T-1588-87
Southam Inc., Julian Beltrame et Canadian News
papers Company Limited (requérants)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (Benoît
Bouchard), l'arbitre en chef pour le Québec et la
région de l'Atlantique (Michel Meunier), le procu-
reur général du Canada et le ministère de l'Emploi
et de l'Immigration (intimés)
RÉPERTORIÉ: SOUTHAM INC. C. CANADA (MINISTRE DE L'EM-
PLOI ET DE L'IMMIGRATION)
Division de première instance, juge Rouleau—
Ottawa, 27 juillet 1987.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Libertés fon-
damentales — Liberté de la presse — Demandes d'un bref de
prohibition visant à empêcher de procéder à des audiences de
révision des motifs de détention selon la Loi sur l'immigration
de 1976 à moins que les requérants puissent y assister ou aient
le droit d'être entendus, ou d'un bref de mandamus enjoignant
à l'intimé d'examiner dans chaque cas le bien-fondé des motifs
justifiant l'exclusion des requérants — L'art. 2b) de la Charte
garantit la liberté de la presse — La liberté de la presse
comprend le droit d'assister aux procédures judiciaires — Les
audiences portant sur la révision des motifs de détention sont
de nature judiciaire ou quasi judiciaire selon les critères
énoncés dans l'arrêt Ministre du Revenu national c. Coopers
and Lybrand et font partie de l'administration de la justice —
Il faut comprendre le mode de fonctionnement de ces tribu-
naux pour croire à la légitimité de leur autorité, ce qui ne peut
se faire que si le public y a accès — Ce droit d'accès est
restreint lorsqu'il y a conflit avec des droits opposés — Charte
canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 2b) — Loi sur l'immigra-
tion de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 29(3) (mod. par S.C.
1985, chap. 26, art. 112), 104(6), 119.
Immigration — Pratique — Les audiences portant sur la
révision des motifs de détention sont de nature judiciaire ou
quasi judiciaire selon les critères dans l'arrêt Ministre du
Revenu national c. Coopers and Lybrand — La liberté de la
presse garantie par l'art. 2b) de la Charte comprend le droit
d'assister aux procédures judiciaires — Des brefs de prohibi
tion et de mandamus sont accordés afin d'empêcher les arbi-
tres de tenir des audiences en l'absence des requérants à moins
que le droit d'accès ne soit restreint dans un cas particulier par
un droit concurrent — Les requérants ont le droit de présenter
des observations si des objections à l'accès du public sont
soulevées — Charte canadienne des droits et libertés, qui
constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 2b) — Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap.
52, art. 29(3) (mod. par S.C. 1985, chap. 26, art. 112), 104(6),
119.
Pratique — Introduction des procédures — Demandes de
jugements déclaratoires fondées sur l'art. 24(l) de la Charte
afin de permettre au public d'assister aux audiences portant
sur la révision des motifs de détention conformément à la Loi
sur l'immigration de 1976 ou de faire reconnaître le droit de
présenter des observations sur la question de l'accès —
Demandes formulées par voie de requête introductive d'ins-
tance — Demandes rejetées — Les jugements déclaratoires ne
peuvent être obtenus qu'au moyen d'une action sauf si l'intimé
y consent de façon expresse — Charte canadienne des droits et
libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), art. 24(1).
L'arbitre en chef a interdit aux médias d'assister à certaines
audiences portant sur la révision des motifs de détention à
moins que le migrant concerné n'y consente. Les requérants
cherchent à obtenir des jugements déclaratoires fondés sur le
paragraphe 24(1) de la Charte, enjoignant à l'arbitre en chef de
tenir les audiences en public ou de leur accorder le droit de
présenter leurs observations selon chaque cas d'espèce, à l'appui
de leur requête visant à obtenir l'autorisation d'assister aux
procédures et d'en faire rapport; ils sollicitent en outre un bref
de prohibition empêchant la tenue des audiences jusqu'à ce
qu'ils aient le droit d'y assister ou d'être entendus avant d'en
être exclus, ainsi qu'un bref de mandamus enjoignant à l'intimé
d'examiner dans chaque cas le bien-fondé de l'exclusion des
requérants.
Jugement: les demandes de mandamus et de prohibition
devraient être accueillies.
Les demandes de jugements déclaratoires fondées sur le
paragraphe 24(1) de la Charte ne peuvent être accueillies car
les requérants ont procédé par voie de requête introductive
d'instance. Les jugements déclaratoires ne peuvent être obtenus
qu'au moyen d'une action sauf si l'intimé y consent de façon
expresse, et non simplement en ne soulevant pas d'objection.
