A-339-87
Harjit Singh Atwal (appelant)
c.
La Reine (intimée)
RÉPERTORIÉ: ATWAL c. CANADA
Cour d'appel, juges Mahoney, Hugessen et Mac-
Guigan—Ottawa, 24, 25, 26 juin et 12 août 1987.
Renseignement de sécurité — Le mandat décerné conformé-
ment à l'art. 21 de la Loi sur le SCRS ne doit pas obligatoire-
ment énoncer les conclusions du juge relativement à chacune
des conditions préalables à sa délivrance — Le mandat ne doit
pas obligatoirement préciser quelles sont les menaces envers la
sécurité du Canada — L'art. 21 de la Loi ne viole pas l'art. 8
de la Charte— Il est dans l'intérêt de la justice que l'affidavit
présenté à l'appui du mandat soit divulgué avec les suppres-
sions requises aux fins de la sécurité — Il ne doit être porté
atteinte au secret professionnel de l'avocat que dans la mesure
oit cela est absolument nécessaire — L'intérêt public dans
l'administration de la justice est indépendant des autres inté-
rêts publics — Il appartient au ministre, non à un juge,
d'invoquer la sécurité nationale sur le fondement de l'art. 36.1
de la Loi sur la preuve au Canada.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Fouilles, perquisitions, et saisies —
Un mandat d'écoute électronique et de perquisition a été
décerné conformément à l'art. 21 de la Loi sur le SCRS —
L'art. 21 de cette Loi respecte la prescription de l'arrêt Hunter
et autres c. Southam Inc. quant aux critères minimums établis
par l'art. 8 de la Charte relativement aux dispositions législa-
tives autorisant les fouilles, les perquisitions et les saisies —
Est objectif le critère selon lequel un juge doit être convaincu,
pour des motifs raisonnables et probables, que des menaces à
la sécurité du Canada existent et qu'un mandat est nécessaire
pour permettre la tenue d'une enquête à leur sujet.
Compétence de la Cour fédérale — Division d'appel
ppel est interjeté du refus d'un juge de la Cour fédérale
d'annuler un mandat d'écoute électronique et de perquisition
décerné conformément à l'art. 21 de la Loi sur le SCRS — La
Cour est compétente puisque l'appel n'est pas interjeté de la
délivrance de ce mandat mais de la décision finale de la
Division de première instance de refuser son annulation.
Juges et tribunaux — Qualité d'un juge de la Cour fédérale
désigné pour les fins de la Loi sur le Service canadien du
renseignement de sécurité — Ce juge est-il membre d'une
«Cour supérieure distincte» composée de juges désignés?
En juillet 1985, un juge de la Cour d'appel fédérale, agissant
en qualité de juge de la Cour fédérale désigné par le juge en
chef pour les fins de la Loi sur le Service canadien du rensei-
gnement de sécurité (Loi sur le SCRS), a décerné un mandat
d'écoute électronique et de perquisition à l'égard de l'appelant
conformément à l'article 21 de la Loi pour permettre la tenue
d'une enquête sur des menaces envers la sécurité du Canada.
L'appelant a subséquemment été accusé d'infractions criminel-
les en Colombie-Britannique. Pour empêcher que certaines des
communications interceptées ne soient présentées en preuve lors
de son procès, l'appelant a demandé au juge qui avait décerné
le mandat d'annuler l'ordonnance accordant sa délivrance. Le
présent appel est interjeté du rejet de cette demande
d'annulation.
Quatre questions sont soulevées: (1) l'intimée soutient que la
Cour n'est pas habilitée à entendre le présent appel puisqu'il ne
s'agit ni d'un appel expressément autorisé par la Loi sur le
SCRS ni d'un appel d'une décision de la Division de première
instance autorisé en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi sur la
Cour fédérale; (2) l'appelant prétend que le mandat est invalide
au motif qu'il ne satisfait pas aux exigences posées par l'article
21 de la Loi, ou (3) subsidiairement, que le mandat ainsi que
les dispositions habilitantes de la Loi violent l'article 8 de la
Charte; (4) finalement, l'appelant prétend que le juge de
première instance a commis une erreur en refusant de permet-
tre à l'appelant d'examiner l'affidavit sur le fondement duquel
le mandat a été décerné, ou une version de cet affidavit adaptée
aux fins d'un tel examen.
Arrêt (le juge Hugessen dissident en partie): l'appel ne
devrait être accueilli que de façon à permettre la production de
l'affidavit, adapté aux exigences de la sécurité.
Le juge Mahoney (avec l'appui du juge MacGuigan): Le
présent appel n'est pas interjeté de la délivrance du mandat de
perquisition mais du rejet d'une demande d'annulation fondée
sur la Règle 330, et il ne fait aucun doute que la Cour est
habilitée à instruire un appel ainsi formé à l'encontre d'une
ordonnance de la Division de première instance.
Un juge désigné pour les fins de la Loi sur SCRS qui exerce
les fonctions que celle-ci lui assigne agit à titre de juge de la
Cour fédérale plutôt qu'en qualité de persona designata puis-
que la délivrance d'un mandat constitue une fonction judiciaire
reconnue des juges de la Cour fédérale. Ce juge n'agit pas non
plus en qualité de membre d'une «Cour supérieure distincte»
composée des juges désignés. Bien que le Parlement aurait pu
constituer une telle Cour, rien dans la Loi n'indique une telle
intention de sa part. Et, compte tenu de la compétence de
première instance conférée à la Division de première instance
de la Cour fédérale, le refus d'annuler le mandat constituait un
jugement définitif de cette Division. Le fait que le juge qui a
décerné le mandat est un membre de la Cour d'appel n'est pas
pertinent puisque celui-ci est d'office membre de la Division de
première instance.
Le mandat respectait entièrement les exigences de l'article 21
de la Loi sur le SCRS. Bien que ce mandat n'ait pas énoncé
expressément que le juge considérait comme réalisée chacune
des conditions particulières préalables à sa délivrance, ce
mandat comportait une déclaration générale portant qu'il était
nécessaire, et une telle déclaration était suffisante. De la même
manière, le fait que le mandat ait omis de décrire les menaces
envisagées envers la sécurité du Canada autrement qu'en repre-
nant les termes de la Loi n'a pas eu pour conséquence de rendre
ce mandat invalide à sa seule lecture. Comme la Loi sur le
SCRS vise principalement à recueillir les informations permet-
tant de prévoir certains événements, les autorisations d'inter-
ception de communications privées fondées sur la Loi seront, en
pratique, plus difficilement précises à l'avance que les autorisa-
tions prévues au Code criminel.
Pourvu qu'un tel mandat satisfasse, comme celui en l'espèce,
à l'exigence qu'il ne soit porté atteinte au caractère confidentiel
des communications entre l'avocat et son client que dans la
mesure où cela est absolument nécessaire pour atteindre les
objectifs fixés par la Loi, le fait qu'une autorisation soit assez
large pour comprendre l'interception des communications pro-
tégées par le privilège du secret professionnel de l'avocat ne
rend pas le mandat invalide à sa seule lecture.
Ni l'article 21 de la Loi sur le SCRS ni le mandat ne portait
atteinte à l'article 8 de la Charte. Dire que l'article 8 s'applique
à l'interception et à l'enregistrement des conversations n'est pas
élargir le concept des fouilles, des perquisitions et des saisies
mais reconnaître que la technologie a modifié la manière dont
les fouilles, les perquisitions et les saisies peuvent être effec-
tuées et qu'elle a ajouté les communications verbales aux
éléments qui peuvent être saisis. Toutefois, l'alinéa 21(2)a) de
la Loi sur le SCRS a respecté entièrement, compte tenu des
adaptations de circonstance, la prescription de l'arrêt Hunter et
autres c. Southam Inc. quant aux critères minimums établis
par l'article 8 de la Charte relativement aux dispositions légis-
latives autorisant les fouilles, les perquisitions et les saisies. Le
juge doit être convaincu—comme il l'était dans la présente
espèce—pour des motifs raisonnables et probables fondés sur
des éléments de preuve fournis sous serment, que des menaces
envers la sécurité du Canada existent et qu'un mandat est
nécessaire pour permettre la tenue d'une enquête à ce sujet. Il
s'agit d'un critère objectif.
L'affidavit soumis à l'appui de la délivrance du mandat
devrait être produit dans une version adaptée aux exigences de
la sécurité. Normalement, lorsque des éléments de preuve
visant la perpétration d'une infraction ont été réunis contre une
personne en vertu de l'autorité conférée par un mandat de
perquisition, cette personne a le droit, avant que ces éléments
de preuve ne soient utilisés contre elle, de contester la validité
du mandat en alléguant l'insuffisance des pièces justificatives.
