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T-2853-84
C.E. Jamieson & Co. (Dominion) Ltd. (demande- resse)
c.
Procureur général du Canada, le directeur et sous- ministre adjoint de la Direction générale de la protection de la santé du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social (défendeurs)
T-2968-84
C.E. Jamieson & Co. (Dominion) Ltd., Pharme- tics Ltd. et Swiss Herbal Remedies Ltd. (demanderesses)
c.
Procureur général du Canada, le directeur et sous- ministre adjoint de la Direction générale de la protection de la santé du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: C.E. JAMIESON & CO. (DOMINION) C. CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)
Division de première instance, juge Muldoon— Montréal, 16, 17, 18 décembre 1986; Ottawa, 17 septembre 1987.
Droit constitutionnel Partage des pouvoirs Loi des aliments et drogues et Règlement Drogues nouvelles et DIN Pouvoir en matière d'échanges et de commerce Pouvoir en matière de droit criminel y compris celui de mettre sur pied un système national supervisé par un organisme de réglemen- tation Paix, ordre et bon gouvernement La réglementa- tion de la distribution de produits pharmaceutiques n'apparaît pas dans le partage des compétences législatives Matière d'intérêt national Ne peut être résolue par coopération provinciale par droit uniforme L'art. 121 de la Loi consti- tutionnelle de 1867 prévoit le libre échange entre les provinces.
Droit constitutionnel Charte des droits Procédures
criminelles et pénales Perquisition ou saisie abusive Saisie d'acides aminés isolés et d'autres produits des locaux du fabricant en vertu de la Loi des aliments et drogues Les défendeurs ne savent pas pourquoi les autres produits ont été saisis Distinction entre une enquête criminelle et une ins pection réglementaire La Loi prévoit qu'une violation du Règlement sera poursuivie par voie d'acte d'accusation Perquisition et saisie au cours d'une enquête criminelle Commode d'obtenir un mandat Contravention à l'art. 8 de la Charte Saisie annulée parce que inconstitutionnelle.
Contrôle judiciaire Recours en equity Jugements déclaratoires Règlement pris sous la Loi des aliments et drogues Le gouverneur en conseil a-t-il outrepassé le mandat qui lui a été conféré? Le Règlement ne constitue pas un système d'autorisation Distinction entre les règlements pris par le gouverneur en conseil et les règlements municipaux
Les assemblées municipales sont de la nature du régime présidentiel, non parlementaire Le Règlement n'est pas trop imprécis car il s'adresse aux fabricants et non à l'homme de la rue Pas de sous-délégation illégale des pouvoirs de la part du gouverneur en conseil Présomption que le pouvoir discrétionnaire confié à un ministre sera exercé par les fonc- tionnaires du ministère Pouvoirs du directeur limités.
Aliments et drogues Loi et Règlement Drogues nou- velles et DIN - Les dispositions législatives et réglementaires sont-elles ultra vires du Parlement ou du gouverneur général en conseil? S'agit-il d'un système d'autorisation non auto- risé? Règlement concernant la distribution des drogues et déclarations s'y rapportant Pas trop imprécis dans le contexte Aucune sous-délégation illégale par le gouverneur en conseil Présomption que les décisions prises par un ministre dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire le seront par les fonctionnaires responsables du ministère Perquisition et saisie abusive, contrevenant à l'art. 8 de la Charte Enquête de nature criminelle Commode d'obte- nir un mandat L'art. 22(1)d) de la Loi inopérant.
Il s'agit d'une action visant à obtenir un jugement déclarant que le sous-alinéa 25(1)o)(ii) de la Loi des aliments et drogues est ultra vires du Parlement et que les articles C.01.014 à C.01.014.4 et C.08.001 à C.08.011 inclusivement du Règlement sur les aliments et drogues sont ultra vires. Le sous-alinéa 25(1)o)(ii) prévoit que le gouverneur en conseil peut établir des règlements pour l'exécution et l'application effective des dispo sitions de la Loi. C.E. Jamieson & Co. (Dominion) Ltd. soutient également que la perquisition effectuée dans ses locaux ainsi que la saisie effectuée par le personnel du directeur étaient illégales parce que contraires à l'article 8 de la Charte. Enfin, Jamieson sollicite une ordonnance de la nature d'un mandamus enjoignant au directeur de délivrer une identification numéri- que de la drogue (DIN) pour son produit «Stress Ease with Vitamins and Minerals» pour le motif que le Règlement a été appliqué de façon injuste au point de constituer une injustice flagrante.
Pour l'exposé des questions en litige, voir la note de l'arrêtiste.
Jugement: Le sous-alinéa 25(1)o)(ii) et le Règlement attaqué relèvent de la compétence du Parlement. La saisie sans mandat était illégale et contrevenait à l'article 8 de la Charte. L'alinéa 22(1)d) de la Loi est inopérant. Jamieson n'a toutefois pas le droit de recevoir un DIN pour son produit.
La portée apparemment large du pouvoir relatif aux échan- ges et au commerce a été restreinte par la jurisprudence. En l'absence d'urgence, le Parlement n'a pas la compétence, en vertu de la rubrique 2 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, de réglementer le commerce de l'industrie pharmaceu- tique au Canada. La délégation législative et les règlements pris en conséquence ne visent pas directement les échanges et le commerce mais sont orientés vers la réglementation d'une industrie unique. Ils tombent en dehors de la réglementation des échanges s'appliquant à tout le pays.
La compétence législative se retrouve toutefois dans le pou- voir fédéral d'édicter des lois portant sur le droit criminel. La rubrique 27 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au Parlement le pouvoir d'édicter des lois portant sur le droit criminel y compris la procédure criminelle. La loi visait la distribution de substances nuisibles à la santé et le fait de
tromper ou décevoir le public quant à la valeur ou la sûreté des drogues. Des conséquences pénales sont prévues pour les viola tions de la Loi. L'argument des demanderesses que ces disposi tions ne prohibent pas des comportements mais réglementent un commerce est rejeté. La constitutionnalité des dispositions de la Loi des aliments et drogues, qui découle des pouvoirs du Parlement en matière de droit criminel, a été affirmée dans plusieurs décisions publiées. La seule exception est l'arrêt Bras- series Labatt dans lequel la Cour suprême du Canada a conclu que le règlement définissant la «bière légère» n'avait pas une finalité de droit criminel puisque le produit n'était pas censé constituer un risque pour la santé et que le règlement ne visait pas non plus la prévention du mensonge réalisé par un faux étiquetage.
Alors que le Parlement peut édicter qu'un comportement est criminel, il peut aussi décréter expressément ou par implication nécessaire qu'un autre comportement connexe n'est pas crimi- nel. A titre d'exemple de ce dernier comportement, on cite un avortement pratiqué à la suite d'un certificat d'un comité d'avortement thérapeutique. Dans le cas du Règlement sur les aliments et drogues, le Parlement a mis en place sa propre institution pour administrer une loi de droit criminel. Le Parle- ment a la compétence de mettre sur pied un système national de réglementation supervisé par un organisme de réglementa- tion. Les décisions de la Cour suprême du Canada rejettent l'idée que l'entreprise de législation en droit criminel ne peut dépasser la simple prohibition pour entrer dans la réglementa- tion. La portée du droit criminel ne peut être interprétée aussi étroitement.
Il n'existe pas de liste immuable de ce qui constitue la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada. La réglementation de ce qui se trouve juste à l'extérieur du profil du droit criminel en ce qui regarde la distribution des produits pharmaceutiques ne peut apparaître ni dans les débats sur la Confédération ni dans le partage précis des compétences législatives. Le sous-ali- néa 25(1)o)(ii) de la Loi des aliments et drogues ainsi que les règlements sur le DIN et les drogues nouvelles pris sous son empire, relèvent de la compétence du Parlement, en tant que matières d'intérêt national, en vertu de son pouvoir de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada. Le problème ne pouvait être résolu par la coopération provinciale même si des lois uniformes étaient adoptées. Le droit uniforme n'entraîne pas nécessairement des organismes uniformes de réglementation. Pour faire échouer les tentatives provinciales de protection du public contre les drogues potentiellement dange- reuses ou étiquetées de façon mensongère, il suffirait qu'une seule province se refuse à coopérer. Selon l'article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867, tous les articles fabriqués dans une province seront admis en franchise dans chacune des autres provinces.
Après avoir conclu que la Loi et le Règlement relèvent de la compétence du Parlement, la question suivante est de détermi- ner si le gouverneur en conseil a outrepassé le pouvoir qui lui a été conféré. Le Règlement ne crée pas un système d'autorisa- tion non autorisé. L'arrêt Re Imperial Oil Limited and The City of Kingston, [1955] O.W.N. 767 invoqué par les deman- deresses concernait le droit municipal et établissait que lors- qu'un règlement exige l'autorisation d'un fonctionnaire désigné, la corporation ne peut ensuite exiger l'autorisation supplémen- taire d'un autre fonctionnaire, ni même celle du conseil munici pal. Même si le Règlement en l'espèce devait être conforme au
principe énoncé dans l'arrêt ci-dessus, il respecte la décision citée. Le Règlement ne constitue pas un système d'autorisation; il vise à réglementer la mise en circulation de drogues ainsi que les déclarations qui les concernent plutôt que de contrôler par l'émission de permis l'existence ou l'organisation commerciale des fabricants et vendeurs de drogues, leur personnel de vente ou la structure de leur prix.
Même s'il est clair qu'un règlement municipal puisse être déclaré invalide parce qu'il est trop vague, il n'est pas certain que les mêmes principes s'appliquent aux règlements adoptés par le gouverneur en conseil. Les tribunaux établissent une distinction entre les règlements d'application d'une loi et les règlements municipaux. Ces derniers règlements sont adoptés par des organismes créés par une assemblée législative, qui ne sont pas directement responsables devant cette assemblée alors que les règlements d'application d'une loi sont adoptés par l'exécutif qui doit en répondre devant l'assemblée législative. Si l'exécutif des législatures fédérale ou provinciales, de nature parlementaire, perd la confiance des représentants élus, il doit démissionner. Mais un conseil municipal est de la nature du régime présidentiel. L'exécutif est élu pour un terme fixe même s'il perd la confiance des élus du peuple. Quant à l'allégation d'imprécision, il faut garder à l'esprit que ce Règlement ne visait pas l'homme de la rue mais les fabricants et vendeurs de drogues qui doivent savoir ce qu'ils font. La Cour ne peut annuler ce Règlement parce qu'on le prétend imprécis vu le contexte de la Loi, du Règlement et du secteur d'activité. Il paraît tout à fait impossible de préciser dans une loi ou un règlement toutes les découvertes possibles et toutes les questions et interrogations que peut se poser légitimement le directeur. Les règlements sur le DIN et les drogues nouvelles sont suffi- samment clairs et précis pour indiquer au demandeur qu'il doit communiquer tous les renseignements demandés, après quoi le directeur doit décider si la demande respecte les critères fixés par voie législative.
Les règlements attaqués ne constituent pas non plus une sous-délégation illégale de pouvoir par le gouverneur en conseil. La maxime delegatus non potest delegare est un principe qui a l'effet d'une présomption en matière d'interprétation législative et ne constitue pas un principe juridique; elle s'applique en l'absence d'intention contraire de la part du législateur. Les tribunaux ont été réceptifs à constater une telle intention. On a jugé que lorsque l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire est confié à un ministre, on peut supposer que les mesures nécessai- res seront prises par les fonctionnaires responsables du minis- tère, puisqu'il serait exagéré de s'attendre à ce que le ministre les remplisse personnellement. Les pouvoirs discrétionnaires du ministre et du directeur ne sont pas vastes mais ils sont plutôt fort limités.
Les défendeurs ont admis qu'a. l'exception des acides aminés ... le Bureau des médicaments en vente libre ne sait pas pourquoi les autres produits ... ont été saisis». Il a donc été concédé qu'il n'y avait pas de croyance raisonnable de violation concernant les produits saisis subséquemment libérés. Les demanderesses Jamieson et Swiss Herbal ont été victimes d'une saisie abusive. Quant à la question de savoir s'il y a eu contravention à l'article 8 de la Charte, les tribunaux ont distingué entre le contexte de l'enquête criminelle et celui des enquêtes en matière réglementaire. Une perquisition ou saisie sans mandat risque plus d'être considérée abusive dans le premier cas. Ceux qui décident de s'adonner à une activité
commerciale réglementée par le gouvernement ne doivent pas avoir des expectatives de vie privée trop élevées. Ce qui est raisonnable à l'inspection des locaux industriels ou commer- ciaux différera de ce qui est raisonnable dans le cas de la fouille, la perquisition et la saisie de documents pris dans une maison d'habitation. La perquisition et la saisie en l'espèce ont été effectuées dans le contexte d'une enquête criminelle. Le défendeur ne peut prétendre le contraire après avoir plaidé que la législation relevait de la compétence du Parlement en matière de droit criminel. La Loi prévoit qu'une violation du Règlement constitue une infraction poursuivable par voie d'acte d'accusation. Il n'était pas peu commode d'obtenir un mandat. Il n'y avait pas urgence. L'application efficace de la loi n'aurait pas été entravée si le défendeur avait obtenu une autorisation préalable pour la perquisition et la saisie. La demanderesse a agi en toute ouverture; il n'y avait pas de risque que les «drogues nouvelles» soient dissimulées ou détruites. Il y a eu contravention à l'article 8 de la Charte. L'alinéa 22(1)d) de la Loi est inopérant. La saisie est annulée parce que inconstitu- tionnelle. La victoire des demanderesses ne constitue qu'une victoire morale car les produits qui sont composés d'acides aminés continuent à être soumis aux règlements concernant les drogues nouvelles.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 8.
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 251(4),
443.1 (ajouté par S.C. 1985, chap. 19, art. 70). Employment Standards Act, R.S.O. 1980, chap. 137, art.
45.
Farm Products Marketing Act, R.S.O. 1980, chap. 158.
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 5] (mod. par Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982 sur le Canada, 1), art. 91(2),(27), 92(7),(13), 121.
Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, chap. F-27, art. 2 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 47, art. 19), 3, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 22 (mod. par S.C. 1985, chap. 26, art. 12), 25(1)b) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 28, art. 16), e),m),o)(ii), 26, 27, 28, 29, 32, annexes A, B, C, D, E, F.
Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, chap. C-23, art. 32(1)c) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 76, art. 14(1)).
Loi sur la quarantaine des plantes, S.R.C. 1970, chap. P-13, art. 6(1)a).
Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N-1, art. 12.
Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., chap. 870, art. C.01.014 (mod. par DORS/81-248, art. 2), C.01.014.1 (mod., idem), C.01.014.2 (mod., idem), C.01.014.3 (mod., idem), C.01.014.4 (mod., idem), C.08.001, C.08.002, C.08.003, C.08.004, C.08.005 (mod. par DORS/79-236, art. 5), C.08.006, C.08.007, C.08.008, C.08.009, C.08.010, C.08.011.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Standard Sausage Co. v. Lee, Proctor v. Standard Sau sage Co., [1933] 4 D.L.R. 501 (C.A.C.-B.); Brasseries Labatt du Canada Ltée c. Procureur général du Canada, [1980] 1 R.C.S. 914; infirmant [1980] 1 C.F. 241 (C.A.); infirmant (1978), 84 D.L.R. (3d) 61 (C.F. 1" inst.); R. c. Wetmore et autres, [1983] - 2 R.C.S. 284; Renvoi: Loi anti-inflation, [1976] 2 R.C.S. 373; Carlton Ltd. v. Works Comrs., [1943] 2 All E.R. 560 (C.A.); R. c. Harrison, [1977] 1 R.C.S. 238; Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; R. v. Rao (1984), 12 C.C.C. (3d) 97 (C.A. Ont.) (permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada refusée, [1984] 2 R.C.S. ix); Re Belgoma Transportation Ltd. and Director of Employment Standards (1985), 51 O.R. (2d) 509 (C.A.); R. v. Quesnel (1985), 24 C.C.C. (3d) 78 (C.A. Ont.) (permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada refusée, [1986] 1 R.C.S. xiii); Bertram S. Miller Ltd. c. R., [1986] 3 C.F. 291 (C.A.) (permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada refusée, [1986] 2 R.C.S. v); R. v. Bichel (1986), 4 B.C.L.R. (2d) 132 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Re Imperial Oil Limited and The City of Kingston, [1955] O.W.N. 767 (H.C.); Brant Dairy Co. Ltd. et autre c. Milk Commission of Ontario et autre, [1973] R.C.S. 131; Voyageur Inc. c. Commission des transports du Québec, [1986] R.J.Q. 2577 (C.S.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Citizens Insurance Company of Canada v. Parsons (1881-82), 7 A.C. 96 (P.C.); Procureur général du Canada c. Transports Nationaux du Canada, Ltée et autre, [1983] 2 R.C.S. 206; Canadian Federation of Agriculture v. Attorney -General for Quebec (Renvoi relatif h la margarine), [1951] A.C. 179 (P.C.); Berry- land Canning Company Ltd. c. La Reine, [1974] C.F. 91 (l ee inst.); R. v. Kripps Pharmacy Ltd. and Kripps (1980), 114 D.L.R. (3d) 457 (C. cté C.-B.); Canadian Indemnity Co. et autres c. P.G. de la Colombie-Britanni- que, [1977] 2 R.C.S. 504; R. c. Hauser, [1979] 1 R.C.S. 984; R. c. Aziz, [1981] 1 R.C.S. 188; Schneider c. La Reine du chef de la Colombie-Britannique, [1982] 2 R.C.S. 112.
DÉCISIONS CITÉES:
In re .Insurance Act, 19104, (1913), 48 R.C.S. 260; In re Board of Commerce Act, 1919, and Combines and Fair Prices Act, 1919, [1922] 1 A.C. 191 (P.C.); MacDonald et autre c. Vapor Canada Ltd., [1977] 2 R.C.S. 134; Procureur général du Canada. c. Québec Ready Mix Inc., [1985] 2 C.F. 40 (C.A.); Proprietary Articles Trade Association v. Attorney -General for Canada, [1931] A.C. 310 (P.C.); Combines Investigation Act Reference re Validity of The, [1929] R.C.S. 409; [1929] 2 D.L.R. 802; Morgentaler c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 616;
Asbjorn Horgard AIS c. Gibbs/Nortac Industries Ltd., [1987] 3 C.F. 544 (C.A.); James Richardson and Sons Limited c. Ministre du Revenu national, [1983] 1 C.F. 3 (1" inst.); Attorney-General of British Columbia v. Attorney-General of Canada (affaire Johnny Walker), [1924] A.C. 222 (P.C.); Renvoi relatif à la taxe sur le gaz naturel exporté, [1982] 1 R.C.S. 1004; Johannesson v. Municipality of West St. Paul, [1952] 1 R.C.S. 292; Munro v. National Capital Commission, [1966] R.C.S. 663; Comité d'administration du régime de rentes c. La Régie des rentes, 500-05-024078-782, 6 novembre 1979, C.S. Qué., non publiée; Cie Miron Ltée c. R., [ 1979] C.A. 36; R. v. Sandler (1971), 21 D.L.R. (3d) 286 (C.A. Ont.); Montreal Gazette Ltd. c. Ville de Montréal, [1975] C.S. 686 (appel rejeté, non rapporté, 500-09- 00910-752 C.A.M., 27 février 1981); Corporation muni- cipale du village de Rimouski Est c. Corporation muni- cipale de la cité de Rimouski et P.G. du Québec, [1976] C.S. 485; Re Campeau Corporation and City of Ottawa (1978), 22 O.R. (2d) 40 (C. div.); City of Dartmouth v. S. S. Kresge Co. Ltd. (1966), 58 D.L.R. (2d) 229 (C.S.N.-E.); Kruse v. Johnson, [1898] 2 Q.B. 91 (C. div.); Aerlinte Eireann Teoranta c. Canada, [1987] 3 C.F. 383 (1t» inst.); Bacon v. Ont. Flue-Cured Tobacco Growers Marketing Bd., [1959] O.W.N. 256 (H.C.); Remis v. Fontaine, [1951] 2 D.L.R. 461 (C.A. Man.); Sparks v. Edward Ash, Ld., [1943] K.B. 223 (C.A.); Taylor v. Brighton Borough Council, [1947] K.B. 736 (C.A.).
DOCTRINE
Bennion, F.A.R. Statutory Interpretation, London: But- terworths, 1984.
Canada. Commission de réforme du droit. Notre droit pénal. Ottawa: Ministre des Approvisionnements et Services, 1976.
Canada. Law Reform Commission, Our Criminal Law. Ottawa: Minister of Supply and Services, 1976.
De Smith's Judicial Review of Administrative Action,
4th ed. by J. M. Evans, London: Stevens & Sons, 1980. Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed.
Toronto: Butterworths, 1983.
Driedger, Elmer A. «Subordinate Legislation» (1960), 38 R. du B. Can. 1.
Dussault, René and Louis Borgeat. Administrative Law: A Treatise, (trans. M. Rankin), Toronto: Carswell, 1985.
Garant, Patrice. Droit administratif, 2' ed. Montréal: Editions Yvon Blais Inc., 1985.
Gibson, R. Dale. «Measuring National Dimensions» (1976), 7 Man. L.J. 15.
Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, 2nd ed. Toronto: Carswell, 1985.
Pigeon, Louis-Philippe. Rédaction et Interprétation des Lois, Québec: Éditeur officiel du Québec, 1965.
AVOCATS:
P. Wilbrod Gauthier, c.r. et Christine Carron pour les demanderesses.
J. M. Mabbut et Jean-Marc Aubry, pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Ogilvy, Renault, Montréal, pour les demande- resses.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
NOTE DE L'ARRÊTISTE
Le directeur général a décidé de publier, en version abrégée, les 134 pages des motifs du jugement de l'honorable juge. Les questions en litige en l'espèce étaient: (1) le sous-alinéa 25(1)o)(ii) de la Loi des aliments et drogues est-il ultra vires du Parlement? (2) Les règlements sur le DIN et les règlements sur les drogues nouvelles sont-ils ultra vires du gouverneur général en con- seil? Et (5) la perquisition et la saisie effectuées aux termes de l'article 22 de la Loi des aliments et drogues violent-elles le droit des demanderes- ses garanti par l'article 8 de la Charte? La déci- sion rendue sur ces questions est publiée en entier. Nous avons omis de la publication les motifs du jugement quant aux questions trois et quatre. Ces questions étaient: (3) Les acides aminés isolés et les produits à base d'acide aminé constituent-ils de véritables «drogues nou- velles» au sens de la Loi? Et (4) les règlements en matière de drogues nouvelles ont-ils été appli- qués de façon injuste, déraisonnable et discrimi- natoire? Les conclusions sur les questions qui ônt été omises sont traitées dans une note de l'arrêtiste.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MULDOON: Dans ces actions, les demanderesses soutiennent que le sous-alinéa 25(1)o)(ii) de la Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, chap. F-27, n'est pas de la compé- tence du Parlement et que les règlements C.01.014 à C.01.014.4 [Règlement sur les aliments et dro- gues], C.R.C., chap. 870, tels qu'ajoutés par DORS/81-248, art. 2, et les règlements C.08.001 à C.08.011, tels que modifiés par DORS/79-236, art. 5, sont également ultra vires sinon du Parlement du moins du gouverneur général en conseil. Les demanderesses soutiennent par conséquent que les règlements mentionnés plus haut sont nuls pour les raisons suivantes:
a) ils créent un système d'autorisation qui n'entre pas dans les pouvoirs réglementaires prévus à l'article 25 de la Loi des aliments et drogues (ci-après, la Loi);
b) ils ne constituent pas des règlements parce qu'ils ne contien- nent aucune norme objective précisant les critères à utiliser pour (i) la définition de drogue nouvelle, (ii) la délivrance d'un avis de conformité par le Ministre, (iii) la délivrance d'une «identification numérique de drogue» (ci-après, DIN);
c) ils constituent une délégation de pouvoirs illégale; [ou en sont la manifestation];
d) ils constituent une délégation de pouvoirs illégale au direc- teur [le sous-ministre adjoint de la Santé nationale et du Bien-être social], pouvoirs qui ont été exercés de façon arbi- traire et discriminatoire par ses employés (ou ses subordonnés); et
e) ils ont pour effet de conférer des pouvoirs juridictionnels au directeur en tentant de lui attribuer le pouvoir de déterminer ce qui constitue une violation de la Loi ou des règlements.
Les demanderesses demandent un jugement décla- ratoire sur ces questions.
La demanderesse, C.E. Jamieson & Co. (Domi- nion) Ltd., ci-après Jamieson, soutient également que la perquisition effectuée dans ses locaux ainsi que la saisie de tous les acides aminés isolés et produits à base d'acides aminés figurant dans son inventaire, effectuées le 17 décembre 1984 par le personnel du directeur étaient illégales, en particu- lier parce qu'elles étaient abusives et contraires à l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi consti- tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)]. Les demanderes- ses soutiennent en outre que ces acides aminés isolés et produits à base d'acides aminés ne sont pas des «drogues nouvelles» au sens de la Loi et du Règlement.
Enfin, les demanderesses soutiennent à titre sub- sidiaire que, même si les règlements mentionnés ci-dessus ne sont pas ultra vires, la façon dont ils ont été appliqués aux demanderesses est injuste, déraisonnable et discriminatoire, constituant ainsi une injustice flagrante et qu'en particulier, Jamie- son a le droit d'obtenir un DIN pour son produit.
