T-1687-87
Hyundai Motor Company, Hyundai Auto Canada
Inc., Hyundai Canada Inc. (requérantes)
c.
Procureur général du Canada, Sous-ministre du
Revenu national pour les douanes et l'accise et
Tribunal canadien des importations (intimés)
RÉPERTORIÉ: HYUNDAI MOTOR CO. c. CANADA (PROCUREUR
GÉNÉRAL)
Division de première instance, juge Strayer—
Ottawa, 11 et 21 août 1987.
Antidumping — Les importateurs ne peuvent pas exiger
d'être informés de la décision d'ouvrir une enquête relative-
ment à une allégation de dumping ou de la demande faite au
Tribunal canadien des importations de se prononcer sur l'exis-
tence d'un préjudice sensible.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Certiorari —
L'ouverture d'une enquête relativement à une allégation de
dumping et une demande faite au Tribunal canadien des
importations de se prononcer sur l'existence d'un préjudice
sensible sont des décisions administratives — Aucune crainte
raisonnable de partialité — Décisions ne mettant aucun droit
en jeu Impossibilité de recourir au contrôle judiciaire.
À la suite de plaintes relativement au dumping d'automobiles
importées au Canada par les sociétés requérantes, le sous-
ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise a fait
ouvrir une enquête et a demandé au Tribunal canadien des
importations de se prononcer sur l'existence d'un préjudice
sensible à la production d'automobiles au Canada. Les requé-
rantes ont sollicité un bref de certiorari pour faire annuler ces
décisions, un bref de prohibition pour faire arrêter ces mesures
et un bref de mandamus en vue, ultimement, de présenter des
observations relativement à la décision d'ouvrir une enquête.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
Il n'y a pas eu de déni de justice en ce qui concerne l'une ou
l'autre décision. Ni la Loi ni la common law n'imposent
l'obligation d'informer ceux qui sont soupçonnés de dumping
avant qu'une enquête soit ouverte ou qu'on demande au Tribu
nal de se prononcer sur la question du dumping. Ni la common
law ni la Déclaration canadienne des droits n'imposent non
plus l'obligation—étant donné que ces décisions ne portent sur
aucun droit ni sur aucune obligation—de permettre aux impor-
tateurs d'être entendus à quelque moment que ce soit avant que
soit rendue une décision provisoire de dumping. La décision de
procéder à une enquête étant de nature administrative, le
sous-ministre est libre d'établir sa propre procédure.
Le fait que les requérantes font l'objet d'une enquête et qu'on
se fie aux renseignements figurant dans les plaintes ne vient pas
en soi appuyer les allégations de partialité ou de crainte raison-
nable de partialité.
Il est manifeste que le pouvoir conféré au sous-ministre par le
paragraphe 31(1) de la Loi de faire ouvrir des enquêtes a été
délégué en bonne et due forme au sous-ministre adjoint et que,
même si cela n'a pas été indiqué expressément, il s'est formé
l'opinion requise selon laquelle il y avait certains éléments de
preuve de dumping et de préjudice sensible.
Ce n'est pas le rôle de la Cour d'agir à titre de tribunal
d'appel pour connaître le fond de la décision du sous-ministre
relativement aux faits. Des demandes en vue d'obtenir un
contrôle judiciaire sur des décisions préliminaires basées sur des
faits et rendues par le sous-ministre lorsque manifestement il
existe des éléments de preuve à l'appui de ces conclusions
constituent des tentatives mal fondées de soumettre au contrôle
judiciaire un processus administratif précédant une requête.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen-
dice III.
Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23.
Loi sur les mesures spéciales d'importation, S.C. 1984,
chap. 25, art. 2(9) (ajouté par S.C. 1985, chap. 14, art.
