T-2339-85
Garnet Clarence Weatherall (demandeur)
c.
Procureur général du Canada, Solliciteur général
du Canada et Commissaire aux services correc-
tionnels (défendeurs)
T-2613-85
Philip Conway (demandeur)
c.
La Reine (défenderesse)
T-2614-85
Richard Spearman (requérant)
c.
Tribunal disciplinaire de l'établissement de Col-
lins Bay, c'est-à-dire Peter Radley, et Procureur
général du Canada (intimés)
RÉPERTORIÉ: WEATHERALL C. CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)
Division de première instance, juge Strayer —
Kingston (Ontario), 8, 9, 10, 11 et 12 décembre
1986; Ottawa, 27 mars 1987.
Pénitenciers — Gardiennes dans des pénitenciers réservés
aux hommes — Les gardiennes peuvent-elles légalement
assister à des fouilles à nu, surveiller les unités résidentielles
et effectuer des fouilles par palpation? — Opposition entre les
expectatives des détenus en matière de vie privée et l'égalité
des chances en matière d'emploi pour les femmes dans le
système carcéral.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et
sécurité — Pénitenciers — Les gardiennes peuvent-elles léga-
lement assister à des fouilles à nu de détenus, participer à la
surveillance des unités résidentielles et effectuer des fouilles
par palpation — L'art. 7 de la Charte ne s'applique pas, car il
est impossible de conclure qu'il est destiné à viser les fouilles
auxquelles l'art. 8 ne s'applique pas.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Fouilles, perquisitions ou saisies —
Illégalité du Règlement autorisant les fouilles à nu de détenus
parce qu'il ne fixe pas de conditions préalables suffisamment
objectives, notamment en ce qui concerne la présence de gar-
diennes — Les fouilles par palpation de détenus effectuées par
des gardiennes ne contreviennent pas à l'art. 8 de la Charte
parce qu'il s'agit d'une intrusion négligeable dans la vie privée,
qui est contrebalancée par l'intérêt du public à ce que la
sécurité soit sauvegardée et à ce que les femmes bénéficient de
l'égalité des chances en matière d'emploi dans les pénitenciers
— Sauf dans les cas d'urgence, les gardiennes ne peuvent
procéder, à l'improviste ou sans s'annoncer, à l'examen visuel
des unités résidentielles des détenus.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Traitements ou peines cruels et
inusités — La fouille à nu de détenus effectuée en présence de
gardiennes contrevient à l'art. 12, sauf dans les cas d'urgence.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits à
l'égalité — Le Règlement autorise les fouilles à nu de détenus
en présence de gardiennes et permet à celles-ci d'effectuer des
fouilles par palpation desdits détenus et de surveiller leur
cellules, mais il interdit les fouilles de détenues par des
gardiens — Une telle inégalité de traitement n'est protégée par
l'art. 15(2) de la Charte que dans la mesure où les atteintes à
la vie privée des détenus sont raisonnablement nécessaires pour
le fonctionnement du programme d'action positive — II n'est
pas nécessaire aux fins de l'emploi d'avoir recours à des
gardiennes dans des situations ne présentant aucun caractère
d'urgence pour effectuer des fouilles à nu ou pour surveiller
les cellules à l'improviste et sans s'annoncer — L'art. 28
corrobore la conclusion d'invalidité, mais il n'a aucune vérita-
ble incidence en l'espèce étant donné que les textes réglemen-
taires et les pratiques suivies sont nuls en vertu des art. 8 et 15
de la Charte.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Clause limita-
tive — La reconnaissance dans la Loi sur les droits de la
personne et dans la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique
du droit à l'égalité des chances en matière d'emploi ne consti-
tue pas «une règle de droit [qui impose] des limites» au sens
de l'art. 1 de la Charte — Un tel droit ne peut être exercé sans
tenir compte des droits des autres personnes — Les disposi
tions du Règlement et des Directives qui concernent les gar-
diennes dans les pénitenciers réservés aux hommes sont invali-
des en vertu des art. 8, 12 et 15 et le sont également en vertu de
l'art. 1 — Les Directives du commissaire ne constituent pas
une «règle de droit», car elles ne créent pas de droits ni
d'obligations reconnus par la loi.
Déclaration des droits — Le recours dans les pénitenciers
réservés aux hommes à des gardiennes pour effectuer des
fouilles par palpation alors qu'on n'utilise pas de gardiens
pour faire de telles fouilles dans les établissements réservés
aux femmes ne constitue pas une atteinte au droit à l'égalité
devant la loi — Cette situation découle du programme d'ac-
tion positive qui vise un objectif fédéral régulier — La fouille
par palpation constitue une intrusion négligeable dans la vie
privée.
Le demandeur Weatherall, qui est détenu à l'établissement
de Joyceville, a été fouillé à nu en présence d'une gardienne. Il
ne s'agissait pas d'une situation d'urgence. Invoquant les arti
cles 7, 8, 12 et 15 de la Charte, le demandeur cherche à obtenir
un jugement déclaratoire portant que l'alinéa 41(2)c) du Règle-
ment et l'article 14 de la Directive du commissaire, qui autori-
sent une telle fouille, sont nuls. Le demandeur Conway, qui est
détenu à l'établissement de Collins Bay, se plaint du fait que
des gardiennes participent aux fouilles par palpation et à la
surveillance des cellules, et il sollicite un jugement déclaratoire
leur interdisant de le faire. Le requérant Spearman, qui est
également détenu à l'établissement de Collins Bay, a été
reconnu coupable d'avoir refusé de subir une fouille par palpa
tion par une gardienne. Invoquant le droit à la protection de la
vie privée ainsi que le droit à la protection contre la discrimina-
tin fondée sur le sexe, il demande un bref de certiorari annulant
sa déclaration de culpabilité.
Ces trois affaires concernent l'opposition existant entre les
droits ou aspirations des détenus à bénéficier, dans la mesure
du possible, des mêmes normes de protection de la vie privée
que les personnes en liberté et ceux des femmes à l'égalité des
chances en matière d'emploi dans le système carcéral fédéral.
Jugement: les demandes visant à obtenir des jugements
déclaratoires sont accueillies en partie. La demande de certio-
rari est rejetée.
L'article 7 de la Charte ne s'applique pas aux cas présents. 11
ne comporte pas un élément de fond plus large supposant
l'existence d'un droit à la protection de la vie privée non visé
par les articles 8 à 14 de la Charte. On ne peut affirmer que
l'article 7 pose un principe général dont les articles 8 à 14 ne
sont que des exemples.
L'article 8 exige que certaines conditions soient remplies
pour qu'une fouille à nu puisse être effectuée. Ce genre de
fouilles constitue, eu égard à la dignité humaine et: au droit à la
protection de la vie privée, une atteinte qui exige que soient
énoncés des critères indiquant les cas où ces fouilles peuvent
être effectuées; il faut préciser les circonstances où les fouilles
individuelles de routine, les fouilles générales exceptionnelles
ainsi que les fouilles individuelles exceptionnelles sont justifiées.
Il faut exiger que l'existence d'une cause raisonnable et proba
ble soit démontrée à un fonctionnaire supérieur avant ou après
toute fouille exceptionnelle. Le Règlement en vigueur au
moment où Weatherall a été fouillé ne satisfaisait pas à ces
exigences. Permettre qu'une fouille soit effectuée lorsqu'un
membre du personnel «considère une telle mesure raisonnable»,
comme le prévoit l'alinéa 41(2)c) du Règlement, équivaut à
accorder une trop grande latitude. Et bien que les Directives du
commissaire soient censées fixer certains critères pour les fouil-
les à nu, elles n'ont pas force de loi et, par conséquent, elles ne
constituent pas des exigences légales qui feraient du pouvoir de
fouille prévu au Règlement un pouvoir raisonnable au sens de
l'article 8 de la Charte. En outre, la Cour n'est pas disposée à
interpréter l'alinéa 41(2)c) de façon à y ajouter les critères
nécessaires.
Il reste à déterminer, relativement à l'article 8, si la manière
de procéder à une fouille, par ailleurs légalement permise, est
raisonnable, lorsqu'elle est effectuée par une personne de l'au-
tre sexe. Dans la plupart des cas, le fait pour une personne de
devoir, contre son gré, exposer son corps à la vue d'une per-
sonne de l'autre sexe se trouvant à proximité va à l'encontre des
normes de la décence et n'est pas justifié, même dans le
contexte carcéral. À cet égard, le Règlement ne limite pas
suffisamment le pouvoir d'effectuer des fouilles à nu. La pré-
sence d'une personne de l'autre sexe au cours de fouilles à nu ne
devrait être autorisée que dans les cas d'urgence.
Les fouilles par palpation de routine dont il est question en
l'espèce ne portent pas atteinte aux droits garantis par l'article
8 de la Charte. Elles ne constituent qu'une intrusion négligeable
dans la vie privée, qui est largement contrebalancée par l'intérêt
du public à ce que la sécurité soit sauvegardée et à ce que les
femmes bénéficient de l'égalité des chances en matière d'emploi
dans les pénitenciers fédéraux. S'il était impossible pour les
gardiennes d'effectuer ce genre de tâches, leur utilité et leurs
chances d'avancement seraient grandement limitées.
Sauf en cas d'urgence, les gardiennes ne devraient pas pou-
voir procéder, à l'improviste ou sans s'annoncer, à l'examen
visuel des cellules occupées par les détenus.
Si on reconnaît que les fouilles à nu des détenus constitue un
«traitement» au sens de l'article 12 de la Charte, ces fouilles,
lorsqu'elles sont effectuées en présence de gardiennes dans des
situations ne présentant aucun caractère d'urgence, contrevien-
draient normalement au droit à la protection contre tous traite-
ments ou peines cruels et inusités. En vertu de cet article
également, l'alinéa 41(2)c) du Règlement confère aux membres
du personnel des pouvoirs trop larges en ce qui concerne les
fouilles à nu.
Conway et Weatherall invoquent les droits à l'égalité garan-
tis par l'article 15 de la Charte en ce qui concerne les fouilles à
nu, les fouilles par palpation et la surveillance des cellules. Il
n'est pas possible de faire droit à une plainte fondée sur le
paragraphe 15(1) en ce qui a trait aux fouilles par palpation
parce que, dans un tel cas, l'ingérence dans la vie privée est
négligeable. La fouille à nu par des gardiennes dans des
situations ne présentant aucun caractère d'urgence ou la sur
veillance à l'improviste des cellules par celles-ci ne constituent
pas des tâches essentielles de leur emploi dans des pénitenciers
réservés aux hommes. C'est dans cette mesure que l'inégalité
découlant du programme d'action positive et de l'absence de
gardiens effectuant les mêmes tâches dans les pénitenciers
réservés aux femmes n'est pas protégée par le paragraphe
15(2). Par contre, les fouilles à nu effectuées d'urgence et la
surveillance à intervalle fixe sont protégées par le paragraphe
15(2) de la Charte parce qu'elles sont raisonnablement néces-
saires au programme d'action positive.
L'article 28 n'a aucune incidence véritable en l'espèce. Mais
dans la mesure où l'article 8 est violé par les fouilles à nu ou la
surveillance des cellules effectuées par une personne de l'autre
sexe dans le cas des détenus mais non des femmes détenues, il y
a atteinte à l'article 28. Et bien que l'article 28 fournisse une
protection supplémentaire, il n'a aucune utilité en l'espèce, car
les textes réglementaires et les pratiques suivies sont déjà nuls
en vertu des articles 8 et 15.
La reconnaissance dans la Loi sur les droits de la personne
et dans la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique du droit à
l'égalité des chances en matière d'emploi ne constitue pas une
«règle de droit [qui impose] des limites» aux droits des détenus
au sens de l'article 1 de la Charte. Les droits à l'égalité ne
peuvent être exercés sans tenir compte des droits des autres
personnes. Étant donné que les dispositions contestées du
Règlement et des Directives ont été jugées invalides en vertu
des articles 8, 12 et 15 de la Charte, elles sont également
invalides en vertu de l'article 1, aucun autre élément permet-
tant de démontrer leur justification n'ayant été fourni. En
outre, les Directives du commissaire n'imposent pas des limites
prévues dans une règle de droit: elles ne sont pas une «règle de
droit» au sens de l'article 1 parce qu'elles ne créent pas de droits
ni d'obligations reconnus par la loi.
Le recours, dans les pénitenciers réservés aux hommes, à des
gardiennes pour effectuer des fouilles par palpation alors que de
telles fouilles ne sont pas faites par des gardiens dans les
établissements réservés aux femmes ne constitue pas une
atteinte au droit à l'égalité devant la loi au sens de l'alinéa 1 b)
de la Déclaration des droits. Cette situation découle d'un
programme d'action positive qui vise un objectif fédéral régu-
lier. De toute manière, la fouille par palpation ne constitue
qu'une intrusion négligeable dans la vie privée que la Déclara-
tion des droits n'est pas destinée à interdire.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 1, 7, 8, 12, 15, 23, 24(1),(2), 28.
Charte de la langue française, L.R.Q. 1977, chap. C-11,
art. 73.
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen-
dice III, art. lb).
Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C.
1976-77, chap. 33.
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5] (mod. par la
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, n° 1), art.
91.
Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970,
chap. C-23, art 10.
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970,
chap. P-32.
Règlement sur le service des pénitenciers, C.R.C., chap.
1251, art. 41(2)c) (mod. par DORS/80-462), (3)
(ajouté, idem).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
341A (ajoutée par DORS/79-57).
U.S. Constitution, Amend. IV.
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
R. v. Institutional Head of Beaver Creek Correctional
Camp, Ex p. MacCaud, [1969] 1 O.R. 373 (C.A.);
Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821; Renvoi: Motor
Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486; Law
Society of Upper Canada c. Skapinker, [1984] 1 R.C.S.
357; R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S. 613, le juge Le Dain
(dissident); Miller et autre c. La Reine, [1977] 2 R.C.S.
680, le juge en chef Laskin (dissident); Gittens (In re),
[1983] 1 C.F. 152 (1" inst.); Dubois c. La Reine, [1985]
2 R.C.S. 350; La Reine c. Beauregard, [1986] 2 R.C.S.
56; R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265; Procureur général
du Québec c. Quebec Association of Protestant School
Boards et autres, [1984] 2 R.C.S. 66; Regina v. Noble
(1984), 48 O.R. (2d) 643 (C.A.); Hunter et autres c.
Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; Grummett v.
Rushen, 779 F.2d 491 (9th Cir. 1985); R. c. Edwards
Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713; Headley c.
Canada (Comité d'appel de la Commission de la Fonc-
tion publique), [1987] 2 C.F. 235 (C.A.); Re Mitchell
and the Queen (1984), 150 D.L.R. (3d) 449 (H.C. Ont.);
Martineau et autre c. Comité de discipline des détenus
de l'Institution de Matsqui, [1978] 1 R.C.S. 118.
DISTINCTION FAITE AVEC:
R. v. Rao (1984), 40 C.R. (3d) 1 (C.A. Ont.); Stanley et
autres c. Gendarmerie royale du Canada, décision en
date du 9 février 1987, Tribunal des droits de la personne,
non encore publiée; Danch c. Nadon, [1978] 2 C.F. 484
(C.A.); Laroche c. Commissaire de la G.R.C. (1981), 39
N.R. 407 (C.A.F.).
DECISIONS EXAMINÉES:
Re Maltby et al. and The Attorney-General of Saska-
tchewan (1982), 143 D.L.R. (3d) 649 (B.R. Sask.), con-
firmée par (1984), 13 C.C.C. (3d) 308 (C.A. Sask.);
Soenen v. Dir. of Edmonton Remand Centre (1983), 35
C.R. (3d) 206; 3 D.L.R. (4th) 658 (B.R. Alb.); Bell v.
Wolfish, 441 U.S. 520 (1979).
DECISIONS CITÉES:
Renvoi: Loi anti-inflation, [1976] 2 R.C.S. 373; R. c. Big
M Drug Mart Ltd. et autres, [1985] 1 R.C.S. 295;
Résolution pour modifier la Constitution, Renvoi:,
[1981] 1 R.C.S. 753; Smith v. Fairman, 678 F.2d 52 (7th
Cir. 1982); R. v. Yellowquill, [1984] 12 W.C.B. 9 (B.R.
