A-596-87
Lignes Aériennes Canadien Pacifique Ltée, Nor-
dair Inc., Eastern Provincial Airways Ltd. et
Pacific Western Airlines Ltd. et Lignes Aériennes
Canadien Pacifique Ltée faisant affaires sous le
nom Lignes Aériennes Canadien International
(requérantes)
c.
Association canadienne des pilotes de lignes
aériennes, Association du personnel navigant des
lignes aériennes canadiennes (maintenant le Syn-
dicat canadien de la Fonction publique (Transport
aérien)), Association internationale des machinis-
tes et des travailleurs de l'aéroastronautique, sec
tion locale 1999 du Syndicat des Teamsters,
Lignes Aériennes A+ (Nordair Métro), Propair
Inc., Québecair, Québecair Inter, Québec Aviation
Ltée, Conifair Inc., Gestion Conifair Inc., Nolisair
International Inc., (Nationair), Avitair Inc., Pla
cements CMI Inc., Association canadienne des
régulateurs de vols, CPAL-MEC, EPA -MEC,
PWA-MEC, Nordair-MEC, La Fraternité des
commis de chemins de fer, des lignes aériennes et
de navigation, manutentionnaires de fret,
employés de messageries et de gares, R. M.
Sparks, G. A. Moore, D. R. Windealt, C. O.
Ferguson, R. N. Clark, J. Bateman et le procureur
général du Canada (intimés)
A-598-87
Québecair—Air Québec faisant affaires sous le
nom Québecair, Québec Aviation Ltée faisant
affaires sous le nom de Québecair Inter, Conifair
Inc., Gestion Conifair Inc., Lignes Aériennes A+
Inc. faisant affaires sous le nom Nordair Métro
(appelantes)
c.
Association canadienne des pilotes de lignes
aériennes, Association du personnel navigant des
lignes aériennes canadiennes (maintenant le Syn-
dicat canadien de la Fonction publique (Transport
aérien)), Association internationale des machinis-
tes et des travailleurs de l'aéroastronautique, sec
tion locale 1999 du Syndicat des Teamsters
(intimées)
et
Lignes Aériennes Canadien Pacifique Ltée,
Lignes Aériennes Canadien International, Nordair
Inc., Propair Inc., Eastern Provincial Airways
Ltd., Nolisair International Inc. faisant affaires
sous le nom Nationair, Association canadienne des
régulateurs de vols, CPAL-MEC, Fraternité des
commis de chemins de fer, des lignes aériennes
et de navigation, manutentionnaires de fret,
employés de messageries et de gares, Nordair-
MEC, EPA -MEC, PWA-MEC, R. M. Sparks,
G. H. Moore, D. R. Windeatt, C. G. Ferguson,
R. N. Clark, J. Bateman, Avitair Inc., Placements
C.M.I. Inc. et procureur général du Canada
(mis-en-cause)
A-608-87
Nolisair International Inc. faisant affaires sous le
nom de Nationair (requérante)
c.
Association canadienne des pilotes de lignes
aériennes, Association du personnel navigant des
lignes aériennes canadiennes (maintenant le Syn-
dicat canadien de la Fonction publique (Transport
aérien)), Association internationale des machinis-
tes et des travailleurs de l'aéroastronautique, sec
tion locale 1999 du Syndicat des Teamsters
(intimées)
et
Québecair—Air Québec faisant affaires sous le
nom Québecair, Québec Aviation Ltée faisant
affaires sous le nom de Québecair Inter, Conifair
Inc., Gestion Conifair Inc., Lignes Aériennes A+
Inc. faisant affaires sous le nom Nordair Métro,
Lignes Aériennes Canadien Pacifique Ltée,
Lignes Aériennes Canadien International, Nordair
Inc., Propair Inc., Eastern Provincial Airways
Ltd., Association canadienne des régulateurs de
vols, CPAL-MEC, Fraternité des commis de che-
mins de fer, des lignes aériennes et de navigation,
manutentionnaires de fret, employés de message-
ries et de gares, Nordair-MEC, EPA -MEC,
PWA-MEC, R. M. Sparks, G. H. Moore, D. R.