Ceci implique qu'elle ait accès à ce document.
La seule interdiction absolue prévue à la Loi sur le SCRS
vise la communication des informations à partir desquelles peut
être inférée l'identité d'un informateur ou d'un employé occupé
à des activités opérationnelles cachées. Rien dans la Loi n'inter-
dit expressément que la communication d'informations soit
ordonnée par la Cour. Si une telle communication ne doit pas se
faire, ce doit être parce qu'une des parties intéressées s'y oppose
de façon régulière, et non parce que la loi l'interdit. On doit
rechercher la plus grande responsabilité et la plus grande
accessibilité possible du pouvoir judiciaire au sein du système
de collecte des renseignements, sans que cela nuise pour autant
aux enquêtes relatives à des menaces véritables envers la sécu-
rité nationale.
L'intérêt du public dans l'administration de la justice doit
invariablement favoriser la transparence de toutes les procédu-
res judiciaires. Il s'agit d'un intérêt entièrement indépendant
des autres intérêts publics qui peuvent lui être opposés et, à
l'occasion, l'emporter sur lui. Il n'appartient toutefois pas au
juge d'invoquer l'intérêt de la sécurité nationale. Il incombe au
ministre intéressé de le faire en invoquant l'article 36.1 de la
Loi sur la preuve au Canada.
Le juge Hugessen (dissident en partie): L'argument soule-
vant l'absence de compétence de la Cour est mal fondé. Quelle
qu'ait pu être la qualité du juge lorsqu'il a décerné le mandat
initial en juillet 1985, lorsqu'il a siégé plus d'un an et demi plus
tard pour entendre la demande d'annulation de ce mandat, il
n'a pu le faire qu'à titre de juge de la Cour fédérale du Canada
exerçant la compétence qui lui est conférée en qualité de
membre d'office de la Division de première instance.
L'article 21 de la Loi sur le SCRS, qui a été adopté juste
avant que ne soit rendue la décision de la Cour suprême du
Canada dans l'affaire Hunter et autres c. Southam Inc., porte
atteinte à l'article 8 de la Charte. Comme les pouvoirs suscepti-
bles d'être accordés dans un mandat décerné en vertu de
l'article 21 sont vastes et portent atteinte à la vie privée au plus
haut point, la question qui se pose consiste à savoir où doit être
tracée la démarcation entre les attentes raisonnables des indivi-
dus de ne pas être importunés et la nécessité pour l'État de se
défendre. La règle-clé (énoncée par le juge en chef Dickson
dans l'arrêt Southam) est qu'il doit exister un critère objectif
servant de guide aux fonctionnaires judiciaires à qui est confiée
la responsabilité d'autoriser une immixtion dans la vie privée
d'un individu. L'article 21 de la Loi sur le SCRS exige que le
juge soit convaincu de l'existence des motifs raisonnables de
croire qu'un mandat est nécessaire pour permettre au Service
de faire enquête sur des menaces envers la sécurité du Canada.
Cette disposition ne prévoit aucune norme raisonnable qui
permettrait au juge de vérifier la nécessité d'un mandat. Rien
dans le libellé de la Loi n'exige l'existence d'un lien direct entre
les informations qu'on espère obtenir de la communication
interceptée et les menaces alléguées envers la sécurité du
Canada. Le libellé de la Loi est si large qu'il ne prévoit aucun
critère objectif. N'offrant pas les garanties appropriées, l'article
21 est incompatible avec l'article 8 de la Charte.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. l l (R.-U.),
art. 8, 10b).
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5] (mod. par la
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. I 1 (R.-U.),
annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, n° I ), art.
101.
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap.
10, art. 3, 4, 5(1) (mod. par S.C. 1985, chap. 38, art.
11), 26(1), 27(1), 28, 52b)(iii).
Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap. E-10,
art. 36.1 (ajouté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 1l1,
annexe III, art. 4), 36.2 (ajouté, idem).
Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité,
S.C. 1984, chap. 21, art. 2, 13, 18, 19, 21, 27, 28.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
330 (mod. par DORS/79-58, art. 1), 1204.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Société pour l'Avancement des droits en audiovisuel
(SADA) Ltée c. Collège Edouard-Montpetit, [1981] 2
C.F. 307 (C.A.); Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion c. Widmont, [1984] 2 C.F. 274 (C.A.); Herman et
autres c. Sous-procureur général du Canada, [1979] 1
R.C.S. 729; Re Donnelly and Acheson and the Queen
(1976), 29 C.C.C. (2d) 58 (C.S. Alb.); United States v.
U. S. District Court, 407 U.S. 297 (1972); Grabowski c.
La Reine, [1985] 2 R.C.S. 434; Descoteaux et autre c.
Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860; Hunter et autres c.
Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; Realty Renovations
Ltd. v. A.G. Alta., [1979] 1 W.W.R. 74 (C.S. Alb.);
Procureur général de la Nouvelle-Écosse et autre c.
Maclntyre, [ 1982] 1 R.C.S. 175; Wilson c. La Reine,
[1983] 2 R.C.S. 594.
DÉCISION ÉCARTÉE:
R. v. Taylor et al., jugement en date du 30 décembre
1983, Cour suprême de la Colombie-Britannique, non
publié.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Goldman et al. v. Hoffman-LaRoche Limited, jugement
en date du 4 juin 1987, Cour d'appel de l'Ontario, encore
inédit; R. v. Church of Scientology and Zaharia (1987),
18 O.A.C. 321; Re Herman et al. and Deputy Attorney -
General of Canada (1979), 26 O.R. (2d) 520 (C.A.);
Bergeron et autres c. Deschamps et autres, [1978] 1
R.C.S. 243; (1977), 33 C.C.C. (2d) 461; R. v. Dunbar
and Logan (1982), 68 C.C.C. (2d) 13 (C.A. Ont.);
Goguen c. Gibson, [1983] 2 C.F. 463 (C.A.); Gold c. R.,
[ 1986] 2 C.F. 129 (C.A.); International Business Machi
nes Corporation of Canada Limited and Xerox Corpora
tion (1977), 16 N.R. 355 (C.A.F.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Re Borden & Elliott and The Queen (1975), 30 C.C.C.
(2d) 337 (C.A. Ont.); R. v. Welsh and lannuzzi (N° 6)
(1977), 32 C.C.C. (2d) 363.
DÉCISIONS CITÉES:
R. v. Gill (1980), 56 C.C.C. (2d) 169 (C.A.C.-B.); R. v.
Volpe (1981), 63 C.C.C. (2d) 506 (C.A. Ont.); R. v.
Finlay and Grellette (1985), 23 C.C.C. (3d) 48 (C.A.
Ont.); Solosky c. La Reine, [ 1980] 1 R.C.S. 821.
DOCTRINE
Watt, David. Law of Electronic Surveillance in Canada,
Toronto: Carswell, 1979.
AVOCATS:
David Gibbons et Michael Code pour
l'appelant.
Michael R. Dambrot et James W. Leising
pour l'intimée.
Alexander Budlovsky pour le procureur géné-
ral de la Colombie-Britannique.
PROCUREURS:
Ruby & Edwardh, Toronto, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ministère du Procureur général de la Colom-
bie-Britannique pour le procureur général de
la Colombie-Britannique.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Il s'agit d'un appel d'une
décision d'un juge de la Cour fédérale du Canada
[[1987] 2 C.F. 309] désigné par le juge en chef
pour les fins de la Loi sur le Service canadien du
renseignement de sécurité, S.C. 1984, chap. 21,
ci-après appelée «la Loi». Ce juge, saisi d'une
demande présentée ex parte conformément au
paragraphe 21(1) de la Loi, a décerné un mandat
autorisant le Service canadien du renseignement
de sécurité, ci-après appelé «le Service», à intercep-
ter des communications ainsi qu'à rechercher et à
saisir des documents se rapportant à l'appelant. Ce
mandat a été décerné le 26 juillet 1985. Le 10
septembre 1986, l'appelant a été accusé d'avoir
participé à un complot pour commettre un meurtre
contrairement à l'alinéa 423(1)a) du Code crimi-
nel [S.R.C. 1970, chap. C-34]. La responsabilité
de cette poursuite est confiée à un avocat de la
Couronne nommé par le procureur général de la
Colombie-Britannique. L'avocat de la Couronne a
fourni une copie du mandat en question à l'appe-
lant et l'a informé qu'il avait pour objet de recueil-
lir des éléments de preuve qui seraient présentés au
procès. L'appelant a alors demandé l'annulation
du mandat conformément à la Règle 330 des
Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663
(mod. par DORS/79-58, art. 1)].
