T-273-83
P. Lynn Suche (demanderesse)
c.
La Reine, représentée par le ministère des Trans
ports (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: SUCHE c. CANADA (MINISTÈRE DES TRANS
PORTS)
Division de première instance, juge McNair—Cal-
gary, 9, 10 et 11 décembre 1986; Ottawa, 8 avril
1987.
Déclaration des droits — Égalité devant la loi — Action en
dommages-intérêts à la suite de blessures subies en tombant
sur la glace sur une propriété de la Couronne — L'avis de
réclamation n'a pas été donné dans le délai de sept jours
prescrit par l'art. 4(4) de la Loi sur la responsabilité de la
Couronne — De telles réclamations sont tout à fait irreceva-
bles selon l'art. 4(4) et (5) à moins que les réclamants ne se
soient conformés strictement à l'avis prescrit — Lorsque les
blessures ne sont pas dues à la neige ou à la glace, le tribunal
a le pouvoir d'excuser le réclamant de l'avis légal si la
Couronne n'en a pas subi de préjudice et si l'irrecevabilité du
recours n'équivaut pas à une injustice — La distinction fondée
sur la cause de la blessure est arbitraire, fantaisiste et si
injustement discriminatoire qu'elle viole l'art. lb) de la Décla-
ration canadienne des droits — Loi sur la responsabilité de la
Couronne, S.R.C. 1970, chap. C-38, art. 3(1)b), 4(4),(5) —
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III,
art. I b).
Couronne — Responsabilité délictuelle — La demanderesse
s'est infligée une blessure en tombant sur la glace à un
aéroport — La plaque de glace constituait un «danger inhabi-
tuel» au sens de la règle établie dans l'arrêt Indermaur v.
Dames — La personne qui invite doit prendre les mesures
nécessaires pour découvrir et éliminer les risques que révélerait
une inspection normale des lieux — La défenderesse n'a pas
exercé une diligence raisonnable pour éviter qu'un danger
inhabituel qu'elle aurait dû connaître ne cause préjudice à la
demanderesse — La plaque de glace s'est formée sur une
période de plusieurs heures — Les conditions atmosphériques
qui régnaient auraient dû sensibiliser la défenderesse au risque
de fuites pouvant se produire dans la canalisation de la
marquise — La défenderesse n'a pas prouvé l'existence d'une
faute partagée — Jugement rendu en faveur de la demande-
resse — L'Occupiers' Liability Act de la province d'Alberta ne
lie que la Couronne provinciale — Occupiers' Liability Act,
R.S.A. 1980, chap. O-3.
Il s'agit d'une action en dommages-intérêts à la suite d'une
blessure que la demanderesse s'est infligée à un genou en
glissant et en tombant sur une plaque de glace à l'entrée de
l'aérogare de l'Aéroport international de Calgary. La GRC a
enquêté sur l'accident et a informé la demanderesse qu'elle
ferait une déclaration d'accident. Le paragraphe 4(4) de la Loi
sur la responsabilité de la Couronne prévoit qu'on ne peut
exercer de recours contre la Couronne sauf si un avis écrit de la
réclamation et du préjudice subi est donné dans les sept jours
après que la réclamation a pris naissance. Le paragraphe 4(5)
excuse le réclamant de l'avis prescrit si le juge estime que la
Couronne n'en a pas subi de préjudice, sauf si la neige ou la
glace a causé le dommage. La demanderesse n'a pas signifié un
tel avis au fonctionnaire compétent du ministère des Transports
dans le délai de sept jours ni n'a jamais fait parvenir copie de
l'avis par courrier recommandé au sous-procureur général du
Canada. La question est de savoir si l'action de la demande-
resse est rendue irrecevable. La demanderesse a soutenu, entre
autres, que la fin de non-recevoir prévue par les paragraphes
4(4) et (5) de la Loi sur la responsabilité de la Couronne
lorsque les blessures sont causées par la neige ou la glace va à
l'encontre du droit à l'égalité devant la loi prévu à l'alinéa l b)
de la Déclaration canadienne des droits.
Jugement: la demanderesse devrait avoir gain de cause.
Le but du court délai pour donner l'avis légal est de permet-
tre à la Couronne de s'enquérir sans retard des conditions
(neige ou glace) au moment de l'accident et de ne pas subir de
préjudice par suite de l'insuffisance de l'avis.
Dans l'arrêt MacKay c. La Reine, la Cour a jugé que la
question à résoudre était celle de savoir si l'inégalité qui peut
être créée par la loi vis-à-vis d'une catégorie particulière est
arbitraire, fantaisiste ou superflue, ou si elle a un fondement
rationnel et acceptable en tant que dérogation nécessaire au
principe général de l'application universelle de la loi pour faire
face à des conditions particulières et atteindre un objectif social
nécessaire et souhaitable. Toutefois, dans l'arrêt Beauregard c.
