T-2102-86
Dr. Kenneth D. Varnam (demandeur)
c.
Ministre de la Santé nationale et du Bien-être
social, directeur du Bureau des drogues dangereu-
ses du ministère de la Santé nationale et du Bien-
être social et College of Physicians and Surgeons
of British Columbia (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: VARNAM c. CANADA (MINISTRE DE IA SANTÉ
NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL)
Division de première instance, juge Reed —Van-
couver, 27 octobre 1986; Ottawa, 14 avril 1987.
Compétence de la Cour fédérale — Division de première
instance — Un avis a été publié par le ministre de la Santé
nationale et du Bien-être social conformément à l'art. 58 du
Règlement sur les stupéfiants pour interdire aux pharmaciens
d'exécuter les ordonnances du praticien demandeur visant des
médicaments contenant un stupéfiant — Le demandeur pour-
suit la Couronne ainsi que le College of Physicians and
Surgeons — Il est satisfait aux critères régissant la compé-
tence de la Cour à instruire la demande alléguant négligence et
entente délictueuse qui est présentée contre le Collège —
Existence d'une législation fédérale applicable — L'art. 58 du
Règlement est le fondement de la compétence de la Cour — La
Cour s'est vue conférer la compétence requise par une loi: l'art.
17(1) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit que celle-ci sera
investie d'une telle autorité — Les demandes présentées contre
la Couronne et contre le Collège sont étroitement liées — Il est
clair que la Loi sur les stupéfiants est constitutionnelle — La
requête visant la radiation de la déclaration est rejetée — Loi
sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 ° Supp.), chap. 10, art.
17(1) — Règlement sur les stupéfiants, C.R.C., chap. 1041,
art. 586) — Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap.
3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5] (mod. par la Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi
constitutionnelle de 1982, n° 1), art. 91, 101 — Règles de la
Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 419a), 464.
Justice criminelle et pénale — Stupéfiants — L'art. 58 du
Règlement sur les stupéfiants exige du ministre qu'il consulte
les autorités provinciales chargées de délivrer les permis avant
d'aviser les pharmaciens de ne pas exécuter les ordonnances
d'un praticien qui visent des médicaments contenant un stupé-
fiant — Le demandeur conteste la validité de l'avis en question
et poursuit le College of Physicians and Surgeons en alléguant
que celui-ci a été négligent et a participé à une entente
délictueuse — La demande présentée contre le Collège est
«entièrement liée» au droit fédéral, en l'occurrence, à l'art. 58
du Règlement — La Cour fédérale possède la compétence
voulue pour instruire la demande — La requête visant la
radiation de la déclaration en ce qui concerne le Collège est
rejetée — Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N-1 —
Règlement sur les stupéfiants, C.R.C., chap. 1041, art. 52(2)b),
53, 58b), 60, 68(1)d).
Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social a
publié un avis conformément à l'article 58 du Règlement sur
les stupéfiants pour interdire aux distributeurs autorisés et aux
pharmaciens d'exécuter les ordonnances du praticien deman-
deur qui visaient des médicaments contenant un stupéfiant. Il
est allégué que le demandeur prescrivait des stupéfiants alors
que ceux-ci n'étaient pas nécessaires aux soins prodigués au
patient. Le ministre a également révoqué l'autorisation du
demandeur de prescrire de la méthadone. La déclaration du
demandeur conteste la validité des actions du ministre et
sollicite divers redressements. Le College of Physicians and
Surgeons of British Columbia a présenté la requête en l'espèce
sollicitant la radiation de la déclaration en ce qui le concerne
aux motifs que celle-ci ne révèle aucune cause raisonnable
d'action et que la Cour fédérale n'est pas compétente à instruire
l'action alléguant négligence et entente délictueuse qui a été
intentée par le demandeur contre le Collège.
Jugement: la requête devrait être rejetée.
Pour que la Cour fédérale soit compétente: (1) il doit y avoir
une attribution de compétence par une loi du Parlement fédé-
ral; (2) il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales
essentielles à. la solution du litige et constituant le fondement de
l'attribution légale de compétence; (3) la loi fédérale invoquée
dans l'affaire doit être constitutionnelle: ITO—International
Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre,
[1986] 1 R.C.S. 752.
Il a été satisfait au troisième critère. La constitutionnalité de
la Loi sur les stupéfiants a été établie: R. c. Hauser, [1979] 1
R.C.S. 984.
Pour que le second critère, visant l'existence d'une législation
fédérale applicable, soit satisfait, il est nécessaire de déterminer
si la demande fondée sur la négligence et l'entente délictueuse
qui a été présentée par le demandeur contre le Collège est
«entièrement liée» à l'objet fédéral en cause ou entretient un
«rapport étroit existant en pratique» avec cet objet au sens où
ces expressions sont utilisées dans l'arrêt Miida. En l'espèce,
l'exigence de l'article 58 du Règlement que le ministre consulte
les autorités chargées de délivrer les permis dans la province où
le praticien est autorisé à exercer avant de donner l'avis visé
aux pharmaciens constitue le fondement de l'action intentée
contre le Collège. L'action du demandeur se fonde essentielle-
ment sur le conseil donné par le Collège au ministre; ce conseil
est un moteur important de la décision que prendra ultimement
le ministre. Reprenant les termes utilisés dans l'arrêt Dag c.