4), 8 (mod. par S.C. 1986, chap. 1, art. 196), 31(1), 34,
37, 38(1), 41, 42, 75.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Chisholm (Ronald A.) Ltd. c. Canada (Sous-ministre du
Revenu national pour les douanes et l'accise) et autre
(1986), 1 F.T.R. 1; Smith, Kline & French Laboratories
Ltd. c. Frank W. Horner Ltd. (1983), 79 C.P.R. (2d) 1
(C.A.F.); Irvine c. Canada (Commission sur les prati-
ques restrictives du commerce), [1987] 1 R.C.S. 181;
Guay v. Lafleur, [1965] R.C.S. 12.
AVOCATS:
Richard S. Gottlieb et Michael W. Swinwood
pour les requérantes.
M. F. Ciavaglia pour les intimés, le procureur
général du Canada et le sous-ministre du
Revenu national pour les douanes et l'accise.
James L. Shields pour l'intimé, le Tribunal
canadien des importations.
John M. Coyne, c.r., et P. A. Magnus pour les
intimées Ford Motor Company of Canada
Limited et General Motors Company of
Canada Limited (qui ont obtenu la qualité
d'intimées par ordonnance de la Cour en date
du 11 août 1987).
PROCUREURS:
Gottlieb, Kaylor & Stocks, Montréal, pour les
requérantes.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés, le procureur général du Canada et
le sous-ministre du Revenu national pour les
douanes et l'accise.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimé, le
Tribunal canadien des importations.
Osier, Hoskin & Harcourt, Ottawa, pour les
intimées Ford Motor Company of Canada
Limited et General Motors Company of
Canada Limited.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STRAYER: Les requérantes sollicitent
un bref de certiorari en vue de l'annulation d'une
décision du sous-ministre du Revenu national,
douanes et accise, en date du 15 juillet 1987 de
faire ouvrir une enquête relativement au dumping
présumé d'automobiles au Canada par les requé-
rantes; un bref de prohibition en vue d'interdire
audit sous-ministre de poursuivre l'enquête; un
bref de certiorari en vue de l'annulation d'un
renvoi fait par le sous-ministre le 15 juillet 1987
pour demander au Tribunal canadien des importa
tions de se prononcer sur la question de savoir si
les éléments de preuve indiquent, de façon raison-
nable, que le dumping présumé a causé ou est
susceptible de causer un préjudice sensible à la
production au Canada de marchandises similaires;
un bref de prohibition en vue d'interdire au Tribu
nal canadien des importations de donner son avis
au sujet de ce renvoi; et un bref de mandamus en
vue d'enjoindre au sous-ministre de fournir aux
requérantes tous les documents dont il a tenu
compte pour prendre sa décision d'ouvrir l'enquête,
et en vue de permettre aux requérantes de faire des
observations avant qu'une nouvelle décision puisse
être rendue quant à l'ouverture d'une telle enquête.
Le Tribunal canadien des importations s'est pro-
noncé sur le renvoi, comme la loi le lui prescrivait,
le 14 août 1987, c'est-à-dire pendant l'audition de
la présente demande. Il a jugé que les éléments de
preuve indiquaient effectivement, de façon raison-
nable, l'existence d'un préjudice sensible.
À la fin de l'audition de la présente requête, j'ai
prononcé son rejet et j'ai mentionné que j'en don-
nerais les motifs plus tard. Les voici.
Essentiellement, les requérantes soutiennent que
le sous-ministre du Revenu national, douanes et
accise, n'a pas respecté une règle d'équité que lui
imposait la loi, et qu'il a agi sans avoir la compé-
tence voulue ou a commis une erreur de droit dans
les décisions auxquelles il est arrivé.
Tout d'abord il y a deux aspects à envisager en
ce qui concerne l'allégation de déni de justice:
premièrement la question de la justice quant à la
décision d'ouvrir une enquête et deuxièmement la
question de la justice dans le cas du renvoi fait au
Tribunal canadien des importations.