L'intimé n'a pas formellement consenti à ce genre de
procédures.
La Loi sur l'immigration de 1976 ne se prononce pas sur le
problème de l'accès du public aux audiences portant sur la
révision des motifs de détention. Lorsque la loi habilitante est
silencieuse sur une question de procédure, le responsable de la
décision en vertu de la loi est maître de ses propres procédures,
et il peut établir celle qui doit être appliquée. Toutefois, l'alinéa
2b) de la Charte garantit à chacun la liberté «d'expression, y
compris la liberté de la presse et des autres moyens de commu
nication». La liberté de la presse englobe le droit d'assister aux
procédures judiciaires. Les audiences en question mettent en
cause un organisme créé par la loi plutôt qu'un tribunal et il
faut établir si elles sont de nature judiciaire ou quasi judiciaire
et par voie de conséquence, si elles sont visées par le principe de
l'accessibilité. Les audiences portant sûr la révision des motifs
de détention satisfont aux quatre critères établis par le juge
Dickson [tel était alors son titre] dans l'arrêt Ministre du
Revenu national c. Coopers and Lybrand pour déterminer si
une procédure est judiciaire ou quasi judiciaire. Il est raisonna-
ble d'étendre la portée du principe de l'accessibilité du public
aux mesures prises par les décideurs en question. Les tribunaux
créés par la loi et qui exercent des fonctions judiciaires ou quasi
judiciaires donnant lieu à des procédures contradictoires qui
entraînent des décisions quant aux droits des parties, partici-
pent vraiment à «l'administration de la justice». La crédibilité
accordée à ces tribunaux exige qu'on ait confiance dans leur
intégrité et qu'on comprenne leur mode de fonctionnement, ce
qui ne saurait s'accomplir que dans la mesure où le public aura
accès à leurs séances. Les requérants ont un droit d'accès prima
facie aux procédures de révision des motifs de la détention,
lequel droit peut toutefois être restreint lorsqu'il entre en
concurrence avec d'autres droits ou intérêts opposés.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Ministre du Revenu national c. Coopers and Lybrand,
[ 1979] 1 R.C.S. 495.
DÉCISION EXAMINÉE:
Re Southam Inc. and The Queen (No. 1) (1983), 3
C.C.C. (3d) 515 (C.A. Ont.).
DÉCISIONS CITÉES:
Wilson c. Ministre de la Justice, [1985] 1 C.F. 586
(C.A.); Lussier c. Collin, [1985] 1 C.F. 124 (C.A.);
Groupe des éleveurs de volailles de l'est de l'Ontario c.
Office canadien de commercialisation des poulets,
[1985] 1 C.F. 280 (1"° inst.); Pacific Salmon Industries
Inc. c. La Reine, [1985] 1 C.F. 504 (1' inst.); Millward
c. Commission de la Fonction publique, [1974] 2 C.F.
530 (1« inst.); St-Louis c. Conseil du Trésor, [1983] 2
C.F. 332 (C.A.); Re Southam Inc. and The Queen
(1986), 26 D.L.R. (4th) 479 (C.A. Ont.); confirmant
(1985), 14 D.L.R. (4th) 683 (H.C. Ont.).
AVOCATS:
Richard G. Dearden et Alan D. Reid, c.r.
pour les requérants.
Brian R. Evernden pour les intimés.
P. M. Jacobsen pour l'intervenante (requé-
rante).
PROCUREURS:
Gowling and Henderson, Ottawa, pour les
requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Paterson, MacDougall, Toronto, pour l'inter-
venante (requérante).
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance prononcés à l'audience par
LE JUGE ROULEAU: Les requérants cherchent à
obtenir par voie de requête introductive d'instance
un certain nombre d'ordonnances. Leur requête
porte essentiellement sur la liberté de la presse
ainsi que sur le droit du public d'assister aux
audiences du ministère de l'Immigration en
matière de révision des motifs de la détention visée
par la Loi et qui ont lieu présentement à Halifax
(Nouvelle-Écosse).
Les faits dans cette affaire ne sont pas tout à
fait nets bien que ceux liés à la question litigieuse
fondamentale soient suffisamment clairs. Voici la
façon dont ils sont énumérés:
— Le 12 juillet 1987, cent soixante-quatorze passa-
gers à bord du navire Amelie sont arrivés en
Nouvelle-Écosse et ils ont prétendu être des
réfugiés provenant de l'Inde. (Ces passagers sont
désignés ci-après comme étant des «migrants».)
—Le 15 juillet 1987, ces migrants ont fait, en
vertu de la Loi sur l'immigration de 1976 [S.C.