Règle 330. La Cour peut annuler
a) toute ordonnance rendue ex parte, ou
b) toute ordonnance rendue en l'absence d'une partie qui a
omis de comparaître par suite d'un événement fortuit ou
d'une erreur ou à cause d'un avis de requête insuffisant;
mais une telle annulation n'affecte ni la validité ni la nature
d'une action ou omission antérieure à l'ordonnance d'annula-
tion sauf dans la mesure où la Cour, à sa discrétion, le prévoit
expressément dans son ordonnance d'annulation.
Le présent appel est interjeté de la décision de ce
même juge rejetant cette dernière demande. Les
parties ont convenu que le procureur général de la
Colombie-Britannique serait entendu relativement
à la demande et à l'appel. L'intimée et le procu-
reur général de la Colombie-Britannique appuient
respectivement le point de vue de l'autre à l'égard
de tous les points soulevés dans la présente affaire,
et nous ne les mentionnerons séparément que si
cela s'avère nécessaire.
LES POINTS EN LITIGE
1. L'intimée soutient que cette Cour n'est pas
habilitée à entendre le présent appel, puisqu'il ne
s'agit pas d'un appel expressément autorisé par la
Loi ni d'un appel d'une décision de la Division de
première instance autorisé en vertu du paragraphe
27(1) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970
(2' Supp.), chap. 10].
2. L'appelant prétend que le juge de première
instance a commis une erreur en refusant d'annu-
ler le mandat au motif qu'il ne satisfaisait pas aux
exigences posées par l'article 21 de la Loi et serait
invalide à sa seule lecture.
3. À défaut par cette Cour d'accepter l'argument
qui précède, en supposant que les dispositions de
l'article 21 aient été respectées, l'appelant prétend
que le juge de première instance s'est trompé en ne
concluant pas que le mandat, à sa lecture, ainsi
que les dispositions habilitantes de la Loi ne res-
pectent pas les normes minimales visant les fouil-
les, les perquisitions et les saisies non abusives et
qu'en conséquence, elles violent l'article 8 de la
Charte canadienne des droits et libertés [qui cons-
titue la Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.)].
4. À défaut par cette Cour d'accepter l'un ou
l'autre des arguments qui précèdent, l'appelant
prétend que le juge de première instance a commis
une erreur en refusant de permettre à l'appelant
d'examiner l'affidavit sur le fondement duquel le
mandat a été décerné, ou une version de cet affida
vit adaptée aux fins d'un tel examen.
1. COMPÉTENCE
Les dispositions de la Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, et ses modifica
tions, pertinentes au présent litige sont l'article 4
ainsi que les paragraphes 5(1) [mod. par S.C.
1985, chap. 38, art. 11], 26(1) et 27(1).
4. La Cour fédérale du Canada est désormais formée de
deux divisions appelées Division d'appel de la Cour fédérale qui
peut être appelée Cour d'appel ou Cour d'appel fédérale et
Division de première instance de la Cour fédérale.
5. (1) La Cour fédérale du Canada est composée des juges
suivants:
a) un juge en chef, appelé juge en chef de la Cour fédérale
du Canada, qui est président de la Cour, président et membre
de la Cour d'appel et membre de droit de la Division de
première instance;
b) un juge en chef adjoint, appelé juge en chef adjoint de la
Cour fédérale du Canada, qui est président et membre de la
Division de première instance et qui est membre de droit de
la Cour d'appel; et
c) au plus vingt-trois autres juges, dont dix sont nommés à la
Cour d'appel et sont membres de droit de la Division de
première instance, et les autres nommés à la Division de
première instance et membres de droit de la Cour d'appel.
26. (I) La Division de première instance a compétence en
première instance sur toute question pour laquelle une loi du
Parlement du Canada a donné compétence à la Cour fédérale,
désignée sous son nouveau ou sous son ancien nom, à l'excep-
tion des questions expressément réservées à la Cour d'appel.
27. (I) Il peut être interjeté appel, devant la Cour d'appel
fédérale,
a) d'un jugement final,
b) d'un jugement sur une question de droit rendu avant
l'instruction, ou
c) d'un jugement interlocutoire,
de la Division de première instance.
Le paragraphe 27(1) est la seule disposition de la
Loi sur la Cour fédérale pouvant habiliter cette
Cour à entendre le présent appel.
La Loi sur le Service canadien du renseigne-
ment de sécurité dit ce qui suit:
2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
«juge» Juge de la Cour fédérale du Canada choisi pour l'appli-
cation de la présente loi par le juge en chef de cette cour;
21. (1) Le directeur ou un employé désigné à cette fin ...
peut ... demander à un juge de décerner un mandat en
conformité avec le présent article ...
Le mandat donnait suite à une demande fondée
sur le paragraphe 21(1).
(a) La Loi sur le Service canadien du rensei-
gnement de sécurité ne prévoit aucun droit
d'appel.
L'intimée souligne que la Loi ne prévoit aucun
droit d'appel relativement à la délivrance du
mandat visé à l'article 21. Cette omission contraste
avec la disposition du paragraphe 36.2(3) de la Loi
sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap.
E-10, et ses modifications [ajouté par S.C.
1980-81-82-83, chap. 111, annexe III, art. 4].
L'intimée s'appuie particulièrement sur l'arrêt
Goldman et al. v. Hoffman-LaRoche Limited, une
décision de la Cour d'appel de l'Ontario prononcée
le 4 juin 1987 et non publiée à ce jour. Dans cette
espèce, la Cour a cassé un appel interjeté à l'en-
contre de la délivrance, par un juge de la Haute
Cour de l'Ontario, du mandat de perquisition
prévu à l'article 13 de la Loi sur la concurrence,
S.R.C. 1970, chap. C-23, et ses modifications
[mod. par S.C. 1986, chap. 26, art. 24]. Ni la Loi
sur la concurrence ni le Code criminel qui, selon
les conclusions de cette décision, serait également
applicable, ne prévoient la possibilité d'interjeter
appel de la délivrance d'un mandat de perquisition.
L'argument suivant lequel la délivrance d'un tel
mandat constituait une ordonnance définitive et,
en conséquence, pouvait faire l'objet d'un appel
conformément à l'alinéa 17(1)b) de la Loi de 1984
sur les tribunaux judiciaires, L.O. 1984, chap. 11,
a été rejeté. Cette conclusion procédait de la déci-
sion antérieure, également non publiée, rendue par
cette même cour dans l'affaire R. v. Church of
Scientology and Zaharia (1987), 18 O.A.C. 321,
une décision prononcée le 30 janvier 1987, qui a
statué que [TRADUCTION] «le mandat de perquisi-
tion est simplement un moyen d'enquête». La Cour
a souscrit à la déclaration suivante du juge d'appel
Lacourcière qui parlait au nom de la majorité dans
l'arrêt Re Herman et al. and Deputy Attorney -
General of Canada (1979), 26 O.R. (2d) 520
(C.A.); dans sa déclaration, le juge traitait de la
tentative d'une des parties d'interjeter appel d'une
décision d'un juge de la Haute Cour tranchant une
question relative au privilège du secret profession-
nel à l'égard de documents enlevés du bureau d'un
avocat au cours d'une enquête fondée sur la Loi de
l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148
(mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1)], à la
page 528:
[TRADUCTION] Dans l'hypothèse où le Parlement aurait délibé-
rément omis de prévoir un droit d'appel en présumant erroné-
ment que la décision préliminaire du juge était révisable,
j'estime nettement préférable de le laisser remédier lui-même à
ce manquement. Je crois toutefois que le Parlement a délibéré-
ment adopté une politique générale excluant la possibilité d'en
appeler d'une ordonnance rendue au stade de l'enquête.
À mon avis, cette prétention échoue dès le
départ. La proposition sur laquelle elle se fonde,
suivant laquelle le présent appel est formé à l'en-
contre de la délivrance d'un mandat de perquisi-
tion, est erronée. Le présent appel est interjeté du
rejet d'une demande d'annulation fondée sur la
Règle 330. Notre Cour a déjà statué qu'elle était
habilitée à entendre un tel appel, à conclure que le
juge de première instance s'était trompé en refu-
sant d'annuler une ordonnance rendue ex parte et,
en accueillant l'appel, à annuler effectivement
cette ordonnance. (Voir, par exemple, l'arrêt
Société pour l'Avancement des droits en audiovi-
suel (SADA) Ltée c. Collège Edouard-Montpetit,
[1981] 2 C.F. 307 (C.A.)). Il n'a été établi, en
l'espèce, aucune raison grave justifiant cette Cour
de s'écarter de ses jugements antérieurs: Ministre
de l'Emploi et de l'Immigration c. Widmont,
[1984] 2 C.F. 274 (C.A.). En supposant que le
présent appel soit interjeté d'une ordonnance pro-
noncée par la Division de première instance, nous
sommes compétents à l'instruire.