En ce qui a trait à la décision d'ouvrir une
enquête, les requérantes prétendent essentielle-
ment qu'elles ont été victimes d'un déni de justice
parce que, avant de prendre cette décision, on ne
les a pas informées que le sous-ministre avait reçu
une plainte et qu'il envisageait la possibilité d'ou-
vrir une enquête, et elles se plaignent par consé-
quent de ne pas avoir pu présenter des observations
au sous-ministre avant qu'il prenne sa décision. Le
1" juin 1987, les sociétés General Motors of
Canada Limited et Ford Motor Company ont
déposé une plainte relativement au dumping
auquel se seraient livrées les compagnies Hyundai.
Les plaignantes ont été avisées par une lettre en
date du 19 juin 1987 que le dossier de leur plainte
était complet. C'est T. C. Greig, sous-ministre
adjoint aux programmes des douanes, qui a com-
muniqué, le 15 juillet 1987, la décision d'ouvrir
une enquête, et les requérantes en ont été infor-
mées à ce moment-là. Il y a eu renvoi au Tribunal
canadien des importations le même jour, et les
requérantes en ont également été avisées. Depuis
cette date, les requérantes ont présenté certaines
observations écrites au sous-ministre sur la ques
tion du dumping qui continue de faire l'objet d'une
enquête. Selon les conclusions de cette enquête, le
sous-ministre peut rendre une décision provisoire
de dumping conformément au paragraphe 38(1)
de la Loi sur les mesures spéciales d'importation,
S.C. 1984, chap. 25.
Il est évident que la loi n'exige pas du sous-
ministre qu'il donne un avis aux personnes qui se
trouvent dans la situation des requérantes, avant
qu'une décision d'ouvrir une enquête soit prise sous
le régime du paragraphe 31(1) de la Loi. C'est
ainsi que j'en ai jugé dans l'affaire Chisholm
(Ronald A.) Ltd. c. Canada (Sous-ministre du
Revenu national pour les douanes et l'accise) et
autre' et je n'ai rien à ajouter aux motifs pronon-
cés dans ce cas.
Dans l'affaire Chisholm, j'ai également conclu
que la loi écartait implicitement toute obligation
d'agir équitablement fondée sur la common law
relativement à la notification d'un avis aux impor-
tateurs avant que soit prise la décision d'ouvrir une
enquête. Je continue d'être de cette opinion.
J'ajouterais qu'à mon avis, la décision d'ouvrir ou
non une enquête est une décision «préliminaire» en
ce qui concerne le sous-ministre, un acte adminis-
tratif pour lequel il peut établir sa propre procé-
dure sous réserve des prescriptions de la Loi 2 .
Aucun droit ou intérêt concernant les requérantes
n'est défini à cette étape antérieure à la décision
d'ouvrir une enquête 3 . Il n'y aura aucune répercus-
sion directe sur les requérantes à moins qu'une
décision provisoire de dumping ne soit rendue par
le sous-ministre conformément à l'article 38.
Avant que cette décision soit rendue, les requéran-
tes ont déjà eu la possibilité de présenter des
observations par écrit au sous-ministre. Si ce der-
nier rend effectivement une telle décision provi-
soire, les requérantes admettent qu'elles auraient
la possibilité de présenter des observations tant par
écrit que verbalement au sous-ministre ou à son
représentant et de s'entretenir avec cette personne,
et ce, avant qu'une décision finale de dumping soit
rendue en application de l'article 41 de la Loi. De
plus, à la suite de toute décision provisoire qui
pourrait être rendue, le Tribunal serait tenu, en
vertu de l'article 42, d'enquêter sur la question de
savoir si le dumping auquel la décision provisoire
fait allusion a causé ou est susceptible de causer un
préjudice sensible à la production au Canada de
marchandises similaires. Il ressort clairement de la
jurisprudence que, durant le déroulement de cette
enquête, le Tribunal doit tenir une audience, ainsi
qu'il est indiqué à l'article 75 de la Loi, au cours
de laquelle toutes les parties, y compris les requé-
rantes, auront la possibilité de prendre connais-
sance de tout élément de preuve en leur défaveur
et de le réfuter. Certes, il y aura des répercussions
' (1986), 1 F.T.R. 1.
