A-564-86
Société Radio-Canada (requérante)
C.
Conseil Radiotélévision du Syndicat canadien de
la Fonction publique, section locale 667, John F.
Creamer et Conseil canadien des relations du tra
vail (intimés)
RÉPERTORIÉ: SOCIÉTÉ RADIO-CANADA C. S.C.F.P.
Cour d'appel, juges Hugessen, MacGuigan et
Lacombe—Montréal, 30 avril; Ottawa, 19 mai
1987.
Relations du travail — Une plainte déposée conformément à
l'art. 97(1)d) du Code canadien du travail a été accueillie — Il
a été ordonné qu'un employé soit réintégré dans son emploi et
indemnisé pour la perte de rémunération qu'il avait subie —
Une demande fondée sur l'art. 28 est présentée à l'encontre de
la décision adjugeant des intérêts dans l'indemnité accordée
pour la perte de rémunération — L'art. 96.3c) du Code con-
fère-t-il au Conseil le droit d'adjuger des intérêts relativement
à la période précédant sa décision? — L'art. 96.3c) prévoit le
paiement d'une indemnité «ne dépassant pas le montant que
l'employeur aurait versé à titre de rémunération» — Sens du
terme anglais «compensation» — La construction résultant des
temps utilisés dans la version anglaise de la disposition en
cause indique que l'équivalence envisagée par le législateur
relativement à cette indemnité ne se limitait pas au passé mais
visait le présent — L'importance du pouvoir discrétionnaire
conféré au Conseil par l'art. 96.3c) appuie l'interprétation
selon laquelle l'équivalence envisagée est une équivalence au
sens plein du terme — Demande rejetée — Code canadien du
travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art. 96.3 (ajouté par S.C.
1977-78, chap. 27, art. 33; abrogé et remplacé par S.C. 1984,
chap. 39, art. 20), 97(1)d) (ajouté par S.C. 1977-78, chap. 27,
art. 34), 106.1 (ajouté, idem, art. 35), 121 (ajouté par S.C.
1972, chap. 18, art. 1), 189b),c) (ajouté, idem) — Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
Interprétation des lois — Art. 96.3c) du Code canadien du
travail — L'art. 96.3c) prévoit le paiement d'une indemnité «ne
dépassant pas le montant que l'employeur aurait versé à titre
de rémunération„ — Sens du terme anglais «compensation» —
La construction résultant des temps utilisés dans la version
anglaise de la disposition en cause indique que le législateur
n'avait pas l'intention de limiter au passé l'équivalence visée
par cette indemnité — La version française de la disposition en
question ne contient pas le terme «équivalent» — Il n'est pas
nécessaire d'avoir recours à l'approche tenant de la recherche
du plus grand commun diviseur pour résoudre la difficulté
soulevée par les différences entre les deux versions de cette
disposition — Ces deux versions ont le même sens — Loi sur
les langues officielles, S.R.C. 1970, chap. O-2, art. 8.
Il s'agit d'une demande fondée sur l'article 28 qui est présen-
tée à l'encontre de la décision du Conseil canadien des relations
du travail adjugeant des intérêts à l'intimé Creamer dans son
indemnité pour perte de rémunération. Le Conseil a accueilli
une plainte déposée par l'intimé contre son employeur confor-
mément à l'alinéa 97(1)d) du Code canadien du travail. Il a
ordonné que l'intimé soit réintégré dans son emploi antérieur et
indemnisé pour la perte de rémunération subie entre le moment
où la sanction disciplinaire a été imposée et la date de sa
réintégration. La question consiste à savoir si l'alinéa 96.3c) du
Code autorise le Conseil à adjuger des intérêts relativement à la
période précédant sa décision à un plaignant ayant eu gain de
cause. Cet alinéa prévoit le paiement d'une indemnité «ne
dépassant pas le montant que, selon le Conseil, l'employeur
aurait versé ... à titre de rémunération».
Arrêt: la demande devrait être rejetée.