Sur ce dernier point, Jamieson demande en réa- lité au tribunal de prononcer une ordonnance de la nature d'un mandamus enjoignant au directeur de délivrer un DIN pour son produit «Stress Ease with Vitamins and Minerais». En fait, les parties recon- naissent maintenant que le directeur et son person-
nel ont retiré leur opposition au nom commercial «Stress -Ease», proposé par Jamieson, depuis l'in- troduction de la présente instance. Le directeur maintient son opposition à l'ajout de tryptopha- ne-L mais il a autorisé la délivrance d'un DIN pour un produit ne contenant pas de tryptophane, com- mercialisé sous le nom de «Stress -Ease».
Ces deux affaires ont été entendues ensemble les 16, 17 et 18 décembre 1986 Montréal (Québec). Les pièces sont volumineuses, la plupart ayant été produites dans chacune des actions, et les exposés conjoints des faits présentés par les parties dans chacune des actions sont complexes. Enfin, les parties ont déposé des actes de procédure défini- tifs, des documents certifiés conformes ont été modifiés en vertu d'une ordonnance à effet rétroactif, avec le consentement des procureurs des parties, à l'ouverture de ces audiences conjointes, et le formulaire modifié de défense dans l'action T-2853-84 a été produit en janvier 1987. Les parties ont déposé également des observations écri- tes au cours de ce mois. Le tribunal a aussi pris connaissance de la transcription des débats.
Il ne fait aucun doute que les parties dans ces deux actions connaissent fort bien et en détail les exposés modifiés des faits admis qu'elles ont pré- sentés, ainsi que les admissions supplémentaires faites, y compris les documents incorporés par référence dans ces admissions. Il n'est donc pas utile de les reprendre ici. Inutile d'insister sur le fait que, dans un procès civil de type contradictoire comme c'est le cas ici, même s'il soulève des questions importantes de droit public, la Cour accepte habituellement les faits sur lesquels s'en- tendent les parties.
Outre les faits présentés conjointement par écrit, les demanderesses ont assigné cinq témoins: M. Eric Margolis, président-directeur général de la demanderesse, Jamieson; M. James Allan Maranda, président de la demanderesse Swiss Herbal Remedies; M. Barrie Carlson, président de Ouest Vitamin Supplies Limited; M. Errol Abramson, propriétaire de BEA par l'intermédiaire de Capita Corporation, société qui s'occupe de l'empaquetage et de la vente au détail de vitamines et qui exerce ses activités à partir de la Colombie- Britannique; et M. Hyman Busgang, président et propriétaire de la demanderesse, Pharmetics. Le procureur des défendeurs n'a contre-interrogé que
M. Margolis et il n'a pas assigné de témoins au procès pour la défense.
Le procureur des défendeurs a produit pour la défense, à titre de pièce 2 dans les deux actions, l'affidavit de M. Simon N. Young, Ph.D., un expert qui, avec le consentement des deux parties, n'a pas été convoqué pour témoigner au procès. La transcription du contre-interrogatoire de M. Young par le procureur des demanderesses effec- tué le 11 décembre 1986 a été produit dans les deux actions à titre de pièce 3. Diverses substances contenues dans des comprimés, des sachets et des capsules ont été identifiées au cours de cet interro- gatoire et présentées dans ces deux actions à titre de pièces 3 (SY1 à SY8). La pièce 4 contient des passages de la transcription de l'interrogatoire préalable des représentants des défendeurs, MM. Denys Cook et Robert Ferrier, auquel a procédé le procureur des demanderesses.
En tout, vingt pièces principales ont été produi- tes en l'instance, trois en liasse et un bon nombre d'entre elles étant constituées de documents ayant jusqu'à six pages. La preuve documentaire présen- tée est volumineuse, fort détaillée et de nature assez technique.
De leur côté, les défendeurs s'appuient sur l'ex- posé des faits admis et les documents supplémen- taires produits sous la pièce 1, l'affidavit du profes- seur Simon N. Young (pièce 2) et la transcription du contre-interrogatoire qu'il a subi sur son affida vit (pièce 3) et la pièce 10 (en liasse), l'avis de conformité daté du 6 octobre 1986 et la description du produit de ICN Canada Ltd. du 2 septembre 1986. (Transcription 1, page 137.)
QUESTIONS EN LITIGE
Les faits et les arguments présentés soulèvent un certain nombre de questions de droit administratif et de droit constitutionnel. Ces questions seront examinées par ordre d'importance décroissante, en commençant par celle de la compétence du Parle- ment de légiférer et de déléguer des pouvoirs légis- latifs dans le domaine des aliments et drogues. Voici donc les questions en litige:
I. COMPÉTENCE LÉGISLATIVE: Le sous-alinéa 25(1)o)(ii) de la Loi des aliments et drogues et ses règlements sur les drogues nouvelles sont-ils ultra vires du Parlement?
II. COMPÉTENCE RÉGLEMENTAIRE: Les règlements sur le DIN et les règlements sur les drogues nouvelles sont-ils ultra vires du gouverneur général en conseil pour une des raisons suivantes:
A. Ils créent un système d'autorisation que n'autorise pas l'article 25 de la Loi des aliments et drogues;
B. Ils n'établissent aucune norme objective et sont trop vagues;
C. Ils constituent une sous-délégation de pouvoirs illé- gale ou en sont la manifestation;
III. Les acides aminés isolés et les produits à base d'acide aminé constituent-ils de véritables «drogues nouvelles» au sens de la Loi et du Règlement?
IV. Les règlements en matière de drogues nouvelles ont-ils été appliqués de façon injuste, déraisonnable et discriminatoire?
V. APPLICATION DE LA CHARTE: La perquisition et la saisie effectuées aux termes de l'article 22 de la Loi des aliments et drogues violent-elles le droit des demande- resses garanti par l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés et cet article 22 est-il lui-même con- traire à cette disposition?
Le règlement de ces questions déterminera l'issue de ces litiges.
I. COMPÉTENCE LÉGISLATIVE DU PARLEMENT: Le sous-alinéa 25(1)o)(ii) de la Loi des ali- ments et drogues et ses règlements concernant les drogues nouvelles sont-ils ultra vires ou intra vires du Parlement?
Cette question porte sur le partage constitution- nel des compétences législatives et constitue une question préalable dans cette affaire. Il est en effet évident que si la disposition législative en vertu de laquelle ces règlements ont été adoptés n'est pas de la compétence législative du Parlement, ces règle- ments n'ont aucune validité pour défaut de base légale et les demanderesses pourront—et auront pu—exercer leurs activités sans être réglementées par le Parlement ou le gouvernement du Canada. Par contre, si la disposition législative est valide, il faut malgré tout déterminer si les règlements adoptés constituent un exercice autorisé des pou- voirs conférés au gouverneur en conseil et, dans ce cas, si les fonctionnaires de l'État les ont appliqués et fait respecter de façon légale. Si nous concluons que les règlements n'ont pas été validement formu- lés et promulgués, cette conclusion mettra fin au débat.
Les demanderesses prétendent que la disposition législative attaquée, le sous-alinéa 25(1)o)(ii) de la Loi, ne peut découler du pouvoir exclusif du Parle-
ment d'adopter des lois dans toutes les matières tombant dans les sujets suivants «les échanges et le commerce» ou «le droit criminel», ni du pouvoir général d'adopter des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada. Le premier chef de compétence figure au paragraphe 2 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 5] (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitution- nelle de 1982, 1)], le deuxième figure au para- graphe 27 de l'article 91 et le pouvoir général, mentionné en dernier, trouve son origine dans l'at- tribution générale de pouvoir législatif au Parle- ment qui découle de la clause introductive de l'article 91 de la Constitution.
Outre cette prétention globale à l'absence de compétence, les demanderesses soutiennent égale- ment que cette disposition fait partie de la compé- tence provinciale, puisqu'elle empiète sur celle-ci, de légiférer exclusivement relativement aux matiè- res entrant dans la catégorie de sujet, «la propriété et les droits civils dans la province», cette dernière étant libre d'adopter des lois dans ce domaine ou de ne pas le faire. Cette compétence provinciale figure au paragraphe 13 de l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Dans cette affaire, les demanderesses doivent s'acquitter seules du far- deau de persuasion, sans l'appui d'un procureur général d'une province, aucun d'entre eux ne s'étant fait représenter dans cette instance.
En réponse, les défendeurs soutiennent que la disposition attaquée de la Loi des aliments et drogues, combinée aux autres dispositions de cette Loi, a été adoptée validement par le Parlement en vertu des pouvoirs que lui confère l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, en particulier, le pouvoir de légiférer en matière de droit criminel ou le pouvoir de légiférer pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement.
En théorie, l'examen de la validité d'une disposi tion législative dans le contexte du partage des pouvoirs s'effectue en deux temps: le premier con- siste à déterminer le caractère véritable (c'est-à- dire, le sujet principal) de la disposition législative; et le second, l'affectation de ce sujet à un des chefs de compétence (c'est-à-dire, à une catégorie de sujet) énumérés aux articles 91 et 92 (notamment) de la loi constitutionnelle. Il arrive bien souvent
que ces deux étapes se chevauchent quelque peu parce que la détermination de la véritable nature de la disposition est souvent formulée en termes de chefs de compétence législative.
Il ne conviendrait pas de limiter la question de la compétence législative au seul sous-alinéa 25 (1)o) (ii) de la disposition principale. Il convient également d'examiner la forme et l'objet ou l'éco- nomie générale de la Loi et de son Règlement. La Loi telle que formulée ne contient pas de préam- bule qui exprimerait l'intention du législateur; il faut donc la déduire des autres dispositions de la loi. Il paraît utile de mentionner ici certaines définitions de nature interprétative [article 2 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 47, art. 19)]:
2....
«ministère» signifie le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social; [et «ministre» se rapporte bien entendu au même ministère];
«drogue» comprend toute substance ou mélange de substances manufacturé, vendu ou représenté comme pouvant être employé
a) au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physi que anormal, ou de leurs symptômes, chez l'homme ou les animaux, ou
b) en vue de restaurer, corriger ou modifier les fonctions organiques chez l'homme ou les animaux, ou e) en vue de désinfecter des locaux des aliments sont fabriqués, préparés ou gardés;
«inspecteur» s'entend de la personne désignée à titre d'inspec- teur, aux termes de l'article 21.1 ou conformément à la Loi sur le ministère de la Consommation et des Corporations, en vue de l'application de la présente loi;
«étiquette» comprend toute inscription, tout mot ou marque accompagnant un aliment, une drogue, un cosmétique, ins trument ou colis, y attaché, y inclus ou y appartenant;
«colis» ou «paquet» comprend toute chose en laquelle un ali- ment, une drogue, un cosmétique ou un instrument est contenu, placé ou empaqueté, en tout ou en partie;
«prescrit» signifie prescrit par les règlements;
«vendre» comprend vendre, offrir en vente, exposer en vente, avoir en possession pour la vente et distribuer.
La Partie I de la Loi des aliments et drogues s'intitule ALIMENTS, DROGUES, COSMÉTIQUES ET INSTRUMENTS. La première disposition de cette Partie est de nature générale:
Généralités
3. (1) Nul ne doit annoncer au public quelque aliment, drogue, cosmétique ou instrument comme étant un traitement, un préventif de quelque maladie, désordre ou condition physi que anormale, mentionnés à l'annexe A, ou comme devant les guérir.
(2) Nul ne doit vendre quelque aliment, drogue, cosmétique ou instrument
a) qui est présenté par étiquette, ou
b) qui est annoncé au public
comme étant un traitement, un préventif de quelque maladie, désordre ou condition physique anormale, mentionnés à l'an- nexe A, ou comme devant les guérir.
(3) Sauf autorisation prévue par les règlements, nul ne doit annoncer au grand public un produit anticonceptionnel quel- conque ou une drogue fabriquée ou vendue pour servir à prévenir la conception, ou représentée comme pouvant servir à prévenir la conception.
Le titre suivant Aliments comprend quatre autres articles qui, à l'instar de l'article 3, créent par le biais de l'article 26, Peines, les infractions de vente de substances toxiques ou délétères, d'aliments impropres à la consommation humaine, d'aliments pourris, décomposés ou falsifiés. L'étiquetage, l'empaquetage, la vente ou la publicité concernant un aliment effectué de manière fausse, trompeuse ou mensongère ou qui peut créer une fausse impression quant à la nature, la valeur ou quant aux avantages ou à la sûreté de l'aliment sont interdits. La préparation ou le conditionnement d'aliments dans des conditions non hygiéniques est également interdit.
La section de la Partie I intitulée Drogues est plus détaillée que la section précédente, même si elle s'inspire largement des infractions et des inter- dictions figurant dans le titre Aliments. Dans les circonstances présentes, il convient de la citer en détail:
Drogues
8. Nul ne doit vendre quelque drogue
a) qui a été fabriquée, préparée, conservée, empaquetée ou emmagasinée dans des conditions non hygiéniques; ou
b) qui est falsifiée.
9. (1) Nul ne doit étiqueter, empaqueter, traiter, préparer, vendre ou annoncer quelque drogue de manière fausse, trom- peuse ou mensongère, ou qui peut créer une fausse impression quant à la nature, valeur, quantité, composition, ou quant aux avantages ou à la sûreté de la drogue.
(2) Une drogue qui n'est pas étiquetée ou empaquetée tel que les règlements le requièrent, ou qui est étiquetée ou empa- quetée contrairement aux règlements, est censée étiquetée ou empaquetée contrairement au paragraphe (1).
10. (1) Lorsqu'une norme a été prescrite pour une drogue, nul ne doit étiqueter, empaqueter, vendre ou annoncer une substance de telle manière qu'elle puisse être confondue avec cette drogue, à moins que cette substance ne soit conforme à la norme prescrite.
(2) Lorsqu'une norme n'a pas été prescrite pour une drogue, mais qu'une norme pour cette drogue est contenue dans quelque publication mentionnée à l'annexe B, nul ne doit étiqueter, empaqueter, vendre ou annoncer quelque substance de telle manière qu'elle puisse être confondue avec cette drogue, à moins que la substance ne soit conforme à ladite norme.
(3) Lorsque la norme d'une drogue n'a pas été prescrite et qu'aucune norme de cette drogue ne paraît dans une publica tion mentionnée à l'annexe B, nul ne doit vendre cette drogue, à moins
a) qu'elle ne soit conforme à la norme reconnue sous laquelle elle est vendue, et
b) qu'elle ne ressemble pas, d'une manière qui puisse trom- per, à quelque drogue pour laquelle une norme a été prescrite ou qui est contenue dans une publication mentionnée à l'annexe B.
11. Nul ne doit fabriquer, préparer, conserver, empaqueter ou emmagasiner pour vente quelque drogue dans des conditions non hygiéniques.
12. Nul ne doit vendre quelque drogue mentionnée à l'an- nexe C ou D à moins que le Ministre n'ait, dans la forme et de la manière prescrites, attesté que les locaux la drogue a été fabriquée, ainsi que le procédé et les conditions de fabrication dans ces locaux, sont propres à garantir que la drogue ne sera pas d'un usage dangereux.
13. Nul ne doit vendre quelque drogue mentionnée à l'an- nexe E, à moins que le Ministre n'ait, dans la forme et de la manière prescrites, indiqué que le lot d'où a été tirée la drogue n'était pas d'un usage dangereux.
14. (1) Nul ne doit distribuer ou faire distribuer quelque drogue comme échantillon.
(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas à la distribution, dans des conditions prescrites, d'échantillons de drogues à des médecins, dentistes, vétérinaires ou pharmaciens.
15. Nul ne doit vendre quelque drogue mentionnée à l'an- nexe F. [Annexe abrogée le 18 juillet 1984 (DORS/84-566, art. 1).]
La Partie II de la Loi, intitulée ADMINISTRA TION ET MISE EN APPLICATION traite des inspec- teurs, des pouvoirs de perquisition, de saisie et de confiscation, de l'analyse des articles et des sub stances, des règlements (y compris la disposition attaquée), des peines et des règles de preuve. S'agissant de préciser la compétence législative du Parlement par rapport à l'adoption de la Loi des aliments et drogues dans le cadre des échanges et du commerce international, la Partie II se termine par un article fort intéressant. Il porte le titre Exportations et se lit ainsi:
32. La présente loi ne s'applique à un aliment, une drogue, (ou autre qu'une drogue ou autre substance qui est une drogue contrôlée selon la définition de la Partie III ou une drogue d'usage restreint selon la définition de la Partie IV), un cosmé- tique ou un instrument, empaqueté, qui n'est pas fabriqué pour la consommation au Canada et qui n'est pas vendu pour la consommation au Canada, si le paquet porte distinctement imprimé le mot «Exportation» et si un certificat, selon lequel le paquet et son contenu ne contreviennent à aucune disposition connue de la loi du pays auquel le paquet est expédié, ou est sur le point d'être expédié, a été émis à son égard en la forme et de la manière prescrites.
L'annexe A énumère une bonne quarantaine de maladies et d'états anormaux, tant mentaux que physiques, classés par ordre alphabétique et qui vont de l'alcoolisme, à l'anxiété, la dépression, l'obésité et la pleurésie, à la vaginite et aux mala dies vénériennes. L'annexe B contient une liste de sept publications fort connues parmi les pharmaco- pées. L'annexe C traite des produits pharmaceuti- ques radioactifs et l'annexe D contient une liste de substances et secrétions naturelles et organiques. L'annexe E ne contient aucun élément et l'annexe F a été abrogée en juillet 1984.
Aux termes de l'article 32, cité plus haut, la Loi des aliments et drogues s'applique uniquement au Canada, à l'exception d'une disposition prévoyant l'étiquetage des drogues manufacturées pour la consommation à l'extérieur du Canada. Cette dis position d'exception n'est pas en litige en l'espèce. C'est donc dans le cadre d'une loi adoptée et promulguée par le Parlement uniquement en vue de son application au Canada que les demanderes- ses contestent la validité du sous-alinéa suivant:
25. (1) Le gouverneur en conseil peut établir des règlements pour l'exécution des objets et l'application effective des disposi tions de la présente loi. En particulier, mais sans restreindre la généralité de ce qui précède, il peut établir des règlements
o) concernant
(ii) la vente ou les conditions de vente de toute drogue nouvelle,
et définissant aux fins de la présente loi l'expression «drogue nouvelle»; ...
L'alinéa 25(1)o) a été adopté dans le contexte de cet article de la Loi qui précise au moins un aspect de l'intention du législateur et qui définit un objectif qui entretient des liens étroits avec la disposition attaquée. Une autre disposition se rap- portant également à la disposition attaquée est l'alinéa 25(1)b) [mod. par S.C. 1976-77, chap. 28,
art. 16], entre autres. Ainsi donc, le sous-alinéa attaqué fait partie d'un ensemble législatif qui se lit, en partie du moins, comme ceci:
25. (1) Le gouverneur en conseil peut établir des règlements pour l'exécution des objets et l'application effective des disposi tions de la présente loi. En particulier, mais sans restreindre la généralité de ce qui précède, il peut établir des règlements
b) concernant
(i) l'étiquetage et l'empaquetage et la présentation, l'expo- sition et l'annonce en vente d'aliments, de drogues, de cosmétiques et d'instruments,
(ii) le volume, les dimensions, le remplissage et autres spécifications des paquets d'aliments, de drogues, de cos- métiques et d'instruments,
(iii) la vente ou les conditions de vente, de tout article, drogue, cosmétique ou instrument, et
(iv) l'emploi de toute substance comme ingrédient entrant dans la fabrication d'un aliment, d'une drogue, d'un cos- métique ou d'un instrument,
afin d'empêcher que le consommateur ou l'acheteur d'un article ne soit déçu ou trompé sur sa conception, sa fabrica tion, son efficacité, l'usage auquel il est destiné, sa quantité, sa nature, sa valeur, sa composition, ses avantages ou sa sûreté, ou de prévenir quelque dommage à la santé du consommateur ou acheteur;
e) concernant la méthode de préparation, de fabrication, de conservation, d'empaquetage, d'emmagasinage et d'essayage de tout aliment, drogue, cosmétique ou instrument, dans l'intérêt de la santé du consommateur ou acheteur ou pour prévenir tout dommage à sa santé;
m) ajoutant quoi que ce soit à l'une des annexes, dans l'intérêt de la santé du consommateur ou acheteur, ou pour prévenir tout dommage à sa santé, ou retranchant quoi que ce soit de ces annexes;
o) concernant
(i) les méthodes de préparation, de fabrication, de conser vation, d'empaquetage, d'étiquetage, d'emmagasinage et d'épreuve de toute drogue nouvelle, et
(ii) la vente ou les conditions de vente de toute drogue nouvelle,
et définissant aux fins de la présente loi l'expression «drogue nouvelle»; ... [Non souligné dans le texte original.]
Pour saisir le caractère véritable du sous-alinéa attaqué 25(1)o)(ii), il faut déterminer l'intention et l'objectif législatifs de la disposition dans son contexte. Cette disposition qui confère au gouver- neur en conseil le pouvoir d'adopter des règlements pour l'exécution des objets de la Loi et pour son application effective reflète une intention législa- tive qui s'exprime aux articles 8, 9(1), 10(1) et (2), 11, 12, 13, 26, 27, 28, 29 et dans les sous-alinéas
25(1)b), e) et m). L'existence du pouvoir d'adopter des règlements concernant les drogues de façon générale et les drogues nouvelles en particulier doit donc s'apprécier uniquement dans ce contexte constitutionnel et législatif.
Au début du Règlement se trouvent les disposi tions relatives au DIN que contestent les demande- resses et qu'elles cherchent à faire déclarer ultra vires du Parlement et du gouverneur en conseil parce que non autorisées par la Loi des aliments et drogues. Il s'agit des articles C.01.014 à C.01.014.4 du Règlement qu'il convient de citer ou de reformuler ainsi:
C.01.014. (1) I1 est interdit à un fabricant de vendre, sous forme posologique, une drogue qui n'a pas fait l'objet d'une identification numérique, ou dont l'identification a été annulée selon l'article C.01.014.6.
(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas aux médicaments radioactifs, aux disques de sensibilité et aux comprimés de sensibilité.
C.01.014.1. Le fabricant ou l'importateur d'une drogue peut présenter au directeur par écrit une demande d'identification numérique qui doit comprendre les renseignements énumérés aux alinéas a) à n), notamment: la forme pharmaceutique sous laquelle la drogue doit être vendue; la voie d'administration recommandée; une liste quantitative des ingrédients médicinaux désignés par leur nom propre ou, à défaut, par leur nom usuel; une indication précisant qu'il s'agit d'une drogue à usage humain, à usage vétérinaire ou devant servir à désinfecter des locaux; le nom et la quantité de chaque colorant de nature non médicinale: l'usage ou les fins pour lesquels la drogue est recommandée; la posologie recommandée; le nom et l'adresse du fabricant ou de l'importateur; le libellé des étiquettes et des dépliants et de toute autre documentation supplémentaire dis- ponible sur demande. Dans le cas d'une drogue nouvelle, une présentation déposée conformément à l'article C.08.002, et dans le cas d'un médicament breveté, une demande présentée conformément à l'article C.10.003 est réputée être une demande d'identification numérique.
C.01.014.2. Sur réception de tous les renseignements exigés à l'égard d'une drogue, le directeur émet un «document» portant l'identification numérique de la drogue et les renseignements visés aux alinéas C.01.014.1(2)a) à f), mais le directeur peut refuser de remettre le «document» s'il a de bonnes raisons de croire que le produit n'est pas une drogue, ou est une drogue dont la vente [sic] [la consommation, plutôt] nuirait à la santé du consommateur ou de l'acheteur ou enfreindrait la Loi ou le Règlement. Dans ce cas, le requérant peut fournir des rensei- gnements supplémentaires et demander au directeur de reconsi- dérer sa décision, ce qu'il est tenu de faire.
C.01.014.3. Le requérant ou la personne autorisée par lui doit, dans les 30 jours suivant la mise en marché de la drogue, dater et signer le document qui lui est remis selon l'article C.01.014.2 et le renvoyer
a) avec une confirmation de l'exactitude des renseignements qu'il contient;
b) avec l'indication de la date de la mise en marché de la drogue au Canada; et
e) avec des échantillons ou des facsimilés des étiquettes et des dépliants d'accompagnement, ainsi que les renseigne- ments supplémentaires sur l'emploi du produit fournis sur demande.
C.01.014.4. Lorsqu'une demande relative à une drogue est présentée conformément à l'article C.01.014.1 et que les rensei- gnements qu'elle renferme ne sont plus exacts
a) en raison d'une modification aux renseignements visés aux alinéas C.01.014.1(2)a) à e)
(i) qui se produit avant la mise en marché de la drogue, une nouvelle demande doit être présentée, ou
(ii) qui se produit après la mise en marché de la drogue, la vente doit être discontinuée jusqu'à ce qu'une nouvelle demande d'identification numérique soit présentée et qu'un numéro soit attribué; et
b) en raison d'une modification aux renseignements visés aux alinéas C.01.014.1(2)j) à k)
(i) qui se produit avant la mise en marché de la drogue, tous les détails de la modification doivent être présentés en même temps que le document visé à l'article C.01.014.3, ou
(ii) qui se produit après la mise en marché de la drogue, la personne à qui l'identification numérique de la drogue a été attribuée doit en informer le Directeur dans les 30 jours suivant la modification.
Les demanderesses contestent principalement la validité de l'article C.01.014.2 reformulé ci-dessus, en raison de son caractère prétendument vague.
