T-3114-82
La Reine (demanderesse)
c.
Nomad Sand & Gravel Ltd. (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: CANADA C. NOMAD SAND & GRAVEL LTD.
Division de première instance, juge Rouleau—
Toronto, 5 mai; Ottawa, 16 juillet 1987.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions
Exploitation d'une carrière de sable et de gravier — Contribu
tion imposée par la Pits and Quarries Control Act, 1971 de
l'Ontario sur la quantité de matériaux extraite à titre de
garantie du coat de la remise en état du terrain — Les
paiements faits au trésorier de l'Ontario sont des dépenses
déductibles en vertu de l'art. 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le
revenu — Les critères de la déductibilité sont remplis — Les
dépenses (1) sont faites en vue de gagner ou de produire un
revenu; (2) ne sont pas des dépenses en capital.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Allocation du
coût en capital — Les chargeuses à benne frontale utilisées
dans l'exploitation d'une gravière sont des biens de la catégorie
22 — Pour relever de la catégorie 10, l'équipement doit avoir
été utilisé en vue de tirer un revenu d'une «mine» — Aucune
jurisprudence n'étaie l'idée qu'une gravière est une «mine».
La société défenderesse a exploité une carrière de sable et de
gravier. Elle était tenue, en vertu de la Pits and Quarries
Control Act, 1971, de verser au gouvernement de l'Ontario une
contribution annuelle imposée sur la quantité de matériaux
extraite, à titre de garantie du coût de la remise en état du
terrain. La somme était remboursable dès la remise en état. La
défenderesse a réclamé, à titre de déduction, la somme qu'elle a
versée au gouvernement de l'Ontario en vertu de la Loi et, aux
fins d'une déduction pour amortissement, elle a classé les
chargeuses à benne frontale utilisées dans ses opérations dans la
catégorie des biens de la catégorie 22. Il s'agit d'un appel de la
décision par laquelle la Commission de révision de l'impôt a
accueilli l'appel formé par la défenderesse contre un avis de
nouvelle cotisation concernant son année d'imposition 1976.
La Couronne fait valoir que la somme versée par la défende-
resse ne saurait être considérée comme une dépense ou un
débours parce qu'elle a été versée dans un compte de pré-
voyance, et que la province n'avait de droit sur l'argent que si
les travaux de remise en état n'étaient pas exécutés. Elle
soutient en outre que les chargeuses à benne frontale ont été
achetées en vue de tirer un revenu d'une mine, et qu'elles
relèvent des biens de la catégorie 10. La défenderesse prétend
que, en vertu de la législation provinciale, elle est tenue d'effec-
tuer les paiements et que ceux-ci sont déductibles parce qu'ils
ont été effectués conformément aux principes comptables géné-
ralement reconnus. La défenderesse soutient qu'elle ne pourra
plus jamais réclamer cet argent une fois qu'elle l'aura versé à la
province, parce qu'elle a l'intention de le perdre plutôt que de
dépenser une somme plus grande pour la remise en état de la
carrière.
Jugement: l'appel devrait être rejeté.
Compte tenu des faits de l'espèce, rien dans l'arrêt Minister
of National Revenue v. Atlantic Engine Rebuilders Ltd.,
[ 19671 R.C.S. 477, sur laquelle la Couronne s'est appuyée pour
affirmer qu'un dépôt ne constitue pas une dépense, ne peut lui
venir en aide. D'après l'opinion incidente de cette affaire, qui
est d'importance pour l'espèce, un contribuable ne doit être
imposé qu'à l'égard des bénéfices qu'il réalise au cours de
chaque année. L'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans
La Reine c. Burnco Industries Ltd. et autres ne s'applique pas
non plus à l'espèce. Dans cette affaire, les contribuables, à la
différence de la défenderesse à l'instance, n'étaient nullement
tenus par la loi de dépenser quelque somme que ce soit.