Les termes clés de la version anglaise de l'alinéa 96.3c) sont
«compensation» et «equivalent». Bien que le mot «compensation»
se trouve entre autres défini comme la «rémunération versée
pour services rendus», sa signification principale est celle d'un
«dédommagement» ou d'une «réparation». Cette interprétation
est renforcée par la notion d'équivalence qui se trouve à l'alinéa
96.3c). L'indemnité accordée, dans la version anglaise de cet
alinéa, peut être «equivalent to» («équivalente à») la rémunéra-
tion qui aurait été versée par l'employeur n'eût été l'infraction.
La construction résultant des temps utilisés dans la version
anglaise de cette disposition («is equivalent», «that would have
been paid» («est équivalente», «que l'employeur aurait versé»))
porte à croire que l'équivalence à laquelle le législateur songeait
relativement à cette indemnité ne visait pas le passé mais le
présent, c.-à-d. non pas le montant d'argent nominal qui aurait
été payé dans le passé mais l'équivalent actuel de ce montant.
L'importance accordée par le Parlement au pouvoir discrétion-
naire subjectif du Conseil («le montant que, selon le Conseil,
l'employeur aurait versé») renforce l'interprétation voulant que
l'équivalence envisagée soit une équivalence au sens plein du
terme.
L'argument de la requérante fondé sur la version française de
l'alinéa 96.3c) est non fondé. La requérante a prétendu que, la
version française ne contenant ni le terme «équivalente» («equi-
valent») ni aucun autre terme ayant un tel sens, l'interprétation
la plus restreinte des deux versions devrait prévaloir. Une telle
difficulté serait normalement résolue à l'aide d'une approche
tenant de la recherche du plus grand commun diviseur. Il n'est
toutefois pas nécessaire d'adopter une telle approche puisque
ces deux versions ont la même signification: la version française
compense par l'utilisation d'un terme à plus large portée que le
terme anglais «compensation» l'absence d'une expression corres-
pondant au mot «equivalent» («équivalente»). Selon sa défini-
tion, le mot «indemnité» renvoie à la notion de «dommages»
d'une façon autre que ne le fait le terme anglais «compensa-
tion», sans que celui-ci ait pour autant un sens restreint en
anglais. L'utilisation du terme «équivalente» dans la version
française de l'alinéa 189c) du Code n'est d'aucun secours dans
l'interprétation de l'alinéa en cause.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Snively (Samuel John) et Can -Am Services & United
Truck Rental, Windsor (Ontario) (1985), 12 CLRBR
(NS) 97.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Re Westcoast Transmission Co. Ltd. and Majestic Wiley
Contractors Ltd. (1982), 139 D.L.R. (3d) 97
(C.A.C.-B.); Miller (Alan) et Chemins de fer nationaux
du Canada, [1980] 3 Can LRBR 377.
DÉCISION CITÉE:
Lewis c. Todd et McClure, [1980] 2 R.C.S. 694.
AVOCATS:
Danny J. Kaufer et T. Brady pour la
requérante.
Suzanne Handman pour le Conseil Radiotélé-
vision du Syndicat canadien de la Fonction
publique, section locale 667 et John F. Crea
mer, intimés.
Catherine Saint-Germain pour le Conseil
canadien des relations du travail, intimé.
PROCUREURS:
Heenan Blaikie, Montréal, pour la requé-
rante.
Trudel, Nadeau, Lesage, Cleary, Larivière &
Associés, Montréal, pour le Conseil Radioté-
lévision du Syndicat canadien de la Fonction
publique, section locale 667 et John F. Crea
mer, intimés.
Conseil canadien des relations du travail
pour son propre compte.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN: La demande fondée sur
l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970
(2e Supp.), chap. 10] en l'espèce soulève une
unique question d'interprétation législative, qui
peut s'énoncer brièvement: le Conseil canadien des
relations du travail («le Conseil») a-t-il le droit
d'adjuger des intérêts relativement à la période
précédant sa décision à un plaignant ayant eu gain
de cause dans le cadre d'une plainte déposée con-
formément à l'article 96.3 (aujourd'hui, l'article
91) de la Partie IV du Code canadien du travail
[S.R.C. 1970, chap. L-1 (ajouté par S.C. 1977-78,
chap. 27, art. 33)] («le Code»).