Les règlements sur les «drogues nouvelles» que contestent les demanderesses forment le titre 8 du Règlement. Cette disposition commence par une définition de Drogues nouvelles, que voici:
C.08.001. Aux fins de la Loi et du présent titre, «drogue nouvelle» désigne
a) une drogue qui est constituée d'une substance ou ren- ferme une substance, sous forme d'ingrédient actif ou inerte, de véhicule, d'enrobage, d'excipient, de solvant ou de tout autre constituant, laquelle substance n'a pas été vendue comme drogue au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l'innocuité et l'efficacité de ladite substance employée comme drogue,
b) une drogue qui entre dans une association de deux dro- gues ou plus, avec ou sans autre ingrédient, qui n'a pas été vendue dans cette association particulière, ou dans les pro portions de ladite association pour ces drogues particulières, pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour éta- blir, au Canada, l'innocuité et l'efficacité de cette association ou ses proportions employées comme drogue; ou
e) une drogue pour laquelle le fabricant prescrit, recom- mande, propose ou déclare un usage comme drogue ou un mode d'emploi comme drogue, y compris la posologie, la voie d'administration et la durée d'action, et qui n'a pas été
vendue pour cet usage ou selon ce mode d'emploi au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour éta- blir, au Canada, l'innocuité et l'efficacité de cet usage ou de ce mode d'emploi pour ladite drogue.
Les autres dispositions attaquées du titre 8 sont fort nombreuses et il paraît préférable d'en donner un bref résumé suffisant pour nous permettre de caractériser ces dispositions—008.002 à C.08.011—aux fins d'en examiner la constitution- nalité.
C.08.002—interdit la vente d'une drogue nouvelle à moins que le fabricant n'ait déposé auprès du ministre une présenta- tion de drogue nouvelle et ait obtenu un avis de conformité; énumère les renseignements devant figurer dans une présenta- tion de drogue nouvelle.
C.08.003—interdit la vente d'une drogue nouvelle si les renseignements contenus dans la présentation de la drogue nouvelle diffèrent des modalités réelles de la vente de cette nouvelle drogue, à moins que le fabricant ne dépose auprès du ministre un supplément à sa présentation de drogue nouvelle contenant les renseignements et le matériel que le directeur pourra exiger.
C.08.004—oblige le ministre à délivrer un avis de conformité dans les 120 jours du dépôt de la présentation de drogue nouvelle, pourvu qu'elle respecte l'exigence de C.08.002 ou de C.08.003.
C.08.005—énumère les cas dans lesquels le fabricant peut vendre une drogue nouvelle à des «chercheurs compétents» à seule fin d'effectuer des épreuves cliniques en vue d'obtenir des preuves relatives à l'innocuité, la posologie et l'efficacité de la drogue nouvelle, nonobstant l'article C.08.002 ou C.08.003.
C.08.006—autorise le ministre à suspendre un avis de confor- mité lorsqu'il pense que cette mesure est nécessaire dans l'inté- rêt de la santé publique, lorsque l'efficacité de la nouvelle drogue est remise en question ou lorsqu'il trouve que la présen- tation de nouvelle drogue se fonde sur une fausse déclaration touchant un fait matériel.
C.08.007—oblige le fabricant qui a reçu un avis de confor- mité à établir et maintenir des registres suffisants contenant des renseignements sur les recherches scientifiques en cours sur la drogue nouvelle et sur les pratiques de vente et de consomma- tion actuelles de la nouvelle drogue.
C.08.008—interdit à un fabricant de vendre une drogue nouvelle à moins qu'il ne respecte les dispositions de C.08.007.
C.08.009—fixe la procédure que doit suivre le ministre pour suspendre un avis de conformité.
C.08.010—prévoit la vente d'une drogue nouvelle, avec l'au- torisation du directeur, à un praticien pour un traitement d'urgence.
C.08.011—permet à un fabricant d'effectuer un type de vente prévu à C.08.010 et écartant l'application de la Loi et du Règlement à cette vente.
I (1): ÉCHANGES ET COMMERCE
Le procureur des défendeurs, avec raison, n'a guère insisté sur ce chef de compétence du Parle- s ment. On peut en traiter assez brièvement.
Selon la rubrique 2 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, le Parlement a l'autorité
exclusive de faire des lois relatives à la catégorie
6 de sujets désignée comme la réglementation des échanges et du commerce. La portée apparemment large de ce pouvoir a été restreinte par la jurispru dence. La décision du Comité judiciaire du Conseil privé, dans l'affaire Citizens Insurance Company of Canada v. Parsons (1881-82), 7 A.C. 96, recon- naît que le pouvoir du Parlement de réglementer les échanges et le commerce inclut les arrange ments politiques concernant les échanges qui requièrent la sanction du Parlement, la réglemen-
i tation des échanges interprovinciaux et, peut-être, la réglementation des échanges s'appliquant à tout le pays, mais qu'il ne comprend pas la réglementa- tion par voie législative des contrats relatifs aux échanges ou à un commerce en particulier dans
' une seule province. En l'espèce, le Parlement entend réglementer le commerce de l'industrie pharmaceutique au Canada. Toutefois, il est inad missible qu'il puisse le faire légalement, en l'ab- sence d'urgence, même si l'industrie, ainsi que la législation, opèrent dans tout le pays. Cette conclu sion, quant au pouvoir du Parlement en matière d'échanges et de commerce, peut être tirée, entre autres, d'une sélection des décisions rendues par la Cour suprême du Canada et le Comité judiciaire du Conseil privé sur un nombre respectable d'an- nées: In re «Insurance Act, 1910» (1913), 48 R.C.S. 260; In re Board of Commerce Act, 1919, and Combines and Fair Prices Act, 1919, [1922] 1 A.C. 191 (P.C.); et MacDonald et autre c. Vapor Canada Ltd., [1977] 2 R.C.S. 134.
Concédant que la Loi des aliments et drogues constitué de la législation réglementaire (transcription 3, pages 91 et 92), le procureur des défendeurs a simplement affirmé qu'elle s'appuie en partie sur le pouvoir en matière d'échanges et de commerce, étant [TRADUCTION] «justifiable comme réglementation, comme matière générale d'échanges concernant le Dominion» (transcription 3, page 123). Il n'a rien proposé d'autre au sujet de ce pouvoir, en tant que fondement de cette loi.
L'invocation du pouvoir en matière d'échanges et de commerce peut trouver quelque appui dans les jugements rendus par la minorité dans l'affaire Procureur général du Canada c. Transports Na- tionaux du Canada, Ltée et autre, [1983] 2 R.C.S. 206. Les juges Beetz et Lamer s'y sont déclarés d'accord pour l'essentiel (page 282) avec le juge Dickson (aujourd'hui juge en chef), selon qui l'ali- néa 32(1)c) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions [S.R.C. 1970, chap. C-23 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 76, art. 14(1))] avait été validement adopté par le Parlement en vertu du pouvoir de légiférer en matière d'échanges et de commerce que lui confère la rubrique 2 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Aux pages 267 et 268, sont rapportées les observations suivan- tes du juge Dickson, qui peuvent avoir quelque rapport avec les circonstances présentes.
Lorsqu'on aborde ce problème difficile de caractérisation, il est utile de noter les observations qu'a faites le Juge en chef dans l'arrêt MacDonald c. Vapor Canada Ltd., précité, à la p. 165, il mentionne comme indices possibles d'un exercice valide de la compétence générale en matière d'échanges et de commerce l'existence d'un système de réglementation nationale, la surveillance exercée par un organisme de réglementation et le fait de viser le commerce en général plutôt qu'un seul aspect d'une entreprise particulière. A cette liste j'ajouterais ce qui, à mon avis, constituerait des indices encore plus sûrs d'une réglementation générale valide des échanges et du commerce savoir: (i) que la Constitution n'habilite pas les provinces, conjointement ou séparément, à adopter une telle loi et (ii) que l'omission d'inclure une seule ou plusieurs provinces compro- mettrait l'application de ladite loi dans d'autres parties du pays.
Ce qui précède ne se veut pas une énumération exhaustive; de plus, la présence de l'un ou l'autre ou de la totalité de ces indices n'est pas nécessairement concluante. La bonne façon d'aborder la caractérisation est encore celle proposée dans l'arrêt Parsons, c'est à-dire qu'on doit procéder à une apprécia- tion méticuleuse de chaque cas qui se présente. Néanmoins, la présence de tels facteurs rend tout au moins beaucoup plus probable que ce que vise la loi fédérale en cause est vraiment une question économique d'intérêt national plutôt que simple- ment une série de questions d'intérêt local. [Non souligné dans le texte original.]
Ces considérations ne visent évidemment pas les circonstances exactes de la présente espèce, mais elles ne réduisent pas à néant la concession des défendeurs, quant au caractère réglementaire de la Loi des aliments et drogues. Intéressants à cet égard sont les motifs substantiels du juge MacGui- gan dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Québec Ready Mix Inc., [1985] 2 C.F. 40 (C.A.), auxquels ses collègues ont souscrit.
Bien qu'ils puissent avoir un effet accessoire sur les échanges et le commerce internationaux et interprovinciaux, la délégation législative et les règlements pris en conséquence ne les visent pas directement. Ils ne peuvent donc s'appuyer sur cet aspect de ce chef de compétence. En outre, puisque la Loi et le Règlement ont été orientés par le Parlement vers la réglementation d'une industrie unique, quoique diverse, celle des produits phar- maceutiques, ils tombent en dehors de la réglemen- tation des échanges, au sens large, s'appliquant à tous les pays. La Cour conclut donc que la déléga- tion de pouvoir réglementaire que prévoit le sous- alinéa 25(1)o)(ii) et les dispositions qui l'accompa- gnent, ainsi que les règlements attaqués présumé- ment pris en vertu de cette délégation, ne peuvent se fonder sur l'autorité du Parlement de faire des lois relatives à la réglementation des échanges et du commerce au sens de la rubrique 2 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867.
I (2): DROIT CRIMINEL
La rubrique 27 de l'article 91 de la Loi consti- tutionnelle de 1867 confère au Parlement le pou- voir d'édicter des lois portant sur «le droit criminel
. y compris la procédure en matière [de droit] criminelle».
L'essence du droit criminel, telle que la conce- vait la Commission de réforme du droit du Canada en 1976, dans son troisième rapport intitulé Notre droit pénal, a été ainsi décrite la page 51:
Le droit pénal a donc trait principalement aux valeurs. Rien de plus normal puisque le crime se définit comme un comporte- ment qui constitue une atteinte grave aux valeurs auxquelles nous croyons. Les crimes sont non seulement des actions que punit la loi, mais aussi des actions qui méritent qu'on les punisse. Comme le disaitle juge Fitzjames Stephen, le citoyen ordinaire perçoit le crime comme un comportement qui est «prohibé par la loi et qui répugne aux sentiments moraux de la société». Commettre un crime n'est pas seulement poser un acte prohibé, c'est aussi faire le mal.
La jurisprudence fournit au moins cette descrip tion générale du droit criminel:
La prohibition par la loi de comportements définis avec des conséquences pénales, prohibition qui protège l'intérêt public par l'exclusion de substances nuisibles à la santé, la condamna- tion de la fraude, du mensonge et d'autres exploitations dom- mageables et la promotion de la paix, de l'ordre et de la sécurité.
Cette définition inventée, toute générale qu'elle soit, est tirée des motifs de diverses décisions parmi
lesquelles, et non les moindres, se trouvent les arrêts Proprietary Articles Trade Association v. Attorney -General for Canada, [1931] A.C. 310 (P.C.), à la page 324 et Canadian Federation of Agriculture v. Attorney -General for Quebec (Renvoi relatif à la margarine), [1951] A.C. 179 (P.C.), aux pages 196 et 197. Dans ce dernier arrêt, il a même été précisément déclaré que l'ar- gument selon lequel l'interdiction de la margarine par le Parlement était une disposition de droit criminel [TRADUCTION] «aurait eu plus de poids s'il avait été possible de prétendre que l'objet de la prohibition était d'exclure du Canada les sub stances nuisibles à la santé». (Non souligné dans le texte original.) Voir également le jugement du juge Duff, dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada Combines Investigation Act Reference re Validity of the, [1929] S.C.R. 409, la page 413; [1929] 2 D.L.R. 802, la page 805, d'après lequel le droit criminel vise le contrôle des comporte- ments humains.
Les passages pertinents de la Loi des aliments et drogues, précités, montrent que les actes prohibés qu'ils visent sont la dissémination de substances nuisibles à la santé et le fait de tromper ou déce- voir le public quant à la nature, la valeur, la quantité, la composition, les avantages ou la sûreté des drogues en particulier. Les conséquences péna- les de ces actes sont prévues à l'article 26 de la Loi.
Les défendeurs prétendent que l'exclusion et la prohibition de substances nocives, ainsi que l'éta- blissement de normes pour les substances permises, servent les buts du droit criminel, afin de protéger la santé publique et de prévenir les dangers qu'il y a à tromper ou égarer le public quant aux risques potentiels que présentent même les substances per- mises. Tout effet sur la propriété et les droits civils est purement accessoire, disent les défendeurs. Les demanderesses ne sont pas d'accord. Elles soutien- nent que, dans leur essence, ces dispositions ne prohibent pas des comportements mais réglemen- tent plutôt un commerce. Elles font valoir qu'en conséquence, il s'agit d'une législation déguisée qui porte en réalité sur la propriété et les droits civils dans une province, si ce n'est dans toutes, et non sur le droit criminel.
La constitutionnalité de diverses dispositions de la Loi des aliments et drogues a déjà été contestée devant les tribunaux en au moins quatre occasions.
Dans l'affaire Standard Sausage Co. v. Lee, Proctor v. Standard Sausage Co., [1933] 4 D.L.R. 501 (C.A.C.-B.), avec un savant addenda du juge d'appel Martin, publié à [1934] 1 D.L.R. 706, on contestait la validité de dispositions prohibant la falsification d'aliments au moyen de certains agents conservateurs. La Cour a unanimement jugé que le sujet relève carrément de la compé- tence législative du Parlement en matière de droit criminel. Le jugement porté en appel était du juge Macdonald. Le juge d'appel Macdonald s'est exprimé ainsi, en son nom et en celui du juge en chef Macdonald de la Colombie-Britannique la page 506]:
[TRADUCTION] Ainsi ... si le Parlement fédéral, pour proté- ger la santé publique contre un danger réel ou appréhendé, apporte des restrictions aux agents conservateurs qui peuvent être utilisés et en limite le nombre, il peut le faire en vertu du par. 91(27) de l'A.A.N.B. Ce n'est pas par essence une intru sion dans la propriété et les droits civils. Cela peut en découler accessoirement mais le vrai but (qui n'est pas déguisé, ni seulement un appui à ce qui est en substance un empiètement) est de prévenir un dommage réel ou appréhendé ou la probabi- lité d'un dommage de la plus grande gravité pour tous les habitants du Dominion.
Selon le recueil, à la page 507, le juge d'appel Macdonald a poursuivi en concluant que:
[TRADUCTION] L'objet premier de cette loi est la sécurité du public, en protégeant celui-ci contre un dommage appréhendé. Si c'est son but principal—et non un simple prétexte pour s'ingérer dans le domaine des droits civils—sa validité n'est pas amoindrie par le fait qu'elle puisse encourir le reproche, auquel peu de lois échappent, que son but serait aussi bien servi en suivant l'opinion d'autres personnes, à savoir que le bioxyde de soufre pourrait être ajouté sans danger à la liste des conserva- teurs utilisables. L'altération des aliments par l'introduction de substances étrangères, quelque bonnes que soient les intentions, doit être considérée à juste titre comme un mal public et on peut à juste titre considérer qu'il est fort dangereux d'abaisser les obstacles ou de lever les restrictions qu'à tort ou à raison, le Parlement a jugé bon dans sa sagesse d'imposer.
L'énoncé qui précède a conservé toute sa force depuis plus d'un demi-siècle. Il étaye certainement la position des défendeurs sur les questions que soulèvent les normes, les considérations de danger et la «nouveauté» prescrites à l'égard des sub stances des demanderesses. Il indique également que ces facteurs n'influent pas défavorablement sur la question de la constitutionnalité.
Outre la question de la sécurité du public, le juge d'appel Macdonald a décidé que la validité de la Loi pouvait se justifier pour un autre motif, la répression de la fraude dans la distribution des produits alimentaires, s'agissant en l'espèce d'un marchand qui avait mensongèrement présenté comme «fraîches» des saucisses falsifiées. Il est évident que les drogues et autres substances ne peuvent échapper à la force d'un tel raisonnement.
Le raisonnement et les conclusions de l'arrêt Standard Sausage ont été adoptées et appliquées par le juge Heald, alors qu'il siégait à la Division de première instance de cette Cour, dans l'affaire Berryland Canning Company Ltd. c. La Reine, [1974] C.F. 91. Le juge Heald a décidé que l'ali- néa 4d) de la Loi, en vertu duquel l'utilisation des cyclamates dans les aliments en conserve devait être éliminée progressivement et interdite, était de la compétence du Parlement. Il s'exprime ainsi, à la page 95 du recueil:
Il ressort clairement d'une comparaison de la Loi de 1927 et de la présente loi que, si certaines dispositions ont été ajoutées et d'autres modifiées, les buts principaux de la Loi n'ont pas changé au cours des années. Ainsi le raisonnement adopté dans l'arrêt Standard Sausage (précité) s'applique aussi à la pré- sente affaire.
Dans le Renvoi sur la validité de l'article 5a) de la Loi de l'industrie laitière [1949] R.C.S. 1 à la p. 50, le juge Rand donne une bonne description du pouvoir qu'a le Parlement du Canada de légiférer en matière de droit criminel:
[TRADUCTION] L'interdiction est-elle alors décrétée dans un but d'intérêt public ce qui peut la justifier comme étant en rapport avec le droit criminel? La paix publique, l'ordre, la sécurité, la santé, la moralité; voilà les buts ordinaires, mais non exclusifs, de ce droit ... (Les italiques sont de moi.)
Plus récemment, la Cour suprême du Canada a examiné deux fois la constitutionnalité de certaines dispositions de la Loi des aliments et drogues, les déclarant invalides dans un cas et valides dans l'autre. Les deux décisions sont soigneusement motivées, bien qu'aucune ne soit unanime.
Dans l'affaire Brasseries Labatt du Canada Ltée c. Procureur général du Canada, [1980] 1 R.C.S. 914, la Cour a examiné la validité contestée d'un règlement qui, pris en vertu de la Loi, prescri- vait les normes de composition de la «bière» et de la «bière légère». L'appelante avait mis sur le marché une nouvelle marque de bière étiquetée «Labbat's Special Lite», qui avait une teneur en alcool de 4 pour cent. Le règlement en question exigeait que la «bière légère» ne renfermât pas plus
de 2,5 pour cent d'alcool, tandis que la «bière» ordinaire devait avoir seulement entre 2,6 pour cent et 5,5 pour cent d'alcool par volume. L'appel de la brasserie a été accueilli par une majorité de six juges sur neuf. De cette majorité, cinq juges s'exprimant par la plume du juge Estey ont infirmé le jugement de la Cour d'appel [[1980] 1 C.F. 241 ] et l'ordonnance de la Division de première instance [(1978), 84 D.L.R. (3d) 61] et déclaré la page 947]:
.., que les articles B.02.130 à B.02.135 inclusivement du Règlement sur les aliments et drogues sont invalides et que l'art. 6 et l'al. 25(1)c) de la Loi des aliments et drogues sont ultra vires du Parlement en tant qu'ils se rapportent aux liqueurs de malt.
Le juge Pratte, sixième juge de la majorité, a également accueilli l'appel de la brasserie, mais aurait simplement rétabli le jugement du juge de première instance.
Dans cette affaire Brasseries Labatt, le juge Estey a conclu que le règlement n'avait pas une finalité de droit criminel. Son but ne pouvait être la protection de la santé puisque, selon les préten- tions de l'appelante, adoptées par le juge Estey la page 934), «tout breuvage de ce genre, nonob- stant son nom, qui a une teneur en alcool d'au moins 1.2 pour cent et d'au plus 8.5 pour cent [sic] par volume et qui est, d'autre part, brassé confor- mément au procédé commun à toutes les "liqueurs de malt", n'est pas censé constituer un risque pour la santé». Le règlement ne visait pas non plus la prévention du mensonge réalisé par un faux étique- tage parce que, dans le contexte de la bière et de la bière «légère», il ne pouvait y avoir de tel étique- tage qu'une fois la catégorie «bière légère» créée et définie par règlement. C'est dire que, n'eut été du règlement lui-même, l'étiquette n'aurait pas été litigieuse puisque le produit avait en fait une teneur en alcool inférieure au maximum prescrit pour la bière ordinaire.
En ce qui concerne la compétence législative du Parlement en vertu de l'article 91 de la Loi consti- tutionnelle de 1867, le juge Estey, au nom de la majorité dans l'affaire Brasseries Labatt, a exprimé, à la page 934 du recueil, les considéra- tions suivantes:
De même, la compétence du Parlement sur les matières se rapportant à la santé n'est pas pertinente en l'espèce. Le Parlement peut faire des lois relatives à la santé en vue d'assurer la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada :
on peut penser, à titre d'exemple, aux lois en matière de quarantaine. Le Conseil privé a laissé entendre dans Toronto Electric Commissioners v. Snider ([1925] A.C. 396) qu'une loi adoptée par le Parlement relativement à une «épidémie de peste» serait valide. Mais ce n'est pas ce qui est en jeu en l'espèce. Lorsque la santé est un aspect du droit criminel, comme dans le cas des dispositions législatives portant sur la falsification, la réponse est claire, mais en l'espèce, elle n'est d'aucun secours.
Quelques années plus tard, la Cour suprême a déclaré valides d'autres dispositions de la Loi des aliments et drogues. Il convient de noter ici que ces dispositions sont les articles 8 et 9, dont la violation entraîne les peines prévues à l'article 26. Dans cette affaire, R. c. Wetmore et autres [ci- après l'affaire Kripps Pharmacy], [1983] 2 R.C.S. 284, la majorité (le juge Dickson, aujourd'hui juge en chef, étant dissident) a suivi la décision rendue juste avant par la Cour dans l'affaire Procureur général du Canada c. Transports Nationaux du Canada, Ltée et autre, [1983] 2 R.C.S. 206. Dans l'affaire Kripps Pharmacy, il s'agissait d'un appel de la Couronne du chef du Canada à l'encontre d'un jugement de la Cour d'appel de la Colombie- Britannique qui avait rejeté l'appel d'un jugement du juge Berger, celui-ci ayant lui-même rejeté une demande de mandamus enjoignant au juge Wet- more de la Cour de comté de procéder à l'instruc- tion des accusations portées en vertu de l'article 26 de la Loi.
La première question posée à la Cour suprême dans cette affaire Kripps Pharmacy était: «La constitutionnalité des articles 8a), 9(1) et 26 de la Loi des aliments et drogues dépend-elle du par. 91(27) de la [Loi constitutionnelle de 1867]?» L'article 26 de la Loi prévoit que la violation des dispositions de celle-ci constitue une infraction qui peut être instruite par voie sommaire ou de mise en accusation, mais ni le droit criminel comme tel, ni même le Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34] n'y sont mentionnés. Selon le recueil, aux pages 288 et 289, feu le juge en chef Laskin, s'exprimant également pour les juges Ritchie, Estey et McIn- tyre, a jugé que les articles 8 et 9, si ce n'est la Loi entière, pouvaient se justifier par la compétence en matière de droit criminel. De même, il a conjec- turé que des dispositions comme l'article 9 rele- vaient également des compétences du Parlement en matière d'échanges et de commerce, encore qu'il se soit gardé de se prononcer définitivement en ce sens. Le juge en chef a alors ajouté [aux pages 288-289]:
Toutefois, il n'est pas nécessaire d'examiner davantage cette question, car il est bien établi depuis fort longtemps que la protection des aliments et d'autres produits contre la falsifica tion et l'application des normes de pureté ressortissent légitime- ment au droit criminel. Ces principes ont été appliqués il y a bien des années dans la décision Standard Sausage Co. v. Lee, [1933] 4 D.L.R. 501, confirmée par [1934] 1 D.L.R. 706.
Il a été jugé, encore une fois, que les articles 8 et 9, ainsi que les dispositions pénales de l'article 26, relevaient du pouvoir du Parlement de légiférer sur le droit criminel, de même que d'en assurer l'appli- cation dans les circonstances.
Lorsqu'ils affirment que la Loi et le Règlement en question ne constituent qu'un système d'autori- sation, les demanderesses reprennent les mots et le raisonnement du juge Wetmore de la Cour de comté [R. v. Kripps Pharmacy Ltd. and Kripps], rapportés à (1980), 114 D.L.R. (3d) 457 (C. cté C.-B.), aux pages 468 et 469. Celui-ci a affirmé, comme le font les demanderesses, que ce que visent les règlements contestés [TRADUCTION] «ne relève pas du droit criminel. En réalité, c'est un système d'autorisation pour les drogues nouvelles qui, en tant que tel, viole les par. 92(13) et (16) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (1867). En conséquence, le Règlement contesté ne constitue pas un exercice valide du pouvoir fédéral en matière de droit criminel.» Il est évident que cette façon de voir ne tient plus depuis la décision de la Cour suprême dans l'affaire Kripps Pharmacy.