Canada, [1987] 2 C.F. 511 (C.A.), la législation fédérale—en
l'occurrence, le Règlement sur les stupéfiants—est à l'origine
de la cause d'action existant entre le demandeur et le Collège.
En conséquence, l'exigence que l'action intentée contre le Col-
lège entretienne un rapport de partie intégrante avec le droit
fédéral a été satisfaite.
L'exigence de l'attribution de compétence par une loi a
également été satisfaite. Il a été fait référence à la décision
rendue dans l'affaire Marshall c. La Reine, [1986] 1 C.F. 437
(1" inst.), dans laquelle le paragraphe 17(1) de la Loi sur la
Cour fédérale a été considéré comme ayant une portée suffi-
samment large pour habiliter la Cour à entendre une action
intentée par la demanderesse à la fois contre la Couronne et
contre le syndicat en cause. Il a été décidé que ces actions
étaient étroitement entremêlées. En l'espèce, l'action contre la
Couronne contestant la validité de l'avis prévu à l'article 58 et
l'action alléguant négligence et entente délictueuse intentée
contre le Collège sont liées. Si le bien-fondé de l'action intentée
contre le Collège était établi, il est probable que le bien-fondé
de la contestation de l'avis prévu à l'article 58 le serait égale-
ment. Quoi qu'il en soit, la requête devait être rejetée puisqu'il
n'avait pas été établi au-delà de tout doute qu'aucune cause
d'action n'existait contre le Collège.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Oag c. Canada, [1987] 2 C.F. 511 (C.A.).
DÉCISION APPLIQUÉE:
ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida
Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Anglophoto Ltd. c. Le «Ikaros», [1973] C.F. 483; 39
D.L.R. (3d) 446 (1fe inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Marshall c. La Reine, [1986] 1 C.F. 437 (1te inst.);
Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine, [1980] 2 R.C.S.
442; R. c. Rhine, [1978] 1 C.F. 356 (1'° inst.); Bensol
Customs Brokers Ltd. c. Air Canada, [1979] 2 C.F. 575
(C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Schmeichel c. Lane, Thatcher and Bernston (1984), 28
Sask. R. 311 (B.R.); Thompson c. Coquitlam (1979), 15
B.C.L.R. 59 (CS.); Roberts c. Canada, [1987] 2 C.F.
535 (C.A.), confirmant [1987] 1 C.F. 155 (1" inst.); R. c.
Hauser, [1979] 1 R.C.S. 984; Desbiens c. La Reine,
[1974] 2 C.F. 20 (1fe inst.); R. c. Thomas Fuller Cons
truction Co. (1958) Ltd. et autre, [1980] 1 R.C.S. 695;
Tropwood A.G. et autres c. Sivaco Wire & Nail Co. et
autres, [1979] 2 R.C.S. 157; Antares Shipping Corpora
tion c. Le navire «Capricorn» et autres, [1980] 1 R.C.S.
553.
AVOCATS:
Daniel J. Barker pour le demandeur.
M. R. Taylor pour le ministre de la Santé
nationale et du Bien-être social, le directeur
du Bureau des drogues dangereuses du minis-
tère de la Santé nationale et du Bien-être
social, défendeurs.
Douglas H. Clarke pour le College of Physi
cians and Surgeons of British Columbia,
défendeur.
PROCUREURS:
Kopelow & Barker, Vancouver, pour le
demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour le
ministre de la Santé nationale et du Bien-être
social, le directeur du Bureau des drogues
dangereuses du ministère de la Santé natio-
nale et du Bien-être social, défendeurs.
Douglas, Symes & Brissenden, Vancouver,
pour le College of Physicians and Surgeons of
British Columbia, défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: Le College of Physicians and
Surgeons of British Columbia [ci-après appelé le
«Collège»] présente une requête sollicitant la radia
tion de la déclaration du demandeur en ce qui le
concerne, aux motifs que: (1) la déclaration ne
révèle aucune cause raisonnable d'action—se
reporter à la Règle 419(1)a) des Règles de la Cour
fédérale [C.R.C., chap. 663]; (2) la Cour fédérale
n'est pas compétente à instruire l'action intentée
par le demandeur contre le Collège défendeur.
L'action du demandeur procède d'un avis publié
par le ministre de la Santé nationale et du Bien-
être social conformément à l'article 58 du Règle-
ment sur les stupéfiants [C.R.C., chap. 1041].
