A-524-86
J. Bidulka, B. Bobowsky, W. Dobney, D. R.
Johnston, W. Koltok, A. Lyshak, L. McAllister, J.
Murphy, D. Philibert et C. Van Den Boogaard
(requérants)
c.
Conseil du Trésor (Agriculture Canada) et Com
mission des relations de travail dans la Fonction
publique (intimés)
RÉPERTORIÉ: BIDULKA C. CANADA (CONSEIL DU TRÉSOR)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Pratte
et Heald—Calgary, 10 et 12 février; Ottawa, 30
mars 1987.
Relations du travail — Hygiène et sécurité professionnelle
— Grève — Les inspecteurs des viandes sont tenus de traverser
les lignes de piquetage pour exercer leurs fonctions — Vio
lence — Les inspecteurs ont refusé de travailler en alléguant
que leur lieu de travail n'était pas sûr — Les affirmations des
inspecteurs ont été repoussées par les agents de sécurité au
motif qu'au moment de leur enquête, les lignes de piquetage
pouvaient être franchies en sécurité et que, par conséquent, le
lieu de travail des inspecteurs ne présentait aucune situation
constituant un danger au sens de l'art. 85 du Code —
Demande d'examen de la décision par laquelle la C.R.T.F.P.
entérinait les conclusions des agents de sécurité — La situation
antérieure n'est pas pertinente lorsqu'il s'agit de déterminer
s'il existait un danger au moment de l'enquête des agents de
sécurité — Les menaces des grévistes, hors du lieu de travail,
ne constituent pas un .danger» au sens des art. 85 et 86 du
Code — Rejet de la demande d'examen — Code canadien du
travail, S.R.C. 1970, chap. L-I (mod. par S.C. 1984, chap. 39,
art. 20), art. 79(1), 79.1, 81, 85(1),(6),(7),(8), 86, 87, 102(2),
103(1) — Loi sur l'administration financière, S.R.C. 1970,
chap. F- I0, art. 7 (mod. par S.C. 1984, chap. 29, art. 41(2)) —
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2r Supp.), chap. 10,
art. 28.
Fonction publique — Relations du travail — Refus de
travailler en raison du peu de sûreté du lieu de travail — Les
inspecteurs des viandes employés par le ministère de l'Agricul-
ture sont tenus de traverser les lignes de piquetage pour
fournir des services à l'usine touchée par la grève — Violence
parmi les lignes de piquetage — Les agents de sécurité ont
conclu à l'absence de danger parce qu'au moment de leur
enquête, les lignes de piquetage pouvaient être traversées en
sécurité — Demande d'examen de la décision par laquelle la
C.R.T.F.P. confirmait les conclusions des agents de sécurité —
Rejet de la demande — Aucune erreur de droit — La violence
qui sévissait avant l'enquête ne représentait pas la situation au
moment de l'enquête — La Commission n'a pas à motiver sa
décision — Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1
(mod. par S.C. 1984, chap. 39, art. 20), art. 85, 86.
Les requérants exerçaient les fonctions d'inspecteurs des
viandes auprès du ministère de l'Agriculture et ils étaient
affectés à l'usine Gainers Inc. touchée par une grève. Ils étaient
tenus de traverser les lignes de piquetage pour se rendre à leur
travail. La grève s'est rapidement transformée en un affronte-
ment violent. Les inspecteurs, invoquant le paragraphe 85(1)
du Code canadien du travail, ont refusé d'exercer leurs fonc-
tions au motif qu'il était risqué de travailler à l'usine pendant la
grève. Ces allégations ont été rejetées par les agents de sécurité
qui ont déterminé qu'au moment de leur enquête, les lignes de
piquetage pouvaient être traversées en sécurité. Conséquem-
ment, il n'existait pas, au lieu de travail des requérants, une
situation qui constituait un danger pour eux et ils n'étaient pas
autorisés, en vertu de l'article 85 du Code, de continuer à
refuser de travailler. Les décisions ont été soumises à la Com
mission des relations de travail dans la Fonction publique
conformément au paragraphe 86(5) du Code. La demande en
l'espèce vise l'examen et l'annulation de la décision par laquelle
la Commission entérinait les conclusions des agents de sécurité.
Arrêt (le juge en chef Thurlow dissident en partie): la
demande devrait être rejetée.
Le juge Pratte (avec l'appui du juge Heald): Conformément
à l'alinéa 86(2)b) du Code, l'agent de sécurité est clairement
tenu de décider de l'existence ou de l'inexistence, au moment de
son enquête, «d'une situation constituant un danger pour l'em-
ployé». La violence avait sévi sur les lignes de piquetage avant
l'enquête, mais au moment de cette dernière, la situation avait
changé. Étant donné ce changement, les agents de sécurité ne
pouvaient raisonnablement s'attendre à ce que la violence
reprenne. C'est à bon droit que la Commission a décidé que les
agents de sécurité avaient correctement abordé leur enquête.
Les agents de sécurité ont eu raison de ne pas prendre en
considération la crainte des requérants que les grévistes s'en
prennent à eux, en dehors de leurs heures de travail. Pour
déterminer quelles sortes de dangers peuvent justifier un
employé de refuser de travailler, il est nécessaire d'étudier le
libellé des articles 85 et 86 du Code. En vertu de ces disposi
tions, les seuls dangers susceptibles de faire l'objet d'une
enquête sont les dangers ou les situations qui peuvent exister au
lieu où l'employé doit travailler. Le danger d'être la cible de la
vengeance des grévistes tenait à l'existence à l'extérieur du lieu
de travail des requérants, de personnes soupçonnées d'avoir des
intentions criminelles. Ce danger n'était pas de la sorte visée
aux articles 85 et 86.