Windeatt, C. G. Ferguson, R. N. Clark, J. Bate-
man, Avitair Inc., Placements C.M.I. Inc. et pro-
cureur général du Canada (mis-en-cause)
RÉPERTORIÉ: LIGNES AÉRIENNES CANADIEN PACIFIQUE LTÉE
C. A.C.P.L.A.
Cour d'appel, juges Hugessen, Lacombe et Desjar-
dins—Montréal, 22 janvier; Ottawa, 28 janvier
1988.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Ordonnance
du Conseil canadien des relations du travail visant le dépôt de
documents avant l'audition de la demande de modification de
certaines accréditations — Rejet des requêtes en annulation
des demandes fondées sur l'art. 28 — L'ordonnance visant la
production de documents est un acte judiciaire — L'ordon-
nance est expressément visée par l'art. 28 car elle a été rendue
à l'occasion de procédures — Distinction établie entre «déci-
sions» et «ordonnances» — Signification du mot «ordonnance»
à l'art. 28 — L'ordonnance a été rendue en vertu des pouvoirs
conférés au Conseil à l'art. 118a) et f) du Code — Des droits et
obligations juridiques découlent de l'ordonnance.
Compétence de la Cour fédérale — Division d'appel —
Demande d'examen de l'ordonnance par laquelle le Conseil
canadien des relations du travail exigeait le dépôt de docu
ments avant l'audition de la demande de modification des
accréditations — La compétence visée à l'art. 28 ne se limite
pas à l'examen des actes qu'un tribunal a faits à un stade
particulier des procédures.
Pratique — Parties — Qualité pour agir — Le Conseil
canadien des relations du travail n'a pas qualité pour agir
dans le cadre de l'audition de la requête en annulation de son
ordonnance — Il est contraire à l'intérêt public de permettre à
un tribunal de prendre partie dans une action en justice entre
des parties à une procédure dont il est saisi.
Il s'agit d'une requête en annulation des demandes d'annula-
tion de l'ordonnance par laquelle le Conseil canadien des
relations du travail exigeait le dépôt de renseignements concer-
nant les compagnies employeuses qui lui étaient nécessaire pour
établir s'il y avait lieu de modifier certaines accréditations. Il a
été soutenu que l'ordonnance contestée était une ordonnance
purement administrative qui n'est pas légalement soumise à un
processus judiciaire ou quasi judiciaire. Ce moyen repose sur la
suggestion, dans une décision de la Division de première ins
tance de la Cour fédérale, qu'une ordonnance visant la produc
tion de documents est une question purement administrative. Il
a été soutenu, en second lieu, qu'il ne s'agit pas d'une décision
ou ordonnance au sens accordé à ces termes au paragraphe
28(1) de la Loi sur la Cour fédérale. Cet argument repose sur
la jurisprudence selon laquelle on ne peut invoquer l'article 28
pour demander l'examen de «décisions» préliminaires ou inci-
dentes qu'un tribunal n'est pas expressément autorisé à rendre
par la loi, mais qui peuvent s'imposer à lui au cours de
procédures menant à la décision finale. Il fallait aussi régler la
question préliminaire de savoir si le Conseil avait qualité pour
agir relativement à la requête en annulation.
Arrêt: les requêtes devraient être rejetées.
Le Conseil n'a pas qualité pour agir puisqu'il n'a pas d'inté-
rêt relativement à des questions qui ont trait strictement à la
compétence de la Cour fédérale pour examiner les ordonnances
du Conseil. Il serait contraire à l'intérêt public de permettre à
un tribunal de prendre partie dans une action en justice entre
des parties à une procédure dont il est saisi.
Depuis qu'a été rendue la décision de la Division de première
instance sur laquelle se sont appuyées les requérantes, la Cour
suprême du Canada a statué que l'exercice du pouvoir légal de
contraindre des personnes à témoigner et à produire des docu
ments, même exercé par des organismes administratifs, est un
acte judiciaire.
