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T-1738-86
Playboy Enterprises Inc. (appelante)
c.
Michel «Mike» Germain (intimé)
RÉPERTORIÉ: PLAYBOY ENTERPRISES INC. C. GERMAIN
Division de première instance, juge Pinard— Ottawa, 18 juin et 9 juillet 1987.
Marques de commerce Radiation Défaut d'emploi Marque de commerce »Playboy Men's Hair Stylist» Cir- constances spéciales justifiant le défaut d'emploi La Charte de la langue française du Québec impose l'usage exclusif du français dans la publicité commerciale Pressions de la part de fonctionnaires municipaux pour que le français soit employé Il est contraire à l'ordre public de permettre que l'obéissance à la loi mette en danger la validité de la marque de commerce.
À la suite d'une demande présentée sur le fondement de l'article 44 visant à obtenir que l'intimé fournisse une preuve de l'utilisation de la marque de commerce «Playboy Men's Hair Stylist», le président de la Commission des oppositions a statué que cette marque n'avait pas été employée pendant les trois années qui ont précédé la date à laquelle l'intimé avait reçu l'avis du registraire. Il a également décidé que des circonstances spéciales expliquaient et justifiaient le défaut d'emploi de la marque de commerce et que celle-ci ne devait pas être radiée du registre. Il s'agit en l'espèce de l'appel formé contre cette décision.
Jugement: l'appel doit être rejeté.
Des circonstances spéciales ont justifié le défaut d'emploi par l'intimé de sa marque de commerce. En raison de l'existence de la Charte de la langue française, les fonctionnaires de la ville de Hull ont exercé des pressions pour forcer l'intimé à adopter une version française de sa marque de commerce. Des forces extérieures ont donc joué à l'égard de l'intimé au sujet de l'emploi de sa marque de commerce et de son adoption d'une version française de celle-ci en ce qui concerne l'exploitation de son salon de coiffure.
Il serait contraire à l'ordre public, compte tenu des circons- tances de l'espèce, de permettre que l'obéissance à la loi mette en danger la validité d'une marque de commerce. Il est égale- ment évident que l'intimé a toujours eu l'intention d'employer la marque de commerce, comme en fait foi l'utilisation du mot clé «Playboy» dans la traduction française de sa marque.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte de la langue française, L.R.Q. 1977, chap. C-11, art. 58.
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10, art. 2, 4(2), 44 (mod. par S.C. 1984, chap. 40, art. 70).
Règlement sur la langue de commerce et des affaires, chap. C-11, r. 9, art: 16b).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Registraire des marques de commerce c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 488 (C.A.F.); Labatt (John) Ltd. v. The Cotton Club Bottling Co. (1976), 25 C.P.R. (2d) 115 (C.F. inst.).
AVOCATS:
Nicholas H. Fyfe, c.r. et Donald F. Phenix
pour l'appelante.
Macey Schwartz pour l'intimé.
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour l'appelante. Macey Schwartz pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE PINARD: Appel est interjeté par l'appe- lante Playboy Enterprises Inc. d'une décision pro- noncée le 30 mai 1986 au nom du registraire des marques de commerce, conformément à l'article 44 de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10 [mod. par S.C. 1984, chap. 40, art. 70], par laquelle le président de la Commis sion des oppositions a statué que la marque de commerce «Playboy Men's Hair Stylist» ne devait être ni modifiée ni radiée.
L'intimé est, depuis le 14 décembre 1979, le propriétaire inscrit au Canada de la marque de commerce «Playboy Men's Hair Stylist» enregis- trée sous le numéro 238 157 et employée en liaison avec des services définis comme «un salon de coif fure pour hommes». À la demande de l'appelante, le registraire des marques de commerce a, le 30 janvier 1985, signifié à l'intimé l'avis prévu à l'article 44 de la Loi sur les marques de com merce. L'intimé a répondu à cet avis en fournissant un affidavit daté du 30 avril 1985. Une audience a suivi la réception dudit affidavit, audience à laquelle les deux parties étaient représentées.