Le Conseil, dans une décision rendue le 28
octobre 1985, a accueilli une plainte déposée par
l'intimé Creamer conformément à l'alinéa 97(1)d)
[ajouté, idem, art. 34] de la Partie IV du Code. Le
Conseil a ordonné qu'il soit réintégré dans son
emploi antérieur et indemnisé pour la perte de
rémunération subie entre le moment où la sanction
disciplinaire a été imposée par son employeur et la
date de sa réintégration. Cette décision a été main-
tenue par cette Cour le 25 septembre 1986 (no de
greffe A-847-85) [encore inédite].
Le Conseil a indiqué qu'il demeurerait saisi de
l'affaire afin de trancher toute question pouvant se
poser relativement aux mesures de redressement
ordonnées. Ainsi, le 5 septembre 1986, le vice-pré-
sident du Conseil Eberle a tranché certaines ques
tions pendantes ayant trait à la décision du 28
octobre 1985. Le passage suivant de ses motifs de
décision est pertinent:
[TRADUCTION] Conformément à la politique du Conseil énon-
cée dans l'affaire John Samuel Snively (1985), une décision
non publiée du Conseil portant le numéro 527, j'ordonne que
des intérêts soient payés à M. Creamer selon la méthode dite
«simple et rapide» qui se trouve décrite dans cette décision. Si je
comprends bien, il recevrait, pour une période de 23 mois
s'étendant jusqu'au 6 novembre 1985, des intérêts au taux
privilégié de la Banque du Canada en vigueur le 1" janvier
1984 sur la moitié du montant de l'indemnité qui lui est due.
Considérant que les intérêts prémentionnés qui doivent être
payés font partie de la perte réelle de rémunération subie par
M. Creamer alors qu'il était tenu à l'écart de l'équipe, je suis
incapable d'accepter le point de vue du syndicat selon lequel je
devrais aller plus loin et ordonner à la SRC de payer des
intérêts additionnels sur le montant total de l'indemnité relati-
vement à la période s'étendant de la date de la réintégration de
M. Creamer au moment auquel le paiement de l'indemnité en
question sera réellement effectué.
L'article 96.3, que le Conseil interprétait, est
ainsi libellé:
96.3 Le Conseil qui a décidé conformément à l'article 96.2
qu'un employeur ou une personne agissant en son nom a
enfreint l'alinéa 97(1)d) peut, par ordonnance, enjoindre aux
personnes susmentionnées de se conformer audit alinéa; il peut
en outre, s'il y a lieu, enjoindre à l'employeur, par ordonnance,
de
a) permettre à tout employé lésé par l'infraction de reprendre
son travail;
b) réintégrer dans son emploi tout ancien employé lésé par
l'infraction;
c) verser à tout employé ou ancien employé lésé par l'infrac-
tion une indemnité ne dépassant pas le montant que, selon le
Conseil, l'employeur aurait versé à l'employé ou à l'ancien
employé à titre de rémunération, n'eût été l'infraction; et
d) d'annuler toute mesure disciplinaire prise à l'égard d'un
employé lésé par l'infraction et de payer à cet employé une
indemnité ne dépassant pas la somme qui, à son avis, est
équivalente à toute peine pécuniaire ou autre imposée à
l'employé par l'employeur.
Dans l'affaire Miller (Alan) et Chemins de fer
nationaux du Canada, [1980] 3 Can LRBR 377, à
la page 381, la première affaire dans laquelle le
Conseil a dû trancher la question de savoir si des
intérêts pouvaient être adjugés en vertu de l'alinéa
96.3c), le Conseil est venu à la conclusion que de
tels intérêts ne pouvaient être accordés:
À mon avis, il n'est question à l'alinéa 96.3c) que de salaires ou
d'autres formes de rémunération normalement versées à l'em-
ployé par l'employeur pour services rendus ... La présente
affaire relève de l'alinéa 96.3c) et le Conseil ne doit accorder à
l'employé que la somme qu'il aurait gagnée s'il n'avait pas été
suspendu. Les mots «ne dépassant pas le montant» sont très
explicites et, à mon avis, interdisent le versement d'intérêts qui
constitueraient un montant additionnel et que, selon les circons-
tances, l'employé aurait pu ou non accumuler à la suite de sa
suspension ou de son congédiement.
Il faut souligner que la Partie IV du Code canadien du
travail ne contient pas de dispositions sur le mode de répara-
tion, comme on en a récemment adoptées pour la Partie V (art.