Canada, la Cour suprême du Canada a statué que, une fois
qu'un tribunal a conclu que la loi contestée visait à réaliser un
objectif législatif fédéral régulier et que le Parlement n'établis-
sait pas de distinction injuste en traçant une certaine ligne entre
les juges qui étaient alors en fonction et ceux qui seraient
nommés à l'avenir, la jurisprudence relative à la Déclaration
canadienne des droits n'autorisait pas les tribunaux à être trop
critiques en examinant la ligne précise tracée par le Parlement.
On peut faire une distinction avec l'affaire Beauregard du fait
que l'objectif fédéral valable qu'il fallait mesurer à l'aune du
principe de l'égalité devant la loi prévu dans la Déclaration
canadienne des droits consistait à pourvoir à la rémunération
des juges, de sorte qu'une latitude raisonnable marquait la
poursuite de cet objectif, malgré l'apparence d'une certaine
distinction injuste. On peut retrouver directement l'origine
précise de la différence de traitement contestée en l'espèce dans
la distinction établie par le paragraphe 4(5) de la Loi sur la
responsabilité de la Couronne entre les réclamants dont les
blessures sont causées par la neige ou la glace dans des lieux
occupés par la Couronne et tous les autres réclamants des
actions contre la Couronne portant sur la responsabilité des
occupants, réclamants dont les blessures ne sont pas imputables
à la neige ou à la glace. Les réclamants de la dernière catégorie
peuvent être excusés, par le tribunal, de l'avis légal s'il peut être
prouvé que la Couronne n'en subirait pas préjudice dans sa
défense et qu'il serait injuste de prononcer l'irrecevabilité du
recours. Les réclamations découlant de blessures dues à la neige
ou à la glace sont tout à fait irrecevables à moins que les
réclamants ne se soient conformés strictement à l'avis de sept
jours prescrit par le paragraphe 4(4) de la Loi sur la responsa-
bilité de la Couronne. La distinction ainsi établie est arbitraire
et fantaisiste et si injustement discriminatoire qu'elle viole
l'alinéa lb) de la Déclaration canadienne des droits. Le droit
d'accès aux tribunaux représente un intérêt extrêmement
important pour une partie à un litige. Il est possible d'atteindre
la fin visée par les dispositions relatives à l'avis de réclamation
sans devoir prononcer l'irrecevabilité absolue du recours en cas
de blessures dues à la neige ou à la glace. L'exception prévue
dans le cas de la neige ou de la glace n'est pas fondée
rationnellement ni acceptable légitimement en vue de la réalisa-
tion d'un certain objectif social nécessaire et souhaitable. L'ex-
ception est inopérante au regard du principe de l'égalité de la
loi prévu par l'alinéa lb) de la Déclaration canadienne des
droits. L'action de la demanderesse n'est pas automatiquement
irrecevable par suite de l'absence de l'avis. La Couronne n'a pas
subi de préjudice car elle a été avisée rapidement. Il serait
injuste de prononcer l'irrecevabilité du recours.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Indermaur v. Dames (1866), 1 L.R.C.P. 274; MacKay c.
La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370; Smith v. Provincial
Motors Ltd. (1962), 32 D.L.R. (2d) 405 (C.S.N: E.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Stuckless c. La Reine (1975), 63 D.L.R. (3d) 345 (C.F.
lte inst.); Streng v. Winchester (Twp.) (1986), 43 M.V.R.
1; 11 C.P.C. (2d) 183; 37 C.C.L.T. 296 (H.C. Ont.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Beauregard c. Canada, [1986] 2 R.C.S. 56; (1987), 70
N.R. 1.
AVOCATS:
Harris N. Hanson pour la demanderesse.
Ian M. Donahoe pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Harris N. Hanson, Calgary, pour la demande-
resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
NOTE DE L'ARRÊTISTE
Le directeur général a décidé que les motifs du
jugement seraient publiés en version abrégée. Le
présent jugement est important car il établit que
l'avis de sept jours prescrit par la Loi sur la
responsabilité de la Couronne (S.R.C. 1970,
chap. C-38] dans le cas de blessures causées
par la neige ou la glace est si injustement discri-
minatoire qu'il viole l'alinéa lb) de la Déclaration
canadienne des droits (S.R.C. 1970, Appendice
Ill]. Le juge a statué que cette disposition était
inopérante en raison du principe de l'égalité
devant la loi. Les motifs du jugement portant sur
ce point sont exposés dans leur intégralité.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE McNAIR: La demanderesse a intenté
une action en dommages-intérêts à la suite d'une
grave blessure qu'elle s'est infligée à un genou en
glissant et en tombant lourdement sur une plaque
de glace à l'entrée de l'aérogare de l'Aéroport
international de Calgary, le 25 janvier 1982. La
seule question en litige a trait à la responsabilité. Il
a été convenu que le montant total des dommages-
intérêts s'élevait à 50 000 $, dont 25 000 $ pour les
dommages-intérêts spéciaux, y compris les frais
subrogés d'assurance-hospitalisation et la perte de
revenu, et 25 000 $ pour les dommages-intérêts
généraux. La défenderesse invoque l'Occupiers'
Liability Act, S.A. 1973, chap. 79 (maintenant
R.S.A. 1980, chap. O-3). La défenderesse nie
toute négligence de sa part et plaide la faute
partagée de la demanderesse. De son côté, la
demanderesse invoque également les paragraphes
4(4) et 4(5) de la Loi sur la responsabilité de la
Couronne, S.R.C. 1970, chap. C-38.
