T-1906-85
R. M. Pateman, tant personnellement qu'en sa
qualité d'apériteur de Marine Underwriters of
Lloyd's de Londres (demandeur)
c.
The Flying Tiger Line Inc., Republic Airlines Inc.,
Air Canada, A.S.C. Air Cargo Service Inc. et
Dimerco Express (Taiwan) Corp. (défenderesses)
RÉPERTORIÉ: PATEMAN c. FLYING TIGER LINE INC.
Division de première instance, juge Joyal—
Montréal, 16 février; Ottawa, 12 juin 1987.
Pratique — Parties — Jonction — Appel d'une décision du
protonotaire-chef qui a refusé, pour le motif que le droit
d'action de l'assurée était prescrite, de constituer celle-ci
codemanderesse — Le demandeur indemnise l'assurée de la
perte de certains biens survenue au cours de leur transport par
avion — Le demandeur, ayant été subrogé dans les droits de
l'assurée, a engagé une action devant la Cour fédérale à
Montréal — En droit québécois un assureur doit poursuivre en
son propre nom — La common law exige que l'assureur
poursuive au nom de l'assuré — Appel accueilli — Le deman-
deur a droit à un redressement peu importe que le délai de
prescription soit expiré quant à l'assurée et indépendamment
des Règles 425 et 1716 — Question de la qualité du deman-
deur soulevée dans les plaidoiries — La Règle 1716(2)6)
autorise la Cour à ordonner que soit constituée partie toute
personne dont la présence est requise pour le règlement défini-
tif de toutes les questions en litige Règles de la Cour
fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 424, 425, 426, 427, 1716
Rules of Practice and Procedure of the Supreme Court of
Ontario, R.R.O. 1980, Reg. 540, Règle 136 — Loi sur le
transport aérien, S.R.C. 1970, chap. C-14, annexe 1, Art. 29.
Conflit de lois — En droit québécois un assureur subrogé
doit poursuivre en son propre nom — La common law exige
que l'assureur poursuive au nom de l'assuré — L'assureur
engage à Montréal une action fondée sur la perpétration d'un
délit civil ou sur la rupture du contrat de transport On
craint que, dans l'hypothèse où il y aurait une lacune dans le
droit aérien concernant la qualité pour agir, la lex loci ne soit
applicable — Demande visant à obtenir que l'assurée soit
constituée codemanderesse en vertu de la Règle 1716 — Ques
tion de la qualité du demandeur soulevée par les défenderesses
dans leurs conclusions — La constitution d'un codemandeur
s'impose pour qu'on puisse complètement juger toutes les
questions en litige — Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap.
663, Règles 424, 425, 426, 427, 1716 — Rules of Practice and
Procedure of the Supreme Court of Ontario, R.R.O. 1980,
Reg. 540, Règle 136.
Droit aérien — Appel d'une décision du protonotaire-chef
qui a refusé de constituer l'assurée codemanderesse pour le
motif que son droit d'action était prescrit suivant l'Art. 29 de
la Convention de Varsovie — Appel accueilli — Le fait que
l'assurée soit constituée codemanderesse ne crée pas une nou-
velle cause d'action — Il n'y a qu'une cause d'action et l'action
a été engagée en temps voulu — Le délai de prescription prévu
à l'Art. 29 ne vient pas empêcher que l'assurée soit constituée
codemanderesse — Loi sur le transport aérien, S.R.C. 1970,
chap. C-14, annexe I, Art. 29.
Il s'agit d'un appel qui attaque une décision dans laquelle le
protonotaire-chef a refusé de permettre que l'assurée, Yarrow
Furs Inc., soit constituée codemanderesse en vertu de la Règle
1716 et que la déclaration soit modifiée en conséquence. I1 a
conclu que, suivant l'Article 29 de la Convention de Varsovie,
le droit d'action de Yarrow Furs Inc. était prescrit.
