, si ce n'est pas à sa lettre. , (National Anti -Vivisection Society v. Inland Revenue Com missioners, [1948] A.C. 31 (H.L.), aux pages 63 et 64; In re Strakosch, decd. Temperley v. Attorney -General, [1949] Ch. 529 (C.A.), aux pages 537 et 538), et
b) c'est en se fondant `sur le dossier dont elle dispose et en exerçant sa compétence reconnue en equity en matière d'orga- nismes de charité que la cour doit déterminer si une fin servirait ou pourrait servir l'intérêt du public (National Anti -Vivisection Society v. Inland Revenue Commissioners (précité), aux pages 44, 45 et 63).
On a également souligné dans cet arrêt, et il convient de le répéter en l'espèce, que la loi sur les organismes de charité, particulièrement sous cette large rubrique, est quelque peu élastique, les tribu- naux étant consentants à reconnaître toute modifi cation pertinente des conditions sociales ou d'au- tres circonstances spéciales. Néanmoins, pour être charitable, une fin ou une activité doit l'être d'une façon que la loi reconnaît comme charitable. Il existe sans doute de nombreuses fins et activités qui sont utiles à la collectivité dans un sens large ou commun mais non pas dans le sens juridique du terme, c'est-à-dire celui auquel songeait le lord Macnaghten dans l'arrêt Commissioners of Income Tax v. Pemsel, [1891] A. C. 531 (H.L.), ou celui qu'envisageait Sir Samuel Romilly dans l'arrêt Morice v. Durham (Bishop of) (1805), 10 Ves. Jun. 522 (H.C. of Ch.), à la page 532, à savoir [TRADUCTION] «des objets d'utilité publique et générale».
L'appelante fait valoir que la pornographie est un sujet qui a soulevé l'intérêt de notre société depuis déjà quelque temps et particulièrement au cours des dernières années, le Parlement ayant lui-même jugé bon, par exemple, de créer le Comité spécial de la pornographie et de la pros titution dont le rapport est mentionné dans la documentation qui nous est soumise. Une ré- cente décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique rendue dans l'affaire R. v. Red Hot Video Ltd. (1985), 18 C.C.C. (3d) 1 montre bien que le sujet en cause a aussi retenu l'attention des tribunaux de notre pays chargés d'appliquer le droit criminel. Et comme l'a souli- gné l'avocat de l'intimé, le Parlement est actuelle-
ment saisi d'un projet de loi (dont l'avocat a remis un exemplaire à la Cour pendant sa plaidoirie) qui vise la modification du droit relatif à la pornogra- phie par l'adoption d'une définition quelque peu moins restrictive que celle proposée par l'appe- lante.
Dans sa plaidoirie aussi bien qu'au paragraphe 27 de son mémoire, l'avocat de l'appelante s'est principalement efforcé de faire valoir que le public [TRADUCTION] «est susceptible de bénéficier de l'analyse, de l'étude, de la discussion et de l'exa- men publics les plus libres et les plus complets possibles des questions présentées et des choix offerts», et que puisque les actes de l'appelante facilitent les discussions et les débats éclairés sur le sujet, ils devraient être considérés comme ayant un caractère charitable. Il a été allégué à titre subsi- diaire que ces actes sont de toute façon de nature charitable parce qu'ils sont conformes à l'opinion bien répandue dans notre société que ce qui excuse la violence contre les femmes et les enfants et leur avilissement est effectivement pornographique au sens du droit criminel, à l'appui de quoi il est fait mention de l'arrêt Red Hot Video et de la décision de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta rendue dans l'affaire R. v. Wagner (1985), 36 Alta. L.R. (2d) 301, aux pages 315 et 316, et confirmée en appel ((1986), 43 Alta. L.R. (2d) 204). L'avocat de l'appelante soutient que le fait de débarrasser la société de ce genre de choses ou tout au moins en contrôler et en limiter la publica tion, la diffusion et l'usage, peut être considéré comme conforme à «l'esprit» du préambule de la Loi d'Elizabeth ou, quoi qu'il en soit, comme analogue à des objets dont les tribunaux ont déjà reconnu le caractère charitable parce qu'ils relè- vent de la quatrième catégorie d'organismes de charité mentionnée par lord Macnaghten.