L'ordonnance en question a été rendue «à l'occasion de
procédures» et elle peut donc expressément faire l'objet de
l'examen visé au paragraphe 28(I). Presque toute la jurispru
dence mentionnée à l'appui du second moyen visait des «déci-
sions» plutôt que des «ordonnances». La Cour a souvent pris
soin de souligner la distinction et de bien dire que des considé-
rations tout à fait différentes s'appliqueraient aux demandes
d'annulation d'une ordonnance. Le mot «ordonnance», à l'arti-
cle 28, se rapporte aux affirmations que la loi autorise expressé-
ment un tribunal à prononcer et qui prennent effet immédiate-
ment pour contraindre une personne à faire ou ne pas faire
quelque chose. Normalement, une ordonnance ne peut être
annulée ni rectifiée par la décision finale du tribunal qui l'a
rendue. En outre, la Cour suprême du Canada a souligné
récemment que la compétence conférée à la Cour d'appel
fédérale par l'article 28 ne se limite pas à l'examen des actes
qu'un tribunal a faits à un stade particulier de l'étude de la
question dont il est saisi: Syndicat des employés de production
du Québec et de l'Acadie c. Conseil canadien des relations du
travail et autres.
Si l'on applique le critère à deux volets énoncé dans l'arrêt
Anheuser-Busch, il appert que l'ordonnance était 1) clairement
de celles que le Conseil avait le pouvoir de rendre en vertu des
alinéas 118a) et f) du Code du travail, et 2) il s'agissait d'une
ordonnance d'où découlaient des droits ou obligations juridi-
ques. Il fallait s'y conformer sur-le-champ. Quelle que soit
l'issue finale des procédures, les requérantes étaient tenues de
faire quelque chose qui, dans l'éventualité où l'ordonnance
aurait été rendue en l'absence de la compétence nécessaire, ne
saurait jamais être corrigé. En outre, l'ordonnance, si elle est
déposée à la Cour, acquiert la même force et le même effet que
les jugements de la Cour, le refus de se conformer à une
ordonnance fondée sur l'alinéa 118a) pouvant donner lieu à des
procédures pénales selon l'article 192 du Code.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art.
118 (mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. 1), 119 (mod.,
idem), 123 (mod. par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 43),
133 (mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. I ), 144 (mod.,
idem), 192 (édicté, idem).
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap.
10, art. 28.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d'Edmonton,
[1979] 1 R.C.S. 684; Vancouver Wharves Ltd. c. Section
locale 514 du Syndicat international des débardeurs et
magasiniers (1985), 60 N.R. 118 (C.A.F.); Procureur
général (Qué.) et Keable c. Procureur général (Can.) et
autre, [1979] 1 R.C.S. 218; Commission des droits de la
personne c. Procureur général du Canada et autre,
[ 1982] I R.C.S. 215; Anheuser-Busch, Inc. c. Carling
O'Keefe Breweries of Canada Limited, [1983] 2 C.F. 71
(C.A.); Syndicat des employés de production du Québec
et de l'Acadie c. Conseil canadien des relations du
travail et autres, [1984] 2 R.C.S. 412.
DÉCISIONS CITÉES:
Transportaide Inc. c. Conseil canadien des relations du
travail, [1978] 2 C.F. 660 (1« inst.); National Indian
Brotherhood c. Juneau (N° 2), [1971] C.F. 73 (C.A.);
Procureur général du Canada c. Cylien, [1973] C.F.
1166 (C.A.); B.C. Packers Ltd. c. Conseil canadien des
relations du travail, [1973] C.F. 1194 (C.A.); Loi anti-
dumping (In re) et in re Danmor Shoe Co. Ltd., [1974] 1
C.F. 22 (C.A.).
AVOCATS:
R. Bruce Pollock et Frederick R. von Veh,
c.r. pour les requérantes Lignes Aériennes
Canadien Pacifique Ltée, Nordair Inc., Eas
tern Provincial Airways Ltd. et Pacific Wes
tern Airlines Ltd. et Lignes Aériennes Cana-
dien Pacifique Ltée faisant affaires sous le
nom Lignes Aériennes Canadien Internatio
nal.
John T. Keenan et Linda Thayer pour l'inti-
mée Association canadienne des pilotes de
lignes aériennes.
Luc Beaulieu et Manon Savard pour les inti-
mées Québecair—Air Québec, Québec Avia
tion Ltée, Conifair Inc., Gestion Conifair Inc.,
Lignes Aériennes A+ Inc.
