A-165-87
Positive Action Against Pornography (appelante)
C.
Ministre du Revenu national (intimé)
RÉPERTORIÉ: POSITIVE ACTION AGAINST PORNOGRAPHY C.
M.R.N.
Cour d'appel, juges Urie, Mahoney et Stone—
Edmonton, 13 janvier; Ottawa, 15 février 1988.
Organismes de charité — Appel contre le refus d'enregistre-
ment en qualité d'organisme de charité — Les objectifs de
l'appelante comprennent la fourniture de documentation et
d'objets éducatifs visant la pornographie — L'appel est rejeté
— La définition d'un organisme de charité reconnue par la
common law s'applique — La présentation au public de cer-
tains renseignements et opinions choisis ayant trait à la porno-
graphie n'est pas assimilable à «la promotion de l'éducation»
— Il ne s'agit pas de la formation classique de l'esprit ni de
l'amélioration d'une branche utile du savoir humain — Les
fins de l'appelante ne sont pas charitables au sens où elles
seraient «par ailleurs utiles à la collectivité» — L'appelante ne
se contente pas d'être utile à la collectivité, mais elle est à
caractère politique en s'efforçant d'influer sur l'opinion publi-
que pour obtenir la modification de la loi — Les fiducies ayant
des fins politiques ne sont pas à caractère charitable — Leurs
fins ne sont pas charitables au sens de la jurisprudence, car
elles proposent une définition de la pornographie différente de
celle qui est reconnue par la jurisprudence et dans les mesures
législatives envisagées — Une fiducie visant la modification de
la loi n'est pas à caractère charitable — L'art. 149.1(6.2) de la
Loi ne s'applique pas.
Impôt sur le revenu — Exemptions — Organismes de
charité — La fourniture au public de documents et objets
concernant la pornographie n'est pas assimilable à «la promo
tion de l'éducation» — Les fins de l'appelante ne sont pas «par
ailleurs utiles à la collectivité» car elles sont de nature politi-
que en visant à influer sur l'opinion publique pour obtenir la
modification de la loi — Les fiducies ayant des fins politiques
ne sont pas à caractère charitable — L'appelante veut imposer
une définition de la pornographie qui ne correspond pas à ce
que la majorité des Canadiens et des tribunaux considère être
la pornographie — Les fiducies visant la modification de la loi
ne sont pas à caractère charitable car les tribunaux sont
incapables de juger si les modifications proposées seront utiles
à la société — L'art. 149.1(6.2) ne s'applique pas.
Il s'agit d'un appel contre la décision par laquelle l'intimé
refusait à l'appelante son enregistrement en qualité d'organisme
de charité. Les objets de l'appelante consistent notamment à
fournir à la collectivité de la documentation et des objets
éducatifs relativement à la pornographie. L'intimé a conclu que
le but de l'appelante visait à modifier l'attitude du public plutôt
qu'à promouvoir l'éducation, au sens charitable. Le ministre a
estimé que l'intention de l'appelante était d'influer sur l'opinion
publique en vue d'obtenir la modification de la loi. L'impor-
tance des préjugés et de la persuasion manifestés par l'appe-
lante donnait à ses activités un caractère politique qui empê-
chait de lui conférer le statut d'organisme de charité.
L'appelante a soutenu que ses activités visaient la promotion de
l'éducation, ou que ses fins étaient par ailleurs utiles à la
collectivité dans un contexte de charité.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté.
Il a été nécessaire de recourir à la common law pour définir
l'expression «organisme de charité» dans son sens juridique, et
pour trouver les principes qui devraient nous guider dans
l'application de cette définition. Dans l'arrêt Commissioners of
Income Tax v. Pemsel, lord Macnaghten a mentionné quatre
types d'organismes de charité, dont «les fiducies constituées
pour promouvoir l'éducation». En Angleterre, on estime que la
«promotion de l'éducation» comprend non seulement la forma
tion de l'esprit, mais aussi «l'amélioration d'une branche utile
du savoir humain et sa diffusion parmi le public». Il n'est pas
question en l'espèce de la formation classique de l'esprit pas
plus que de l'amélioration d'une branche du savoir humain.
Nous ne sommes en présence que de la simple présentation au
public de renseignements et d'opinions choisis ayant trait à la
pornographie. Cela ne peut être considéré comme étant
éducatif.
Le droit applicable au quatrième type d'organismes de cha-
rité dont il est question dans l'arrêt Pemsel («fiducies consti-
tuées pour des fins utiles à l'ensemble de la société et ne se
situant pas à l'intérieur des autres catégories») est quelque peu
élastique, et les tribunaux consentent à reconnaître toute modi
fication pertinente des conditions sociales ou d'autres circons-
tances spéciales. Néanmoins, pour être charitable, une fin ou
une activité doit l'être d'une façon que la loi reconnaît comme
charitable, c'est-à-dire celle qu'envisage lord Macnaghten dans
l'arrêt Pemsel. L'appelante a fait valoir que le public est
susceptible de bénéficier de la discussion la plus libre et la plus
complète possible des questions présentées. Mais les fins et les
activités de l'appelante ne sont pas à caractère charitable car
elles sont bien autre chose que simplement utiles à la collecti-
vité au sens juridique. L'appelante n'était pas neutre à l'égard
de la pornographie, favorisant comme elle le faisait un plus
grand contrôle de l'État plutôt que le statu quo ou le relâche-
ment des contraintes légales actuelles. Les fins premières de
l'appelante étaient «politiques» en ce sens qu'elle cherchait à
changer la loi et l'attitude du public envers la pornographie. Il a
été statué dans l'arrêt McGovern v. Attorney -General qu'une
fiducie ayant des fins politiques, y compris les fiducies visant la
modification des lois du pays ou le revirement d'une politique
du gouvernement, ne peut être considérée comme si elle était
pour l'avantage public d'une façon à laquelle la loi reconnaît un
caractère charitable. Les fins de l'appelante correspondent à
cette notion.