Pour être déductible à titre de dépense courante, une dépense
doit satisfaire à deux critères: (1) elle doit être faite en vue de
gagner ou de produire un revenu; (2) il ne doit pas s'agir d'une
dépense en capital. En vertu du paragraphe 9(1) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, le revenu pour une année d'imposition
tiré d'une entreprise ou d'un bien est le «bénéfice» qu'on en tire
pour cette année. La première question se pose de savoir non
pas si la déduction d'une dépense est exclue en vertu des alinéas
18(1)a) ou b), mais «si elle est permise par les méthodes
commerciales et comptables reconnues». En conséquence, une
dépense déduite conformément aux normes comptables serait
déductible, à moins qu'une disposition de la Loi de l'impôt sur
le revenu ne l'interdise.
Le paiement fait à la province de l'Ontario, sous forme de
contribution annuelle, constitue une déduction permise. En
vertu de la loi, la défenderesse devait effectuer ce paiement en
vue de tirer un revenu de l'exploitation de sa carrière de sable et
de gravier. Il ne s'agissait pas d'une dépense en capital.
Les chargeuses à benne frontale utilisées par la défenderesse
dans son exploitation relèvent de la définition des biens de la
catégorie 22 de l'annexe B des Règlements de l'impôt sur le
revenu, parce qu'il s'agit du «matériel mobile mû par moteur et
destiné au déplacement et à la mise en place de terre ou de
pierre», sous forme de sable et de gravier. Pour qu'elles relèvent
de la définition des biens de la catégorie 10, on devrait rappor-
ter la preuve que l'équipement a été utilisé en vue de tirer un
revenu d'une «mine». On n'a cité aucun arrêt de jurisprudence
statuant qu'une gravière est une «mine». L'affaire Paju c. Le
ministre du Revenu national (1974), 74 DTC 1087 (C.R.I.)
porte directement sur cette question, et ses faits sont identiques
à ceux de l'espèce. Dans cette affaire, la Commission de
révision de l'impôt a statué qu'une gravière ne rentre nécessai-
rement pas dans la définition d'une «mine», et que la chargeuse
des contribuables constituait donc un bien de la catégorie 22.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 9(1), 18(1)a),b),e).
Pits and Quarries Control Act, 1971, S.O. 1971, chap.
96, art. 11(2).
Pits and Quarries Control Regulations, O. Reg. 545/71,
art. 5.
Règlements de l'impôt sur le revenu, DORS/54-682,
annexe B, catégories 10 (mod. par DORS/74-402, art.
1), 22 (ajoutée par DORS/64-167, art. 3).
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Paju c. Le ministre du Revenu national (1974), 74 DTC
1087 (C.R.I.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Minister of National Revenue v. Atlantic Engine Rebuil-
ders Ltd., [1967] R.C.S. 477; [1967] C.T.C. 230; La
Reine c. Burnco Industries Ltd. et autres (1984), 84
DTC 6348 (C.A.F.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Daley v. M.N.R., [1950] C.T.C. 254 (C. de l'É).
AVOCATS:
P. Plourde et S. Phillips pour la demande-
resse.
R. T. Hughes pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Fraser & Beatty, Toronto, pour la défende-
resse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: Il s'agit d'un appel formé
par voie de déclaration contre une décision par
laquelle la Commission de révision de l'impôt a, le
4 janvier 1982, accueilli l'appel interjeté par la
défenderesse d'un avis de nouvelle cotisation établi
par la demanderesse le 16 mars 1979 l'égard de
l'année d'imposition 1976 de la défenderesse.
Au cours de la période en question, la société
défenderesse a exploité une carrière de sable et de
gravier à Brighton (Ontario). Il s'agissait pour la
société de retirer des matériaux bruts d'une car-
rière de gravier, de les transporter vers des concas-
seurs et des laveurs et de là vers des tranchées de
chargement. On a utilisé trois chargeuses à benne
frontale «966 Carruthers» pour transporter les
matériaux.
Pour obtenir un permis nécessaire à l'exploita-
tion d'une gravière, la défenderesse était tenue, en
vertu de la Pits and Quarries Control Act, 1971,
S.O. 1971, chap. 96, de produire un plan d'aména-
gement pour la remise en état du terrain. Cette
remise en état requise par la Loi consistait à
niveler les remblais, à taluter graduellement la sole
du puits, à couvrir le terrain avec de la terre
végétale et des graines de gazon et à planter des
arbres sur l'emplacement. La défenderesse a
estimé le coût d'une telle remise en état à une
somme approximative variant entre 125 000 $ et
130 000 $.