(b) Il ne s'agit pas d'un appel interjeté d'une
décision de la Division de première
instance.
Le juge qui a décerné le mandat est, en fait,
nommé à la Cour d'appel. Toutefois, en vertu de
l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la Cour fédérale, il est
membre de droit de la Division de première ins
tance. En conséquence, le fait qu'il soit membre de
la Cour d'appel n'est pas pertinent.
L'appelant a demandé que, dussions-nous con-
clure à notre absence de compétence parce qu'il ne
s'agirait pas d'un appel interjeté d'une décision de
la Division de première instance, la présente procé-
dure soit convertie en une demande fondée sur
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. L'inti-
mée a reconnu que le fait qu'une telle requête soit
accueillie ne lui causerait aucun préjudice.
L'avocat du procureur général de la Colombie-
Britannique a soutenu qu'un juge désigné pour les
fins de la Loi, lorsqu'il exerce les fonctions qu'elle
lui assigne, n'agit point à titre de persona desi-
gnata, ce qui l'assujettirait au pouvoir de surveil
lance que nous confère l'article 28, ni en qualité de
juge de la Division de première instance dont les
jugements pourraient faire l'objet d'un appel con-
formément à l'article 27. Il a postulé l'existence
d'un troisième statut judiciaire qui, si j'ai bien
compris son argument, nous amènerait à conclure
que sous le régime de cette Loi, le Parlement a
institué une cour supérieure distincte, composée
des juges désignés. Il devrait s'agir d'une cour
supérieure puisque, étant clairement un tribunal
fédéral, elle ne manquerait autrement pas d'être
assujettie au pouvoir de surveillance de l'une ou de
l'autre division de la Cour fédérale.
Le Parlement aurait certainement pu constituer
une cour supérieure distincte, composée de juges
siégeant ordinairement dans une autre cour,
comme il l'avait fait en créant, à l'article 201 de la
Loi sur la défense nationale, S.R.C. 1970, chap.
N-4 [mod. par S.C. 1985, chap. 38, art. 13], le
Tribunal d'appel des cours martiales du Canada.
Toutefois, rien dans la Loi ne m'apparaît appuyer
une telle conclusion. J'estime qu'un tel exercice du
pouvoir législatif conféré par l'article 101 de la Loi
constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5] (mod.
par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1)] ne saurait avoir lieu sans que le
Parlement l'exprime clairement ou, à tout le
moins, ne doit pas être inféré sans que cela soit
nécessaire.
Je conclus à l'inexistence d'une troisième caté-
gorie: un juge désigné pour les fins de la Loi agit
soit à titre de juge de la Cour fédérale soit à titre
de persona designata. Dans l'arrêt Herman et
autres c. Sous-procureur général du Canada,
[1979] 1 R.C.S. 729, le juge Dickson —c'était
alors son titre—a examiné minutieusement la
jurisprudence relative au concept de persona desi-
gnata; à la page 749, il a tiré la conclusion
suivante:
A première vue, dès qu'une loi confère des pouvoirs à un
juge, il faut considérer que l'intention du Parlement est que ce
juge agisse à titre de juge. Celui qui prétend qu'un juge agit à
titre de persona designata doit trouver dans la loi particulière
des dispositions qui prouvent clairement une intention contraire
du Parlement. Le critère applicable pour déterminer si la loi
pertinente fait ressortir une intention contraire peut se formuler
comme une question: le juge exerce-t-il une compétence parti-
culière, distincte, exceptionnelle et indépendante de ses tâches
quotidiennes de juge, et qui n'a aucun rapport avec la cour dont
il est membre?
La délivrance de mandats de perquisition et l'auto-
risation de la surveillance électronique constituent
une fonction judiciaire reconnue. Cette attribution
n'est point particulière, distincte ou exceptionnelle
eu égard au contexte dans lequel s'exercent les
fonctions de la plupart des juges de première ins
tance des cours supérieures de juridiction crimi-
nelle du Canada. Le fait qu'il ne s'agisse pas d'une
activité de routine de la Division de première
instance de la Cour fédérale reflète uniquement le
type de compétence ordinairement exercée par
cette Cour. La Cour fédérale, aux termes de l'arti-
cle 3 de sa Loi habilitante, est une cour ayant
compétence en matière pénale, bien qu'elle soit
rarement appelée à exercer sa compétence dans ce
domaine. À mon avis, ni une telle considération, ni
le nombre très bas des juges désignés par le juge en
chef pour les fins de la Loi, ne comptent parmi les
facteurs qui, selon la Cour suprême, permettraient
de conclure qu'un juge agit à titre de persona
designata plutôt qu'à titre de juge. La Loi ne
m'apparaît révéler aucune intention claire du Par-
lement que les juges désignés agissent autrement
qu'en qualité de juges de la Cour fédérale.
J'estime qu'un juge désigné par le juge en chef
pour les fins de la Loi sur le Service canadien du
renseignement de sécurité agit en qualité de juge
de la Cour fédérale lorsqu'il exerce les fonctions
prévues à cette Loi. Conformément au paragraphe
26(1) de la Loi sur la Cour fédérale, la compé-
tence en première instance conférée par la Loi est
accordée à la Division de première instance. En
conséquence, je conclus que le présent litige consti-
tue un appel visé au paragraphe 27(1) et nous est
soumis à bon droit. La décision refusant l'annula-
tion du mandat était, dans les circonstances de
l'espèce, un jugement final de la Division de pre-
mière instance.
Si j'avais conclu que le présent appel ne nous
était pas soumis à bon droit, j'aurais accueilli la
requête de l'appelant et décidé de la présente
affaire en tenant pour acquis qu'il s'agissait d'une
demande fondée sur l'article 28. À mon sens,
l'issue de cette affaire n'en eût point été modifiée.
2. INVALIDITÉ DU MANDAT À SA SEULE LECTURE
DÉFAUT DE RESPECTER LA LOI HABILITANTE
Je cite intégralement le mandat en question; j'ai
fait précéder les attendus de chiffres romains pour
y renvoyer plus facilement.
[TRADUCTION] [1] VU la demande ex parte présentée par écrit
par Archie M. BARR conformément à l'article 21 de la Loi sur
le Service canadien du renseignement de sécurité, S.C.
1983-84, chap. 21 pour obtenir le mandat qui s'y trouve prévu;
[Il] CONSIDÉRANT que le requérant, Archie M. BARR, est un
employé du Service canadien du renseignement de sécurité
désigné à cette fin par le Solliciteur général du Canada confor-
mément au paragraphe 21(1) de la Loi qui a consulté le
Solliciteur général adjoint et qui a obtenu l'approbation du
Solliciteur général du Canada à cette fin;
[Ill] CONSIDÉRANT que j'ai lu l'affidavit du requérant et
examiné tous les éléments de preuve soumis à l'appui de ladite
requête;
[IV] CONSIDÉRANT que je suis convaincu qu'un mandat doit
être décerné en conformité avec l'article 21 de la Loi sur le
Service canadien du renseignement de sécurité pour permettre
au Service canadien du renseignement de sécurité de faire
enquête sur des menaces envers la sécurité du Canada, à savoir:
les activités qui touchent le Canada ou s'y déroulent et
visent à favoriser l'usage de la violence grave ou de mena
ces de violence contre des personnes ou des biens dans le
but d'atteindre un objectif politique au Canada ou dans un
État étranger,
activités qui ne comprennent pas les activités licites de
défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un
désaccord qui n'ont aucun lien avec les activités prémention-
nées.
EN CONSÉQUENCE, PAR LES PRÉSENTES, J'AUTORISE LE
DIRECTEUR DU SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE
SÉCURITÉ AINSI QUE LES EMPLOYÉS AGISSANT SOUS SON
AUTORITÉ OU EN SON NOM À PROCÉDER À:
A. l'interception des communications suivantes:
à l'intérieur du Canada, les communications orales et les
télécommunications qui ont pour source ou destinataire
Harjit Singh ATWAL, à quelque endroit qu'il soit, ou toute
personne se trouvant au 12471-79A Avenue, Surrey
(Colombie-Britannique), ou toute autre personne se trouvant
à tout autre endroit au Canada pouvant être utilisé par
Harjit Singh ATWAL comme résidence temporaire ou perma-
nente, que cette résidence soit stationnaire ou mobile;
ET
à cette fin, entrer dans:
a) lesdits locaux situés au 12471-79A Avenue, Surrey
(Colombie-Britannique), ou dans tout autre lieu au
Canada pouvant être utilisé par Harjit Singh ATWAL
comme résidence temporaire ou permanente, que cette
résidence soit stationnaire ou mobile;
b) tout véhicule utilisé par Harjit Singh ATWAL;
c) tout autre lieu au Canada où le Service a des motifs
raisonnables de croire que Harjit Singh ATWAL se
trouvera,
afin d'installer, de maintenir ou d'enlever tout objet néces-
saire pour effectuer lesdites interceptions,
ET
à cette fin procéder à:
d) l'installation, l'entretien et l'enlèvement de tout objet
nécessaire pour effectuer, dans les lieux décrits au paragra-
phe A. qui précède, l'interception de communications
orales et de télécommunications.