Le dernier argument tient à ce que les fins de l'appelante
seraient à caractère charitable par analogie avec certaines
affaires qui ont été décidées, étant donné que toute modifica
tion législative qui pourrait être préconisée serait conforme avec
ce que le public canadien et les tribunaux estiment être porno-
graphique, c'est-à-dire ce qui dépeint la violence et l'avilisse-
ment. Cet argument ne saurait s'imposer. La définition de la
pornographie préconisée par l'appelante va bien au-delà de la
violence au sens physique discuté dans les affaires mentionnées,
pour comprendre aussi le préjudice d'ordre émotif et/ou psycho-
logique. La définition de la «pornographie» que propose le
projet de loi actuel se limite à la conduite sexuelle violente,
notamment toute conduite caractérisée par des douleurs physi
ques infligées. En outre, une fiducie visant la modification de la
loi n'est pas à caractère charitable car les tribunaux n'ont
aucun moyen de juger si la modification proposée de la loi sera
ou non utile au public (voir l'arrêt Bowman v. Secular Society,
[1917] A. C. 406 (H.L.)).
Le paragraphe 149.1(6.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu,
qui s'applique aux oeuvres qui consacrent presque toutes leurs
ressources à des activités de bienfaisance et la partie restante de
ses ressources à des activités politiques accessoires à ses activi-
tés de bienfaisance, ne s'applique pas en l'espèce. Les activités
de l'appelante sont en premier lieu de nature politique.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 149.1(1)b) (édicté par S.C. 1976-77, chap. 4, art.
60; S.C. 1984, chap. 45, art. 57), (6.2) (édicté par S.C.
1986, chap. 6, art. 85).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
1312.
Societies Act, R.S.A. 1980, chap. S-18.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Native Communications Society of B.C. c. Canada
(M.R.N.), [1986] 3 C.F. 471 (C.A.); McGovern v. Attor-
ney -General, [1982] 2 W.L.R. 222 (Ch. D.); Bowman v.
Secular Society, [1917] A. C. 406 (H.L.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Incorporated Council of Law Reporting for England and
Wales v. Attorney -General, [1972] Ch. 73 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Commissioners of Income Tax v. Pemsel, [1891] A. C.
531 (H.L.); Morice v. Durham (Bishop of) (1805), 10
Ves. Jun. 522 (H.C. of Ch.); R. v. Red Hot Video Ltd.
(1985), 18 C.C.C. (3d) 1 (C.A.C.-B.); R. v. Wagner
(1985), 36 Alta. L.R. (2d) 301 (B.R.); confirmé par
(1986), 43 Alta. L.R. (2d) 204; Anglo-Swedish Society
v. Commissioners of Inland Revenue (1931), 16 T.C. 34
(K.B.); In re Strakosch, decd., Temperley v. Attorney -
General, [1949] Ch. 529 (C.A.); Buxton and Others v.
Public Trustee and Others (1962), 41 T.C. 235 (Ch. D.);
In re Koeppler Will Trusts, [1986] Ch. 423 (C.A.).
AVOCATS:
Charles B. Davison pour l'appelante.
Robert McMechan pour l'intimé.
PROCUREURS:
Charles B. Davison, Edmonton, pour l'appe-
lante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STONE: Le présent appel est formé
contre la décision de l'intimé, en date du 24 février
1987, par laquelle il refusait de procéder à l'enre-
gistrement de l'appelante comme «organisme de
charité» conformément à l'alinéa 149.1(1)b) de la
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap.
148, modifié par S.C. 1970-71-72, chap. 63; S.C.
1976-77, chap. 4, art. 60; S.C. 1984, chap. 45, art.
57 (la «Loi»). Les dispositions pertinentes de cet
alinéa sont libellées comme suit:
149.1 (1) Pour l'application du présent article, de l'article
172 et de la partie V,
b) «oeuvre de charité» désigne une oeuvre, constituée ou non
en corporation,
(i) dont la totalité des ressources est consacrée à des
activités de bienfaisance qu'elle mène elle-même,
(ii) dont aucune partie du revenu n'est payable à l'un de
ses propriétaires, membres, actionnaires, fiduciaires ou
auteurs ni ne peut servir, de quelque façon, à leur profit
personnel,
L'appelante a été constituée en vertu de la
Societies Act, R.S.A. 1980, chap. S-18 au moyen
d'un certificat de constitution en personne morale
en date du 20 août 1985; elle s'est donné les objets
suivants:
[TRADUCTION] 2. Les objets de la société sont les suivants:
a) Voir au divertissement des membres, favoriser les activi-
tés amicales et sociales et en fournir l'occasion.
b) Acquérir des terrains, par achat ou autrement, y ériger ou
fournir d'autre façon un ou des immeubles devant servir à
des fins sociales et communautaires.
d) Fournir un lieu de rencontre pour l'étude et la discussion
des questions qui ont une incidence sur les droits de la
collectivité.
e) Tenir un club littéraire et de débats en vue de la discus
sion de sujets d'intérêt général, et pour encourager ses mem-
bres à prendre la parole en public.
f) Voir à ce que soient prononcées des causeries sur des
sujets sociaux, éducationnels, politiques, économiques et
d'autres sujets, et donner et préparer des séances musicales et
dramatiques.
g) Établir et conserver une bibliothèque et une salle de
lecture.
h) Fournir tout le matériel et le mobilier nécessaires à la
poursuite de ses divers objets.
i) Fournir un centre et un lieu de rencontre convenant aux
diverses activités de la collectivité.
k) Vendre, gérer, louer, hypothéquer, aliéner ou faire d'au-
tres actes relatifs aux biens de la société.