En vertu de l'article 5 des Pits and Quarries
Control Regulations, O. Reg. 545/71, une contri
bution de 0,02 $ par tonne a été imposée sur la
quantité de matériaux extraite du puits à titre de
garantie du coût de la remise en état. La somme
payée par la défenderesse à titre de contribution
portait un intérêt de 6 %, et elle était remboursable
à la fin des travaux de remise en état.
Au cours de son année d'imposition 1976, la
défenderesse a réclamé à titre de frais d'exploita-
tion d'une entreprise la somme de 7 994,02 $
qu'elle a versée au gouvernement ontarien en vertu
de la Pits and Quarries Control Act, 1971. Le
ministre a établi une nouvelle cotisation d'impôt
payable par la défenderesse pour son année d'im-
position 1976 parce qu'elle n'était pas en droit de
réclamer cette somme à titre de dépense et que
certains de ses biens qu'elle utilisait pour les fins
de ses opérations, à savoir les chargeuses à benne
frontale, devraient être classés dans les biens de la
catégorie 10 [Règlements de l'impôt sur le revenu,
DORS/54-682, annexe B (mod. par DORS/
74-402, art. 1)] aux fins d'une déduction pour
amortissement, plutôt que comme des biens de la
catégorie 22 [idem (ajoutée par DORS/64-167,
art. 3)] comme la défenderesse l'a réclamé, ce qui
fait que la déduction pour amortissement réclamée
a été réduite de la somme de 3 972,85 $.
La défenderesse s'est opposée à la nouvelle coti-
sation établie au mois de mars 1979, et le ministre
du Revenu national a confirmé celle-ci au moyen
d'un avis de confirmation en date du 13 juin 1980.
Elle a alors interjeté appel devant la Commission
de révision de l'impôt qui, aux termes de son
jugement rendu le 4 janvier 1982, a accueilli l'ap-
pel. C'est ce jugement qui fait l'objet du présent
appel.
La Cour doit trancher deux questions. La pre-
mière est de savoir si les paiements effectués par la
défenderesse au gouvernement ontarien en vertu
de la Pits and Quarries Control Act, 1971 consti-
tuaient un débours ou une dépense qu'elle a
engagé en vue de tirer un revenu de son exploita
tion au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi de
l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63],
et pouvaient donc être déduits de son revenu pour
l'année d'imposition en question, ou s'ils sont des
dépôts ou réserves non déductibles en vertu de
l'alinéa 18(1)a) ou e) de la Loi.
La deuxième question est de savoir si les char-
geuses à benne frontale utilisées par la défende-
resse pour l'exploitation de sa carrière de sable et
de gravier sont, aux fins du calcul de la déduction
pour amortissement, des articles compris dans la
catégorie 22, annexe B des Règlements de l'impôt
sur le revenu, comme l'a prétendu la défenderesse,
ou si l'équipement tombe dans la catégorie 10,
ainsi que l'a soutenu la demanderesse.
La Couronne fait valoir que les sommes versées
par la défenderesse au gouvernement ontarien en
vertu de la Pits and Quarries Control Act, 1971 ne
constituent pas une dépense sous le régime de la
Loi de l'impôt sur le revenu, parce que l'argent a
été versé dans ce que la Couronne appelle un
compte de prévoyance, et ne sont donc pas déducti-
bles. Elle soutient que la somme est payée au
moment où elle est déposée chez le trésorier de
l'Ontario, et que le dépôt peut être confisqué si la
société qui le fait ne mène pas à bonne fin le
programme de remise en état. De plus, l'argent ne
saurait être considéré comme une dépense ou un
débours parce que la perte du dépôt sous le régime
du paragraphe 11(2) de la Pits and Quarries
Control Act, 1971 dépend du pouvoir discrétion-
naire du ministre provincial. La Couronne soutient
que la province n'avait de droit sur l'argent payé à
titre de contribution que si la défenderesse n'exé-
cutait pas les travaux de remise en état. Mais si le
travail était exécuté, l'argent serait alors remis à la
société et ne saurait être considéré comme un
revenu.