B. la recherche, l'enlèvement ou la remise en place des commu
nications suivantes, de même qu'à leur examen, au prélèvement
des informations qui s'y trouvent, ainsi qu'à leur enregistrement
et à l'établissement de copies ou d'extraits par tout procédé,
soit:
les communications enregistrées effectuées autrement que
par la poste, au Canada, dont le destinataire du la source est:
a) Harjit Singh ATWAL;
b) 12471-79A Avenue, Surrey (Colombie-Britannique),
ET
à cette fin, entrer dans les lieux suivants:
c) le 12471-79A Avenue, Surrey (Colombie-Britanni-
que), ou tout autre lieu au Canada pouvant être utilisé par
Harjit Singh ATWAL comme résidence temporaire ou per-
manente, que cette résidence soit stationnaire ou mobile;
d) tout véhicule utilisé par Harjit Singh ATWAL;
d) [sic] tout autre lieu dans lequel s'est trouvé ledit Harjit
Singh ATWAL et où le Service a des motifs raisonnables de
croire qu'il se trouve des communications enregistrées de
Harjit Singh ATWAL.
C. Le présent mandat vaudra pour la période commençant le
26 juillet 1985 et expirant le 25 juillet 1986.
LE PRÉSENT MANDAT EST SOUMIS AUX CONDITIONS
SUIVANTES:
1" CONDITION:
Sauf s'il s'agit de déterminer si une communication a pour
source ou destinataire Harjit Singh ATWAL, l'on ne prendra
pas connaissance du contenu des communications orales ou
des télécommunications interceptées dans tout lieu décrit au
paragraphe A.c) au moyen d'un objet installé pour les fins
d'une telle interception. Si la personne chargée de contrôler
la communication interceptée décide que celle-ci n'a pas pour
source ou destinataire Harjit Singh ATWAL, tous les enregis-
trements ou les transcriptions de cette communication seront
immédiatement effacés ou détruits, selon le cas, et leur
contenu ne sera, à aucun moment et d'aucune manière,
communiqué à quiconque. Si la personne chargée de contrô-
ler la communication interceptée décide que celle-ci a pour
source ou destinataire Harjit Singh ATWAL, elle sera inter-
ceptée en vertu du pouvoir conféré par le présent mandat.
2` CONDITION:
Est attachée au présent mandat la condition qu'aucune com
munication orale de nature privée, télécommunication ou
communication enregistrée ne peut être interceptée au
bureau ou à la résidence d'un procureur ou à tout autre
endroit habituellement utilisé par un procureur donné ou par
d'autres procureurs pour discuter avec des clients.
3e CONDITION:
Est également attachée au présent mandat la condition que
les communications orales, les télécommunications ou les
communications enregistrées qui auront lieu entre Harjit
Singh ATWAL et un procureur ou l'employé d'un procureur
ne pourront être initialement interceptées que pour permettre
au directeur ou à un directeur général du bureau régional du
Service canadien du renseignement de sécurité de déterminer
si ces communications sont reliées aux menaces envers la
sécurité du Canada déjà précisées dans le présent mandat.
Les enregistrements des communications dont le directeur ou
le directeur général du bureau régional détermine qu'elles ne
sont pas reliées à une telle menace seront détruits, et aucune
autre divulgation de cette communication n'aura lieu. Toute-
fois, toute communication dont le directeur général du
bureau régional détermine qu'elle se rapporte à une telle
menace, sera interceptée en vertu de l'autorité conférée par le
présent mandat. Le directeur ou le directeur général du
bureau régional pourra permettre la traduction d'une com
munication à laquelle s'applique la présente condition lorsque
cela s'avère nécessaire à sa détermination. Dans un tel cas, le
traducteur ne divulguera le contenu de la communication
qu'au seul directeur ou directeur général du bureau régional.
Voici le libellé de l'article 21 de la Loi:
21. (I) Le directeur ou un employé désigné à cette fin par le
ministre peut, après avoir obtenu l'approbation du ministre,
demander à un juge de décerner un mandat en conformité avec
le présent article s'il a des motifs raisonnables de croire que le
mandat est nécessaire pour permettre au Service de faire
enquête sur des menaces envers la sécurité du Canada ou
d'exercer les fonctions qui lui sont conférées en vertu de
l'article 16.
(2) La demande visée au paragraphe (1) est présentée par
écrit et accompagnée de l'affidavit du demandeur portant sur
les points suivants:
a) les faits sur lesquels le demandeur s'appuie pour avoir des
motifs raisonnables de croire que le mandat est nécessaire
aux fins visées au paragraphe (1);
b) le fait que d'autres méthodes d'enquête ont été essayées
en vain, ou la raison pour laquelle elles semblent avoir peu de
chances de succès, le fait que l'urgence de l'affaire est telle
qu'il serait très difficile de mener l'enquête sans mandat ou le
fait que, sans mandat, il est probable que des informations
importantes concernant les menaces ou les fonctions visées au
paragraphe (I) ne pourraient être acquises;
c) les catégories de communications dont l'interception, les
catégories d'informations, de documents ou d'objets dont
l'acquisition, ou les pouvoirs visés aux alinéas 3a) à c) dont
l'exercice, sont à autoriser;
d) l'identité de la personne, si elle est connue, dont les
communications sont à intercepter ou qui est en possession
des informations, documents ou objets à acquérir;
e) les personnes ou catégories de personnes destinataires du
mandat demandé;
j) si possible, une description générale du lieu où le mandat
demandé est à exécuter;
g) la durée de validité applicable en vertu du paragraphe
(5), de soixante jours ou d'un an au maximum, selon le cas,
demandée pour le mandat;
h) la mention des demandes éventuelles touchant des person-
nes visées à l'alinéa d), la date de chacune de ces demandes,
le nom du juge à qui elles ont été présentées et la décision de
celui-ci dans chaque cas.
(3) Par dérogation à toute autre règle de droit mais sous
réserve de la Loi sur la statistique, le juge à qui est présentée la
demande visée au paragraphe (1) peut décerner le mandat s'il
est convaincu de l'existence des faits mentionnés aux alinéas
2a) et b) et dans l'affidavit qui accompagne la demande; le
mandat autorise ses destinataires à intercepter des communica
tions ou à acquérir des informations, documents ou objets. À
cette fin il peut autoriser aussi, de leur part:
a) l'accès à un lieu ou un objet ou l'ouverture d'un objet;
b) la recherche, l'enlèvement ou la remise en place de tout
document ou objet, leur examen, le prélèvement des informa-
tions qui s'y trouvent, ainsi que leur enregistrement et l'éta-
blissement de copies ou d'extraits par tout procédé;
c) l'installation, l'entretien et l'enlèvement d'objets.
(4) Le mandat décerné en vertu du paragraphe (3) porte les
indications suivantes:
a) les catégories de communications dont l'interception, les
catégories d'informations, de documents ou d'objets dont
l'acquisition, ou les pouvoirs visés aux alinéas 3a) à c) dont
l'exercice, sont autorisés;
b) l'identité de la personne, si elle est connue, dont les
communications sont à intercepter ou qui est en possession
des informations, documents ou objets à acquérir;
c) les personnes ou catégories de personnes destinataires du
mandat;
d) si possible, une description générale du lieu où le mandat
peut être exécuté;
e) la durée de validité du mandat;
I) les conditions que le juge estime indiquées dans l'intérêt
public.
(5) Il ne peut être décerné de mandat en vertu du paragra-
phe (3) que pour une période maximale
a) de soixante jours lorsque le mandat est décerné pour
permettre au Service de faire enquête sur des menaces envers
la Sécurité [sic] du Canada au sens de l'alinéa d) de la
définition de telles menaces contenue dans l'article 2; ou
b) d'un an dans tout autre cas.
L'expression «menaces envers la sécurité du
Canada» se trouve définie dans la Loi.
2....