1976-77, chap. 52], l'objet d'une ordonnance de
détention dans le gymnase de la base des Forces
armées canadiennes de Stadacona à Halifax.
— Le 20 juillet 1987, les arbitres du ministère de
l'Immigration ont commencé à tenir des enquê-
tes. Un arbitre a accueilli en vertu du paragra-
phe 29(3) [mod. par S.C. 1985, chap. 26, art.
112] de la Loi une demande de la Société
Radio-Canada visant la tenue d'une enquête
publique.
—Le 21 juillet 1987, trois autres arbitres ont
accueilli trois demandes de même nature ayant
trait à trois autres enquêtes.
— Un arbitre est tenu aux termes du paragraphe
104(6) de la Loi de procéder au moins une fois
tous les sept jours à la révision de la détention
prolongée d'un migrant. Puisque les migrants en
question étaient détenus depuis le 15 juillet
1987, il s'ensuit que leur détention prolongée
devait faire l'objet d'une révision au plus tard le
22 juillet 1987. Étant donné la proximité de la
date limite pour effectuer cette révision, les
arbitres ont cessé au cours de la soirée du 21
juillet 1987 de tenir des enquêtes et ils ont
commencé à procéder à des audiences visant la
révision des motifs de ladite détention. L'arbitre
en chef a ordonné qu'il ne soit pas permis aux
médias d'assister à ces audiences, à moins que le
migrant intéressé n'y consente; les avocats des
médias n'ont fait valoir aucun argument en
faveur de la présence de leurs clients aux
audiences en question (la preuve ne fournit
aucune précision sur l'existence éventuelle d'une
demande expresse d'être entendu sur cette ques
tion, que l'arbitre en chef aurait formellement
rejetée).
—La Loi sur l'immigration de 1976 ne se pro-
nonce pas sur la question de savoir si les audien
ces portant sur la révision des motifs de la
détention doivent se dérouler en public ou à huis
clos.
—Les arbitres ont procédé dans la soirée du 21
juillet 1987 et pendant toute la journée du 22
juillet 1987 des audiences visant la révision des
motifs de la détention.
—En réponse à la décision de l'arbitre en chef
selon laquelle les détentions devaient faire l'ob-
jet d'une révision à huis clos, les requérants ont
demandé à cette Cour de rendre plusieurs
ordonnances. Voici le libellé des quatre principa-
les ordonnances qui sont à la base des questions
de fond liées au présent litige:
1) une ordonnance en vertu de l'article 24 de la Charte
canadienne des droits et libertés enjoignant à l'in-
timé MICHEL MEUNIER de poursuivre les procédu-
res visées au paragraphe 104(6) de la Loi sur
l'immigration de 1976 prévoyant la détention pro-
longée des personnes, qui seraient en l'espèce des
migrants indiens ayant été transportés à bord du
navire Amelie, de la manière prévue à l'alinéa 2b)
de la Charte, et de permettre ainsi aux requérants
et au public d'exercer le droit fondamental d'assis-
ter à toutes les procédures engagées conformément
au paragraphe 104(6) de la Loi sur l'immigration
de 1976;
2) à titre subsidiaire, une ordonnance en vertu de
l'article 24 de la Charte canadienne des droits et
libertés enjoignant à l'intimé MICHEL MEUNIER de
poursuivre les procédures susmentionnées de la
manière prévue à l'alinéa 2b) de ladite Charte pour
permettre auxdits requérants de présenter, à l'appui
de leur requête, leurs observations selon chaque cas
d'espèce en vue d'assister aux procédures et d'en
faire rapport conformément au paragraphe 104(6)
de la Loi sur l'immigration de 1976;
3) une ordonnance de prohibition empêchant l'intimé
MICHEL MEUNIER de procéder dans les procédures
susmentionnées à la révision prévue au paragraphe
104(6) de la Loi sur l'immigration de 1976 jusqu'à
ce qu'il ait accordé aux requérants le droit d'y
assister ou, subsidiairement, le droit d'être entendus
avant d'en être exclus;
4) une ordonnance de mandamus enjoignant à l'intimé
MICHEL MEUNIER de remplir l'obligation que lui
fait la Loi sur l'immigration de 1976 d'examiner
dans chaque cas, lorsqu'il exerce le pouvoir qui lui
est conféré aux termes du paragraphe 104(6) de
ladite Loi, le bien fondé des motifs justifiant l'inter-
diction faite aux requérants d'assister aux procédu-
res susmentionnées.