Quant à la deuxième question, c'est-à-dire la
classification des chargeuses à benne frontale utili
sées par la défenderesse pour ses opérations, la
demanderesse soutient que celle-ci les a achetées et
utilisées en vue de tirer un revenu d'une mine et
que ces chargeuses relèvent donc de la définition
des biens de la catégorie 10. Les deux parties ont
convenu que pour trancher cette question, il faut
déterminer si une gravière est une mine. Selon la
demanderesse, l'exploitation d'une gravière par la
défenderesse constituait bien une exploration
minière.
La défenderesse prétend de son côté que même
si les paiements qu'elle a faits au gouvernement de
l'Ontario sont considérés dans la Pits and Quarries
Control Act, 1971 comme un dépôt visant à garan-
tir la remise en état de la carrière de sable et de
gravier, elle n'était nullement tenue de procéder à
cette remise en état et, en fait, n'a jamais voulu le
faire puisque le coût de celle-ci aurait été considé-
rablement plus élevé que le montant total des
paiements. Elle ajoute qu'elle était légalement
tenue d'effectuer ces paiements pour pouvoir tirer
un revenu de l'exploitation de sa carrière de sable
et de gravier. Les activités de la défenderesse
étaient assujetties aux dispositions de la Pits and
Quarries Control Act, 1971 et de son règlement
d'application qui l'obligeaient à effectuer les paie-
ments en question au gouvernement provincial.
Donc, selon la demanderesse, ces paiements se
rapportaient directement aux recettes de la défen-
deresse et à ses bénéfices ou revenus provenant de
l'exploitation de sa carrière de sable et de gravier
pour l'année à l'égard de laquelle le paiement a été
effectué.
La défenderesse soutient que, dans les faits, le
montant qu'elle a versé à titre de contribution ne
lui sera jamais remboursé. Pour être remboursée,
elle aurait été tenue de dépenser une somme beau-
coup plus élevée pour la remise en état; autrement
dit, le coût de celle-ci dépasserait de beaucoup le
montant global des paiements effectués en vertu de
la loi, ce qui fait qu'elle ne serait jamais rembour-
sée comme l'a prétendu la demanderesse. La
défenderesse soutient donc qu'elle ne pourra plus
jamais réclamer cet argent une fois qu'elle l'aura
versé à la province.
Pour étayer l'idée que les paiements sont déduc-
tibles, la défenderesse soutient en outre qu'ils ont
été effectués selon les principes comptables généra-
lement reconnus. Selon un principe comptable fon-
damental qui permet la déduction de ces dépenses,
il faut rapprocher les recettes et les dépenses afin
que l'état financier d'une période donnée reflète
fidèlement les résultats des opérations pour cette
période; il s'agit de rapprocher les dépenses et les
recettes de cette période.
En l'espèce, soutient la défenderesse, lorsque le
coût de la remise en état de la gravière dépasse de
loin les paiements effectués à titre de contribution,
la somme versée chaque année constituerait une
dépense pour des fins comptables. De plus, le
paiement était requis pour permettre à la défende-
resse de tirer un revenu de son entreprise, et il se
rapportait directement à la quantité de matériaux
extraits de la gravière au cours de l'année en
question. En ce sens, il y a eu rapprochement des
revenus et des dépenses dans le calcul des bénéfices
et des pertes pour ladite année.
La défenderesse prétend que, normalement, il y
a lieu d'appliquer les principes comptables généra-
lement reconnus pour des fins fiscales à moins que,
par exception, une quelconque disposition de la Loi
de l'impôt sur le revenu exige d'y déroger. D'après
elle, les sommes qu'elle a versées à la province sont
clairement des débours ou des dépenses . faits ou
engagés en vue de tirer un revenu de ses opéra-
tions, et peuvent donc être déduites dans le calcul
de son revenu pour des fins fiscales, conformément
aux articles 9 et 18 de la Loi de l'impôt sur le
revenu.
Quant au classement des chargeuses à benne
frontale, la défenderesse soutient que ce matériel
correspond parfaitement à la définition des biens
de la catégorie 22 qui, au cours de l'année en
question, prévoyait ce qui suit:
--
Les biens acquis après le 16 mars 1964 constitués par le
matériel mobile mû par moteur et destiné à l'excavation, au
déplacement, à la mise en place ou au compactage de terre, de
pierre, de béton ou d'asphalte, à l'exclusion toutefois des biens
compris dans la catégorie 7.