I) Fournir à la collectivité de la documentation et des objets
éducatifs relativement à la question.
En octobre 1985, une demande d'enregistrement
a été soumise à l'intimé qui a exprimé, dans sa
réponse du 27 janvier 1986, deux préoccupations.
La première tenait à ce que tous les objets énumé-
rés à l'article 2, à l'exception du paragraphe (1),
étaient «de nature générale et variée» et «de peu de
rapport, s'il en est un, avec ce qui semble être le
but véritable de cette association», sans compter
que certains de ces objets «ne sont pas nécessaire-
ment charitables selon le sens juridique donné à
cette expression». À cet égard, l'intimé a égale-
ment laissé entendre qu'il ne pouvait considérer
davantage la demande tant que l'article 2 n'aurait
pas été formellement modifié, à l'exception des
alinéas b) et k) qui étaient considérés comme «de
simples pouvoirs ou des articles habilitants» qui
pouvaient rester tels quels. Il ne semble toutefois
pas que l'intimé ait insisté davantage sur ce sujet.
La seconde préoccupation de l'intimé visait une
déclaration jointe à la demande et qui exposait
comme suit les activités de l'appelante (Documen-
tation, page 22):
[TRADUCTION] 1) Élaborer et diffuser de la documentation
éducative sur la question de la pornographie.
2) Mettre en train et promouvoir des projets qui favorisent le
respect de soi.
3) Répondre aux demandes de renseignements et aux recom-
mandations émanant des gouvernements fédéral et provinciaux,
des administrations municipales, des institutions d'enseigne-
ment, des organismes communautaires et des médias.
L'intimé s'est montré préoccupé que ces activités
de l'appelante [TRADUCTION] «à l'appui de son
objectif énoncé à l'article (1) soient exclusivement
éducatives au sens charitable» et, en conséquence,
il a réclamé des détails sur les activités courantes
et envisagées de l'appelante, notamment sur le
plan éducatif, de façon à mieux apprécier sa
demande en ce qui concerne une partie de la
documentation désignée dans l'exposé des activités
sans y être jointe. Dans sa réponse en date du 20
mars 1986, l'appelante a soumis dix articles dis-
tincts d'information, y compris une trousse com-
plète d'information qu'elle a compilée pour la
transmettre au public sur demande. Cette trousse
contient une documentation considérable sur la
pornographie inspirée par divers points de vue et
fins, dont un document de cinq pages intitulé
«What can you do?» («Que pouvez-vous faire?»)
En temps et lieu, il sera nécessaire de parler
davantage de son contenu et de son importance en
l'espèce.
Par lettre en date du 25 juin 1986, l'intimé a
indiqué que selon les principes reconnus de la
common law régissant les organismes de charité, il
était «peu probable» que l'appelante soit suscepti
ble d'enregistrement. L'intimé a aussi laissé enten-
dre que le but premier de l'appelante tel qu'il se
dégage de la documentation remise, était de four-
nir à la collectivité de la documentation éducative
sur la question de la pornographie et que cet objet
ne pouvait être considéré comme servant à «la
promotion de l'éducation» dans un contexte de
charité. À cet égard, l'intimé a écrit ce qui suit
(Documentation, pages 119 et 120):
[TRADUCTION] À notre avis, le but premier de Positive Action
Against Pornography (la Société) n'est pas d'éduquer au sens
du mot pris dans un contexte de charité, mais de réaliser une
évolution sociale. Il semble que la Société vise, au moyen de ses
activités diverses, à gagner l'appui du public en faveur d'une
question qui doit mener en fin de compte à la tentative d'influer
sur la législation. Comme on l'a dit plus tôt, les tribunaux ont
statué que ne sont pas constitués exclusivement à des fins
charitables les organismes dont le but premier est de gagner
l'appui du public en faveur d'un certain point de vue sur une
question controversée. Nous ajouterons qu'il ne suffit pas qu'un
organisme poursuive ses objets au moyen de discussions, d'ate-
liers, et de renseignements dispensés au public; la fin de ses
activités doit elle-même être clairement et exclusivement chari
table pour que l'organisme en cause soit susceptible d'enregis-
trement sous le régime des dispositions de la Loi de l'impôt sur
le revenu. Il nous est impossible de conclure, selon la documen
tation fournie, que la fin que visent les objectifs de la Société
est exclusivement charitable.
L'appelante a fourni une documentation supplé-
mentaire considérable dans la lettre qu'elle a
adressée le 30 juillet 1986 en réponse à la demande
qui lui était faite de présenter d'autres observa
tions écrites. Cependant, par lettre en date du 10
septembre 1986, l'intimé rejetait complètement la
demande au motif qu'elle ne pouvait être considé-
rée comme visant la promotion de l'éducation,
dans un contexte de charité. Il a écrit ce qui suit
(Documentation, page 184):
[TRADUCTION] À notre avis, la Société ne restreint pas son rôle
à celui d'un organisme de charité visant l'éducation, car elle ne
s'intéresse pas à l'éducation pour elle-même, mais elle cherche
plutôt à susciter et à stimuler la conscience du problème social
que pose la pornographie. En d'autres termes, nous estimons
que la transmission de la connaissance envisagée par l'appe-
lante est si inextricablement liée à la persuasion qu'elle en
devient une activité non éducative. Bien que l'on reconnaisse
que toute éducation comporte inévitablement un certain parti-
pris et qu'un élément de persuasion soit commun, c'est l'impor-
tance de la persuasion qui fait obstacle à l'octroi du statut
d'organisme de charité.