Man.); Bagley et al. v. Watson et al., 579 F. Supp. 1099
(D. Oreg. 1983); Hudson v. Palmer, 82 L. Ed. (2d) 393
(U.S.S.Ct. 1984); Lanza v. New York, 370 U.S. 139
(N.Y.C.A. 1962); Smith, Kline & French Laboratories
Ltd. c. Canada (procureur général), [1987] 2 C.F. 359
(C.A.); Shewchuk v. Ricard, [1986] 4 W.W.R. 289
(C.A.C.-B.).
DOCTRINE
Black's Law Dictionary, 5th ed, St. Paul, Minni.: West
Publishing Co., 1979.
Canada. Chambre des communes. Comité permanent de
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régime d'institutions pénitentiaires au Canada. Rap
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Canada. House of Commons. Standing Committee on
Justice and Legal Affairs. Sub-Committee on the Peni
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Ottawa: Minister of Supply and Services Canada,
1977.
Gibson, Dale. The Law of the Charter: General Princi
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Toronto: Carswell, 1985.
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prosecution and defence of criminal and other statu
tory offences, Vol. 2. Toronto: Carswell, 1983.
Romanow et al. Canada ... Notwithstanding Toronto:
Carswell/Methuen, 1984.
AVOCATS:
Ronald R. Price, c.r. pour le demandeur
Weatherall.
Fergus J. O'Connor pour le demandeur
Conway et le requérant Spearman.
J. Grant Sinclair, c.r. et B. J. Saunders pour
les défendeurs et les intimés.
PROCUREURS:
Faculty of Law, Queen's University, Kingston
(Ontario), pour le demandeur Weatherall.
O'Connor, Ecclestone and Kaiser, Kingston
(Ontario), pour le demandeur Conway et le
requérant Spearman.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs et les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STRAYER:
FAITS
La Cour a ordonné que ces trois affaires soient
instruites consécutivement, mais, après accord,
elles ont été instruites ensemble parce que les
points soulevés se chevauchent dans une large
mesure. J'expose donc les motifs qui s'appliquent à
toutes ces affaires. Dans les cas Weatherall et
Conway, il s'agit de déterminer, par voie de juge-
ments déclaratoires, la légalité de l'embauche de
gardiennes dans les pénitenciers fédéraux en vue
de fouiller les détenus de sexe masculin ou de
surveiller leurs unités résidentielles. L'affaire
Spearman porte sur une demande de certiorari qui
concerne également la légalité de l'embauche de
gardiennes pour effectuer des «fouilles par palpa
tion» de prisonniers de sexe masculin. On a
ordonné que cette demande soit inscrite sur le rôle
en vue de l'examen des questions en litige.
LES FAITS
Pour comprendre l'historique de ces cas, il faut
savoir qu'à une certaine époque, les femmes ne
pouvaient d'aucune façon exercer les fonctions de
gardiennes dans les institutions pénitentiaires fédé-
rales pour hommes. En 1977, un comité parlemen-
taire a recommandé que les femmes aient la possi-
bilité d'occuper un tel emploi. À ce sujet, le
rapport du Comité (Rapport au Parlement du
sous-comité sur le régime d'institutions pénitentiai-
res au Canada, Comité permanent de la justice et
des questions juridiques, 1977), indiquait, aux
pages 601 et 602:
Les employées
316. Quelques femmes travaillent déjà pour le Service cana-
dien des pénitenciers et occupent des postes dans des institu
tions où se trouvent des délinquants du sexe masculin. La
plupart d'entre elles occupent des postes dans les domaines du
classement, de l'éducation, de la psychologie ou du travail de
bureau. Cependant, aucune d'entre elles n'a accès à la gamme
complète des possibilités de carrière offertes à leurs collègues
masculins. Aux États-Unis, les hommes et les femmes remplis-
sent les mêmes fonctions correctionnelles, qu'il s'agisse de la
détention, de la formation, de l'instruction dans les ateliers ou
de la sécurité, y compris les fouilles à l'arrivée dans la prison
(ces fouilles sont faites avec objectivité et sans gêne; elles ne
font cependant pas les fouilles à «poil»). L'administration et la
plupart des agents correctionnels masculins ont bien accepté
cette nouvelle dimension qu'offre la présence des femmes tra-
vaillant dans les établissements. Rien ne justifie que l'on empê-
che les femmes faisant preuve de maturité et de stabilité de
participer également à tous les aspects du Service des péniten-
ciers. Les principaux avantages qu'en retirera le Service seront
d'avoir de nouveaux talents et un milieu correctionnel plus sain.
Recommandation 17
Que les femmes et les hommes soient traités sur un pied
d'égalité en ce qui concerne les emplois dans le Service
canadien des pénitenciers. La sélection doit se faire de la
même façon que pour les hommes pour garantir que les
candidates ont l'aptitude, la maturité et la maîtrise person-
nelle nécessaires au travail pénitentiaire.
Suite à un projet-pilote, une telle politique a été
instaurée en 1980 l'égard des institutions péni-
tentiaires à sécurité minimale et à sécurité
moyenne. En 1983, le gouvernement du Canada a
adopté un programme d'action positive qui a eu
pour effet d'établir des objectifs concernant l'em-
ploi des femmes dans diverses catégories de servi
ces correctionnels, et d'assurer leur admission à ces
postes en restreignant l'embauche ou les mutations
de candidats de sexe masculin. En ce qui a trait
aux deux catégories en rapport avec ces cas, les
CX-COF (les gardiens) et les CX-LUF (les agents
d'unités résidentielles), le pourcentage visé de
femmes occupant ces fonctions a été fixé à 19 %
d'ici 1988. En date du 31 octobre 1986, selon des
témoignages fournis au procès, 12,4 % de tous les
agents correctionnels dans les établissements fédé-
raux étaient des femmes. Dans les deux institu
tions dont nous traitons ici, soit Collins Bay
(Kingston) et Joyceville, voici le nombre et le
pourcentage des femmes: Collins Bay, CX-COF,
21 (14,5 %); CX-LUF, 0 (0 %), parce qu'il n'y a
pas d'«unités résidentielles» à Collins Bay; Joyce-
ville, CX-COF, 13 (13,1 %); CX-LUF, 17
(26,6 %). Les témoignages indiquent qu'à de rares
exceptions près, on s'attend à ce que ces agents de
sexe féminin exercent les mêmes fonctions que des
agents de sexe masculin et alternent régulièrement
en étant affectés à des postes successifs d'agents.
On peut également signaler qu'en avril 1984, les
premières femmes ont été employées comme gar-
diennes dans des institutions à sécurité maximale,
bien que ce soit hors de propos en l'espèce. Les
deux institutions en question sont des institutions à
sécurité moyenne.
Il faut noter les plaintes particulières des déte-
nus en question. En ce qui concerne Weatherall, il
purge sa peine actuelle depuis 1974. Les événe-
ments qui sont à l'origine de sa plainte se sont
produits le 13 juin 1985, alors qu'il était à l'éta-
blissement de Joyceville. Ce jour-là, il quittait
l'aire des visites où il venait de rencontrer son
épouse, quand on lui a ordonné, comme à Benja-
min Greco, autre détenu venant également de quit
ter l'aire des visites, de passer dans une salle
voisine pour y subir une fouille à nu. Cette fouille
avait pour but de découvrir de la contrebande
ayant pu être passée au cours de la visite. Il est
prouvé qu'à cette époque, des agents soupçon-
naient (à tort ou à raison, je n'ai pas à en décider)
ce détenu d'être impliqué dans un trafic de drogue
dans l'établissement. Trois agents—une femme,
Josephine Hlywa, et deux hommes—se trouvaient
dans la salle en compagnie des deux détenus. Il
ressort de son témoignage que Weatherall a refusé
d'être fouillé à nu en présence de Hlywa, que cette
dernière a refusé de sortir, et que les deux autres
gardiens ont refusé de lui demander de sortir. (À
cet égard, le fait que ni Hlywa, ni un des autres
agents présents n'ont été convoqués comme témoin
par les défendeurs, est révélateur.) Les gardes de
sexe masculin ont fouillé les deux détenus et leurs
vêtements, et Hlywa est restée debout à un endroit
d'où elle pouvait observer comme témoin; selon
l'usage, les fouilles à nu de tout prisonnier sont
effectuées par deux agents—l'un d'eux examine
effectivement les vêtements et autres effets, l'autre
agit comme témoin. Dans son témoignage, Wea-
therall a déclaré qu'il a été fouillé à nu environ 300
fois à Joyceville, et que c'est la seule occasion où il
s'est trouvé en présence d'un agent de sexe fémi-
nin. Le 18 juin, Weatherall a signé une «Formule
de plainte du détenu» relativement à cette présence
d'une gardienne au cours d'une fouille à nu. Il s'est
fondé sur la Directive du Commissaire 800-2-07.1
relative aux fouilles, et particulièrement sur le
paragraphe 14 de cette directive qui prévoit:
14. Toute fouille à nu doit être effectuée avec discrétion par un
membre du même sexe, et habituellement en présence d'un
témoin du même sexe. Dans les cas d'urgence, un détenu
peut être fouillé par un membre du sexe opposé.
Il a soutenu qu'il n'y avait pas urgence et que, par
conséquent, cette fouille était contraire aux règles.
Il a reçu une réponse de J. S. Brazeau le 28 juin
1985. La plainte du détenu a été maintenue, mais
on lui a fourni la réponse suivante:
[TRADUCTION] Je conviens qu'il n'y avait pas urgence, seul cas
où la directive du Commissaire permet à une gardienne d'effec-
tuer une fouille à nu d'un détenu.
Il s'agit d'un incident malheureux, toutefois, le personnel
chargé de la sécurité connaît bien maintenant la politique et
cette situation ne devrait pas se reproduire.
Le 2 juillet 1985, Weatherall a signé une «Présen-
tation d'un grief par un détenu» adressée au direc-
teur de l'établissement de Joyceville dans laquelle
il réitérait sa plainte et demandait quelles mesures
seraient prises à cet égard. On a répondu au nom
du directeur en citant «l'instruction divisionnaire
600-6-03.2»:
Lorsqu'une plainte écrite a été maintenue et que des mesures
correctives ont été prises, un grief à ce même sujet est non
recevable, étant donné que la question est considérée comme
étant résolue.
Son grief a donc été rejeté. Weatherall déclare que
cette expérience l'a grandement bouleversé. Ralph
Serin, psychologue à Joyceville, affirme qu'il a
rencontré Weatherall le 18 juin 1985, et que l'inci-
dent a semblé susciter une vive colère chez ce
dernier.
Dans la présente action, Weatherall tente d'ob-
tenir un jugement déclarant que l'alinéa 41(2)c)
du Règlement sur le service des pénitenciers,
C.R.C., chap. 1251, modifié [par DORS/80-462],
et le paragraphe 14 des Directives du Commissaire
sont nuls. L'alinéa 41(2)c) porte:
41. ...
(2) ... un membre peut fouiller
c) un détenu ou des détenus, lorsqu'un membre considère
une telle mesure raisonnable et nécessaire pour déceler la
présence de contrebande ou pour assurer le bon ordre au sein
d'une institution; ...
Le paragraphe 14 des Directives du Commissaire a
déjà été cité. Selon les motifs allégués ces disposi
tions sont contraires aux droits garantis par les
articles 7, 8, 12 et 15 de la Charte canadienne des
droits et libertés [qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Le demandeur Conway purge actuellement une
peine au pénitencier de Collins Bay où il est détenu
depuis 1982. Il ne se plaint d'aucun incident précis
mais plutôt de deux usages généralement répandus
dans l'établissement, concernant l'exécution de
certaines fonctions par des gardiennes. Ces fonc-
tions, qui peuvent être également exercées par des
gardiennes car celles-ci doivent occuper par roule-
ment régulier tous les postes pour lesquels elles
sont qualifiées, sont la «fouille par palpation»
(c'est-à-dire la fouille d'un détenu entièrement
vêtu, par le gardien qui palpe ses vêtements à la
recherche de signes inhabituels pouvant révéler la
présence d'une arme ou de contrebande), et l'en-
trée à l'intérieur des unités résidentielles des déte-
nus de sexe masculin pour effectuer les dénombre-
ments réguliers des prisonniers (quatre fois par
jour), «les rondes éclairs» (rondes de surveillance
effectuées à peu près à toutes les heures mais
irrégulièrement), et pour aller chercher les prison-
niers dont la présence est exigée ailleurs, etc. En ce
qui concerne la fouille par palpation, bien que
Conway n'ait pas précisé ce qui l'importunait, il a
dit que sa [TRADUCTION] «petite amie n'aime pas
cela». Il n'avait aucune plainte personnelle à for-
muler quant à la façon dont les gardiennes ont
effectué les fouilles par palpation sur sa personne.
Lorsqu'on lui a demandé si elles lui ont touché les
parties génitales au cours de ces fouilles, il a
répondu que non bien qu'il ait entendu des histoi-
res à ce sujet. Il a expliqué, ce qui a été confirmé
par bien d'autres témoignages, que les fouilles par
palpation sont effectuées de façon routinière à de
nombreux postes, partout dans ces établissements,
et souvent par des femmes, car les gardiennes sont
affectées sans discrimination à ces différents
postes. Il est courant, par exemple, d'exiger une
fouille par palpation de tous les détenus passant à
certains endroits de l'établissement, lorsque par
exemple ils entrent dans les secteurs administratif
ou hospitalier, ou quittent la cuisine après y avoir
travaillé.
En ce qui concerne la présence de gardiennes
dans les secteurs de logement, la principale plainte
de Conway portait sur le fait que des gardiennes,
ont souvent l'occasion de regarder dans la cellule
d'un détenu sans avertissement, et de voir des
détenus déshabillés, ou occupés à des activités
intimes telles que l'utilisation des toilettes. Il dit
qu'une gardienne le voit assis aux toilettes en
moyenne une à trois fois par année. Dans sa
demande, Conway conclut, entre autres, aux
redressements suivants:
[TRADUCTION] I. Un jugement déclarant qu'une fouille par
palpation effectuée par des gardiennes sur des détenus de sexe
masculin et impliquant un contact corporel dans des situations
non urgentes, est illégale;
II. La présence de gardiennes ou leur affectation à des tâches
qui leur permettraient normalement d'observer les détenus de
sexe masculin dans les salles de toilette ou dans un endroit où
ils sont dévêtus, est illégale;
III. Sauf dans des situations d'urgence, les rondes effectuées
par des gardiennes dans les unités résidentielles des prisonniers
de sexe masculin sont illégales;
La déclaration ne précise pas pour quelles raisons
ces diverses pratiques sont «illégales», bien qu'elle
laisse supposer des inégalités entre la façon dont
les détenus de sexe féminin et ceux du sexe mascu-
lin sont traités dans les établissements fédéraux. Il
est fait mention du paragraphe 13 de la Directive
du Commissaire susmentionnée qui prévoit:
13. Conformément au paragraphe 10., aucune détenue ne doit
être fouillée par palpation ou à nu, sauf par un membre du
même sexe.
Cette directive va à l'encontre des paragraphes 11
et 14 qui permettent effectivement que des détenus
du sexe masculin soient fouillés par palpation et,
en cas d'urgence, fouillés à nu par un agent de sexe
féminin. Il est aussi allégué que dans les établisse-
ments fédéraux pour détenus de sexe féminin, les
gardiens [TRADUCTION] «n'occupent que des
postes reliés à la sécurité périmétrique». On semble
donc alléguer un déni de justice.
Richard Spearman, qui a présenté une requête
en certiorari, a commencé à purger sa peine
actuelle en 1981, et il ne sera admissible à la
libération conditionnelle qu'en 1992. Il était
détenu au pénitencier de Collins Bay lors des
événements en question. Le 20 février 1985, il s'est
rendu dans le secteur administratif pour rencontrer
son conseiller juridique, un étudiant en droit
affecté au Queen's University Correctional Law
Project. Il y a un poste de sécurité à l'entrée de ce
secteur. Il a franchi un détecteur de métal qui,
selon lui, n'a émis aucun son. Deux gardiennes
étaient en service à cet endroit. L'une d'elles lui a
demandé de se soumettre à une fouille par palpa
tion. Il a plutôt franchi le détecteur de métal une
deuxième fois, encore sans déclencher de son. La
gardienne a persisté à vouloir effectuer une fouille
par palpation. Spearman a demandé que la fouille
soit effectuée par un gardien de sexe masculin.