189). La question de savoir si les clauses de la Partie V sont
suffisamment générales pour s'appliquer à une demande d'inté-
rêts sur l'indemnité accordée reste à être tranchée par de futurs
panels du Conseil saisis de questions relevant de cette Partie.
Pour l'affaire qui nous concerne, et qui relève de la Partie IV,
les intérêts réclamés sont refusés pour les raisons susmention-
nées.
Toutefois, le Conseil a modifié sa façon de voir une
fois rendue la décision dans l'affaire Re Westcoast
Transmission Co. Ltd. and Majestic Wiley Con
tractors Ltd. (1982), 139 D.L.R. (3d) 97, dans
laquelle la Cour d'appel de la Colombie-Britanni-
que a conclu qu'un arbitre saisi de litiges commer-
ciaux était habilité à adjuger des intérêts de la
même manière que l'est une cour en vertu de la
Court Order Interest Act de la Colombie-Britanni-
que [R.S.B.C. 1979, chap. 76]. Subséquemment,
dans l'affaire Snively [Snively (Samuel John) et
Can -Am Services & United Truck Rental, Wind-
sor (Ontario) (1985), 12 CLRBR (NS) 97], le
Conseil a déclaré [à la page 107]:
La question de savoir si les intérêts s'ajoutent à la perte ou
s'ils en font partie a été traitée dans Re Westcoast Transmis
sion Co. Ltd. et Majestic Wiley Contractors Ltd. jugement
qui a fait suite à la décision rendue dans Alan Miller. A la p.
101 de cette décision, le juge Seaton a déclaré: «Le facteur
intérêts s'applique non à la perte ou aux frais ou à la répara-
tion, mais à une partie de ceux-ci, et les intérêts sont calculés
au moment où la décision est rendue.» (traduction; c'est nous
qui soulignons)
Ce raisonnement plaît au Conseil. L'article 96.3c) lui confère
le pouvoir d'ordonner un dédommagement. En l'espèce, il lui
faut déterminer quel est, selon lui, le montant du dédommage-
ment qui équivaudrait à la rémunération qu'aurait versée l'em-
ployeur. D'après le Conseil, si l'on en croit le raisonnement du
juge Seaton, ce dédommagement devrait correspondre au
salaire que M. Snively aurait touché, moins le montant qu'il a
gagné ailleurs, plus la prime de vacances et les intérêts sur ce
montant. Compte tenu des circonstances uniques de la présente
affaire, le Conseil est d'avis que l'employeur devrait, pour une
question d'équité, payer le montant total de la rémunération, y
compris les intérêts.
Les différentes parties ont cité de nombreuses
décisions et documents à l'appui de leurs préten-
tions concernant l'état et l'orientation du droit sur
cette question. Parmi les plus intéressants se situait
l'article de Dianne Saxe intitulé «Judicial Discre
tion in the Calculation of Prejudgment Interest»
(1986), 6 Advocates' Q. 433, dans lequel elle
concluait de la manière suivante, à la page 443:
[TRADUCTION] Dans la majorité des ressorts canadiens de
common law, les intérêts relatifs à la période précédant le
jugement ne constituent plus un privilège mais un droit. Les
tribunaux doivent à présent exercer le pouvoir discrétionnaire
qui leur est conféré relativement à l'adjudication de tels intérêts
pour ajuster les intérêts accordés à la perte réellement subie par
le demandeur ...
La plus grande partie de cette évolution du droit
procède toutefois de l'adoption de nouvelles dispo
sitions législatives visant l'intérêt dans les divers
ressorts. Le rôle de cette Cour, à mon sens, se
limite à l'interprétation de la disposition pertinente
du Code canadien du travail.
La requérante soutient que le libellé de la dispo
sition visée est clair: aucune somme d'argent
«dépassant» la rémunération de l'employé ne peut
être accordée; le terme anglais «remuneration»
(«rémunération») désigne un paiement effectué en
retour d'un service rendu; et le paiement d'intérêt
ordonné par le Conseil ne constitue pas une rému-
nération mais, ajouté à la somme de 10 027,95 $
représentant, selon la conclusion du Conseil, la
dernière rémunération de Creamer, il constitue
une somme en sus de cette rémunération.
