T-2002-86
Robert David Michael Edward Young (deman-
deur)
c.
Wilma Melrose Hubbert (également connue sous
le nom de Wilma Melrose Topp) (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: YOUNG c. HUBBERT
Division de première instance, juge Strayer—
Edmonton, 23 juin; Ottawa, 2 juillet 1987.
Compétence de la Cour fédérale — Division de première
instance — Divorce — La Cour n'a pas compétence pour faire
exécuter une ordonnance de garde — L'ordonnance, qui a été
prononcée par une cour supérieure provinciale avant l'abroga-
tion de l'ancienne Loi sur le divorce, a été déposée à la Cour
fédérale après l'entrée en vigueur en 1986 de la nouvelle Loi
sur le divorce — L'enregistrement demandé ne constitue pas
une «actio[n] engagée] ... et sur l[ajquell[e] il n'a pas été
définitivement statué» avant l'abrogation de la Loi et ce, au
sens de l'art. 34 de la nouvelle Loi — L'enregistrement consti-
tue une nouvelle action visant à obtenir l'exécution de l'ordon-
nance — L'expression «auprès de tout tribunal d'une province»
figurant à l'art. 20 exclut la Cour fédérale — Cette dernière ne
figure pas à l'art. 2 et elle n'a pas non plus été désignée par le
lieutenant-gouverneur en conseil «comme tribunal pour l'ap-
plication de la présente loi».
Droit matrimonial — Demande visant à obtenir l'exécution
d'une ordonnance de garde — Le jugement conditionnel de
divorce ainsi que le jugement irrévocable ont été prononcés par
la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta — L'ordonnance de
garde a été prononcée par la Cour suprême de l'Ontario en
vertu de l'ancienne Loi sur le divorce — L'ordonnance a été
déposée devant la Cour fédérale après l'entrée en vigueur en
1986 de la nouvelle Loi sur le divorce — En vertu de l'an-
cienne Loi, la Cour fédérale était habilitée à enregistrer et à
faire exécuter des ordonnances de garde — L'économie de la
nouvelle Loi ne prévoit pas l'enregistrement auprès de la Cour
fédérale — L'expression «auprès de tout tribunal d'une pro
vince» figurant à l'art. 20 exclut la Cour fédérale — L'enre-
gistrement demandé constitue une nouvelle action visant à
obtenir l'exécution de l'ordonnance — La Cour suprême de
l'Ontario a exercé sa compétence parens patriae en accordant
l'ordonnance.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de 1985 sur le divorce, S.C. 1986, chap. 4, art. 2, 20,
34, 35.
Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23, art. 28.
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap.
10, art. 3.
Loi sur le divorce, S.R.C. 1970, chap. D-8 (abrogée par
S.C. 1986, chap. 4), art. 2, 5, 11, 15.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
1087.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS CITÉES:
Hegg v. Hegg and Plautz (1973), 12 R.F.L. 385
(C.S.C.-B.); O'Neill v. O'Neill (1971), 19 D.L.R. (3d)
731 (C.S.N.-É.); Papp v. Papp, [1976] 5 W.W.R. 673
(B.R. Sask.); Eccles v. Van Duin (1978), 84 D.L.R. (3d)
406 (H.C. Ont.); Bourgeois v. Bourgeois (1984), 43
R.F.L. (2d) 399 (B.R. Man.).
A COMPARU:
R. D. M. E. Young pour son propre compte.
AVOCAT:
Wayne S. Alford pour la défenderesse.
PROCUREURS:
M'Lennan Ross, Edmonton, pour la défende-
resse.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER: Il s'agit en l'espèce d'une
demande visant à obtenir l'exécution d'une ordon-
nance prononcée par la Cour suprême de l'Ontario
le 13 juin 1984 relativement à la garde des enfants
des parties aux présentes. Par suite d'une ordon-
nance du juge Martin en date du 27 janvier 1987,
l'avocat de l'intimée (la «défenderesse» dans l'inti-
tulé de la cause) a obtenu l'autorisation de déposer
un acte de comparution conditionnelle afin de
contester le pouvoir de cette Cour de faire exécuter
une telle ordonnance de la Cour suprême de
l'Ontario.
L'un des motifs avancés par l'intimée (la «défen-
deresse») pour justifier l'incompétence de cette
Cour est que le législateur n'a pas prévu dans
l'ancienne Loi sur le divorce, S.R.C. 1970, chap.