Théodore Goloff pour l'intimée Nolisair
International Inc. (Nationair).
Louis Crête pour le Conseil canadien des
relations du travail.
Personne n'a comparu pour CPAL-MEC.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Toronto, pour les requé-
rantes Lignes Aériennes Canadien Pacifique
Ltée, Nordair Inc., Eastern Provincial Air
ways Ltd. et Pacific Western Airlines Ltd. et
Lignes Aériennes Canadien Pacifique Ltée
faisant affaires sous le nom Lignes Aériennes
Canadien International.
Gravenor, Keenan, Montréal, pour l'intimée
Association canadienne des pilotes de lignes
aériennes.
Ogilvy, Renault, Montréal, pour les intimées
Québecair—Air Québec, Québec Aviation
Ltée, Conifair Inc., Gestion Conifair Inc.,
Lignes Aériennes A+ Inc.
Goloff & Boucher, Montréal, pour l'intimée
Nolisair International Inc. (Nationair).
Clarkson, Tétrault, Montréal pour le Conseil
canadien des relations du travail.
Jordan & Gall, Vancouver, pour l'intimée
CPAL-MEC.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HUGESSEN: L'intimée l'Association
canadienne des pilotes de lignes aériennes (ACPLA)
requiert l'annulation des demandes fondées sur
l'article 28 déposées par les requérantes à l'encon-
tre d'une ordonnance du Conseil canadien des
relations du travail en date du 13 juillet 1987.
L'affaire trouve son origine dans les procédures
que ACPLA a engagées devant le Conseil conformé-
ment aux articles 119 [mod. par S.C. 1972, chap.
18, art. 1], 133 [mod., idem] et 144 [mod., idem]
du Code canadien du travail'. ACPLA a tenté de
porter à la connaissance du Conseil diverses réor-
ganisations internes et d'autres arrangements et de
déclarer que ces mesures constituaient une «vente»
de l'entreprise ou, subsidiairement, que les sociétés
touchées constituaient un «employeur unique»; le
Conseil a été prié de modifier en conséquence
certaines accréditations en vigueur. Le Conseil n'a
encore tenu aucune audience relativement à la
demande de ACPLA. Au cours de l'enquête à
laquelle il a procédé préalablement à la tenue
d'une audience, le Conseil a cherché certains ren-
seignements au sujet des sociétés employeuses.
L'ordonnance du 13 juillet 1987 ordonne que les
requérantes
... déposent auprès du Conseil d'ici le 31 juillet 1987 les
renseignements et les documents énumérés en regard de leur
nom respectif à l'Annexe «A» ...
C'est l'ordonnance qui fait l'objet des procédures
fondées sur l'article 28 lesquelles, à leur tour, font
l'objet des requêtes en annulation.
À l'audition des requêtes en annulation, l'avocat
du Conseil a demandé à faire des observations.
Nous avons indiqué qu'à notre avis, il n'y avait pas
lieu dans une affaire comme la présente de donner
qualité pour agir au tribunal dont l'ordonnance est
contestée. Après avoir entendu l'avocat du Conseil
' S.R.C. 1970, chap. L-1.
sur la question de son droit d'être entendu, nous
avons confirmé notre opinion préliminaire et nous
lui avons refusé qualité pour agir. Si l'on veut se
référer à la jurisprudence, on peut consulter la
décision que la Cour suprême du Canada a rendue
dans l'affaire Northwestern Utilities Ltd. et autre
c. Ville d'Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684, et la
décision de notre Cour dans l'affaire Vancouver
Wharves Ltd. c. Section locale 514 du Syndicat
international des débardeurs et magasiniers
(1985), 60 N.R. 118. Bien que l'on puisse recon-
naître l'intérêt, et par conséquent la qualité pour
agir, d'un tribunal lorsqu'il s'agit de faire des
observations sur la question de sa propre compé-
tence dans un sens restreint, il ne peut posséder un
tel intérêt relativement à des questions qui ont
trait strictement à la compétence de cette Cour
pour examiner les ordonnances qu'il a rendues. Il y
va tout à fait de l'intérêt public de refuser à un
tribunal le droit de prendre partie dans une action
en justice entre des parties à une procédure dont il
est saisi.