Selon la défenderesse, les chargeuses à benne
frontale sont des biens constitués par le matériel
mobile mû par moteur et destiné au déplacement
et à la mise en place de terre ou de pierre, sous
forme de sable et de gravier. Contrairement à ce
qu'a prétendu la demanderesse, la défenderesse est
d'avis que ses activités ne constituaient pas une
exploitation «minière», ce qui aurait pour résultat
que les chargeuses à benne frontale seraient clas
sées dans la catégorie 10 aux fins du calcul de sa
déduction pour amortissement.
L'avocat de la demanderesse s'est appuyé sur
l'arrêt de la Cour suprême du Canada Minister of
National Revenue v. Atlantic Engine Rebuilders
Ltd., [1967] R.C.S. 477; [1967] C.T.C. 230 pour
faire valoir que les paiements faits par la défende-
resse à la province sont des dépôts et non des
dépenses. L'argument de la demanderesse ne me
convainc pas, et je ne pense pas non plus que
l'affaire Atlantic serve à étayer sa prétention. Les
faits de cette affaire sont clairement différents de
ceux de l'espèce. Dans cette affaire, la société
intimée reconstruisait des moteurs Ford. Lors-
qu'un moteur reconstruit était envoyé à un conces-
sionnaire Ford, ce dernier devait payer la facture
du moteur reconstruit plus un dépôt que la société
gardait jusqu'à ce qu'elle reçoive un moteur usagé
susceptible d'être reconstruit et du même modèle.
Les dépôts non remboursés par la société intimée à
la fin de son année d'imposition ont été ajoutés par
le ministre à son revenu déclaré pour ladite année.
Le ministre a fait valoir que la société n'avait droit
à aucune déduction à l'égard de son obligation de
rembourser les dépôts, puisque cette obligation
dépend de la livraison de moteurs usagés par les
concessionnaires. La Cour a statué que les dépôts
ne pouvaient être considérés comme faisant partie
des bénéfices de la société intimée, et que rien dans
la Loi de l'impôt sur le revenu n'exigeait qu'il en
soit ainsi.
Selon la demanderesse, cette décision devrait
inciter la Cour à conclure qu'un dépôt fait par un
contribuable n'est pas une dépense de la même
façon qu'un dépôt reçu ne saurait être considéré
comme un revenu.
Je ne souscris pas à l'idée de la demanderesse.
L'arrêt Atlantic susmentionné ne conduit pas, à
mon avis, à cette conclusion. D'après l'opinion
incidente de la Cour suprême du Canada dans
l'affaire Atlantic, qui est d'une importance parti-
culière pour l'espèce, un contribuable ne doit être
imposé qu'à l'égard des bénéfices qu'il réalise au
cours de chaque année. Je ne vois rien dans cette
décision qui puisse être utile à la demanderesse,
compte tenu des faits de l'espèce.
Je ne vois pas comment les autres décisions
invoquées par la demanderesse pour étayer sa posi
tion peuvent s'appliquer. Celle-ci a cité par exem-
ple l'arrêt de la Cour d'appel fédérale La Reine c.
Burnco Industries Ltd. et autres (1984), 84 DTC
6348. Dans cette affaire, les contribuables
devaient, en procédant à l'excavation d'une gra-
vière, remblayer le terrain en vertu d'une entente
conclue avec la municipalité locale. Ils ont déduit
le coût du remblayage au cours de l'année de
l'excavation bien que ce coût n'ait été engagé que
durant une année d'imposition subséquente. La
Cour d'appel fédérale a statué que c'est à juste
titre que les déductions ont été rejetées et qu'on ne
saurait dire qu'une dépense a été engagée par un
contribuable qui n'était nullement tenu de dépen-
ser quelque somme que ce soit. À l'évidence, tel
n'est pas le cas en l'espèce où la défenderesse était
tenue, en vertu de la Pits and Quarries Control
Act, 1971 et de son règlement d'application, de
verser une contribution à la province de l'Ontario
pour exploiter une carrière de sable et de gravier.
Je conviens avec la Cour d'appel fédérale que les
dépenses ne peuvent être déduites que si elles sont
engagées; je ne suis pas d'accord avec la demande-
resse pour dire que la décision Burnco s'applique à
l'espèce.