La même lettre s'étend davantage plus loin sur le
motif du rejet de la demande (Documentation,
pages 185 et 186):
[TRADUCTION] Par conséquent, nous sommes d'avis que le but
premier de la Société n'est pas l'éducation prise dans un
contexte de charité, mais la réalisation d'une évolution sociale.
Étant donné ses diverses activités, comme les décrivent les
diverses mentions faites plus haut (qui ne sont pas exhaustives),
nous restons convaincus que l'intention de la Société est de
gagner l'opinion publique en faveur de la diminution et peut-
être de l'élimination de la pornographie dans notre société.
L'importance du parti-pris et de la persuasion dont fait foi la
documentation soumise par la Société place clairement ses
objectifs au nombre des activités politiques dans le sens large
du terme. Un organisme exploité principalement à des fins
politiques ne serait pas considéré en droit comme étant un
organisme de charité. Nous ne prétendons pas que la requé-
rante elle-même s'emploie à rechercher la modification de la
législation qui touche à la question de la pornographie. Un
organisme n'a pas à aller aussi loin pour être considéré comme
étant de nature politique.
De plus, bien que la Société ait inclus dans sa trousse d'infor-
mation des essais favorables et défavorables à l'adoption d'une
mesure législative, nous restons convaincus que la documenta
tion soumise est imprégnée de parti-pris et de persuasion au
point où il nous est impossible de conclure que la fin que visent
les objectifs de la Société est exclusivement charitable. Il ne
suffit pas qu'un organisme poursuive ses objets au moyen de
discussions, d'ateliers et de renseignements dispensés au public;
la fin de ses activités doit elle-même être clairement et exclusi-
vement charitable pour que l'organisme en cause soit suscepti
ble d'enregistrement en qualité d'organisme de charité.
Il convient de noter que notre décision en l'espèce n'est pas liée
à la question de savoir si les fins poursuivies par la requérante
sont bonnes ou mauvaises sur le plan moral ou social. Notre
souci est simplement de voir à ce que les avantages fiscaux de
l'enregistrement ne soient disponibles qu'aux organismes
exploités dans les limites que la loi impose aux organismes de
charité.
Nonobstant cette décision, la demande a été de
nouveau étudiée à la lumière d'autres observations.
Toutefois, par lettre en date du 24 février 1987,
l'intimé a confirmé sa décision antérieure, de la
façon suivante (Documentation, page 207):
[TRADUCTION] Bien que l'organisme poursuive ses objectifs au
moyen de la diffusion de l'information, nous estimons que la
Société s'emploie surtout à dénigrer la valeur de la pornogra-
phie et à établir un courant d'opinion qui lui est défavorable. Je
regrette de vous informer que nous continuons de croire comme
nous l'avons dit dans nos lettres précédentes que les ressources
de la Société sont consacrées dans une large mesure à promou-
voir la modification de l'attitude du public à l'égard de la
pornographie, et de la façon dont il la traite.
L'appelante oppose deux moyens fondamentaux
à la décision en cause. Premièrement, elle dit que
la documentation appuie sa prétention que ses
activités visent «la promotion de l'éducation» et,
deuxièmement, elle affirme que l'intimé aurait dû
se demander si ses fins sont par ailleurs utiles à la
collectivité, dans un contexte de charité. Pour pou-
voir correctement juger du bien-fondé relatif de
ces attaques, il faut les considérer à la lumière des
principes applicables de la common law, la défini-
tion que nous donne la Loi de l'expresssion «orga-
nisme de charité» nous aidant peu ou pas du tout à
répondre aux questions sur lesquelles nous devons
statuer en l'espèce. L'alinéa 149.1(1)d) dit simple-
ment que le mot désigne «une oeuvre de charité ou
une fondation de charité», ces deux expressions
étant à leur tour définies respectivement aux ali-
néas a) et b) du même paragraphe, sans que cela
nous aide pour autant. La Loi semble plutôt claire-
ment envisager le recours à la common law lors-
qu'il s'agit de définir l'expression «organisme de
charité» dans son sens juridique, et de trouver les
principes qui devraient nous guider dans l'applica-
tion de cette définition. Dans l'arrêt Native Com
munications Society of B.C. c. Canada (M.R.N.),
[1986] 3 C.F. 471 (C.A.), cette Cour a fait réfé-
rence, aux pages 478 et 479, la définition que
donne la common law de l'expression «charity»
(«organisme de charité»):
Le point de départ d'une discussion sur ce qui peut ou non
constituer une fin charitable valable est la décision de la
Chambre des lords dans l'affaire Commissioners of Income
Tax v. Pemsel, [1891] A.C. 531, et plus particulièrement le
sens juridique du mot «charity» (organisme de charité) donné
par lord Macnaghten à la page 583 du recueil:
[TRADUCTION] Dans quelle mesure la signification courante
de l'expression «charity» correspond-elle à son sens juridique?