2 Voir par exemple Smith, Kline & French Laboratories Ltd.
c. Frank W. Horner Ltd. (1983), 79 C.P.R. (2d) 1, à la p. 12
(C.A.F.).
3 Voir par exemple Irvine c. Canada (Commission sur les
pratiques restrictives du commerce), [1987] 1 R.C.S. 181, aux
p. 231 et 232.
directes sur les plaignantes si une décision provi-
soire de dumping est rendue, car des droits provi-
soires pourront alors être imposés en vertu de
l'article 8 de la Loi [mod. par S.C. 1986, chap. 1,
art. 196], mais si en fin de compte elles réussissent
à faire valoir leurs observations auprès du sous-
ministre à la suite de cette décision provisoire,
mais avant sa décision finale, ou si elles obtiennent
gain de cause devant le Tribunal canadien des
importations sur la question du préjudice sensible,
elles auront alors le droit d'être remboursées de ces
droits provisoires avec intérêt. Sinon, elles peuvent
éviter de payer des droits provisoires en versant
une caution. Il y aura peut-être des inconvénients
temporaires pouvant entraîner en effet des consé-
quences défavorables sur le plan commercial, mais
cette situation ne se produira qu'après le prononcé
d'une décision provisoire de dumping (alors qu'el-
les auront déjà eu la chance de faire des observa
tions auprès du sous-ministre) et ne durera que
temporairement. Comme les avocats des intimés
l'ont signalé, ces conséquences temporaires, bien
qu'elles soient quelque peu malheureuses, ne diffè-
rent pas des conséquences qui peuvent découler
d'une poursuite civile intentée devant les tribunaux
contre un homme d'affaires ou une compagnie
même si la poursuite est finalement rejetée. Ce à
quoi j'ajouterais que ces conséquences sont proba-
blement beaucoup moins préjudiciables que celles
qui résulteraient du dépôt d'une accusation crimi-
nelle contre une personne, même si cette accusa
tion devait finalement être rejetée. L'obligation
d'agir équitablement fondée sur la common law ne
signifie toutefois pas qu'une personne doive être
consultée avant que des policiers entreprennent
une enquête à son sujet en vue de porter éventuel-
lement des accusations ni que cette personne doive
avoir la possibilité de soumettre des observations
avant qu'une accusation soit portée. Je ne puis
donc pas conclure que le sous-ministre doit, selon
le principe d'équité fondé sur la common law,
informer les requérantes avant l'ouverture d'une
enquête relativement au dumping qui leur est
imputé ou tenir une audience complète avant que
soit rendue une décision provisoire de dumping.
Les requérantes ont également soutenu que,
même si la common law n'imposait pas de telles
mesures, la Déclaration canadienne des droits 4
l'exige. Elles s'appuient sur l'alinéa 2e), qui prévoit
que nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni
s'appliquer comme
2....
e) privant une personne du droit à une audition impartiale de
sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la
définition de ses droits et obligations;
Pour les motifs exposés ci-dessus, je ne crois pas
que des «droits et obligations» étaient en cause
dans la décision d'ouvrir une enquête. Même le
déroulement de l'enquête elle-même ne met pas en
cause comme tel des droits et des obligations ni ne
donne lieu au droit à une audition impartiale
conféré par l'alinéa 2e) de la Déclaration cana-
dienne des droits'.