Dans la soirée du 25 janvier 1982, la demande-
resse s'est fait conduire à l'aéroport de Calgary par
son amie Susan Mann. La demanderesse retour-
nait chez elle à Vancouver et elle avait retenu une
place sur le vol d'Air Canada qui partait de Cal-
gary à 21 h. Les deux femmes sont arrivées à
l'aéroport vers 20h 15. Mme Mann a arrêté son
automobile au bord du trottoir juste au-delà de la
première porte d'entrée donnant accès au palier
d'embarquement de l'aérogare.
L'entrée est protégée par une marquise en forme
de V faite de verre, de métal et de béton, qui longe
tout le côté de l'aérogare. La marquise est dotée
d'une canalisation encastrée et chauffée pour faire
fondre les accumulations de neige et de glace. Il
s'agit d'un tuyau de métal creux et rectangulaire
longeant toute la partie inférieure de la marquise
et relié à d'autres tuyaux verticaux espacés et
dissimulés pour l'écoulement de l'eau.
La demanderesse est sortie de l'auto de son
amie, a pris sa valise sur le siège arrière et s'est
dirigée vers la première porte à sa gauche pour
entrer dans l'aérogare. En s'approchant, elle a
remarqué qu'il s'agissait d'une porte de sortie seu-
lement. La demanderesse a pivoté partiellement
pour se diriger vers la bonne porte d'entrée à sa
droite, et elle a alors soudainement glissé sur une
plaque de glace pour tomber lourdement sur le
trottoir. Elle s'est gravement tordu la jambe et le
genou droits dans sa chute et a ressenti une dou-
leur aigûe lorsque le ligament médian de son genou
s'est déchiré. Mme Mann est venue immédiate-
ment à l'aide de la demanderesse et, avant de la
quitter pour signaler l'accident, elle en a cherché la
cause et a remarqué que de l'eau dégouttait de la
base de métal de la marquise et tombait sur le
trottoir. Cela avait formé une aspérité entourée
d'une plaque de glace à l'endroit où la demande-
resse est tombée. Mme Mann est alors allée signa-
ler l'accident au préposé à la vente des billets d'Air
Canada le plus proche et, à l'aide d'un fauteuil
roulant fourni par le préposé, elle a pu emmener la
demanderesse à l'intérieur de l'aérogare. À ce
moment-là, la demanderesse souffrait déjà telle-
ment qu'elle a annulé sa réservation de vol. Une
agente de la GRC chargée de la sécurité, la gen
darme Debra Harrison, est arrivée sur les lieux
pour enquêter sur l'accident à la demande du
préposé de service du ministère des Transports,
dont le bureau est situé à l'étage supérieur de
l'aérogare. Celui-ci avait été informé de l'accident
par Air Canada. L'agente enquêteuse s'est enquise
des faits auprès de la demanderesse et de Mme
Mann et les a informées qu'elle ferait une déclara-
tion d'accident. Après que la demanderesse et
Mme Mann furent parties dans la voiture de cette
dernière pour l'hôpital le plus proche, la gendarme
Harrison est revenue de nouveau sur les lieux pour
vérifier la plaque de glace dans l'entrée. Elle a vu
que l'eau qui dégouttait de la marquise sur le
trottoir avait gelé et formait des bosses de glace.
La demanderesse a reçu des soins d'urgence à
l'hôpital Foothills et a passé des radiographies. On
a procédé à une opération corrective peu de jours
après dans un hôpital de Vancouver. La demande-
resse a dû garder le lit durant un certain temps à
cause de sa blessure, s'astreindre à un long régime
de physiothérapie, subir une deuxième opération,
se faire poser un appareil orthopédique à la jambe,
appareil qu'elle porte encore, et souffrir d'une
certaine invalidité résiduelle.
Le litige ne porte pas sur le montant des dom-
mages-intérêts, et je ne mentionne que brièvement
le passé médical de la victime en raison du rapport
qu'il peut avoir avec la question de savoir si un avis
suffisant a été donné au ministère des Transports
et au sous-procureur général du Canada. Ce
point-là est très contesté.
Les dispositions législatives concernant la ques
tion de la responsabilité des occupants sont l'alinéa
3(1)b) et les paragraphes 4(4) et 4(5) de la Loi sur
la responsabilité de la Couronne du gouvernement
fédéral et non pas l'Occupiers' Liability Act de la
province de l'Alberta. À mon avis, c'est seulement
la Couronne provinciale qui est liée par cette der-
nière loi en tant qu'occupant des lieux.
L'alinéa 3(1)b) de la Loi sur la responsabilité
de la Couronne est libellé ainsi:
3. (1) La Couronne est responsable des dommages dont elle
serait responsable, si elle était un particulier majeur et capable,
b) à l'égard d'un manquement au devoir afférent à la pro-
priété, l'occupation, la possession ou la garde d'un bien.