À l'appui des requêtes en annulation, l'avocat de
ACPLA a fait valoir deux moyens. Tout d'abord, il
affirme que l'ordonnance du 13 juillet 1987 est une
ordonnance purement administrative «qui n'est pas
légalement soumise à un processus judiciaire ou
quasi judiciaire».
Deuxièmement, il soutient qu'il ne s'agit pas, en
tout état de cause, d'une décision ou ordonnance
au sens accordé à ces termes au paragraphe 28(1)
de la Loi sur la Cour fédérale 2 .
Il peut être statué rapidement sur le premier
moyen. Il repose largement sur la suggestion, dans
une décision de la Division de première instance,
qu'une ordonnance visant la production de docu
ments est une question purement administrative
(voir Transportaide Inc. c. Conseil canadien des
relations du travail, [1978] 2 C.F. 660, la page
670). Depuis cette décision, toutefois, il a été
statué par l'instance suprême que l'exercice du
pouvoir légal de contraindre des personnes à
témoigner et à produire des documents, même
exercé par des organismes administratifs, est un
acte judiciaire. (Voir Procureur général (Qué.) et
Keable c. Procureur général (Can.) et autre,
2 S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap. 10.
[1979] 1 R.C.S. 218, la page 225, et Commis
sion des droits de la personne c. Procureur général
du Canada et autre, [1982] 1 R.C.S. 215, la
page 221).
Le deuxième moyen de l'avocat de ACPLA repose
sur la jurisprudence bien connue de cette Cour
selon laquelle on ne peut invoquer l'article 28 pour
demander l'examen de «décisions» préliminaires ou
incidentes qu'un tribunal n'est pas expressément
autorisé à rendre par la loi mais qui peuvent
s'imposer à lui au cours de procédures menant à la
décision finale. (Voir les arrêts National Indian
Brotherhood c. Juneau (N° 2), [1971] C.F. 73
(C.A.); Procureur général du Canada c. Cylien,
[1973] C.F. 1166 (C.A.); B.C. Packers Ltd. c.
Conseil canadien des relations du travail, [1973]
C.F. 1194 (C.A.); Loi antidumping (In re) et in re
Danmor Shoe Co. Ltd., [1974] 1 C.F. 22 (C.A.)).
On peut trouver un résumé fréquemment cité de
cette jurisprudence dans les motifs que mon collè-
gue le juge Heald a donnés dans l'affaire Anheu-
ser-Busch, Inc. c. Carling O'Keefe Breweries of
Canada Limited, [1983] 2 C.F. 71 (C.A.), à la
page 75:
D'après cette jurisprudence, la Cour d'appel fédérale a compé-
tence pour examiner, en vertu de l'article 28, seulement les
ordonnances ou décisions finales, finales en ce sens que la
décision ou ordonnance en question est celle que le tribunal a le
pouvoir de rendre, et d'où découlent des droits ou obligations
juridiques. Cette jurisprudence précise que la Cour n'examinera
pas la myriade de décisions ou ordonnances habituellement
rendues à l'égard de questions normalement soulevées au cours
d'une période antérieure à cette décision finale.
Bien que je n'entende nullement amoindrir l'ef-
fet et l'autorité de ces décisions, je suis d'avis
qu'elles ne régissent pas l'issue de ces procédures
de façon à nous forcer à annuler les demandes
fondées sur l'article 28. Au contraire, j'estime que
l'espèce constitue un exemple classique du genre
d'ordonnances rendues «à l'occasion de procédures»
dont le paragraphe 28(1) dit expressément qu'elles
peuvent faire l'objet d'un examen.
En premier lieu, je constate que presque toute
l'ancienne jurisprudence mentionnée plus haut
visait des «décisions» (qui pouvaient être des décla-
rations ou des affirmations) plutôt que des «ordon-
nances». Dans la plupart des cas, la Cour a pris
soin de souligner la distinction et de bien dire que
«des considérations tout à fait différentes s'appli-
queraient» aux demandes d'annulation d'une
ordonnance'.