Se fondant sur les éléments de preuve contenus dans l'affidavit de l'intimé, le président de la Com mission des oppositions a statué au nom du regis- traire que ledit intimé avait prouvé qu'il avait employé sa marque de commerce «Playboy Men's Hair Stylist» au Canada avant la fin de 1980; mais
il a jugé que tel n'était pas le cas pour la période comprise entre 1981 et le 30 janvier 1985, date de l'avis donné conformément à l'article 44.
Il a en outre décidé en se fondant sur les mêmes éléments de preuve que des circonstances inhabi- tuelles, peu courantes ou exceptionnelles avaient empêché l'intimé d'employer sa marque de com merce déposée, que ces circonstances spéciales jus- tifiaient le défaut d'emploi de ladite marque et que l'enregistrement 238 157 ne devait donc pas être radié du registre.
L'appelante affirme que, tant au point de vue des faits que du droit, le président de la Commis sion des oppositions a eu tort de conclure que les circonstances décrites par l'intimé dans son affida vit constituaient des circonstances spéciales qui justifiaient le défaut d'emploi par le titulaire de l'enregistrement de sa marque de commerce dépo- sée «Playboy Men's Hair Stylist», pour la période allant de 1981 au 30 janvier 1985. Elle prétend, par conséquent, que [TRADUCTION] «le registraire a commis une erreur en n'ordonnant pas la radia tion de l'enregistrement de la marque de com merce "Playboy Men's Hair Stylist" portant le numéro 238 157». C'est pourquoi elle demande à la Cour d'accueillir le présent appel et d'ordonner que l'enregistrement de la marque «Playboy Men's Hair Stylist» portant le 238 157 soit radié du registre des marques de commerce.
En réponse à l'avis d'appel, l'intimé prétend pour l'essentiel qu'étant donné les éléments de preuve figurant dans son affidavit du 30 avril 1985, le président de la Commission des opposi- tions a eu raison de conclure à l'existence de circonstances spéciales qui justifiaient le défaut d'emploi de sa marque de commerce par le titu- laire de l'enregistrement à la date de l'avis donné conformément à l'article 44. Outre cet affidavit, on m'a soumis lors de l'appel un autre affidavit de l'intimé en date du 25 septembre 1986. Invoquant les éléments de preuve contenus dans ce dernier affidavit, l'intimé affirme que. depuis le mois de mai 1985, il a pris les mesures nécessaires pour que les mots anglais «Men's Hair Stylist» et «Play- boy» ainsi que l'expression française «coiffure pour hommes» figurent dans toute la publicité faite relativement à «un salon de coiffure pour hommes» situé au 33, boulevard Gamelin, Hull (Québec); il déclare également que la Commission de protec-
tion de la langue française du gouvernement du Québec lui a intimé au cours de l'été 1986 de ne pas utiliser de mots anglais; il invoque enfin dans cet affidavit l'article 58 du chapitre VII de la Charte de la langue française, qui est une loi de la province de Québec (Lois refondues du Québec, 1977, chap. C-11), de même que l'alinéa 16b) du Règlement sur la langue du commerce et des affaires [chap. C-11, r. 9] adopté en vertu de divers articles dudit chapitre VII de la Charte. Ces dispositions [telles qu'invoquées] portent:
Art. 58
Sous réserve des exceptions prévues par la loi ou par les règlements de l'Office de la langue française, l'affichage public et la publicité commerciale se font uniquement dans la langue officielle.
N.B. L'article 1 porte que le français est la langue officielle du Québec.
16. Peuvent apparaître uniquement en une ou plusieurs autres langues que le français dans l'affichage public et la publicité commerciale ainsi que dans les inscriptions relatives à un produit, et dans tout autre document;
b) une marque de commerce reconnue au sens de la Loi sur les marques de commerce (S.R.C., 1970, chap. T-10) avant le 26 août 1977;
Par conséquent, le seul point litigieux en l'espèce consiste à déterminer si le titulaire de l'enregistre- ment (l'intimé) a satisfait aux exigences de l'arti- cle 44 de la Loi sur les marques de commerce et a prouvé l'existence de circonstances spéciales justi- fiant le défaut d'emploi de la marque de commerce «Playboy Men's Hair Stylist» depuis 1981.