Après que des recherches eurent été faites, il a été
informé qu'aucun agent de sexe masculin n'était
disponible. L'agent féminin lui a dit que s'il refu-
sait de se soumettre à une fouille par palpation, il
ne pourrait pas voir son avocat, et il a été renvoyé
dans sa cellule. Il a donc été accusé par la gar-
dienne d'avoir refusé de se conformer à un règle-
ment carcéral. Le 27 mars 1985, il a comparu
devant l'intimé Peter Radley, faisant fonction de
tribunal disciplinaire et il a plaidé «coupable avec
explication». Son explication a consisté à prétendre
qu'il ne saurait être fouillé par palpation par une
femme, qu'il était inutile dans les circonstances
qu'une fouille soit effectuée, et que si elle devait
l'être, un gardien de sexe masculin aurait dû s'en
charger. Il a déclaré qu'il s'était senti blessé dans
sa «fierté, sa dignité et son amour-propre». L'in-
timé Radley, à titre de président du tribunal, a
répondu que, quoiqu'en pense Spearman, l'ordre
donné par une gardienne est légal et qu'il est
obligé d'y obéir. Le président a expliqué qu'il
s'agissait d'une politique gouvernementale visant à
fournir une chance égale aux femmes d'agir
comme agents dans les établissements correction-
nels fédéraux, que ce soit pour des détenus de sexe
masculin ou de sexe féminin. La pénalité imposée
par le président a simplement consisté à «l'avertir
et à le conseiller», ce qui représente la peine la plus
clémente autorisée dans pareils cas. Par la suite,
Spearman a déposé une demande de certiorari le
28 novembre 1985 pour faire annuler la condam-
nation prononcée par le président Radley, pour le
motif que le tribunal disciplinaire a commis une
erreur de compétence en ne tenant pas compte du
moyen de défense que constitue le droit à la vie
privée, en omettant de considérer si l'ordre auquel
Spearman a désobéi était légal et en négligeant de
considérer comme un moyen de défense le droit
d'être protégé contre la discrimination fondée sur
le sexe.
QUESTIONS JURIDIQUES
Principes généraux
Ces cas concernent, à divers degrés, des conflits
réels ou apparents entre les droits ou les aspira
tions de deux catégories de personnes: ceux des
prisonniers de bénéficier, dans la mesure où cela
n'est pas nécessairement incompatible avec leur
situation de prisonniers, de normes en matière de
protection de la vie privée et de décence publique
équivalentes aux normes existant à l'extérieur des
prisons; et ceux des femmes d'avoir des chances
égales d'emploi dans le système carcéral fédéral.
Ce conflit provient de la grande disparité dans le
nombre des personnes de chaque sexe condamnées
à une peine dans les établissements correctionnels
fédéraux, où les détenus de sexe féminin ne repré-
sentent qu'une infime minorité des personnes
emprisonnées dans ces établissements. Je n'ai pas
été saisi de la question de savoir si cette disparité
reflète une certaine discrimination sexuelle en
faveur des femmes, due au système pénal et je n'ai
pas à examiner cette question. Il résulte toutefois
de cette disparité que pour pouvoir bénéficier de
chances importantes d'emploi comme gardiennes
dans les prisons fédérales pour hommes, tel qu'il a
été expliqué dans l'extrait du rapport du Comité
parlementaire cité ci-dessus, les femmes doivent
avoir la possibilité de faire essentiellement le
même travail que les hommes.
En abordant ces questions, il faut se souvenir de
la règle que la Cour suprême du Canada a entéri-
née à la majorité dans l'affaire Solosky c. La
Reine' et selon laquelle:
... une personne emprisonnée conserve tous ses droits civils
autres que ceux dont elle a été expressément ou implicitement
privée par la loi.
Les avocats des demandeurs et du requérant ont
cité plusieurs articles de la Charte canadienne des
droits et libertés ainsi que l'alinéa l b) de la Décla-
ration canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appen-
dice III]. Comme ces cas soulèvent tous des pro-
blèmes semblables concernant l'interprétation et
l'application de ces dispositions, j'examinerai en
premier lieu ce que je considère être leur interpré-
tation appropriée en rapport avec les principales
questions en litige et je me prononcerai ensuite sur
les arguments de chacun des demandeurs et du
requérant.
Article 7 de la Charte
Cet article prévoit:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa
personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor-
mité avec les principes de justice fondamentale.
Les avocats des détenus soutiennent que l'on a
porté atteinte à leur «sécurité» et ce, à l'encontre
' [1980] 1 R.C.S. 821, la p. 839, voir également R. v.
Institutional Head of Beaver Creek Correctional Camp, Ex p.
MacCaud, [1969] 1 O.R. 373 (C.A.), aux p. 378 et 379.
des principes de justice fondamentale. Ils préten-
dent que l'article 7 a un contenu plus étendu qui,
aux fins de l'espèce, comprend le droit à l'intimité
qui va au-delà de ces intérêts de la vie privée
susceptibles d'être protégés par les articles 8 à 14
de la Charte. Pour appuyer cette proposition,
l'avocat de Weatherall s'est fondé principalement
sur l'arrêt de la Cour suprême du Canada, rendu
dans Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B. 2
Dans cette décision, le juge Lamer, au nom de cinq
membres de la Cour, considère les rapports entre
l'article 7 et les articles 8 à 14, et conclut que
l'article 7 ne devrait pas être interprété plus étroi-
tement que les articles qui le suivent. Il poursuit en
disant:
Autrement dit, les art. 7 à 14 auraient pu être fondus en un seul
article, en ajoutant, entre le texte de l'art. 7 et les autres
articles, la disposition qu'on retrouve souvent dans nos lois «et,
sans limiter la généralité de ce qui précède (l'art. 7), ce qui suit
est réputé constituer une violation des droits de la personne
visés au présent article*. Manifestement, certains de ces articles
énoncent des principes qui vont au-delà de ce qu'on peut
appeler de la «procédure*.
Si je comprends bien le fondement de cette affaire,
personne ne peut être emprisonné à la suite d'un
procès où la preuve d'intention n'est pas établie, et
le droit d'exiger une telle preuve est protégé par
l'article 7. Les articles 8 à 14 sont silencieux sur ce
point. Selon moi, la Cour suprême a voulu dire que
le fait que ces articles ne traitent pas ce point
n'empêche pas l'article 7 d'exiger la preuve de
certains éléments tels que la mens rea. A mon avis,
cette décision n'était pas fondée sur la conclusion
que les articles 7 à 14 sont l'équivalent d'un article
qui doit être interprété suivant l'hypothèse émise
par le juge Lamer dans l'extrait susmentionné, et
selon laquelle l'article 7 énonce un principe général
dont les articles 8 à 14 ne sont que des exemples.
S'il en était ainsi, je pourrais effectivement être
tenu de présumer que l'article 7 renferme un droit
plus étendu à la vie privée en ce qui a trait aux
fouilles, droit qui dépasserait les dispositions parti-
culières de l'article 8.
Je ne crois pas que le fondement du renvoi
relatif à la Motor Vehicle Act de la C.-B. mène à
cette conclusion, et je serais peu enclin à appuyer
cette conclusion après consultation d'autres arrêts
de la Cour suprême du Canada. Dans le premier
de ces arrêts faisant référence à la Charte, Law
2 [1985] 2 R.C.S. 486, aux p. 502 et 503.
Society of Upper Canada c. Skapinker 3 , le juge
Estey, au nom de la Cour, a cité les articles 7 à 14
en les considérant comme «huit articles dispara-
tes». Cela laisse entendre que du point de vue de la
Cour, ces articles traitent, à divers degrés, de
sujets différents et les articles 8 à 14 ne sont pas de
simples exemples d'un plus grand ensemble que
constitue l'article 7. En effet, même quand deux
dispositions différentes dont l'une est rédigée en
termes généraux et l'autre en termes spécifiques
figurent dans un même article de la Charte, les
membres de la Cour ont refusé de traiter la dispo
sition spécifique comme un exemple de la disposi
tion générale. Dans l'affaire R. c. Therens 4 , la
Cour devait examiner le rapport entre le paragra-
phe 24(2) et le paragraphe 24(1). L'article 24
porte:
24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation
des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente
charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la
réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard
aux circonstances.
(2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le
tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus
dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés
garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont
écartés s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur
utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la
justice.
L'une des questions soumises à la Cour était de
savoir si le paragraphe 24(1) conférait un pouvoir
plus général permettant d'écarter des éléments de
preuve même lorsque les conditions particulières
mentionnées au paragraphe 24(2) n'étaient pas
remplies. Étant donné le caractère permissif du
libellé du paragraphe 24(1), autorisant un tribunal
à accorder «la réparation qu'il estime convenable»,
et considérant que le paragraphe 24(2) prévoit en
termes impératifs que, dans les circonstances parti-
culières qui y sont mentionnées, «ces éléments de
preuve sont écartés», on pouvait très bien prétendre
que, au-delà de l'obligation d'écarter les éléments
de preuve prévue au paragraphe 24(2), le paragra-
phe 24(1) accordait le pouvoir de le faire. Le juge
Le Dain a déclaré:
Il est évident, à mon avis, qu'en faisant suivre du par. 24(2), qui
prévoit expressément l'exclusion d'éléments de preuve, les dis
positions générales du par. 24(1), les rédacteurs de la Charte
ont voulu que ce redressement particulier soit régi entièrement
par les termes du par. 24(2). Il n'est guère raisonnable de
' [1984] 1 R.C.S. 357, la p. 377.
4 [1985] 1 R.C.S. 613.
prêter à ces derniers l'intention de contraindre les cours saisies
d'une demande d'exclusion d'éléments de preuve à appliquer
deux critères, le premier étant de savoir si l'utilisation de ces
éléments est susceptible de déconsidérer l'administration de la
justice et, le second, dans le cas d'une réponse négative, étant
de savoir si leur exclusion est néanmoins convenable et juste eu
égard aux circonstances. Il résulterait inévitablement de cet
autre critère ou redressement que le par. 24(2) deviendrait
lettre morte s .
Bien que cette déclaration fit partie d'un jugement
dissident, les membres de la majorité ne l'ont pas
rejetée mais ils ont jugé inutile de traiter expressé-
ment cette question. Le juge McIntyre était du
même avis que le juge Le Dain à cet égard 6 . Il
ressort de leur raisonnement que lorsque des dispo
sitions générales et des dispositions particulières
coexistent dans un article, le tribunal doit éviter de
considérer la disposition particulière simplement
comme un exemple d'une disposition plus générale.
Cela, comme on peut le constater, ressemble aux
difficultés que le Comité judiciaire du Conseil
privé et la Cour suprême du Canada ont eues en
matière de partage des pouvoirs, lorsqu'il s'est agi
d'attribuer au pouvoir accordé au Parlement, con-
cernant la «paix, l'ordre et le bon gouvernement du
Canada», termes qui figurent au début de l'article
91 de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31
Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II,
n° 5] (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada,
1982, chap. 11 (R.-U.) annexe de la Loi constitu-
tionnelle de 1982, n° 1)], un contenu plus étendu
que celui des 31 rubriques énumérées dans cet
article. Il faut se souvenir qu'entre l'expression
attribuant un pouvoir visant la «paix, l'ordre et le
bon gouvernement» et les rubriques énumérées, on
trouve l'autre expression «sans toutefois restreindre
la généralité des termes employés plus haut dans le
présent article», termes semblables à ceux qui,
selon l'hypothèse émise par le juge Lamer dans le
Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., auraient
pu être utilisés pour réunir l'article 7 de la Charte
aux sept articles suivants. Ces mots n'ont pas été
repris dans la Charte, et même lorsqu'ils ont été
utilisés à l'article 91 de la Loi constitutionnelle de
s Ibid., aux p. 647 et 648.
6 Dans une affaire subséquente, R. c. Collins, [1987] 1
R.C.S. 265, le juge Lamer, à la p. 276, la majorité a confirmé
que cette interprétation constituait la conclusion de la Cour
dans l'arrêt Therens.
1867, ils n'ont pu permettre au Parlement d'exer-
cer un pouvoir général sur «la paix, l'ordre et le
bon gouvernement», sauf dans les situations
d'urgence'.
Outre cette jurisprudence fondée sur une ana
lyse des textes, des décisions de la Cour suprême
soulignent l'importance de l'approche historique et
téléologique. Comme la Cour l'a dit dans le
Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B.:
Il ne faut pas oublier que la décision historique d'enchâsser la
Charte dans notre Constitution a été prise non pas par les
tribunaux, mais par les représentants élus de la population
canadienne. Ce sont ces représentants qui ont étendu la portée
des décisions constitutionnelles et confié aux tribunaux cette
responsabilité à la fois nouvelle et lourde'.
Cette «décision historique» est probablement perti-
nente non seulement pour ce qui est de légitimer le
contrôle judiciaire, mais aussi pour en déterminer
la portée. Le Renvoi: Motor Vehicle Act de la
C.-B. a réaffirmé la validité de cette approche
«fondée sur l'objet» adoptée par la Cour dans des
décisions antérieures concernant la Charte 9 , «qui
vise à déterminer l'objet de la garantie accordée
par l'article 7» et à en interpréter le sens. Dans la
cause Procureur général du Québec c. Quebec
Association of Protestant School Boards et
autres 10 , la Cour a pu déterminer l'objet de l'arti-
cle 23 de la Charte en tenant compte de l'histori-
que de la législation canadienne en matière linguis-
tique. Elle a pu attribuer aux rédacteurs de la
Charte l'intention d'outrepasser la «clause
Québec», l'article 73 de la Charte de la langue
française [L.R.Q. 1977, chap. C-11] du Québec.
Un objet semblable a été attribué à l'article 23 de
la Charte, de sorte qu'on ne pouvait pas sauver la
loi provinciale en ayant recours à l'article 1 de la
Charte canadienne. Il semble qu'on ait, en grande
partie, pris connaissance d'office de cet historique
de l'article 23. Il est maintenant bien connu, ce
dont on peut prendre connaissance d'office, que
' Voir par ex. Renvoi: Loi anti-inflation, [1976] 2 R.C.S.
373; Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada (2° édition,
Toronto: Carswell 1985), aux p. 371 et 372.
8 Voir note 2 à la p. 497.
9 Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; R.
c. Big M Drug Mart Ltd. et autres, [1985] 1 R.C.S. 295.
10 [1984] 2 R.C.S. 66, en particulier aux p. 79à 84.
lors de la rédaction de la Charte, de nombreux
gouvernements provinciaux se sont opposés à toute
version formulée en termes généraux de l'article 7
ou de son équivalent". Ce qui importe encore
davantage aux fins des présentes, c'est que le 4
juillet 1980, le gouvernement du Canada a proposé
aux gouvernements provinciaux un avant-projet de
l'article 7 actuel. Ce projet contenait le passage
suivant:
6. (1) Toute personne a droit à la vie, à la liberté et à la
sécurité de sa personne et a le droit de n'en être privée que par
l'application régulière de la loi qui comprend nécessairement:
. (C'est moi qui souligne.)
Venaient ensuite tous ou presque tous les droits qui
figurent dans les articles 8 à 14, avec, en plus:
b) le droit d'être protégé contre les immixtions arbitraires ou
illégales dans sa vie privée' 2 .
Les mots copulatifs que nous avons soulignés
ci-dessus auraient fait en sorte que les termes
figurant au début du paragraphe énoncent un prin-
cipe général dont les droits particuliers n'étaient
que des exemples, car le verbe «comprend» devrait
normalement signifier «contenir». Cette formula
tion n'a généralement pas été acceptée par les
provinces et les avant-projets subséquents ont
divisé les garanties juridiques en articles distincts,
tels qu'ils se trouvent maintenant dans la Charte.
Compte tenu de cet historique, il m'est difficile de
conclure que c'était «l'intention» des rédacteurs de
créer à l'article 7 un droit général qui devait
«comprendre» tous les autres droits et qui est censé
aller plus loin que les articles 8 à 14 en vue de
garantir exactement, les mêmes droits qui sont
protégés par ces articles. L'inclusion d'un droit
spécifique à la vie privée ayant aussi été rejetée, il
est douteux qu'on ait eu néanmoins l'intention
d'inclure ce droit dans l'article 7.