«menaces envers la sécurité du Canada» Constituent des mena
ces envers la sécurité du Canada les activités suivantes:
a) l'espionnage ou le sabotage visant le Canada ou préjudi-
ciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à favori-
ser ce genre d'espionnage ou de sabotage;
b) les activités influencées par l'étranger qui touchent le
Canada ou s'y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts,
et qui sont d'une nature clandestine ou trompeuse ou com-
portent des menaces envers quiconque;
c) les activités qui touchent le Canada ou s'y déroulent et
visent à favoriser l'usage de la violence grave ou de menaces
de violence contre des personnes ou des biens dans le but
d'atteindre un objectif politique au Canada ou dans un État
étranger;
d) les activités qui, par des actions cachées et illicites, visent
à saper le régime de gouvernement constitutionnellement
établi au Canada ou dont le but immédiat ou ultime est sa
destruction ou son renversement, par la violence.
La présente définition ne vise toutefois pas les activités licites
de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation
d'un désaccord qui n'ont aucun lien avec les activités mention-
nées aux alinéas a) à d).
L'appelant prétend que le juge a commis une
erreur en ne concluant pas que le mandat, à sa
lecture, ne respectait pas les conditions énoncées à
l'article 21 de la Loi puisque (a) il ne mentionne
pas que le juge ayant décerné le mandat est con-
vaincu du respect des deux conditions préalables à
sa délivrance qui sont mentionnées au paragraphe
21(3), (b) il ne précise pas la «menace» à l'égard
de laquelle il est décerné, (c) il ne restreint pas la
saisie à des éléments se rapportant à cette menace,
et (d) il autorise la saisie et l'interception de
communications à caractère privilégié entre un
avocat et son client.
(a) Les dispositions du paragraphe 21(3) n'ont
pas été respectées
Le paragraphe 21(3) exige, comme condition
préalable à la délivrance du mandat, que le juge
soit convaincu de l'existence des faits mentionnés
aux alinéas 21(2)a) et b). L'appelant, dans son
exposé des faits et du droit, a exprimé ces faits de
la façon suivante: (i) il doit exister des motifs
raisonnables de croire que le mandat est nécessaire
pour permettre au Service de faire enquête sur des
menaces envers la sécurité du Canada et (ii) d'au-
tres méthodes d'enquête doivent avoir été essayées
en vain ou offrir peu de chances de succès, l'ur-
gence de l'affaire doit rendre leur utilisation très
difficile ou il doit être probable que des informa-
tions importantes concernant les menaces à la
sécurité du Canada ne pourraient autrement être
acquises. Le mandat ne mentionne effectivement
pas que le juge est convaincu, pour des motifs
raisonnables, qu'il a été satisfait à chacune de ces
conditions. D'autre part, dans l'attendu IV, il a
déclaré: «je suis convaincu qu'un mandat doit être
décerné en conformité avec l'article 21 de la [Loi]
pour permettre au [Service] de faire enquête sur
des menaces envers la sécurité du Canada, à
savoir ...».
L'appelant a cité en abondance des déclarations
de principes généraux inattaquables tirées de la
jurisprudence. L'énoncé le plus succinct de la règle
visée est peut-être celui du juge d'appel Arnup
dans l'arrêt Re Borden & Elliott and The Queen
(1975), 30 C.C.C. (2d) 337 (C.A. Ont.), à la page
347.
[TRADUCTION] La délivrance d'un mandat de perquisition
n'est pas une question de pure forme. Le juge décernant un tel
mandat doit être convaincu qu'il existe des motifs raisonnables
de croire qu'une infraction a été commise et que les documents
dont la saisie est sollicitée fourniront des éléments de preuve
relatifs à la perpétration de cette infraction. La dénonciation
présentée au juge doit être suffisamment détaillée pour lui
permettre d'en arriver à cette conviction.
Je reconnais volontiers que la délivrance du
mandat prévu à l'article 21 n'est pas une question
de pure forme. Je conviens également que le para-
graphe 21(3), en faisant référence à l'alinéa
21(2)a), exige du juge qu'il soit convaincu, pour
des motifs raisonnables, que le mandat est néces-
saire pour une fin donnée, ce qui implique l'appli-
cation, par celui-ci, de critères objectifs plutôt que
subjectifs. Il ne s'ensuit toutefois pas que le juge
doive, à la lecture du mandat, énoncer qu'il est
convaincu, pour des motifs raisonnables, du res
pect de chacune des conditions préalables à sa
délivrance.
Dans l'arrêt R. v. Welsh and lannuzzi (No 6)
(1977), 32 C.C.C. (2d) 363, la Cour d'appel de
l'Ontario a traité d'un argument similaire fondé
sur l'omission, dans les attendus, de mentionner
qu'une autorisation d'écoute avait été accordée
conformément au Code criminel; à la page 372 de
cette décision, le juge d'appel Zuber se prononce à
cet égard dans les termes suivants:
[TRADUCTION] En l'espèce, il est soutenu que l'autorisation
est invalide à sa seule lecture. On dit qu'il ressort clairement
des attendus que le juge était seulement convaincu que l'autori-
sation visée servirait au mieux l'administration de la justice et
que d'autres méthodes d'enquête avaient peu de chances de
succès. On soutient également que ces attendus impliquent que
le juge a conclu à l'absence des circonstances énumérées aux
alinéas 178.13(1)a) et c). En supposant qu'une telle inférence
(qui ne serait pas la mienne) puisse être tirée des attendus et
que, effectivement, les attendus soient autre chose qu'une pure
formalité, il est évident que cet argument procède de la proposi
tion suivant laquelle les exigences du paragraphe 178.13(1)
doivent être considérées comme cumulatives.
Bien que les exigences particulières du Code cri-
minel ne soient pas directement pertinentes à l'es-
pèce, il en est autrement de l'observation visant le
rôle juridique des attendus et de l'inférence pou-
vant être tirée de leur défaut de traiter de chacun
des points en jeu. Parlant de ces mêmes disposi
tions du Code criminel, le juge McDonald, de la
Cour suprême de l'Alberta, dans le jugement qu'il
a rendu en première instance dans l'affaire Re
Donnelly and Acheson and The Queen (1976), 29
C.C.C. (2d) 58, aux pages 72 et 73, a expressé-
ment tranché un tel point.
[TRADUCTION] Toutefois, selon la pratique des tribunaux de
ce ressort, les faits probatoires auxquels a conclu la Cour n'ont
pas à être mentionnés dans le préambule ou dans la suite des
attendus des ordonnances ou des jugements. Lorsqu'un ou des
faits probatoires sont mentionnés dans les attendus, ils ne
déterminent point le droit des parties et ne doivent pas être
considérés comme un exposé exhaustif des éléments de preuve
soumis à la Cour.
Dans ses motifs par lesquels, le 30 avril 1987, il
refusait d'accepter cette prétention comme motif
d'annulation, le juge de première instance a dit
aux pages 321 et 322:
Les alinéas 21(2)a) et b) formant partie intégrante de l'article
21 de la Loi, il serait sûrement inutile et superflu d'exiger une
référence expresse à ces dispositions. Un juge doit être con-
vaincu de la réalisation de nombreuses conditions avant de
pouvoir décerner un mandat en vertu de la Loi sur le SCRS... .
Le juge décernant un mandat ne devrait pas être obligé, pour
que celui-ci soit valide à sa seule lecture, de déclarer expressé-
ment, avec détails à l'appui, qu'il considère comme réalisées
une ou des conditions particulières prévues à la Loi. Selon moi,
on peut certainement présumer que le juge qui décerne le
mandat, lorsqu'il déclare le décerner conformément à l'article
de la loi qui l'y autorise, est convaincu que les dispositions
applicables de cette loi ont été en tout point observées.
Je souscris entièrement au raisonnement énoncé
par le juge dans ses motifs et je considère suffisant
de les faire miens dans le cadre de la présente
instance.
Le paragraphe 21(4) énumère les éléments
devant ressortir à la lecture d'un mandat pour qu'il
soit valide. Je conviens qu'il puisse ressortir des
attendus qu'un mandat n'aurait pas dû être
décerné; je n'estime toutefois pas que l'absence
d'attendus, non expressément exigés par la loi
habilitante, permet de conclure que le mandat visé
est invalide à sa seule lecture.
(b) Le défaut de préciser les «menaces» dont il
est question
L'appelant soutient en premier lieu, parallèle-
ment à l'argument dont nous venons de traiter, que
le mandat doit, à sa simple lecture, préciser que le
juge qui le décerne est convaincu de l'existence de
menaces envers la sécurité du Canada sur le fonde-
ment de motifs raisonnables et, en second lieu, que
la simple répétition des termes de la Loi ne suffit
pas à décrire les menaces visées. En plus de rejeter
le premier de ces arguments pour le motif qui vient
d'être énoncé, je suis d'avis que le juge a effective-
ment déclaré, dans l'attendu IV, avoir la convic
tion requise. C'est faire considérablement violence
au sens courant des mots anglais que de voir dans
cet attendu, comme le fait l'appelant, la simple
conviction du juge qu'un mandat est nécessaire
pour permettre au Service de faire enquête, et non
sa conviction que des menaces à la sécurité du
Canada rendent l'enquête nécessaire.