Il est préférable d'examiner les deux premières
ordonnances ensemble pour ensuite analyser sépa-
rément les deux autres.
I. Jugements déclaratoires fondés sur le paragaphe
24(1) de la Charte:
Le redressement demandé en l'espèce peut faire
l'objet d'un examen tout à fait sommaire car il
soulève un problème de procédure. En effet, les
requérants cherchent à obtenir les deux jugements
déclaratoires en cause par voie d'une requête intro-
ductive d'instance, alors que la présente Cour a
toujours statué qu'un jugement déclaratoire ne
peut être obtenu qu'au moyen d'une action, sauf si
l'intimé y consent de façon expresse et non simple-
ment en ne soulevant pas d'objection [Wilson c.
Ministre de la Justice, [1985] 1 C.F. 586 (C.A.);
Lussier c. Collin, [1985] 1 C.F. 124 (C.A.);
Groupe des éleveurs de volailles de l'est de l'On-
tario c. Office canadien de commercialisation des
poulets, [1985] 1 C.F. 280 (1'° inst.); et Pacific
Salmon Industries Inc. c. La Reine, [1985] 1 C.F.
504 (1« inst.)]. Cette règle constitue une garantie
que la Cour ne sera pas tenue de rendre un juge-
ment déclaratoire en l'absence des faits. En l'es-
pèce, l'intimé n'a pas formellement consenti à ce
genre de procédures et en réalité certains faits
étaient contestés ou du moins incertains. En consé-
quence, aucun jugement déclaratoire en vertu du
paragraphe 24(1) de la Charte [Charte canadienne
des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] ne
peut être rendu. Cette situation ne met pas fin
toutefois à la contestation soulevée en l'espèce à
l'égard de la Charte; elle doit de nouveau être
examinée en fonction de la demande de redresse-
ment subsidiaire et ce, sur le plan du droit
administratif.
II. Brefs de prérogative de prohibition et de
mandamus:
En demandant ces deux ordonnances, les requé-
rants cherchent effectivement à obtenir une ordon-
nance interdisant aux arbitres de tenir des audien-
ces à huis clos sur la révision des motifs de ladite
détention, ou tout au moins obligeant dans chaque
cas les arbitres à prendre connaissance des argu
ments des requérants sur la question de leur pré-
sence aux audiences.
Les arbitres exercent les pouvoirs et attributions
qui leur sont conférés en vertu de la Loi sur
l'immigration de 1976. Cette dernière ne se pro-
nonce toutefois pas sur le problème touchant l'ac-
cès du public aux audiences de révision des motifs
de détention. Lorsque la loi habilitante est silen-
cieuse sur une question de procédure, le responsa-
ble de la décision en vertu de la loi est maître de
ses propres procédures, et il peut établir celle qui
doit être appliquée. [Voir les arrêts suivants: Mill-
ward c. Commission de la Fonction publique,
[1974] 2 C.F. 530 (1" inst.) et St-Louis e. Conseil
du Trésor, [1983] 2 C.F. 332 (C.A.)]. A première
vue, il semble bien que les arbitres ont agi dans les
limites de leur compétence en ordonnant que les
audiences de révision des motifs de la détention en
question soient tenues à huis clos.
La Charte canadienne des droits et libertés
vient cependant s'ajouter à cette règle générale de
droit administratif. L'alinéa 2b) de la Charte
garantit à chacun la liberté «d'expression, y com-
pris la liberté de la presse et des autres moyens de
communication». Les tribunaux qui ont eu à inter-
préter cette disposition constitutionnelle ont statué
que la liberté de la presse englobait le droit d'assis-
ter aux procédures judiciaires. [Voir l'arrêt Re
Southam Inc. and The Queen (No. 1) (1983), 3
C.C.C. (3d) 515 (C.A. Ont.), que la même Cour a
confirmé dans l'arrêt Re Southam Inc. and The
Queen (1986), 26 D.L.R. (4th) 479, en approuvant
le jugement de première instance prononcé par le
juge Holland (1985), 14 D.L.R. (4th) 683 (H.C.
Ont.)]. Certains commentaires du juge MacKin-
non, J.C.A.O., tirés de l'arrêt Re Southam (No. 1)
s'appliquent au présent litige. À la page 521, il a
déclaré ce qui suit:
[TRADUCTION] Il est évident que l'accessibilité du public aux
tribunaux constitue l'une des caractéristiques d'une société
démocratique. La possibilité pour le public d'assister aux séan
ces des tribunaux a été et continue d'être considérée comme une
nécessité; elle offre une garantie contre toute mesure arbitraire
de la part de ceux qui gouvernent ou qui sont puissants.