Finalement, le fait que la Commission n'ait pas donné de
motifs à l'égard de l'une des six décisions des agents de sécurité
n'entache pas sa propre décision de nullité: aucune disposition
légale n'exige que la Commission motive ses décisions.
Le juge en chef Thurlow (dissident en partie): La Commis
sion s'est trompée lorsqu'elle a tranché la question de l'exis-
tence d'un danger en s'intéressant à la situation telle qu'elle
apparaissait aux agents de sécurité au moment de leur enquête
plutôt qu'à celle qui avait cours au moment où elle rendait sa
décision. La Commission a conclu que les troubles de santé
qu'ont éprouvés les requérants ont été la conséquence du stress
dû à la nécessité de franchir la ligne de piquetage. Au moment
où la Commission a fait son enquête et rendu sa décision, les
troubles de santé des inspecteurs des viandes s'étaient manifes
tés. Ces troubles de santé, résultant d'une situation présente
dans leur lieu de travail, établissait l'existence à cet endroit
d'un «danger» au sens de la définition donnée à ce mot au
paragraphe 79(1) du Code: «Risque ou situation susceptible de
causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la
rendre malade, avant qu'il puisse y être remédié.» À l'exclusion
des décisions relatives à deux des refus de travailler, les déci-
sions des agents de sécurité qu'il n'existait pas de danger
n'auraient pas dû être confirmées par la Commission. Celle-ci
aurait dû ordonner à l'employeur de se conformer à sa propre
politique sur la prestation des services d'inspection des viandes
à une usine touchée par une grève.
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d'Edmonton,
[1979] 1 R.C.S. 684.
AVOCATS:
Barrie Chivers et June M. Ross pour les
requérants.
Harvey A. Newman pour le Conseil du
Trésor, intimé.
PROCUREURS:
Chivers-Greckol, Edmonton, pour les requé-
rants.
Le sous-procureur général du Canada, pour
le Conseil du Trésor, intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW (dissident en
partie): Il s'agit d'une demande fondée sur l'article
28 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e
Supp.), chap. 10] tendant à l'examen et à l'annula-
tion d'une décision de la Commission des relations
de travail dans la Fonction publique portant sur un
certain nombre de renvois faits en vertu du para-
graphe 86(5) du Code canadien du travail [S.R.C.
1970, chap. L-1 (mod. par S.C. 1984, chap. 39,
art. 20)]. Cette décision confirmait plusieurs déci-
sions rendues par des agents de sécurité entre le 6
juin et le 2 juillet 1986, en vertu du paragraphe
86(2) du Code, dans lesquelles chacun des agents
saisis avait conclu qu'au moment de son enquête, il
n'existait pas au lieu de travail de l'employé une
situation constituant un danger pour celui-ci, et
qu'en conséquence l'employé n'était pas justifié, en
vertu de l'article 85 de la Partie IV du Code, de
persister à refuser de travailler à cet endroit.
Les dispositions pertinentes sont exposées dans
une note en bas de page et en annexe des motifs du
jugement du juge Pratte, et elles n'ont pas à être
répétées. En vertu des dispositions contenues à la
Partie IV du Code canadien du travail, un
employé peut refuser de travailler dans un lieu où
existe une situation qui constitue un danger pour
lui. Si la question ne peut se régler entre l'employé
et son employeur, ils peuvent en aviser l'agent de
sécurité qui doit alors faire une enquête en leur
présence et décider s'il existe effectivement une
situation constituant un danger pour l'employé.
Dans l'éventualité d'une décision négative, l'em-
ployé peut exiger que l'agent de sécurité renvoie la
décision à la Commission, qui se trouve être en
l'espèce la Commission des relations de travail
dans la Fonction publique en raison de la modifi
cation de l'article 7 de la Loi sur l'administration
financière [S.R.C. 1970, chap. F-10 (mod. par
S.C. 1984, chap. 39, art. 41)]. Saisie d'un tel
renvoi, la Commission, en application du paragra-
phe 87(1) [mod. par S.C. 1984, chap. 39, art. 20],
procède sans retard et de façon sommaire
87. (1) ... à l'examen des faits et des motifs de la décision
... et peut:
a) soit la confirmer;
b) soit donner à l'égard de la machine, de l'objet ou du lieu
les instructions qu'[elle] juge indiquées et que doit ou peut
donner l'agent de sécurité aux termes du paragraphe 102(2).
Ainsi la Commission et les agents de sécurité
disposent des mêmes possibilités dans l'éventualité
où leur décision est positive. Le paragraphe prévoit
ce qui suit [mod. par S.C. 1984, chap. 39, art. 20]:
102... .
(2) L'agent de sécurité qui estime que l'utilisation d'une
machine ou d'un objet ou qu'une situation se présentant dans
un lieu constitue un danger pour un employé se trouvant au
travail,
a) avertit de ce danger l'employeur et lui donne des instruc
tions écrites lui enjoignant de procéder, immédiatement ou
dans le délai que l'agent de sécurité précise,
(i) soit à l'application de mesures propres à parer au
danger,
(ii) soit à la protection de quiconque contre ce danger;
b) peut, s'il estime par ailleurs qu'il est impossible dans
l'immédiat de parer à ce danger ou d'en protéger quelqu'un,
donner à l'employeur des instructions écrites lui interdisant
l'utilisation ou l'exploitation du lieu, de la machine ou de
l'objet visé par les instructions jusqu'à ce que ses instructions
aient été observées; rien dans le présent alinéa n'empêche de
faire le nécessaire pour que les instructions soient observées
fidèlement.