Voir par ex. Romanow, Whyte, Leeson Canada ... Not
withstanding Toronto: Carswell/Methuen, 1984, aux p. 245-
246. La nécessité de l'assentiment des provinces au changement
constitutionnel dans le cadre de la convention constitutionnelle
a été évidemment confirmée par la Cour suprême à la majorité
dans Résolution pour modifier la Constitution, Renvoi:, [1981]
R.C.S. 753, à la p. 909.
' 2 Pour connaître le texte de cette proposition et les textes
subséquents, voir l'ouvrage de McLeod, Takach, Morton,
Segal, intitulé The Canadian Charter of Rights: the prosecu
tion and defence of criminal and other statutory offences, Vol.
2: Carswell, Toronto, 1983, aux p. A-128 et suivantes.
Considérant le texte, l'historique et l'intention
manifeste de diviser ces articles, je dois présumer
que de prime abord, chacun d'eux porte sur des
sujets différents. Comme lorsqu'on interprète tout
document où des articles ou paragraphes distincts
peuvent se chevaucher, il faut chercher un moyen
de les lire ensemble afin que les deux puissent
avoir une certaine signification, comme l'a fait le
juge Le Dain dans l'arrêt Therens au sujet des
paragraphes 24(1) et (2) de la Charte ' 3 . Ainsi, en
lisant les articles 7 et 8 ensemble, je ne présume-
rais pas que, parce que l'article 8 protège toute
personne contre «les fouilles, les perquisitions ou
les saisies abusives», l'article 7 constitue néanmoins
une protection par exemple contre «les fouilles ou
saisies raisonnables»; et en lisant les articles 7 et 12
ensemble, je ne présumerais pas que, parce que
l'article 12 interdit «tous traitements ou peine
cruels et inusités», l'article 7 interdit néanmoins
[TRADUCTION] «les traitements ou peines usuels et
humanitaires». De telles présomptions rendraient
les articles 8 et 12 vides de sens. Comme l'a dit le
juge Le Dain dans l'arrêt Therens, en rejetant
l'argument selon lequel le paragraphe 24(1) per-
mettait d'exclure les éléments de preuve dans toute
affaire appropriée, même lorsque les exigences du
paragraphe 24(2) n'ont pas été remplies:
Les rédacteurs de la Charte n'ont pu vouloir que la restriction
explicite et délibérément adoptée qu'impose le par. 24(2) au
pouvoir d'écarter des éléments de preuve en raison d'une
atteinte à un droit ou à une liberté garantis soit ainsi minée ou
contournée 14 .
Il me semble donc qu'il n'existe pas de formule
simple pour établir un rapport entre l'article 7 et
les articles 8 à 14. Il faut plutôt, dans chaque cas,
examiner l'article 7 et les autres articles qui sem-
blent pertinents, et tenter de donner à chacun
d'eux un sens différent 15 . Il se peut que dans
certains cas, l'article 7 offre certaines garanties en
matière de procédure quant à la façon dont d'au-
tres garanties juridiques peuvent être violées. Il se
peut que l'article 7 supplée aux autres garanties
juridiques par d'autres moyens. Cela dépend beau
" Voir note 4.
14 Ibid., à la p. 648.
15 La Cour suprême a déjà suivi cette méthode en interpré-
tant la Charte: Dubois c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 350, aux p.
365 et 366; et en interprétant des questions constitutionnelles
de façon générale: La Reine c. Beauregard, [1986] 2 R.C.S. 56,
aux p. 80 et 81.
coup de la formulation choisie par les rédacteurs à
l'égard de chaque garantie juridique.
Pour ce qui est des cas qui me sont soumis,
j'estime que chacun d'eux comporte une «fouille ou
perquisition». Le Black's Law Dictionary, 5e édi-
tion (1979) définit la «fouille ou perquisition»
(search) comme:
[TRADUCTION] une inspection de la maison ou d'autres immeu-
bles ou locaux d'un homme ou de sa personne ... en vue de
trouver de la contrebande ou des biens illicites ou volés, ou des
preuves de culpabilité devant servir à une poursuite criminelle
pour un crime ou une infraction dont il est accusé.
Il faut noter que cette définition vise les fouilles
des lieux et des personnes 16 . Certes, il s'agit sim-
plement de la recherche de preuves de culpabilité
en vue de poursuites judiciaires, mais je crois que
cela s'applique également aux fouilles dont il est
ici question. En partie, bien sûr, les inspections en
l'espèce visent à déceler des choses ou des activités
interdites par les règles de la prison et à l'égard
desquelles des accusations disciplinaires peuvent
être portées. Elles ont en partie pour objet d'assu-
rer la garde des détenus en toute sécurité et con-
formément à la loi. Tout cela comporte l'examen
obligatoire, par des fonctionnaires, de locaux, de
personnes et d'activités dans le but de faire obser
ver la loi et à mon avis, ce sont là des «fouilles».
L'article 8 de la Charte traite de «fouilles, per-
quisitions ou saisies». Cet article contient aussi son
propre modificateur en interdisant seulement les
fouilles, perquisitions ou saisies «abusives». Dans
l'affaire Hunter et autres c. Southam Inc." la
Cour suprême, a statué que pour savoir ce qui est
«abusif», il faut examiner les intérêts respectifs des
particuliers et de l'État, examen qui peut conduire
à certaines conclusions quant aux motifs et procé-
dures permis pour la conduite des fouilles. En
l'espèce, je n'arrive pas, comme la Cour d'appel de
l'Ontario dans l'arrêt Regina v. Noble'$, à voir
comment les fouilles en question pourraient être
interdites par l'article 7 si elles sont conformes aux
exigences de l'article 8.
16 On a présumé dans l'affaire Collins que les fouilles de la
personne sont couvertes par l'article 8 de la Charte, voir note 6.
17 Voir note 9.
1 " (1984), 48 O.R. (2d) 643 (C.A.), à la p. 659. Voir aussi R.
v. Yellowquill, [1984] 12 W.C.B. 9 (B.R. Man.).
En tirant cette conclusion, j'affirme simplement
que j'accepte d'emblée la thèse des avocats selon
laquelle les fouilles d'une personne ou de son lieu
de résidence, dans des circonstances qui consti
tuent une atteinte à sa vie privée normale, sont une
violation de sa «sécurité» et peuvent par conséquent
être visées par l'article 7. Mais en lisant les articles
7 et 8 ensemble, je ne puis conclure que les rédac-
teurs ont voulu interdire, à l'article 7, des fouilles
de cette nature qui ne seraient pas interdites par
l'article 8. Il est tentant d'accepter les arguments
énoncés au nom des détenus et selon lesquels il
existe un droit abstrait à «la vie privée» qui doit
bien être protégé quelque part dans la Charte.
Mais ce qui fait l'objet du présent litige, c'est une
forme particulière d'intrusion dans la vie privée,
soit lorsque des gardiens procèdent à des fouilles
en vue d'assurer la sécurité dans les prisons. Les
demandeurs et le requérant n'ont pas vraiment
contesté la nécessité des fouilles corporelles et de
la surveillance des cellules. Il n'est pas ici question
d'intrusions suscitées par simple curiosité ou par
un excès de zèle ou d'autorité. Il s'agit plutôt
d'inspections réfléchies de personnes et de lieux
faites dans l'intérêt de la sécurité, et à mon avis,
ces actes doivent être interprétés comme une
«fouille» suivant le sens précis que les rédacteurs de
la Charte ont donné à ce terme en formulant
l'article 8. Certes, comme il a été décidé dans
l'affaire Hunter, c'est une forme particulière de
droit à la vie privée que l'article 8 reconnaît et
protège contre une forme particulière d'intrusion.
Un système établi permet de vérifier cette forme
particulière d'intrusion et j'en déduis que les autres
vérifications, fondées sur la Charte, sont à rejeter.
Je considère par conséquent que l'article 7 ne
s'applique pas à ces cas.
Article 8 de la Charte
Weatherall cite l'article 8 pour attaquer le
Règlement et les directives du commissaire, parce
qu'ils n'imposent pas de conditions préalables pour
les fouilles à nu (comme par exemple une raison
probable de croire que le détenu en question trans-
porte une chose interdite, et une autorisation préa-
lable); et parce qu'ils sont appliqués de façon
abusive, étant donné qu'ils n'interdisent pas adé-
quatement ou complètement la fouille à nu d'un
détenu mâle en la présence d'une gardienne.
L'avocat de Conway et de Spearman ne s'est pas
beaucoup appuyé sur l'article 8, mais il l'a cité
pour étayer son argument fondé sur l'article 7 au
sujet du droit à la vie privée. Comme je l'ai déjà
dit, à mon avis, la seule protection pertinente de la
vie privée en l'espèce est celle que donne l'article 8,
protection sur laquelle Conway et Spearman pour-
raient s'appuyer pour faire déclarer les fouilles
«illégales». Si je comprends bien les actes de procé-
dure et autres documents déposés dans ces deux
affaires, le demandeur Conway et le requérant
Spearman ne contestent pas les conditions préala-
bles énoncées dans le Règlement et dans les direc
tives du commissaire pour permettre les fouilles
par palpation ou la surveillance des cellules. Ils
soutiennent plutôt que ces fouilles sont faites de
façon abusive si elles [TRADUCTION] «sont effec-
tuées par une personne du sexe opposé (cross -gen
der)», c'est-à-dire lorsqu'une gardienne fouille un
détenu du sexe masculin ou examine sa cellule.
(Pour fins de commodité, j'adopte, sans égard à
l'étymologie, l'emploi que font les parties, dans la
version anglaise, du mot «gender» pour désigner le
«sexe» dans ce contexte.) Par conséquent, je n'ai
besoin de considérer la pertinence des conditions
préalables que par rapport aux fouilles à nu.
J'estime que les exigences de l'article 8 sont
fixées de façon définitive par un extrait d'un arrêt
récent de la Cour suprême, R. c. Collins 19 .
Une fouille ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi,
si la loi elle-même n'a rien d'abusif et si la fouille n'a pas été
effectuée d'une manière abusive.
a) Conditions préalables des fouilles
J'examinerai d'abord la question des conditions
préalables pour la conduite d'une fouille à nu, dont
a fait mention Weatherall en rapport avec l'article
8. Cette question a trait aux dispositions habilitan-
tes et au caractère raisonnable de la loi sur
laquelle on se fondait pour procéder à une telle
fouille. L'avocat de Weatherall soutient que pour
qu'une fouille soit «raisonnable» dans l'optique de
l'article 8 de la Charte [TRADUCTION] «il doit y
avoir un motif réel et raisonnable de croire que des
raisons existent qui justifieraient une fouille ou une
saisie pour une fin permise par la loi.» À l'appui de
19 Voir note 6, juge Lamer, à la p. 278.
son argument, il cite une décision de la Cour
d'appel de l'Ontario R. v. Rao 20 . Pour ce qui est de
l'autorisation préalable, il soutient, en se fondant
sur l'affaire Hunter et autres c. Southam Inc. 21 ,
«qu'une perquisition sans mandat est à première
vue abusive»: il a donc prétendu qu'il devrait y
avoir une «autorisation préalable» pour la fouille à
nu de tout détenu, mais sans préciser si cette
autorisation devait provenir d'un tribunal, sous la
forme d'un mandat, ou d'un agent principal de
l'établissement. D'après l'argumentation, il semble
qu'on envisageait en fait l'autorisation préalable
d'un agent principal.
J'ai examiné les affaires invoquées par l'avocat
et je ne suis pas convaincu qu'elles constituent une
autorité sur laquelle on se peut fonder pour exiger
de façon absolue des conditions préalables dans le
contexte de la fouille à nu de détenus. Pour ce qui
est de l'exigence de motifs probables et raisonna-
bles de procéder à une fouille, il a été dit dans
l'affaire Rao, que si l'article en question devait
être interprété de façon à autoriser une fouille sans
mandat:
[TRADUCTION] sans exiger une raison de croire en l'existence
de motifs raisonnables de faire la fouille, celle-ci serait, à
première vue clairement abusive et par conséquent
inconstitutionnelle 22.
Il convient cependant de noter qu'il s'agissait là
d'une opinion incidente émise dans le contexte
d'une cause concernant la perquisition sans
mandat d'un bureau. Le tribunal a assimilé [TRA-
DUCTION] «l'expectative légitime en matière de vie
privée» dans le cas d'un bureau à celle qui existe
dans le cas du foyer d'une personne 23 . Pour ce qui
est de l'exigence d'une autorisation préalable, on a
fait remarquer, dans l'arrêt Rao, qu'il pourrait y
avoir des circonstances où même la perquisition
d'un bureau sans mandat serait raisonnable, et on
a aussi fait une distinction entre la fouille d'un
endroit fixe (où il est ordinairement possible d'ob-
tenir un mandat à temps) et la fouille d'objets
mobiles tels que véhicules, navires et avions 24.
Dans l'affaire Hunter et autres c. Southam Inc.,
qui portait également sur la fouille d'un bureau, la
20 (1984), 40 C.R. (3d) 1 (C.A. Ont.), spécialement aux p. 15
et 16.
21 Voir note 9.
22 Voir note 20.
23 Ibid., à la p. 32.
24 Ibid., à la p. 35.
Cour suprême a statué que la fouille était abusive
parce que l'autorisation préalable n'était pas adé-
quate, mais elle a aussi reconnu qu'une autorisa-
tion préalable n'était pas une exigence absolue.
Tout d'abord, la Cour a souligné que la garantie
donnée par l'article 8 contre les fouilles ou saisies
abusives, ne vise qu'une attente raisonnable. Elle a
dit que dans une situation donnée, il faut détermi-
ner si le droit d'un particulier de ne pas être
importuné doit céder le pas au droit du gouverne-
ment de s'immiscer dans sa vie privée. La Cour a
en outre reconnu qu'il «n'est peut-être pas raison-
nable dans tous les cas d'insister sur l'autorisation
préalable» mais «qu'une telle autorisation, lors-
qu'elle peut être obtenue, est une condition préala-
ble de la validité d'une fouille, d'une perquisition
et d'une saisie» 25 . Il y a donc un élément de
relativité dont il faut tenir compte dans toute
décision portant, comme en l'espèce, sur les condi
tions préalables d'une fouille à nu d'un détenu
dans un établissement correctionnel.
Je suis convaincu que les fouilles de détenus
n'exigent pas de mandats. Les prisonniers sont
mobiles et les témoignages de gardiens de prisons
ont montré qu'après un laps de temps appréciable,
ou avec le déplacement de détenus, même sous
surveillance, ceux-ci arrivent souvent à se départir
de contrebande. Cela fait ressortir l'urgence de ces
fouilles. En outre, il n'est pas raisonnable d'établir
un parallèle entre la vie privée recherchée dans une
maison ou un bureau avec celle à laquelle on peut
s'attendre dans une prison.
Selon certains arrêts de jurisprudence cana-
diens, des fouilles à nu, faites dans des centres de
détention provisoire, sans autorisation spéciale
préalable ou sans motif raisonnable et probable de
croire que la personne fouillée transporte des
choses interdites ne violent pas l'article 8. Dans
l'affaire Re Maltby et al. and The Attorney -
General of Saskatchewan et a1. 26 , le tribunal a
confirmé la validité des fouilles à nu de routine
après des «visites-contacts» (c'est-à-dire des visites
comme celle que Weatherall a reçue et où il
n'existait aucune barrière physique empêchant un
25 Voir note 9, à la p. 161.
26 (1982), 143 D.L.R. (3d) 649 (B.R. Sask.), confirmée par
(1984), 13 C.C.C. (3d) 308 (C.A. Sask.).
visiteur de passer des choses à un détenu). Dans
l'affaire Soenen v. Dir. of Edmonton Remand
Centre 27 , le tribunal a décidé que les fouilles à nu
faites dans un centre de détention provisoire et
comportant un examen visuel de la région rectale
ne violaient pas l'article 8, [TRADUCTION] «pourvu
que la fouille visuelle soit faite de bonne foi à la
recherche d'armes ou de contrebande, et non dans
le but de punir», même en l'absence de motifs
raisonnables et probables de croire que le prison-
nier examiné cachait un tel objet sur sa personne.
Ces fouilles sont effectuées apparemment assez
couramment lorsque les gardiens sont à la recher-
che d'objets disparus qui pourraient servir à la
fabrication d'armes.