Entendue dans son sens juridique, l'expression «charity»
(«organisme de charité») comprend quatre types d'organis-
mes: des fiducies ayant pour but de soulager la pauvreté; des
fiducies constituées pour promouvoir l'éducation; des fiducies
visant à promouvoir la religion; et des fiducies constituées
pour des fins utiles à l'ensemble de la société et ne se situant
pas à l'intérieur des catégories susmentionnées.
Cette définition a été appliquée à plusieurs reprises au Canada
et a été approuvée par notre Cour suprême (voir Guaranty
Trust Company of Canada v. Minister of National Revenue,
[ 1967] R.C.S. 133, la page 141). Pour constituer une fin
»charitable» valable, une fin doit avoir un caractère charitable
au sens de [TRADUCTION] «l'esprit» du préambule de la Loi
d'Elizabeth intitulée «An Acte to redresse the Misemployment
of Landes Goodes and Stockes of Money heretofore given to
Charitable Uses». Cette Loi a été adoptée en Angleterre en
1601 au cours du règne d'Elizabeth Ir» et est rapportée à 43
Eliz. I, chap. 4. De nos jours, elle est généralement désignée
dans ce domaine du droit simplement comme la [TRADUCTION]
«Loi d'Elizabeth». Il n'est pas nécessaire d'exposer tout ce
préambule et il n'est peut-être pas souhaitable non plus d'es-
sayer de le reproduire dans sa version originale. Je préfère
plutôt suivre l'exemple du juge Slade dans l'arrêt McGovern v.
Attorney -General, [1982] Ch. 321, à la page 332, où il a donné
en anglais moderne la liste des fins charitables prévues dans
cette Loi:
[TRADUCTION] Soulager les personnes âgées, les infirmes ou
les pauvres ... pourvoir aux besoins des soldats et des marins
malades ou invalides; subventionner les établissements scolai-
res, les écoles gratuites et les boursiers étudiant dans les
universités ... réparer les ponts, les ports, les havres, la
chaussée, les églises, le littoral et les grandes routes ... faire
élever et instruire les orphelins ... venir en aide aux maisons
de correction, leur fournir des provisions ou les subventionner
... doter les jeunes filles pauvres ... fournir une aide aux
jeunes commerçants, aux artisans et aux personnes ruinées
... soulager ou déliver les prisonniers, et aider ou soulager
tous les citoyens pauvres relativement au paiement de la taxe
d'un quinzième, de l'impôt pour la levée des armées et
d'autres taxes.
Conscient de ce qui précède, je passe maintenant
à l'étude de l'argument selon lequel l'appelante
serait constituée et exploitée en vue de «la promo
tion de l'éducation», et je m'en tiens à la question
précise de façon à ne pas nuire à quelque fiducie
qui pourrait par ailleurs satisfaire aux exigences de
la loi. Je dirai entre parenthèses que rien dans les
statuts de la société ne nous dit quelle est «la
question» dont il est fait mention à l'article 2(1),
mais il s'agit assurément de la pornographie. En
effet, on peut aisément tirer cette conclusion de la
dénomination sociale de la société qui dit claire-
ment qu'elle est de toute façon «against pornogra
phy» («contre la pornographie»). Pour autant que
je sache, il n'y a jamais eu dans ce pays une affaire
dans laquelle on a reconnu comme ayant un carac-
tère charitable des fins et des activités semblables
à celles en cause. En Angleterre, la promotion de
l'éducation s'est vu octroyer un sens assez large,
car l'on estime qu'elle comprend non seulement la
formation de l'esprit comme telle, mais comme l'a
dit le lord juge Buckley dans l'arrêt Incorporated
Council of Law Reporting for England and Wales
v. Attorney -General, [1972] Ch. 73 (C.A.), à la
page 102, [TRADUCTION] «l'amélioration d'une
branche utile du savoir humain et sa diffusion
parmi le public». Je suis tout à fait incapable de
trouver au dossier quoi que ce soit qui ressemble à
«la promotion de l'éducation» au sens juridique du
terme, car il ne saurait être question ici ni de la
formation classique de l'esprit ni de l'amélioration
d'une branche utile du savoir humain. Nous ne
sommes en présence, en l'espèce, que de la simple
présentation au public de renseignements et d'opi-
nions choisis ayant trait à la pornographie. À mon
avis, cela ne peut être considéré comme étant
éducatif au sens où l'entend cette branche du droit.
J'en arrive au second moyen opposé à la décision
litigieuse. On soutient que l'appelante serait sus
ceptible d'enregistrement parce qu'elle appartien-
drait au quatrième type d'organismes mentionné
par le juge Macnaghten, et on affirme de plus que
l'intimé a totalement négligé d'envisager cette pos-
sibilité. Je puis traiter de cette dernière proposition
en peu de mots. Bien que sans doute le motif le
plus invoqué à l'appui de l'enregistrement visait «la
promotion de l'éducation», l'intimé semble aussi
avoir tenu compte de l'application possible de cette
quatrième catégorie. Dans sa lettre du 25 juin
1986, par exemple, l'intimé a mentionné de façon
générale les principes de la common law régissant
les organismes de charité, y compris [TRADUC-
TION] «d'autres fins utiles à la collectivité dans son
ensemble d'une façon à laquelle la loi reconnaît un
caractère charitable», et il a poursuivi en appelant
«d'autres observations écrites relatives au motif
pour lequel cet organisme devrait se voir accorder
... l'enregistrement» en vertu de la Loi. Bien que
le débat ait continué à se concentrer sur l'éduca-
tion, cela est difficilement une raison suffisante
pour convaincre l'intimé de n'avoir pas expressé-
ment traité du quatrième type d'organismes de
charité, d'autant plus que l'appelante elle-même
n'a pas jugé bon d'en parler davantage. Je crois
que la bonne façon d'envisager la question consiste
à dire que cette quatrième catégorie a été prise en
considération et mise de côté, bien qu'elle ne l'ait
pas été de façon expresse, dans les circonstances.