Selon l'interprétation que j'en fais, ces disposi
tions exigent que l'agent de sécurité et à son tour
la Commission déterminent s'il existe un danger au
moment où est rendue la décision, et dans l'éven-
tualité d'une décision positive, qu'ils donnent les
instructions indiquées, en se conformant aux dispo
sitions du paragraphe 102(2). Étant donné que la
Commission doit procéder à son examen et rendre
sa décision sans retard et de façon sommaire, il est
évident que les décisions respectives n'étaient pas
censées être éloignées l'une de l'autre. En l'espèce,
pour des motifs que la Commission a expliqués,
près de deux mois séparent les décisions. Toutefois,
comme il sera précisé, le motif fondamental du
refus des employés, c'est-à-dire la grève à l'usine
Gainers où ils devaient remplir leurs fonctions
d'inspecteurs des viandes à l'emploi du gouverne-
ment et ce faisant, franchir des lignes de pique-
tage, s'est poursuivie après le 18 août 1986, date à
laquelle a été rendue la décision de la Commission.
Au moment où a été entendue la présente
demande, la grève s'était réglée.
La Partie IV du Code définit le mot «danger»
comme étant un «risque ou [une] situation suscep
tible de causer des blessures à une personne qui y
est exposée, ou à la rendre malade, avant qu'il
puisse y être remédié» [paragraphe 79(1) (mod.
par S.C. 1984, chap. 39, art. 20)].
À l'avant-dernier paragraphe de ses motifs, en
date du 30 septembre 1986, la Commission a dit:
77. Le rôle que me prescrit la Partie IV du Code canadien du
travail se limite à l'examen des décisions des agents de sécurité.
J'ai conclu qu'il n'y a rien à redire à leurs décisions comme quoi
il n'y avait pas de danger. Je crois cependant devoir faire
remarquer qu'à mon avis les requérants étaient sincèrement
effrayés, et non sans raison, par le danger d'agressions contre
leurs familles et eux-mêmes en dehors des heures de travail. Le
ministère de l'Agriculture a formulé au paragraphe 1.14.6, une
série de principes qui constituent une manière intelligente et
souple d'aborder le problème de la fourniture des services
d'inspection des viandes à une usine perturbée par une grève.
On ne m'a pas saisi de preuves expliquant pourquoi l'employeur
n'a pas appliqué ses propres principes en l'occurrence. Le
redressement demandé par les requérants était que j'ordonne à
l'employeur d'appliquer sa politique, et je suis sûr que cette
application aurait permis d'éviter la tension et l'hostilité dont la
grève a rendu ces employés victimes. Toutefois, ayant jugé qu'il
n'existait pas de danger au sens de la Partie IV du code, je n'ai
pas qualité pour ordonner à l'employeur de se conformer à sa
politique.
En concluant de la sorte, j'estime que la Com
mission s'est trompée sur le moment où elle devait
régler la question de l'existence du danger sur le
lieu de travail, en s'intéressant à la situation telle
qu'elle apparaissait aux agents de sécurité plutôt
qu'à celle qui avait cours au moment où elle
rendait sa décision.
La grève avait été longue et âpre, marquée par
la violence aussi bien au sein des lignes de pique-
tage qu'à l'extérieur. Au cours de la première
semaine, le syndicat en grève devait délivrer aux
inspecteurs des viandes des sauf-conduits leur per-
mettant de traverser les lignes de piquetage. Par la
suite, ces sauf-conduits ont été révoqués, ce qui a
provoqué le premier des refus des inspecteurs des
viandes de travailler à l'usine Gainers. L'agent de
sécurité, après avoir effectué une enquête et une
visite de vérification, a décidé que les inspecteurs
des viandes ne s'exposaient à aucun danger. Pen
dant la semaine qui a suivi, exception faite d'une
certaine provocation et d'insultes de la part des
piquets de grève ou des grévistes, il semble n'y
avoir eu ni problèmes ni danger. Mais le 17 juin,
lorsque s'est produit un incident violent, des mesu-
res ont été prises pour que les inspecteurs des
viandes s'assemblent à un endroit à une certaine
distance de l'usine Gainers pour y être transportés
par fourgonnette. Ces mesurés indiquent que leurs
employeurs reconnaissaient le danger qu'il y avait
pour les inspecteurs de se rendre par leurs propres
moyens à leur travail à l'usine Gainers. Les mesu-
res prises ont eu pour effet, à mon avis, d'élargir
les limites du lieu de travail des employés pour lui
faire comprendre, aussi bien que l'usine Gainers, le
point de rassemblement et le trajet suivi par la
fourgonnette entre ce point et l'usine Gainers. Ce
trajet impliquait le passage de la ligne de pique-
tage, une action qui, après l'attaque de la fourgon-
nette le 17 juin, s'est accomplie avec l'aide d'une
escorte de la police. Le passage de la ligne de
piquetage a provoqué des reproches et des insultes
de la part des employés en grève mais n'a entraîné
aucune violence contre les inspecteurs des viandes.
D'autre part, ils ont été, ou certains d'entre eux,
l'objet de harcèlement et de menaces à leur domi
cile après les heures de travail pour avoir continué
de traverser la ligne de piquetage et d'exercer leurs
fonctions, permettant ainsi à la direction de l'usine
d'en poursuivre l'exploitation.