Il semble clair, autant qu'une notion puisse l'être, qu'étant donné l'autorité que lui confère la Constitution d'identifier et de condamner un com- portement par l'adoption d'une loi pénale, le Parle- ment peut soustraire expressément un autre com- portement connexe à l'emprise du droit criminel, en le déclarant non criminel. Il peut le faire expressément, bien sûr, ou par implication néces- saire. En termes évocateurs, on peut dire que, puisque le Parlement peut modeler un crime, il peut également y découper une exception ou y faire une échancrure, de sorte qu'il ne couvre pas un comportement défini ou implicitement visé au départ ou antérieurement couvert. Pour recourir encore à une notion familière, quoique l'expression soit fabriquée, le Parlement peut légitimement édicter une «infraction conditionnelle», en vertu de laquelle l'accomplissement intentionnel d'un acte constitue une infraction, à moins que son auteur, préalablement, simultanément ou même subsé-
quemment, ne satisfasse à une condition prescrite par la loi. L'avortement a été longtemps un crime et le demeure, mais il existe maintenant une condi tion justificative: l'obtention d'un certificat d'un comité de l'avortement thérapeutique d'un hôpital accrédité ou approuvé conformément au paragra- phe 251(4) du Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34. Cette disposition a été jugée valide ([1976] 1 R.C.S. 616 [Morgentaler c. La Reine]), même si l'exception qu'elle édicte requiert la coopération d'institutions et de professionnels dont les activités relèvent entièrement de la compétence provinciale (par exemple, rubrique 7 de l'article 92).
Dans le cas présent, le Règlement sur les aliments et drogues ne mentionne pas le Code criminel, ni n'y est mentionné, le Parlement a mis en place sa propre institution et engagé ses propres professionnels pour administrer cette loi particu- lière de droit criminel. Il n'y a rien, dans la compétence du Parlement, qui l'empêche, en même temps qu'il légifère en droit criminel, de mettre sur pied un système national de réglemen- tation supervisé par un organisme de réglementa- tion de la nature de ceux mentionnés non seule- ment dans l'arrêt Transports Nationaux du Canada, mais aussi plus récemment, le 16 mars 1987, par le juge MacGuigan pour la Division d'appel de cette Cour, dans l'affaire Asbjorn Hor- gard AIS c. Gibbs/Nortac Industries Ltd., [1987] 3 C.F. 544. Les organismes de réglementation sont ici les directeurs, les directions et bureaux divers des aliments et des drogues de la Direction géné- rale de la protection de la santé du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social mentionnés aux paragraphes 7 à 13 de l'«exposé conjoint modi- fié des faits admis» par les parties. Un autre organisme de réglementation associé à ce système national de réglementation est le ministère fédéral de la Consommation et des Corporations men- tionné au paragraphe 14 de l'exposé conjoint. Les parties ont convenu que ce ministère assume cer- taines responsabilités en vertu de la Loi en ques tion. En particulier, des inspecteurs de ce ministère exercent les fonctions déléguées à des inspecteurs en vertu de la Loi des aliments et drogues.
Ceci étant, les demanderesses soutiennent que, si l'entreprise de législation en droit criminel dépasse la simple prohibition avec des conséquences péna- les pour entrer dans la réglementation, cela excède
les pouvoirs du Parlement. Une telle prétention ne peut résister à la force du raisonnement suivi dans les décisions Standard Sausage et Kripps Phar macy, toutes deux soigneusement examinées par la Cour suprême du Canada. Les défendeurs soutien- nent qu'il n'est pas nécessaire que le droit criminel soit interprété, et qu'il n'a pas été interprété, aussi étroitement que les demanderesses le préconisent. La Cour souscrit à la thèse des défendeurs (trans- cription 3, page 128) selon laquelle, lorsque le but «légitime»—c'est-à-dire «le caractère véritable»— de la législation est la protection de la santé et de la sécurité publiques, à quoi s'ajoute la répression du mensonge et de la fraude, et non une tentative de protéger ou d'éliminer un échange ou commerce particulier, le Parlement peut légiférer en se fon dant sur le droit criminel.
Il convient de noter également que le Parlement ne tente pas à cet égard de réglementer le prix de marchandises ou leur quantité. La législation, règlements compris, ne vise pas un secteur ou marché pour en favoriser ou désavantager un ou plusieurs autres. En outre, les normes réglementai- res des produits ne s'imposent qu'autant que la santé et la sécurité du public sont en jeu. Dans son ouvrage intitulé Constitutional Law of Canada, 2e
éd. Toronto: Carswell, 1985, la page 417, le professeur Peter W. Hogg donne quatre exemples, dans le Code criminel, le rattachement d'un organisme administratif ou de réglementation à un pouvoir de dispense n'entame ni ne met en ques tion la nature ou la portée des dispositions corres- pondantes de droit criminel qui y sont édictées. Au vrai, il n'existe aucune bonne raison pour laquelle le Parlement ne devrait pas ajouter aux prohibi tions et à leurs conséquences pénales des systèmes nationaux de réglementation destinés à en assurer l'efficacité. L'«infraction suprême», le meurtre, requiert que les enfants d'hier aient reçu une édu- cation familiale, morale et humaine, favorisant le respect actuel de la prohibition, mais ce n'est pas la mission de l'État, même si cette éducation est parfois un échec. Toutefois, quand il s'agit de fabrication, d'étiquetage ou de mise en marché, dans tout le Canada, des substances qui, pouvant être ingérées, sont susceptibles, selon les doses, d'être toxiques, d'altérer l'humeur ou d'être tout simplement mortelles, on ne saurait soutenir que la réglementation de la Direction générale de la pro tection de la santé (D.G.P.S.), visant à protéger la
santé et la sécurité publiques en informant notam- ment le consommateur sur les substances qu'il achète et ingère, est trop vaste pour pouvoir s'ap- puyer utilement sur le droit criminel. Voir James Richardson and Sons Limited c. Ministre du Revenu national, [1983] 1 C.F. 3 (1fe inst.), aux pages 20 et 21, en ce qui regarde la compétence législative.
La Cour conclut que la Loi des aliments et drogues, en ce qui concerne précisément la déléga- tion de pouvoir réglementaire de l'alinéa 25(1)o), ainsi que la teneur générale des articles contestés, C.01.014 à C.01.014.4 et C.08.001 à C.08.011 du Règlement, peuvent se justifier en vertu de la rubrique 27 de l'article 91 de la Loi constitution- nelle de 1867, en tant que droit criminel et législa- tion nécessairement accessoire à celui-ci. Il demeu- rera encore à apprécier ces dispositions réglementaires dans leur relation avec le but de la Loi, mais leur teneur générale peut se justifier pour ce qui est du système de réglementation destiné à assurer l'observation de cette expression particulière de droit criminel valide.
I (3) PAIX, ORDRE ET BON GOUVERNEMENT
Le début de l'article 91 de la Loi constitution- nelle de 1867 exprime en ces termes l'attribution générale de compétence législative:
91. Il sera loisible à La Reine, sur l'avis et avec le consente- ment du Sénat et de la Chambre des communes, de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets exclusivement assignés aux législatures des provinces par la présente loi ...
et, sans restreindre la généralité de ce qui précède mais pour plus de certitude, suit la liste de la plupart des catégories de sujets relevant de l'auto- rité législative du Parlement, y compris évidem- ment le droit criminel, dont il a déjà été discuté.
On peut se demander pourquoi la Cour devrait se donner la peine d'examiner la question soumise dans l'optique de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement, dès lors qu'elle a conclu que la Loi et le Règlement reposent sur l'autorité législative du Parlement de faire des lois tombant dans une catégorie de sujets expressément énumérés comme «le droit criminel ... y compris la procédure en matière [de droit] criminelle». Ordinairement, quand une action législative peut être ainsi classée, l'investigation s'arrête là. Toutefois, il n'y a rien de
déraisonnable à se demander si cette loi ne peut se justifier par quelque autre autorité législative con- férée à la législature qui en est l'auteur. D'habi- tude, évidemment, une telle investigation n'est guère, si ce n'est pas du tout, pertinente, puisque la qualification première de la matière de la loi résoud la question du partage des compétences législatives.
En l'espèce, la Cour qualifie de droit criminel l'aspect prohibition-peine de la Loi des aliments et drogues; de droit criminel également, les règle- ments contestés, mais parce que ceux-ci sont nécessairement accessoires au régime de prohibi tion et de peine établi par le Parlement pour protéger la santé et la sécurité publiques et décou- rager ou punir la fraude et le mensonge. Il est toutefois concevable que les règlements nécessaire- ment accessoires puissent se justifier en lonction d'un chef de compétence fédérale autonome, pour laquelle les prohibitions et leurs conséquences pénales pourraient jouer le rôle d'accessoire nécessaire.
La démarche proposée n'est pas, après tout, impensable. Dans l'affaire Canadian Indemnity Co. et autres c. P.G. de la Colombie-Britannique, [1977] 2 R.C.S. 504, l'appelante a monté deux attaques contre la législation provinciale, en invo- quant deux sujets distincts relevant de l'autorité législative du Parlement: les échanges et le com merce, et les compagnies à charte fédérale. Les deux attaques ont échoué mais ont trouvé quelque appui en cour d'appel provinciale. Plus significatifs quant aux doubles attributions de compétence législative sont toutefois les arrêts Attorney -Gene ral of British Columbia v. Attorney -General of Canada (affaire Johnny Walker), [1924] A.C. 222 (P.C.); Renvoi relatif à la taxe sur le gaz naturel exporté, [1982] 1 R.C.S. 1004, la page 1074, et Procureur général du Canada c. Transports Na- tionaux du Canada, Ltée et autre, précité, aux pages 279 et 280 [R.C.S.]. Le procureur des demanderesses a admis la légitimité de cette démarche (transcription 3, pages 16 19).
On peut présumer à coup sûr que ni les acides aminés en général (les «unités de base» des protéi- nes d'après la Lettre de renseignements de la D.G.P.S., pièce 1(E-10), page 1) ni les acides aminés essentiels, par exemple, et le tryptophane en particulier (pièce 1(E-10), page 2) n'étaient la
préoccupation première des Pères de la Confédéra- tion au moment ils réfléchissaient au partage des pouvoirs. Auraient-ils entrepris de définir le terme «drogue» qu'ils auraient fort bien pu formu- ler une définition très proche de celle de l'article 2 de la Loi des aliments et drogues. Mais ce n'était pas ce qui les intéressait. Ce qu'ils ont conçu, c'est l'idée de légiférer, non sur des substances ou des choses, mais plutôt relativement à des catégories de sujets, accompagnés d'exemples logiques pour plus de certitude ou, dans certains cas, d'attribu- tions pragmatiques traduisant ce qu'ils attendaient ou toléraient d'un État fédéral. Il ne devait pas y avoir de «failles», ni de lacunes législatives dans les pouvoirs de ce qui devait être un État fédéral virtuellement souverain, qui l'est devenu complète- ment par la suite.
La clause relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement a, au premier abord, dans l'article 91 une portée large qui a été quelque peu réduite au fil des ans et également définie avec plus de précision. Dans le Renvoi: Loi anti-inflation, [1976] 2 R.C.S. 373, le juge Beetz, quoique dissi dent, a exprimé une manière de concevoir la paix, l'ordre et le bon gouvernement, qui a apparem- ment été acceptée par la majorité. Il a été d'avis que l'autorité du Parlement de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement se confine à deux types de législation: (i) les mesures temporai- res visant à faire face à une situation d'urgence nationale; (ii) la législation portant sur des «sujets distincts qui ne se rattachent à aucun des paragra- phes de l'art. 92 et qui, de par leur nature, sont d'intérêt national» (page 457). Dans l'arrêt Bras- series Labatt, précité, aux pages 944 et 945, le juge Estey a perçu deux groupements dans cette seconde branche: a) les domaines qui relèvent de la compétence fédérale parce que la matière n'exis- tait pas au moment de la Confédération et ne peut pas être placée dans la catégorie des sujets de nature purement locale ou privée; b) les domaines la matière «dépasse les préoccupations ou les intérêts locaux ou provinciaux et doit par sa nature même constituer une préoccupation pour le Domi nion dans son ensemble». En fait, on peut parler de trois branches.
La première branche—législation temporaire visant à faire face à une situation d'urgence natio- nale—est sans application ici. Prises ensemble, les
dispositions réglementaires sur les «drogues nou- velles» et les règlements sur les drogues n'ont certainement pas vocation à être temporaires et il n'est pas prouvé qu'il y ait une situation d'urgence concernant les «drogues nouvelles».
Les défendeurs soutiennent que la deuxième ou la troisième branche de la clause relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement, ou les deux à la fois, peuvent justifier la législation contestée, règlements pertinents compris.
Pour la fonder sur la seconde branche, il fau- drait considérer que la matière de la législation n'existait pas au moment de la Confédération et qu'elle n'est pas de nature purement locale et privée. Toutefois, le sous-alinéa 25(1)o)(ii) de la Loi et les dispositions réglementaires sur les dro- gues nouvelles ne satisfont pas précisément au premier critère. Il est néanmoins vrai que tout produit pharmaceutique nouveau, du processus continu de recherche, d'analyse et de développe- ment scientifiques et chimiques, doit bien avoir été «nouveau» à un moment donné. Il est certain que la plupart de ceux qui existent aujourd'hui sont appa- rus après le Zef juillet 1867. Par ailleurs, on n'a présenté aucune preuve indiquant qu'il y ait de nos jours un problème de sûreté, d'efficacité et d'éti- quetage adéquat des drogues nouvelles qui n'exis- tait pas au moment de la Confédération, bien qu'on pourrait probablement conjecturer que ce soit le cas.
Les dispositions réglementaires sur les drogues nouvelles ont pour objet la protection des gens contre la distribution de drogues qui, ingérées par eux-mêmes ou leurs animaux, ou employées à quelque autre usage ou consommation, sont poten- tiellement délétères ou d'une autre façon dange- reuses, et contre le mensonge dans la distribution à ces fins de substances faussement ou erronément annoncées comme possédant les propriétés d'une drogue ou d'autres drogues. Or il est évident qu'il n'existe pas de liste immuable des drogues et pro- duits chimiques qui en interdise l'analyse scientifi- que, la découverte de nouvelles possibilités, la modification des substances ou les nouvelles com- binaisons. La recherche et le développement, comme les dispositions réglementaires elles-mêmes le montrent clairement, sont un aspect essentiel d'une industrie pharmaceutique vivante ou, si ce n'est pas le cas, le Parlement est tout au moins
disposé, pour défendre l'intérêt public, à en écarter les périls potentiels au moyen d'une réglementa- tion.
Tout comme il n'existe pas de liste immuable des infractions criminelles, il n'existe pas de liste immuable de ce qui constitue la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada car, dans cet État fédéral, la Constitution distribue l'ensemble des compétences législatives inhérentes à la notion d'État souverain. Il faut ajouter qu'il n'existe pas de liste immuable de «toutes les matières d'une nature purement locale ou privée dans la pro vince». La législature est toujours capable de faire face aux exigences de l'ingéniosité humaine, ce qui comprend la criminalité et la création de périls. Lorsque, sur le marché libre qu'est le Canada, de tels maux peuvent être disséminés dans deux ou plusieurs provinces et que la compétence législative n'a pas été précisément et exclusivement attribuée aux législatures provinciales, il y a une matière d'intérêt national qui relève de la clause relative à la paix, l'ordre et le bon gouvernement, parce que cette matière ne semblait pas exister au moment de la Confédération.
Le droit criminel existait certainement à cette époque. Mais la nécessaire réglementation complé- mentaire de ce qui se trouve juste «à l'extérieur» du profil du droit criminel en ce qui regarde la distri bution de produits pharmaceutiques ne peut évi- demment apparaître ni dans les débats sur la Confédération, ni dans la distribution précise des chefs exclusifs de compétence législative.
À ce point, il faut mentionner l'affaire R. c. Hauser, [ 1979] 1 R.C.S. 984. La Cour suprême y a décidé que ce n'est pas sur le droit criminel, mais plutôt sur la paix, l'ordre et le bon gouvernement que repose la validité de la Loi sur les stupéfiants, [S.R.C. 1970, chap. N-1]. Au nom de la majorité, le juge Pigeon a jugé que la Loi sur les stupéfiants a été adoptée pour faire face à un problème récent, l'abus de stupéfiants, qui n'existait pas à l'époque de la Confédération. Le jugement a été très criti- qué. Il semble maintenant généralement admis que, dans l'arrêt Hauser, étaient en cause les poursuites intentées en vertu des dispositions pro- hibitives et pénales de cette Loi sur les stupéfiants, la majorité, au nom de laquelle s'est exprimé le juge Pigeon, a erré en jugeant que ces dispositions mêmes étaient fondées sur la clause relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement.
Il n'y a rien de vraiment nouveau dans des prohibitions auxquelles sont attachées des consé- quences pénales car, à moins d'être invoquées pour déguiser des fins inappropriées, elles constituent du droit criminel valide. Mais il y a plus que cela dans le contrôle légal des stupéfiants. Il y a, notable- ment, l'article 12 de cette Loi, qui se lit ainsi:
12. Le gouverneur en conseil peut édicter des règlements
a) prévoyant la délivrance de permis
(i) d'importation, d'exportation, de vente, de fabrication, de production ou de distribution de stupéfiants, et
b) prescrivant la forme, la durée et les modalités de [ces] permis ... les droits exigibles â [leur] égard, et prévoyant [leur] annulation et [leur] suspension ...
c) autorisant la vente, la possession ou une autre forme de négoce de stupéfiants, et prescrivant les circonstances et les conditions dans lesquelles, ainsi que les personnes par qui, des stupéfiants peuvent être vendus ou détenus en possession, ou faire l'objet d'une autre forme de négoce;
d) enjoignant aux médecins, dentistes, vétérinaires, pharma- ciens et autres personnes qui font le négoce des stupéfiants, selon que l'autorisent la présente loi ou les règlements, de tenir des registres et de faire des déclarations;
e) autorisant la communication de tout renseignement obtenu sous le régime de la présente loi ou des règlements aux autorités provinciales officiellement chargées de la déli- vrance des permis;
J) prescrivant l'imposition d'une amende ... ou d'un empri- sonnement ... ou à la fois des deux peines susdites ... pour violation de tout règlement; et
g) de façon générale, en vue de la réalisation des objets de la présente loi et de l'application de ses dispositions.
La Loi sur les stupéfiants semble bien à la vérité être une manifestation du pouvoir du Parlement en matière de droit criminel, mais son article 12 et les règlements nécessairement accessoires semblent bien, comme l'a dit le juge Pigeon, se fonder sur la clause relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement. On pourrait bien sûr essayer de soutenir qu'ils constituent un système d'autorisa- tion ou qu'ils tendent à réglementer les professions médicales, dentaires, vétérinaires et pharmaceuti- ques dans chaque province, ou quelque autre argu ment de ce genre, mais de tels arguments ne pourraient manifestement pas tenir. Évidemment, sous le régime de la Loi sur les stupéfiants, les prohibitions et la réglementation sont beaucoup plus simples et moins subtiles qu'elles ne le sont sous le régime de la - Loi des aliments et drogues, parce que dans la première toutes les drogues et substances sont considérées par le Parlement comme très puissantes et extrêmement dangereu-
ses. Comme ce n'est pas toujours le cas, sous ces deux aspects, dans la Loi des aliments et drogues, la réglementation à la limite du profil de crimina- lité y est plus complexe, parce que le Parlement y adoucit les normes fermes et sévères invoquées dans la législation sur les stupéfiants.
Dans les deux cas, il est évident que la régle- mentation des drogues qui ne sont pas absolument prohibées, qui peuvent être utilisées à des condi tions réglementaires destinées à diminuer ou pré- venir le danger pour la santé publique et à prévenir la fraude et le mensonge, est une matière qui ne relève pas précisément du droit criminel profilé, mais plutôt de la paix, de l'ordre et du bon gouver- nement. Dans cette mesure, il est certain que l'opinion exprimée par le juge Pigeon au nom de la majorité dans l'arrêt Hauser doit être admise comme faisant autorité en droit constitutionnel, en ce qui concerne la portée de l'expression la paix, l'ordre et le bon gouvernement. D'ailleurs, dans l'arrêt R. c. Aziz, [1981] 1 R.C.S. 188, le juge Martland, en rendant le jugement de la Cour suprême du Canada, a déclaré, à la page 197, qu'«il n'y a aucun motif valable de juger le con- traire [du jugement de la Cour dans l'affaire Hauser] aujourd'hui». Cet arrêt Aziz, selon le juge en chef Laskin, «a approuvé avec circonspection l'arrêt Hauser en ce qu'il fonde la Loi sur les stupéfiants entièrement sur la clause relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement». Il a fait cette déclaration dans l'arrêt Schneider c. La Reine du chef de la Colombie-Britannique, [1982] 2 R.C.S. 112, à la page 115, où, souscrivant dans une opinion individuelle à celle de la majorité, il a dit qu'il «[aurait] souscrit aux motifs du juge Spence qui, dans cette affaire [Hauser], a consi- déré que la Loi sur les stupéfiants relève à la fois de la compétence en matière de droit criminel et de la compétence en matière d'échanges et de commerce; voir [1979] 1 R.C.S. 984, aux pp. 1003 et 1004».
Dans son ouvrage Constitutional Law of Canada (précité), le professeur Hogg conclut de façon catégorique la page 383] [TRADUCTION] «que l'arrêt Hauser est mal fondé et devrait être renversé par la Cour» et il poursuit en disant que la Loi sur les stupéfiants [TRADUCTION] «est à qua lifier proprement de droit criminel. Elle ne peut être placée dans la branche intérêt national de la
clause relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement.» On ne peut guère être en désac- cord avec le professeur Hogg si l'on s'en tient seulement aux prohibitions et peines édictées par cette Loi. Cependant sa position ne semble pas sensible à l'autre aspect de cette Loi que révèlent l'article 12 et le Règlement qui, mis à part les prohibitions principales et les conséquences péna- les qui s'y rattachent, peuvent certainement être édictés par le Parlement en vertu de la clause relative à la paix, à l'ordre et au bon gouverne- ment. Étant donné la nature nocive des stupéfiants réglementés, le Parlement pouvait légitimement prendre la voie de la prohibition de droit criminel ou celle du pouvoir résiduel de réglementation, ou les deux à la fois dans la même loi, comme il l'a effectivement fait.
Il en est ainsi pour la réglementation de l'identi- fication et de l'étiquetage des drogues et des dro- gues nouvelles dans le Règlement sur les aliments et drogues. Dans la Loi et les règlements, le Parle- ment a adopté les deux aspects. Il ne s'agit pas de matières d'une nature purement locale et privée; elles intéressent plutôt l'ensemble de la nation.
Quand la matière de cette sorte de réglementa- tion devient-elle d'intérêt national? Le professeur Hogg, dans son ouvrage précité à la page 379, affirme que, pour peu qu'il y en ait une, la réponse peut être glanée dans les motifs des arrêts Johan- nesson v. Municipality of West St. Paul, [1952] 1 R.C.S. 292 et Munro v. National Capital Com mission, [1966] R.C.S. 663. C'est «le sentiment de la dimension nationale de l'importance de la matière d'une législation» qui «détermine si elle présente ou non l'intérêt national requis». Cepen- dant, note aussitôt l'auteur, ce critère est trop subjectif pour être juridiquement fonctionnel. Ajouter l'étendue géographique et la notion d'uni- formité est d'un certain secours, mais cela ne parfait pas encore le caractère juridiquement fonc- tionnel du critère.
Un critère approprié de l'intérêt national, auquel souscrit le professeur Hogg, est celui qu'énonce le professeur R. Dale Gibson dans (1967), 7 Man. L.J., deux fois cité à la page 379 de l'ouvrage de M. Hogg. C'est le critère de l'«incapacité provin- ciale» selon lequel, si un problème de grande importance pour le Canada ne peut être résolu de façon réaliste par la coopération provinciale, parce
que les provinces ne sont pas en pouvoir d'y faire face, la matière tombe dans le champ «intérêt national» de la clause relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement. On peut noter que, dans sa dissidence, le juge Dickson a justement appliqué un tel critère pour déterminer la teneur de la compétence en matière d'échanges et de commerce qu'il a étudiée dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Transports Nationaux du Canada, Ltée, précité.
Si l'on applique ici le critère de l'incapacité provinciale, il est manifeste que la distribution en vue de la consommation à travers le Canada de drogues potentiellement nocives et de drogues nou- velles échappe réellement au contrôle des provin ces, même au royaume du droit uniforme. Le droit uniforme n'entraîne pas nécessairement des orga- nismes uniformes de réglementation. C'est dire que, pour faire échouer les tentatives provinciales de protection du public contre les drogues et les drogues nouvelles potentiellement dangereuses et étiquetées de façon mensongère, il suffirait qu'une seule province se refuse à légiférer ou à créer des organismes de réglementation bien motivés. Selon l'article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867, «Tous articles ... en provenance d'une province... qui y sont ... fabriqués, seront ... admis en franchise dans chacune des autres provinces.» Les habitants de toutes les provinces pourraient ainsi faire venir de telles drogues de la ou des provinces rétives ou les y acheter.