En conformité avec les termes d'une police d'assurance, le
demandeur a indemnisé Yarrow Furs Inc. de la perte de
plusieurs manteaux de fourrure survenue au cours de leur
transport par avion. En vertu de cette même police d'assurance,
le demandeur a été subrogé dans tous les droits de son assurée
et a engagé des poursuites contre les transporteurs devant la
Cour fédérale à Montréal. Les lois du Québec exigent qu'un
assureur subrogé poursuive en son propre nom. En common
law, l'assureur doit poursuivre au nom de l'assuré. Les défende-
resses soulèvent dans leurs conclusions la question de la qualité
du demandeur.
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
Les Règles 1716, 424, 425, 426 et 427 constituent un système
de sécurité destiné à garantir que, nonobstant les exigences en
matière de procédure, les véritables questions en litige pourront
être tranchées et que justice sera rendue.
Le demandeur ne cherche pas à corriger le nom d'une partie
ni à se faire remplacer par une nouvelle partie. Il veut plutôt
que l'assurée soit constituée codemanderesse afin de se prému-
nir contre toute décision que la Cour pourra rendre quant aux
règles de droit en fonction desquelles doit être déterminée la
qualité pour agir. Cette situation est visée par la Règle 1716.
Comme la question de la qualité du demandeur a été soulevée
dans les plaidoiries, la constitution d'un codemandeur s'impose
«pour assurer qu'on pourra valablement et complètement juger
toutes les questions en litige dans l'action et statuer sur elles».
Dans l'arrêt Hijos de Romulo Torrents Albert S.A. c. Le
«Star Blackford», [1979] 2 C.F. 109 (C.A.), le juge Le Dain a
fait une étude des Règles 424 et suiv. et de la Règle 1716. Tout
en reconnaissant que, compte tenu des faits, il pouvait difficile-
ment conclure à une fausse constitution de partie au sens de la
Règle 1716 ou à une erreur de nom au sens de la Règle 425, sa
Seigneurie a jugé qu'il devait être permis d'apporter toute
correction nécessaire, pour autant que cela ne préjudicie pas à
l'autre partie en ce sens que le véritable demandeur a en fait été
partie aux procédures depuis le début. En l'espèce, le fait que
l'assurée soit constituée codemanderesse ne créerait pas une
nouvelle cause d'action. Il n'y a toujours qu'une seule cause
d'action et l'action en question a été engagée en temps voulu.
Le délai de prescription prévu à l'Article 29 de la Convention
de Varsovie ne vient pas empêcher que l'assurée soit constituée
codemanderesse. En tout état de cause, la Règle 1716 offre la
même possibilité que la Règle 424 d'échapper aux conséquences
de la prescription. Cette conclusion repose sur l'arrêt Ladou-
ceur c. Howarth, qui porte sur la Règle 136 des Rules of
Practice and Procedure of the Supreme Court of Ontario,
laquelle comprend essentiellement les mêmes éléments que ceux
que l'on trouve dans les Règles 425 et suiv. et la Règle 1716 des
Règles de la Cour fédérale. La Règle 136 a toujours été
interprétée comme un moyen de parer aux effets normaux de la
prescription. La Cour suprême du Canada a cité et approuvé
l'arrêt Ladouceur dans l'arrêt Leesona Corpn. c. Consolidated
Textile Mills Ltd. et autre, qui porte précisément sur les
Règles de la Cour fédérale. Quoi qu'il en soit, il importe peu en
réalité que le délai de prescription soit apparemment expiré
quant à l'assurée ou que la règle applicable puisse se dégager
du texte de la Règle 1716 ou bien de celui de la Règle 425. Le
demandeur a manifestement droit à un redressement.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Ladouceur c. Howarth, [1974] R.C.S. 1111; Hijos de
Romulo Torrents Albert S.A. c. Le «Star Blackford.,
[1979] 2 C.F. 109 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Witco Chemical Co. c. Ville d'Oakville et autre, [ 1975] 1
R.C.S. 273; Leesona Corpn. c. Consolidated Textile
Mills Ltd. et autre, [1978] 2 R.C.S. 2; Dupuis c. De
Rosa, [1955] B.R. (Qué.) 413.