Je conviens avec le juge Pratte que le libellé du
paragraphe 85(1) ne permet pas que l'on tienne
compte des effets du harcèlement ou des menaces
dont ont fait l'objet les inspecteurs des viandes en
dehors de leur lieu de travail, pris dans le sens
étendu que je crois qu'on doit lui donner et dans la
mesure que j'ai indiquée, pour déterminer l'exis-
tence d'une situation, dans le lieu de travail des
inspecteurs, qui constitue un danger pour leur
santé. Mais je ne crois pas que cela règle la
question.
La Commission dit, aux paragraphes 35 et 36 de
ses motifs:
35. 11 y a un élément commun à tous les refus de travailler dont
je suis saisi, exception faite du premier et de celui de M.
Johnston (au sujet duquel aucune preuve n'a été produite), qui
est la tension et le stress considérables auxquels les inspecteurs
des viandes ont été soumis du fait de la grève. En plus du
franchissement même d'une ligne de piquetage qui était parfois
le théâtre de violence et l'attaque de la fourgonnette le 17 juin,
les témoins ont fait état d'autres incidents qui ont contribué à
cet état de tension. Ils ont parlé de sarcasmes, de menaces
reçues par téléphone chez eux, d'appels téléphoniques où l'ap-
pelant ne parlait pas; ils ont affirmé avoir été suivis, avoir vu
des voitures mystérieuses à proximité de chez eux, s'être fait
poser sur leurs voitures des autocollants invitant à boycotter
Gainers. Ils ont déclaré que les grévistes de Gainers les connais-
saient, et que certains d'entre eux étaient de leurs voisins. Ils
ont parlé de la couverture médiatique considérable et conti-
nuelle dont la grève et les violences s'y rattachant faisaient
l'objet. Ils ont ajouté que la grève était un sujet de discussion
constant aussi bien au travail qu'ailleurs. Ils s'inquiétaient pour
leur sécurité et celle de leur famille à la maison, et plusieurs
d'entre eux avaient pris des mesures de sécurité supplémentai-
res chez eux. La tension ainsi produite, selon leurs témoignages,
s'était manifestée de diverses manières. Plusieurs d'entre eux
ont déclaré être devenus nerveux et maussades. Certains ont
affirmé être la proie d'insomnies, de nausées, de maux de tête et
de troubles intestinaux. Certains avaient perdu du poids, d'au-
tres en avaient pris. Certains s'étaient mis à fumer ou à boire
plus que d'ordinaire. L'un des inspecteurs des viandes a déclaré
qu'après deux opérations récentes dues à un cancer, le médecin
lui avait strictement interdit de fumer, mais que la tension
créée par la grève lui avait fait reprendre cette habitude.
Plusieurs d'entre eux ont déclaré, pour s'en plaindre ou s'en
indigner, qu'ils ne pouvaient pas comprendre pourquoi leur
employeur se désintéressait de leur sécurité au point de les
placer au beau milieu de ce conflit âpre et violent. Plusieurs
d'entre eux ont consulté leur médecin en raison de ces symptô-
mes de stress. Certains ne se sont pas présentés au travail pour
cause de maladie et ont demandé des congés de maladie. Le cas
de M. Murphy a été exposé plus haut. Il souffrait de claudica-
tion intermittente, et son médecin a émis l'opinion que le stress
produit par la grève augmentait considérablement le risque
d'une crise cardiaque et mettait sa jambe en danger. Les agents
de sécurité ont déclaré que les inspecteurs les avaient informés,
mais en termes généraux seulement, de l'état de tension où les
mettait la grève. [C'est moi qui souligne.]
36. Le syndicat des inspecteurs des viandes—le Syndicat de
l'agriculture, affilié à l'Alliance de la Fonction publique du
Canada—les a fait examiner par un expert en psychiatrie
légale, le docteur J. Hamilton Brooks. Celui-ci a témoigné à
l'audience et son opinion médicale, consignée dans un mémoire
de cinq pages accompagné d'annexes, a été admise en preuve
(pièce n° 61). Le docteur Brooks a examiné neuf des inspec-
teurs des viandes pour voir si la grève ou des événements s'y
rattachant avaient provoqué chez eux des troubles d'ordre
psychique. Il a conclu qu'ils souffraient tous à des degrés divers
d'un état assimilable aux «troubles de stress post-traumatiques».
Selon sa description, il s'agit d'un état d'anxiété résultant d'un
événement traumatisant qui dépasse le registre de l'expérience
humaine normale. En l'espèce, l'événement traumatisant était
leur expérience de la grève. Le pronostic, selon le docteur
Brooks, était qu'ils se rétabliraient une fois que la grève serait
réglée, quoique certains de leurs symptômes pourraient persis-
ter. Le meilleur moyen de traiter leur stress, a-t-il déclaré, était
de les retirer de la situation stressante. En contre-interroga-
toire, il a reconnu que son diagnostic était une généralisation,
fondée sur une synthèse de ce que lui avaient dit les employés et
sur l'hypothèse qu'ils lui avaient dit la vérité. Il n'avait eu que
peu de temps pour examiner chacun des inspecteurs. L'hospita-
lisation n'était indiquée pour aucun d'entre eux, a-t-il déclaré.
Cependant l'un deux risquait à son avis de faire une dépression
nerveuse.
Et au paragraphe 64:
... il n'y a aucune raison de mettre en doute les témoignages
des employés appelés à la barre par l'avocat des requérants au
sujet de la tension et des craintes que leur ont causées la grève
et les violences dont elle a été l'occasion. Les ayant vus et
entendus témoigner, je suis convaincu que les craintes qu'ils ont
décrites ainsi que les symptômes physiques et émotifs dont ils
ont fait état étaient authentiques et que la grève en était la
cause.