Les paragraphes 4(4) et 4(5) de la Loi prévoient
ce qui suit:
4....
(4) On ne peut exercer de recours contre la Couronne en
vertu de l'alinéa 3(1)b) sauf si, dans les sept jours après que la
réclamation a pris naissance, un avis écrit de la réclamation et
du préjudice subi
a) est signifié à un fonctionnaire compétent du ministère ou
de l'organisme qui gère le bien ou à l'employé du ministère
ou de l'organisme qui a la garde dudit bien, et
b) copie de l'avis est envoyée par courrier recommandé au
sous-procureur général du Canada.
(5) Au cas de décès de la victime, le défaut de donner l'avis
requis par le paragraphe (4) n'empêche pas d'exercer le
recours. Le défaut de donner cet avis ou l'insuffisance de l'avis
donné n'empêche pas l'exercice du recours (sauf si la neige ou
la glace a causé le dommage), si le tribunal ou le juge devant
lequel le recours est intenté estime, bien que l'on n'ait établi
aucune excuse raisonnable de l'absence ou de l'insuffisance de
l'avis, que la Couronne n'en a pas subi préjudice dans sa
défense et qu'il serait injuste de prononcer l'irrecevabilité du
recours.
Il ne fait aucun doute que la défenderesse est
l'occupant des installations de l'Aéroport interna
tional de Calgary et que le lien entre les parties est
celui qui unit la personne invitante à la personne
invitée. L'obligation à laquelle l'occupant est tenu
envers l'invité a été exposée il y a de nombreuses
années par le juge Willes dans l'arrêt Indermaur v.
Dames (1866), 1 L.R.C.P. 274, la page 288:
[TRADUCTION] ... nous considérons comme établi en droit que
ce dernier, en exerçant une diligence raisonnable pour assurer
sa propre sécurité, a le droit de s'attendre à ce que l'occupant
exerce également une diligence raisonnable pour prévenir un
préjudice occasionné par un danger exceptionnel qu'il connaît
ou devrait connaître; ...
La première question à régler est de savoir si
l'action de la demanderesse est rendue irrecevable
par le défaut de donner l'avis de sept jours men-
tionné aux paragraphes 4(4) et 4(5) de la Loi sur
la responsabilité de la Couronne ou par l'insuffi-
sance de l'avis donné.
L'avocat de la demanderesse a admis franche-
ment que sa cliente n'a pas signifié un tel avis au
fonctionnaire compétent du ministère des Trans
ports ni n'a fait parvenir copie de l'avis par cour-
rier recommandé au sous-procureur général du
Canada, dans le délai imparti de sept jours après
que sa réclamation a pris naissance le 25 janvier
1982. Il est également reconnu qu'aucun avis de
réclamation n'a jamais été envoyé par courrier
recommandé au sous-procureur général du
Canada.
Le ler mars 1982, la demanderesse a adressé une
lettre par courrier recommandé à Larry Legros,
gestionnaire général de l'aéroport, Transports
Canada, l'informant de son intention d'intenter
une poursuite judiciaire et exposant brièvement la
nature de ses blessures. Le 31 mars 1982, son
ancien procureur a envoyé une lettre par courrier
affranchi ordinaire à Transports Canada, à l'atten-
tion dudit gestionnaire. La lettre réitérait la
demande de sa cliente et faisait remarquer que le
ministère avait reçu un rapport complet de son
personnel et de l'agente de la GRC, et que la
Couronne n'avait pas subi de préjudice selon les
dispositions de la Loi en raison du défaut de
donner l'avis requis ou de l'insuffisance de l'avis
donné, même si la neige ou la glace a joué un rôle
dans les circonstances.
L'avocat de la défenderesse a soutenu catégori-
quement que, lorsque la glace a causé la blessure,
le défaut de donner un avis de réclamation ou
l'insuffisance de l'avis donné écarte tout recours
possible en raison du sens ordinaire des termes des
paragraphes 4(4) et 4(5). Ce moyen de défense est
soulevé, et la demanderesse doit franchir cet obsta
cle difficile avant que la question du «danger inha-
bituel» puisse être examinée et, à plus forte raison,
tranchée.
L'avocat de la demanderesse a riposté en allé-
guant, premièrement, que la blessure de la deman-
deresse n'a pas été causée par la glace mais plutôt
par une combinaison d'eau et de glace. Au sous-
alinéa (5)(iii) de la déclaration modifiée, il est
question de [TRADUCTION] «l'accumulation de la
glace due à l'égouttement de l'eau sur le trottoir en
question». Il ressort de la preuve que l'eau dégout-
tait à l'époque concernée, d'une fuite de la canali-
sation en métal de la marquise, eau que le gel avait
transformée en une aspérité et en une plaque de
glace à l'endroit où la demanderesse est tombée.