Pour les fins des présents motifs, le ministre de la
Santé nationale et du Bien-être social et le direc-
teur du Bureau des drogues dangereuses seront
tous deux désignés sous le nom «ministre» ou,
parfois, sous le nom «la Couronne».
En vertu du Règlement sur les stupéfiants, un
praticien de la médecine peut prescrire des stupé-
fiants aux personnes soumises à ses soins profes-
sionnels si ces stupéfiants sont nécessaires aux
soins donnés:
53....
(2) Sous réserve du paragraphe (3), un praticien peut admi-
nistrer, prescrire, donner, vendre ou fournir un stupéfiant à une
personne ...
b) si le stupéfiant est nécessaire pour l'état pathologique de la
personne ... qui reçoit ces soins.
Les praticiens peuvent également prescrire de la
méthadone (dans le cadre des soins relatifs à la
toxicomanie) avec l'autorisation du ministre:
68. (1) Lorsqu'il le juge opportun dans l'intérêt public ou à
des fins scientifiques, le Ministre peut autoriser par écrit
d) un praticien à administrer, prescrire, donner, vendre ou
fournir de la méthadone à une personne ... soumis[e] à ses
soins professionnels,
Le règlement 58 autorise le ministre à commu-
niquer aux distributeurs autorisés et aux pharma-
ciens un avis portant qu'ils ne doivent pas exécuter
les ordonnances d'un praticien particulier qui
visent des médicaments contenant un stupéfiant.
Un tel avis ne peut être délivré qu'«après consulta
tion avec les autorités chargées de délivrer les
permis dans la province où le praticien est inscrit
et autorisé à exercer»:
58. Le Ministre
b) peut ... après consultation avec les autorités chargées de
délivrer les permis dans la province où le praticien est inscrit
et autorisé à exercer,
communiquer aux distributeurs autorisés et aux pharmaciens
Les motifs pour lesquels un tel avis peut être
donné, qui sont énumérés au règlement 60, com-
prennent le non-respect, par un praticien, de l'une
des dispositions de l'article 53 du Règlement. Un
avis concernant le demandeur a été délivré confor-
mément à cette disposition. Cet avis faisait suite à
des allégations voulant que le demandeur ait pres-
crit des stupéfiants sans que ceux-ci soient néces-
saires aux soins donnés au patient. Le ministre a
ensuite également révoqué l'autorisation du
demandeur de prescrire de la méthadone.
La déclaration du demandeur conteste la vali-
dité des actions du ministre en invoquant différents
motifs; selon deux de ces motifs l'avis serait: (1)
invalide parce qu'il aurait été délivré sans que
soient observés les principes de la justice naturelle
ou de l'équité; (2) invalide parce que fondé sur des
motifs non raisonnables. Le demandeur soutient ce
qui suit: le College of Physicians and Surgeons of
British Columbia a soumis des observations
empreintes de négligence ou erronées au ministre;
il a fait de telles observations [TRADUCTION] «de
mauvaise foi et avec l'intention de faire obstacle au
droit et à la capacité du demandeur d'exercer la
profession qu'il a choisie»; [TRADUCTION] «le Col-
lège et le ministre ont conspiré pour faire obstacle
au droit et à la capacité du demandeur d'exercer la
profession qu'il a choisie» (paragraphe 12 de la
déclaration).
Le demandeur sollicite: un jugement déclara-
toire, la délivrance d'un bref de certiorari, d'un
bref de mandamus, d'une injonction provisoire,
d'une injonction définitive, d'une ordonnance por-
tant que lui soit communiquée la dénonciation sur
laquelle se sont fondés le ministre et le Collège
pour prendre les mesures qu'ils ont prises, une
ordonnance prescrivant au ministre de voir à ce
qu'il bénéficie d'une audience complète ainsi que
du droit de contre-interroger les témoins, ainsi que
des dommages-intérêts généraux et spéciaux
(paragraphe 13 de la déclaration).
Divulgation de la dénonciation sur laquelle le
ministre et le Collège se sont fondés pour agir
L'avocat du Collège soutient que la demande de
divulgation de la dénonciation sur laquelle le
ministre et le Collège se sont fondés ne prend
appui sur aucune allégation relative à une loi, à un
contrat ou à autre chose et, en conséquence, ne
révèle aucune cause d'action et devrait être radiée.
Je n'estime pas que l'on puisse dire que cette partie
de la demande du demandeur est si manifestement
déraisonnable qu'elle devrait être radiée au présent
stade. Le demandeur allègue que la justice natu-
relle n'a pas été respectée, qu'on ne lui a pas donné
la possibilité de se défendre. Le juge Dubé a
conclu que cette allégation semblait fondée de
prime abord et a prononcé une ordonnance provi-
soire annulant l'avis visé à l'article 58 [(1987), 6
F.T.R. 83 (C.F. 1" inst.)]. Les demandes subsi-
diaires du demandeur font état du redressement
définitif recherché; ces demandes visent notam-
ment l'annulation permanente de l'avis prévu à
l'article 58 ou la possibilité de repousser les accu
sations portées contre lui. Le redressement
demandé au paragraphe 13g) de la déclaration,
qui vise la divulgation complète de la dénonciation,
est clairement relié à ces demandes, et, en particu-
lier, à la possibilité de se défendre. Je ne crois pas
que la partie attaquée de la déclaration soit à ce
point détachée de la cause d'action en général et
des autres redressements recherchés qu'elle doive
être radiée.