Voici les dispositions pertinentes de la Loi sur les marques de commerce:
2. Dans la présente loi
«emploi» ou «usage», à l'égard d'une marque de commerce signifie tout emploi qui, selon l'article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services;
4....
(2) Une marque de commerce est censée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécu- tion ou l'annonce de ces services.
44. (1) Le registraire peut, à tout moment, et doit, sur la demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l'enregistrement, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu'il ne voie une raison valable à l'effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant
de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration statutaire indiquant, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce est employée au Canada et, dans la négative, la date elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.
(2) Le registraire ne doit recevoir aucune preuve autre que cet affidavit ou cette déclaration statutaire, mais il peut enten- dre des représentations faites par ou pour le propriétaire inscrit de la marque de commerce, ou par ou pour la personne à la demande de qui l'avis a été donné.
(3) Lorsqu'il apparaît au registraire, en raison de la preuve à lui fournie ou de l'omission de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l'égard de la totalité des marchan- dises ou services spécifiés dans l'enregistrement, soit à l'égard de l'une quelconque de ces marchandises ou de l'un quelconque de ces services, n'est pas employée au Canada, et que le défaut d'emploi n'a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l'enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou modification en conséquence.
4) Lorsque le registraire en arrive à une décision sur la question de savoir s'il y a lieu ou non de radier ou de modifier l'enregistrement de la marque de commerce, il doit notifier sa décision, avec les motifs pertinents, au propriétaire inscrit de la marque de commerce et à la personne à la demande de qui l'avis a été donné.
(5) Le registraire doit agir en conformité de sa décision si aucun appel n'en est interjeté dans le délai prévu par la présente loi ou, si un appel est interjeté, il doit agir en confor- mité du jugement définitif rendu dans cet appel.
Il y a lieu de rappeler à ce stade-ci que c'est le défaut d'emploi avant que le propriétaire reçoive l'avis prévu à l'article 44 qu'il faut justifier; dans l'affaire Registraire des marques de commerce c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 488 (C.A.F.), le juge Pratte a dit aux pages 492 et 493:
Suivant l'article 44, lorsqu'il appert de la preuve fournie au registraire que la marque de commerce n'est pas employée, le registraire doit ordonner la radiation de l'enregistrement de cette marque à moins que la preuve ne révèle que le défaut d'emploi «a été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient» («due to special circumstances that excuse such absence of use»). La règle générale, c'est donc que le défaut d'emploi d'une marque est sanctionné par la radiation. Pour que l'on puisse faire exception à cette règle, il faut, suivant le paragraphe 44(3), que le défaut d'emploi soit attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient ou l'excusent. Au sujet de ce texte, remarquons d'abord que les circonstances dont il parle doivent justifier ou excuser le défaut d'emploi en ce sens qu'elles doivent permettre de conclure que, dans un cas particu- lier, le défaut d'emploi ne doit pas être «puni» par la radiation. Ces circonstances doivent être «spéciales» (voir John Labatt Ltd. c. The Cotton Club Bottling Co. (1976), 25 C.P.R. (2d) 115) car il doit s'agir de circonstances qui ne se retrouvent pas dans la majorité des cas de défaut d'emploi d'une marque. Enfin, ces circonstances spéciales qui justifient le défaut d'em- ploi doivent, suivant le paragraphe 44(3), être des circonstances
auxquelles le défaut d'emploi est attribuable. C'est dire que pour juger, dans un cas donné, si le défaut d'emploi doit être excusé, il faut s'interroger sur les motifs du défaut d'emploi et se demander si ces motifs sont tels qu'il faille faire exception à la règle générale suivant laquelle l'enregistrement d'une marque non employée doit être radié. J'ajoute enfin que le défaut d'emploi qui doit être ainsi justifié est le défaut d'emploi avant que le propriétaire ne reçoive l'avis du registraire.