L'aspérité de glace était mouillée lorsque l'agente
de la GRC y a passé la main. La glace recouverte
d'eau constitue probablement un plus grand
danger que la glace nue et sèche pour la personne
qui ne se méfie pas. Néanmoins, il me semble que
la plaque de glace était encore de la glace, même si
elle était causée par l'eau qui dégouttait de la
marquise, et que ce serait simplement jouer sur les
mots que d'imputer la cause de l'accident à l'eau
seule ou à une combinaison d'eau et de glace. Je
conclus que la blessure en question a été causée
par la plaque de glace située dans l'entrée qui
mène au palier d'embarquement de l'aérogare. A
mon avis, la preuve vient appuyer cette conclusion.
Le plaidoyer de la demanderesse sur ce point doit
nécessairement être rejeté.
Même si la glace a causé la blessure, l'avocat de
la demanderesse soutient que le défaut de donner
l'avis écrit de sept jours n'est pas rédhibitoire. Il
allègue qu'en présence de dispositions législatives
susceptibles de deux interprétations, dont l'une
donnerait lieu à une injustice et pas l'autre, le
tribunal est tenu d'adopter l'interprétation qui évi-
tera l'injustice. L'interprétation raisonnable qu'il
invoque se fonde sur la tournure négative du para-
graphe 4(5) relativement à son effet prohibitif,
aussi bien que sur les termes généraux «[l]e défaut
de donner cet avis ou l'insuffisance de l'avis
donné». Il en résulterait que les termes généraux
devraient être interprétés selon leur sens ordinaire,
comme n'étant pas limités selon la règle ejusdem
generis à l'avis mentionné précisément au paragra-
phe 4(4). Je comprends difficilement cet argument
mais, indépendamment de cela, j'estime que la
règle dite ejusdem generis ne s'applique pas dans
les circonstances. Par conséquent, je me sens
obligé de rejeter l'argument de la demanderesse
sur ce point.
Enfin, l'avocat de la demanderesse souligne l'ob-
jet des deux paragraphes, ainsi que l'a énoncé le
juge Dubé dans la décision Stuckless c. La Reine
(1975), 63 D.L.R. (3d) 345 (C.F. it inst.). À mon
avis, le passage précis sur lequel il se fonde ne peut
pas être interprété séparément de ce qui le précède
immédiatement.
Dans l'affaire Stuckless, la demanderesse s'était
blessée au genou en glissant et en tombant sur la
piste glacée de débarquement en face de l'aérogare
après être descendue d'un avion. La surface glacée
avait été considérée comme un danger inhabituel
que la défenderesse aurait dû connaître et contre
lequel elle aurait dû prendre des précautions rai-
sonnables pour qu'il ne soit pas cause de blessures.
Air Canada avait donné un avis de réclamation à
la Couronne relativement aux dommages dont elle
pourrait être tenue responsable à la suite de l'acci-
dent, dans le délai et de la manière prévus au
paragraphe 4(4) de la Loi sur la responsabilité de
la Couronne, ce qui avait été considéré comme un
avis suffisant au nom de la demanderesse. Par
conséquent, l'exception prévue au paragraphe 4(5)
dans le cas de la neige ou de la glace n'a pas été
invoquée.
Le juge Dubé a fait la remarque suivante, aux
pages 346 et 347:
L'exception prévue au paragraphe (5) n'aide en rien la cause
de la demanderesse. Celle-ci prétend en effet que la glace a
causé sa blessure, soit l'exception à l'exception. A la lecture des
deux paragraphes à la lumière l'un de l'autre, je ne peux que
conclure que le défaut de donner l'avis requis dans les sept jours
empêche d'exercer le recours en dommages-intérêts pour bles-
sures causées par la neige ou par la glace. De ces deux
paragraphes se dégage aussi la raison de la brièveté du délai
accordé pour donner l'avis, qui est de permettre à la Couronne
de s'enquérir sans retard des conditions (neige et glace) au
moment de l'accident et de ne pas subir de «préjudice (par
suite) de l'absence ou de l'insuffisance de l'avis». [C'est moi qui
souligne.)
En faisant allusion à la possibilité pour la Cou-
ronne de «s'enquérir sans retard» dont il est ques
tion dans le passage souligné, l'avocat soutient que
le but du court délai pour donner l'avis légal a été
atteint par la déclaration d'accident présentée par
l'agente de la GRC, laquelle a permis à la Cou-
ronne de s'enquérir sans retard des conditions
(c'est-à-dire la plaque de glace) qui ont été la
cause immédiate des blessures de la demanderesse.
Je ne puis souscrire à cet argument. À mon avis,
les mots précis des deux paragraphes, interprétés
selon leur sens ordinaire et littéral dans le contexte
global de la Loi, sont clairs et non équivoques et ils
entraînent inévitablement la conclusion que le
défaut de donner un avis suffisant dans les sept
jours de l'accident empêche d'exercer un recours
en dommages-intérêts pour blessures causées par
la neige ou par la glace. La déclaration d'accident
n'est rien d'autre qu'un simple avis de l'accident et
est loin, me semble-t-il, de satisfaire à l'obligation
de donner avis écrit d'une réclamation contre la
Couronne et du préjudice subi, même selon l'inter-
prétation la plus large et la plus généreuse des
dispositions législatives concernées.