Mise à part toute réclamation particulière figu-
rant dans la déclaration, le demandeur pourrait
exiger une telle divulgation du ministre dans le
cadre des procédures relatives à la communication
de documents et à l'interrogatoire préalable. Il
pourrait également obtenir cette divulgation du
Collège pourvu que celui-ci soit partie à l'action; si
ce n'était pas le cas, il pourrait tout de même être
obligé à la communication des documents visés
conformément à la Règle 464 des Règles de la
Cour fédérale, mais il ne saurait y avoir interroga-
toire préalable, au sens ordinaire de cette expres
sion. Les présentes procédures ont évidemment
pour objet de faire radier le Collège du nombre des
parties au motif qu'il n'est pas assujetti à la com-
pétence de la Cour fédérale. Nous parlerons
davantage de cette question plus loin.
La demande visant la conspiration
L'avocat du Collège soutient que la demande
présentée par la demanderesse relativement à la
conspiration devrait être radiée. Il excipe de l'in-
suffisance des faits allégués dans la déclaration au
soutien d'une telle demande. De façon précise, il
dit qu'aucun fait n'a été plaidé pour établir l'exis-
tence d'un accord ou d'une action concertée de la
part des deux défendeurs (le ministre et le Col-
lège). Je crois que les allégations de la déclaration
sont clairement insuffisantes à cet égard. Voir:
Precedents of Pleadings (12° éd.), de Bullen,
Leake et Jacob, à la page 341; Schmeichel c. Lane,
Thatcher and Bernston (1984), 28 Sask. R. 311
(B.R.); Thompson c. Coquitlam (1979), 15
B.C.L.R. 59 (C.S.). La dernière partie du paragra-
phe 12 de la déclaration (l'allégation relative à la
conspiration) sera radiée et le demandeur sera
autorisé à modifier sa déclaration et à étayer cet
aspect de sa demande de façon plus détaillée.
Compétence—le Collège défendeur
Il reste donc à examiner l'argument voulant que
cette Cour ne soit point compétente à instruire la
demande présentée par le demandeur contre le
défendeur le College of Physicians and Surgeons
of British Columbia. Notre jurisprudence n'a pas
élaboré les concepts de compétence suspensive et
accessoire qui ont été utilisés aux États-Unis pour
épargner aux parties l'inefficacité et les frais
découlant de la nécessité de diviser des actions
entre les tribunaux fédéraux et étatiques. Il semble
assez clair que, dans ce ressort, une demande
comme celle que présente le demandeur pourrait,
en ce qui concerne les deux défendeurs en l'espèce,
être instruite par un seul tribunal. Toutefois, notre
jurisprudence est plus réservée à cet égard.
L'argument fondé sur la compétence qui m'a été
présenté se concentrait sur la décision rendue dans
l'affaire Marshall c. La Reine, [1986] 1 C.F. 437
(ire inst.). Dans cette affaire, on a conclu d'après
les faits que la Cour fédérale était compétente à
instruire une demande présentée par une demande-
resse non seulement en ce qui concernait la Cou-
ronne en qualité d'employeur, mais encore en ce
qui concernait l'Alliance de la Fonction publique,
le syndicat de la demanderesse. L'avocat du Col-
lège soutient ce qui suit: (1) la décision rendue
dans l'affaire Marshall est erronée en droit ou, au
mieux, est rédigée de façon trop large; et (2) quoi
qu'il en soit, les faits de la présente affaire lui
rendent inapplicable le jugement rendu dans l'af-
faire Marshall.
L'avocat du Collège a volontiers reconnu que le
premier de ces arguments était difficile à soutenir
devant moi. La décision rendue dans l'affaire
Marshall n'a pas été contestée mais, au moment
de l'audition de la présente requête, un appel a été
formé à l'encontre du jugement rendu dans l'af-
faire Roberts c. Canada (A-585-86), une décision
du juge Joyal portant sur ces mêmes questions
[[1987] 1 C.F. 155]. J'ai décidé et avisé les avo-
cats que je réserverais mon jugement sur cette
requête jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cet appel.