En discutant de ce type d'organismes de charité,
je me réfère avec déférence, dès le départ, aux vues
suivantes exprimées au nom de cette Cour dans
l'arrêt Native Communications Society, aux pages
479 et 480:
Il semble ressortir de la jurisprudence que les propositions
suivantes au moins peuvent être présentées comme des condi
tions préalables pour déterminer si une fin particulière peut être
considérée comme une fin charitable s'inscrivant dans la qua-
trième catégorie prévue dans la classification de lord
Macnaghten:
a) la fin doit être utile à la société d'une façon que la loi
considère comme charitable en étant conforme à «l'esprit» du
préambule de la Loi d'Elizabeth, si ce n'est pas à sa lettre. ,
(National Anti -Vivisection Society v. Inland Revenue Com
missioners, [1948] A.C. 31 (H.L.), aux pages 63 et 64; In re
Strakosch, decd. Temperley v. Attorney -General, [1949] Ch.
529 (C.A.), aux pages 537 et 538), et
b) c'est en se fondant `sur le dossier dont elle dispose et en
exerçant sa compétence reconnue en equity en matière d'orga-
nismes de charité que la cour doit déterminer si une fin servirait
ou pourrait servir l'intérêt du public (National Anti -Vivisection
Society v. Inland Revenue Commissioners (précité), aux pages
44, 45 et 63).
On a également souligné dans cet arrêt, et il
convient de le répéter en l'espèce, que la loi sur les
organismes de charité, particulièrement sous cette
large rubrique, est quelque peu élastique, les tribu-
naux étant consentants à reconnaître toute modifi
cation pertinente des conditions sociales ou d'au-
tres circonstances spéciales. Néanmoins, pour être
charitable, une fin ou une activité doit l'être d'une
façon que la loi reconnaît comme charitable. Il
existe sans doute de nombreuses fins et activités
qui sont utiles à la collectivité dans un sens large
ou commun mais non pas dans le sens juridique du
terme, c'est-à-dire celui auquel songeait le lord
Macnaghten dans l'arrêt Commissioners of
Income Tax v. Pemsel, [1891] A. C. 531 (H.L.),
ou celui qu'envisageait Sir Samuel Romilly dans
l'arrêt Morice v. Durham (Bishop of) (1805), 10
Ves. Jun. 522 (H.C. of Ch.), à la page 532, à
savoir [TRADUCTION] «des objets d'utilité publique
et générale».
L'appelante fait valoir que la pornographie est
un sujet qui a soulevé l'intérêt de notre société
depuis déjà quelque temps et particulièrement au
cours des dernières années, le Parlement ayant
lui-même jugé bon, par exemple, de créer le
Comité spécial de la pornographie et de la pros
titution dont le rapport est mentionné dans la
documentation qui nous est soumise. Une ré-
cente décision de la Cour d'appel de la
Colombie-Britannique rendue dans l'affaire R. v.
Red Hot Video Ltd. (1985), 18 C.C.C. (3d) 1
montre bien que le sujet en cause a aussi retenu
l'attention des tribunaux de notre pays chargés
d'appliquer le droit criminel. Et comme l'a souli-
gné l'avocat de l'intimé, le Parlement est actuelle-
ment saisi d'un projet de loi (dont l'avocat a remis
un exemplaire à la Cour pendant sa plaidoirie) qui
vise la modification du droit relatif à la pornogra-
phie par l'adoption d'une définition quelque peu
moins restrictive que celle proposée par l'appe-
lante.
Dans sa plaidoirie aussi bien qu'au paragraphe
27 de son mémoire, l'avocat de l'appelante s'est
principalement efforcé de faire valoir que le public
[TRADUCTION] «est susceptible de bénéficier de
l'analyse, de l'étude, de la discussion et de l'exa-
men publics les plus libres et les plus complets
possibles des questions présentées et des choix
offerts», et que puisque les actes de l'appelante
facilitent les discussions et les débats éclairés sur le
sujet, ils devraient être considérés comme ayant un
caractère charitable. Il a été allégué à titre subsi-
diaire que ces actes sont de toute façon de nature
charitable parce qu'ils sont conformes à l'opinion
bien répandue dans notre société que ce qui excuse
la violence contre les femmes et les enfants et leur
avilissement est effectivement pornographique au
sens du droit criminel, à l'appui de quoi il est fait
mention de l'arrêt Red Hot Video et de la décision
de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta
rendue dans l'affaire R. v. Wagner (1985), 36
Alta. L.R. (2d) 301, aux pages 315 et 316, et
confirmée en appel ((1986), 43 Alta. L.R. (2d)
204). L'avocat de l'appelante soutient que le fait
de débarrasser la société de ce genre de choses ou
tout au moins en contrôler et en limiter la publica
tion, la diffusion et l'usage, peut être considéré
comme conforme à «l'esprit» du préambule de la
Loi d'Elizabeth ou, quoi qu'il en soit, comme
analogue à des objets dont les tribunaux ont déjà
reconnu le caractère charitable parce qu'ils relè-
vent de la quatrième catégorie d'organismes de
charité mentionnée par lord Macnaghten.