Pour ce qui est du premier de ces arguments, je dois me montrer d'accord avec l'intimé pour dire que les fins et les activités de l'appelante sont bien autre chose que simplement utiles à la collectivité au sens juridique. J'ai beau m'y efforcer, je ne puis arriver à voir comment le contenu de la trousse d'information ou le reste de la documentation à l'appui pourraient être conformes à la neutralité que l'appelante prétend démontrer à l'égard de cette question dont il ne fait aucun doute qu'elle partage le public. La trousse et la documentation
semblent plutôt clairement prouver le contraire, penchant lourdement comme elles le font en faveur d'un plus grand contrôle de l'État plutôt qu'en faveur du statu quo ou du relâchement des con- traintes légales actuelles. L'intimé souligne, très justement, qu'en réalité un seul document parmi la documentation va jusqu'à exprimer un point de vue défavorable à une solution législative, et qu'il déconseille simplement une réforme par voie légis- lative (Documentation, page 90 à la page 95). Le reste de la documentation semble témoigner d'un parti-pris assez fort contre la pornographie, procé- dant sans doute en partie d'une profonde préoccu- pation à l'endroit du genre de violence et d'avilisse- ment auxquels j'ai déjà fait allusion (voir par exemple la Documentation, aux pages 40 et 41). Il est aussi évident qu'une partie de la documentation est de nature «politique», au sens large donné à ce mot dans cette branche du droit. Par exemple, elle approuve [TRADUCTION] l'«influence exercée sur le législateur» (page 45), l'«amélioration de la défi- nition de l'obscénité dans le Code criminel» et «l'établissement de règlements» sur la pornogra- phie (page 53), les pressions exercées sur «les hommes et femmes politiques de la région» et sur «le gouvernement fédéral» dans le but d'obtenir la modification de la loi (page 61) et, de façon générale, la modification de «l'attitude et de l'opi- nion publiques» envers la pornographie (page 107). Il est bien vrai qu'une bonne partie de cette docu mentation n'a pas été produite par l'appelante, mais son insertion dans la trousse d'information ou dans le reste de la documentation peut laisser croire que les vues qui y sont exprimées sont conformes aux propres objectifs de l'appelante. Chose significative, il devient encore plus visible que l'appelante cherche à faire apporter à la loi les modifications de son choix si l'on considère la révision qu'elle a proposée au gouvernement du Canada relativement à la définition du mot «por- nographie»> contenue dans le rapport du Comité spécial de la pornographie et de la prostitution (Documentation, page 32).
La tâche de la Cour relativement à cette rubri- que est relativement précise et bien délimitée. Nous n'avons pas à décider ce qui est utile à la collectivité dans un sens large, mais simplement ce qui lui est utile d'une façon à laquelle la loi reconnaît un caractère charitable. L'examen de la documentation et de la jurisprudence me convainc
que les fins ou activités premières de l'appelante ne peuvent être considérées comme utiles à la collecti- vité dans le sens dont je viens de parler, mais plutôt comme étant politiques au sens donné à ce mot par cette branche du droit. Il doit par consé- quent s'ensuivre qu'elle n'est pas susceptible d'en- registrement en qualité d'«oeuvre de charité». Je renvoie à l'un des arrêts récents qui ont discuté de ce sens du mot. Dans l'arrêt McGovern v. Attor- ney -General, [1982] 2 W.L.R. 222 (Ch. D.), après avoir examiné des décisions antérieures sur ce point, le juge Slade a résumé comme suit la posi tion actuelle (aux pages 239 et 240):
[TRADUCTION] ... Je résume donc comme suit mes conclusions relativement aux fiducies ayant des fins politiques. (1) Même si par ailleurs elle semble conforme à l'esprit du préambule de la Loi d'Elizabeth, une fiducie ayant des fins politiques qui est visée par la déclaration du juge Parker dans l'arrêt Bowman ne peut jamais être considérée comme si elle était pour l'avantage public d'une façon à laquelle la loi reconnaît un caractère charitable. (2) Les fiducies ayant des fins politiques qui sont visées par cette déclaration comprennent, notamment, les fidu- cies dont l'une des fins directes et principales consiste soit à i) promouvoir les intérêts d'un certain_parti politique; ii) obtenir la modification des lois de nôtre pays; iii) obtenir la modifica tion des lois d'un pays étranger; iv) obtenir le revirement d'une politique du gouvernement ou le changement de certaines déci- sions des autorités gouvernementales dans notre pays; ou encore v) obtenir le revirement d'une politique du gouvernement ou le changement de certaines décisions des autorités gouvernemen- tales dans un pays étranger.
Cette classification ne se veut pas exhaustive, mais je la crois suffisante aux fins de ce jugement. J'ajouterais qu'elle vise les fiducies dont les fins ont un caractère politique. Comme on le verra plus loin, le simple fait que les fiduciaires soient libres de recourir à des moyens de nature politique dans la poursuite des fins non politiques de la fiducie ne donne pas nécessairement à celle-ci un caractère non charitable'. [Soulignements ajoutés aux alinéas ii) et iv).]
L'examen de la documentation me convainc que les fins et les activités de l'appelante correspondent à cette notion comme en traite la jurisprudence et, en conséquence, qu'elles ne peuvent être considé- rées comme charitables au sens de la quatrième catégorie d'organismes de charité dont parle le juge Macnaghten.