AVOCATS:
Andrew J. Ness pour le demandeur.
France Caron pour les défenderesses Air
Canada et The Flying Tiger Line Inc.
R. E. Reynolds pour la défenderesse A.S.C.
Air Cargo Service Inc.
Melville W. Smith pour la défenderesse
Republic Airlines Inc.
PROCUREURS:
Robinson, Sheppard, Borenstein & Shapiro,
Montréal, pour le demandeur.
Air Canada, Service du contentieux, Mont-
réal, pour les défenderesses Air Canada et
The Flying Tiger Line Inc.
Cerini, Salmon, Souaid & Reynolds, Mont-
réal, pour la défenderesse A.S.C. Air Cargo
Service Inc.
Smith, Lussier, Saint-Martin & Morin,
Montréal, pour la défenderesse Republic Air
lines Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE JOUAL: Comme c'est parfois le cas
dans les actions intentées devant la Cour fédérale,
la présente instance soulève des problèmes intéres-
sants qui touchent à la fois le droit positif et la
procédure. Ces problèmes se manifestent en l'es-
pèce sous la forme d'un conflit résultant de l'appli-
cation de lois provinciales à certaines procédures
lorsque le droit canadien, tel qu'il est défini par les
tribunaux, peut être muet sur le point précis en
litige.
Le demandeur, qui est apériteur de Lloyd's de
Londres (Angleterre), a versé à Yarrow Furs Inc.,
en conformité avec les termes d'une police d'assu-
rance, la somme de 26 070 $ US pour la perte de
plusieurs manteaux de fourrure survenue au cours
de leur transport par avion de Taipei à Montréal.
En vertu du contrat d'assurance, le demandeur a
été subrogé dans tous les droits de son assurée,
Yarrow Furs Inc., et, en conséquence, il a engagé
une action devant la Cour fédérale à Montréal
contre les différents transporteurs et leurs manda-
taires pour être indemnisé de la perte subie.
Et c'est là, d'après le demandeur, que les diffi-
cultés commencent. En effet, les lois du Québec
imposent à un assureur subrogé l'obligation de
poursuivre en son propre nom. En common law,
cependant, l'assureur doit néanmoins poursuivre
au nom de l'assuré bien qu'il exerce des droits de
subrogation conférés par l'equity ou découlant
d'un contrat.
Si, suivant les principes de droit applicables à
une réclamation fondée sur la Loi sur le transport
aérien, S.R.C. 1970, chap. C-14, principes qui
englobent [à l'annexe I] les règles établies par la
Convention de Varsovie de 1929, c'est l'assurée
qui, en dépit de la subrogation, conserve, du moins
nominalement, le droit d'exercer des poursuites, le
demandeur craint qu'il n'ait plus qualité pour agir.
Je souligne à cet égard que les défenderesses The
Flying Tiger Line Inc. et Air Canada soulèvent
dans leurs conclusions la question de la qualité du
demandeur.
Par ailleurs, à supposer que l'action eût été
intentée au nom de l'assurée, Yarrow Furs Inc., et
dans l'hypothèse où il y aurait une lacune dans le
droit aérien concernant la qualité pour agir, de
sorte que c'est la lex loci qui s'appliquerait, l'assu-
rée pourrait également se voir mise hors de cause
car, selon la règle québécoise, le droit de poursui-
vre appartient au subrogé.
Pour sortir de cette situation épineuse et puis-
qu'on contestait dans la défense sa qualité pour
agir, le demandeur s'est adressé au protonotaire-
chef pour obtenir une ordonnance, fondée sur la
Règle 1716 des Règles de cette Cour [Règles de la
Cour fédérale, C.R.C., chap. 663], permettant que
l'assurée, Yarrow Furs Inc., soit constituée code-
manderesse et l'autorisant à modifier sa déclara-
tion en conséquence. Le 14 janvier 1987, le proto-
notaire-chef a rejeté la demande pour le motif que,
suivant l'Article 29 de la Convention de Varsovie,
le droit d'action de Yarrow Furs Inc. était prescrit.