Pour ce qui est du premier de ces arguments, je
dois me montrer d'accord avec l'intimé pour dire
que les fins et les activités de l'appelante sont bien
autre chose que simplement utiles à la collectivité
au sens juridique. J'ai beau m'y efforcer, je ne puis
arriver à voir comment le contenu de la trousse
d'information ou le reste de la documentation à
l'appui pourraient être conformes à la neutralité
que l'appelante prétend démontrer à l'égard de
cette question dont il ne fait aucun doute qu'elle
partage le public. La trousse et la documentation
semblent plutôt clairement prouver le contraire,
penchant lourdement comme elles le font en faveur
d'un plus grand contrôle de l'État plutôt qu'en
faveur du statu quo ou du relâchement des con-
traintes légales actuelles. L'intimé souligne, très
justement, qu'en réalité un seul document parmi la
documentation va jusqu'à exprimer un point de
vue défavorable à une solution législative, et qu'il
déconseille simplement une réforme par voie légis-
lative (Documentation, page 90 à la page 95). Le
reste de la documentation semble témoigner d'un
parti-pris assez fort contre la pornographie, procé-
dant sans doute en partie d'une profonde préoccu-
pation à l'endroit du genre de violence et d'avilisse-
ment auxquels j'ai déjà fait allusion (voir par
exemple la Documentation, aux pages 40 et 41). Il
est aussi évident qu'une partie de la documentation
est de nature «politique», au sens large donné à ce
mot dans cette branche du droit. Par exemple, elle
approuve [TRADUCTION] l'«influence exercée sur
le législateur» (page 45), l'«amélioration de la défi-
nition de l'obscénité dans le Code criminel» et
«l'établissement de règlements» sur la pornogra-
phie (page 53), les pressions exercées sur «les
hommes et femmes politiques de la région» et sur
«le gouvernement fédéral» dans le but d'obtenir la
modification de la loi (page 61) et, de façon
générale, la modification de «l'attitude et de l'opi-
nion publiques» envers la pornographie (page 107).
Il est bien vrai qu'une bonne partie de cette docu
mentation n'a pas été produite par l'appelante,
mais son insertion dans la trousse d'information ou
dans le reste de la documentation peut laisser
croire que les vues qui y sont exprimées sont
conformes aux propres objectifs de l'appelante.
Chose significative, il devient encore plus visible
que l'appelante cherche à faire apporter à la loi les
modifications de son choix si l'on considère la
révision qu'elle a proposée au gouvernement du
Canada relativement à la définition du mot «por-
nographie»> contenue dans le rapport du Comité
spécial de la pornographie et de la prostitution
(Documentation, page 32).
La tâche de la Cour relativement à cette rubri-
que est relativement précise et bien délimitée.
Nous n'avons pas à décider ce qui est utile à la
collectivité dans un sens large, mais simplement ce
qui lui est utile d'une façon à laquelle la loi
reconnaît un caractère charitable. L'examen de la
documentation et de la jurisprudence me convainc
que les fins ou activités premières de l'appelante ne
peuvent être considérées comme utiles à la collecti-
vité dans le sens dont je viens de parler, mais
plutôt comme étant politiques au sens donné à ce
mot par cette branche du droit. Il doit par consé-
quent s'ensuivre qu'elle n'est pas susceptible d'en-
registrement en qualité d'«oeuvre de charité». Je
renvoie à l'un des arrêts récents qui ont discuté de
ce sens du mot. Dans l'arrêt McGovern v. Attor-
ney -General, [1982] 2 W.L.R. 222 (Ch. D.), après
avoir examiné des décisions antérieures sur ce
point, le juge Slade a résumé comme suit la posi
tion actuelle (aux pages 239 et 240):
[TRADUCTION] ... Je résume donc comme suit mes conclusions
relativement aux fiducies ayant des fins politiques. (1) Même si
par ailleurs elle semble conforme à l'esprit du préambule de la
Loi d'Elizabeth, une fiducie ayant des fins politiques qui est
visée par la déclaration du juge Parker dans l'arrêt Bowman ne
peut jamais être considérée comme si elle était pour l'avantage
public d'une façon à laquelle la loi reconnaît un caractère
charitable. (2) Les fiducies ayant des fins politiques qui sont
visées par cette déclaration comprennent, notamment, les fidu-
cies dont l'une des fins directes et principales consiste soit à i)
promouvoir les intérêts d'un certain_parti politique; ii) obtenir
la modification des lois de nôtre pays; iii) obtenir la modifica
tion des lois d'un pays étranger; iv) obtenir le revirement d'une
politique du gouvernement ou le changement de certaines déci-
sions des autorités gouvernementales dans notre pays; ou encore
v) obtenir le revirement d'une politique du gouvernement ou le
changement de certaines décisions des autorités gouvernemen-
tales dans un pays étranger.
Cette classification ne se veut pas exhaustive, mais je la crois
suffisante aux fins de ce jugement. J'ajouterais qu'elle vise les
fiducies dont les fins ont un caractère politique. Comme on le
verra plus loin, le simple fait que les fiduciaires soient libres de
recourir à des moyens de nature politique dans la poursuite des
fins non politiques de la fiducie ne donne pas nécessairement à
celle-ci un caractère non charitable'. [Soulignements ajoutés
aux alinéas ii) et iv).]
L'examen de la documentation me convainc que
les fins et les activités de l'appelante correspondent
à cette notion comme en traite la jurisprudence et,
en conséquence, qu'elles ne peuvent être considé-
rées comme charitables au sens de la quatrième
catégorie d'organismes de charité dont parle le
juge Macnaghten.