Le statu quo entre les parties est présentement
maintenu par l'ordonnance d'injonction provisoire
prononcée par le juge Dubé, et il m'apparaissait
que ce retard ne causerait un grand préjudice ni à
l'une ni à l'autre des parties. Il était clair que la
Cour d'appel trancherait probablement cette ques
tion tôt dans l'année 1987. Quoi qu'il en soit, non
seulement la décision de la Cour d'appel fédérale
dans l'affaire Roberts a-t-elle été rendue [[1987] 2
C.F. 535] mais il a également été statué sur la
question en jeu dans l'affaire Oag c. Canada
[[1987] 2 C.F. 511] et, par la Cour suprême, dans
l'arrêt ITO—International Terminal Operators
Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1
R.C.S. 752.
Les avocats se sont vus demander et ont présenté
des observations écrites sur cette jurisprudence
récente. Le point de départ est donc l'arrêt ITO c.
Miida Electronics Inc. Dans cette décision, la
Cour suprême a conclu que, pour que la Cour
fédérale soit compétente: (1) il doit y avoir une
attribution de compétence par une loi du Parle-
ment fédéral; (2) il doit exister un ensemble de
règles de droit fédéral essentiel à la solution du
litige et constituant le fondement de l'attribution
légale de compétence; (3) la loi invoquée dans
l'affaire doit être «une loi du Canada» au sens où
cette expression est employée à l'article 101 de la
Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict.,
chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5]
(mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitution-
nelle de 1982, n° 1)]. Dans l'affaire Marshall,
pour désigner le premier et le second critère men-
tionnés dans l'arrêt Miida on parle de (1) l'exi-
gence d'une compétence conférée par la loi et (2)
de l'exigence d'une compétence conférée par la
Constitution (cette dernière exigence est ainsi dési-
gnée parce que l'on a considéré que l'article 101 de
la Loi constitutionnelle de 1867 avait été inter-
prété comme exigeant l'existence d'une législation
fédérale applicable). Le troisième critère énoncé
dans l'arrêt Miida, selon lequel la loi fédérale
invoquée dans cette affaire doit être constitution-
nellement valide au sens où elle doit entrer dans le
cadre de la compétence législative conférée au
Parlement par l'article 91 de la Loi constitution-
nelle de 1867, n'a pas été mentionné comme tel
dans l'affaire Marshall, même si les lois dont il y
est question, la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, S.R.C. 1970, chap. P-32 et ses modifica
tions ainsi que la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap.
P-35 et ses modifications satisfaisaient clairement
à ce critère. En l'espèce, la constitutionnalité de la
loi fédérale invoquée, la Loi sur les stupéfiants,
S.R.C. 1970, chap. N-1 et ses modifications, est
clairement établie: voir R. c. Hauser, [1979] 1
R.C.S. 984. Point n'est donc besoin, dans le con-
texte de l'espèce, d'examiner plus avant le troi-
sième critère posé par l'arrêt Miida. Il y est mani-
festement satisfait.
(i) l'existence d'une législation fédérale applicable
Je traiterai tout d'abord du critère visant l'exis-
tence d'une législation fédérale applicable fondant
la compétence de la Cour (le second critère énoncé
dans l'arrêt Miida). Le Collège défendeur soutient
que le critère applicable relativement à la question
de la compétence est le critère énoncé dans l'af-
faire Anglophoto Ltd. c. Le «Ikaros», [1973] C.F.
483, la page 498; 39 D.L.R. (3d) 446 (i re inst.),
à la page 459, qui a été appliqué dans d'autres
décisions, telle celle rendue dans l'affaire Desbiens
c. La Reine, [1974] 2 C.F. 20 (1« inst.). Ainsi
doit-on se demander si:
... la Cour serait compétente si l'action était intentée contre un
seul des défendeurs au lieu d'être greffée à une action contre
d'autres défendeurs qui sont à bon droit soumis à la compétence
de la Cour,
Ce critère peut très bien être approprié dans des
affaires comme les affaires Anglophoto, Desbiens
ou R. c. Thomas Fuller Construction Co. (1958)
Ltd. et autre, [1980] 1 R.C.S. 695, où aucune loi
fédérale ne peut servir de fondement ou d'abri à la
demande, par exemple lorsque la demande procède
uniquement d'un contrat ou d'un délit ayant son
fondement dans le droit provincial. Cependant,
selon mon interprétation des arrêts Miida, Rhine;
Prytula et Bensol, ainsi que des arrêts tels Trop -
wood A.G. et autres c. Sivaco Wire & Nail Co. et
autres, [ 1979] 2 R.C.S. 157 et Antares Shipping
Corporation c. Le navire «Capricorn» et autres,
[1980] 1 R.C.S. 553, une question préalable ou
légèrement différente doit être posée.
Avant que ne soient prononcés les jugements
plus récents, la Cour suprême, dans les arrêts
Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine, [1980] 2
R.C.S. 442, a fourni certaines indications sur ce
qui est nécessaire pour satisfaire au critère relatif à
l'existence d'une législation fédérale applicable.
Dans l'affaire Rhine c. La Reine, la Couronne
cherchait à recouvrer un montant dû en vertu d'un
prêt consenti conformément à la Loi sur les paie-
ments anticipés pour le grain des Prairies [S.R.C.