Selon une autre prétention des requérantes qui
équivaut vraiment à une allégation de déni de
justice naturelle, il y a lieu de craindre que le
sous-ministre du Revenu national fasse preuve de
partialité. On pourrait d'abord faire remarquer
que ce point est présenté comme un motif d'annu-
lation de la décision du sous-ministre et d'interdic-
tion de l'enquête. La crainte présumée de partialité
repose principalement sur le fait que le sous-minis-
tre a décidé de ne faire porter l'enquête que sur les
marchandises des requérantes sans y inclure celles
d'autres importateurs ou sans y inclure toutes les
automobiles importées de Corée. Il a été convenu
au cours des plaidoiries que, bien que dans la
majorité des enquêtes les marchandises qui en font
l'objet soient choisies en fonction d'un pays en
particulier plutôt qu'en fonction d'une compagnie
précise, il existe des cas où l'enquête porte sur les
produits d'une seule et même compagnie: par le
passé, sur quelque quarante enquêtes ouvertes,
quatre ont porté sur une seule compagnie. Il
semble que l'allégation de partialité implique sur-
tout que le sous-ministre s'est fondé en grande
partie sur le libellé de la plainte pour définir les
marchandises visées et qu'il s'est fié aux renseigne-
ments obtenus pour décider d'ouvrir l'enquête. Je
ne puis voir là aucune preuve de véritable partia-
lité et il n'y a aucun élément de preuve qui suppor-
terait une allégation de crainte raisonnable de
partialité. Il n'est pas tout à fait surprenant qu'une
enquête soit ouverte sur le fondement de la plainte
° S.R.C. 1970, Appendice III.
5 Guay v. Lafleur, [19651 R.C.S. 12.
qui a été présentée. L'enquête vise effectivement à
déterminer si la plainte est défendable en fait et en
droit.
Les mêmes considérations s'appliquent de façon
générale en ce qui concerne l'allégation de déni de
justice relativement au renvoi fait au Tribunal
canadien des importations. Ce renvoi a été effectué
en conformité avec la Loi qui ne permettait mani-
festement pas la transmission de renseignements
au Tribunal par des personnes telles que les requé-
rantes une fois prise la décision d'ouvrir une
enquête. En vertu de l'article 34, le sous-ministre
est seulement tenu de donner un avis d'enquête à
un importateur après que la décision a été prise de
tenir une enquête et, s'il veut demander au Tribu
nal de se prononcer sur la question de l'existence
d'un préjudice sensible, il est tenu d'en faire la
demande le même jour. L'article 37 lui enjoint de
fournir au Tribunal tous les renseignements et
pièces y afférents qu'il a alors en sa possession et le
Tribunal doit, quant à lui, donner son avis en se
fondant sur ces renseignements et sur rien d'autre.
Ces dispositions écartent la possibilité que l'impor-
tateur reçoive un avis d'enquête à temps pour
soumettre des observations dont pourrait disposer
le sous-ministre au moment de prendre sa décision
d'ouvrir une enquête de façon à pouvoir les verser
au dossier qu'il fournirait au Tribunal aux fins du
renvoi. Pour des raisons déjà mentionnées, je ne
puis pas conclure que le sous-ministre est tenu
implicitement, selon la common law, de permettre
à l'importateur de faire des observations avant le
renvoi. Ce dernier n'établit rien. Il ne vise qu'à
obtenir un avis du Tribunal. Celui-ci ne rendra
aucune décision concernant des droits ou obliga
tions à moins que le sous-ministre ne rende une
décision provisoire de dumping et que le Tribunal
ne mène une enquête suivant l'article 42. Dans le
cadre d'une telle enquête, le Tribunal doit tenir
une audience à laquelle l'importateur pourra parti-
ciper de plein droit. Il s'ensuit, pour la même
raison, qu'il n'y a pas eu violation de l'alinéa 2e)
de la Déclaration canadienne des droits.
Ainsi qu'il a été mentionné précédemment, l'au-
tre objection formulée contre la décision du sous-
ministre d'ouvrir une enquête repose sur des
erreurs de compétence ou de droit.
Il est d'abord allégué que les éléments de preuve
n'indiquent pas que le sous-ministre s'est lui-même
formé l'opinion requise par le paragraphe 31(1)
avant qu'il puisse ouvrir une enquête; ou bien que
la personne qui s'est formée cette opinion n'avait
pas vraiment reçu le pouvoir de le faire. J'estime
devoir me limiter au deuxième point car il est
évident que la décision d'ouvrir une enquête a été
prise par le sous-ministre adjoint T. C. Greig, que
celui-ci s'est fait l'opinion requise et qu'il avait
vraiment reçu le pouvoir de le faire. Dans sa
décision du 15 juillet, il n'est pas indiqué expressé-
ment, il est vrai, qu'il s'est formé l'opinion requise
selon laquelle il y avait certains éléments de preuve
relatifs à l'existence d'un dumping et d'un préju-
dice sensible. Il déclare néanmoins:
[TRADUCTION] Conformément à l'article 31 de la Loi sur les
mesures spéciales d'importation et à l'autorisation du sous-
ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise,
j'ouvre par les présentes une enquête relativement à ...