D-8, l'exécution par l'intermédiaire de la Cour
fédérale des ordonnances de garde prononcées en
vertu de ladite Loi. Je ne suis pas d'accord avec
cette prétention. L'article 11 de la Loi prévoit que
le tribunal qui accorde le divorce, habituellement
une cour supérieure d'une province (bien que l'ar-
ticle 5 de la Loi prévoie expressément que, dans
certains cas précis, le divorce peut être accordé par
la Cour fédérale), peut rendre une ordonnance de
garde au moment où il prononce un jugement
conditionnel. L'article 15 porte qu'une ordonnance
rendue en vertu de l'article 11 «peut être enregis-
trée à toute autre cour supérieure au Canada». Je
suis convaincu que la Cour fédérale est visée par
l'expression «cour supérieure» figurant à cet arti
cle. A l'article 2, l'ancienne Loi sur le divorce
définit le mot «tribunal» en ce qui concerne «une
province» en utilisant les noms des diverses cours
supérieures des provinces. L'expression «cour supé-
rieure» n'est toutefois pas définie dans la Loi et il
faut présumer que, lorsqu'elle est employée, elle
est censée avoir un sens différent de celui du mot
«tribunal» défini à l'article 2. Comme la Loi ne
définit pas l'expression «cour supérieure», il faut en
chercher une définition ailleurs. L'article 28 de la
Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23,
porte que l'expression «cour supérieure» s'entend
notamment de la Cour fédérale du Canada. En
outre, l'article 3 de la Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, prévoit que la
Cour fédérale «demeure une cour supérieure d'ar-
chives». L'effet global de ces dispositions était
qu'une ordonnance de garde prononcée accessoire-
ment à un jugement conditionnel de divorce par
une cour supérieure d'une province pouvait être
enregistrée au greffe de la Cour fédérale du
Canada et mise à exécution de cette manière par-
tout au Canada. La Règle 1087 des Règles de la
Cour fédérale [C.R.C., chap. 663] prévoit expres-
sément l'enregistrement des ordonnances de ce
genre.
L'avocat de l'intimée a allégué que l'ordonnance
dont on demande l'exécution en l'espèce n'est pas
visée par l'article 11 de l'ancienne Loi. Je suis
d'accord avec lui. Selon l'affidavit du requérant, le
jugement conditionnel de divorce a été prononcé le
25 mai 1981 par la Cour du Banc de la Reine de
l'Alberta qui a également prononcé le jugement
irrévocable. Le jugement conditionnel contenait
des dispositions quant à la garde des enfants.
L'ordonnance rendue par la Cour suprême de
l'Ontario en 1984 reposait sur un protocole de
règlement signé par les parties et il semble que ce
protocole, qui a été homologué par l'ordonnance,
ait modifié les arrangements prévus quant à la
garde dans le jugement conditionnel. Toutefois,
cette ordonnance ne semble pas prétendre modifier
le jugement conditionnel et, en fait, elle confirme
l'engagement pris par les parties d'obtenir [TRA-
DUCTION] «des ordonnances des tribunaux compé-
tents en Alberta et en Colombie-Britannique», une
allusion probable dans le cas de la Cour de l'Al-
berta au fait que celle-ci demeure compétente pour
modifier son propre jugement conditionnel. Le
requérant affirme dans son affidavit que la Cour
de l'Ontario a exercé sa [TRADUCTION] «compé-
tence parens patriae» en accordant l'ordonnance.
Je suis convaincu que c'est ce qui s'est produit. En
fait, la Cour de l'Ontario n'avait aucune autre
compétence en la matière que celle qu'elle tient des
lois provinciales et de son rôle de parens patriae.
Le paragraphe 11(2) de l'ancienne Loi sur le
divorce, sur le fondement de laquelle l'ordonnance
de garde originale a été prononcée, portait qu'une
ordonnance de ce genre «peut être modifiée à
l'occasion ... par le tribunal qui l'a rendue». Il
semble bien établi que le tribunal d'une autre
province ne peut modifier une telle ordonnance,
bien qu'il puisse, lorsque l'enfant ou les enfants
concernés se trouvent dans son aire géographique
de compétence, rendre relativement à la garde de
nouvelles ordonnances qui ont le même effet
qu'une modification de l'ordonnance de garde
antérieure rendue conformément à l'article 11 de
la Loi sur le divorce'. C'est pourquoi l'ordonnance
de la Cour suprême de l'Ontario n'était pas desti
née, et n'aurait pu légalement l'être, à modifier
l'ordonnance de garde originale rendue par la
Cour du Banc de la Reine de l'Alberta. Il ne
s'agissait donc pas d'une ordonnance prévue à
l'article 11 de l'ancienne Loi sur le divorce ni, par
conséquent, d'une ordonnance prévue à l'article 15
de cette Loi, enregistrable à une autre cour supé-
rieure comme la Cour fédérale du Canada.