Le demandeur interjette appel de cette décision.
En toute déférence, je suis d'avis d'accueillir
l'appel. La Règle 1716 ainsi que les Règles 424,
425, 426 et 427 offrent essentiellement les mêmes
possibilités de redressement lorsque des vices de
forme, des erreurs ou des fautes d'inattention doi-
vent être rectifiés. Selon moi, ces règles constituent
un système de sécurité destiné à garantir que,
nonobstant les exigences en matière de procédure,
les véritables questions en litige puissent être tran-
chées et que justice soit rendue. Les questions de
fond et les considérations d'équité ne devraient pas
être subordonnées à des formalités qui contrecarre-
raient ces objets primordiaux.
En l'espèce, les questions en litige auxquelles les
défenderesses font face sont clairement définies.
La déclaration révèle que le demandeur a qualité
d'assureur. Le nom de l'assurée, Yarrow Furs Inc.,
est également divulgé, et il se dégage nettement
des différentes allégations formulées dans la décla-
ration qu'il s'agit soit d'une action délictuelle, soit
d'une action pour inexécution d'un contrat de
transport auquel Yarrow Furs Inc. est partie.
Bien entendu, on pourrait par ailleurs appliquer
en l'espèce la Règle 424, qui autorise des modifica
tions même si le délai de prescription est expiré.
Les modifications en question sont celles visées par
la Règle 425 portant sur la rectification du nom
d'une partie, quoique cette disposition ait appa-
remment pour effet de substituer une nouvelle
partie à l'ancienne, ou par la Règle 426 relative à
la qualité en laquelle une partie poursuit, ou
encore par la Règle 427 concernant d'autres modi
fications visées par la Règle 424, quand bien même
ces modifications ajouteraient une nouvelle cause
d'action ou remplaceraient une cause d'action par
une autre.
Le demandeur ne cherche pas en l'espèce à
corriger le nom d'une partie ni à se faire remplacer
par une nouvelle partie. Il veut plutôt que l'assurée
soit constituée codemanderesse afin de se prémunir
contre toute décision que la Cour pourra rendre
quant aux règles de droit en fonction desquelles
doit être déterminée la qualité pour agir. Il n'est
donc guère surprenant que le protonotaire-chef ait
été saisi d'une demande fondée sur la Règle 1716
qui, de toute évidence, traite de la fausse constitu
tion de partie ou de l'omission de mettre une partie
en cause. Le premier paragraphe de cette règle
porte notamment: «La validité d'une action n'est
pas affectée à cause d'une fausse constitution de
partie ou de l'omission de mettre une partie en
cause ...» L'alinéa (2)b) ajoute que la Cour peut
ordonner que soit constituée partie toute personne
dont la présence devant la Cour est requise pour le
règlement définitif de toutes les questions en litige
et la Règle 1716(2) in fine mentionne expressé-
ment que nul ne doit être constitué codemandeur
sans son consentement.
Voilà, selon moi, la règle applicable. Le deman-
deur requiert que l'assurée, Yarrow Furs Inc., soit
constituée codemanderesse et c'est précisément ce
que semble viser la Règle 1716(2).
Certes, on pourrait soutenir qu'il n'est pas néces-
saire de constituer Yarrow Furs Inc. codemande-
resse pour s'assurer que toutes les questions en
litige soient tranchées. Puisque Yarrow Furs Inc.
est tenue par son accord de subrogation avec le
demandeur de prêter à celui-ci toute l'aide requise
pour lui permettre d'exercer les droits et recours
qui lui sont conférés par voie de subrogation, sa
mise en cause n'est pas nécessaire.