J'accepte la définition du terme «remuneration»
(«rémunération»), donnée par la requérante, mais
je crois qu'elle ne l'aide pas beaucoup puisque,
selon moi, les termes clés de l'alinéa visé sont
«compensation» («indemnité») et «equivalent»
([TRADUCTION] «équivalente»). Le terme «com-
pensation» se trouve défini de la manière suivante
dans l'ouvrage Black's Law Dictionary, 5c éd.,
1979:
[TRADUCTION] Compensation. Indemnisation; paiement de
dommages-intérêts; dédommagement; réparation; remise
d'un équivalent ou d'un substitut d'égale valeur. Ce qui est
nécessaire pour replacer une partie ayant subi un préjudice
dans sa situation antérieure. Rémunération versée pour ser
vices rendus sous forme de salaire, d'honoraires ou de com
mission. Considération ou prix à verser pour acquérir un
privilège.
Il est vrai que ce terme a le sens restreint de
rémunération que voudrait lui attribuer la requé-
rante; sa signification principale est toutefois
plutôt celle d'un «dédommagement» ou d'une
«réparation».
Cette interprétation est renforcée, selon moi, par
la notion d'équivalence qui se trouve mentionnée
expressément dans l'alinéa soumis à notre examen.
L'indemnité accordée, dans la version anglaise de
cet alinéa, peut être «equivalent to» («équivalente
à») la rémunération qui aurait été versée par l'em-
ployeur n'eût été l'infraction. À mon sens, la cons
truction même résultant des temps utilisés dans la
version anglaise (is equivalent, that would have
been paid) («est équivalente, que l'employeur
aurait versé») porte à croire que l'équivalence à
laquelle le législateur songeait relativement à cette
indemnité ne visait pas le passé mais le présent,.
c'est-à-dire non pas le montant d'argent nominal
qui aurait été payé dans le passé mais l'équivalent
actuel de ce montant (is equivalent to) («est équi-
valente à»). L'importance accordée par le Parle-
ment au pouvoir discrétionnaire subjectif du Con-
seil («le montant que, selon le Conseil, l'employeur
aurait versé») renforce notre impression que le
législateur entendait que l'équivalence envisagée
soit une équivalence au sens plein du terme.
Tel était clairement la conclusion tirée par le
Conseil lorsqu'il a déclaré que «les intérêts pré-
mentionnés qui doivent être payés font partie de la
perte réelle de rémunération subie par M. Creamer
alors qu'il était tenu à l'écart de l'équipe». Certes,
il ressort des termes précités que le Conseil avait
puisé sa perception de la somme d'argent en ques
tion dans la formule même approuvée par le juge
Dickson (c'était alors son titre) au nom de la Cour
suprême du Canada dans l'arrêt Lewis c. Todd et
McClure, [1980] 2 R.C.S. 694, la page 717, qui
accordait un tel montant «non pas à titre d'intérêt,
mais comme partie de l'indemnité». Que cette
somme soit qualifiée d'intérêt ou considérée
comme faisant partie du montant adjugé, une telle
interprétation ne me semble pas incompatible avec
le sens évident des termes utilisés. Selon moi, une
telle interprétation respecte le sens évident de cet
alinéa.
Certes, les termes d'une loi doivent être interpré-
tés en fonction de l'ensemble de leur contexte. La
requérante soutient que le Conseil, sous le régime
de la Partie IV, ne possède pas des pouvoirs égaux
à ceux qui lui sont conférés sous le régime de la
Partie V, à l'article 121 [ajouté par S.C. 1972,
chap. 18, art. 1] et à l'alinéa 189b) [ajouté, idem].
Pour deux motifs, je ne considère toutefois pas
qu'il soit nécessaire d'énoncer ou d'examiner plus
avant ces dispositions. D'abord, l'origine et l'élabo-
ration de la Partie IV, qui traite de la sécurité de
l'employé, et de la Partie V, qui concerne les
relations industrielles, sont différentes, et un
manque de parallélisme entre ces deux parties
n'est pas, à tout le moins en l'espèce, important à
l'égard de leur interprétation. Deuxièmement, et
quoi qu'il en soit, en vertu de l'article 106.1 [ajouté
par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 35] de la Partie
IV, les pouvoirs, les droits et les privilèges accordés
aux membres du Conseil ailleurs dans la Loi sont
déclarés leur être également conférés sous le
régime de la Partie IV.