À mon avis, les contributions annuelles faites
par la défenderesse à la province constituent une
partie de ses dépenses courantes d'exploitation et
sont déductibles en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la
Loi de l'impôt sur le revenu. Le paragraphe 9(1)
de la Loi énonce que le revenu tiré d'une entreprise
ou d'un bien pour une année d'imposition est le
«bénéfice» qu'on en tire pour l'année. Il est depuis
longtemps reconnu qu'on doit imposer non pas le
montant brut reçu, mais ce montant moins les
dépenses engagées pour le produire. L'alinéa
18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu recon-
naît ce principe fondamental:
18. (I) Dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d'une
entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas
déductibles:
a) un débours ou une dépense sauf dans la mesure où elle a
été faite ou engagée par le contribuable en vue de tirer un
revenu des biens ou de l'entreprise ou de faire produire un
revenu aux biens ou à l'entreprise;
L'alinéa 18(1)b) de la Loi interdit de déduire
une somme déboursée, une perte ou un remplace-
ment de capital, un paiement à titre de capital ou
une provision pour amortissement, désuétude ou
épuisement, sauf ce qui est expressément permis
par la Partie I de la Loi.
Il existe donc deux critères pour qu'une déduc-
tion soit permise. En premier lieu la dépense doit
avoir été faite en vue de gagner ou de produire un
revenu. En second lieu, il ne doit pas s'agir d'une
dépense en capital. Si la dépense satisfait à ces
deux critères, elle est alors déductible à titre de
dépense courante.
La Loi de l'impôt sur le revenu ne définit pas le
terme «bénéfice» tel qu'il est utilisé au paragraphe
9(1) de la Loi. Toutefois, pour savoir comment
déterminer un bénéfice net, on peut se référer à la
décision Daley v. M.N.R., [ 1950] C.T.C. 254 (C.
de l'E.), où le président Thorson s'est prononcé en
ces termes à la page 260:
[TRADUCTION] À mon avis, il est exact de dire que la déducti-
bilité des débours et dépenses qui peuvent à juste titre être
déduits «dans le calcul du montant des bénéfices ou gains à
imposer» se rattache au concept de «bénéfice ou gain net
annuel» dans la définition du revenu imposable figurant à
l'article 3. La déductibilité de débours ou dépenses des recettes
d'une année d'imposition découle donc de l'article 3 de la Loi et
ne résulte pas du tout, même par déduction, de l'alinéa 6a).
Cela étant, il s'ensuit que, dans certains cas, pour savoir si un
débours ou une dépense est déductible, il y a lieu de se
demander non pas si sa déduction est exclue en vertu des
alinéas 6a) ou 6b), mais si elle est permise par les principes
ordinaires du commerce ou les méthodes commerciales et
comptables reconnues ...
L'article 3 est devenu l'actuel paragraphe 9(1)
et l'alinéa 6a) a été remplacé par l'actuel alinéa
18(1)a).
En conséquence, compte tenu de ce principe, une
dépense déduite conformément aux normes comp-
tables serait déductible pour des fins fiscales, à
moins qu'une disposition de la Loi ne l'interdise.
À mon avis, il ne fait pas de doute que, en
l'espèce, la somme payée par la défenderesse à la
province de l'Ontario, sous forme de contribution
annuelle, constitue une déduction permise. La
défenderesse a engagé et devait effectivement
engager cette dépense en vue de tirer un revenu de
l'exploitation de la carrière de sable et de gravier
en question, et il ne s'agit manifestement pas d'une
dépense à titre de capital.
Pour ce qui est de la deuxième question, celle de
savoir si les chargeuses à benne frontale utilisées
par la défenderesse font partie des biens de la
catégorie 10 ou de la catégorie 22 en vue de
déterminer la déduction pour amortissement à
laquelle elle a droit, je suis certain qu'elle doit
réussir à démontrer que la machinerie est visée par
la définition de la catégorie 22 de l'annexe B des
Règlements de l'impôt sur le revenu. Pour que je
conclue que les chargeuses à benne frontale relè-
vent de la définition des biens de la catégorie 10, la
demanderesse devait me convaincre que l'équipe-
ment a été utilisé en vue de tirer un revenu d'une
«mine».