Le second argument est fondé sur des décisions
rendues dans des affaires analogues où il était
question du mandat de perquisition prévu au Code
criminel. Par exemple, l'appelant s'appuie sur l'ar-
rêt Bergeron et autres c. Deschamps et autres,
[1978] 1 R.C.S. 243; (1977), 33 C.C.C. (2d) 461,
une affaire qui traitait effectivement de la déten-
tion, pour les fins de la preuve, de documents saisis
en vertu d'un mandat reconnu comme illégal; le
juge en chef Laskin a décrit ce mandat de la
manière suivante [aux pages 244 R.C.S.; 461
C.C.C.]:
Le mandat, lancé par un juge de paix, autorisait la saisie, dans
des locaux désignés, de divers documents décrits uniquement
par catégorie (p. ex.: factures, correspondance, livres de comp-
tabilité, chèques, notes manuscrites et une liste de noms) et
ayant trait aux opérations financières de l'Association des
sourds du Québec. Bien que l'on ait allégué une fraude, ni
l'auteur ni la victime ni l'objet de la fraude n'étaient identifiés.
Rien n'indiquait si les locaux à perquisitionner étaient ceux de
l'Association ou ceux de l'auteur ou de la victime de la fraude
alléguée qui, d'ailleurs, n'était aucunement précisée.
Le juge Rothman a annulé le mandat de perquisition, et le
bien-fondé de cette décision n'a pas été contesté en appel ni
devant cette Cour.
La Cour suprême a conclu, au sujet d'un tel
mandat [aux pages 245 R.C.S.; 462 C.C.C.]: «on
ne peut prétendre qu'il existe une infraction à
laquelle les documents saisis pourraient se
rattacher».
À l'encontre des décisions citées par l'appelant,
qui concernaient des fouilles, perquisitions et sai-
sies fondées sur des mandats postérieurs à la per-
pétration de certaines infractions criminelles allé-
guées, l'intimée a fait référence à de nombreuses
décisions qui citent le texte d'autorisations
d'écoute électronique: R. v. Welsh and Iannuzzi
(N° 6), précitée, à la page 366; R. v. Gill (1980),
56 C.C.C. (2d) 169 (C.A.C.-B.), à la page 174; R.
v. Volpe (1981), 63 C.C.C. (2d) 506 (C.A. Ont.),
à la page 507 et R. v. Finlay and Grellette (1985),
23 C.C.C. (3d) 48 (C.A. Ont.), aux pages 52 et
suivantes. Il est clair que les autorisations d'écoute
électronique fondées sur le Code criminel n'ont pas
été annulées pour avoir omis les détails requis
lorsque, considérant la nature de l'enquête relati-
vement à laquelle ces mandats avaient été décer-
nés, on ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce
que les détails manquants soient divulgés à
l'avance.
J'estime que, de façon générale, les autorisations
d'interception de communications privées fondées
sur la Loi seront, en pratique, plus difficilement
précises à l'avance que les autorisations prévues au
Code criminel. Le Code considère l'interception
comme un instrument d'enquête devant être utilisé
pendant qu'un acte se déroule ou après coup,
tandis que la Loi vise principalement à recueillir
des informations permettant de prévoir certains
événements. Cette distinction a été reconnue par la
Cour suprême des États-Unis dans l'arrêt United
States v. U. S. District Court, 407 U.S. 297
(1972), à la page 322.
[TRADUCTION] Qui plus est, nous n'affirmons pas que le
genre de critères et de procédures prescrits au Titre III s'appli-
quent nécessairement à la présente espèce. Nous reconnaissons
que la surveillance interne visant la sécurité peut mettre en jeu
des considérations de politique ainsi que des considérations
pratiques différentes de celles qui régissent la surveillance
relative au «crime ordinaire». La collecte des renseignements de
sécurité s'inscrit souvent dans un processus à long terme et met
en jeu les rapports réciproques entre diverses sources et divers
types d'informations. Les cibles exactes d'une telle surveillance
peuvent être plus difficiles à identifier qu'elles ne le sont dans le
cadre des opérations de surveillance visant bon nombre des
types d'infractions criminelles mentionnées au Titre III. De
plus, la collecte de renseignements internes vise souvent à
prévenir les activités illégales ou à accroître l'aptitude du
Gouvernement à faire face à quelque crise ou urgence éven-
tuelle. Ainsi, la surveillance interne peut avoir un objet moins
bien défini que celle qui se rapporte à des types de crimes plus
courants.
Selon mon opinion, le fait que le mandat ait omis
de décrire les menaces envisagées envers la sécu-
rité du Canada autrement qu'en reprenant les
termes de la Loi n'a pas pour conséquence de le
rendre invalide à sa seule lecture.
(c) Le défaut d'assortir les saisies de restric
tions
Il est avéré qu'aucune fouille, perquisition ou
saisie n'a été effectuée en vertu de la partie B du
mandat. L'appelant ne conteste pas que la partie B
est intégralement séparable et respecte le critère
énoncé dans l'arrêt Grabowski c. La Reine, [1985]
2 R.C.S. 434, à la page 453.
Quand il y a une ligne de démarcation claire entre les bonne
et mauvaise parties d'une autorisation, qu'elles ne sont pas
entrelacées au point de ne pouvoir être séparées mais consti
tuent en somme des autorisations distinctes réunies dans une
même ordonnance, le tribunal peut à mon avis diviser l'ordon-
nance et sauvegarder la partie valide qui, dès lors, forme
l'autorisation. En pareil cas les interceptions faites en vertu de
l'autorisation valide sont recevables.
Je n'ai pas considéré ce qui serait advenu le Ser
vice eût-il agi en s'autorisant de la partie B. Je n'ai
pas l'intention de le faire dans les présents motifs.
(d) Le privilège du secret professionnel de
l'avocat
La question qui se pose en l'espèce n'est pas
celle de l'admissibilité en preuve des communica
tions interceptées en vertu du mandat. Nous avons
à décider si une autorisation assez large pour
permettre l'interception de communications faisant
l'objet du privilège du secret professionnel de l'avo-
cat rend le mandat invalide à seule lecture.
En l'absence d'une décision judiciaire traitant
directement de la question, l'appelant s'est appuyé
fortement sur l'ouvrage intitulé Law of Electronic
Surveillance in Canada, Toronto: Carswell, 1979,
de David Watt, qui est à présent membre de la
Haute Cour de l'Ontario. Il a particulièrement fait
référence à un long passage figurant aux pages 175
et suivantes dans lequel l'auteur énonce le genre de
restrictions dont une autorisation d'écoute électro-
nique décernée en vertu du Code criminel devrait
être assortie pour qu'il y ait une protection raison-
nable contre l'interception des communications
privilégiées. L'examen de ce passage montre clai-
rement qu'il porte de façon immédiate sur les
conditions qu'il pourrait être indiqué de respecter
une fois la personne surveillée accusée d'une
infraction; cette situation n'est nullement analogue
à celle qui se présente dans le cadre de la surveil
lance effectuée en vertu de la Loi, et on ne peut
même pas soutenir qu'elle s'applique à la situation
de l'appelant, celui-ci n'ayant pas été accusé tandis
que le mandat était en vigueur. Concernant ces
dernières circonstances, je n'ai pas l'intention de
traiter des arguments fondés sur l'alinéa 106) de la
Charte.
L'appelant soutient également que le privilège
attaché à une communication se trouvant perdu
une fois le message intercepté, nonobstant le res
pect des exigences de la condition 3 prévoyant que
toutes les communications privilégiées seront
détruites après avoir été ainsi identifiées et ne
feront l'objet d'aucune autre divulgation, quicon-
que a connaissance d'une telle communication, par
exemple le directeur ou un traducteur, pourrait,
néanmoins, être tenu de témoigner au sujet de son
contenu. L'appelant appuie cette proposition sur la
décision rendue dans l'affaire R. v. Dunbar and
Logan (1982), 68 C.C.C. (2d) 13, dans laquelle un
co-accusé était, sans autorisation, entré en posses
sion de la communication privilégiée de l'accusé.