S'il y avait une autre interprétation plus raison-
nable à l'égard de la demanderesse et qui éviterait
ce qu'on dit être une injustice manifeste, je l'adop-
terais sans hésiter. Cependant, je ne vois aucune
autre interprétation de ce genre. À mon avis,
l'exception prévue dans le cas de la neige ou de la
glace au paragraphe 4(5) de la Loi sur la respon-
sabilité de la Couronne signifie que le recours visé
à ce paragraphe se prescrit par sept jours en raison
du délai pour donner avis, contrairement aux cas
où le préjudice est imputable à d'autres causes et
où il peut être, dans certaines circonstances, passé
outre à l'obligation de donner l'avis. Les juges ne
peuvent que s'efforcer d'interpréter équitablement
les termes clairs de la loi, sans pouvoir les reformu-
ler afin de les rendre conformes à ce qu'ils croient
juste et raisonnable.
Dans la deuxième édition de son ouvrage Cons
truction of Statutes, à la page 30, M. Driedger dit
ce qui suit:
[TRADUCTION] ... les pouvoirs du Parlement d'adopter même
ce qui pourrait être considéré comme une loi injuste sont
inattaquables pourvu que le libellé utilisé ne puisse prêter à
aucune autre interprétation. Lorsque le libellé d'une disposition
législative ne donne lieu qu'à une seule interprétation, on doit
lui donner effet, peu importe les conséquences.
Je passe maintenant à la dernière allégation de
la demanderesse relativement à la question de
savoir si sa dérogation à l'avis de sept jours est
rédhibitoire. Elle avance que les strictes disposi
tions relatives à la prescription légale prévues aux
paragraphes 4(4) et 4(5) de la Loi sur la respon-
sabilité de la Couronne en ce qui concerne les
réclamations pour blessures causées par la neige
ou par la glace vont à l'encontre de l'alinéa 1 b) de
la Déclaration canadienne des droits [S.R.C.
1970, Appendice III] et sont donc inopérantes.
L'avocat de la demanderesse cite les décisions
MacKay c. La Reine, [ 1980] 2 R.C.S. 370, et
Streng v. Winchester (Twp.) [(1986), 43 M.V.R.
1; 11 C.P.C. (2d) 183; 37 C.C.L.T. 296 (H.C.
Ont.)], à l'appui de son allégation. Il se réfère
notamment au paragraphe 3(1) de la Loi sur la
responsabilité de la Couronne, qui est libellé ainsi:
3. (1) La Couronne est responsable des dommages dont elle
serait responsable, si elle était un particulier majeur et capable,
b) à l'égard d'un manquement au devoir afférent à la pro-
priété, l'occupation, la possession ou la garde d'un bien.
L'alinéa l b) de la Déclaration canadienne des
droits prévoit ce qui suit:
1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de
l'homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont
existé et continueront à exister pour tout individu au Canada
quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa
religion ou son sexe:
b) le droit de l'individu à l'égalité devant la loi et à la
protection de la loi;
Dans l'arrêt MacKay c. La Reine, précité, la
Cour suprême du Canada a jugé que le procès d'un
militaire traduit en cour martiale sous les accusa
tions de possession et de trafic de stupéfiants ne va
pas à l'encontre du principe de l'égalité devant la
loi reconnu par l'alinéa 1 b) de la Déclaration
canadienne des droits. L'opinion du juge McIn-
tyre, à laquelle a souscrit le juge Dickson [tel était
alors son titre], est celle que l'on cite le plus
souvent lorsqu'il s'agit de savoir si une loi adoptée
par le Parlement dans l'exécution d'un «objectif
fédéral régulier» s'oppose à la notion d'égalité
exprimée à l'alinéa l b) de la Déclaration. Le juge
a formulé la question de la façon suivante, à la
page 406:
La question à résoudre dans chaque cas est celle de savoir si
l'inégalité qui peut être créée par la loi vis-à-vis d'une catégorie
particulière—ici les militaires—est arbitraire, fantaisiste ou
superflue, ou si elle a un fondement rationnel et acceptable en
tant que dérogation nécessaire au principe général de l'applica-
tion universelle de la loi pour faire face à des conditions
particulières et atteindre un objectif social nécessaire et
souhaitable.
Dans l'affaire Streng v. Winchester (Twp.), le
tribunal a appliqué le critère d'inégalité énoncé
dans l'arrêt MacKay pour invalider un délai de
prescription de trois mois prévu dans la Municipal
Act [R.S.O. 1980, chap. 302] pour le motif qu'il
allait à l'encontre du paragraphe 15 (1) de la
Charte [Charte canadienne des droits et libertés,
qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle
de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada,
1982, chap. 11 (R.-U.)].
L'avocat de la défenderesse soutient que la déci-
sion rendue récemment par la Cour suprême du
Canada dans Beauregard c. Canada, [1986] 2
R.C.S. 56; (1987), 70 N.R. 1, réduit à néant
l'allégation de la demanderesse portant sur l'éga-
lité et fondée sur l'alinéa 1b) de la Déclaration
canadienne des droits.
Beauregard c. Canada mettait en cause un juge.
