T-565-84
Smith Kline & French Canada Ltd. (appelante)
c.
Registraire des marques de commerce (intimé)
RÉPERTORIÉ: SMITH KLINE & FRENCH CANADA LTD. C.
CANADA (REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE)
Division de première instance, juge Strayer—
Ottawa, 4 et 12 mars 1987.
Marques de commerce — Enregistrement — Appel interjeté
du refus du registraire d'enregistrer un «signe distinctif» con-
sistant en un film de couleur recouvrant le comprimé de
«Tagamet», soit la marque nominale employée par l'appelante
pour le cimétidine — L'appelante revendique le droit à l'em-
ploi exclusif du signe distinctif sous sa forme, sa couleur et
son enrobage particuliers — Il s'agit de déterminer si chacune
de ces caractéristiques constitue un élément acceptable d'un
signe distinctif — L'expression «signe distinctif» est définie
comme un «façonnement de marchandises ou de leurs conte-
nants» ou un «mode d'envelopper ou empaqueter des mar-
chandises» — Absence de précédents sur ce qui constitue un
«signe distinctif» au sens de la Loi — Il faut donner leur sens
ordinaire aux mots «envelopper» et «empaqueter», c.- il-d.
qu'ils visent l'emploi d'une enveloppe ou d'un contenant dis-
tincts qui ne font pas partie des marchandises elles-mêmes —
Le film enrobe la pilule et est indissociable de celle-ci — Il ne
constitue pas un «mode d'envelopper ou empaqueter des mar-
chandises» — Les comprimés se distinguent des capsules
renfermant des granules — Appel rejeté — Loi sur les mar-
ques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10, art. 2, 36(1), 56.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Smith Kline & French Inter -American Corporation v.
H.T. Chiefetz et al. (1964), 46 C.P.R. 86 (C.S. Qué.).
AVOCATS:
R. G. McClenahan, c.r. et Robert A. MacDo-
nald pour l'appelante.
D. Aylen, c.r. et R. Kelly pour l'intimé.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'appe-
lante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STRAYER: Appel est interjeté, confor-
mément à l'article 56 de la Loi sur les marques de
commerce [S.R.C. 1970, chap. T-10], d'une déci-
sion par laquelle le registraire des marques de
commerce a refusé, sur le fondement du paragra-
phe 36(1) de ladite Loi, l'enregistrement d'un
«signe distinctif». Le présent appel a été entendu en
même temps que l'appel T-567-84 [[1987] 2 C.F.
633] formé contre la décision du registraire des
marques de commerce de refuser l'enregistrement
d'une marque de commerce portant sur le même
produit de l'appelante.
L'appelante a déposé, le 10 décembre 1980, la
demande portant le numéro 462 697 afin d'enre-
gistrer un signe distinctif. Voici la description de
ce signe qui figure dans la demande après que
plusieurs modifications furent apportées en
réponse aux questions soulevées par l'examinateur:
[TRADUCTION] Le signe distinctif consiste en un film vert pâle
recouvrant un comprimé bi-convexe comme le montre le dessin
ligné quant à la couleur verte, joint à la demande. Un spécimen
du comprimé montrant les caractéristiques du signe distinctif
est joint à la demande. La requérante ne revendique pas la
forme du comprimé ni le film employé en liaison avec «des
substances et préparations pharmaceutiques sous forme de
comprimé contenant du cimétidine, pour le traitement et la
prophylaxie des troubles gastro-intestinaux», mais elle revendi-
que le droit à l'emploi exclusif dudit signe distinctif sous sa
forme, sa couleur et son enrobage particuliers, en ce qui a trait
seulement aux marchandises décrites plus haut dans le présent
paragraphe.
Dans une décision datée du 24 janvier 1984, le
registraire des marques de commerce a conclu
qu'un tel signe [TRADUCTION] «ne constitue pas
un signe distinctif suivant la définition qui est
donnée à l'article 2 de la Loi sur les marques de
commerce» et il a rejeté la demande. Il n'a malheu-
reusement pas motivé son rejet. On ne peut se
fonder que sur les diverses considérations soulevées
par l'examinateur, qu'il explique dans sa décision.
II semble que les principales considérations de
l'examinateur étaient les suivantes:
(1) La couleur appliquée comme film pour une
pilule ne constitue pas «un mode d'envelopper ou
empaqueter des marchandises» comme le prévoit
la définition de l'expression «signe distinctif» à
l'article 2 de la Loi sur les marques de
commerce.
(2) La requérante a invoqué une combinaison
de caractéristiques pour établir le signe distinctif
alors que la définition de l'expression «signe
distinctif» à l'article 2 exige qu'il s'agisse d'«un
façonnement de marchandises ou de leurs conte-
nants» ou d'«un mode d'envelopper ou empaque-
ter des marchandises», mais non les deux.
(3) Même s'il s'agissait d'un «signe distinctif»
au sens de la Loi, il ne serait pas enregistrable
parce que l'alinéa 13(1)b) de la Loi sur les
marques de commerce ne permet l'enregistre-
ment d'un tel signe que si son emploi exclusif
«n'a pas vraisemblablement pour effet de res-
treindre de façon déraisonnable le développe-
ment d'un art ou d'une industrie».
Les avocats ont reconnu que le troisième point ne
faisait pas l'objet du litige et je ne dois donc pas
me prononcer sur celui-ci.