L'article C.01.014.2 du Règlement, qui déplaît tant aux demanderesses, illustre ce point. Si le requérant satisfait aux exigences, un DIN est déli- vré qui sert à identifier le produit et ses ingrédients dans tout le Canada. Si, se fondant sur la requête et ses propres connaissances, le directeur a de bonnes raisons de croire que le produit n'est pas une drogue ou est une drogue nuisible ou dange- reuse, il peut légitimement refuser de délivrer le document portant un nouveau DIN. Ces raisons commandent que le refus soit motivé et communi- qué. Dans de telles circonstances, le règlement invite le requérant à fournir des renseignements supplémentaires de sorte que le directeur puisse reconsidérer sa première décision. De cette façon, la santé des personnes peut être protégée partout au Canada ou ne pas l'être, il faut l'admettre, si le directeur se montre négligent. En outre, de cette
façon, les demandes de DIN émanant de tout le canada peuvent être vérifiées et approuvées ou rejetées selon des critères normalisés. Ce n'est pas du droit criminel. Cependant, les prohibitions de droit criminel doivent être complétées par les mécanismes plus sensibles et plus raffinés des règlements qui, après tout, évitent aux fabricants de se heurter au droit criminel quand ils produi- sent, pour le vendre et le faire ingérer par des humains, un nouveau produit qui, bien qu'il ne soit pas absolument prohibé, demeure potentiellement dangereux. C'est le danger, ou le danger potentiel, que présentent l'ingestion de substances délétères ou le fait d'être trompé quant aux quantités et aux compositions qui fait de cette matière une matière d'intérêt national. Même parfaitement uniforme, une législation provinciale accompagnée de règle- ments n'atteindrait pas son but, à moins que les législatures provinciales ne s'entendent unanime- ment sur un organisme administratif unique de réglementation financé par toutes. Cette unifor- mité complète et instantanée est réalisée par une législation émanant du Parlement. Les deux aspects de «but fédéral» de la présente législation fédérale sont nécessairement et réciproquement accessoires l'un à l'autre.
Pour toutes les raisons pertinentes qui précè- dent, la Cour décide que le sous-alinéa 25(1)o)(ii) de la Loi des aliments et drogues, ainsi que les règlements sur le DIN et les drogues nouvelles pris sous son empire, relèvent de la compétence du Parlement en vertu de son pouvoir de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada. Il s'agit en effet de matières d'intérêt national.
II. COMPÉTENCE RÉGLEMENTAIRE: Les règle- ments relatifs au DIN et les règlements sur les drogues nouvelles sont-ils ultra vires du gou- verneur en conseil pour une des raisons suivantes:
Pour examiner cette question, et les arguments qui l'accompagnent, que nous allons aborder plus loin, il faut prendre pour acquis, compte tenu des conclusions tirées antérieurement, que la Loi des aliments et drogues, avec les règlements cités et étudiés plus haut, relève bien de la compétence du Parlement. La question à trancher est donc celle-ci: le Parlement a-t-il conféré au gouverneur général en conseil le pouvoir d'adopter ces règle-
ments ou celui-ci a-t-il outrepassé son mandat? Si le gouverneur en conseil a vraiment outrepassé son mandat, soit par rapport aux pouvoirs conférés par la Loi, soit par rapport aux propres pouvoirs du Parlement, il faudra donc en conclure que les règlements attaqués sont, dans cette mesure, ultra vires du gouverneur en conseil.
Le procureur des demanderesses a sans doute raison lorsqu'il déclare (transcription 2, pages 2 à 4) que les questions formulées aux paragraphes II A., II C. et IV ne sont que des variantes de la question II B., c'est-à-dire, que les dispositions réglementaires attaquées sont vagues et ne con- tiennent aucune norme objective. Toutes ces ques tions ont néanmoins été vivement débattues par les parties. Nous allons examiner un à un tous les motifs invoqués par les demanderesses pour con- tester la validité de ces règlements.
II A.: Ces règlements créent-ils un système d'au- torisation que n'autorise pas l'article 25 de la Loi des aliments et drogues?
La demanderesse Jamieson conteste les règle- ments relatifs au DIN et les règlements sur les drogues nouvelles, tandis que les demanderesses Pharmetics et Swiss Herbal contestent uniquement ces derniers règlements. Les règlements relatifs au DIN ont été apparemment promulgués aux termes des sous-alinéas 25 (1)b) (i), (iii) et (iv) de la Loi des aliments et drogues; les règlements sur les drogues nouvelles ont été apparemment promul- gués en vertu des sous-alinéas 25(1)o)(i) et (ii). Les règlements adoptés en vertu du sous-alinéa (i) ne sont pas visés ici, comme l'indique la transcrip tion 2, aux pages 11 à 13. Nous avons cité plus haut ces dispositions législatives ainsi que les règle- ments attaqués. Ces textes sont trop longs pour qu'on les reprenne ici. Il convient néanmoins de mentionner à nouveau que les pouvoirs conférés au gouverneur en conseil en matière de règlements aux termes de l'article 25 doivent être exercés «pour l'exécution des objets et l'application effec tive des dispositions de la présente loi». En outre, l'alinéa 25(1)b) délègue le pouvoir particulier d'établir à l'égard d'aliments, de drogues, de cos- métiques et d'instruments des règlements du genre précisé dans cette disposition de façon à empêcher que le consommateur ne soit trompé et à prévenir tout dommage à sa santé.
Le procureur des demanderesses reconnaît que si les règlements relatifs au DIN se limitaient aux dispositions des articles C.01.014 et C.01.014.1, et en particulier au paragraphe C.01.014.1(2): [TRA- DUCTION] «je ne pense pas que nous serions ici aujourd'hui.» (Transcription 2, page 15.) Les demanderesses ne critiquent pas non plus le para- graphe C.01.014.2(1).
Par contre, les demanderesses s'opposent forte- ment au paragraphe C.01.014.2(2), qui autorise le directeur de la D.G.P.S. à «refuser de remettre le document [le DIN] visé au [paragraphe] C.01.014.2(1)]» s'il a de bonnes raisons» de le faire. Cette disposition attaquée, le paragraphe C.01.014.2(2), semble entrer en application lors- que le directeur croit pour des motifs énumérés que le produit pour lequel on demande un DIN
C.01.014.2. (2) ...
a) n'est pas une drogue; ou
b) est une drogue dont la vente nuirait à la santé du consom- mateur ou de l'acheteur ou enfreindrait la Loi ou le présent
règlement.
L'alinéa b) est mal rédigé. La vente seule pourrait constituer une violation de la loi, mais il est évi- dent que seule la consommation (ou le fait de se trouver à proximité du produit, si celui-ci est vola tile ou radioactif) pourrait nuire à la santé du consommateur (ou de l'acheteur). Cependant, la Cour ne pourrait déclarer que cet alinéa n'est pas valide pour ce motif, parce qu'il serait difficile d'affirmer que le sens de la disposition ou l'inten- tion du législateur ne sont pas clairs. Les demande- resses soutiennent que l'alinéa C.01.014.2(2)b) est vague et imprécis parce que, d'après elles, il ne prescrit aucune norme permettant de déterminer ce qui constitue un préjudice à la santé du consom- mateur. (Transcription 2, page 18.) Elles soutien- nent qu'un produit aussi inoffensif que l'aspirine pourrait bien être visé par cet alinéa. (Pièce 3, contre-interrogatoire de Simon Young, page 31.) Il est possible que l'aspirine (acide acétylsalicyli- que ou ASA) devrait être réglementée davantage mais cette question n'est pas en litige ici.
Pour ce qui est des règlements sur les drogues nouvelles, les définitions contenues aux alinéas C.08.001a), b) et c) comportent toutes la restric tion selon laquelle la drogue ou l'association de drogues
... n'a pas été vendue comme drogue au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l'innocuité et l'efficacité de ladite substance [association, pro portion ou mode d'emploi] employée comme drogue,
Le procureur des demanderesses soutient à propos de cette restriction générale que [TRADUCTION] «ce règlement ne contient aucun élément sur lequel un citoyen ordinaire pourrait se guider pour déter- miner ce qu'est une période et une quantité suffi- santes pour une drogue donnée». (Transcription 2, page 23.)
Les demanderesses critiquent également l'alinéa C.08.002(1)a) parce qu'il exige le dépôt d'une présentation de drogue nouvelle «sous une forme, d'une manière et dans une teneur jugées satisfai- santes par le Ministre». En outre, le paragraphe C.08.002(2) exige que cette présentation contienne «tous les renseignements et tout matériel que le Directeur jugera nécessaires et, sans limiter la généralité de ce qui précède, elle doit contenir» les renseignements et le matériel énumérés aux ali- néas a) à n). Le procureur des demanderesses a spécialement fait état de deux alinéas qui revêtent une importance particulière pour l'issue de cette affaire. Les voici:
C.08.002. (2) ...
g) les rapports détaillés des épreuves effectuées en vue d'éta- blir l'innocuité de la drogue nouvelle, aux fins et selon le mode d'emploi recommandés [par le fabricant];
h) des preuves substantielles de l'efficacité clinique de la drogue nouvelle aux fins et selon le mode d'emploi recom- mandés [là encore, par le fabricant];
Il convient de noter à ce sujet l'exception prévue au paragraphe C.08.005(1) qui permet à un fabri- cant de vendre une drogue nouvelle à des «cher- cheurs compétents», à seule fin d'effectuer des épreuves cliniques en vue d'obtenir des preuves relativement à l'innocuité, à la posologie ou à l'efficacité de la drogue nouvelle», si certaines conditions raisonnables énumérées dans cette dis position sont remplies. Cependant, le paragraphe C.08.005(3) autorise le ministre à interdire ce type de vente s'il estime que «cette mesure est dans l'intérêt de la santé publique». Les demanderesses reconnaissent que, si cette Loi a été validement adoptée par le Parlement, comme c'est le cas, tel que déjà décidé ici: [TRADUCTION] «le Parlement aurait pu de façon fort légitime rédiger cette dis position en ces termes mais ce n'est pas ce qu'il a choisi de faire». (Transcription 2, pages 28 et 29.)
Les demanderesses critiquent le fait que ce type de règlement revient à dire que le ministre et le directeur doivent être convaincus de l'innocuité et de l'efficacité de la drogue ou de la substance. Ils soutiennent que: [TRADUCTION] «pour que les règlements soient valides, il faut qu'ils soient suffi- samment précis pour qu'un citoyen ordinaire sache à l'avance, à la simple lecture du règlement, ce qui est requis de lui, quels sont les critères qu'il doit satisfaire pour obtenir un DIN ou, dans le cas d'une drogue nouvelle, un avis de conformité».
Ces règlements constituent-ils un système d'au- torisation que n'autorise pas l'article 25 de la Loi des aliments et drogues? Ils ne le constituent pas.
Les procureurs des demanderesses ont cité, à l'appui de leurs arguments, une quantité impres- sionnante de doctrine et de jurisprudence. Il con- vient de noter que cette doctrine et cette jurispru dence concernent presque uniquement les règlements municipaux. Nous les examinerons à l'occasion de la question en litige suivante, la question II B. qui porte sur l'absence de normes objectives et le caractère trop imprécis de ces règlements.
Les demanderesses affirment que ces règlements constituent un système d'autorisation illégal
(transcription 2, pages 118 121 et suivantes) parce que le ministre et le directeur ont le pouvoir de refuser un DIN ou un avis de conformité pour une drogue nouvelle, s'ils estiment que les présen- tations enfreignent la Loi ou le Règlement et parce qu'ils ont le pouvoir d'exiger un supplément de renseignements ou de matériel.
Les demanderesses invoquent principalement la décision de la Haute Cour de l'Ontario prononcée dans l'affaire Re Imperial Oil Limited and The City of Kingston, [1955] O.W.N. 767 (H.C.), dans laquelle affirment-elles: [TRADUCTION] «la question est formulée de façon fort succincte». (Transcription 2, page 119.) Le texte de cette décision est très court. (Recueil des autorités des demanderesses, Partie III, section 1.) Y figure un renvoi au sujet [TRADUCTION] «Corporations municipales—Pouvoirs réglementaires» de l'index, et l'extrait retenu se lit ainsi:
[TRADUCTION] Les décisions qui ont été citées par l'avocat du requérant dans ses arguments établissent que si la loi ontarienne The Municipal Act, R.S.O. 1950, chap. 234, accorde aux municipalités le pouvoir de réglementer et d'inter-
dire les sujets énumérés dans la clause 16 de l'art. 388, ce pouvoir n'emporte pas celui d'ajouter au règlement une disposi tion exigeant une autre autorisation. Les arrêts mentionnés étaient City of Toronto v. Mandelbaum, [1932] O.R. 552, [1932] 3 D.L.R. 604, et Donald v. The Town of Whitby, [1949] O.R. 44, [1949] 1 D.L.R. 361. La raison d'être de cette règle parait évidente et salutaire à la fois, parce que, si une municipalité pouvait adopter un règlement et exiger ensuite d'un requérant qu'il obtienne une autorisation supplémentaire, cela ouvrirait la porte à la discrimination.
Cet extrait ne contient pas la ratio complète de la décision. Il ressort des paragraphes suivants que la ville a invoqué à tort une certaine clause pour refuser la permission d'entreposer une substance, de l'essence, qui était en fait visée par une autre clause. Le texte parle bien [TRADUCTION] de «l'émission d'un permis» mais ne parle pas d'un système d'autorisation.
L'arrêt Imperial Oil and Kingston établit en fait, dans le contexte du droit municipal, que, lorsqu'un règlement exige l'autorisation d'un fonc- tionnaire désigné (voire de plusieurs), la corpora tion ne peut ensuite exiger, sans autre justification, l'autorisation supplémentaire d'un autre fonction- naire, ni même celle du conseil municipal. Cette décision n'affecte aucunement la validité du Règlement sur les aliments et drogues. Ce Règle- ment exige dans certains cas précis l'autorisation du ministre ou du directeur qui sont des représen- tants désignés par le Règlement. À l'exception des fonctionnaires qui ont pour tâche de les aider, et qui agissent, il convient de le noter, sous leur direction et leur responsabilité, il n'est aucunement besoin de demander un DIN ou un avis de confor- mité à un autre représentant, un autre organisme ou conseil. Le Règlement sur les aliments et dro- gues respecte pleinement la décision citée.
En outre, ces règlements visent à réglementer la mise en circulation de drogues, substances ou pro- duits ainsi que les déclarations concernant leurs propriétés et modes d'emploi. Les règlements ne visent pas à contrôler par l'émission de permis l'existence ou l'organisation commerciales des fabricants et des vendeurs de drogues, ni leur personnel de vente, ni la structure de leur prix. Ces règlements n'ont rien à voir avec l'autorisation d'exercer ce genre d'activité. Il ne constitue abso- lument pas un système d'autorisation. Sur ce point, ils ne font que découler du pouvoir réglementaire conféré au gouverneur en conseil par la loi habili- tante du Parlement, la Loi des aliments et drogues.
II B.: Les règlements ne fixent-ils aucune norme objective et sont-ils trop imprécis?
C'est le principal motif de contestation du Règlement par les demanderesses. Elles affirment que les règlements sur le DIN et les règlements sur les drogues nouvelles sont ultra vires parce qu'ils sont trop vagues. Elles citent sur ce point l'ouvrage de feu l'honorable Louis-Philippe Pigeon, Rédac- tion et Interprétation des Lois. Cet auteur éminent a écrit un chapitre pénétrant intitulé DELEGATUS NON POTEST DELEGARE, dont voici les passages essentiels que l'on trouvera aux pages 25 et 26:
On peut bien charger un fonctionnaire de vérifier l'observance des normes, mais on ne peut pas lui déléguer le pouvoir de les faire.
La décision capitale sur ce point est ...: Vic Restaurant c. Montréal, (1959 R.C.S., 58). Il s'agissait du règlement pour les permis de restaurants ... Le permis avait été refusé parce que le chef de police avait refusé de donner la recommandation. Qu'est-ce que la Cour suprême a dit? Eh bien elle a fait tout simplement observer que le règlement n'établissait pas de normes. On a dit ceci: «no standard, rule or condition is prescribed» ... C'est lui [le chef de police] qui va faire le règlement, puisqu'on dit «le permis ne sera pas accordé si vous n'accordez pas votre recommandation et votre recommandation vous l'accorderez ou la refuserez selon votre bon plaisir.» ... Les municipalités ont le pouvoir de réglementer toutes sortes de choses en cette matière, mais il faut que les normes soient énoncées dans le document décrété par le conseil municipal ou dans une annexe qui en fait partie ... Ce qui n'est pas permis, c'est de ne pas établir les normes et par conséquent de charger un fonctionnaire de les établir à la place du conseil en lui déléguant le pouvoir d'accorder le permis ou de le refuser à sa discrétion. Pour qu'il n'y ait pas de délégation de pouvoir, il faut que le fonctionnaire soit chargé de vérifier l'observance de normes prescrites et non pas l'observance de directives inexis- tantes ou encore de directives imprécises. Évidemment personne ne peut dire à priori à quel point la directive est tellement imprécise qu'elle équivaut à une délégation de pouvoir; le critère, c'est savoir si une personne raisonnable peut, en fonc- tion du texte, décider si oui ou non on s'est conformé au règlement.
Les extraits que nous venons de citer figurent dans le recueil des autorités des demanderesses, Partie II, section 1.
Il convient de noter que cet auteur parle de règlement adopté par un conseil municipal et ce, dans l'ensemble du chapitre dont sont extraits les passages cités plus haut. Les principes juridiques applicables sur ce point ne sont pas très clairs et sont bien souvent mal compris. Les demanderesses ont cité un certain nombre de décisions judiciaires pour appuyer leur argument selon lequel un règle-
ment doit définir de façon précise les conditions exigées pour son observation sans quoi le règle- ment peut être déclaré invalide parce qu'il est trop imprécis. Voici une liste partielle de ces décisions: Comité d'administration du régime de rentes c. La Régie des rentes, non publiée, 500-05-024078-782, 6 novembre 1979 (C.S. Qué.); Cie Miron Liée c. R., [1979] C.A. 36; R. v. Sandler (1971), 21 D.L.R. (3d) 286 (C.A. Ont.); Montreal Gazette Ltd. c. Ville de Montréal, [1975] C.S. 686 (appel rejeté, non publié, 500-09-00910-752 C.A.M., 27 février 1981); Corporation municipale du village de Rimouski Est c. Corporation municipale de la cité de Rimouski et P. G. du Québec, [1976] C.S. 485; Re Campeau Corporation and City of Ottawa (1978), 22 O.R. (2d) 40 (C. div.); et City of Dartmouth v. S. S. Kresge Co. Ltd. (1966), 58 D.L.R. (2d) 229 (C.S.N.-E.). Notons que toutes ces affaires portaient sur des règlements munici- paux. Il est effectivement possible qu'un règlement municipal puisse être déclaré invalide parce qu'il est trop vague et imprécis; c'est bien le principe qui était posé dans l'affaire Kruse v. Johnson, [1898] 2 Q.B. 91 (C. div.). Par contre, il n'est pas du tout certain que les mêmes principes s'appli- quent aux règlements adoptés par le gouverneur en conseil.
Dans la section 2 de la Partie II de leur recueil des autorités les demanderesses ont reproduit les pages 319 et 320 de l'ouvrage de M. Patrice Garant intitulé Droit administratif; 2 e éd., Mont- réal: Éditions Yvon Biais Inc., 1985. À la page 319, cet auteur écrit:
Certes, il faut prendre garde au fait que cette cause de nullité a traditionnellement été considérée comme étant «propre aux règlements adoptés par des autorités non centrales telles des corporations municipales et professionnelles».' 46 Toutefois, il est arrivé que certains arrêts, dans la jurisprudence relative au contrôle de la rationalité, aient bien laissé entendre qu'on pourrait contrôler tout règlement pour cause d'imprécision, même celui émanant de l'autorité gouvernementale. 147 Puis le principe a été graduellement appliqué par la Cour supérieure.' 46
*146 COTÉ et LORD, op. cit., note 145, p. 30; DE SMITH, Judicial Review of Administrative Action, 3e éd., London, Stevens and Sons, 1973, p. 312.
*147 McEldowney c. Forde, [1971] A.C. 632; P. G. du Québec c. Raymond Godbout, C.S. Québec, 200-05-004182-759, 13 juin 1977.
*148 Rimouski Est c. Cité de Rimouski, [1976] C.S. 485, Fontainehead Fun Centre c. Ville de Montréal, J.E. 78-393; Fontainehead Fun Center c. Ville St-Laurent, [1979] C.S. 132.
Les décisions citées figurant à la note 148 sont également des affaires de droit municipal.
À la note 146, le professeur Garant cite la troisième édition de l'ouvrage de De Smith. Le raisonnement auquel l'auteur fait allusion figure également dans la quatrième édition: S. A. De Smith, Judicial Review of Administrative Action, éd. par J. M. Evans, London: Stevens & Sons, 1980, aux pages 354 et 355 :
[TRADUCTION] On prend souvent pour acquis que la validité des textes réglementaires adoptés par les ministres ou Sa Majesté en conseil ne dépend pas de leur caractère raisonnable. Lorsqu'un tribunal pense qu'un texte réglementaire ou un règlement ministériel est scandaleux, il peut le déclarer ultra vires mais il est probable que sa nullité ne sera pas attribuée à son seul caractère déraisonnable. Il n'existe cependant aucune raison de principe pour laquelle un texte réglementaire mani- festement déraisonnable ne devrait pas être déclaré ultra vires pour cette seule raison, pourvu que le secteur d'activité visé par cette délégation de pouvoir ne fasse pas directement, appel à des considérations «d'intérêt général», ce qui pourrait rendre inop portune l'application d'une telle norme.
Il est évident qu'un texte réglementaire adopté par le gouverneur en conseil risque d'être déclaré illé- gal s'il n'entretient aucun rapport discernable avec le sujet de la loi ou l'objet pour lequel le pouvoir réglementaire est conféré par elle; ou s'il est con- traire à la Constitution; ou s'il conseille ou exige la perpétration d'une infraction; ou s'il est tout sim- plement incompréhensible ou d'application trop incertaine.
Un règlement adopté par le pouvoir exécutif en vertu d'une loi valide, qu'elle soit fédérale ou provinciale, est cependant mieux protégé contre l'annulation par les tribunaux que ne le serait le règlement d'une corporation municipale. Cet argu ment a été avancé dans l'affaire Aerlinte Eireann Teoranta c. Canada, [1987] 3 C.F. 383 (1" inst.). Notre droit public faisant partie de la common law, il convient de noter que les tribunaux de common law établissent traditionnellement une distinction entre les règlements d'application d'une loi et les règlements municipaux. M. le professeur Driedger fait état de cette distinction: ces derniers règlements sont adoptés par des assemblées exer- çant un pouvoir législatif délégué ou par d'autres organismes comme les universités ou les corpora tions professionnelles qui ont été créées par une assemblée législative mais qui ne sont pas directe- ment responsables devant cette assemblée ou le
gouvernement, alors que de leur côté les règle- ments sont adoptés par l'exécutif qui doit en répondre devant l'assemblée législative. («Subordi- nate Legislation» par Elmer A. Driedger (1960), 38 R. du B. Can. 1, à la page 2.)
Dans son traité intitulé Statutory Interpreta tion, London: Butterworths 1984, à la page 144, F.A.R. Bennion qualifie cette distinction d'«illogi- que» mais il l'explique malgré tout. MM. René Dussault et Louis Borgeat abordent à la page 422 de leur ouvrage Administrative Law: A Treatise, traduction de M. Rankin, Toronto: Carswell, 1985, la question de l'imprécision. Ils mentionnent l'exis- tence d'un principe qui exigerait [TRADUCTION] «une certaine précision et des détails» et poursui- vent en disant que: [TRADUCTION] «A l'heure actuelle, les tribunaux appliquent ce principe de façon tout à fait rigoureuse, en particulier mais non pas exclusivement dans les affaires municipa- les.» Les exemples donnés concernant l'application de ce principe concernent tous des affaires mettant en cause soit des municipalités, soit des corpora tions professionnelles. Quoi qu'il en soit, ces insti tutions ont un caractère provincial et local et il ne convient peut-être pas de comparer et d'opposer les règles qu'elles peuvent adopter aux textes régle- mentaires qui relèvent du Parlement.
Il convient de noter qu'on n'a pas cité ici les affaires dans lesquelles les tribunaux ont déclaré que les règlements et les autres formes de législa- tion subordonnée émanant de l'exécutif ne pou- vaient être contestés pour des motifs d'imprécision ou en raison de leur caractère déraisonnable. (Bacon v. Ont. Flue- Cured Tobacco Growers Marketing Bd., [1959] O.W.N. 256 (H.C.); Remis v. Fontaine, [1951] 2 D.L.R. 461 (C.A. Man.); Sparks v. Edward Ash, Ld., [1943] K.B. 223 (C.A); Taylor v. Brighton Borough Council, [1947] K.B. 736 (C.A).)
Cependant, si cette distinction bien que recon- nue en droit, est, comme l'affirme Bennion, illogi- que, elle n'est pourtant pas complètement injusti- fiée ou absurde. Les «assemblées» municipales s'inspirent plutôt du régime présidentiel puisque leur exécutif est élu pour un terme fixe, même s'il perd la confiance des élus du peuple. Les assem blées provinciales et fédérales sont par contre de nature parlementaire puisque l'exécutif est respon- sable devant elles et doit conserver la confiance des
représentants élus ou démissionner. M. Bennion affirme à la page 204, op. cit.:
[TRADUCTION] [Pour ce qui est de la nullité pour imprécision] l'autorité qui interprète ce texte ne peut le déclarer nul pour imprécision pour le seul fait qu'il contient un terme dont le sens est trop large ou une expression ambiguë. C'est à cette autorité de résoudre l'imprécision ... Une règle parallèle s'applique à l'imprécision constatée dans les textes réglementaires et la plupart des législations déléguées ... Il en va différemment cependant des règlements municipaux. Un règlement municipal peut toujours être annulé s'il est rédigé de façon imprécise.