Pour ma part, je donnerais à la Règle 1716 une
interprétation plus large. J'estime en fait que,
comme la qualité du demandeur a été soulevée
dans les plaidoiries, la constitution d'un codeman-
deur s'impose «pour assurer qu'on pourra valable-
ment et complètement juger toutes les questions en
litige dans l'action et statuer sur elles».
Dans l'arrêt Hijos de Romulo Torrents Albert
S.A. c. Le «Star Blackford», [1979] 2 C.F. 109, le
juge Le Dain de la Cour d'appel fédérale a fait une
étude comparative des Règles 424 et suiv. et de la
Règle 1716. Il a reconnu que, compte tenu des
faits de l'affaire, il pouvait difficilement conclure à
une fausse constitution de partie au sens de la
Règle 1716 ou à une erreur de nom au sens de la
Règle 425.
La demanderesse dans l'affaire susmentionnée
avait intenté une action en son propre nom par
suite d'avaries subies par des marchandises faisant
l'objet de quatre connaissements distincts. Après
l'expiration du délai de prescription, on a décou-
vert que la demanderesse en question n'était en
droit de fonder ses poursuites que sur un connais-
sement. Elle a donc demandé, sur le fondement de
la Règle 1716, que l'on constitue rétroactivement
trois codemanderesses pouvant se prévaloir des
trois autres connaissements. En rejetant la
demande, le juge de première instance [[1978] 2
C.F. 189] a conclu à l'inapplicabilité de la Règle
1716 parce que sa portée se limitait aux questions
de fausse constitution de partie ou d'omission de
mettre une partie en cause. Il a en même temps
statué que la Règle 425 ne s'appliquait pas non
plus, car en appliquant cette règle on en déforme-
rait le sens en faisant d'un cas évident d'omission
de mettre une partie en cause une erreur pouvant
être corrigée par la rectification du nom de la
partie.
En appel, le juge Le Dain a fait les observations
suivantes, à la page 112:
Il est certes difficile, en l'espèce, de distinguer entre une
omission de mettre une partie en cause et une erreur dans le
nom d'une partie. Étant donné que c'est l'appelante elle-même
qui a qualifié cette faute, il ne faudrait peut-être pas intervenir
pour modifier la conclusion de la Division de première instance.
Mais, à mon avis, l'intervention de la Cour est, en l'espèce,
tellement indiquée, pour la raison qu'elle ne cause absolument
aucun préjudice à l'intimée, que je suis disposé à considérer
qu'il s'agit ici d'un cas d'erreur de nom, à condition de ne
dénaturer ni cette notion ni la portée de la Règle 425. [C'est
moi qui souligne.]
Après s'être référé aux arrêts Ladouceur c.
Howarth, [1974] R.C.S. 1111; Witco Chemical
Co. c. Ville d'Oakville, [1975] 1 R.C.S. 273 et
Leesona Corpn. c. Consolidated Textile Mills Ltd.
et autre, [1978] 2 R.C.S. 2, de la Cour suprême du
Canada, le juge a cité [aux pages 8 et 9] l'extrait
suivant tiré de la décision Dupuis c. De Rosa,
[1955] B.R. (Qué.) 413, qui a été approuvée par la
Cour suprême:
... si l'on peut, dans la substance des procédures, se rendre
compte que la véritable partie demanderesse y a, depuis le
début, de fait, été partie, même s'il y a erreur quant à sa
description, l'on doit permettre à cette partie demanderesse de
corriger l'erreur, régulariser la situation et permettre à cette
véritable partie de continuer les procédures.
J'espère ne pas me montrer trop présomptueux
en affirmant que l'un des motifs qui a incité le juge
Le Dain à choisir cette manière si habile de régler
la question dont il se trouvait saisi était peut-être
de ramener l'affaire sous l'aile protectrice de la
Règle 424. S'il avait procédé autrement, on aurait
fort bien pu prétendre que la constitution de trois
autres demanderesses équivalait à introduire trois
actions nouvelles lors même que le droit de pour-
suivre était prescrit.