I I1 semble que cette notion s'étende aussi à l'adoption d'une cause ou d'aspirations politiques. Voir Anglo-Swedish Society v. Commissioners of Inland Revenue (1931), 16 T.C. 34 (K.B.); In re Strakosch, deed., Temperley v. Attorney -General, [1949] Ch. 529 (C.A.); et Buxton and Others v. Public Trustee and Others (1962), 41 T.C. 235 (Ch. D.). Faites une comparai- son avec ce qu'a dit le juge Slade à la p. 432 de l'arrêt In re Koeppler Will Trusts, [1986] Ch. 423 (C.A.).
Ceci m'amène à l'étude de l'argument subsi- diaire concernant cette catégorie d'organismes de charité. Selon lui, par analogie avec certaines affaires qui ont été décidées nous devrions considé- rer les fins et les activités de l'appelante comme ayant un caractère charitable, étant donné que toute modification législative qui pourrait être pré- conisée est conforme avec ce que le public cana- dien et les tribunaux estiment être pornographi- que, c'est-à-dire ce qui dépeint la violence et l'avilissement. Je ne vois pas comment cet argu ment pourrait s'imposer. En premier lieu, la docu mentation montre que la «définition» juridique de la pornographie préconisée par l'appelante va bien au-delà de la violence au sens physique discuté dans les affaires auxquelles il est fait allusion plus haut, pour comprendre aussi le préjudice d'ordre émotif et/ou psychologique (Documentation, page 32). De fait, la violence qui serait visée par la définition de la pornographie que propose le projet de loi déposé devant le Parlement semble se limiter à la «conduite sexuelle violente, notamment toute forme d'agression sexuelle et toute conduite carac- térisée par des douleurs physiques infligées, réelle- ment ou en apparence ...» De plus, pour les excel- lentes raisons qu'a expliquées le juge Parker dans l'arrêt Bowman v. Secular Society, [1917] A. C. 406 (H.L.), une fiducie visant la modification de la loi n'a jamais été reconnue comme étant charita ble. Le juge Parker a dit à la page 442:
[TRADUCTION] L'abolition des examens de religion, la sépara- tion de l'Église et de l'État, la sécularisation de l'éducation, la modification de la loi en ce qui concerne la religion et le mariage, ou l'observation du dimanche, sont purement des objectifs politiques. L'equity a toujours refusé de reconnaître un caractère charitable à de tels objectifs. Il est vrai qu'un don à une association formée en vue de leur poursuite peut, si cette association n'est pas constituée, être considéré comme un don absolu à ses membres, ou comme un don absolu à la société dans l'éventualité l'association est constituée. Mais une fiducie visant la poursuite d'objectifs politiques a toujours été tenue pour invalide, non parce qu'elle est illégale, car chacun est libre de préconiser ou de promouvoir la modification de la loi par toute voie légale, mais parce que les tribunaux n'ont aucun moyen de juger si une modification proposée de la loi sera ou non utile au public, et par conséquent ils ne peuvent dire si un don visant à obtenir cette modification est un don charitable ou non. Les mêmes considérations s'appliquent à l'égard des fiducies concernant la publication d'un livre. Le tribunal étudiera le livre, et si ses objets ont un caractère charitable au sens juridique du mot, il donnera effet à la fiducie en qualité d'organisme de charité authentique: Thornton v. Howe (31 Beav. 14); mais si ses objets sont politiques, le tribunal refusera de donner effet à la fiducie: De Themmines v. De Bonneval ((1828) 5 Russ. 288). Par conséquent, s'il existe
une fiducie en l'espèce, elle est clairement invalide. Le fait, si tel est le cas, que l'un quelconque des objets précisés dans les statuts de la société soit charitable ne ferait aucune différence. Il n'existerait aucun moyen d'établir quelle partie du don serait destinée à une fin charitable et quelle autre partie serait destinée à une fin politique, et l'incertitude à cet égard serait rédhibitoire.
Relativement à ce même sujet, l'appelante s'ap- puie aussi sur les dispositions du paragraphe 149.1(6.2) de la Loi qui a été adopté en 1986 [édicté par S.C. 1986, chap. 6, art. 85], avec effet rétroactif en 1985. En voici le libellé:
149.1 .. .
(6.2) Pour l'application de l'alinéa (1)b), l'oeuvre qui consa- cre presque toutes ses ressources à des activités de bienfaisance est considérée comme y consacrant la totalité
a) si elle consacre la partie restante de ses ressources à des activités politiques;
b) si ces activités politiques sont accessoires à ses activités de bienfaisance; et
c) si ces activités politiques ne comprennent pas d'activités directes ou indirectes de soutien à un parti politique ou à un candidat à une fonction publique ou d'opposition à l'un ou à l'autre.
À mon sens, toutefois, ce paragraphe n'est d'au- cune aide car les fins et les activités de l'appelante ne sont pas «accessoires» mais elles sont plutôt en premier lieu de nature politique et par conséquent sans caractère charitable.
Je rejetterais cet appel mais, dans les circons- tances, sans dépens, car il n'existe aucune «raison spéciale» dont la Règle 1312 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663] exige la présence pour qu'il y ait adjudication des dépens.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE MAHONEY: Je souscris à ces motifs.
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