Ce passage formule de façon satisfaisante les prin- cipes applicables, à l'exception, bien entendu, des lacunes majeures que nous avons signalées plus haut.
Pour ce qui est du paragraphe C.01.014.2(2), qui autorise le directeur à «refuser de remettre le [DIN] ... s'il a de bonnes raisons de croire» que le produit en question «nuirait à la santé du consom- mateur» ou que sa vente «enfreindrait la Loi ou le présent règlement», il m'apparaît que cette disposi tion est tout à fait raisonnable et conforme aux objets et à l'intention de la législation. Cette dispo sition est suffisamment claire pour les demanderes- ses et les autres fabricants et vendeurs de ce secteur industriel.
Les procureurs des demanderesses voudraient faire passer leurs clientes pour des parangons de candeur et d'innocence. Cette remarque vaut pour tous les arguments qu'ils ont présentés pour con- tester ces règlements. Les demanderesses et leurs consoeurs ne sont pas des personnes ordinaires, comme voudraient l'établir les procureurs des demanderesses pour contester la précision et la clarté des règlements. Le Règlement ne s'adresse pas à la personne ordinaire, moyenne—ou même au-dessus de la moyenne—que l'on pourrait ren- contrer par hasard dans la rue ou ailleurs. La Loi et le Règlement ont pour objectif de réglementer les drogues et les autres substances mises en circu lation par les personnes qui les fabriquent et les vendent. Le système d'autorisation en place n'est pas conçu pour interdire à une personne ordinaire de se mettre à fabriquer ou à vendre des drogues ou d'exercer ces activités, bien entendu, mais ceux qui les exercent doivent savoir ce qu'ils font.
De la même façon, les règlements internes d'une corporation professionnelle qui répriment les infractions disciplinaires ou réglementent la tenue des comptes (bien qu'ils fassent véritablement
partie d'un système d'autorisation) ne s'adressent pas à une personne que l'on rencontrerait au hasard dans un centre commercial mais ils visent les personnes qui exercent ces professions libérales. Ces personnes ne pourraient soutenir de façon crédible qu'elles ne sont que des personnes ordinai- res et prétendre ensuite que la notion d'infraction disciplinaire est, par exemple, bien trop générale, vague ou imprécise pour qu'une personne ordinaire comme elles puisse la comprendre. Il est bien évident qu'il n'est pas question de politique de quartier, de jalousies locales ou d'excès de zèle municipal lorsqu'il s'agit de l'exercice de pouvoirs réglementaires par une autorité fédérale.
La Cour ne peut annuler ce genre de texte réglementaire parce qu'on le prétend imprécis. Il paraît légitime de penser que la personne qui désire commercialiser une drogue ou une drogue nouvelle doit avoir une certaine connaissance des propriétés de son produit. Si le requérant n'en sait pas suffisamment et si le directeur entretient un doute raisonnable sur les dangers que ce produit pourrait causer à la santé ou si le directeur pense que sa mise en marché enfreindrait la Loi ou le Règlement, il ne risque pas de troubler indûment le requérant en refusant de lui attribuer un DIN. En vérité, le requérant ne subit pas un refus défini- tif, dans un tel cas, puisque les paragraphes C.01.014.2(3) et (4) invitent le directeur et le requérant au dialogue. En fait le règlement indi- que clairement au requérant qu'il doit fournir au directeur tous les renseignements qu'il est en mesure de lui communiquer concernant les pro- priétés de la drogue et du produit. Les exigences de base en matière d'information sont précisées au paragraphe C.01.014.1(2), disposition que ne con- testent pas les demanderesses. Les dispositions du paragraphe C.01.014.2(2) autorisant le directeur à refuser le DIN dans le seul cas il a de bonnes raisons de le faire, exigent également que le direc- teur communique au requérant ses motifs. Le mes sage est clairement transmis, tout comme l'invita- tion lancée au requérant à rassurer le directeur. Par conséquent, il n'est pas possible d'affirmer que le règlement n'est pas clair ou trop imprécis pour le «requérant» dans le contexte de cette Loi, de ces règlements et de ce secteur d'activité.
Les demanderesses prétendent également que les règlements sur les nouvelles drogues ne contien-
nent aucune norme objective et qu'ils sont donc invalides parce que trop vagues et trop imprécis. Les définitions de drogues nouvelles qui figurent aux alinéas C.08.001 a), b) et c) ont en commun une restriction, savoir le fait de ne pas avoir été vendues comme drogue au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir au Canada leur innocuité et leur efficacité. Les preu- ves présentées ici, sinon les faits ordinairement connus, indiquent que les fabricants essayent pres- que constamment de mettre en circulation des drogues nouvelles, dans le cadre de leurs program mes de recherche et de développement. L'objectif parfaitement constitutionnel de cette législation est de réglementer ces produits et leur mise en circula tion pour protéger la santé et les attentes médica- les du public. Il paraît naturel de n'accepter de nouvelles drogues qu'avec une grande prudence. C'est sans doute pourquoi la définition des mots «aliment» et «drogue» procède par énumération sans tenter de déterminer quelles pourraient être les substances visées à l'avenir. Cette législation exige que l'on établisse l'innocuité et l'efficacité de ces drogues et de leurs associations. Il s'agit de questions que le vendeur et le fabricant en particu- lier doivent connaître. Il s'agit de questions que doivent se poser le vendeur et le fabricant pour ensuite communiquer au directeur ce qu'ils ont appris.
Ces règlements qui respectent parfaitement les objets et l'intention de la législation ont pour but d'empêcher les campagnes éclair de vente et de publicité lancées sans qu'on ait déterminé les pro- priétés et les effets des drogues nouvelles que l'on entend vendre et annoncer. L'essentiel dans ce cas-ci est l'innocuité et l'efficacité de ces drogues. C'est à la personne, firme ou société qui dépose une présentation de drogue nouvelle de décider du moment opportun pour le faire en fonction de la durée et de la quantité des ventes de ce produit au Canada.
Il est possible de déterminer l'innocuité et l'effi- cacité des drogues nouvelles, et bien sûr de n'im- porte quelle drogue, en procédant à des tests scien- tifiques comme le mentionnent les alinéas C.08.002(2)g) et h). Il est vrai que ces tests scien- tifiques semblent faire partie d'un domaine de nature locale et privée et à ce titre, soumis aux règlements provinciaux et à la réglementation des
professions de la santé. Les règlements attaqués n'ont pas pour objet de réglementer ces questions (bien qu'on pourrait éventuellement le justifier en invoquant la clause relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement) mais ils visent plutôt les résultats de ces tests. Lorsque la D.G.P.S. applique ce Règlement, elle ne s'occupe pas de la consom- mation privée de drogues, pourvu qu'elles ne soient pas interdites ou d'usage restreint. A moins d'être une Lucrèce Borgia moderne (ce qui relèverait du droit criminel), un citoyen peut avoir la substance en question pour son usage personnel. Ainsi le paragraphe 1 de l'exposé supplémentaire des faits admis par les parties, versé au dossier, énonce:
[TRADUCTION] 1. La Direction générale de la protection de la santé ne s'oppose pas à ce que des personnes importent pour leur usage personnel des quantités raisonnables d'acides aminés isolés.
Les définitions de «substance alimentaire» ou «aliment» et de «drogue» qui figurent à l'article 2 de la Loi ne sont pas formulées en termes immua- bles, elles ne sont même pas mutuellement exclusi ves. Il est possible d'en déduire que le Parlement devait être parfaitement au courant du fait que l'on poursuit activement au Canada et à l'étranger des recherches sur les aliments et les drogues. Il est également bien connu que les aliments peuvent contenir des substance qui, une fois extraites, ont les propriétés d'une drogue; et on découvre parfois que des aliments et des drogues auxquels on appli- que des procédés pharmaceutiques et cliniques peuvent avoir des effets sur la vie et la santé qu'on n'avait jamais soupçonnés auparavant. Les preuves présentées en l'espèce et les déductions que l'on peut en tirer viennent également confirmer ces affirmations. La recherche et le développement des drogues est un domaine changeant l'on fait constamment des découvertes.
Il est évident que si le Règlement doit respecter les objets que poursuit cette loi valide et si le ministre, le directeur, la D.G.P.S. avec les autres divisions et bureaux, ainsi que les inspecteurs doi- vent s'acquitter des fonctions que leur attribue cette loi, le système de réglementation doit permet- tre de réagir à de nouvelles découvertes pour s'as- surer de leur innocuité et être capable de faire en sorte que le public soit mis au courant des modifi cations apportées au mode d'emploi d'une drogue et à son efficacité.
Lors de son interrogatoire préalable par le pro- cureur des demanderesses (pièce 4), M. Robert Ferrier, directeur du Bureau des médicaments en vente libre des défendeurs a donné les réponses suivantes aux questions qu'on lui posait (10 mai 1985, pages 73, 76, 77, 81 et 82):
[TRADUCTION] 245. Q. Lorsque vous en êtes arrivé à la con clusion qu'il fallait considérer les produits contenant des acides aminés isolés comme de nouvelles drogues, sur quelle recom- mandation vous appuyiez-vous?
R. Et bien, cette conclusion se fondait principalement sur les recommandations présentées par le D' Armstrong et son personnel.
[Par. 10 (T-2583-84 et 13 (T-2968-84)—Exposé conjoint modi- fié des faits admis]—
Pendant les périodes pertinentes à la présente affaire, le D' Armstrong était le directeur adjoint et chef de la Division de l'évaluation des médicaments du Bureau des médicaments en vente libre de la Direction des médicaments et se rapportait à M. Ferrier.
246. Bon, avait-on rapporté à votre bureau qu'il y avait eu des incidents dans lesquels des produits contenant des acides aminés isolés, qu'il s'agisse de ceux de Jamieson ou d'un autre fabricant, en particulier les produits qui ont été autorisés dans le cadre d'un traitement d'urgence—vous avait-on rapporté des cas ces produits auraient nui aux personnes qui les auraient consommés?
R. Je ne connais aucun rapport de cette nature.
Il est largement reconnu que le tryptophane-L [un acide aminé isolé d'après l'acte de procédure et les par. 2 et 6 de l'exposé conjoint modifié des faits admis] a un certain effet sédatif. Ce sont les effets dont font mention les ouvrages de référence comme Martindales et plusieurs ouvrages canadiens d'ailleurs. Il est connu que cette substance a cet effet sédatif et qu'elle a été utilisée dans des établissements psychiatriques pour traiter certaines psychoses. Ce produit était présenté en dose pharmaceutique. Y était joint un mode d'emploi et c'est pourquoi—à cause de ces renseignements—nous avons pensé qu'il s'agissait d'une drogue et parce que nous n'avions pas de renseignements suffisants à la Direction générale de la protec tion de la santé concernant son innocuité et son efficacité, nous en avons conclu qu'il s'agissait d'une drogue nouvelle.
266. Q. Est-ce que vous et votre bureau considérez que tant que vous n'avez pas tous les renseignements dont vous avez besoin concernant une substance, un article ou un produit qui est mis en marché, il faut déclarer qu'il s'agit d'une drogue nouvelle ou le placer dans la catégorie des drogues nouvelles?
R. Pas nécessairement. Lorsqu'on nous remet une demande relative à une nouvelle drogue—demande d'identification numérique, nous—notre première démarche, à moins que nous ne disposions des renseignements nécessaires, lorsqu'il s'agit d'une substance qui nous est inconnue est de demander au fabricant de nous donner des renseignements supplémentaires sur cette substance particulière.
267. Q. Mais si, comme dans le cas de la plupart sinon de tous les produits en cause ici, sauf un peut-être, les demanderesses
n'ont pas demandé d'identification numérique, votre bureau et vous-même considérez-vous que les produits qu'ils ont commer- cialisés sont des drogues nouvelles tant que vous n'aurez pas les renseignements que vous désirez, pour le seul motif qu'ils les ont mis en vente?
R. En nous fondant sur la façon dont d'autres fabricants, d'autres requérants ont agi dans le passé, il est probable que nous considérerions que ces produits sont des drogues parce que nous connaissons les divers effets que peuvent avoir ces produits particuliers.
Il ressort de ce témoignage qu'un requérant, un fabricant ou un vendeur de produits d'aliments synthétiques ou supplémentaires, et en particulier, de médicaments, sait exactement ce qu'exige le Règlement grâce à l'expérience quasi profession- nelle qu'il a acquise lui-même ou en tant que fabricant ou vendeur: savoir, communiquer tous les renseignements concernant le produit, y compris les épreuves cliniques et les constats d'effets secon- daires insoupçonnés jusqu'ici. En réalité, le requé- rant, le fabricant ou le vendeur ne peuvent mettre un tel produit en circulation sans être disposés à révéler tous les faits, effets, propriétés, épreuves cliniques et rapports concernant ce produit. Si l'on tient compte du fait que le requérant a ou devrait raisonnablement avoir ces connaissances, il est impossible d'affirmer que ce requérant (qui n'est pas monsieur Tout-le-Monde) a à respecter des règlements imprécis et vagues. Ce genre de requé- rant informé doit s'attendre à ce que l'on exige de lui une communication complète de tous les rensei- gnements qu'il détient.
Compte tenu de ce qui précède et compte tenu du fait que l'on découvre constamment de nou- veaux produits ou de nouvelles façons de les utili- ser à des fins médicales grâce aux efforts de recherche et de développement, il n'est pas surpre- nant de noter que le Règlement est administré conformément au paragraphe 2 de l'exposé supplé- mentaire des faits admis présenté par les parties:
[TRADUCTION] 2. Que la Direction générale de la protection de la santé pense que les fabricants sont suffisamment informés des modifications apportées aux politiques concernant le caractère acceptable des produits qu'ils fabriquent grâce à divers mécanismes comme les lettres de renseignements que fait circuler cette Direction pour annoncer les projets de modifications des règlements ou les positions du ministère sur certaines questions.
Un autre mécanisme permettant le dialogue entre la D.G.P.S. et les fabricants est la procédure de demande d'un DIN. Il s'agit d'une première étape visant à vérifier la conformité. L'importateur doit déterminer l'acceptabilité et
la conformité de la drogue avant de l'importer. Il lui appar- tient d'adresser toute demande concernant ces produits à la section de l'inspection des drogues de la D.G.P.S., en premier lieu.
Compte tenu du genre d'industrie concernée, il faut en conclure que le Règlement est suffisam- ment clair et précis. Après tout, on ne peut exiger la perfection absolue, inaccessible. Il paraît tout à fait impossible de préciser dans une loi ou un règlement toutes les découvertes possibles, toutes les questions et interrogations que peut se poser légitimement le directeur; même en rédigeant une encyclopédie, cela ne serait pas possible. Cepen- dant, les règlements sur le DIN et les drogues nouvelles sont efficaces. Ils sont suffisamment clairs et précis pour indiquer au demandeur qu'il doit communiquer tous les renseignements deman dés, après quoi le directeur doit décider dans un délai précis si la demande respecte les critères fixés par voie législative.
II C.: Les règlements attaqués constituent-ils une sous-délégation illégale de pouvoir ou en sont-ils la manifestation?
D'après l'article 2 de la Loi des aliments et drogues, «Ministre» désigne le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, qui est membre du cabinet et dans le gouvernement au pouvoir. Il est précisé aux paragraphes 8 et 9 de l'exposé conjoint modifié des faits admis que le directeur au sens du Règlement est le sous-ministre adjoint du minis- tère de la Santé nationale et du Bien-être social, un ministère fédéral qui comprend la D.G.P.S., qui comprend elle aussi à son tour plusieurs directions. Le ministre et le directeur sont donc des dépositai- res tout à fait appropriés des pouvoirs de régle- mentation limités que leur attribue le règlement. Compte tenu des exigences imposées par le Règle- ment à des requérants, fabricants et vendeurs bien informés et presque des spécialistes, et compte tenu des mécanismes favorisant le dialogue entre les intéressés prévus par le Règlement, il n'est pas possible de reconnaître qu'il y a eu une sous-délé- gation illégale de ces pouvoirs.
Mais les demanderesses soutiennent que la sous- délégation au ministre et au directeur des pouvoirs que le Parlement a conférés au gouverneur en conseil est illégale. Elles prétendent que, dans la mesure le Règlement confère des pouvoirs dis- crétionnaires à ces deux autorités, ce Règlement
constitue une sous-délégation illégale de la part du gouverneur en conseil. Les demanderesses affir- ment que seule la Loi et non pas le Règlement peut conférer ce genre de pouvoirs discrétionnaires. En effet, soutiennent les demanderesses, une telle sous-délégation a pour effet de confier au ministre et à ses fonctionnaires l'élaboration de normes et de politique de sorte que ce sont ces personnes et non le gouverneur en conseil qui adoptent en fait les règlements.
Les demanderesses invoquent ici la maxime delegatus non potest delegare. Il s'agit d'un principe qui a l'effet d'une présomption en matière d'interprétation législative et ne constitue pas un principe juridique; il s'applique en l'absence d'in- tention contraire de la part du législateur.
Pour ce qui est des fonctions administratives qu'exercent les gouvernements modernes, il faut reconnaître que les tribunaux n'ont pas souvent hésité à constater une telle intention. En fait, ils ont élaboré un principe particulier leur permettant de découvrir une intention de sous-déléguer, ainsi que l'autorité pour ce faire, dans la plupart des législations conférant des pouvoirs à l'exécutif. La décision qui fait autorité sur ce point a été pronon- cée dans l'affaire Carltona Ltd. v. Works Comrs., [1943] 2 All E.R. 560 (C.A.). Cette affaire portait sur un règlement adopté en temps de guerre mais le tribunal n'a pas déclaré que sa façon de conce- voir la sous-délégation de pouvoir dépendait de ce fait-là. Le jugement a été rédigé par lord Greene, M.R. et contient les passages suivants, aux pages 563 et 564:
[TRADUCTION] Dans le régime de l'administration publique de ce pays, les fonctions qui sont conférées aux ministres bon droit du point de vue constitutionnel puisque les ministres sont constitutionnellement responsables) sont si variées qu'aucun ministre ne pourrait jamais personnellement les remplir . .. Les tâches imposées aux ministres et les pouvoirs qui leur sont conférés sont normalement exercés sous leur autorité par les fonctionnaires responsables du ministère. S'il en était autre- ment, tout l'appareil de l'État serait paralysé. Constitutionnel- lement, la décision d'un tel fonctionnaire représente naturelle- ment la décision du ministre. Le ministre est responsable ...
En l'espèce, c'est au secrétaire adjoint, un haut fonctionnaire du ministère, qu'on avait confié ... la responsabilité dans ce domaine et la question à trancher est donc la suivante: ... a-t-il pris en considération les éléments que le règlement lui deman- dait de prendre en considération?
Le Parlement qui a autorisé ce règlement a confié à l'exécutif certains pouvoirs et si ces pouvoirs sont exercés de bonne foi, ils ne peuvent être contrôlés par les tribunaux.
La Cour suprême du Canada a expressément adopté le raisonnement utilisé dans Carltona. Par- lant au nom de la Cour, le juge Dickson (mainte- nant juge en chef du Canada) s'est exprimé de la façon suivante aux pages 245 et 246 du jugement R. c. Harrison, [1977] 1 R.C.S. 238:
Lorsque l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire est confié à un ministre du gouvernement, on peut alors supposer que les mesures nécessaires seront prises par les fonctionnaires respon- sables du ministère et non par le ministre lui-même: Carltona Ltd. v. Commissioners of Works [1943] 2 All E.R. 560 (C.A.)). De nos jours, les fonctions d'un ministre du gouverne- ment sont si nombreuses et variées qu'il serait exagéré de s'attendre à ce qu'il les remplisse personnellement. On doit présumer que le ministre nommera des sous-ministres et des fonctionnaires expérimentés et compétents et que ceux-ci, le ministre étant responsable de leurs actes devant la législature, s'acquitteront en son nom de fonctions ministérielles dans les limites des pouvoirs qui leur sont délégués. Toute autre solution n'aboutirait qu'au chaos administratif et à l'incurie.
Ainsi, lorsque le Parlement confie au gouverneur en conseil le pouvoir d'adopter des règlements pour l'exécution des objets et l'application effective des dispositions de la Loi des aliments et drogues, il faut présumer que ce Règlement pourra attribuer certains pouvoirs discrétionnaires et il faut égale- ment présumer que les décisions seront prises, non pas par le gouverneur en conseil mais par le minis- tre responsable, aidé par ses sous-ministres et ses fonctionnaires expérimentés et compétents, pour reprendre les termes du juge Dickson.
Il est bien entendu évident que le gouverneur en conseil n'aurait pu se contenter de confier au ministre ou au directeur le même pouvoir régle- mentaire que le Parlement lui avait confié. Il s'agirait bien entendu d'une délégation illégale comme l'a expliqué le juge Laskin (devenu par la suite juge en chef du Canada) dans l'arrêt Brant Dairy Co. Ltd. et autre c. Milk Commission of
Ontario et autre, [1973] R.C.S. 131, la page 147. Les faits de cette affaire sont très différents de ceux de l'espèce présente et elle n'est donc pas applicable au cas qui nous occupe.
Il convient également d'établir une distinction avec la décision du juge Larue de la Cour supé- rieure du Québec dans l'affaire Voyageur Inc. c. Commission des transports du Québec, [1986]
R.J.Q. 2577 (C.S.), qu'ont citée les demanderesses conformément à des engagements pris lors du procès. Dans cette affaire, le règlement attaqué prévoyait que, pour obtenir un permis de transport par autobus, le requérant devait établir à la satis faction de la Commission qu'il était dans l'intérêt du public de lui délivrer un permis pour le service qu'il entendait fournir. Il semble que ce règlement ait confié le soin de régler cette question à la Commission sans lui demander de tenir compte de certains éléments permettant de préciser l'intérêt public, sans faciliter la communication entre les intéressés en prévoyant le dépôt de renseignements supplémentaires, comme c'est le cas du Règlement attaqué ici. Dans la mesure le règlement con testé dans l'affaire Voyageur accordait de vastes pouvoirs discrétionnaires à la Commission, il res- semble beaucoup au règlement annulé dans l'af- faire Brant Dairy, mentionnée plus haut. La Cour n'émet aucune critique à l'égard de l'arrêt Voya- geur mais constate qu'il n'est pas applicable direc- tement à la présente espèce.
D'après l'exposé conjoint modifié des faits admis présenté par les parties, (T-2853-84), l'application concrète du Règlement se faisait de la façon sui- vante aux époques en cause:
[TRADUCTION] 15. Le pouvoir de déterminer si un produit constitue une drogue nouvelle fut délégué au D' Cook par le sous-ministre adjoint (le «Directeur» aux termes de la Loi des aliments et drogues), et ce pouvoir a été sous-délégué à M. Ferrier par le D' Cook.
14. Lorsqu'un produit est placé dans la catégorie des médica- ments en vente libre, c'est M. Ferrier qui, sur l'avis de son personnel, estime si le produit constitue une drogue nouvelle. M. Ferrier décide si un produit constitue une drogue nouvelle. Il arrive également que des fonctionnaires du ministère lui demandent de déterminer si un certain produit est une drogue nouvelle, lorsqu'ils effectuent des enquêtes sur les drogues.
16. Ce sont uniquement les fabricants qui demandent une identification numérique d'une drogue (DIN) pour un produit ou les fabricants qui demandent que l'on précise la catégorie à laquelle appartient un produit donné, à qui l'on fait savoir habituellement qu'un produit constitue une drogue nouvelle.
17. Le système actuel de DIN est entré en vigueur en juillet 1981 et le Bureau des médicaments en vente libre a été constitué en 1980.
18. Le ministre n'a jamais reçu de demande de DIN concernant les produits énumérés dans la déclaration, de la part des demanderesses.
19. Les défendeurs ont déjà utilisé plusieurs critères pour déterminer si un produit est une drogue nouvelle au sens de l'art. C.08.001 du Règlement sur les aliments et drogues. Certains critères figurent dans les documents suivants, produits ici à titre de pièces à l'annexe I aux présentes:
a) 1(E-4)
b) 1(E-9)
c) 1(E-10)
Cette liste des critères n'est pas complète. Les défendeurs exercent une certaine discrétion lorsqu'ils examinent ces demandes.
20. La politique actuelle des défendeurs est de délivrer un DIN pour les produits et non pour les substances. [Paragraphes 17 à 23—(T-2968-84)]
Les explications qui figurent dans les pièces citées plus haut ne font pas penser à une organisation tentaculaire et despotique mais ces éléments indi- quent, comme le confirment d'autres preuves, que cette organisation faisait de son mieux sans réussir tout à fait à contrôler la montée des nouveaux produits qui sont constamment fabriqués, étiquetés et mis en marché au Canada. C'est du moins une des conclusions que l'on peut tirer de l'interro- gatoire préalable de M. Ferrier. Il ressort égale- ment de cet interrogatoire que la D.G.P.S. souf- frait d'un manque de direction et de coordination avant l'arrivée du Dr Armstrong.