Selon ma compréhension de ce qui précède, la
Commission a reçu les témoignages et elle en a
conclu que les troubles de santé qu'ont éprouvés les
inspecteurs des viandes ont été la conséquence du
stress dû à la nécessité de franchir la ligne de
piquetage et à l'attaque de la fourgonnette, sans
oublier le harcèlement infligé aux inspecteurs, en
dehors de leur lieu de travail, par les grévistes ou
leurs sympathisants. La nécessité pour les inspec-
teurs de franchir la ligne de piquetage qui consti-
tuait, à mon sens, une situation se présentant dans
leur lieu de travail, était donc au moins l'une des
causes du stress et des troubles de santé qu'ils ont
éprouvés. Le fait que la fourgonnette ait été expo
sée à l'attaque du 17 juin était aussi une situation
qui se présentait dans leur lieu de travail. Au
moment où la Commission a fait son enquête et
rendu sa décision, les troubles de santé des inspec-
teurs des viandes s'étaient manifestés, qu'ils aient
été ou non évidents lorsqu'a été rendue la décision
des agents de sécurité. Ces troubles de santé,
résultant au moins dans une certaine mesure,
comme l'a conclu la Commission, d'une situation
présente dans le lieu de travail, établissait à mon
avis l'existence à cet endroit d'un danger au sens
de la définition donnée à ce mot. Dans ces circons-
tances, la décision des agents de sécurité qu'il
n'existait pas de danger (à l'exclusion de la déci-
sion visant le premier refus de travailler et de celle
qui a trait au refus de M. Johnston) n'aurait pas
dû être confirmée. Selon moi, la Commission
aurait dû donner l'ordre que le paragraphe 77 de
ses motifs, cité plus haut, indique qu'elle aurait
donné n'eut-elle pas jugé qu'il dépassait ses
pouvoirs.
J'annulerais la confirmation par la Commission
des décisions des agents de sécurité, à l'exception
des décisions visant respectivement le premier
refus de travailler et le refus de M. Johnston.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Les requérants demandent,
en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale, l'examen de la décision rendue par la
Commission des relations de travail dans la Fonc-
tion publique à la suite d'un renvoi prévu au
paragraphe 86(5) du Code canadien du travail'.
' Ce paragraphe se trouve à la Partie IV du Code intitulée
«Hygiène et sécurité professionnelle». Les dispositions de cette
Partie qui sont pertinentes à la question soulevée en l'espèce se
trouvent reproduites en annexe des présents motifs.
La Partie IV du Code canadien du travail a été rendue
applicable à la fonction publique par S.C. 1984, chap. 39, par.
41(2) (adopté le 31 mars 1986 en vertu du décret C.P. 1986-
429 [TR/86-46]) qui modifiait l'article 7 de la Loi sur l'admi-
nistration financière de la façon suivante:
41....
(2) L'article 7 de la même loi est modifié par insertion,
après le paragraphe (8), de ce qui suit:
«(8.1) La Partie IV du Code canadien du travail s'ap-
plique à la fonction publique et aux personnes qui y sont
employées comme si la fonction publique était une entre-
prise fédérale visée à cette Partie, sauf que, à ces fins,
a) la mention dans cette Partie
(i) d'«arbitrage» est interprétée comme celle d'un
arbitrage au sens de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique,
(ii) de «Conseil» est interprétée comme celle de Com
mission des relations de travail dans la Fonction
publique,
(Suite à la page suivante)
Aux époques concernées, les requérants faisaient
partie de la fonction publique du Canada. Ils
exerçaient les fonctions d'inspecteurs des viandes
auprès du ministère de l'Agriculture et ils étaient
affectés à l'usine Gainers Inc. d'Edmonton
(Alberta) où leur tâche consistait à inspecter la
viande et les produits de la viande. Leur travail se
faisait à cette usine plutôt que dans des locaux
soumis au contrôle direct de leur employeur.
Le premier juin 1986, environ 1 100 employés
de Gainers, qui étaient membres de la section
locale 280-P du Syndicat international des travail-
leurs unis de l'alimentation et du commerce (le
«Syndicat») se sont mis en grève. L'usine n'a toute-
fois pas fermé ses portes. Gainers en a assuré
l'exploitation en remplaçant les grévistes par des
travailleurs de remplacement non syndiqués et des
cadres. Par conséquent, les requérants ont dû con-
tinuer de travailler à l'usine et traverser des lignes
de piquetage. Au début, cela n'a causé aucun
problème sérieux, le Syndicat ayant délivré des
«sauf-conduits» qui permettaient aux inspecteurs
des viandes de traverser les lignes de piquetage
sans difficulté. Cette situation a été de courte
durée. La grève s'est rapidement transformée en ce
que l'on a qualifié «d'affrontement le plus violent
qu'eut connu le monde du travail en Alberta
depuis les années 1930». Le 5 juin, le Syndicat a
avisé les inspecteurs des viandes qu'il n'honorerait
plus les sauf-conduits. À au moins six occasions au
cours des semaines suivantes, les requérants ou
quelques-uns d'entre eux ont invoqué le paragra-
phe 85(1) du Code canadien du travail et ont
refusé de remplir leurs fonctions au motif qu'ils
estimaient qu'il était risqué de se rendre au travail
à l'usine Gainers pendant la grève. À chacune de
(Suite de la page précédente)
(iii) de «convention collective» est interprétée comme
celle d'une convention collective au sens de la Loi sur
les relations de travail dans la Fonction publique, et
(iv) de «syndicat» est interprétée comme celle d'une
association d'employés au sens de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique;
b) l'article 105.8 de cette Partie ne s'applique pas à la
Commission des relations de travail dans la Fonction
publique dans l'exercice de ses pouvoirs et fonctions
concernant cette Partie; et
c) les dispositions de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique s'appliquent, compte tenu des
adaptations de circonstance, aux affaires instruites
devant la Commission des relations de travail dans la
Fonction publique conformément à cette Partie dans la
mesure nécessaire à cette fin.»