De toute façon, il me semble qu'à la date à
laquelle cette ordonnance a été déposée à la Cour
fédérale, c'est-à-dire le 28 août 1986, il n'était plus
possible de recourir à la procédure prévue à l'arti-
cle 15 de l'ancienne Loi sur le divorce. En effet, la
Loi de 1985 sur le divorce, S.C. 1986, chap. 4, qui
est entrée en vigueur le l er juin 1986, a abrogé
l'ancienne Loi sur le divorce. L'article 34 de la
nouvelle Loi porte:
34. Les actions engagées sous le régime de la Loi sur le
divorce avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi et
sur lesquelles il n'a pas été définitivement statué avant cette
' Voir, par exemple, Hegg v. Hegg and Plautz (1973), 12
R.F.L. 385 (C.S.C.-B.); O'Neill v.' O'Neill (1971), 19 D.L.R.
(3d) 731 (C.S.N.-E.); Papp v. Papp, [1976] 5 W.W.R. 673
(B.R. Sask.); Eccles v. Van Duin (1978), 84 D.L.R. (3d) 406
(H.C. Ont.); et Bourgeois v. Bourgeois (1984), 43 R.F.L. (2d)
399 (B.R. Man.).
date sont instruites, et il en est décidé, conformément à la Loi
sur le divorce, en son état avant la même date, comme si elle
n'avait pas été abrogée.
Il subsiste quelques doutes sur ce point, mais
l'enregistrement de cette ordonnance ne semble
pas constituer une «actio[n] engagé[e] ... et sur
l[a]quell[e] il n'a pas été définitivement statué»
avant l'abrogation de la Loi. La tentative d'en-
registrement en août 1986 d'une ordonnance pro-
noncée en juin 1984 semblerait constituer une
nouvelle action visant à obtenir l'exécution de
ladite ordonnance. Une telle interprétation serait
compatible avec l'article 35 de la nouvelle Loi qui
permet que les ordonnances de garde rendues en
vertu de l'ancienne Loi soient exécutées conformé-
ment aux dispositions de la nouvelle Loi. En outre,
je ne crois pas que l'ordonnance en cause pourrait
être enregistrée auprès de notre Cour suivant les
dispositions de la nouvelle Loi. La seule disposition
équivalente à l'ancien article 15 est l'article 20 de
la nouvelle Loi qui permet que les ordonnances de
garde soient enregistrées «auprès de tout tribunal
d'une province». J'estime que cette expression ne
vise pas la Cour fédérale. Bien que cette dernière
soit un «tribunal» et exerce ses pouvoirs dans toutes
les provinces, il ne semble pas que l'économie de la
nouvelle Loi en ce qui concerne l'exécution des
ordonnances prévoit l'enregistrement de celles-ci
auprès de cette Cour. Selon l'article 2 de la nou-
velle Loi, l'expression «"tribunal" dans le cas d'une
province» désigne les diverses cours supérieures des
provinces, mais elle vise également «tout autre
tribunal d'une province» (c'est moi qui souligne),
dont les juges sont nommés par le fédéral et qui
peut être désigné par le lieutenant-gouverneur
«comme tribunal pour l'application de la présente
loi». L'article 20, qui traite de l'exécution partout
au Canada des ordonnances alimentaires et des
ordonnances de garde rendues dans une action en
divorce, contient pour ses propres fins une défini-
tion du mot "tribunal" qui reprend celle de l'ex-
pression «"tribunal" dans le cas d'une province»
figurant à l'article 2 et y ajoute tout autre tribunal
ainsi désigné par le lieutenant-gouverneur en con-
seil. Il prévoit en outre au paragraphe (3), comme
je l'ai déjà souligné plus haut, que de telles ordon-
nances peuvent être "enreistrée[s] auprès de tout
tribunal d'une province". A mon avis, il faut conc-
lure que ces dispositions excluent tous les tribu-
naux qui ne sont pas énumérés à l'article 2 ou qui
ne sont pas désignés par le lieutenant-gouverneur
en conseil. Rien ne permet de croire que la Cour
fédérale a été ainsi désignée.
L'avocat de l'intimée a également allégué que la
Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a déjà
statué sur la question de l'exécution de l'ordon-
nance de la Cour de l'Ontario et que, pour des
motifs de courtoisie, la Cour fédérale ne devrait
pas s'attribuer compétence sur ce point. Il ne m'est
pas possible de me prononcer sur cet argument,
l'avocat ne m'ayant fourni ni copies certifiées des
ordonnances ni d'affidavits ou d'autres éléments de
preuve relativement à la nature des procédures
engagées devant la Cour du Banc de la Reine de
l'Alberta. Compte tenu des circonstances, je n'ai
pas à examiner ce point plus longtemps.
Je conclus, par conséquent, que cette Cour n'est
pas habilitée à enregistrer ou à faire exécuter
l'ordonnance rendue le 13 juin 1984 par la Cour
suprême de l'Ontario relativement à la garde des
enfants des parties. La demande ainsi que les
autres procédures engagées devant cette Cour par
le requérant (qui se décrit comme le demandeur)
sont donc rejetées avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.