Quoi qu'il en soit, le pouvoir d'appréciation qu'accorde ce Règlement clair et détaillé est fort limité. Le paragraphe C.01.014.2(1) prévoit que le directeur accorde un DIN lorsque le requérant fournit tous les renseignements demandés au para- graphe C.08.014.1(2) ou aux articles C.08.002 ou C.10.003. Les seuls motifs de refus, que nous avons examinés plus haut, doivent être raisonna- bles et conformes à la Loi et aux autres disposi tions réglementaires. Aux termes de l'article C.08.004, le ministre est tenu de délivrer un avis de conformité ou de faire savoir au fabricant les raisons pour lesquelles la présentation ou le supplé- ment n'est pas conforme, et ce, dans un délai de 120 jours. Le ministre est sur ce point soumis au pouvoir de contrôle des tribunaux qui pourrait s'exprimer par une ordonnance de mandamus. Dans les deux cas, le requérant dispose d'un droit de réponse, ce que nous avons appelé ici «le méca- nisme de dialogue». Ces pouvoirs délégués n'auto- risent pas le ministre ou le directeur à faire comme ils l'entendent: ils ne disposent pas de pouvoirs discrétionnaires absolus.
La Cour constate qu'il n'y a pas sur ce point de sous-délégation illégale, comme le prétendent les demanderesses.
CONCLUSIONS DE LA PARTIE II
La Cour a confirmé la validité de toutes les dispositions réglementaires attaquées par les demanderesses; ceci ne veut toutefois pas dire que ces dispositions soient absolument satisfaisantes à tous égards. Elles pourraient être améliorées. Pour détaillées et volumineuses qu'elles soient, elles pourraient être plus précises sur certains points mentionnés par les demanderesses. Néanmoins, après analyse de ces textes et compte tenu des principes juridiques applicables tels que formulés par Bennion (précité), de la jurisprudence citée, notamment des principes formulés dans l'affaire Brant Dairy (précitée) et dans R. c. Harrison (précitée), ce Règlement est suffisamment clair et précis, d'une part, et prévoit des restrictions suffi- santes aux pouvoirs conférés au ministre et au directeur, d'autre part, pour que les critiques for- mulées à son endroit par les demanderesses ne puissent être retenues.
NOTE DE L'ARRÊTISTE
Les motifs du jugement sur la troisième ques tion savoir si les acides aminés isolés et les produits à base d'acide aminé constituent des «drogues nouvelles») occupaient 20 pages du texte du jugement. Les demanderesses ont pré- senté des preuves pour établir que ces sub stances sont des aliments et non des drogues, et à titre subsidiaire, que si elles sont des drogues, elles ne constituent pas des «drogues nouvelles». Le juge a toutefois conclu qu'étant donné l'insuffi- sance des informations fournies par la demande- resse, son produit fut considéré, conformément aux règlements, non seulement comme une drogue mais aussi comme une «drogue nouvelle». Les Canadiens ne doivent pas servir de cobayes pour l'industrie des drogues. Il n'y avait rien d'in- correct à demander à la demanderesse d'expli- quer pourquoi elle voulait mettre du tryptophane dans son produit proposé puisqu'il s'agit d'une substance pouvant affecter le comportement. Le fait d'inclure du tryptophane dans le nouveau produit proposé, capable de lutter contre le stress disait-on, pouvait fort bien justifier qu'on exige des renseignements supplémentaires concernant son innocuité et son efficacité. Le refus d'accor- der une identification numérique de drogue autori- sant la mise en vente du produit aux consomma- teurs était en conséquence amplement justifié et
tout à fait légal. D'après les preuves présentées, les substances suivantes ont été qualifiées de «drogues nouvelles»: tryptophane, arginine, phé- nylalanine, méthionine, ornithine, tyrosine, lysine, carnitine, histidine. La Cour met en garde de ne pas considérer cette liste comme constituant une liste close de «drogues nouvelles».
Quant à la quatrième question, la Cour a conclu que les règlements concernant les drogues nou- velles n'ont pas été appliqués de façon injuste. Ils ont toutefois été appliqués de façon incompé- tente et ce fait sera pris en considération lors de l'octroi des dépens. Il aura fallu presque un an après la première demande de DIN présentée par Jamieson pour que celle-ci apprenne la véritable raison du rejet de sa demande. La demanderesse se voyait appliquer les politiques changeantes de la Direction générale de la protection de la santé du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social. On comprend que les demanderesses aient pensé qu'elles faisaient l'objet d'un traite- ment arbitraire puisque d'autres fabricants ont reçu, avant le mois de juillet 1981, des DIN pour des produits qui contenaient des acides aminés isolés. Les changements de politiques étaient autorisés par les règlements. Quoique les défen- deurs aient admis qu'ils ne savaient pas pourquoi d'autres produits que les acides aminés avaient été saisis, ce fait est davantage attribuable à l'incompétence plutôt qu'à la mauvaise foi et la saisie était insuffisante pour déclarer que les règlements avaient été appliqués de façon injuste et discriminatoire. La conclusion que l'on peut tirer est que la Direction générale de la protection de la santé souffrait d'un manque de personnel et d'un surplus de travail, créant une situation fort confuse. Toutefois, les demanderesses deman- dent le contrôle judiciaire de l'exercice de pou- voirs administratifs de nature discrétionnaire et les principes juridiques sont clairs. Le décideur ne doit pas outrepasser les pouvoirs discrétionnaires qui lui ont été conférés ou en abuser. Ces déci- deurs ne sont pas liés par leurs décisions ou politiques antérieures. Un écart inexpliqué par rapport à une politique antérieure peut néanmois faire penser qu'il a pu y avoir mauvaise foi. En l'espèce, qu'on ait demandé aux demanderesses d'arrêter la vente des produits en question avant d'autres fabricants peut être fondé sur la plus grande familiarité qu'avait la Direction générale de
la protection de la santé avec les produits propo- sés des demanderesses qu'avec ceux des autres fabricants, en raison de la demande de DIN pré- sentée à ce moment-là par Jamieson. Il n'est pas déraisonnable de penser qu'un organisme admi- nistratif de cette taille oppose une certaine inertie lorsqu'on lui demande de modifier une réaction initiale à un changement de politique, pour s'effor- cer ensuite de faire respecter ces nouvelles politi- ques par tout un secteur industriel. Un DIN a été attribué à un produit de la demanderesse (Jamie- son) ne contenant pas de tryptophane vendu sous le nom de «Stress -Ease»; la demande visant à obtenir une ordonnance enjoignant au directeur d'attribuer un DIN à un produit contenant cette substance doit être rejetée, le directeur étant fondé à déclarer qu'un tel produit est une «drogue nouvelle».
V. APPLICATION DE LA CHARTE: La perquisition et la saisie effectuées aux termes de l'article 22 de la Loi des aliments et drogues violent-elles le droit des demanderesses garanti par l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés et cet article 22 est-il lui-même contraire à cette disposition?
L'action T-2968-84 des demanderesses conclut à une déclaration que la perquisition des locaux de Jamieson et la saisie de ses produits d'acides aminés isolés par les inspecteurs des défendeurs constituent une violation de l'article 8 de la Charte. Les locaux de Swiss Herbal ont été visités le jour les inspecteurs ont saisi les produits de Jamieson. Les inspecteurs ont signifié à Swiss Herbal qu'elle devait suspendre la commercialisa tion de tous les aminoacides isolés et produits semblables tant que la demanderesse n'aurait pas satisfait aux exigences des règlements C.08.001 et suivants, concernant les drogues nouvelles. (Exposé conjoint modifié des faits, T-2968-84, paragraphe 31.) Pour les fins du litige, Swiss Herbal, bien qu'elle ne soit pas un fabricant, est considérée dans la même position que Jamieson.
Les demanderesses soutiennent que l'article 22 de la Loi des aliments et drogues en vertu duquel la perquisition et la saisie ont été effectuées, con- trevenait à l'article 8 de la Charte à l'époque les faits donnant lieu au présent litige se sont déroulés. L'article 22 a par la suite été modifié [S.C. 1985, chap. 26, art. 12], mais à cette époque il se lisait comme suit :
PARTIE II
ADMINISTRATION ET MISE EN APPLICATION
Pouvoirs des inspecteurs
22. (1) Un inspecteur peut, à tout moment raisonnable,
a) pénétrer en tout lieu il a des motifs raisonnables pour croire qu'est fabriqué, préparé, conservé, empaqueté ou emmagasiné un article auquel s'appliquent la présente loi ou les règlements, examiner cet article et en prendre des échan- tillons, et examiner toute chose qu'il croit raisonnablement servir ou de nature à servir à pareille fabrication, prépara- tion, conservation, empaquetage ou emmagasinage;
b) ouvrir et examiner tout récipient ou colis s'il a des motifs raisonnables pour croire que ce récipient ou colis contient un article auquel s'appliquent la présente loi ou les règlements;
c) examiner tout livre, document ou autre registre trouvé en tout lieu mentionné à l'alinéa a) s'il a des motifs raisonnables pour croire que ce livre, document ou autre registre contient quelques indications se rapportant à l'application de la pré- sente loi à l'égard d'un article que visent la présente loi ou les règlements, et en prendre des copies ou des extraits; et
d) saisir et détenir, pour la période qui peut être nécessaire, tout article au moyen duquel ou relativement auquel il croit raisonnablement qu'une disposition de la présente loi ou des règlements a été violée.
(2) Aux fins du paragraphe (1) l'expression «article auquel s'appliquent la présente loi ou les règlements» comprend
a) tout aliment, drogue, cosmétique ou instrument,
b) toute chose utilisée pour la fabrication, la préparation, la conservation, l'empaquetage ou l'emmagasinage d'un tel arti cle, et
c) tout matériel d'étiquetage ou d'annonce.
(3) Un inspecteur doit être pourvu d'un certificat officiel le désignant aux fonctions qu'il occupe et, s'il en est requis en pénétrant en quelque lieu conformément au paragraphe (1), il doit produire son certificat à la personne en charge de ce lieu.
(4) Le propriétaire ou la personne en charge d'un lieu pénètre un inspecteur conformément au paragraphe (1), ainsi que toute personne se trouvant en ce lieu, doit prêter à l'inspec- teur toute l'assistance raisonnable qu'il est en son pouvoir de lui apporter et lui fournir les renseignements que l'inspecteur peut raisonnablement exiger.
(5) Nul ne doit entraver un inspecteur dans l'exécution de ses fonctions en vertu de la présente loi ou des règlements.
(6) Nul ne doit, en connaissance de cause, donner, verbale- ment ou par écrit, une indication fausse ou trompeuse à un inspecteur qui exécute ses fonctions en vertu de la présente loi ou des règlements.
(7) Nul ne doit enlever, changer ou déranger le moindre- ment un article saisi en vertu de la présente loi, sans l'autorisa- tion d'un inspecteur.
(8) Tout article saisi en vertu de la présente loi peut, au choix d'un inspecteur, être gardé ou emmagasiné dans le local ou lieu il a été saisi, ou il peut être placé à tout autre endroit convenable suivant les instructions d'Un inspecteur.
L'article 8 de la Charte prévoit que:
8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.
Les demanderesses mettent en cause la loi. Elles n'allèguent aucunement que les inspecteurs se sont mal conduits. Reliant les dispositions de l'article 22 aux règlements concernant les drogues nouvel- les, les demanderesses soutiennent que toute déci- sion de perquisitionner et de saisir ou toute perqui- sition ou saisie serait en soi abusive parce que le caractère prétendument vague des règlements con- cernant les drogues nouvelles s'opposerait à ce qu'un inspecteur puisse jamais avoir «des motifs raisonnables pour croire» que de nouvelles drogues sont «fabriqué[es], préparé[es], conservé[es], empaqueté[es] ou emmagasiné[es]». A part ce pré- tendu caractère vague, la complexité des règle- ments pourrait présenter certaines difficultés à ce sujet. Les demanderesses font de plus observer que l'article 22 n'exige pas que les inspecteurs se munissent d'une autorisation préalable de la part d'une autorité indépendante pour procéder à la perquisition et à la saisie.
Les défendeurs concèdent que l'article 22 déclare autoriser des perquisitions et saisies sans mandat mais leur procureur soutient qu'il s'agit de situations ou de conditions une exigence d'autorisation préalable ne serait elle-même pas raisonnable. Les défendeurs affirment que l'auto- rité que confère la loi est elle-même raisonnable et ne contrevient pas à l'article 8 de la Charte.
Le témoin Eric Margolis, président-directeur général de la demanderesse Jamieson, a relaté que [TRADUCTION] «lorsque cette cause a pris nais- sance et ... de but en blanc un jour les inspecteurs de la D.G.P.S. sont arrivés dans mon bureau et nous ont avisés que le tryptophane était une drogue nouvelle et non un aliment», (transcription 1, page 82). Son témoignage n'a pas porté sur la perquisition et la saisie contestées dont se plaint Jamieson. La preuve au sujet de cet incident appa- raît au paragraphe 30 de l'exposé conjoint modifié des faits admis dans l'action T-2968-84, qui se lit comme suit :
[TRADUCTION]
30. Le 17 décembre 1984, les employés du directeur, un des défendeurs, au nom de la Division de l'inspection des drogues et de l'hygiène du milieu, ont pénétré dans les locaux de la demanderesse C.E. Jamieson & Co. (Domi- nion) Ltd. et ont saisi les produits d'acides aminés énumé- rés à l'inventaire de saisie annexé aux présentes sous la cote [1(E-29)].
Les admissions ne font état que des «locaux» de Jamieson et n'indiquent pas qu'un bureau privé ait fait l'objet d'une perquisition pour fins de saisie. La pièce 1(E-29) démontre plutôt que de nom- breuses caisses (boites d'empaquetage?) et bouteil- les de produits, valant plusieurs milliers de dollars, ont été saisies. On peut conclure que de telles quantités ne se seraient pas trouvées dans le bureau de M. Margolis ou dans quelque bureau privé. Cette déduction et l'absence de preuve con- traire permettent au tribunal de conclure que les inspecteurs du défendeur n'ont pas perquisitionné dans un bureau. Cette conclusion s'applique égale- ment à Swiss Herbal à l'égard de qui on mentionne seulement les «locaux» et à qui aucun objet n'a été matériellement enlevé.
L'avocat des demanderesses a répété plusieurs fois au cours du procès que les demanderesses ne mettaient absolument pas en cause la conduite des inspecteurs du défendeur lors de la perquisition, si perquisition il y a eu, et lors de la saisie des produits. Se fondant sur ces admissions de l'avo- cat, le tribunal conclut que les inspecteurs se sont comportés de façon polie, objective, professionnelle et qu'ils n'ont offensé personne.
C'est dans la perspective suivante que l'on doit envisager l'article 22 de la Loi des aliments et drogues: les inspecteurs avaient-ils des motifs rai- sonnables de croire que les locaux de Jamieson étaient un lieu est fabriqué, préparé, empaqueté ou emmagasiné un article auquel s'appliquent la Loi ou le Règlement? Nul doute qu'ils en avaient. L'alinéa 22(1)a) de la Loi leur confère des pou- voirs d'inspection. Les inspecteurs croyaient-ils rai- sonnablement que ce qu'ils ont saisi représentait un moyen de violer la Loi ou le Règlement ou constituait le produit d'une telle violation? Il est possible que les inspecteurs ou ceux qui les ont envoyés avaient une telle croyance raisonnable, mais en l'absence d'une dénonciation sous serment ou de quelque document analogue servant à obte- nir la délivrance d'un mandat, il n'est pas certain que leur croyance ait été ou non raisonnable. Cette dernière question, celle de la violation de la Loi ou du Règlement, était sûrement une question contes- tée par les parties parce que , seulement 11 jours avant la saisie par les inspecteurs, le 6 décembre 1984, Jamieson avait déposé sa déclaration pour
introduire l'action T-2853-84. L'alinéa 22(1)d) de la Loi confère le pouvoir de saisir sans mandat et exige la croyance raisonnable que la Loi ou le Règlement ont fait l'objet d'une violation.
M. Ferrier, alors qu'il subissait un interrogatoire au préalable, a donné ces réponses concluantes au nom des défendeurs:
[TRADUCTION]
Q. Et avant de saisir entre les mains de Jamieson les acides aminés que vous avez saisis, vous n'avez pas tenté de savoir de Jamieson depuis quand ils en faisaient la vente et quelle quantité ils vendaient ?
R. Non, cela n'a pas été fait. (16 août 1985, après-midi, page 29.)
La violation au sujet de laquelle une croyance raisonnable était requise était d'avoir vendu une drogue nouvelle sans avoir obtenu du ministre l'avis de conformité requis par le règlement 0.08.002b). Un des éléments de la définition d'une «drogue nouvelle» est que la drogue n'a pas été vendue depuis assez longtemps ou en quantité suffisante pour en établir l'innocuité et l'efficacité au Canada. Les inspecteurs, ou ceux qui les ont délégués, savaient-ils que Jamieson n'avait pas fourni certains des renseignements qui auraient été nécessaires pour évaluer le respect des exigences du règlement C.08.001? «Non» déclarent les demanderesses. Mais n'est-il pas probable qu'ils étaient au courant de la lettre, pièce 1(E-28)? M. Ferrier a déclaré que les défendeurs n'avaient eu aucune participation â cet aspect de l'affaire.
[TRADUCTION]
Q. Est-ce exact? Il a été décidé de les déclarer [les produits d'acides aminés en cause] des drogues nouvelles?
R. Nous avons émis l'opinion qu'ils auraient le statut de drogue nouvelle, c'est exact.
R. Quant à moi, mon autorité en matière de poursuite réglementaire se confine à formuler des opinions. Je ne peux, je n'ai pas l'autorité d'aller saisir des produits ou d'intenter des poursuites, bien que je sois inspecteur nommé en vertu de la loi, mon supérieur hiérarchique ne m'autorise pas à intenter des poursuites réglementaires. Par conséquent, toute poursuite réglementaire doit être intentée par un inspecteur à qui on a délégué cette responsabilité et il doit, après mûre délibération, prendre cette décision au nom du ministère.
Q. Mais je parle de la décision de déclarer les acides aminés des drogues. Il ne s'agit pas de la décision concernant la saisie.
R. Ah! mais la décision que prend l'inspecteur se fonde sur le fait qu'à son avis il s'agit d'une drogue, une drogue
nouvelle qui ne devrait pas être vendue, de sorte .. .
Q. Êtes-vous en train d'affirmer que la décision de déclarer ce type d'acide aminé isolé une drogue a été prise par l'inspecteur ..
R. La poursuite intentée par l'inspecteur a être intentée seulement par lui, parce que c'est lui qui l'a intentée. Vous savez, selon moi, quand un inspecteur intente une action, il doit être convaincu qu'elle est bien fondée et s'il a des doutes quant à cette poursuite, il doit les résoudre avant de l'intenter parce qu'il n'y a pas de fonctionnaire supérieur qui peut intenter l'action à la place Aie l'inspecteur.
Q. M. Ferrier, êtes-vous en train d'affirmer que personne, autre que l'inspecteur, a pris la décision de déclarer ces acides aminés des drogues nouvelles?
R. Non, je ne dis pas cela, je dis que l'action qui a été intentée par l'inspecteur a être intentée à la suite de son évaluation quant à la conformité de ces produits en vertu des lois et règlements existants.
Q. Très bien.
R. Bien, il peut, il aurait pu, il peut prendre conseil auprès de qui il veut de sorte qu'en l'espèce ...
Q. Alors M. Ferrier cela veut-il dire qu'en fait vous n'ayez pris aucune décision sur la question de savoir si ces acides aminés étaient ou non des nouvelles drogues?
R. Nous avons pris la décision en nous fondant sur les renseignements que nous possédions que ces produits devraient être des drogues nouvelles, quant à nous, mais en ce qui concerne toute action subséquente en matière de conformité, nous n'y avons aucunement participé. (16 août 1985, après-midi, pages 37 39.)
Enfin, les défendeurs ont fait l'aveu suivant dans l'exposé conjoint modifié des faits admis:
[TRADUCTION] À l'exception des acides aminés énumérés dans [pièce 1(E-1), (mémoire du Dr Armstrong en date du 7 novem- bre 1984)] le Bureau des médicaments en vente libre ne sait pas pourquoi les autres produits énumérés dans la déclaration ... ont été saisis. (T-2853-84, paragraphe 52; T-2968-84, paragra- phe 43.)
En toute hypothèse, les défendeurs concèdent qu'ils n'avaient pas de croyance raisonnable de violation concernant les produits saisis et par suite de l'adoucissement de la position des défendeurs, subséquemment libérés. En ce qui concerne le maintien de la saisie des sept produits d'acides aminés énumérés dans la lettre du 7 novembre 1984 du D r Armstrong, il n'y a pas de preuve que la croyance des inspecteurs ait été ou non raison- nable. Le fait que les inspecteurs les aient saisis et le fait que les défendeurs aient affirmé qu'ils étaient et sont des drogues nouvelles (affirmation qui a été avérée) ne fondent aucunement une
croyance raisonnable de la part des inspecteurs qu'il y avait, le 17 décembre 1984, violation de la Loi. Cependant, on peut déduire des réponses de M. Ferrier (10 mai 1985, page 19, A. 60; 16 août 1985, avant-midi, page 38) que la croyance des inspecteurs concernant les sept produits se fondait sur le mémoire du Dr Armstrong, adressé à un fonctionnaire de la «Direction des Opérations et Réglementation». Sept produits, parce que la car- nitine n'était pas alors comprise. En conclusion, en ce qui concerne les produits ou substances saisis qui n'étaient pas mentionnés dans ce mémoire du 7 novembre 1984, faisant partie de la pièce 1(E-1), et en ce qui concerne également la carnitine, le tribunal juge que les demanderesses Jamieson et Swiss Herbal ont été victimes d'une saisie abusive.
Le mot clé de l'article 8 de la Charte est «abusi- ves». Les perquisitions et les saisies qui ne sont pas abusives, bien que l'article 8 ne les autorise pas expressément, sont constitutionnellement valides dans la mesure elles sont, par ailleurs, légitimes. Cela ne règle pas la question en ce qui concerne les produits énumérés dans le mémoire, pièce 1(E-1). Même en prenant pour acquis que les inspecteurs avaient la croyance raisonnable qu'exige l'alinéa 22(1)d) de la Loi, le fait que cette Loi prévoit une saisie sans mandat contrevient-il à la garantie de protection contre les saisies abusives édictée par la Charte?•
L'arrêt qui fait autorité sur cette question est l'arrêt Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, qui a été cité par les demanderesses. Le juge Dickson (nommé depuis juge en chef), au nom d'une Cour suprême unanime, a déclaré que la Charte était un document qui visait un but et que le but de l'article 8 est de garantir les expecta- tives raisonnables des citoyens en matière de vie privée. On doit apprécier si ce droit, cependant, doit céder le pas au droit du gouvernement de s'immiscer dans la vie privée des particuliers afin de réaliser ses fins et, notamment, d'assurer l'ap- plication de la loi. Cela étant affirmé, le juge Dickson a expliqué que les pouvoirs de perquisition et de saisie, quels qu'ils puissent être, que conférait la loi, devaient respecter les trois conditions suivantes:
(1) l'exigence d'un mandat de perquisition, ou autre autorisa- tion, que l'on doit obtenir avant la perquisition, c'est-à-dire une autorisation préalable, afin d'éviter les atteintes par l'État au secret de la vie privée. Le juge Dickson a déclaré à la page 161
que les perquisitions ou les saisies sans mandat étaient présu- mées abusives, bien que cette présomption fût réfragable;
(2) l'exigence que le mandat soit accordé par une personne «en mesure d'agir de façon judiciaire». Il n'est pas nécessaire que cette personne soit un juge, mais elle ne doit pas avoir un rôle à jouer dans l'enquête (c'est-à-dire qu'elle doit être neutre et impartiale);
(3) l'exigence que l'émission du mandat soit sujette à l'applica- tion d'une norme objective et ne dépende pas de l'appréciation subjective d'un arbitre. Le but de cette exigence est d'élaborer une norme générale permettant de déterminer le point l'intérêt de l'État l'emporte sur celui du particulier. La simple «possibilité de trouver une preuve» ne constitue pas une norme suffisamment exigente. Il faut plutôt «dans des cas comme la présente affaire [enquête en matière de coalition criminelle] l'existence de motifs raisonnables et probables, établie sous serment, de croire qu'une infraction a été commise et que des éléments de preuve se trouvent à l'endroit de la perquisition, constitue le critère minimal, compatible avec l'art. 8 de la Charte, qui s'applique à l'autorisation d'une fouille, d'une perquisition ou d'une saisie» (p. 168).
Si une perquisition ou une saisie n'est pas auto- risée par la loi ou si la loi qui l'autorise ne prévoit pas ces trois conditions, il y a alors abus et contra vention à l'article 8 de la Charte. Cependant, le juge Dickson a reconnu qu'il n'était pas toujours possible d'obtenir une autorisation préalable à la perquisition et qu'une perquisition sans mandat pouvait être valide dans la mesure la partie qui cherche à la faire maintenir peut réfuter la pré- somption de caractère abusif qui s'attache à cette perquisition (page 161). Il n'a pas été nécessaire pour le juge Dickson de s'attarder sur ce point; cependant, la jurisprudence subséquente en a pour- suivi l'étude.