Il est évident qu'il exerce alors les pouvoirs confé-
rés au sous-ministre par l'article 31, ce qu'il ne
peut faire qu'après s'être formé l'opinion requise.
Il n'est pas nécessaire que le décideur explique
clairement qu'il s'est formé l'opinion requise s'il
déclare qu'il prend la décision pour laquelle une
telle opinion est une condition préalable. De plus,
il est manifeste que le pouvoir conféré au sous-
ministre par le paragraphe 31(1) lui a été délégué
en bonne et due forme. Le paragraphe 2(9) de la
Loi sur les mesures spéciales d'importation
[ajouté par S.C. 1985, chap. 14, art. 4] prévoit,
dans sa version modifiée, que:
2....
(9) Les pouvoirs ou fonctions conférés au sous-ministre par
la présente loi peuvent être exercés par toute personne qu'il
autorise à agir ainsi. Les pouvoirs ou fonctions exercés ainsi
sont réputés l'avoir été par le sous-ministre.
Dans un document en date du 19 mai 1987 dési-
gnant les personnes autorisées par le sous-ministre
à exercer les fonctions qui lui sont conférées par la
Loi, était délégué à ce sous-ministre adjoint la
fonction ou le pouvoir conféré au sous-ministre par
le paragraphe 31(1) de
[TRADUCTION] ... faire ouvrir une enquête de dumping ou de
subventionnement sur des marchandises.
Si on l'interprète conjointement avec le paragra-
phe 31(1), ce passage peut seulement vouloir dire
que le sous-ministre adjoint exerçait les mêmes
pouvoirs que le sous-ministre en vertu du paragra-
phe 31(1) et qu'il était assujetti aux mêmes condi-
tions, notamment celle de l'opinion requise. Je n'ai
pas besoin d'en dire davantage et de traiter de
l'application de la Loi d'interprétation [S.R.C.
1970, chap. I-23] ou du pouvoir implicite de délé-
guer des fonctions prévues par une loi, bien que je
ne veuille pas qu'on considère que j'ai rejeté ces
motifs parce qu'ils appuient ce qui a été fait en
l'espèce.
Enfin, les prétentions relatives aux erreurs pré-
sumées de droit ou de compétence visent essentiel-
lement à contester les modalités de la décision
d'ouvrir une enquête et les motifs donnés à cet
égard. Un certain nombre d'allégations de fait ont
été avancées pour démontrer que le sous-ministre
adjoint, en agissant pour le compte du sous-minis-
tre, a commis des erreurs en ce qui concerne la
définition de la catégorie de marchandises préten-
dument sous-évaluées, l'ampleur du marché au
Canada, les tendances futures du marché et le fait
de ne pas établir de distinction parmi les autos
vendues au Canada entre celles qui sont produites
ici et celles qui sont importées. Les requérantes
soutiennent essentiellement que le sous-ministre ou
son représentant n'a pas tenu compte des éléments
de preuve pertinents et qu'il a plutôt pris en consi-
dération des éléments de preuve non pertinents. Il
faut d'abord souligner, ainsi que je l'ai fait dans
l'affaire Chisholm, que ce n'est pas le rôle de la
Cour d'agir à titre de tribunal d'appel pour connaî-
tre le fond de la décision du sous-ministre relative-
ment aux faits. Ce serait uniquement dans le cas
où il pourrait être démontré que le sous-ministre
ou son représentant a manifestement commis une
erreur de droit, en ne prenant pas en considération
les questions de droit ou de fait pertinentes ou en
fondant sa décision seulement sur des faits ou des
questions qui n'étaient pas pertinents sur le plan
juridique, qu'un tribunal pourrait intervenir et
annuler la décision. Dans un tel cas, on pourrait
dire que le sous-ministre a outrepassé sa compé-
tence en prétendant exercer des pouvoirs qui
avaient été conférés dans un but totalement diffé-
rent, ou on pourrait dire qu'il a commis une erreur
de droit en agissant ainsi. Les éléments de preuve
n'indiquent rien de tel en l'espèce. Tout au plus, les
requérantes ont démontré que le sous-ministre
aurait pu fixer autrement la catégorie de marchan-
dises ou aurait pu tenir compte d'autres éléments
de preuve, dont certains n'étaient pas compatibles
avec les éléments de preuve sur lesquels il s'est
apparemment fondé et dont certains n'étaient pas
vraiment incompatibles. Dans certains cas, il est
évident qu'il existait d'autres éléments de preuve
dont disposait le sous-ministre, dans le cadre de la
plainte, et dont il était au courant même s'il n'en a
pas fait mention dans les motifs de sa décision.