Si je ne me trompe, le mot «ordonnance», inter-
prété dans le contexte de l'article 28 de la Loi sur
la Cour fédérale, se rapporte aux affirmations que
la loi autorise expressément un tribunal à pronon-
cer et qui prennent effet immédiatement pour
contraindre une personne à faire ou ne pas faire
quelque chose. Normalement, une ordonnance ne
peut être annulée ni rectifiée par la décision finale
du tribunal qui l'a rendue. A cet égard, elle se
distingue nettement des types de «décisions» en
cause dans les arrêts cités.
Deuxièmement, il me semble que la Cour
suprême du Canada a souligné récemment que la
compétence conférée à notre Cour par l'article 28
ne se limite pas, en principe, à l'examen des actes
qu'un tribunal a faits à un stade particulier de
l'étude de la question dont il est saisi. Avec défé-
rence, je trouve particulièrement significatifs les
propos du juge Beetz lorsqu'il s'est exprimé au
nom de la Cour dans l'arrêt Syndicat des
employés de production du Québec et de l'Acadie
c. Conseil canadien des relations du travail et
autres, [1984] 2 R.C.S. 412, aux pages 438 et 439:
Il me paraît que si l'erreur juridictionnelle comprend celle
qui porte sur la compétence initiale d'un tribunal administratif
qui ouvre une enquête et sur son pouvoir de trancher par voie
de déclaration la question qui lui est soumise, à fortiori s'étend-
elle aux dispositions qui lui attribuent le pouvoir d'ajouter à sa
décision finale des ordonnances destinées à donner suite à son
enquête et à rendre des déclarations efficaces par des injonc-
tions et autres mesures de redressement comme celles des al. a)
à d) de l'art. 182. Je ne vois pas en vertu de quelle logique on
limiterait à l'étape initiale la possibilité d'erreur juridictionnelle
d'un tribunal administratif si ce dernier pouvait errer et excéder
impunément sa compétence à l'étape de la conclusion qui
constitue l'aboutissement de son enquête et son but ultime.
Il en va généralement de même à mon avis pour les erreurs
portant sur les pouvoirs exécutoires sinon déclaratoires que le
Conseil exerce en cours d'enquête comme celui d'interroger des
témoins, d'exiger la production de documents, de pénétrer dans
les locaux d'un employeur, etc., que lui confère l'art. 118 du
Code. Si étendus que soient ces pouvoirs, ils ne vont pas jusqu'à
donner par exemple au Conseil la faculté de punir pour
outrage. Ce pouvoir continue à relever de la Cour fédérale
comme le prescrit l'art. 123 relatif à l'enregistrement du dispo-
sitif des ordonnances et décisions du Conseil en Cour fédérale.
Cet article renvoie expressément à l'art. 28 de la Loi sur la
Cour fédérale dont il sauvegarde l'application. L'article 123
suppose donc implicitement qu'une erreur juridictionnelle est
susceptible de se commettre à toutes les étapes d'une enquête
tenue par le Conseil.
3 Voir notamment l'arrêt Danmor Shoe, susmentionné, note
en bas de page numéro 5 à la page 30; voir aussi l'arrêt B.C.
Packers, susmentionné, note en bas de page numéro 1, à la p.
1199.
D'ailleurs, comme je l'ai déjà indiqué, ce n'est pas l'erreur
comme telle que vise l'al. 28(1)a) de la Loi sur la Cour
fédérale mais, abstraction faite de toute erreur, l'excès de
compétence ou le refus de l'exercer c'est-à-dire, l'exercice par
un tribunal administratif d'un pouvoir que la loi lui dénie ou le
refus d'exercer un pouvoir que la loi lui impose. Or l'alinéa
28(1)a) ne distingue pas entre les types d'excès de pouvoir, les
étapes de l'enquête où ils se produisent et les circonstances qui
en sont la cause. Il vise tous les excès de pouvoirs. Il n'y a donc
pas lieu de distinguer là où l'al. 28(1)a) ne distingue pas entre,
d'une part, l'excès de compétence ratione materiae commis dès
l'ouverture d'une enquête, résultant ou non d'une erreur, et,
d'autre part, celui qui se produit en cours d'enquête ou lors de
la conclusion d'une enquête et des ordonnances de redressement
qui sont jointes à la conclusion, et ce, quand même le tribunal
administratif est compétent ratione materiae. [Soulignements
ajoutés.]