1970, chap. P-18]. Cette Cour a conclu [dans R. c.
Rhine], [1978] 1 C.F. 356 (1 r0 inst.), aux pages
363 et 364, que pour qu'elle ait compétence:
Il ne suffit pas que l'obligation naisse par l'effet d'une loi
[fédérale].
En l'espèce, la Loi sur les paiements anticipés pour le grain
des Prairies autorise le versement de tels paiements et prescrit
les conditions dans lesquelles ils peuvent être faits par la
Commission en sa qualité de mandataire de Sa Majesté la
Reine du chef du Canada. Mais la Loi n'impose pas, en
elle-même, une obligation, et il n'en existe aucune, sauf celle
souscrite par l'emprunteur, obligation qui découle non de la
Loi, mais de l'engagement contractuel de rembourser souscrit
par l'emprunteur. [Les soulignements sont ajoutés.]
La Cour suprême a conclu que cette exigence était
trop rigoureuse. Le juge en chef Laskin a dit aux
pages 446 et 447:
... on prétend qu'il s'agit simplement de l'exécution d'une
obligation contractuelle ordinaire qui ne relève aucunement de
la législation fédérale, si ce n'est qu'elle tire son origine de
l'autorisation législative de verser le paiement anticipé.
Certes, l'application de la Loi [Loi sur les paiements anticipés
pour le grain des Prairies] emporte un engagement ou des
conséquences contractuelles, mais cela ne veut pas dire que la
Loi est mise à l'écart une fois l'engagement pris ou le contrat
signé. La Loi a constamment des répercussions sur l'engage-
ment, de sorte que l'on peut dire à bon droit qu'il existe une
législation fédérale valide qui régit l'opération, objet du litige
devant la Cour fédérale. Est-il nécessaire d'ajouter qu'on ne
peut invariablement attribuer les «contrats» ou les autres créa-
tions juridiques, comme les délits et quasi-délits, au contrôle
législatif provincial exclusif, ni les considérer, de même que la
common law, comme des matières ressortissant exclusivement
au droit provincial.
A la différence de la présente espèce, la loi n'offrait pas
d'abri aux opérations en cause dans l'affaire McNamara. [Les
soulignements sont ajoutés.]
Le critère applicable a été énoncé d'une autre
manière par le juge Le Dain dans l'arrêt Bensol
Customs Brokers Ltd. c. Air Canada, [ 1979] 2
C.F. 575 (C.A.). Il a décrit cette exigence de la
manière suivante [à la page 583]:
Il devrait être suffisant, à mon avis, que les droits et obligations
des parties soient déterminés jusqu'à un certain point par le
droit fédéral. Il ne devrait pas être nécessaire que la cause
d'action tire son origine du droit fédéral du moment que
celui-ci lui est applicable. [Les soulignements sont ajoutés.]
Dans l'arrêt Miida la Cour suprême a énoncé le
critère applicable dans les termes suivants (aux
pages 774 et 775):
Il est donc important de démontrer que la question examinée
dans chaque cas est entièrement liée aux affaires maritimes ...
... la manutention [TRADUCTION] «est partie intégrante des
transports maritimes», ...
Il est clair, à mon sens, que cet entreposage accessoire par le
transporteur lui-même, ou par un tiers lié par contrat avec le
transporteur, est aussi une affaire d'intérêt maritime en vertu
du «rapport étroit existant en pratique entre le transit et
l'exécution du contrat de transport» ... [Les soulignements sont
ajoutés.]
À mon avis, la question devient donc celle de
savoir si les actions fondées sur la négligence et la
conspiration formées par le demandeur contre le
Collège défendeur peuvent être considérées comme
«déterminées jusqu'à un certain point» par le droit
fédéral, critère énoncé par le juge Le Dain dans
l'affaire Bensol, ou si ces actions bénéficient d'un
«abri» offert par la loi au sens où ce concept est
utilisé dans les affaires Rhine; Prytula, ou si elles
sont «entièrement liées» à l'objet fédéral en cause
ou entretiennent un «rapport étroit existant en
pratique» avec cet objet au sens où ces expressions
sont utilisées dans l'arrêt Miida.
À cet égard la décision prononcée récemment
par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Oag c.
Canada est particulièrement révélatrice. Dans
cette affaire, on avait intenté une action pour
arrestation et emprisonnement illégaux contre Sa
Majesté la Reine, la Commission nationale des
libérations conditionnelles et divers particuliers.