Il semble en l'espèce que le président de la Commission des oppositions se soit fondé sur les
paragraphes 18 21 de l'affidavit de l'intimé en date du 30 avril 1985 pour conclure à l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'em- ploi de la marque de commerce «Playboy Men's Hair Stylist» depuis 1981. Voici le texte de la partie pertinente de sa décision:
[TRADUCTION] Après avoir examiné les éléments de preuve soumis par le titulaire de l'enregistrement, j'estime que ce dernier a prouvé qu'il avait employé au Canada sa marque de commerce PLAYBOY MEN'S HAIR STYLIST en liaison avec «un salon de coiffure pour hommes» et ce, avant la fin de 1980. Qui plus est, je ne considère pas que l'emploi des marques de commerce PLAYBOY POUR LUI ou PLAYBOY COIFFURE POUR HOMMES par le titulaire de l'enregistrement ou son usager inscrit constitue un emploi de la marque de commerce déposée PLAYBOY MEN'S HAIR STYLIST me permettant de conclure que ladite marque était employée le 30 janvier 1985, date de l'avis donné conformément à l'article 44. L'agent de marques du titulaire de l'enregistrement a cependant affirmé à l'audience que celui-ci invoque des circonstances spéciales pour justifier le défaut d'emploi de cette marque de commerce déposée, à la date dudit avis.
L'affidavit de Germain indique que le titulaire de l'enregistre- ment n'a pas employé sa marque de commerce déposée pendant une période d'un peu plus de trois ans en liaison avec les services précisés dans l'enregistrement. Je suis en outre con- vaincu qu'on peut qualifier d'inhabituelles, de peu courantes ou d'exceptionnelles les circonstances invoquées par M. Germain pour justifier le défaut d'emploi de la marque de commerce PLAYBOY MEN'S HAIR STYLIST en liaison avec «un salon de coiffure pour hommes», et conclure que ces circonstances sont attribuables à des forces extérieures indépendantes des actes intentionnels du titulaire de l'enregistrement. En particulier, la mauvaise interprétation des dispositions du projet de loi 101 de la Charte de la langue française par le titulaire de l'enregistre- ment et, ce qui est plus important encore, la pression exercée par les fonctionnaires de la ville de Hull pour forcer ledit titulaire à utiliser une version française de sa marque de commerce dans la publicité commerciale faite au sujet de cette marque au Québec tendent à faire ressortir les forces extérieu- res qui ont joué à l'égard du titulaire de l'enregistrement au sujet de l'emploi de sa marque de commerce PLAYBOY MEN'S HAIR STYLIST et de son adoption d'une version française de celle-ci en ce qui concerne l'exploitation d'un «salon de coiffure pour hommes» dans la province de Québec.
En concluant à l'existence de forces extérieures en l'espèce, je tiens compte du fait que le titulaire de l'enregistrement n'est pas une grande organisation ou compagnie qui aurait pu résis- ter à la pression exercée par les fonctionnaires municipaux.
Étant donné ce qui précède, je conclus à l'existence de circons- tances spéciales qui justifient le défaut d'emploi par le titulaire de l'enregistrement de sa marque de commerce déposée PLAY BOY MEN'S HAIR STYLIST à la date de l'avis donné conformé- ment à l'article 44 et que l'enregistrement doit donc être maintenu.
Je souscris à la conclusion du président de la Commission des oppositions suivant laquelle la pression exercée par les fonctionnaires de la ville de Hull pour forcer le titulaire de l'enregistrement à adopter une version française de sa marque de commerce, en raison de l'existence de la Charte de la langue française, «ten(d) à faire ressortir les forces extérieures qui ont joué à l'égard du titu- laire de l'enregistrement au sujet de l'emploi de sa marque de commerce PLAYBOY MEN'S HAIR STY LIST et de son adoption d'une version française de celle-ci en ce qui concerne l'exploitation d'un "salon de coiffure pour hommes" dans la province de Québec.» Cette conclusion repose entièrement sur les éléments de preuve contenus dans l'affidavit de l'intimé en date du 30 avril 1985 et elle justifie clairement le défaut d'emploi de la marque pen dant la période qui a précédé l'avis donné par le registraire conformément à l'article 44.