ces occasions, les affirmations des requérants ont
été repoussées par l'employeur et par les agents de
sécurité saisis de ces questions; les décisions de ces
derniers ont été renvoyées devant la Commission
des relations de travail dans la Fonction publique
conformément au paragraphe 86(5) du Code. Tous
les renvois ont été entendus ensemble par le prési-
dent suppléant de la Commission, qui a jugé que
les décisions des agents de sécurité devaient être
confirmées. La présente demande fondée sur l'arti-
cle 28 s'oppose à la décision du président
suppléant.
L'avocat des requérants s'est opposé à la déci-
sion de la Commission en faisant valoir trois
moyens. Le premier visait la confirmation par la
Commission des décisions rendues par les agents
de sécurité après que les requérants eurent refusé
de travailler parce qu'ils estimaient dangereux de
traverser les lignes de piquetage. Les agents de
sécurité avaient conclu à l'absence de danger parce
qu'au moment de leur enquête, peu après le refus
des requérants de se rendre au travail, les lignes de
piquetage pouvaient être franchies en sécurité.
Selon l'avocat des requérants, les agents de sécu-
rité n'auraient pas dû se limiter à considérer la
situation telle qu'elle était au moment de leur
enquête; ils auraient dû tenir compte de la situa
tion qui existait plus tôt, lorsqu'il était dangereux,
il en est convenu, de franchir les lignes de pique-
tage. S'ils avaient agi de la sorte, la conclusion se
serait imposée à eux qu'il était raisonnable de
prévoir la répétition des incidents violents qui
avaient incité les requérants à refuser de travailler.
Selon le paragraphe 86(2) du Code, les agents de
sécurité devaient déterminer s'il y avait un danger.
Le paragraphe 79(1) donne cette définition du mot
«danger»: «risque ou situation susceptible de causer
des blessures à une personne qui y est exposée, ou
de la rendre malade» (dans la version anglaise:
«any hazard or condition that could reasonably be
expected to cause injury or illness to a person
exposed thereto») (soulignements ajoutés par mes
soins). Selon l'avocat des requérants, les agents de
sécurité ont donné une interprétation trop étroite
au mot «danger» qui figure au paragraphe 86(2)
et, en conséquence, ils ont indûment restreint leur
enquête; la Commission, en approuvant leurs déci-
sions, aurait commis la même erreur.
Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.
Conformément à l'alinéa 86(2)b), l'agent de sécu-
rité est clairement tenu de décider de l'existence ou
de l'inexistence, au moment de son enquête, «d'une
situation constituant un danger pour l'employé».
La violence qui avait sévi sur les lignes de pique-
tage quelques jours avant l'enquête des agents de
sécurité ne représentait clairement pas la situation
qui existait au moment de l'enquête de ces der-
niers. Elle aurait naturellement été pertinente à la
décision que devaient rendre les agents de sécurité
si la situation n'avait pas changé depuis ces explo
sions de violence. Mais ils ont conclu comme ils
l'ont fait précisément parce qu'ils ont jugé que la
situation qui avait cours au moment de leur
enquête était différente de celle qui avait existé
plus tôt. Étant donné ce changement, on ne pou-
vait raisonnablement s'attendre à ce que l'avenir
ne soit que la répétition du passé. À mon sens, c'est
donc à bon droit que la Commission a décidé que
les agents de sécurité avaient correctement abordé
leur enquête.
Pour comprendre le second moyen avancé par
les requérants, il est nécessaire de savoir que l'une
des principales raisons de leur refus de travailler
était leur crainte que les grévistes et leurs sympa-
thisants s'en prennent à eux ou à leurs familles, en
dehors des heures de travail, pour les punir d'avoir
permis à Gainers de continuer à exploiter l'usine.
Les agents de sécurité n'ont pas pris ces craintes en
considération en déterminant si les requérants pou-
vaient travailler sans danger parce qu'elles se rap-
portaient à des dangers qui se situaient à l'exté-
rieur du lieu de travail. L'avocat des requérants a
soutenu que la Commission avait commis une
erreur de droit en partageant le point de vue des
agents de sécurité. Il a affirmé que conformément
à l'article 79.1, la Partie IV du Code a pour raison
d'être «de prévenir les accidents et les maladies .. .
liés ... à l'occupation d'un emploi». Il a dit que la
possibilité que les inspecteurs des viandes soient,
en dehors de leurs heures de travail, agressés par
les grévistes ou leurs sympathisants était un
danger clairement lié à leur occupation. Il a conclu
que les agents de sécurité auraient dû tenir compte
de ce danger et que la Commission aurait dû en
décider ainsi.
Voici le libellé de l'article 79.1 du Code cana-
dien du travail:
79.1 La présente Partie a pour raison d'être de prévenir les
accidents et les maladies survenant au cours de l'occupation
d'un emploi visé par la présente Partie ou qui en résultent ou y
sont liés.
Cet article décrit l'objectif de la Partie IV; il ne
décrit pas l'objet de chacune des dispositions de
cette Partie. Par conséquent, afin de déterminer
quelles sortes de dangers peuvent, en vertu de
l'article 85, justifier un employé de refuser de
travailler, et faire l'objet d'une enquête par un
agent de sécurité, conformément à l'article 86, il
est nécessaire d'étudier le libellé de ces articles
plutôt que celui de l'article 79.1.