En ce qui concerne les saisies et perquisitions sans mandat autorisées par des lois, trois cours d'appel canadiennes ont distingué entre le contexte de l'enquête criminelle et celui des enquêtes ou des vérifications en matière réglementaire. (R. v. Rao, (1984), 12 C.C.C. (3d) 97 (C.A. Ont.). Permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada refu sée, [1984] 2 R.C.S. ix; Re Belgoma Transporta tion Ltd. and Director of Employment Standards (1985), 51 O.R. (2d) 509 (C.A.); R. v. Quesnel (1985), 24 C.C.C. (3d) 78 (C.A. Ont.). Permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada refu sée, [1986] 1 R.C.S. xiii; Bertram S. Miller Ltd. c. R., [1986] 3 C.F. 291 (C.A.). Permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada refusée, [1986] 2 R.C.S. v; R. v. Bichel (1986), 4 B.C.L.R. (2d) 132 (C.A.).) Ces arrêts affirment en général qu'une perquisition ou saisie sans mandat risque
plus d'être considérée abusive lorsqu'elle se produit en rapport avec des matières illégales ou des preu- ves dans le contexte d'une enquête criminelle que lorsqu'elle est le fait d'inspecteurs du gouverne- ment au cours d'inspections ayant trait à la santé et à la sécurité du public, dans les activités com- merciales régies par une réglementation gouverne- mentale. Cette distinction semble justifiée par le fait que, dans une activité commerciale réglemen- tée par le gouvernement, les expectatives de vie privée de ceux qui décident de s'y adonner sont bon droit) moins élevées.
Dans l'affaire Rao (où il s'agissait d'une enquête criminelle) la Cour d'appel de l'Ontario a tenu compte de cette distinction en déclarant, à l'unani- mité, inopérante la disposition de l'alinéa 10(1)a) de la Loi sur les stupéfiants qui autorise un agent de la paix à perquisitionner sans mandat dans un bureau il croit, pour des motifs raisonnables, que se trouvent des stupéfiants, alors qu'il est commode d'obtenir un mandat. À la page 123, le juge Martin a déclaré qu'une perquisition sans mandat d'un bureau devait être justifiée de façon à satisfaire au critère constitutionnel concernant le caractère raisonnable. Il a fait observer qu'une perquisition sans mandat est justifiée lorsque les circonstances sont telles qu'il n'est pas commode d'obtenir un mandat; mais lorsque l'obtention d'un mandat ne constituerait pas une entrave à l'effica- cité de l'application de la loi, une perquisition sans mandat d'un bureau (sauf comme mesure acces- soire lors d'une arrestation légale) ne peut être justifiée et ne satisfait pas au critère constitution- nel concernant le caractère raisonnable tel que prescrit à l'article 8 de la Charte. Le juge Martin fait remarquer que la Commission de réforme du droit du Canada avait recommandé la création d'un régime de télémandat pour les situations d'ur- gence ou pour le cas un juge de paix ne serait pas disponible. Cette recommandation a, depuis, été mise en vigueur par l'adoption par le Parle- ment de l'article 443.1 du Code criminel [ajouté par S.C. 1985, chap. 19, art. 70].
Dans l'affaire Belgoma, la Cour d'appel de l'Ontario a maintenu la validité d'une perquisition et d'une saisie autorisées par l'article 45 de la Employment Standards Act, R.S.O. 1980, chap. 137. L'article 45 confère à un agent des normes d'emploi le droit de pénétrer sans mandat dans des
locaux commerciaux et d'exiger que l'on produise les dossiers de l'entreprise, qui peuvent même être emportés pour en faire des copies. Après avoir signalé la distinction qu'il y avait entre les enquê- tes criminelles et les inspections réglementaires de caractère administratif, le tribunal a jugé que cette perquisition ou cette saisie sans mandat n'était pas abusive parce qu'elle ne visait pas une activité criminelle mais plutôt le respect des dispositions réglementaires de la Loi en vue de la protection des intérêts du public (page 512).
Dans l'affaire Quesnel la Cour d'appel de l'On- tario a confirmé le pouvoir de conduire une perqui- sition sans mandat sous le régime de la Farm Products Marketing Act, R.S.O. 1980, chap. 158. Le but de cette perquisition avait été, en l'espèce, de déterminer le nombre de poulets qu'il y avait dans les locaux de Quesnel. Le tribunal a fait observer que le «poulet» était un produit régle- menté et a appliqué les arrêts Rao et Belgoma. Jugeant que le fonctionnaire ne se livrait qu'à une enquête réglementaire, le tribunal en a conclu que la législation était raisonnable au sens de la Charte.
Dans l'affaire Bichel, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a maintenu un règlement municipal de zonage autorisant un inspecteur des bâtiments à entrer sans mandat, à des heures raisonnables, sur toute propriété ou dans tout local en vue de vérifier si l'on avait respecté le règlement de zonage. Le tribunal a déclaré que la procédure du mandat convenait à des perquisitions exécutées au cours d'une enquête criminelle mais a souscrit à la règle exprimée dans les arrêts Rao, Belgoma et Quesnel, selon laquelle d'autres considérations s'appliquent lorsqu'il s'agit d'enquêtes réglemen-
taires (pages 139 140 et page 143). Le juge Macfarlane a expliqué cet argument comme suit, aux pages 143 et 144:
[TRADUCTION] Le critère proposé dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc. exige une autorisation préalable accordée par un officier de justice sur preuve d'un motif raisonnable et probable pour justifier l'intrusion. Il est raisonnable que l'on applique un tel critère dans une enquête criminelle ou dans des perquisitions du type prévu par la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. Ce type de perquisition consiste en une intrusion sans avis, que cela convienne ou non. Elle peut entraîner une violation grave de l'intimité, par exemple une fouille de la propriété person- nelle. Elle peut conduire à une privation de la propriété. Une descente de police entraîne toujours une stigmatisation person- nelle. La procédure du mandat de perquisition est nécessaire et convient particulièrement à ce type de situation.
D'autres considérations s'appliquent aux enquêtes adminis- tratives. ... Une inspection ne constitue qu'une intrusion minime dans la vie privée d'une personne, dans la mesure elle a lieu à une heure raisonnable. Elle n'implique pas une fouille ou une saisie de biens personnels. Elle se fait par l'inspection de la construction, de l'installation électrique, de la plomberie et du chauffage et d'éléments qui peuvent avoir des répercussions sur la santé ou la sécurité. L'inspection n'entraîne aucune stigmatisation. Il s'agit de quelque chose à laquelle tous les membres de la communauté, qui ont intérêt à ce que l'on fasse observer les normes de santé et de sécurité, peuvent raisonnablement s'attendre. Dès qu'on a reconnu que de telles inspections doivent avoir lieu de façon routinière, région par région, sans qu'on doive faire préalablement preuve d'une infraction par un des occupants, ce serait alors un geste vain et futile, selon nous, d'obliger un fonctionnaire indépendant à entendre les raisons pour lesquelles on veut perquisitionner et donner une autorisation préalable. Le fait qu'il y ait une possibilité qu'on découvre une infraction et qu'on impose une peine, ne me convainc pas de la nécessité de mettre en place une procédure lourde et peu efficace. Elle ne protégerait pas le contrevenant particulier contre cette découverte. Il n'est pas non plus dans l'intérêt du public que ce contrevenant puisse jouir d'une telle protection.
L'arrêt Hunter c. Southam Inc. établit que l'autorisation préa- lable est une condition de validité de la perquisition et de la saisie dans la mesure il est possible et raisonnable d'exiger une telle autorisation préalable. À mon avis, il ne serait pas raisonnable d'exiger une autorisation préalable d'inspections administratives. Une telle procédure serait une mesure routi- nière et coûteuse, incapable d'apporter une véritable protection à l'occupant.
J'en conclus que le règlement n'est pas incompatible avec l'art. 8 et je confirme le jugement du juge Dohm.
Je rejetterais l'appel. [C'est moi qui souligne.]
Dans l'affaire Bertram Miller, la Division d'ap- pel de cette Cour a maintenu une saisie sans mandat, conformément à l'alinéa 6(1)a) de la Loi sur la quarantaine des plantes [S.R.C. 1970, chap. P-13] qui autorisait les inspecteurs à perquisition- ner et saisir sans mandat dans tout endroit ils croyaient raisonnablement que se trouvaient des parasites nocifs pour les plantes. La demanderesse- intimée avait importé des Etats-Unis des arbres et des arbustes qui se sont révélés atteints d'une infestation de spongieuses. Les inspecteurs avaient été d'avis qu'il y avait un risque raisonnable que le chargement entier fût infesté ou pourrait le deve- nir. Ils ont par conséquent confisqué les arbres et ont ordonné à la demanderesse de les détruire. Devant le défaut par la demanderesse d'obtempé- rer à cet ordre, les inspecteurs ont détruit eux- mêmes les arbres.
En rédigeant des motifs de jugement distincts mais concordants, les juges Hugessen et Ryan ont tous deux jugé que cette saisie sans mandat n'était pas abusive. Le juge Heald, dans sa dissidence, n'a pas étudié cette question; il aurait rejeté l'appel en se fondant sur des motifs autres que des motifs constitutionnels.
Le juge Hugessen a affirmé d'abord qu'un exer- cice de contrôle judiciaire en vertu de l'article 8 devait prendre en considération non seulement le libellé de la disposition législative mais aussi son contexte. Ainsi, a-t-il déclaré, il faut étudier le but du mécanisme de la loi qui autorise les perquisi- tions et les saisies, la nature des biens ou des objets saisis, le caractère des lieux dans lesquels il est normalement prévisible que les perquisitions ou les saisies seront effectuées ainsi que les intérêts non seulement du public en général mais encore de la personne soumise à la perquisition ou à la saisie. Le juge Hugessen, aux pages 341 et 342, a précisé à ce sujet:
Ce qui est raisonnable en ce qui a trait à l'entrée d'inspecteurs dans une cuisine de restaurant, une laiterie commerciale, une manufacture ou une mine et à l'inspection de celles-ci différera radicalement de ce qui est raisonnable dans le cas de la fouille, la perquisition et la saisie de documents privés dans une maison d'habitation. Pareillement, existe-t-il une distinction entre le mécanisme législatif prévoyant de façon évidente la tenue, à des moments raisonnables et dans le cours normal des affaires, d'inspections et de vérifications de routine et le mécanisme conçu pour permettre, lorsque cela s'avère nécessaire, à des personnes armées de pénétrer de force dans un endroit à trois heures du matin. Bref, la perquisition du domicile d'un particu- lier et le sondage sanitaire de tuyaux de vidange représentent des inconvénients de natures différentes.
Selon mon opinion, il existe clairement une certaine catégorie d'inspections reliées à la sécurité et à la santé publiques et effectuées dans des locaux industriels ou commerciaux pour les fins desquelles il est non seulement raisonnable mais essentiel à la protection du public que la fouille, la perquisition et la saisie puissent se faire sans mandat.
Après avoir noté que la Cour d'appel de l'Onta- rio dans les affaires Rao et Belgoma avait fait cette même distinction, le juge Hugessen a appli- qué son raisonnement à la législation et aux faits en l'espèce, comme suit (page 343):
L'objet évident de la Loi sur la quarantaine des plantes est d'empêcher que nos forêts et nos fermes ne soient infestées par des parasites.
Lorsqu'il ressort d'une fouille ou d'une perquisition qu'une plante ou autre matière est infestée et constitue un danger, l'intérêt public exigeant sa saisie et sa destruction immédiate
doit certainement prévaloir sur les droits dont l'article 8 de la Charte assure la protection.
Tout bien considéré, je suis d'avis que les dispositions préci- tées de la Loi n'autorisent pas les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.
Le juge Ryan a également approuvé la distinc tion faite par le juge Martin dans l'affaire Rao et a déclaré qu'«il n'est pas souhaitable d'introduire dans notre système de droit administratif l'exi- gence relativement peu flexible d'un mandat» (page 324). La saisie dont il était question, a déclaré le juge Ryan, ne constituait qu'une étape s'inscrivant dans un processus administratif et ne relevait aucunement du droit criminel.
Le juge Ryan a expliqué que l'article 8 protège au moins deux droits: l'expectative raisonnable d'une personne qu'on respectera sa vie privée et le droit que possède toute personne d'être à l'abri des saisies abusives de biens. Cependant, il a jugé que les droits étatiques devaient, en l'occurrence, pré- dominer. D'abord, il existait un droit très impor tant du public à la protection des forêts du Nou- veau-Brunswick contre ce qui aurait très bien pu devenir une infestation dévastatrice. Ensuite, il y avait une «situation d'urgence». De plus, le critère exigeant que les inspecteurs dussent croire, pour des motifs raisonnables, que les plantes présen- taient un risque constitue, de l'avis du juge Ryan, un critère raisonnable. Les inspecteurs avaient, de fait, des motifs raisonnables de croire qu'il existait un danger d'infestation. Par conséquent, a conclu le juge Ryan, un mandat ou autre autorisation préalable de la part d'un arbitre impartial n'était pas une condition nécessaire. L'urgence créée par le risque d'infestation est un élément central de la ratio de l'affaire Bertram S. Miller.
Les arrêts que nous venons d'étudier nous livrent les directives suivantes pour évaluer les répercus- sions de l'article 8 sur une perquisition ou saisie sans mandat autorisée par la loi:
Les perquisitions ou les saisies sans mandat au cours d'une enquête criminelle sont plus exposées à être jugées abusives que les perquisitions ou saisies sans mandat effectuées au cours d'un processus d'inspection administrative.
Les tribunaux sont plus susceptibles de confirmer la validité d'une perquisition ou d'une saisie sans mandat lorsqu'il n'est pas commode d'obtenir un mandat.
Pour évaluer si l'obtention d'un mandat est ou non commode, on tiendra compte de facteurs comme la mesure dans laquelle l'application efficace de la loi pourrait être entravée, la mesure dans laquelle la situation est urgente et l'importance
de l'intérêt du public (p. ex., la protection de la santé et de la sécurité).
Moins l'intrusion dans la vie privée du particulier sera carac- térisée, plus la perquisition ou la saisie sans mandat sera susceptible d'être confirmée (p. ex., si elles ont lieu à un moment raisonnable, si elles n'entraînent aucune stigmatisa- tion, si elles n'entraînent pas une perquisition ou une saisie de biens personnels, etc.).
Si l'on applique ces critères en l'espèce, il est manifeste, tout compte fait, que la saisie des mar- chandises des demanderesses par les défendeurs a violé l'article 8 de la Charte.
La perquisition et la saisie qu'autorise l'article 22 de la Loi des aliments et drogues ne sont pas conformes au critère de l'arrêt Hunter parce que l'article 22 ne stipule aucune des trois conditions qu'exige ce critère. Par conséquent, il se crée donc une présomption réfragable du caractère abusif, et partant, de l'invalidité de ces perquisi- tions et saisies.
Cette présomption n'a pas été renversée. D'abord, les défendeurs ne peuvent se fonder sur le critère moins exigeant du caractère raisonnable que les tribunaux appliquent dans le contexte des inspections administratives parce que, en l'espèce, la perquisition et la saisie ont été effectuées dans le contexte d'une enquête criminelle. L'argument des demanderesses est irréfutable: les défendeurs ne peuvent guère prétendre d'une part que la législa- tion relève de la compétence du Parlement en matière de droit criminel et d'autre part que les perquisitions et saisies n'ont pas effectuées au cours d'une enquête criminelle mais plutôt au cours de la réglementation de la fabrication, de la vente et de l'étiquetage des drogues au Canada. (Transcription 3, pages 147 158.) Les règlements visant les drogues nouvelles sont assimilés au droit pénal prohibant la vente de drogues nouvelles au sujet desquelles aucun avis de conformité n'a été émis. L'alinéa 26b) de la Loi prévoit qu'une viola tion du Règlement constitue une infraction pour- suivable par voie d'acte d'accusation. Ayant appris que la demanderesse avait l'intention de ne pas tenir compte de cette prohibition mais cherchait par l'action T-2853-84, intentée le 6 décembre 1984, à faire déterminer ses droits et obligations, les défendeurs ont subséquemment effectué la saisie des matières prohibées et des éléments de preuve. Cela ressemble plus à une enquête crimi- nelle qu'à un processus administratif d'inspection ou de réglementation.
Il est vrai que les alinéas 22(1)a), b) et c) créent des pouvoirs qui semblent prévoir des inspections réglementaires, mais l'alinéa 22(1)d) invoqué par les inspecteurs, prévoit que le fonctionnaire «peut ... saisir et détenir ... tout article au moyen duquel ou relativement auquel il croit raisonnable- ment qu'une disposition de la présente loi ou des règlements a été violée». (C'est moi qui souligne.) Ce sont les mots mêmes qu'emploie l'article 26. L'intention législative de faire de l'alinéa 22(1)d) un accessoire procédural servant dans la poursuite des infractions en vertu de l'article 26 est tellement manifeste qu'il n'est pas nécessaire de s'y attarder plus longtemps.
De plus, il n'est pas nécessairement impossible ou peu commode d'obtenir un mandat pour une saisie sous le régime de l'alinéa 22(1)d) de la Loi, surtout dans les situations comme en l'instance, qui semble une situation type le pouvoir de saisir est invoqué. En l'espèce, il ne semble pas y avoir eu urgence, comme l'indique le long délai entre la détermination par le défendeur que les produits de la demanderesse étaient des «drogues nouvelles» et la véritable saisie. Également, l'appli- cation efficace de la loi n'aurait pas été entravée si le défendeur avait obtenu une autorisation préala- ble pour la perquisition et la saisie. L'abondance des lettres que se sont échangées les deux parties indique que la demanderesse n'a eu aucune inten tion de cacher quoi que ce soit; au contraire, la demanderesse a agi en toute ouverture. Ainsi, un délai d'au plus un jour de plus pour l'obtention d'une autorisation préalable n'aurait sans doute pas eu comme résultat que la demanderesse aurait vendu ou dissimulé ou détruit ses «drogues nouvel- les». Compte tenu des circonstances, le fait que l'on n'a pas saisi les articles d'un bureau est d'im- portance moindre.
Le Parlement lui-même, par opposition aux défendeurs chargés de l'administration de la loi, semble potentiellement d'accord avec les observa tions qui viennent d'être formulées. Par l'adoption subséquente des paragraphes 22(1.1), (1.2) et (1.3) de la Loi, le Parlement a exigé que l'on devait obtenir un mandat, par une demande ex parte à un juge de paix, lorsqu'un inspecteur cher- che à pénétrer dans une «maison d'habitation» pour perquisitionner et saisir quelque article s'y trou- vant. Par l'adoption de l'article 443.1 du Code
criminel, le Parlement a prévu que lors d'enquêtes portant sur des actes criminels s'il était «peu com mode de se présenter en personne devant un juge de paix pour ... un mandat», un agent de la paix (mais pas un inspecteur en vertu de la Loi, à moins que cet inspecteur ne soit en même temps un agent de la paix), peut demander un télémandat. Ainsi les prétentions des défendeurs sur ce point sont, du moins en puissance, forcloses dans les deux sens. Ces textes législatifs récents constituent certaine- ment un critère éloquent pour démontrer que la prétendue nécessité des saisies sans mandat en vertu de l'alinéa 22(1)d) est un argument insuffi- sant vu les exigences de l'article 8 de la Charte, tel qu'interprété par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Hunter et autres c. Southam Inc. et par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Rao.
L'importance d'une autorisation préalable per- mettant de saisir les biens de quelqu'un est fondée sur les exigences d'équité à l'endroit de cette per- sonne. Le processus d'obtention d'un mandat, ou d'un télémandat, crée un dossier, la dénonciation sous serment de la personne chargée de l'applica- tion de la loi, qui peut servir de fondement, le cas échéant, à une requête en annulation de mandat en faveur de la personne dont les biens ont été saisis. Parce que la jurisprudence canadienne a choisi d'accorder à des «personnes» morales les droits essentiellement humains que protège la Charte, ce remède est disponible et pour les particuliers, et pour les sociétés telles les demanderesses.
Si la présente affaire était considérée comme se situant sur la limite entre les inspections réglemen- taires et les enquêtes criminelles, hypothèse que le tribunal refuse d'admettre, elle représenterait la fine pointe de la formulation des droits protégés par la Charte. Les défendeurs ne pourraient guère invoquer l'article 1 à cet égard. Par conséquent, s'il demeurait quelque doute en l'espèce, il serait pré- férable de le faire jouer en faveur des demanderes- ses et ainsi de rester fidèle à l'impératif constitu- tionnel du respect de la finalité des droits protégés.
Il est manifeste, donc, qu'il était possible de recourir à une autorisation préalable. L'autorisa- tion préalable n'aurait pas entraîné un déséquilibre en faveur de l'expectative de respect de la vie privée de la demanderesse et du respect de sa propriété, au détriment des objectifs étatiques valables concernant l'application de la loi et la
protection de la sécurité du public. Par conséquent, la saisie sans mandat était abusive et contrevenait à l'article 8 de la Charte. Nous déclarons donc, dans la mesure de cet abus, que l'alinéa 22(1)d) de la Loi des aliments et drogues est inopérant.
La saisie est annulée parce que abusive. Ce n'est que la saisie qui est déclarée inconstitutionnelle. Les dispositions des alinéas 21(1)a), b) et c) envi- sagent la sorte d'inspection ou de perquisition administrative ou réglementaire qui, d'après la jurisprudence rapportée plus haut, ne nécessite aucune exigence constitutionnelle d'autorisation préalable dans la mesure elle n'a pas été effec- tuée dans une maison d'habitation ou un bureau privé ou en rapport avec ces lieux. Un bureau qui n'est pas un bureau privé, une voûte, ou tout autre endroit peuvent se trouver les livres, documents ou autres registres mentionnés à l'alinéa 22(1)c) ne sont pas visés non plus par l'exigence d'une autorisation préalable parce que la recherche et l'inspection de ces documents dans un lieu de travail sont une perquisition ou inspection adminis trative ou réglementaire. Les articles de Jamieson doivent leur être rendus et la «saisie volontaire» levée en ce qui concerne ceux de Swiss Herbal. Dans une large mesure, cela ne constitue qu'une victoire morale pour les demanderesses, car leurs produits qui sont composés, entièrement ou en partie, des huit acides aminés énumérés continuent à être soumis aux règlements incontestablement valides concernant les drogues nouvelles. Leur vic- toire morale, toutefois, les dispense de payer les dépens des défendeurs en l'espèce. La confusion et le manque d'organisation des défendeurs dans le traitement des demanderesses, de même que leur conduite après l'introduction de ces actions, les disqualifient de réclamer leurs dépens des deman- deresses.
RÉSUMÉ DES DISPOSITIFS
L'action T-2853-84 de Jamieson est rejetée sans dépens pour ou contre aucune des parties. Les règlements DIN contestés, C.01.014 à C.01.014.4 inclusivement, pris sous le régime de la Loi des aliments et drogues, relèvent des pouvoirs légis- latifs du Parlement. La façon dont on les a appliqués à la demanderesse, bien que malhabile, ne peut être qualifiée d'inéquitable, d'abusive ou de discriminatoire et elle n'a pas créé d'injustice flagrante. La demanderesse Jamieson n'a pas le
droit de recevoir un DIN pour le produit «Stress-. Ease with Vitamins and Minerals» contenant du tryptophane-L, puisque ce produit constituerait une drogue nouvelle sous le régime du règlement C.08.001.
L'action T-2968-84 des trois demanderesses est réglée comme suit: la demande de déclaration exprimée aux paragraphes a), b), d) et la demande de redressement contenue dans la déclaration remodifiée déposée le 16 décembre 1986 sont reje- tées; le sous-alinéa 25(1)o)(ii) de la Loi des ali- ments et drogues et les règlements C.08.001 à C.08.011 relèvent respectivement de la compétence législative du Parlement et de la compétence régle- mentaire du gouverneur général en conseil. Les huit acides aminés isolés et les produits d'acides aminés visés par le paragraphe 10 de la déclaration mais précisés au paragraphe 22 de la défense, sont des «drogues nouvelles» au sens de la Loi des aliments et drogues et des règlements pris sous son régime. La façon dont on les a appliqués aux demanderesses, bien que malhabile, n'a pas été inéquitable, abusive ou discriminatoire et n'a pas créé d'injustice flagrante; la demande des deman- deresses pour une déclaration, telle qu'exprimée au paragraphe c) de leur déclaration, est accordée dans les termes suivants:
... la saisie des articles effectuée le 17 décembre 1984 par le directeur, défendeur, et les inspecteurs, agents et autres fonc- tionnaires publics qui étaient alors membres de son personnel ou qui étaient par ailleurs autorisés à effectuer de telles saisies, est et était illégale, nulle et de nul effet, en particulier parce que ladite saisie était abusive et contrevenait à l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Il sera prononcé, en conséquence, une ordonnance selon laquelle les défendeurs, leurs inspecteurs, agents et fonctionnaires remettront à la demande- resse Jamieson tous les articles saisis dans ses locaux le 17 décembre 1984, à moins qu'il n'existe quelque autre motif légitime de les conserver; ils devront lever la «saisie volontaire» sur tous les articles de Swiss Herbal, ainsi saisis depuis le 17 décembre 1984, à moins qu'il n'existe quelque autre raison légitime de maintenir cette saisie.
Le résultat de l'action T-2968-84 étant partagé, les défendeurs paieront aux demanderesses, en faveur de qui le jugement est accordé dans ces termes, soixante-dix pour cent (70 %) des dépens partie- partie des demanderesses relevant de la présente action, après taxation, ou selon entente si les défendeurs renoncent à la taxation. Les trois
demanderesses ayant retenu les services du même cabinet d'avocats dans cette action (et l'autre action solitaire de Jamieson) la totalité des hono- raires d'avocat sera calculée et taxée comme s'il s'agissait de deux avocats principaux (c'est-à-dire double honoraire) mais calculée une fois et non pas trois fois, 70 % de ce montant, comme signalé plus haut, étant compris dans les dépens que doivent payer les défendeurs aux demanderesses.
Les jugements seront rédigés séparément et incorporés à chaque action et une copie des pré- sents motifs de jugement sera versée dans chacun des dossiers.
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