Cette action visait une pratique appelée gating
(blocage), pratique que la Cour suprême a décla-
rée inconstitutionnelle. Cette pratique consistait à
remettre un détenu de pénitencier en liberté pour
l'arrêter immédiatement à nouveau. On a présenté
une requête visant la radiation de l'action intentée
contre les particuliers en invoquant que la Cour
fédérale n'était point compétente à instruire une
telle action. Il a été soutenu que le droit d'intenter
une action fondée sur une arrestation illégale ou
un emprisonnement arbitraire n'avait pas été créé
par le droit fédéral. La Cour d'appel fédérale a
déclaré aux pages 519 521 de sa décision:
La liberté dont il [le demandeur] jouissait au moment de sa
prétendue arrestation illégale et de son prétendu emprisonne-
ment arbitraire prend sa source dans le droit fédéral. Les
dispositions législatives pertinentes sont le paragraphe 24(1) de
la Loi sur les pénitenciers [S.R.C. 1970, chap. P-6 (mod. par
S.C. 1976-77, chap. 53, art. 41)] et le paragraphe 10(1),
l'article 12 et les paragraphes 15(1) et (2) de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus [S.R.C. 1970, chap. P-2
(mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 28)]:
S'il y a eu arrestation illégale et emprisonnement arbitraire
comme il a été allégué, ces délits ont été commis parce qu'on a
porté atteinte au droit de l'appelant [le demandeur], ainsi
délimité [par la Loi sur la libération conditionnelle de détenus
et la Loi sur les pénitenciers], de rester libre. Je ne crois pas
que la loi ait à prévoir expressément un recours à l'égard d'une
telle atteinte pour que les demandes soient régies par elle.
L'existence de ces délits, à mon avis, repose sur le droit fédéral
... [C'est moi qui souligne.]
La situation visée dans cette affaire est manifes-
tement analogue en tout point à la situation en
l'espèce. L'obligation que le Règlement sur les
stupéfiants (numéro 58) fait au ministre de con-
sulter les autorités provinciales chargées de déli-
vrer les permis avant de refuser d'autoriser un
praticien à prescrire des stupéfiants ou de la
méthadone constitue le fondement de l'action
intentée contre le College of Physicians and Sur
geons of British Columbia. L'action intentée
contre le Collège défendeur n'est pas formée sim-
plement parce que la Couronne est déjà partie à
une action de nature contractuelle ou délictuelle
fondée sur le seul droit provincial. L'action du
demandeur se fonde essentiellement sur le conseil
donné par le Collège au ministre conformément à
l'article 58. Le ministre doit consulter l'organisme
provincial chargé de délivrer les permis avant de
donner l'avis prévu à l'article 58. Le conseil qu'il
reçoit est manifestement un moteur important et
peut-être déterminant de la décision, quelle qu'elle
soit, que prendra ultimement le ministre. En con-
séquence, l'action intentée contre le Collège trouve
dans la Loi sur les stupéfiants un abri législatif, ou
un rapport de partie intégrante, ou un rapport
étroit existant en pratique. Reprenant les termes
utilisés dans l'arrêt Oag, la législation fédérale—
en l'occurrence, le Règlement sur les stupéfiants—
est à l'origine de la cause d'action existant entre le
demandeur et le Collège défendeur.
(ii) attribution de compétence par une loi
Il reste à examiner si la Cour fédérale s'est vue
conférer par une loi la compétence lui permettant
de juger une action comme celle qui est formée en
l'espèce. Si le raisonnement fait dans l'affaire
Marshall est exact, la compétence de la Cour
trouve au paragraphe 17(1) de la Loi sur la Cour
fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10]' un
fondement légal suffisant. Je cite les passages per-
tinents de la décision rendue dans l'affaire Mar-
shall, [1986] 1 C.F. 437, aux pages 447 à 449:
Il s'agit donc de déterminer si, en raison de la compétence
conférée à la Cour fédérale par le paragraphe 17(1), un deman-
deur peut poursuivre en même temps la Couronne et l'un de ses
sujets devant ladite Cour lorsque les causes d'action contre
chacun d'eux sont aussi étroitement liées qu'en l'espèce (par
exemple, en ce qui concerne la prétendue collusion). Il semble,
à la simple lecture de cet article, qu'on ait voulu conférer une
telle compétence puisqu'elle porte sur les «cas où l'on demande
contre la Couronne un redressement». Cette compétence ne vise
pas seulement les «réclamations contre la Couronne» comme
semble l'exiger une interprétation plus étroite.
Que le Parlement ait eu l'intention de donner cette portée
plus large à l'article est une conclusion qui non seulement
semble ressortir de son libellé mais peut en outre être raisonna-
blement tirée du fait que certaines actions contre la Couronne
fédérale doivent être intentées devant la Cour fédérale exclusi-
f La Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Roberts, précité, a
laissé indécise la question de la validité d'un tel raisonnement.