À la page 525, il poursuit en ces termes:
Il est vrai, comme on l'a soutenu, que le libre accès aux
séances des tribunaux n'est pas spécifiquement mentionné sous
la rubrique des libertés fondamentales, mais, selon moi, compte
tenu de son origine historique et de son but essentiel, qui ont
déjà été exposés en détails, cet accès fait déjà implicitement
partie intégrante de la garantie accordée à tous de la liberté
d'opinion et d'expression qui inclut, expressément, la liberté de
la presse. Quelle que soit son origine, la règle de la «transpa-
rence», comme l'a souligné le juge Dickson, stimule la confiance
que doit nécessairement avoir le public dans l'intégrité du
système judiciaire et favorise la compréhension de l'administra-
tion de la justice.
Cette décision a été rendue dans le cadre d'une
procédure judiciaire. L'audience de révision des
motifs de la détention en l'espèce met en cause un
organisme statutaire exerçant ses fonctions, dont il
faut établir si elles sont de nature judiciaire ou
quasi judiciaire et par voie de conséquence, si elles
sont visées par le principe de l'accessibilité. Il
s'agit de savoir si le principe de la transparence
s'applique aux procédures de l'organisme en ques
tion. Le juge Dickson, tel était alors son titre, a
décidé dans l'arrêt Ministre du Revenu national c.
Coopers and Lybrand, [1979] R.C.S. 495, qu'on
pouvait déterminer qu'une procédure était judi-
ciaire ou quasi judiciaire si elle répondait à cer-
tains critères et, à la page 504, il a déclaré ce qui
suit:
(1) Les termes utilisés pour conférer la fonction ou le con-
texte général dans lequel cette fonction est exercée donnent-ils
à entendre que l'on envisage la tenue d'une audience avant
qu'une décision soit prise?
(2) La décision ou l'ordonnance porte-t-elle directement ou
indirectement atteinte aux droits et obligations de quelqu'un?
(3) S'agit-il d'une procédure contradictoire?
(4) S'agit-il d'une obligation d'appliquer les règles de fond à
plusieurs cas individuels plutôt que, par exemple, de l'obligation
d'appliquer une politique sociale et économique au sens large?
Je suis convaincu que les exigences des critères
susmentionnés ont été satisfaites dans l'affaire en
litige et qu'il est tout à fait raisonnable d'étendre
la portée du principe de l'accessibilité du public
aux mesures prises par les responsables des déci-
sions en question. Après tout, les tribunaux créés
par la loi et qui exercent des fonctions judiciaires
ou quasi judiciaires donnant lieu à des procédures
contradictoires qui entraînent des décisions quant
aux droits des parties, participent vraiment à «l'ad-
ministration de la justice». Le crédit accordé à ces
tribunaux exige qu'on ait confiance dans leur inté-
grité et qu'on comprenne leur mode de fonctionne-
ment, ce qui ne saurait s'accomplir que dans la
mesure où le public aura accès à leurs séances.
À mon avis, les requérants ont un droit d'accès
prima facie aux procédures de révision des motifs
de la détention concernée. Ce droit, comme d'ail-
leurs tous les droits, n'est pas absolu. Il s'ensuit
donc que sa portée peut être restreinte lorsqu'il
entre en concurrence avec d'autres droits ou inté-
rêts opposés. À titre d'exemple, et dans le cadre
d'une procédure de révision des motifs de la déten-
tion d'un particulier, un droit antagonique pourrait
être le droit qu'a un migrant, en vertu de l'article
7, à la liberté et à la sécurité de sa personne, droit
susceptible d'être compromis par la publication de
renseignements sur son identité. À titre d'exemple
complémentaire, l'intérêt du public dans la sécu-
rité nationale pourrait, dans certains cas, consti-
tuer conformément à l'article 1 une limite raison-
nable au caractère public des audiences [à titre
d'exemple, l'article 119 de la Loi sur l'immigra-
tion de 1976 qui prévoit une restriction à la divul-
gation au public des éléments de preuve en matière
de sécurité ou de criminalité soumis par le Minis-
tre et le solliciteur général.]
Compte tenu de ce qui précède, des ordonnances
de prohibition et de mandamus seront accordées.
Il est interdit aux arbitres de procéder aux audien
ces de révision des motifs de la détention concernée
en l'absence des requérants, sauf si, dans un cas
donné, leur droit d'accès est restreint ou écarté en
raison d'autres droits ou intérêts concurrents;
enfin, si des objections à l'accès du public sont
soulevées, les requérants auront la possibilité de
présenter leurs observations sur ce point.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.