Les parties pertinentes des articles 85 et 86 sont
ainsi rédigées:
85. (1) Sous réserve du présent article, l'employé présent au
travail qui a des motifs raisonnables de croire:
b) soit que se présente dans un lieu une situation qui consti-
tue un danger pour lui-même,
peut refuser ... de travailler dans ce lieu.
86, ...
(2) Au terme de l'enquête visée au paragraphe (1), l'agent
de sécurité décide de l'existence ou de l'inexistence:
b) soit, dans le lieu, d'une situation constituant un danger
pour l'employé ... [Souligné par mes soins.]
Si je comprends bien ces dispositions, un
employé peut refuser de travailler dans un lieu où
existe une situation constituant un danger pour lui,
et l'agent de sécurité saisi de la question doit
décider de l'existence, dans ce lieu, d'une situation
constituant un danger pour l'employé. Il est donc
clair que les seuls dangers susceptibles de faire
l'objet de l'enquête visée à l'article 86 sont les
dangers ou les situations qui peuvent exister au
lieu où l'employé doit travailler.
On a dit en l'espèce, et la Commission en a
convenu, que les inspecteurs des viandes risquaient
d'être victimes, en dehors de leur lieu de travail, de
la vengeance des grévistes et de leurs sympathi-
sants. Il est évident que le danger ne résidait pas
dans une situation présente sur le lieu du travail.
Au contraire, le danger tenait à l'existence, à
l'extérieur du lieu de travail, de personnes soup-
çonnées d'avoir des intentions criminelles. Ce
danger n'était, par conséquent, pas un danger de la
sorte visée aux articles 85 et 86.
Le dernier moyen avancé par les requérants ne
porte que sur l'une des six décisions des agents de
sécurité renvoyées à la Commission. La seule
plainte que les requérants ont formulée à l'endroit
de la confirmation de cette décision par la Com
mission est que celle-ci n'a pas motivé sa propre
décision.
Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.
Lorsqu'il n'est pas prévu par la loi qu'un tribunal
donnera des motifs à l'appui de ses décisions,
celles-ci ne sont pas entachées de nullité pour ne
pas être motivées 2 . Cela est particulièrement vrai
dans une affaire comme celle-ci lorsque l'avocat
des requérants ne donne aucun motif valable pour
lequel la Commission aurait dû rendre une déci-
sion différente.
Je rejetterais la demande.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
ANNEXE
Voici les dispositions pertinentes de la Partie IV
du Code canadien du travail:
PARTIE IV
HYGIÈNE ET SÉCURITÉ
PROFESSIONNELLE
79. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente
Partie.
«danger» Risque ou situation susceptible de causer des blessures
à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade,
avant qu'il puisse y être remédié.
79.1 La présente Partie a pour raison d'être de prévenir les
accidents et les maladies survenant au cours de l'occupation
d'un emploi visé par la présente Partie ou qui en résultent ou y
sont liés.
81. Tout employeur veille à l'hygiène et à la sécurité du
travail des employés qu'il occupe.
85. (1) Sous réserve du présent article, l'employé présent au
travail qui a des motifs raisonnables de croire:
a) soit que l'utilisation ou le fonctionnement d'une machine
ou d'un objet constitue un danger pour lui-même ou pour un
autre employé,
2 Voir: Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d'Ed-
monton, [ 1979] I R.C.S. 684, la p. 706.
b) soit que se présente dans un lieu une situation qui consti-
tue un danger pour lui-même,
peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner la machine ou
l'objet ou de travailler dans ce lieu.
(6) L'employé qui se prévaut des dispositions du paragraphe
(I), ou qui en est empêché en vertu du paragraphe (4), fait
immédiatement un rapport à son employeur sur la question et:
a) soit à un membre du comité d'hygiène et de sécurité, s'il y
en a un, constitué pour le lieu de travail touché;
b) soit au représentant à l'hygiène et à la sécurité, s'il y en a
un, nommé pour le lieu de travail touché.
(7) Dès qu'il a reçu le rapport visé au paragraphe (6),
l'employeur fait immédiatement enquête sur ce rapport en
présence de l'employé et:
a) soit d'au moins un membre du comité d'hygiène et de
sécurité, s'il y en a un, auquel l'employé s'est adressé en
conformité avec le paragraphe (6), ce membre ne devant pas
faire partie de la direction;
b) soit du représentant à l'hygiène et à la sécurité, s'il y en a
un;
e) soit d'au moins une personne désignée par l'employé,
lorsqu'il n'y a pas de comité d'hygiène et de sécurité qui soit
constitué ou de représentant à l'hygiène et à la sécurité qui
soit nommé pour le lieu de travail touché.
(8) Lorsque l'employeur consteste le rapport que lui fait
l'employé en conformité avec le paragraphe (6) ou prend des
mesures pour éliminer le danger, l'employé qui a des motifs
raisonnables de croire:
a) soit que l'utilisation ou le fonctionnement de la machine
ou de l'objet concerné continue à constituer un danger pour
lui-même ou pour un autre employé;
b) soit qu'il continue d'exister dans le lieu des circonstances
qui constituent un danger pour lui-même;
peut réitérer son refus d'utiliser ou de faire fonctionner la
machine ou l'objet ou de travailler dans ce lieu.