En l'espèce, je ne crois pas qu'il soit nécessaire
d'avoir recours aux dispositions protectrices de la
Règle 424. Le fait que l'assurée, Yarrow Furs Inc.,
soit constituée codemanderesse ne crée pas une
nouvelle cause d'action. Il n'y a toujours qu'une
seule cause d'action et l'action en question a été
engagée en temps voulu. Le délai de prescription
prévu à l'Article 29 de la Convention de Varsovie
n'a pas pour effet d'empêcher que l'assurée soit
constituée codemanderesse.
Même si ce n'était pas le cas, je conclurais
néanmoins que les termes de la Règle 1716 offrent
la même possibilité que la Règle 424 d'échapper
aux conséquences de la prescription. Cette conclu
sion repose sur l'arrêt Ladouceur c. Howarth, pré-
cité, où la Cour suprême du Canada s'est penchée
sur la Règle 136 des Rules of Practice and Proce
dure of the Supreme Court of Ontario [R.R.O.
1980, Reg. 540].
La Règle 136, telle qu'elle était rédigée avant la
révision à fond du 1" janvier 1985 des Règles de
pratique de l'Ontario, portait:
[TRADUCTION] 136.—(1) La Cour peut, à tout stade des
procédures, ordonner que le nom d'un demandeur ou d'un
défendeur irrégulièrement joint à l'instance soit rayé, et que
toute personne qui aurait dû être jointe à l'instance ou dont la
présence est nécessaire afin de permettre à la cour de décider
efficacement et complètement les questions en litige, soit ajou-
tée, ou lorsqu'une action, en raison d'une erreur de bonne foi, a
été intentée au nom de la mauvaise personne à titre de deman-
deur ou lorsqu'il y a doute quant à savoir si l'action a été
intentée au nom du bon demandeur, la cour peut ordonner que
toute personne soit substituée ou ajoutée comme demandeur.
(2) Nul ne peut être ajouté ou substitué comme demandeur
ou comme représentant ad litem d'un demandeur sans le dépôt
par écrit de son propre consentement.
(3) Les parties ajoutées ou substituées comme défendeurs
doivent, à moins qu'il n'en soit ordonné autrement, recevoir
signification du bref d'assignation modifié, et les procédures
sont réputées n'avoir commencé, à leur encontre, qu'au moment
où ces parties ont été ajoutées.
Cette règle comprend essentiellement les mêmes
éléments que ceux que l'on trouve dans les Règles
425 et suiv. et la Règle 1716 des Règles de la Cour
fédérale. Bien que la règle ontarienne ne contienne
pas de disposition semblable à celle de la Règle
424, elle a toujours été interprétée comme un
moyen de l parer aux effets normaux de la prescrip
tion. De fait, la question de l'absence d'une dispo
sition expresse n'a même pas été soulevée devant la
Cour suprême dans l'affaire Ladouceur; elle ne l'a
pas été non plus dans l'affaire Witco Chemical
Co., précitée, dans laquelle il était également ques
tion de la Règle 136 de l'Ontario. Qui plus est, la
Cour suprême du Canada a cité et approuvé l'arrêt
Ladouceur lorsqu'elle s'est prononcée dans l'arrêt
Leesona Corpn. c. Consolidated Textile Mills
Ltd., précité, qui portait précisément sur les Règles
de la Cour fédérale.
Je conclus en conséquence que, pour trancher la
question présentement en litige, il importe peu en
réalité que le délai de prescription soit apparem-
ment expiré quant à l'assurée, Yarrow Furs Inc.,
ou que la règle applicable se dégage du texte de la
Règle 1716 ou bien de celui de la Règle 425. Le
demandeur a manifestement droit à un redresse-
ment et son appel de l'ordonnance du protonotaire-
chef est accueilli.
Les dépens suivront l'issue de la cause.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.