J'en reviens aux propos du juge Heald dans
l'arrêt Anheuser-Busch, précité. On y trouve deux
questions:
1. L'ordonnance attaquée est-elle de celles «que
le tribunal a le pouvoir de rendre»?
2. Est-elle une ordonnance «d'où découlent des
droits ou obligations juridiques»?
À mon avis, il faut clairement, en l'espèce,
répondre à ces deux questions par l'affirmative.
Selon les termes mêmes de l'ordonnance du
Conseil, celle-ci se fonde sur les pouvoirs conférés
au Conseil aux alinéas a) et f) de l'article 118
[mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. 1]. Il s'agit de
l'exercice allégué d'une compétence prévue par la
loi, et donc normalement susceptible d'examen
judiciaire par cette Cour.
La réponse à la seconde question ne saurait, elle
non plus, faire aucun doute. Par son libellé même,
l'ordonnance du Conseil exige que l'on s'y con-
forme sur-le-champ. Quelle que soit l'issue finale
des procédures devant le Conseil, les personnes
visées par l'ordonnance seront tenues de faire quel-
que chose qui, dans l'éventualité où l'ordonnance
aurait été rendue en l'absence de la compétence
nécessaire, ne saurait jamais être corrigé. En
outre, l'ordonnance, si elle est déposée à la Divi
sion de première instance de la Cour conformé-
ment à l'article 123 du Code [mod. par S.C.
1977-78, chap. 27, art. 43], acquiert la même force
et le même effet que les jugements de cette Cour,
le refus de s'y conformer pouvant donner lieu à des
procédures pour outrage au tribunal°.
Finalement, on peut à cet égard renvoyer à
l'article 192 [édicté par S.C. 1972, chap. 18, art.
1] du Code, qui sanctionne de peines distinctes le
refus de se conformer à certaines ordonnances
comme celle en cause dont il est allégué qu'elle a
été rendue en vertu de l'alinéa 118a).
Avant de terminer, je souhaite simplement ajou-
ter que je suis parfaitement conscient des considé-
rations, découlant de principes directeurs, qui ont
dicté et dictent toujours à cette Cour une attitude
prudente dans l'exercice de son pouvoir de surveil
lance aux stades intermédiaires des procédures qui
se déroulent devant le tribunal concerné. Les fins
de la justice ne sont pas servies lorsque des parties
qui ne veulent pas comparaître devant un tribunal
disposent de simples moyens dilatoires et frustra-
toires. Cette Cour s'est toujours montrée sensible à
ce problème et désireuse d'expédier les affaires
lorsque cela semble nécessaire. Bien que la Cour
puisse agir de sa propre initiative dans certains cas
et qu'elle le fasse, les parties directement concer-
nées sont normalement beaucoup mieux placées
pour indiquer à la Cour les cas où une audition
expéditive est indiquée. En l'espèce, les procédures
fondées sur l'article 28 sont pendantes depuis juil-
let 1987. Sans vouloir d'aucune façon préjuger la
question, j'aurais cru que la documentation néces-
saire pour régler les points litigieux ayant trait au
bien-fondé des demandes serait relativement peu
volumineuse et facile à réunir. Les avocats
auraient mieux fait de s'employer à présenter une
requête en vue d'obtenir des directives sur la cons
titution de l'affaire, un calendrier relatif à
l'échange des mémoires et la date de l'audience, ce
qui nous aurait presque certainement permis de
rendre un jugement final dans cette affaire depuis
longtemps. Bien que le temps perdu ne puisse être
récupéré, il me semble que la requête susmention-
née serait encore indiquée.
Pour les motifs que j'ai donnés, je rejetterais les
requêtes en annulation.
LE JUGE LACOMBE: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE DESJARDINS: Je souscris à ces motifs.
° La documentation qui accompagne ces requêtes montre que
le Conseil a été prié de déposer son ordonnance à la Cour en
application de l'article 123. A l'audience, l'avocat du Conseil a
laissé entendre que le dépôt n'avait pas encore été effectué;
toutefois, rien ne s'oppose à ce qu'il se fasse à une date future.
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