Qui plus est, cette conclusion est compatible avec le sens qui a été attribué par le juge Pratte à l'expression «circonstances spéciales» figurant au paragraphe 44(3) de la Loi sur les marques de commerce, dans l'affaire Harris Knitting Mills, précitée, il invoque, à la page 492, l'affaire Labatt (John) Ltd. c. The Cotton Club Bottling Co. (1976), 25 C.P.R. (2d) 115 (C.F. ire inst.). Le juge Cattanach a examiné précisément dans cette dernière affaire le sens qu'il faut attribuer à l'ex- pression «circonstances spéciales» et il a dit aux pages 123, 124 et 125:
Le mot «spéciales» qui figure dans la phrase de l'article 44(3) «que le défaut d'emploi n'a pas été attribuable à des circons- tances spéciales qui le justifient» est un adjectif qui qualifie le mot «circonstances», et le mot «spécial» pris comme adjectif est défini, dans le Shorter Oxford English Dictionary, édition, comme signifiant «d'une nature telle qu'il dépasse d'une cer- taine façon inhabituelle ou non courante; d'un caractère, d'une qualité ou d'un degré exceptionnels». En d'autres termes, des «circonstances spéciales» désignent des circonstances inhabituel- les, peu courantes ou exceptionnelles.
Le juge en chef Jackett a spécialement décidé dans l'affaire Noxzema (précitée) (Noxzema Chemical Co. of Canada Ltd. v. Sheran Manufacturing Ltd. et al., [1968] 2 R.C.É. 446; 55 C.P.R. 147) que l'article 44 de la Loi sur les marques de commerce ne constitue pas la procédure qui convient pour
déterminer si une marque de commerce a été abandonnée, et que cette procédure qui convient, lorsqu'on soulève la question de l'abandon, consiste en des procédures expresses de radiation.
Les observations du Lord juge Evershed (Aktiebolaget Manus v. R. J. Fullwood & Bland, Ltd. (1948), 66 R.P.C. 71 (C.A.) (relativement à une loi du R.-U.)) en ce qui concerne le sens des «circonstances spéciales» sont toutefois particulière- ment heureuses dans les circonstances du présent appel, parce que ce sont ces mots qu'on emploie à l'article 44(3) et, en disant cela, je ne perds pas de vue que ces mêmes termes figurent dans différentes lois qu'ont adoptées différents corps législatifs. Mais l'objet de ces deux lois est essentiellement le même et l'on doit, dans chaque cas, donner aux termes «circons- tances spéciales» la signification qui résulte de leur acception courante, et c'est ce qu'a fait Lord Evershed lorsqu'il a déclaré (et je le répète ici pour bien le mettre en relief):
[TRADUCTION] Il me semble, dans ce contexte (et sans vouloir donner de définition précise), que l'on doit considérer ces termes comme s'appliquant à des circonstances «spécia- les», en ce sens qu'elles sont particulières ou anormales et que ce sont des personnes qui se livrent à un commerce déterminé qui les connaissent à la suite de l'entrée en jeu de certaines forces extérieures, distinctes des actes volontaires de l'un quelconque des négociants dans ce commerce.
Enfin, il serait contraire à l'ordre public, compte tenu des circonstances de l'espèce, de permettre l'application stricte d'une loi pour mettre en danger la validité d'une marque de commerce. En fait, on savait fort bien à l'époque en cause que les dispositions applicables de la Charte de la langue française et du Règlement sur la langue du com merce et des affaires étaient contestées sur les plans juridique et constitutionnel devant les tribu- naux; nous savons maintenant que la Cour suprême du Canada devra se prononcer définitive- ment sur cette question. J'estime, par conséquent, que l'intimé a toujours eu l'intention d'employer la marque de commerce; le fait qu'il ait employé le mot clé «Playboy» dans la traduction française de sa marque indique clairement que telle était son intention.
Pour tous ces motifs, je souscris à la conclusion du président de la Commission des oppositions et c'est pourquoi l'appel formé contre sa décision doit être rejeté avec dépens.
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