Il existe aussi des causes de jurisprudence amé-
ricaine disant clairement que des fouilles sembla-
bles dans les prisons ne violent pas le Quatrième
Amendement qui prévoit que:
[TRADUCTION] le droit des citoyens d'être garantis dans leurs
personnes, domiciles, papiers et effets, contre des perquisitions
et saisies abusives ne sera pas violé ...
Dans l'arrêt faisant autorité, Bell v. Wolfish 28 , la
Cour suprême des États-Unis a confirmé la vali-
dité des fouilles à nu comportant une inspection
visuelle des orifices du corps, effectuées de façon
courante dans un centre de détention provisoire
après chaque visite-contact. La Cour semble avoir
accordé beaucoup d'importance aux problèmes de
sécurité dans un centre de détention ou les détenus
attendent leur procès. Elle a aussi reconnu que
même s'il n'y a eu qu'un seul cas où un détenu a
essayé de faire de la contrebande dans l'établisse-
ment, cela tendait à prouver l'efficacité des fouilles
comme moyen de dissuasion. La Cour semble avoir
admis la dissuasion pour justifier les fouilles et,
bien sûr, cela élimine implicitement la nécessité
d'un motif raisonnable et probable de soupçonner
qu'un prisonnier fouillé cache de la contrebande.
Sans doute y a-t-il certaines différences entre ce
qui est justifiable dans un centre de détention
provisoire et dans les cas d'une longue peine d'em-
prisonnement, mais la preuve me convainc qu'un
détenu condamné ne peut pas raisonnablement
s'attendre à ce qu'on respecte sa vie privée, lors de
fouilles corporelles, ce que toute autre personne
27 (1983), 35 C.R. (3d) 206, la p. 223; 3 D.L.R. (4th) 658
(B.R. Alb.)., à la p. 673.
2' 441 U.S. 520 (1979), aux p. 558à 560.
peut normalement espérer: c'est-à-dire que l'une
des restrictions à ses droits normaux, qui découle
implicitement de sa condamnation et de son empri-
sonnement, fait en sorte qu'il doit se soumettre à
des fouilles sur sa personne pour assurer la sécurité
et le bon ordre de l'établissement et de ses détenus.
Ces fouilles devraient néanmoins être l'objet d'un
certain contrôle afin qu'elles soient vraiment utili
sées pour les fins qui justifient cette atteinte aux
droits normalement reconnus à toute personne. J'ai
conclu que si on peut admettre des fouilles à nu de
routine sans qu'il soit nécessaire d'obtenir au préa-
lable une autorisation spécifique, et sans qu'il soit
nécessaire de fournir un motif raisonnable et pro
bable de soupçonner que le détenu fouillé pourrait
dissimuler quelque objet interdit, les circonstances
dans lesquelles ces fouilles de routine sont autori-
sées devraient être prévues par règlement. Il
faudra adopter des règles raisonnables pour définir
les situations où, en raison de la probabilité ou de
la possibilité qu'il y ait dissimulation de contre-
bande, ou bien en raison du besoin de décourager
la contrebande, une fouille à nu de routine est
justifiée dans l'intérêt public. Pour ce qui est des
fouilles non courantes, je ne vois pas pourquoi il
n'y aurait pas aussi des règles juridiques régissant
ces situations. Il pourrait y avoir, par exemple, une
règle prévoyant que, lorsque survient un problème
urgent et précis de sécurité ou d'action coercitive,
tous les détenus ou certains d'entre eux peuvent
faire l'objet d'une fouille à nu générale. Cela pour-
rait arriver, par exemple, quand un détenu a été
poignardé dans un pavillon cellulaire et qu'il est
jugé nécessaire de procéder à une fouille à nu de
tous les détenus de ce pavillon pour trouver l'arme
du crime. Mais quand, mises à part ces fouilles à
nu générales ou de routine, certains détenus en
particulier doivent être fouillés à nu, il devrait y
avoir une règle obligeant ceux qui font cette fouille
à avoir un motif raisonnable et probable de croire
que le détenu en question cache des choses interdi-
tes sur sa personne. Lorsque le temps ou les cir-
constances ne permettent pas à ceux qui mènent
une fouille non courante d'obtenir l'autorisation
d'un agent principal, il faudrait que cet agent
procède à un examen des cas après le fait. Les
témoignages concernant les examens effectués
après les fouilles à Joyceville ne me portent pas à
croire qu'ils pouvaient contribuer efficacement à
empêcher les fouilles injustifiées.
Bref, à mon avis, les fouilles à nu (mais non les
fouilles par palpation) constituent une telle
atteinte à la dignité humaine et à la vie privée,
qu'il devrait y avoir des critères régissant leur
utilisation: ces critères devraient définir les cir-
constances où les fouilles individuelles de routine,
les fouilles générales non courantes et les fouilles
individuelles non courantes sont justifiées; et ils
devraient prévoir qu'il faudrait prouver à un agent
principal, avant ou après les fouilles non courantes,
qu'il existe un motif raisonnable et probable de
procéder à de telles fouilles. Les Règles en vigueur
au moment de la fouille de Weatherall ne répon-
dent pas, de toute évidence, à ces exigences. L'ali-
néa 41(2)c) du Règlement sur le service des péni-
tenciers prévoit:
41....
(2) Sous réserve du paragraphe (3), un membre peut fouiller
c) un détenu ou des détenus, lorsqu'un membre considère
une telle mesure raisonnable et nécessaire pour déceler la
présence de contrebande ou pour assurer le bon ordre au sein
d'une institution; ... [C'est moi qui souligne.]
Pour des raisons que j'examinerai en détail plus
tard, j'estime que cette disposition est détermi-
nante, car elle seule a force de loi et la légalité de
toute fouille devra être vérifiée à la lumière de
ladite disposition et non des directives du commis-
saire. Ce règlement n'établit pas une condition
préalable assez objective pour toute fouille. Il vise
à autoriser une fouille quand un «membre (du
personnel) considère une telle mesure raisonnable
et nécessaire» pour déceler de la contrebande ou
pour maintenir le bon ordre. Pour les raisons sus-
mentionnées, je pense que les règles doivent être
plus précises.
La situation pourrait toujours s'expliquer, au
moins en partie, si le règlement avait adopté par
référence des critères comme ceux qui sont prévus
dans les directives du commissaire, mais tel n'est
pas le cas. La directive du commissaire 800-2-07.1
applicable à l'époque en question prévoit:
12. Sous réserve du paragraphe 10., tout détenu peut être
soumis à une fouille à nu par un membre:
a. immédiatement avant de quitter l'établissement et à son
retour;
b. immédiatement avant d'entrer dans l'aire ouverte des
visites d'un établissement et au moment de la quitter;
c. au moment de quitter un secteur d'isolement et d'y
entrer, sauf s'il vient d'être fouillé en vertu du paragra-
phe b. ci-dessus et,
d. au moment de quitter un secteur de travail.
À mon sens, le paragraphe b. de cet article vise la
situation dans laquelle Weatherall s'est trouvé,
alors qu'il quittait une aire ouverte des visites.
Mais comme les directives ne peuvent être considé-
rées comme ayant force de loi, elles ne constituent
pas des exigences légales grâce auxquelles le pou-
voir d'effectuer une fouille prévu dans le Règle-
ment aurait un caractère raisonnable au sens de
l'article 8 de la Charte. Cela ne concerne pas
l'application possible de l'article 1 de la Charte.
Comme l'a affirmé la Cour suprême dans l'arrêt
Hunier et autres c. Southam Inc. 29 , «il n'appar-
tient pas aux tribunaux d'ajouter les détails qui
rendent constitutionnelles les lacunes législatives».
La Cour a refusé, dans ce cas, de donner une
interprétation large ou atténuée aux dispositions
de la loi de façon à établir des critères implicites
que le législateur n'avait pas lui-même prévus à
l'égard des fouilles effectuées en vertu de l'article
10 de la Loi relative aux enquêtes sur les coali
tions [S.R.C. 1970, chap. C-23]. Je ne suis pas non
plus disposé à conclure que l'alinéa 41(2)c) du
Règlement fournit les critères nécessaires. On peut
aussi remarquer que l'article 12 des directives du
commissaire ne dit rien sur la question des critères
pour les fouilles à nu qui ne sont pas de la nature
de celle qui y est décrite.
b) Manière d'effectuer une fouille
L'autre question à examiner dans le cadre de
l'article 8 est celle du caractère raisonnable de la
façon dont se fait une fouille par ailleurs dûment
autorisée. Dans chacun des trois cas, la question
est de savoir si les fouilles d'un détenu par une
«personne de sexe différent» sont raisonnables. Les
trois cas comportent une fouille de la personne et
dans l'affaire Conway, il y a également eu une
«perquisition», par surveillance, de cellules occu-
pées.
J'accepte, comme on l'a noté dans l'affaire
Collins", que pour qu'une fouille soit «raisonna-
ble», elle doit non seulement se fonder sur l'exis-
tence de conditions préalables, mais elle doit aussi
être effectuée d'une manière raisonnable. Le
caractère raisonnable de l'exécution comprend, à
29 Voir note 9, à la p. 169.
J 0 Voir note 6; voir aussi R. v. Rao, note 20, la p. 15.
mon avis, le respect des règles normales de la
décence dans la mesure où cela est normalement
permis par les restrictions qui découlent implicite-
ment de la situation.
L'avocat ne m'a signalé aucune décision judi-
ciaire canadienne au sujet des fouilles de détenus
ou de la surveillance de leur cellule par une «per-
sonne de l'autre sexe». On a cité la décision rendue
le 9 février 1987, par le Tribunal des droits de la
personne, établi en vertu de la Loi canadienne sur
les droits de la personne [S.C. 1976-77, chap. 33],
dans l'affaire Stanley et autres c. Gendarmerie
royale du Canada. Le président de ce tribunal a
estimé que la GRC était fondée à refuser de
confier à des femmes la garde des cellules où les
inculpés sont incarcérés temporairement avant de
subir leur procès. Il a statué que la condition
imposée par la GRC, selon laquelle ces gardiens
doivent être du même sexe que leurs prisonniers,
est une exigence professionnelle raisonnable et que
par conséquent, la GRC n'était pas coupable de
discrimination en refusant d'employer des femmes
dans ces établissements. Le président du tribunal a
considéré cette exigence comme une protection
légitime de la [TRADUCTION] «vie privée des déte-
nus». De toute façon, cette décision ne lie pas cette
Cour, et bien entendu, elle touche des points de
terminologie qui se rapportent à la Loi canadienne
sur les droits de la personne, et non à la Charte.
En outre, comme le président l'a expressément
reconnu, ses conclusions ne sont pas forcément
applicables à d'autres genres d'établissements.
Dans cette affaire, on a fortement insisté sur les
problèmes de sécurité posés par ces lieux de déten-
tion provisoire, notamment les tendances au sui
cide chez les personnes qui viennent d'être arrê-
tées. Ces cellules sont évidemment différentes, à
bien des égards, des cellules des prisons fédérales
où sont incarcérés les détenus condamnés à deux
ans d'emprisonnement ou plus, où il y a des rap
ports suivis entre le personnel et les détenus, et où,
par exemple, on peut très facilement déceler les
tendances suicidaires de certains détenus.
Dans une décision américaine au moins, l'affaire
Grummett v. Rushen 31 , la Cour d'appel des États-
Unis, 9e Circuit, a décidé qu'à San Quentin, l'une
des deux prisons à sécurité maximale de la Califor-
31 779 F.2d 491 (9th Cir. 1985), à la p. 496.
nie, où en 1985, quelque 113 des 720 agents
correctionnels étaient des femmes, les très rares
cas d'urgence où des gardiennes ont observé les
fouilles à nu de prisonniers ne violent pas les droits
des détenus à la protection contre «les fouilles
abusives» accordée par le Quatrième Amendement.
Il est évident que le milieu carcéral empiète, et
doit empiéter, sur la vie privée des détenus de
différentes façons qui ne seraient normalement pas
tolérées par des citoyens ordinaires. À certains
égards, ces vicissitudes ne sont pas propres à la vie
carcérale: les conscrits ou les personnes internées
dans des hôpitaux psychiatriques en application de
la loi peuvent être soumis à des intrusions similai-
res dans leur vie privée. Depuis l'adoption de la
Charte, tout au moins, les intrusions graves doi-
vent être justifiées en fonction du processus «d'ap-
préciation» que la Cour suprême a décrit dans
l'affaire Hunter et autres c. Southam Inc., et
doivent par conséquent être évaluées sous l'angle
«des expectatives raisonnables en matière de vie
privée».
En ce qui concerne les fouilles à nu, la définition
d'une expectative raisonnable dépend des normes
générales de la décence. En essayant de définir la
norme pertinente en l'espèce, il faut mettre de côté
les situations où des personnes dévêtues s'exposent
volontairement aux regards de personnes de l'autre
sexe, par exemple pour recevoir des soins médi-
caux. Il faut également ne pas tenir compte des
gens hypersensibles. Les défendeurs et l'intimé ont,
par exemple, fait appel à des témoins experts pour
dire que certaines personnes se sentent très embar
rassées lorsqu'elles se trouvent nues en présence
d'une autre personne de quelque sexe que ce soit. Il
y a probablement d'autres personnes qui ont des
tendances exhibitionnistes et qui n'éprouvent
aucun embarras à se montrer nues. Il s'agit en
l'espèce de détenus forcés de se montrer nus en
présence d'agents du sexe opposé qui les observent
de très près et de façon délibérée. Je suis con-
vaincu que dans la plupart des cas, cela enfreint les
normes de la décence et n'est pas justifié, même
dans le contexte carcéral. En fait, les défendeurs
dans l'affaire Weatherall n'ont pas cherché à justi-
fier les fouilles à nu de prisonniers en présence de
gardiennes, sauf en cas d'urgence, et j'estime que
c'est la limite convenable, limite qui, au moins
implicitement, a été adoptée dans l'affaire Grum-
mett v. Rushen 32 .
Je répète qu'à cet égard, le Règlement sur le
service des pénitenciers ne limite pas suffisamment
le pouvoir de fouiller à nu les prisonniers. L'alinéa
41(2)c) déjà cité autorise, sous réserve du paragra-
phe (3) [ajouté par DORS/80-462], la fouille de
tout détenu «lorsqu'un membre considère un telle
mesure raisonnable et nécessaire». Le paragraphe
(3) limite ce pouvoir général en prévoyant seule-
ment que:
41. ...
(3) Une personne du sexe féminin qui est fouillée aux termes
du paragraphe (2) ne peut être fouillée que par une personne
du même sexe.
Cela implique clairement que des personnes du
sexe féminin sont autorisées à fouiller des person-
nes de sexe masculin. Je rappelle que la Directive
800-2-07.1 du commissaire, en vigueur aux épo-
ques en cause, portait que:
14. Toute fouille à nu doit être effectuée avec discrétion par un
membre du même sexe et habituellement en présence d'un
témoin du même sexe. Dans les cas d'urgence, un détenu
peut être fouillé par un membre du sexe opposé.
On notera que la directive tend à limiter les fouil-
les de détenus par des personnes du sexe opposé
aux «cas d'urgence». Les détenus jouiraient d'une
meilleure protection si la directive établissait un
critère quelconque permettant de déterminer les
cas urgents, et si elle prévoyait un examen signifi-
catif, après la fouille, de la décision d'effectuer
cette fouille, et de la façon dont on a procédé. De
toute façon, la directive du commissaire n'a pas
force de loi, et par conséquent, elle ne limite pas le
pouvoir légal général prévu à l'article 41 du Règle-
ment permettant d'effectuer une fouille toutes les
fois qu'un agent «considère une telle mesure rai-
sonnable et nécessaire», y compris, implicitement,
les fouilles à nu de prisonniers par des agents de
sexe féminin.
En ce qui concerne la fouille par palpation,
c'est-à-dire la fouille d'un détenu complètement
vêtu par un agent qui passe la main sur ses vête-
ments pour détecter la présence de contrebande,
Conway et Spearman se plaignent essentiellement
non pas de la façon dont ces fouilles sont effec-
tuées mais du fait que des agents de sexe féminin
32 Ibid.
sont autorisées à procéder à de telles fouilles sur
des détenus de sexe masculin.