La demanderesse n'a pu me citer aucun arrêt de
jurisprudence statuant qu'une gravière ou une car-
rière de pierre est une «mine». L'affaire Paju c. Le
ministre du Revenu national (1974), 74 DTC
1087 (C.R.I.) porte directement sur cette question,
et ses faits sont pratiquement identiques à ceux de
l'espèce. Dans cette affaire, les contribuables pos-
sédaient et exploitaient une gravière. En 1970, ils
ont acheté une nouvelle chargeuse, et ils ont classé
cette machine, ainsi que deux autres chargeuses,
sous la catégorie 22 de l'annexe B des Règlements
de l'impôt sur le revenu afin de réclamer un
amortissement de 50 %. Le ministre a rejeté cette
réclamation. La Commission de révision de l'impôt
a statué que les contribuables étaient autorisés à
réclamer un amortissement de 50 % pour leur
matériel, qu'une gravière ne rentre nécessairement
pas dans la définition d'une «mine» et que la
chargeuse constituait par conséquent un bien de la
catégorie 22. La Commission a déclaré à la page
1088:
Le distingué avocat de l'intimé a fait valoir que, la catégorie
10 (30 %) s'appliquait aux chargeuses puisqu'il s'agissait de
machines et de matériel miniers acquis dans le but d'acquérir
ou de produire un revenu découlant d'une mine. En s'appuyant
sur le jugement rendu dans l'affaire Canadian Gypsum Co.
Ltd. c. Le ministre du Revenu national, (1965) 2 R.C. de l'E.
566, il a fait valoir que la gravière était une mine et qu'en
conséquence les chargeuses avaient été correctement classées
dans ce groupe par l'intimé.
À mon humble avis, ceci ne tranche pas la question. Le terme
«mine» est aussi vague et indéfini que le terme «minéral». Qu'en
l'espèce cette gravière en particulier doive être considérée
comme une «mine» est contestable, pour ne pas dire plus. Les
appelants ont décrit la chargeuse de 1970 comme un énorme
tracteur diesel automoteur muni de roues dotées de pneus en
caoutchouc avec une benne frontale à commande hydraulique
ayant une capacité de 3 mètres cubes et d'un coût de
44 583,38 $. Les deux anciennes chargeuses étaient beaucoup
plus petites et le 1" janvier 1970 elles avaient une valeur
comptable d'environ 200 $.
Bien qu'on puisse concevoir que ces chargeuses puissent être
utilisées dans une mine, il ne s'ensuit pas qu'elles ne peuvent
être incluses dans la catégorie 22 des fins d'amortissement
quand elles sont utilisées pour l'excavation, le déplacement ou
le chargement.
Je suis parvenu à la conclusion que l'intimé s'est trompé en
diminuant le montant de l'allocation du coût en capital récla-
mée sous prétexte qu'une chargeuse ne peut être un bien
relevant de la catégorie 22.
J'estime que cette question ne peut être énoncée
plus clairement. L'avocat de la demanderesse a
tenté de tourner la décision de la Commission de
révision de l'impôt dans Paju en laissant entendre
que le texte de l'alinéa k) de la catégorie 10 des
Règlements de l'impôt sur le revenu de 1970
faisait mention de machines et de matériel miniers,
alors que le texte de la Loi de 1976 parle en
général de biens acquis en vue de tirer un revenu
d'une mine ou de lui faire produire un revenu. En
conséquence, la demanderesse soutient que, dans
l'affaire Paju, la question était de savoir si la
chargeuse était de l'équipement minier et non de
savoir si une carrière de gravier et de sable était
une mine. Je ne suis pas d'accord avec la demande-
resse, et je me vois dans l'obligation de conclure,
comme l'a fait la Commission de révision de l'im-
pôt en l'espèce, que la portée de la décision rendue
dans l'affaire Paju va plus loin que ne le laisse
entendre la Couronne.
En conséquence, j'estime que les chargeuses à
benne frontale de la défenderesse sont visées par la
définition des biens de la catégorie 22 de l'annexe
B.
Par ces motifs, l'appel de la demanderesse est
rejeté. Les dépens sont adjugés à la défenderesse.
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