86. (1) Lorsqu'un employé réitère son refus en conformité
avec le paragraphe 85(8), l'employeur et l'employé, respective-
ment, en avisent immédiatement l'agent de sécurité qui fait, ou
fait faire par un autre agent, dès la réception de l'un ou l'autre
des avis, une enquête sur la question en présence de l'employeur
et de l'employé ou de son représentant.
(2) Au terme de l'enquête visée au paragraphe (1), l'agent
de sécurité décide de l'existence ou de l'inexistence:
a) soit d'un danger pour les employés résultant de l'utilisa-
tion ou du fonctionnement de la machine ou de l'objet
concerné,
b) soit, dans le lieu, d'une situation constituant un danger
pour l'employé visé au paragraphe (1),
et avise immédiatement l'employeur et l'employé de sa décision.
(3) Avant l'enquête et la décision de l'agent de sécurité
prévues par le présent article, l'employeur:
a) peut exiger de l'employé concerné qu'il demeure à un
endroit sûr situé près du lieu qui fait l'objet de l'enquête ou
affecter l'employé à un autre travail convenable;
b) n'affecte pas un autre employé à l'utilisation ou au fonc-
tionnement de la machine ou de l'objet ou à un travail dans
ce lieu, sauf si l'autre employé a été averti du refus de
l'employé concerné.
(4) Lorsque l'agent de sécurité décide qu'il résulte de l'utili-
sation ou du fonctionnement d'une machine ou d'un objet un
danger pour un employé ou qu'il existe dans le lieu une
situation constituant un danger pour un employé, il donne, en
vertu du paragraphe 102(2), les instructions qu'il juge indi-
quées, et un employé peut continuer à refuser d'utiliser ou de
faire fonctionner la machine ou l'objet ou de travailler dans ce
lieu jusqu'à ce que les instructions aient été appliquées ou
qu'elles aient été modifiées ou annulées en vertu de la présente
Partie.
(5) Lorsque l'agent de sécurité décide qu'il ne résulte pas de
danger pour un employé de l'utilisation ou du fonctionnement
d'une machine ou d'un objet, ou qu'il n'y a pas dans le lieu de
situation constituant un danger pour un employé, un employé
ne peut s'autoriser de l'article 85 ou du présent article pour
réitérer son refus d'utiliser ou de faire fonctionner la machine
ou l'objet ou de travailler dans ce lieu, mais il peut par écrit et
dans un délai de sept jours à compter de la réception de la
décision de l'agent de sécurité exiger que celui-ci renvoie sa
décision au Conseil canadien des relations du travail, et l'agent
de sécurité est tenu d'obtempérer.
87. (1) Le Conseil procède sans retard et de façon sommaire
à l'examen des faits et des motifs de la décision dont il a été
saisi en vertu du paragraphe 86(5) et peut:
a) soit la confirmer;
b) soit donner à l'égard de la machine, de l'objet ou du lieu
les instructions qu'il juge indiquées et que doit ou peut
donner l'agent de sécurité aux termes du paragraphe 102(2).
(2) Lorsqu'il donne des instructions en conformité avec le
paragraphe (1), le Conseil fait afficher sur la machine, l'objet
ou dans le lieu qui constituent un danger, ou à proximité de
ceux-ci, un avis du danger, en la forme approuvée par le
Ministre, et nul ne peut enlever l'avis sans l'autorisation de
l'agent de sécurité ou du Conseil.
(3) Le Conseil peut, dans les instructions qu'il donne en
vertu du paragraphe (1), interdire l'utilisation d'une machine,
d'un objet ou lieu jusqu'à ce que ses instructions aient été
observées; le présent paragraphe n'empêche personne de faire le
nécessaire pour se conformer aux instructions.
102....
(2) L'agent de sécurité qui estime que l'utilisation d'une
machine ou d'un objet ou qu'une situation se présentant dans
un lieu constitue un danger pour un employé se trouvant au
travail,
a) avertit de ce danger l'employeur et lui donne des instruc
tions écrites lui enjoignant de procéder, immédiatement ou
dans le délai que l'agent de sécurité précise,
(i) soit à l'application de mesures propres à parer au
danger,
(ii) soit à la protection de quiconque contre ce danger;
b) peut, s'il estime par ailleurs qu'il est impossible dans
l'immédiat de parer à ce danger ou d'en protéger quelqu'un,
donner à l'employeur des instructions écrites lui interdisant
l'utilisation ou l'exploitation du lieu, de la machine ou de
l'objet visé par les instructions jusqu'à ce que ses instructions
aient été observées; rien dans le présent alinéa n'empêche de
faire le nécessaire pour que les instructions soient observées
fidèlement.
103. (1) Un employeur, un employé ou un syndicat qui se
sent lésé par des instructions données par l'agent de sécurité en
vertu de la présente Partie peut demander, dans un délai de
quatorze jours à compter de la date des instructions, à un agent
régional de sécurité dont relève le lieu, la machine ou l'objet, de
réviser les instructions.
(2) L'agent régional de sécurité peut exiger que la demande
verbale de révision prévue au paragraphe (1) soit présentée par
écrit.
(3) L'agent régional de sécurité mène une enquête sommaire
sur les circonstances qui ont donné lieu aux instructions et leur
justification et peut les modifier, annuler ou confirmer. Il avise
de sa décision par écrit l'employeur, l'employé ou le syndicat
visé.
(4) Une demande de révision d'instructions présentée en
vertu du présent article ne suspend pas leur application.
(5) Le paragraphe (I) ne s'applique pas aux instructions
d'un agent de sécurité fondées sur la décision d'un agent de
sécurité qui a été renvoyée au Conseil conformément au para-
graphe 86(5).
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.