L'intimé, un juge de la Cour supérieure du Québec
nommé le 24 juillet 1975, a contesté la constitu-
tionnalité de l'article 29.1 de la Loi sur les juges
[S.R.C. 1970, chap. J-1 et modifications]. Déposé
devant le Parlement le 17 février 1975, cet article
a été adopté le 20 décembre 1975 [S.C. 1974-
75-76, chap. 81, art. 100] . Le paragraphe 29.1(1)
prévoyait que les juges nommés avant le 17 février
1975 contribueraient un et demi pour cent de leur
traitement au paiement des pensions, tandis que le
paragraphe 29.1(2) disposait que les juges nommés
après le 16 février 1975 y contribueraient, anté-
rieurement au 1e' janvier 1977, six et demi pour
cent de leur traitement et sept pour cent par la
suite. Avant l'adoption de l'article 29.1, les juges
des cours supérieures n'étaient pas tenus de contri-
buer à leur régime de pensions. L'intimé a contesté
deux points. Premièrement, il a allégué que l'arti-
cle 29.1 contrevenait à l'article 100 de la Loi
constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5] (mod.
par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1)]. Deuxièmement, il a soutenu que les
mots «avant le 17 février 1975» utilisés au paragra-
phe 29.1(1) de la Loi sur les juges et tout le
paragraphe 29.1(2) étaient inopérants car ils vio-
laient le droit à l'égalité devant la loi que lui
reconnaissait l'alinéa lb) de la Déclaration cana-
dienne des droits. Le tribunal a conclu que l'arti-
cle 29.1 de la Loi sur les juges ne violait pas
l'article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867.
L'intimé faisait valoir également que l'article
29.1 de la Loi sur les juges le traitait plus sévère-
ment que les autres juges de la Cour supérieure et
que le principe de «l'égalité devant la loi» prévu à
l'alinéa l b) de la Déclaration canadienne des
droits le protégeait de cette distinction injuste en
interdisant au législateur d'accorder à certains
juges un traitement en matière de pensions diffé-
rent de celui qui est réservé à d'autres juges. Ce à
quoi s'opposait l'intimé dans cette affaire, c'était
essentiellement la date limite rétroactive du 17
février 1975 choisie par le législateur et reflétée à
l'article 29.1 de la Loi sur les juges dans la mesure
où elle concernait un groupe assez restreint de
juges, dont il faisait partie, nommés après cette
date limite mais avant l'adoption du projet de loi
le 20 décembre 1975.
La Cour a statué que l'article 29.1 de la Loi sur
les juges ne violait pas l'alinéa l b) de la Déclara-
tion canadienne des droits pour le motif que, une
fois que l'on avait admis que l'esprit général de la
loi était compatible avec l'objectif fédéral régulier
qui consistait à pourvoir à la rémunération des
juges visés par l'article 96 et que le Parlement
n'établissait pas de distinction injuste en traçant
une certaine ligne entre les juges qui étaient alors
en fonction et ceux qui seraient nommés à l'avenir,
la jurisprudence relative à la Déclaration cana-
dienne des droits n'autorisait pas les tribunaux à
être trop critiques en examinant la ligne précise
tracée par le Parlement. Une certaine ligne était
juste et n'était pas discriminatoire. Le juge en chef
Dickson déclare ce qui suit, à la page 90, au nom
de la majorité:
Il se dégage de ce bref historique du droit à «l'égalité devant
la loi» reconnu par l'al. l b) de la Déclaration canadienne des
droits que la majorité en cette Cour ne s'est jamais montrée
disposée à réviser une loi contestée en fonction d'une norme
sévère qui exigerait du législateur fédéral qu'il apporte à la
rédaction législative le plus de soin et le plus de minutie
possible. Au contraire, la majorité a été toujours prête à se
demander si, de façon générale, la loi visait à atteindre un
objectif législatif fédéral régulier ou valable. Cette attitude a
été adoptée dans des affaires où il était question de distinctions
législatives fondées sur la race, le sexe et l'âge, ainsi que dans
des affaires mettant en cause des intérêts extrêmement impor-
tants de la personne invoquant le droit à l'égalité. Les extraits
de ces arrêts, que j'ai cités, révèlent que la Cour s'est préoccu-
pée du statut de simple texte législatif de la Déclaration
canadienne des droits et de la nature déclaratoire des droits
qu'elle confère. Or, je crois que le temps est révolu où il aurait
pu convenir de procéder à une réévaluation de ces préoccupa-
tions et de l'orientation que la Cour a adoptée dans l'interpréta-
tion de ce document.
Voilà la déclaration sur laquelle l'avocat de la
défenderesse appuie son second argument.
J'estime qu'on peut facilement faire une distinc
tion avec l'affaire Beauregard du fait que l'objectif
fédéral valable qu'il fallait mesurer à l'aune du
principe de l'égalité devant la loi prévu dans la
Déclaration canadienne des droits consistait à
pourvoir à la rémunération des juges, de sorte
qu'une latitude raisonnable marquait la poursuite
de cet objectif, malgré l'apparence d'une certaine
distinction injuste.