Mais il disposait clairement de certains éléments
de preuve sur lesquels il pouvait se fonder pour
conclure qu'une enquête devait être ouverte et il
n'existait sûrement aucune raison de dire qu'il a
agi selon des considérations nettement non perti-
nentes. Il faut toujours se rappeler qu'il s'agissait
en l'espèce de décider d'ouvrir une enquête. Cela
implique une décision provisoire qui doit faire
l'objet d'un examen complet des faits et du droit,
processus durant lequel les personnes sur lesquelles
on enquête ont, au moment opportun, la possibilité
de faire connaître leur position.
Il est en effet surprenant que des demandes de
ce genre soient présentées en vue d'obtenir un
contrôle judiciaire sur des décisions préliminaires
basées sur des faits et rendues par le sous-ministre,
alors qu'il est manifeste que celui-ci disposait de
certains éléments de preuve sur lesquels il pouvait
se prononcer comme il l'a fait. J'estime que ces
demandes constituent une tentative mal fondée de
soumettre au contrôle judiciaire un processus
administratif précédant une enquête.
Il est donc évident que les demandes de bref de
certiorari et de bref de prohibition relativement à
l'ouverture et à la poursuite de l'enquête par le
sous-ministre doivent être rejetées. Quant au
renvoi fait au Tribunal canadien des importations,
la demande visant à le faire annuler a probable-
ment perdu tout intérêt pratique car le Tribunal a
déjà donné son avis, mais de toute façon j'ai rejeté,
pour les motifs exposés, ladite demande visant à
faire annuler le renvoi. Pour la même raison, j'ai
rejeté la demande de bref de prohibition contre le
Tribunal, demande qui figurait au paragraphe 5 de
l'avis de requête, parce qu'à mon avis, le renvoi
était pertinent et autorisé par la loi. Encore une
fois, cette demande de redressement a perdu tout
intérêt pratique étant donné que le Tribunal a déjà
fait connaître son avis. Pour ce qui concerne la
demande d'ordonnance dont le but est d'enjoindre
au sous-ministre de fournir aux requérantes tous
les documents dont il a tenu compte pour prendre
sa décision d'ouvrir une enquête, je suis convaincu,
pour les motifs donnés, que les requérantes n'ont
pas le droit d'obtenir ces documents à cette éta-
pe-ci et avant qu'une décision soit rendue en con-
formité avec le paragraphe 31(1), et c'est vraiment
là la prémisse sur laquelle se fonde ce recours.
L'autre recours est également irrecevable du fait
qu'il amènerait la Cour à redéfinir l'enquête. Cela
exigerait l'annulation des décisions que le sous-
ministre avait le droit de prendre et rien ne permet
de soutenir qu'il n'avait pas la compétence voulue
pour prendre ces décisions ou qu'il a commis une
erreur de droit en ce faisant. Un tel recours n'est
donc pas justifié.
La demande a donc été rejetée en entier, avec
dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.