Quant à la façon dont ces fouilles sont effec-
tuées, que ce soit par des hommes ou des femmes,
le Règlement ne prévoit rien, mais l'article 7 de la
directive du commissaire 800-2-07.1 définit, à ses
fins, le mot «fouille» qui englobe une fouille par
palpation et décrit cette dernière ainsi:
a. fouille par palpation—il s'agit d'une fouille effectuée à la
main, le long du corps, de la tête aux pieds à l'avant et à
l'arrière, autour des jambes et à l'intérieur des plis des
vêtements, des poches et des chaussures; elle comporte l'uti-
lisation de détecteurs portatifs.
Je crois que cette définition décrit bien (même si
elle n'a pas force de loi) la façon dont ces fouilles
sont normalement effectuées. On notera que la
directive n'interdit pas formellement de fouiller les
organes génitaux. La preuve présentée par la
défenderesse et les intimés indique clairement que
l'on évite de toucher aux parties génitales, et cela
m'a également été démontré au cours d'une fouille
simulée devant la Cour. Le demandeur Conway a
admis qu'il n'avait jamais été fouillé dans les
parties génitales, bien qu'il ait «entendu dire» que
c'était arrivé à d'autres détenus. De toute façon, je
n'ai pas à me prononcer sur le caractère raisonna-
ble des fouilles par palpation à cet égard, car le
demandeur Conway et le requérant Spearman con-
testent plutôt toute fouille par palpation d'un
détenu de sexe masculin par un agent de sexe
féminin.
Aux États-Unis, les tribunaux ont statué que les
«fouilles» par palpation de routine ne portent pas
atteinte aux droits de la personne reconnus par le
Quatrième Amendement en ce qui concerne les
fouilles «abusives»", même quand ces fouilles
s'étendent aux organes génitaux 34 . Dans ces affai-
res, les tribunaux ont en général souligné que les
droits des prisonniers à la protection de leur vie
privée sont limités en raison des règles de sécurité
très importantes en vigueur dans les prisons.
Il est vrai que dans ce domaine, il faut se référer
avec prudence à la jurisprudence américaine,
compte tenu du fait qu'aux Etats-Unis, le Bill of
33 Voir par ex. Smith y. Fairman, 678 F.2d 52 (7th Cir.
1982), la p. 53.
34 Grummett v. Rushen, voir note 31, la p. 495; Bagley et
al. v. Watson et al., 579 F. Supp. 1099 (D. Oreg. 1983), la p.
1103.
Rights ne contient aucune disposition comparable
à l'article 1 de la Charte canadienne des droits et
libertés. Cela signifie que les tribunaux américains
doivent faire l'équilibre entre l'intérêt public et
l'intérêt privé, en s'efforçant davantage d'interpré-
ter le droit constitutionnel lui-même, puisqu'il
n'existe pas de disposition générale permettant de
favoriser l'intérêt public au moyen de restrictions
aux droits privés prescrites par la loi, ainsi que le
prévoit l'article 1 de la Charte. Dans l'affaire
Hunter et autres c. Southam Inc., la Cour
suprême du Canada a néanmoins statué qu'étant
donné que l'article 8 de la Charte n'interdit que les
fouilles «abusives», il faut, pour déterminer s'il y a
eu violation de cet article, apprécier l'intérêt privé
par rapport à l'intérêt collectif. La Cour a fait
cette appréciation entièrement dans le contexte de
l'article 8, puisqu'elle a conclu que rien ne justi-
fiait l'application de l'article 1.
J'ai conclu que les fouilles par palpation de
routine dont il est question en l'espèce ne portent
pas atteinte aux droits protégés par l'article 8 de la
Charte. En premier lieu, une telle intrusion dans la
vie privée est négligeable, quel que soit le critère
d'évaluation sur lequel on se fonde, et un fardeau
«négligeable ou insignifiant» ne constitue pas une
violation de la Charte". Même si elle n'est pas
considérée comme négligeable, l'intrusion très
limitée dans la vie privée d'un détenu est large-
ment contrebalancée par l'intérêt public. Il faut
d'abord et avant tout assurer une sécurité adé-
quate dans ces établissements et la preuve me
convainc que les fouilles par palpation, courantes
et spéciales, effectuées par quelqu'un, sont un élé-
ment important du maintien de cette sécurité. En
deuxième lieu, je suis convaincu qu'on sert l'intérêt
public de façon importante en embauchant des
femmes dans les établissements pénitentiaires
fédéraux. C'est une question de justice fondamen-
tale que de permettre aux femmes un accès égal
aux emplois dans un secteur important de la fonc-
tion publique fédérale. À Collins Bay, où la ques
tion s'applique aux cas à l'étude, il me semble que
35 R. c. Edwards Books and Art Ltd., [ 1986] 2 R.C.S. 713, à
la p. 759; voir également Headley c. Canada (Comité d'appel
de la Commission de la Fonction publique), [1987] 2 C.F. 235
(C.A.), juge MacGuigan, à la p. 244; Gibson, Dale. The Law of
the Charter: General Principles. Calgary: Carswell, 1986, la
p. 141.
les gardiennes ne pourraient être embauchées si on
leur interdisait de procéder à des fouilles par pal
pation. Sur les vingt postes de sécurité, tous sauf
trois ou quatre comportent une fouille courante ou
occasionnelle. Et, d'après les témoignages, tout
agent qui travaille auprès des détenus doit être
capable de faire ces fouilles sur une base ponc-
tuelle. Si les gardiennes ne pouvaient remplir ces
fonctions, leur utilité se trouverait grandement
réduite et cela aurait un effet très négatif sur leur
carrière. De plus, la preuve me convainc que la
présence d'agents féminins dans un tel établisse-
ment exerce un effet bénéfique important sur la
conduite de la plupart des détenus et peut contri-
buer de façon importante à leur réadaptation à la
société, une fois remis en liberté. Bien sûr, je ne
peux ni ne dois me prononcer sur les fouilles par
palpation dans d'autres établissements au sujet
desquels ni plainte ni preuve ne m'ont été
soumises.
L'autre question à laquelle peut s'appliquer l'ar-
ticle 8 de la Charte, est celle que soulève Conway à
propos de la présence de gardiennes dans les unités
résidentielles des détenus de sexe masculin.
Celui-ci cherche à obtenir un jugement déclarant
illégale:
la présence des gardiennes ou leur affectation à des tâches qui
leur permettraient normalement d'observer les détenus de sexe
masculin dans les salles de toilette ou dans un endroit où ils
sont dévêtus ...
Il cherche aussi à faire déclarer illégales:
sauf dans des situations d'urgence, les rondes effectuées par des
gardiennes dans les unités résidentielles des prisonniers de sexe
masculin ...
Ces deux requêtes portent essentiellement sur le
même problème: lorsque des gardiennes sont dans
des pavillons cellulaires pour y exercer des fonc-
tions de routine, telles qu'elles ont été décrites au
début des présents motifs et qui consistent à faire
le compte des prisonniers, à effectuer des rondes
éclairs, ou encore à visiter des prisonniers pour des
raisons particulières, il peut leur arriver de voir
ceux-ci dévêtus ou utilisant la toilette. Même si la
plupart des cellules de Collins Bay ont des portes
pleines munies d'un petit guichet, et si les autres
ont des écrans qui couvrent les trois quarts de
l'ouverture de la porte, il est quand même possible
que des gardiennes regardent dans les cellules, et
c'est même leur devoir lors d'un comptage ou
d'une «ronde éclair». Il n'y a pas eu de preuve
d'autres atteintes à la pudeur, telles que l'observa-
tion des détenus sous la douche par des agents de
sexe opposé.
Là encore, la jurisprudence américaine n'a pas
considéré avec beaucoup de sympathie les plaintes
de détenus dans de telles situations. Comme prin-
cipe de base, la Cour suprême des États-Unis a
statué, dans une cause où il y avait eu une fouille
approfondie d'une cellule, que même si les prison-
niers conservent certains droits qui ne sont pas
fondamentalement incompatibles avec leur empri-
sonnement, ils ne peuvent pas légitimement s'at-
tendre à ce que leur vie privée soit respectée dans
une cellule de prison et ne sont donc pas protégés
par le Quatrième Amendement contre la fouille de
leur cellule 36 . Dans l'affaire Grummett 37 , la Cour
d'appel des États-Unis (9 e circuit) a jugé que
l'utilisation courante de gardiennes dans des postes
où elles peuvent regarder, d'une distance considé-
rable, dans les cellules des détenus de sexe mascu-
lin au cours de leurs rondes ordinaires, ne violait
pas le Quatrième Amendement, même s'il peut
leur arriver de voir, d'une certaine distance, des
détenus partiellement ou complètement dévêtus.
Cela se passait à San Quentin, une prison à sécu-
rité maximale construite pour permettre [TRADUC-
TION] «l'observation en tout temps des détenus par
des agents de l'établissement».
Comme je l'ai déjà dit, on ne peut invoquer
l'article 8 pour empêcher des intrusions négligea-
bles dans la vie privée. De plus, les détenus ne
peuvent pas raisonnablement s'attendre à n'être
soumis à aucune surveillance. S'ils redoutent d'être
vus dans un état de nudité partielle ou totale, ou
accomplissant certaines fonctions vitales, il leur
appartient de prendre certaines précautions qui
sont à leur portée pour minimiser de telles possibi-
lités. Par ailleurs, j'estime que c'est une atteinte
inutile à la dignité humaine lorsque, en l'absence
de toute urgence, des gardiennes de Collins Bay
observent ainsi des détenus dans leurs cellules.
Cela veut dire en fait que, sauf en cas d'urgence,
les gardiennes ne devraient pas pouvoir observer à
l'improviste les cellules occupées par des détenus
de sexe masculin. Compte tenu de la preuve, je ne
36 Hudson v. Palmer, 82 L. Ed. (2d) 393 (U.S.S.Ct. 1984).
Voir également Lanza v. New York, 370 U.S. 139 (N.Y.C.A.
1962).
37 Voir note 31, aux p. 494 et 495.
pense pas que cela crée de graves problèmes admi-
nistratifs ou nuise à la carrière des gardiennes.
D'après le témoignage de M. Payne, directeur de
Collins Bay, il y a quatre comptages par jour: à
7 h, à midi, à 16 h, et à 23 h. Les détenus connais-
sent sans doute bien ces heures et ils peuvent alors
éviter de se trouver dans des situations embarras-
santes quand ils savent que des agents de sexe
féminin peuvent participer aux comptages. Pour ce
qui est des inspections visuelles de la cellule d'un
détenu, il ressort de la preuve que lorsqu'une gar-
dienne s'approche d'une cellule, elle annonce nor-
malement sa présence avant de regarder à l'inté-
rieur et là encore, cela respecte les droits du
détenu à sa vie privée, sans entraver l'administra-
tion de la prison. Il me semble que le seul problè-
me qui pourrait se poser toucherait les «rondes
éclairs» qui se font en moyenne une fois par heure,
mais à intervalles irréguliers, afin de créer un
élément de surprise. Si je comprends bien l'organi-
sation du personnel et étant donné que seulement
14,5 % des agents de Collins Bay sont des femmes,
l'interdiction en vertu de laquelle les gardiennes ne
pourraient pas observer à l'improviste lors d'une
«ronde éclair», ne devrait pas, à mon avis, poser de
graves problèmes d'administration, ni nuire consi-
dérablement à la carrière des agents de sexe fémi-
nin. Il me semble y avoir au moins deux solutions
de rechange possibles: si un agent féminin effectue
une «ronde éclair», sa présence pourra être annon-
cée juste avant que celle-ci ne commence (ce qui,
suivant la preuve, se fait de toute façon par le cri
du premier détenu qui voit arriver l'agent chargé
de la «ronde éclair»); ou bien des agents de sexe
masculin pourront traverser les pavillons cellulai-
res, en demandant à leurs collègues féminines de
les couvrir à l'entrée du pavillon (c'est-à-dire qu'el-
les monteraient la garde à l'entrée en, protégeant
l'autre agent qui se trouve dans le pavillon cellu-
laire, cette pratique étant employée pour des rai-
sons de sécurité). J'estime en outre que ces mesu-
res ne sont nécessaires que durant les heures de
veille des détenus: si un détenu choisit de ne pas se
couvrir pendant ses heures normales de sommeil, il
peut risquer d'être observé par un agent de l'autre
sexe. Il appartient bien sûr aux autorités de l'éta-
blissement de prendre les mesures administratives
appropriées et je veux seulement montrer qu'à la
lumière de la preuve, je suis convaincu qu'il existe
des solutions de rechange raisonnables permettant
d'éviter le genre d'intrusion dans la vie privée que
le régime actuel permet.
Article 12 de la Charte
Seul Weatherall invoque l'article 12 de la
Charte qui prévoit:
12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou
peines cruels et inusités.
Il cite cet article à l'appui de sa requête en juge-
ment déclaratoire portant que l'alinéa 41(2)c) du
Règlement sur le service des pénitenciers et l'arti-
cle 14 de la Directive 800-2-07.1 du commissaire
sont inopérants. Ces dispositions ont été citées plus
haut. La plainte de Weatherall, et le seul point sur
lequel il a qualité pour agir, a trait à la fouille à nu
effectuée par une personne de sexe opposé.
Pour commencer, je dois dire que je considère la
fouille à nu des détenus comme un «traitement» au
sens de l'article 12. Qu'il s'agisse de Weatherall ou
d'autres détenus, il n'y a pas eu de preuve permet-
tant de croire que ce genre de fouille constitue une
«peine» et il ne pourrait certainement pas servir
légalement à une telle fin. Il ne s'agissait sûrement
pas d'une peine infligée par un tribunal, et à ma
connaissance, aucune loi ni aucun règlement ne
permet de recourir à de telles fouilles pour punir
des infractions commises à l'intérieur d'un établis-
sement pénitentiaire.
En outre, je souscris au point de vue selon lequel
les mots «cruels et inusités» peuvent être interpré-
tés comme des «termes qui se complètent et qui,
interprétés l'un par l'autre, doivent être considérés
comme la formulation concise d'une norme» 38 .
J'estime également que les mots «cruels et inusi-
tés» comportent un élément de relativité. Comme
l'a indiqué le juge Linden dans Re Mitchell and
the Queen 39:
[TRADUCTION] . la norme à appliquer pour établir si le
traitement ou la peine est cruel et inusité est de savoir si le
traitement ou la peine est excessif au point d'outrager les
normes de la décence et de dépasser les limites raisonnables
d'un traitement ou d'une peine. Il s'agit donc d'un critère fondé
sur la disproportion ...
En appliquant ces principes au cas présent, il
faut d'abord noter que l'avocat de la défenderesse
38 Le juge en chef Laskin, dissident dans l'affaire Miller et
autre c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 680, aux p. 689 et 690. Voir
aussi l'affaire Gittens (In re), [1983] 1 C.F. 152 (1' inst.), aux
p. 160 et 161; Re Mitchell and the Queen (1984), 150 D.L.R.
(3d) 449 (H.C. Ont.), à la p. 470.
39 Ibid., à la p. 474, et voir les affaires qui y sont
mentionnées.
n'a pas cherché à justifier, ce qu'il n'aurait pu
faire, selon moi, la fouille à nu d'un détenu en
présence d'agents du sexe féminin, sauf lorsqu'il
s'agit de cas d'urgence. À mon avis, une telle
pratique violerait les normes de la décence et ne
saurait être justifiée par la nécessité ou l'égalité
des chances pour les femmes. Le fait qu'une telle
pratique ne soit pas nécessaire a effectivement été
confirmé par le témoignage des agents de Collins
Bay et de Joyceville indiquant que les fouilles à nu
de détenus en présence de gardiennes sont extrê-
mement rares. Personne ne prétend que cette prati-
que serait admise en temps ordinaire. J'estime que
ce serait une violation de l'article 12 de la Charte,
s'il n'y a pas urgence.
Je suis toutefois convaincu que de telles fouilles
ne violeraient pas l'article 12 dans un cas d'ur-
gence où la sécurité de l'établissement en général
ou d'agents ou de détenus en particulier, serait
gravement menacée, ou lorsque l'absence d'inter-
vention rapide permettrait probablement à des
détenus de dissimuler, d'obtenir, ou d'introduire de
la contrebande dans l'établissement.