vement. Il semble peu probable que le Parlement ait eu l'inten-
tion de désavantager les personnes qui se trouvent dans la
situation de la demanderesse en les contraignant à diviser une
cause d'action unique et à en faire valoir une partie devant la
Cour fédérale et l'autre devant les tribunaux supérieurs des
provinces. Si telle était l'intention du Parlement, cela aurait
pour conséquence d'exposer un demandeur, se trouvant dans
une situation semblable à celle de la demanderesse en l'espèce,
à des conclusions différentes, et même contradictoires, devant
des tribunaux différents et de créer des embûches juridiction-
nelles et financières à l'endroit de ces personnes si elles déci-
daient de poursuivre la Couronne fédérale. Je ne crois pas que
c'était là l'intention du Parlement. Bien qu'il ne fasse aucun
doute que la compétence des tribunaux statutaires est interpré-
tée strictement en ce qu'ils ne sont pas des tribunaux possédant
une compétence inhérente, il est bon de se rappeler que l'article
11 de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23, exige
que l'on interprète les lois fédérales de la manière la plus propre
à assurer la réalisation de leurs objets. En conséquence, il
semblerait que l'on doive considérer que le paragraphe 17(1)
confère à la Cour fédérale compétence sur l'ensemble de l'af-
faire dans un cas oû, comme en l'espèce, l'action de la deman-
deresse vise à la fois l'employeur (la Couronne) et le syndicat
(l'A.F.P.).
Je voudrais en outre souligner que suivant la portée qu'a, à
mon avis, le paragraphe 17(1), il n'accorde pas à la Cour
fédérale quelque compétence que ce soit sur des affaires entre
sujets pour la seule raison qu'une action pourrait éventuelle-
ment être intentée à l'encontre du fédéral mais ne l'a pas été.
Le paragraphe 17(1) ne peut servir de fondement à la compé-
tence exclusive ou concurrente de la Cour fédérale sans qu'une
action soit intentée directement contre la Couronne. Toutefois,
lorsqu'une telle action est formée contre la Couronne fédérale,
j'estime que le libellé du paragraphe 17(1) est suffisamment
large pour permettre qu'un codéfendeur, dans un cas comme
celui qui nous intéresse, soit poursuivi en même temps que la
Couronne.
En l'espèce, l'action contre la Couronne (employeur) et celle
contre l'Alliance de la Fonction publique (syndicat) sont si
entremêlées que les conclusions de fait qui seraient tirées à
l'égard de l'un des défendeurs sont étroitement liées à celles qui
devraient l'être quant à l'autre.
L'avocat du Collège défendeur soutient que l'ac-
tion intentée contre la Couronne en l'espèce et
celle qui est entamée contre le Collège ne sont pas
étroitement liées puisque l'une conteste la validité
de l'avis prévu à l'article 58 en se fondant sur des
motifs de droit administratif tandis que l'autre
action, fondée sur un délit, allègue négligence et
entente délictueuse. L'on soutient que ces deux
actions sont mutuellement exclusives l'une de l'au-
tre, c'est-à-dire que le demandeur n'aurait aucun
recours contre le Collège s'il avait gain de cause
contre la Couronne. L'on soutient que le deman-
deur ne subirait aucun préjudice particulier s'il
devait poursuivre les deux défendeurs pour des
motifs et devant des tribunaux qui seraient
différents.
Je ne suis pas d'accord avec cette assertion. Si le
demandeur établit le bien-fondé de ses actions
visant la négligence et l'entente délictueuse, il est
fort probable qu'il aura également gain de cause
dans sa contestation de l'avis prévu à l'article 58.
Si le bien-fondé des action intentées contre le
Collège peut être établi, il est probable que l'on
puisse soutenir que la décision du ministre était
fondée sur des conclusions de fait tirées de façon
absurde ou arbitraire ou étaient fondées sur des
considérations non pertinentes—il s'agit là de
motifs valides de contestation de la décision du
ministre sur le fondement du droit administratif.
Les deux causes d'action ne sont pas subsidiaires et
mutuellement exclusives: elles sont étroitement
liées. De plus, si l'action relative à l'entente délic-
tueuse ne pouvait être présentée contre les deux
défendeurs devant la Cour fédérale, le demandeur
devrait poursuivre la Couronne devant la Cour
fédérale pour avoir conspiré avec le Collège et
poursuivre le Collège devant la Cour supérieure de
la province pour avoir conspiré avec la Couronne,
ses préposés et mandataires. Il existe donc un
risque de chevauchement et il est à craindre que
des conclusions divergentes soient tirées sur les
faits, sources de frais supplémentaires à la fois
pour les parties et pour les tribunaux.
De plus, une déclaration ne doit être radiée que
lorsqu'il ressort hors de tout doute qu'aucune
cause d'action n'existe contre la partie visée. Je ne
suis pas convaincue qu'il soit satisfait à ce critère
en l'espèce. À mon avis, l'on peut soutenir avec
d'excellentes chances de succès que la compétence
de la Cour fédérale s'étend de façon à lui permet-
tre, dans le contexte de l'action intentée contre le
ministre en l'espèce, de juger l'action formée
contre le Collège. En conséquence, la requête du
Collège visant la radiation de l'action du deman-
deur en ce qui le concerne sera rejetée.
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