On peut retrouver directement l'origine précise
de la différence de traitement contestée en l'espèce
dans la distinction établie par le paragraphe 4(5)
de la Loi sur la responsabilité de la Couronne
entre les réclamants dont les blessures sont causées
par la neige ou la glace dans des lieux occupés par
la Couronne et tous les autres réclamants des
actions contre la Couronne portant sur la respon-
sabilité des occupants, réclamants dont les blessu-
res ne sont pas imputables à la neige ou à la glace.
Les réclamants qui entrent dans la dernière caté-
gorie peuvent être excusés, par le tribunal, de
l'absence ou de l'insuffisance de l'avis légal s'il
peut être prouvé que la Couronne n'en subirait pas
préjudice dans sa défense et qu'il serait injuste de
prononcer l'irrecevabilité du recours. Les récla-
mants dont les blessures sont dues à la neige ou à
la glace ne jouissent pas de cet avantage. En
dernière analyse, les recours de ces réclamants
contre la Couronne sont tout à fait irrecevables à
moins qu'ils ne se conforment strictement à l'avis
de sept jours prescrit par le paragraphe 4(4) de la
Loi sur la responsabilité de la Couronne.
À mon avis, la distinction ainsi établie est arbi-
traire et fantaisiste et si injustement discrimina-
toire qu'elle viole l'alinéa 1 b) de la Déclaration
canadienne des droits. Personne ne nierait que le
droit d'accès aux tribunaux représente un «intérêt
... extrêmement important» pour une partie à un
litige en tant que celle-ci est concernée. On a dit à
plusieurs reprises que les dispositions de la Loi
relatives à l'avis de réclamation visent à permettre
à la Couronne de s'enquérir sans retard des cir-
constances entourant une blessure qui donnera
vraisemblablement lieu à une réclamation. Il est
encore possible d'atteindre cette fin sans devoir
prononcer l'irrecevabilité du recours en cas de
blessures dues à la neige ou à la glace. Il s'ensuit
d'après moi que l'exception prévue dans le cas de
la neige ou de la glace n'est pas fondée rationnelle-
ment ni acceptable légitimement en vue de la
réalisation d'un certain objectif social nécessaire et
souhaitable. J'estime donc que l'exception est ino-
pérante au regard du principe de l'égalité devant la
loi prévu par l'alinéa l b) de la Déclaration cana-
dienne des droits. En conséquence, l'action de la
demanderesse n'est pas automatiquement irreceva-
ble par suite de l'absence ou de l'insuffisance de
l'avis.
L'avocat de la défenderesse a admis franche-
ment que le principe du préjudice porté à la Cou-
ronne ne s'appliquait pas en l'espèce, probable-
ment parce que la défenderesse a été avisée
rapidement de l'accident à l'origine de la réclama-
tion. Je n'ai aucune difficulté à passer outre à
l'autre condition du paragraphe 4(5) de la Loi sur
la responsabilité de la Couronne en concluant qu'il
serait injuste dans le présent cas de prononcer
l'irrecevabilité du recours.
NOTE DE L'ARRÊTISTE
Le juge a examiné la preuve quant au bien-
fondé de l'affaire. La première question était celle
de savoir si la plaque de glace constituait un
«danger inhabituel» au sens de la règle établie
dans l'arrêt Indermaur v. Dames. Le danger est
inhabituel s'il ne se présente habituellement pas
dans l'accomplissement de la tâche ou l'exercice
de la fonction dont est chargé l'invité. Il a été fait
référence à l'ouvrage de Fleming intitulé The Law
of Torts (6 8 éd.), dans lequel il est écrit que la
personne qui invite doit «prendre les mesures
nécessaires pour découvrir et éliminer les risques
que révélerait une inspection normale des lieux».
Le juge, en appliquant aux faits de l'espèce le
raisonnement exposé par le juge en chef Ilsley
dans l'affaire Smith v. Provincial Motors Ltd.
(1962), 32 D.L.R. (2d) 405 (C.S.N.-E.), a conclu
que la plaque de glace avait constitué un danger
inhabituel.
Quant à savoir si la défenderesse avait exercé
une diligence raisonnable pour éviter qu'un
danger inhabituel qu'elle aurait dû connaître ne
cause préjudice à la demanderesse, le juge
McNair a conclu que la plaque de glace s'était
formée sur une période de plusieurs heures mais
n'avait pas été découverte par les préposés de la
défenderesse. Les conditions atmosphériques
auraient dû sensibiliser la défenderesse au risque
de fuites pouvant se produire dans la canalisation
de la marquise. Les concierges auraient dû être
avertis de surveiller les fuites. Les inspections ont
été insuffisantes vu la nature du risque. La défen-
deresse n'a donc pas exercé une diligence
raisonnable.
La défenderesse n'a pas prouvé, ainsi qu'il lui
incombait, l'existence d'une faute partagée.
Par conséquent, jugement a été rendu en
faveur de la demanderesse relativement au mon-
tant convenu, à l'intérêt couru antérieurement au
jugement, et aux frais entre parties.
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