Il n'appartient toutefois pas au tribunal de défi-
nir un tel cas d'urgence. Pour les raisons que j'ai
données au sujet de l'article 8, je suis convaincu
que l'alinéa 41(2)c) du Règlement confère des
pouvoirs trop étendus aux membres du personnel
en ce qui concerne les fouilles à nu et il ne peut pas
s'appuyer sur l'article 14 des directives du commis-
saire qui vise à empêcher la fouille à nu d'un
détenu par un agent de sexe féminin, sauf «dans les
cas d'urgence». Pour des raisons que j'expliquerai
ci-dessous au sujet de l'article 1 de la Charte, la
directive n'est pas une loi et par conséquent ne
protège pas le détenu qui est soumis ou qui est sur
le point d'être soumis à une fouille en violation de.
l'article 12 de la Charte.
Je suis arrivé à cette conclusion après avoir
examiné attentivement la décision rendue par le
juge McDonald dans l'affaire Soenen 40 , où il a
statué que les fouilles à nu de détenus n'enfrei-
gnent pas les dispositions de l'article 12. Mais il ne
s'agissait pas, dans cette affaire, de fouilles effec-
tuées par des agents de sexe opposé. Le juge a
également rejeté l'idée de disproportion dans l'ap-
4° Voir note 27, aux p. 222 et 223.
plication de l'article 12, car vu la présence de
l'article 1 de la Charte, l'équilibre doit se faire
dans le cadre de cet article, après qu'on a fait la
preuve prima facie de la violation de l'article 12.
Cette décision était cependant antérieure à celle de
la Cour suprême du Canada dans l'affaire Hunter
et autres c. Southam Inc., où la Cour a déclaré
que lorsqu'un tribunal applique l'article 8, où se
trouve le qualificatif «abusives», il doit d'abord
apprécier les intérêts collectifs et individuels pour
établir s'il y a eu prima facie violation de cet
article, avant de considérer toute justification pos
sible aux termes de l'article 1 4 '. De même, une
évaluation de la proportionnalité du traitement
infligé semblerait appropriée pour les fins de l'ap-
plication de l'article 12 qui renferme les qualifica-
tifs «cruels et inusités».
Article 15 de la Charte
Spearman reconnaît qu'il ne peut pas invoquer
l'article 15 puisqu'il n'était pas en vigueur au
moment où il a été condamné pour avoir commis
une infraction disciplinaire, condamnation qu'il
cherche à faire annuler. Conway et Weatherall
citent toutefois l'article 15 en question qui dispose:
15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique
également à tous, et tous ont droit à la même protection et au
même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimina
tion, notamment des discriminations fondées sur la race, l'ori-
gine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge
ou les déficiences mentales ou physiques.
(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois,
programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'in-
dividus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur
race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de
leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences
mentales ou physiques.
Ils se plaignent en fait que les prisonniers de sexe
masculin soient soumis à des fouilles à nu en
présence de gardiennes, qui procèdent à des fouil-
les par palpation et les surveillent dans leur cellule
alors que les détenues dans les établissements fédé-
raux ne sont pas soumises à de telles fouilles par
des agents du sexe opposé. Cela est dû en partie
aux textes qui régissent ces procédures. Comme il
a été dit plus haut, le paragraphe 41(2) du Règle-
ment sur le service des pénitenciers confère aux
membres du personnel des pouvoirs étendus leur
permettant de fouiller tout détenu lorsqu'il ou elle
«considère une telle mesure raisonnable et néces-
4' Voir note 9, aux p. 159 et 160, 169 et 170.
saire», alors que le paragraphe 41(3) prévoit
«qu'une personne du sexe féminin qui est fouillée
aux termes du paragraphe (2) ne peut être fouillée
que par une personne du même sexe». Cette dispo
sition interdit la fouille des détenues par un agent
du sexe opposé, mais elle n'assure pas cette protec
tion aux détenus de sexe masculin. De même,
l'article 13 de la directive du commissaire
800-2-07.1 porte:
... aucune détenue ne doit être fouillée par palpation ou à nu,
sauf par un membre du même sexe.
mais l'article 14 prévoit au sujet des fouilles à nu:
Dans les cas d'urgence, un détenu peut être fouillé par un
membre du sexe opposé.
En outre, pendant l'interrogatoire préalable de
Kenneth Payne, directeur de l'établissement de
Collins Bay, interrogé pour le compte des défen-
deurs, on a admis qu'à la prison pour femmes de
Kingston, un établissement pénitentiaire fédéral
réservé exclusivement aux femmes, les agents de
sexe masculin sont affectés uniquement aux postes
de contrôle et à la sécurité périmétrique et seules
les gardiennes travaillent dans l'unité résidentielle
de l'établissement. La situation est tout à fait
différente à Collins Bay et à Joyceville où les
gardiennes sont constamment de service dans
l'unité résidentielle de ces établissements réservés
aux détenus de sexe masculin.
L'interprétation du paragraphe 15(1) de la
Charte fait l'objet d'un éternel débat. Toute dis
tinction fondée sur le sexe (ou sur tout autre motif
de discrimination qui y est énuméré) devrait-elle
être présumée nulle? Ou les tribunaux devraient-
ils dans chaque cas décider si des personnes qui se
trouvent dans la même situation sont traitées de la
même façon, ou devraient-ils appliquer un autre
critère, tel que le caractère raisonnable de la
distinction"? Je ne pense pas que j'aie à trancher
cette question dans le cas présent. En ce qui
concerne les fouilles par palpation, comme l'intru-
42 Voir par ex. Smith, Kline & French Laboratories Ltd. c.
Canada (procureur général), [1987] 2 C.F. 359 (C.A.); Head-
ley c. Canada (Comité d'appel de la Commission de la Fonc-
tion publique), voir note 35.
sion dans la vie privée est, à mon avis, négligeable
dans ce cas, elles ne peuvent pas donner lieu à une
plainte fondée sur le paragraphe 15(1) 43 . Pour ce
qui est des fouilles à nu et de l'inspection des
cellules, l'intrusion n'est pas négligeable et de
telles activités sont une forme péjorative de discri
mination sexuelle qui, si ce n'était du paragraphe
15(2), serait intolérable. La preuve me convainc
toutefois que le programme d'action positive
adopté par le gouvernement pour permettre aux
femmes de travailler dans les établissements péni-
tentiaires fédéraux est conforme au paragraphe
15(2) de la Charte puisqu'il est «destiné à amélio-
rer la situation d'individus ou de groupes défavori-
sés, notamment du fait ... de leur sexe». Les
demandeurs n'ont pas contesté cette observation.
Comme les termes employés au début du paragra-
phe 15(2) prévoient qu'il faut considérer les droits
conférés par le paragraphe 15(1) en tenant compte
de tout programme d'action positive, cette forme
de discrimination que constitue la palpation ou la
surveillance par un agent du sexe opposé ne viole
pas la Charte dans la mesure où elle est essentielle
pour la mise en oeuvre d'un programme d'action
positive 44 . Il me semble que du point de vue de la
procédure administrative, le fait d'embaucher des
femmes dans des prisons pour hommes, que
permet le paragraphe 15(2) de la Charte, peut
incidemment faire en sorte que des femmes soient
tenues de surveiller les cellules des détenus et
qu'elles doivent parfois assister à certaines fouilles
à nu de ces détenus. Comme il n'existe pas de
programmes d'action positive comparables afin
que les hommes travaillent dans les unités résiden-
tielles de la prison fédérale pour femmes de Kings-
ton, il s'ensuit que les détenues de cette prison ne
peuvent être fouillées par des agents du sexe
opposé. Cette procédure administrative entraîne
donc une certaine inégalité, mais à mon avis, c'est
une inégalité protégée par le paragraphe 15(2) de
la Charte qui interdit toute plainte fondée sur le
paragraphe 15(1). Cela n'est vrai toutefois que
dans la mesure où ces intrusions discriminatoires
dans la vie privée des hommes sont raisonnable-
ment nécessaires à la mise en oeuvre du pro
gramme d'action positive. Comme je l'ai fait
43 Voir les autorités citées, à la note 35.
44 Voir par ex. Shewchuk v. Ricard, [1986] 4 W.W.R. 289
(C.A.C.-B.), aux p. 306 et 307.
remarquer antérieurement, j'estime que la partici
pation des gardiennes à des fouilles à nu dans des
situations qui ne sont pas urgentes ou à la surveil
lance des cellules qui n'a été ni prévue ni annoncée
n'est pas nécessaire lorsque ces gardiennes travail-
lent dans des prisons pour hommes.
En outre, je ne vois pas comment une inégalité
créée par le paragraphe 41(3) du Règlement sur le
service des pénitenciers qui prévoit qu'aune per-
sonne du sexe féminin qui est fouillée . .. ne peut
être fouillée que par une personne du même sexe»,
peut être justifiée lorsque la loi n'offre pas une
protection comparable aux hommes. Cela n'a
aucun lien logique avec un programme d'action
positive. A mon avis, c'est là nier le droit à l'égalité
devant la loi et à la protection égale de la loi. Ce
n'est pas parce que des mesures spéciales peuvent
être prises pour permettre à des femmes de travail-
ler dans des prisons pour hommes qu'il faut empê-
cher des agents de sexe masculin de travailler ou
d'exercer certaines fonctions dans des prisons pour
femmes. Selon les dépositions d'experts, faites pour
le compte des défendeurs et de l'intimé par le
docteur Lionel Béliveau, psychiatre de Montréal
affecté aux prisons et par le docteur Lois Shawver,
psychologue de la Californie dont la pratique est
également orientée vers les prisonniers, les gar-
diens, à cause de leur mentalité d'homme, sont
plus susceptibles de tirer profit des fouilles et de la
surveillance des détenues, que ne pourraient le
faire les gardiennes à l'égard des détenus. Il me
semble que c'est exactement le genre de stéréotype
que le paragraphe 15 (1) de la Charte vise à empê-
cher. Aucun tribunal n'acceptera l'argument, par
exemple, que des Noirs, des Baptistes ou des Écos-
sais, en raison d'un défaut de caractère prétendu-
ment typique, sont plus susceptibles, en tant que
groupes, d'exploiter leurs semblables, ce qui justi-
fierait l'adoption de lois discriminatoires à l'encon-
tre de ces catégories de personnes. Je ne vois pas
pourquoi je dois accepter un tel argument présenté
contre les hommes. J'estime qu'il ne constitue ni
une excuse fondée sur le paragraphe 15 (1) de la
Charte ni une justification permettant de restrein-
dre le droit à l'égalité prévue par l'article 1 de la
Charte.
Article 28 de la Charte
Cet article prévoit:
28. Indépendamment des autres dispositions de la présente
charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis
également aux personnes des deux sexes.
Je suis arrivé à la conclusion que cet article n'a pas
d'effet important dans le cas présent.
J'ai dans une large mesure appuyé les fouilles
effectuées par des personnes de sexe opposé. Mais
comme des détenus de sexe masculin sont fouillés à
nu ou surveillés dans leur cellule par des gardien-
nes en violation de l'article 8, alors que les prison-
nières ne sont pas soumises à la même intrusion,
les hommes et femmes ne bénéficient pas alors du
même respect des droits qui leur sont conférés par
l'article 8. Cette discrimination est une violation
de l'article 28. Dans la mesure où les droits prévus
au paragraphe 15(1) n'ont pas été valablement
restreints par le paragraphe 15(2), ils peuvent
également bénéficier de la protection additionnelle
de l'article 28. Mais l'article 28 n'ajoute rien en
l'espèce parce que ces lois et pratiques sont annu-
lées par les articles 8 et 15. L'article 28 n'aurait
une incidence importante dans le cas présent que si
l'on cherchait à justifier une telle mesure discrimi-
natoire contre les hommes en invoquant l'article 1.
Dans ce cas, l'article 28 empêcherait que seuls les
droits des hommes prévus aux articles 8 ou 15
soient assujettis à la restriction de l'article 1.
Article 1 de la Charte
Cet article prévoit:
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les
droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être res-
treints que par une règle de droit, dans des limites qui soient
raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le
cadre d'une société libre et démocratique.
Les défendeurs et l'intimé ont invoqué en partie la
Loi canadienne sur les droits de la personne et la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique
[S.R.C. 1970, chap. P-32] qui interdisent toutes
deux la discrimination en matière d'emploi dans la
Fonction publique, fondée notamment sur le sexe,
puisqu'il s'agit là «[d']une règle de droit, dans des
limites» imposées aux droits des détenus et qui sont
justifiées par l'article 1.
Il ne résulte pas automatiquement des disposi
tions de ces lois selon lesquelles les femmes
devraient en principe avoir les mêmes droits que
les hommes pour ce qui est d'obtenir un emploi
dans des institutions fédérales, que ces droits peu-
vent être exercés sans tenir compte des droits des
autres. Je doute que ces dispositions justifient, par
exemple, l'affectation d'une femme à la surveil
lance des toilettes réservées aux hommes dans
l'immeuble Langevin. Sans plus d'indications, je
ne peux pas voir comment ces lois imposent des
limites spécifiques aux droits d'un détenu.
À part ces lois, les défendeurs et l'intimé ont
cité, à titre de «règle de droit [qui impose] des
limites», le Règlement sur le service des péniten-
ciers et les directives du commissaire, qui, comme
je l'ai déjà déclaré, sont à certains égards, contrai-
res à la Charte. Dans la mesure où ces dispositions
sont insoutenables sous le régime des articles 8, 12
et 15, elles le sont également sous le régime de
l'article 1, vu l'absence de toute autre justification
en leur faveur.
En particulier, comme je l'ai déjà indiqué à
différentes reprises, les directives du commissaire
ne peuvent pas être considérées comme «une règle
de droit» au sens de l'article 1. Il y a des arrêts de
jurisprudence concluants à cet effet, qui se fondent
sur le principe selon lequel les directives du com-
missaire visent à réglementer la gestion interne des
établissements pénitentiaires. Toute infraction à
ces directives peut entraîner des mesures discipli-
naires au sein de l'établissement, mais elles ne
créent aucun droit ni aucune obligation légale 45
L'avocat des défendeurs et de l'intimé m'a cité des
décisions de la Cour d'appel fédérale qui, selon lui,
ont réfuté cette jurisprudence. Après avoir étudié
lesdites décisions 46 , je suis convaincu qu'elles ne
réfutent rien, et qu'en fait elles distinguent expres-
sément les situations qui se sont présentées dans
ces décisions de l'important jugement rendu par
quatre juges de la Cour suprême, dans l'affaire
Martineau, portant que les directives du commis-
saire ne sont pas une règle de droit.
Par conséquent, ces directives ne peuvent pas
être considérées comme étant exécutoires de façon
à limiter les pouvoirs en matière de fouille et elles
45 Martineau et autre c. Comité de discipline des détenus de
l'Institution de Matsqui, [1978] 1 R.C.S. 118, à la p. 129; R. v.
Institutional Head of Beaver Creek Correctional Camp, Ex p.
MacCaud, voir note 1, à la p. 380.
46 Danch c. Nadon, [1978] 2 C.F. 484 (C.A.), aux p. 505 et
506; Laroche c. Commissaire de la G.R.C. (1981), 39 N.R. 407
(C.A.F.), à la p. 424.
ne peuvent pas non plus être considérées comme
étant exécutoires sous le régime de l'article 1 à
titre de «règle de droit, dans des limites» visant à
restreindre les droits garantis par la Charte.
Alinéa 1 b) de la Déclaration canadienne des droits
Cet article dispose qu'il existe pour tout individu
au Canada «quel[.. igue soi[...]t ... son sexe...»
1....
b) le droit de l'individu à l'égalité devant la loi et à la
protection de la loi ...
Spearman s'appuie sur ce paragraphe, parce que,
comme on l'a fait remarquer plus haut, il reconnaît
qu'il ne peut pas se fonder sur l'article 15 de la
Charte. Son avocat a déclaré dans sa plaidoirie
écrite que:
[TRADUCTION] ... le refus du requérant de se laisser toucher
par la gardienne était justifié étant donné la protection que lui
assure l'alinéa lb) de la Déclaration canadienne des droits.
Cet argument se rapporte bien sûr à la fouille par
palpation qui doit être effectuée par un agent de
sexe féminin, et à laquelle Spearman a refusé de se
soumettre. Il signifie, à mon avis, que l'embauche
de gardiennes à de telles fins dans une prison pour
hommes, alors que les gardiens ne peuvent exercer
de telles fonctions dans les établissements pour
femmes, le prive de son droit à «l'égalité devant la
loi».