I I1 semble que cette notion s'étende aussi à l'adoption d'une
cause ou d'aspirations politiques. Voir Anglo-Swedish Society
v. Commissioners of Inland Revenue (1931), 16 T.C. 34
(K.B.); In re Strakosch, deed., Temperley v. Attorney -General,
[1949] Ch. 529 (C.A.); et Buxton and Others v. Public Trustee
and Others (1962), 41 T.C. 235 (Ch. D.). Faites une comparai-
son avec ce qu'a dit le juge Slade à la p. 432 de l'arrêt In re
Koeppler Will Trusts, [1986] Ch. 423 (C.A.).
Ceci m'amène à l'étude de l'argument subsi-
diaire concernant cette catégorie d'organismes de
charité. Selon lui, par analogie avec certaines
affaires qui ont été décidées nous devrions considé-
rer les fins et les activités de l'appelante comme
ayant un caractère charitable, étant donné que
toute modification législative qui pourrait être pré-
conisée est conforme avec ce que le public cana-
dien et les tribunaux estiment être pornographi-
que, c'est-à-dire ce qui dépeint la violence et
l'avilissement. Je ne vois pas comment cet argu
ment pourrait s'imposer. En premier lieu, la docu
mentation montre que la «définition» juridique de
la pornographie préconisée par l'appelante va bien
au-delà de la violence au sens physique discuté
dans les affaires auxquelles il est fait allusion plus
haut, pour comprendre aussi le préjudice d'ordre
émotif et/ou psychologique (Documentation, page
32). De fait, la violence qui serait visée par la
définition de la pornographie que propose le projet
de loi déposé devant le Parlement semble se limiter
à la «conduite sexuelle violente, notamment toute
forme d'agression sexuelle et toute conduite carac-
térisée par des douleurs physiques infligées, réelle-
ment ou en apparence ...» De plus, pour les excel-
lentes raisons qu'a expliquées le juge Parker dans
l'arrêt Bowman v. Secular Society, [1917] A. C.
406 (H.L.), une fiducie visant la modification de la
loi n'a jamais été reconnue comme étant charita
ble. Le juge Parker a dit à la page 442:
[TRADUCTION] L'abolition des examens de religion, la sépara-
tion de l'Église et de l'État, la sécularisation de l'éducation, la
modification de la loi en ce qui concerne la religion et le
mariage, ou l'observation du dimanche, sont purement des
objectifs politiques. L'equity a toujours refusé de reconnaître
un caractère charitable à de tels objectifs. Il est vrai qu'un don
à une association formée en vue de leur poursuite peut, si cette
association n'est pas constituée, être considéré comme un don
absolu à ses membres, ou comme un don absolu à la société
dans l'éventualité où l'association est constituée. Mais une
fiducie visant la poursuite d'objectifs politiques a toujours été
tenue pour invalide, non parce qu'elle est illégale, car chacun
est libre de préconiser ou de promouvoir la modification de la
loi par toute voie légale, mais parce que les tribunaux n'ont
aucun moyen de juger si une modification proposée de la loi
sera ou non utile au public, et par conséquent ils ne peuvent
dire si un don visant à obtenir cette modification est un don
charitable ou non. Les mêmes considérations s'appliquent à
l'égard des fiducies concernant la publication d'un livre. Le
tribunal étudiera le livre, et si ses objets ont un caractère
charitable au sens juridique du mot, il donnera effet à la fiducie
en qualité d'organisme de charité authentique: Thornton v.
Howe (31 Beav. 14); mais si ses objets sont politiques, le
tribunal refusera de donner effet à la fiducie: De Themmines v.
De Bonneval ((1828) 5 Russ. 288). Par conséquent, s'il existe
une fiducie en l'espèce, elle est clairement invalide. Le fait, si
tel est le cas, que l'un quelconque des objets précisés dans les
statuts de la société soit charitable ne ferait aucune différence.
Il n'existerait aucun moyen d'établir quelle partie du don serait
destinée à une fin charitable et quelle autre partie serait
destinée à une fin politique, et l'incertitude à cet égard serait
rédhibitoire.
Relativement à ce même sujet, l'appelante s'ap-
puie aussi sur les dispositions du paragraphe
149.1(6.2) de la Loi qui a été adopté en 1986
[édicté par S.C. 1986, chap. 6, art. 85], avec effet
rétroactif en 1985. En voici le libellé:
149.1 .. .
(6.2) Pour l'application de l'alinéa (1)b), l'oeuvre qui consa-
cre presque toutes ses ressources à des activités de bienfaisance
est considérée comme y consacrant la totalité
a) si elle consacre la partie restante de ses ressources à des
activités politiques;
b) si ces activités politiques sont accessoires à ses activités de
bienfaisance; et
c) si ces activités politiques ne comprennent pas d'activités
directes ou indirectes de soutien à un parti politique ou à un
candidat à une fonction publique ou d'opposition à l'un ou à
l'autre.
À mon sens, toutefois, ce paragraphe n'est d'au-
cune aide car les fins et les activités de l'appelante
ne sont pas «accessoires» mais elles sont plutôt en
premier lieu de nature politique et par conséquent
sans caractère charitable.
Je rejetterais cet appel mais, dans les circons-
tances, sans dépens, car il n'existe aucune «raison
spéciale» dont la Règle 1312 des Règles de la Cour
fédérale [C.R.C., chap. 663] exige la présence
pour qu'il y ait adjudication des dépens.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE MAHONEY: Je souscris à ces motifs.
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