Le dernier argument présenté par la requérante
au sujet de l'interprétation de l'alinéa 96.3c) est
fondé sur le libellé de la version française de cet
alinéa. Pour des fins de commodité, je citerai cette
version parallèlement à la version anglaise:
96.3 Where, under section 96.3 Le Conseil qui a décidé con
96.2, the Board determines that formément à l'article 96.2 qu'un
an employer or a person acting employeur ou une personne agissant
on behalf of an employer en son nom a enfreint l'alinéa
has contravened paragraph 97(1)d) peut, par ordonnance,
97(1)(d), the Board may, by enjoindre aux personnes susmen-
order, require the employer or tionnées de se conformer audit
the person acting on behalf of alinéa; il peut en outre, s'il y a lieu,
an employer to comply with enjoindre à l'employeur, par ordon-
that paragraph and may, where nance, de
applicable, by order, require
the employer to ..
(c) pay to any employee or c) verser à tout employé ou ancien
former employee affected by employé lésé par l'infraction une
that contravention compen- indemnité ne dépassant pas le mon-
sation not exceeding such tant que, selon le Conseil, l'em-
sum as, in the opinion of the ployeur aurait versé à l'employé ou
Board, is equivalent to the à l'ancien employé à titre de rému-
remuneration that would, but nération, n'eût été l'infraction ...
for that contravention, have
been paid by the employer to
that employee or former
employee ....
L'on observera immédiatement que la version
française ne contient ni le terme «équivalente»
(«equivalent») ni aucun autre terme ayant un tel
sens. Celle-ci mentionne simplement un montant
«ne dépassant pas le montant que, selon le Conseil,
l'employeur aurait versé à l'employé».
Une telle difficulté pourrait faire entrer en jeu
l'article 8 de la Loi sur les langues officielles
[S.R.C. 1970, chap. O-2] et serait normalement
résolue à l'aide d'une approche tenant de la recher-
che du plus grand commun diviseur, ainsi que le
dit Rémi -Michael Beaupré dans l'ouvrage Inter-
prétation de la législation bilingue, 1986, la
page 7:
L'interprétation commune aux deux versions ... prévaudra
normalement tant qu'elle ne soulève pas d'objection lorsque la
disposition est lue dans le contexte général.
La requérante prétend donc que l'interprétation la
plus restreinte des deux versions devrait prévaloir.
Je ne considère pas qu'il soit nécessaire de déci-
der laquelle des deux versions devrait prévaloir
puisque je suis d'avis qu'elles signifient toutes deux
la même chose, la version française compensant
par l'utilisation d'un terme à portée plus large que
le terme anglais «compensation» l'absence d'une
expression correspondant au mot «equivalent»
(«équivalente»).
Le Petit Robert, 1977, définit le mot «indem-
nité» de la manière suivante:
INDEMNITÉ: Ce qui est attribué à qqn en réparation d'un
dommage, d'un préjudice. V. Compensation, dédommagement,
dommages-intérêts, récompense, réparation.
Ce terme renvoie donc à la notion de «dommages»
d'une façon autre que ne le fait le terme anglais
«compensation», sans que celui-ci ait pour autant
un sens restreint en anglais.
L'utilisation du terme «équivalente» dans la ver
sion française d'un texte comparable à l'alinéa
189c) [ajouté par S.C. 1972, chap. 18, art. 1],
dans la Partie V, si elle peut nous intriguer, ne
saurait, à mon sens, nous aider à interpréter l'ali-
néa de la Partie IV qui nous intéresse. La rédac-
tion des lois, au Canada, est très loin d'avoir
atteint une complète uniformité.
Ayant tranché la question de l'interprétation de
l'alinéa 96.3c), il n'est pas nécessaire que je traite
des arguments des parties s'appuyant sur une con
clusion contraire à celle que j'ai prise.
En conséquence, je rejetterais la demande et je
maintiendrais la décision du Conseil en date du 5
septembre 1986.
LE JUGE HUGESSEN: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE LACOMBE: Je souscris à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.