En ce qui concerne le programme administratif
faisant appel à la présence de gardiennes dans des
prisons pour hommes où elles accomplissent des
tâches qui ne sont pas confiées aux gardiens dans
les prisons pour femmes, je ne pense pas que cette
disposition appuie l'argument de Spearman. Il est
maintenant reconnu par la jurisprudence que l'ali-
néa l b) de la Déclaration canadienne des droits
n'est pas violé si une loi qui fait ces distinctions
vise un «objectif fédéral régulier ou valable»"'.
J'admets que la fouille par palpation par des per-
sonnes de l'autre sexe, bien qu'elle n'enfreigne pas
les articles 8 et 12 de la Charte, peut néanmoins
causer aux prisonniers des inconvénients que n'ont
pas à subir les détenues emprisonnées dans des
établissements fédéraux. Mais je crois que c'est
une conséquence du programme d'action positive
^' Voir La Reine c. Beauregard, [1986] 2 R.C.S. 56, aux p.
85à89.
en vertu duquel des gardiennes sont affectées à des
prisons pour hommes (à cause du faible nombre de
postes pour femmes dans les prisons pour femmes)
aux fins de réaliser «un objectif fédéral valable»
qui consiste à donner aux femmes des chances
égales d'obtenir un emploi dans la Fonction publi-
que fédérale.
Quant aux inégalités découlant de la loi elle-
même, Spearman ne s'attaque pas à une disposi
tion précise de la loi qui crée cette discrimination.
Il me semble que le paragraphe 41(3) du Règle-
ment sur le service des pénitenciers, exigeant que
les femmes ne soient fouillées que par des femmes,
crée une telle discrimination fondée sur le sexe.
Mais dans le cas présent qui concerne une fouille
par palpation, il s'agit d'une intrusion négligeable
dans la vie privée des prisonniers. Je ne crois pas
que l'alinéa 1 b) de la Déclaration canadienne des
droits, pas plus que l'article 15 de la Charte, vise à
empêcher une inégalité découlant d'une intrusion
négligeable dans la vie privée d'êtres humains.
CONCLUSIONS
Weatherall
Il est manifeste que la fouille à nu de Weathe-
rall, en présence d'une gardienne était illégale,
selon les normes de la Charte et des directives du
commissaire. D'après la réaction à sa plainte, il est
évident que les autorités ont reconnu que ce n'était
pas un cas d'urgence comme le prévoit l'article 14
de la Directive 800-2-07.1 du commissaire, et qu'il
devait y avoir une telle urgence pour justifier la
présence d'une gardienne pendant la fouille à nu
d'un prisonnier. Au procès, l'avocat des défendeurs
a admis qu'une situation d'urgence était la seule
justification possible et il n'a pas cherché à expli-
quer ce qui s'est réellement passé.
En fait Weatherall ne cherche pas à obtenir
réparation par suite de la fouille illégale à laquelle
il a été soumis, mais il veut plutôt faire déclarer
nuls le Règlement et les directives pertinentes du
commissaire. L'avocat des défendeurs a soutenu
que ces dispositions sont valides, mais qu'elles ont
tout simplement été mal appliquées dans le cas de
Weatherall.
Pour les raisons que j'ai données, je suis d'avis
que les dispositions pertinentes du Règlement,
c'est-à-dire l'alinéa 41(2)c) et le paragraphe 41(3)
enfreignent la Charte en ce qui concerne les fouil-
les à nu de prisonniers. L'alinéa 41(2)c) confère un
pouvoir très étendu en matière de fouille qui, à
mon avis, tend à autoriser ce qui équivaudrait à
des fouilles à nu «abusives» prévues par l'article 8
de la Charte. Le seul critère exigé pour ce genre de
fouille d'un détenu par un membre du personnel
est que ce dernier doit «considére[r] une telle
mesure raisonnable et nécessaire pour déceler la
présence de contrebande ou pour assurer le bon
ordre au sein d'une institution». On n'exige pas que
cette mesure soit raisonnablement nécessaire à ces
fins, mais il faut seulement qu'un membre du
personnel «considère» qu'elle est raisonnable.
Certes, il n'y aurait pas lieu d'exiger des mandats
dans de telles situations mais le Règlement doit, au
moins dans le cas de fouilles à nu, être plus précis.
Comme je l'ai indiqué plus haut, il pourrait préci-
ser les cas où la fouille à nu peut être effectuée de
façon routinière et d'autres cas où la fouille à nu
générale d'un certain groupe de prisonniers peut
être effectuée exceptionnellement pour faire face à
une situation particulière. De plus, le Règlement
devrait exiger qu'on a des motifs raisonnables et
probables de croire qu'un détenu est en possession
de contrebande ou d'autres articles menaçant la
sécurité de la prison. Dans les cas autres que les
fouilles à nu de routine, le Règlement devrait
exiger expressément qu'un agent principal donne
son autorisation préalable ou qu'il examine soi-
gneusement les motifs et le déroulement de la
fouille une fois qu'elle a eu lieu. On pourrait
évidemment concevoir d'autres formes de garanties
et de restrictions, pour autant qu'elles répondent
aux exigences générales de l'article 8.
En outre, le paragraphe 41(3) est nul parce que,
lorsqu'on le lit en corrélation avec l'alinéa 41(2)c),
il est à première vue discriminatoire en ce qui
concerne les détenus de sexe masculin et de sexe
féminin. Rien dans la preuve ne peut me convain-
cre que cela est conforme à l'article 15 de la
Charte, ou justifiable sous le régime de l'article 1
de la Charte.
De plus, pour les raisons que j'ai déjà énoncées,
je ne crois pas que le Règlement puisse d'une façon
ou de l'autre être sauvé par les restrictions qui
figurent dans les directives du commissaire.
Comme je l'ai dit précédemment, le libellé de ces
restrictions est inadéquat et, ce qui est plus impor
tant, elles n'ont pas force de loi; un détenu ne peut
donc pas invoquer ces restrictions, comme une
règle de droit, pour faire modifier les pouvoirs
étendus de fouille conférés par l'alinéa 41(2)c).
J'estime, par conséquent que l'alinéa 41(2)c) et
le paragraphe 41(3) du Règlement sur le service
des pénitenciers sont nuls en ce qui concerne les
fouilles à nu de détenus.
Je n'ai pas à me prononcer sur les directives du
commissaire, ayant déjà conclu qu'elles n'ont pas
force de loi et qu'elles ne sont d'aucune aide aux
défendeurs.
J'ai également conclu que la présence de gar-
diennes durant la fouille à nu d'un détenu, lorsqu'il
n'y a pas urgence, enfreint l'article 12 de la Charte
parce que c'est un «traitement cruel et inusité»; et
comme le règlement en vigueur ne limite pas cette
pratique aux cas d'urgence, c'est une autre raison
pour laquelle il est nul.
Le demandeur a droit aux frais et dépens.
Compte tenu des répercussions considérables que
cette décision pourrait avoir et comme elle ne peut
maintenant avoir qu'une incidence pratique
minime sur le demandeur, je laisserai à ce dernier
le soin de demander un jugement formel, soit sur
consentement ou, s'il y a lieu, par voie de requête
contestée. Cela permettra aux parties de voir si le
jugement devrait être suspendu en attendant le
pourvoi en appel conformément à la Règle 341A
[Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663
(ajoutée par DORS/79-57)].
Conway
Comme je l'ai déjà expliqué, j'ai conclu que la
plainte de Conway est en grande partie négligeable
et n'entre pas dans le champ d'application de la
Charte. Il en est ainsi de sa plainte au sujet des
fouilles par palpation par des agents du sexe
opposé, et dans une certaine mesure, de sa plainte
au sujet des rondes de surveillance effectuées par
des gardiennes dans les [TRADUCTION] «unités
résidentielles des détenus».
Quant aux fouilles par palpation, je ne peux
conclure que cette pratique est «abusive» au sens
de l'article 8 de la Charte, étant donné la perte
inévitable de la vie privée qui découle implicite-
ment de l'emprisonnement, le bon ordre et les
conditions de sécurité exigés en milieu carcéral,
l'atteinte relativement peu importante à l'intégrité
physique, et le fait d'assurer aux femmes l'accès à
des emplois. Il n'y a aucune preuve, cela n'est
d'ailleurs pas mentionné dans la plainte de
Conway, que les fouilles sont effectuées d'une
manière irrégulière: à son avis, elles sont tout
simplement illégales, quelle que soit la façon dont
elles sont effectuées.
En ce qui concerne les rondes de surveillance
faites par des gardiennes dans les unités résiden-
tielles des détenus, là encore aucune preuve n'indi-
que qu'il y a eu des intrusions importantes dans la
vie privée, si ce n'est la surveillance des cellules
occupées par les détenus. Les témoignages m'ont
convaincu que la pudeur des prisonniers était suffi-
samment respectée dans les douches et en dehors
de leurs cellules et qu'il est donc inutile que je me
prononce sur ces questions. Je suis toutefois arrivé
à la conclusion que dans le contexte du pénitencier
de Collins Bay, l'article 8 de la Charte protège les
prisonniers lorsqu'ils sont dans leur cellule en
empêchant les gardiennes de les observer à l'im-
proviste pour des raisons de sécurité. En évaluant
les intérêts des détenus et ceux de l'établissement,
je suis arrivé à cette conclusion parce que la preuve
ne me convainc pas qu'il est nécessaire, pour des
raisons de sécurité ou pour permettre l'embauche
de gardiennes, que celles-ci observent les détenus
dans leur cellule lorsque cela n'est pas prévu ou
n'est pas au moins précédé d'un avertissement
minimal.
À mon avis, l'application de l'article 15 de la
Charte donne le même résultat. Le programme
d'action positive qui est autorisé par le paragraphe
15(2) et qui a permis à des agents de sexe féminin
de travailler à la prison de Collins Bay, alors qu'il
n'y a pas de gardiens dans les unités résidentielles
de la prison pour femmes à Kingston, justifie,
selon les termes figurant au début du paragraphe
15(2), une atteinte au droit des détenus d'être
traités sur un pied d'égalité, droit qui leur est
conféré par le paragraphe 15(1), lorsqu'une telle
atteinte est raisonnablement nécessaire pour pou-
voir mettre ce programme en oeuvre. Je ne suis pas
convaincu qu'il soit raisonnablement nécessaire
que des gardiennes observent à l'improviste les
cellules des détenus, sauf en cas d'urgence.
Pour les raisons susmentionnées, l'article 28 ren-
force la conclusion à laquelle je suis arrivé en me
fondant sur les articles 8 et 15 et qui déclarait
nulle l'observation à l'improviste de détenus dans
leur cellule par des agents du sexe opposé. Les
droits reconnus par l'article 8 et le paragraphe
15(1) (lorsqu'ils ne sont pas valablement restreints
par le paragraphe 15(2)) doivent être accordés
également aux hommes et aux femmes.
Je statue qu'au pénitencier de Collins Bay, les
gardiennes ne peuvent pas légalement, sauf en cas
d'urgence, observer des détenus dans leur cellule,
lorsque cette observation n'est ni prévue ni précé-
dée d'un avertissement ou d'une annonce.
Conway n'a contesté aucune loi, aucun règle-
ment ni aucune directive du commissaire pouvant
se rapporter à ce sujet, de sorte que je ne me
prononce pas sur l'un ou l'autre d'entre eux. Étant
donné le succès mitigé de la demande, je n'adjuge
aucuns dépens.
Spearman
La procédure applicable à la plainte de Spear-
man est un peu différente. Il s'agit d'une demande
de certiorari en vue d'obtenir l'annulation d'une
déclaration de culpabilité prononcée contre lui par
l'intimé, le tribunal disciplinaire du pénitencier de
Collins Bay. Dans l'avis de requête initial, le
requérant invoque à l'appui de sa demande de
certiorari que le président du tribunal a commis
diverses erreurs de compétence en ne considérant
pas les questions de droit à la protection de la vie
privée et de la discrimination fondée sur le sexe
(qui mettent probablement en jeu la Charte et la
Déclaration canadienne des droits). Il était égale-
ment allégué dans l'avis de requête que le prési-
dent avait commis une erreur de compétence en ne
se demandant pas si le requérant avait réellement
violé un ordre légal lui enjoignant de se soumettre
à une fouille par palpation devant être effectuée
par une gardienne.
Dans son argumentation écrite, l'avocat de
Spearman a invoqué d'autres motifs, prétendant
notamment que lorsque Spearman a plaidé «coupa-
ble avec explication» concernant l'accusation d'in-
fraction à la discipline, le président aurait dû
conclure qu'il s'agissait d'un plaidoyer de «non-cul-
pabilité». Parce que l'avocat du requérant a ainsi
élargi les motifs pour lesquels il attaquait la déci-
sion du tribunal disciplinaire, l'avocat du tribunal
a demandé que le procureur général du Canada
soit mis en cause; cette demande ayant été accep-
tée par le requérant et approuvée par le tribunal,
l'avocat a entrepris de présenter des arguments
pour le compte du procureur général.
En ce qui concerne d'abord ces motifs supplé-
mentaires d'annulation, j'ai lu la transcription de
l'audience devant le tribunal, et j'estime que ces
motifs sont mal fondés et vexatoires. Le fait essen-
tiel est que Spearman a plaidé coupable d'avoir
commis cette infraction. Il a dit exactement ceci:
«coupable avec explication». Son avocat soutient
que ce n'est pas le plaidoyer approprié et que, par
conséquent, il aurait dû être traité comme un
plaidoyer «de non-culpabilité». Dans des procédu-
res disciplinaires de ce genre, on ne peut pas
s'attendre à toute la précision et à tout le forma-
lisme juridique d'un tribunal. On peut donner aux
mots leur signification normale, même s'ils ne
peuvent pas être choisis avec la même précision qui
serait exigée d'un plaidoyer formel en réponse à
une accusation portée aux termes du Code crimi-
nel [S.R.C. 1970, chap. C-34]. Je crois que pour la
plupart des gens, «coupable avec explication» veut
dire que l'accusé reconnaît sa culpabilité, mais
qu'il désire expliquer les circonstances qui pour-
raient contribuer à atténuer la sévérité de la peine.
C'est précisément ce qu'a fait Spearman pendant
l'audience. Je pense que le président du tribunal a
agi raisonnablement en supposant que le requé-
rant, qui avait probablement comparu au moins
une fois devant un tribunal, savait ce qu'il disait
lorsqu'il a employé le terme «coupable». Le dossier
montre que le président a écouté les doléances du
requérant au sujet des fouilles par palpation effec-
tuées par des agents du sexe opposé et lui a
expliqué la façon appropriée de procéder pour faire
changer cette pratique.
Pour ce qui est du droit à la protection de la vie
privée et du droit de ne pas être l'objet de discrimi
nation qui, selon le requérant, auraient dû être pris
en considération, j'ai statué qu'en ce qui concerne
la fouille par palpation, ces «moyens de défense»
sont mal fondés. J'ai conclu que toute intrusion
dans la vie privée, toute inégalité entre les sexes
résultant des fouilles par palpation sont négligea-
bles et n'invalident ni cette pratique ni le Règle-
ment en vertu duquel elles sont exécutées. Par
conséquent, le président du tribunal n'a pas excédé
sa compétence en omettant de tenir compte de ces
éléments. Il n'y avait aucun autre motif de contes-
ter la légitimité de l'ordre auquel Spearman a
désobéi.
Puisque j'ai conclu qu'aucune disposition de la
Charte ou de la Déclaration canadienne des droits
n'empêchait le président de connaître de cette
question et comme le requérant a plaidé coupable
à la suite de l'accusation, il n'y a rien d'autre qui
peut ou doit être fait par voie de certiorari. On
peut soutenir qu'il aurait mieux valu porter une
accusation d'avoir désobéi à un ordre légal plutôt
qu'à un règlement ou à une règle. Comme le
requérant n'a pas soulevé d'objection à cet effet au
cours de l'audience, je n'exercerai pas mon pouvoir
discrétionnaire, en ce qui concerne le bref de cer-
tiorari, qui m'aurait permis d'annuler la déclara-
tion de culpabilité pour cette raison. À mon avis, le
plaidoyer de culpabilité empêche le requérant d'af-
firmer qu'il ne pensait pas qu'un gardien lui avait
donné un ordre, si c'est vraiment ce qu'il affirme
maintenant.
La présente demande est donc rejetée avec
dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.