Parmi les éléments de preuve pertinents qui
m'ont été soumis, il y a des affidavits établissant
que le comprimé en question s'appelle «Tagamet»,
soit la marque nominale employée par l'appelante
pour le cimétidine. Les comprimés sont enrobés
d'un mince film vert qui ne contient aucun des
ingrédients essentiels du comprimé mais sert à
distinguer ce produit d'autres produits pharmaceu-
tiques et [TRADUCTION] «constitue une enveloppe
ou un contenant pour une dose appropriée du
médicament». Le registraire a également été saisi
d'éléments de preuve relatifs au volume des ventes
de «Tagamet» de 1978 à 1980 et pendant une
période de six mois en 1977. Suivant ce dernier
affidavit, les ventes au Canada ont atteint environ
soixante-dix millions de dollars pendant cette
période de trois ans et demi. Des affidavits de
médecins et de pharmaciens ont également été
soumis au registraire pour démontrer le caractère
distinctif. Étant donné la décision que je me pro
pose de rendre sur la présente demande, il n'est pas
nécessaire que j'examine ces affidavits plus en
détail.
J'estime que je ne devrais pas modifier la con
clusion du registraire suivant laquelle l'objet de la
présente demande ne peut être visé par la défini-
tion de l'expression «signe distinctif» qui figure à
l'article 2 de la Loi sur les marques de commerce.
Il faut souligner que sous sa forme finale, la
description du signe dont l'enregistrement est
demandé porte que la requérante revendique son
emploi exclusif
... sous sa forme, sa couleur et son enrobage particuliers, en ce
qui a trait seulement aux marchandises décrites plus haut ...
c'est-à-dire que ces trois éléments font partie du
signe revendiqué.
Voici la définition de l'expression «signe distinc-
tif,, que l'on trouve à l'article 2 de la Loi:
2....
«signe distinctif» signifie
a) un façonnement de marchandises ou de leurs contenants,
ou
b) un mode d'envelopper ou empaqueter des marchandises,
dont la présentation est employée par une personne afin de
distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises qu'elle a
fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou les services
loués ou exécutés par elle, des marchandises que d'autres ont
fabriquées, vendues données à bail ou louées et des services
loués ou exécutés par d'autres;
Même si je ne suis pas convaincu qu'on devrait
interdire à un requérant de revendiquer comme
partie de son monopole les éléments décrits aux
alinéas a) et b) de la définition, je n'ai pas besoin
de me prononcer sur cette question en l'espèce.
Pour que sa demande soit accueillie, la requérante
doit établir que chacun des éléments du monopole
qu'elle cherche à obtenir constitue un élément
acceptable d'un «signe distinctif». Je suis incapable
de conclure que le film vert dont la pilule est
enrobée, qui est indissociable de celle-ci et con-
sommé en même temps qu'elle, peut être considéré
comme un «mode d'envelopper ou empaqueter» des
marchandises comme l'exige l'alinéa b) de la défi-
nition. Il semble exister peu de précédents sur ce
point, mais il ressort de l'examen de nombreuses
définitions des mots «envelopper» et «empaqueter»
tirées de dictionnaires qu'il faut leur donner leur
sens usuel ordinaire, c'est-à-dire qu'ils visent l'em-
ploi d'une enveloppe ou d'un contenant distincts
qui ne font pas partie des «marchandises» elles-
mêmes. La définition des mots «paquet» ou «colis»
à l'article 2, même si elle n'est pas directement
applicable ni exhaustive, est du moins compatible
avec cette interprétation du mot «empaqueter». J'ai
examiné la jurisprudence citée par l'appelante,
mais aucune des décisions semble trancher cette
question. Plusieurs d'entre elles concernent des
actions en passing off qui ne permettent pas de
déterminer ce qui constitue un «signe distinctif»
enregistrable au sens de la Loi. Plusieurs autres
portent sur des marques de commerce et ne sont
donc pas non plus pertinentes pour déterminer ce
qu'est un «signe distinctif» enregistrable. L'avocat
a cité l'affaire Smith Kline & French Inter -Ame-
rican Corporation v. H.T. Chiefetz et al. (1964),
46 C.P.R. 86 (C.S. Qué.), à la page 90 où le juge
St-Germain a accordé une injonction interdisant la
fabrication, la vente, etc., d'un produit pharmaceu-
tique qui y était décrit et était apparemment consi-
déré comme contrefaisant un «signe distinctif»
enregistré. Les produits en cause dans cette affaire
étaient des capsules qui, dans un cas, étaient
brunes à une extrémité et transparentes à l'autre,
et dans l'autre cas, vertes à une extrémité et
transparentes à l'autre. Je ne possède aucun autre
renseignement au sujet de l'enregistrement de ce
«signe distinctif». Il faut toutefois remarquer qu'il
s'agissait dans cette affaire d'une capsule renfer-
mant des granules multicolores. Je n'ai pas à
décider si ce «signe distinctif» a été enregistré
suivant les règles, mais il est fort possible qu'une
capsule, qui constitue une enveloppe distincte de
son contenu, soit considérée comme un «mode
d'envelopper ou empaqueter des marchandises»
dans le domaine pharmaceutique. Il ne s'agit pas
de ce genre de produit en l'espèce.
Je rejette par conséquent l'appel. J'ajouterai
seulement que le registraire n'a pas présenté sa
décision sous une forme très satisfaisante. Au lieu
de faire en détail l'historique de la demande, il
serait beaucoup plus juste pour les parties et utile
pour cette Cour entendant l'appel si le registraire
énonçait clairement les motifs de sa décision.
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