Le juge d'appel Martin, prononçant les motifs de
la Cour d'appel de l'Ontario, a dit à la page 42:
[TRADUCTION] À mon avis, le privilège a été annulé si Dunbar,
même subrepticement, a retiré les notes visées de la cellule de
Bray. L'auteur de Wigmore on Evidence (McNaughton Rev.),
vol. 8, déclare à la page 633:
En particulier, aucune des divulgations involontaires dues à
la perte ou au vol de documents se trouvant en la possession
d'un avocat ne sont visées par ce privilège, le principe
applicable voulant que la loi, ayant accordé la protection du
secret relativement à sa propre procédure, laisse au client et à
son avocat le soin de prendre des mesures suffisantes pour ne
pas être entendus par des tiers. Le risque découlant de
l'insuffisance des précautions prises repose sur le client. Ce
principe s'applique également aux documents.
En soutenant ce qui précède, l'appelant nie toute
force aux termes impératifs de la condition 3 qui
interdisent une telle divulgation, et il oublie que les
tribunaux sont disposés à exclure les éléments de
preuve dont l'admission aurait tendance à discrédi-
ter l'administration de la justice. Je ne puis conce-
voir que la situation qu'il appréhende puisse réelle-
ment se produire.
Ce sont les règles de fond, non les règles de
preuve, qui doivent être considérées lors de l'appré-
ciation de la validité d'un mandat. Dans l'arrêt
Descoteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1
R.C.S. 860, après avoir fait référence à la décision
antérieure rendue par la Cour dans l'affaire
Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821, le juge
Lamer, à la page 875, a dit:
De toute évidence la Cour, dans cette cause, appliquait une
norme qui n'a rien à voir avec la règle de preuve, le privilège,
puisqu'en rien n'y était-il question de témoignages devant un
tribunal quelconque. En fait la Cour, à mon avis, appliquait,
sans par ailleurs la formuler, une règle de fond et, par voie de
conséquence, reconnaissait implicitement que le droit à la
confidentialité, qui avait depuis déjà longtemps donné naissance
à une règle de preuve, avait aussi depuis donné naissance à une
règle de fond.
Il est, je crois, opportun que nous formulions cette règle de
fond, tout comme l'ont fait autrefois les juges pour la règle de
preuve; elle pourrait, à mon avis, être énoncée comme suit:
I. La confidentialité des communications entre client et avocat
peut être soulevée en toutes circonstances où ces communica
tions seraient susceptibles d'être dévoilées sans le consente-
ment du client;
2. A moins que la loi n'en dispose autrement, lorsque et dans la
mesure où l'exercice légitime d'un droit porterait atteinte au
droit d'un autre à la confidentialité de ses communications
avec son avocat, le conflit qui en résulte doit être résolu en
faveur de la protection de la confidentialité;
3. Lorsque la loi confère à quelqu'un le pouvoir de faire quelque
chose qui, eu égard aux circonstances propres à l'espèce,
pourrait avoir pour effet de porter atteinte à cette confiden-
tialité, la décision de le faire et le choix des modalités
d'exercice de ce pouvoir doivent être déterminés en regard
d'un souci de n'y porter atteinte que dans la mesure absolu-
ment nécessaire à la réalisation des fins recherchées par la loi
habilitante;
4. La loi qui en disposerait autrement dans les cas du deuxième
paragraphe ainsi que la loi habilitante du paragraphe trois
doivent être interprétées restrictivement.
Voilà la norme en fonction de laquelle le mandat
doit être apprécié; ses paragraphes 3 et 4 sont
particulièrement pertinents à la présente espèce.
Le paragraphe 21(3) autorise le juge à décerner
un mandat autorisant ses destinataires «à intercep-
ter des communications». Comme le caractère con-
fidentiel des communications ne peut, lorsque l'in-
terception se fait à l'aide de moyens électroniques,
être établi de façon certaine avant que celles-ci ne
soient captées, on ne peut tout simplement pas
interpréter les dispositions du paragraphe 21(3)
comme excluant leur interception initiale. À mon
sens, les conditions 2 et 3 énoncées dans le mandat
satisfont à l'exigence selon laquelle il ne doit être
porté atteinte au caractère confidentiel des com
munications entre un avocat et son client que si
cela est absolument nécessaire pour atteindre les
objectifs fixés par la Loi. Les objectifs pertinents
se trouvent énoncés à l'article 12.
12. Le Service recueille, au moyen d'enquêtes ou autrement,
dans la mesure strictement nécessaire, et analyse et conserve les
informations et renseignements sur les activités dont il existe
des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles constituent des
menaces envers la sécurité du Canada; il en fait rapport au
gouvernement du Canada et le conseille à cet égard.
La divulgation des informations ainsi obtenues aux
autorités chargées de faire respecter la loi est
autorisée en vertu de l'alinéa 19(2)a) mais ne
constitue pas un objectif de leur collecte.
3. LE MANDAT EST INVALIDE À SA SEULE
LECTURE
NON RESPECT DE LA CHARTE
L'appelant prétend que l'article 21 de la Loi
s'oppose à l'article 8 de la Charte canadienne des
droits et libertés.
8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les
perquisitions ou les saisies abusives.
L'avocat du procureur général de la Colombie-Bri-
tannique a soutenu que l'interception et l'enregis-
trement de conversations ne constituait aucune-
ment une saisie. Il s'est appuyé sur une décision
non publiée de la Cour suprême de la Colombie-
Britannique, l'arrêt R. v. Taylor et al., n°
X011079, prononcé le 30 décembre 1983, dans
lequel il est dit:
[TRADUCTION] Je rejette sommairement la suggestion voulant
qu'il y ait eu une saisie de mots. Le mieux que l'on puisse dire
d'un tel argument est que les mots, une fois prononcés, dispa-
raissent à moins d'être rappelés. L'enregistrement de ces mots
et la préparation de transcriptions des communications visées
ont seulement, avec exactitude, préservé les propos tenus et fait
connaître l'identité de leurs auteurs.
Cette proposition ne semble pas avoir été soumise
à la Cour d'appel de l'Ontario ni lui être venue à
l'esprit lorsqu'elle a traité de cette même question
posée par la Charte au regard des mêmes disposi
tions du Code criminel dans l'arrêt R. v. Finlay
and Grellette (1985), 23 C.C.C. (3d) 48, aux
pages 61 et suivantes. Elle ne me serait pas venue
à l'esprit non plus.
Je ne crois pas que ce soit élargir implicitement
le champ d'application de l'article 8 de façon à lui
faire envisager un droit à la vie privée s'étendant
au-delà des fouilles, des perquisitions et des saisies
abusives, que de conclure qu'il s'applique effective-
ment à l'interception autorisée par l'Etat de com
munications verbales à caractère privé dans le but
de recueillir des éléments de preuve conformément
au Code criminel ou des renseignements conformé-
ment à la Loi. Cette manière d'aborder la question
n'élargit aucunement le concept des fouilles, per-
quisitions et saisies; elle reconnaît simplement que
la technologie a modifié la manière dont les fouil-
les, perquisitions et saisies peuvent être effectuées
et, par effet de coïncidence, a ajouté les communi
cations verbales aux éléments qui, en pratique,
peuvent être saisis.
La décision qui fait autorité au sujet de
l'article 8 est l'arrêt Hunter et autres c. Southam
Inc., [1984] 2 R.C.S. 145. Selon l'appelant, cette
décision établit que, pour être conformes à l'article
8, les dispositions législatives autorisant les fouil-
les, perquisitions et saisies doit respecter les quatre
conditions minimales suivantes:
(i) il doit y avoir autorisation préalable de la fouille, de la
perquisition ou de la saisie, lorsque c'est possible;
(ii) c'est un juge ou au moins une personne en mesure d'agir
de façon judiciaire qui doit décider si l'autorisation
préalable doit être accordée;
(iii) la décision doit être fondée sur des éléments de preuve
fournis sous serment; et
(iv) le critère objectif sur lequel cette décision doit être
fondée doit comprendre des motifs raisonnables et pro
bables de croire qu'un élément de preuve de l'infraction
se trouve à l'endroit de la perquisition.
L'appelant reconnaît que l'article 21 de la Loi
satisfait aux trois premières conditions, mais il
prétend qu'il ne respecte pas la quatrième.
Il est utile que nous citions assez longuement les
propos tenus par le juge Dickson —c'était alors son
titre—aux pages 167 et suivantes.
L'établissement d'un critère objectif applicable à l'autorisation
préalable de procéder à une fouille, à une perquisition ou à une
saisie a pour but de fournir un critère uniforme permettant de
déterminer à quel moment les droits de l'État de commettre ces
intrusions l'emportent sur ceux du particulier de s'y opposer.
Relier ce critère à la conviction raisonnable d'un requérant que
la perquisition peut permettre de découvrir des éléments de
preuve pertinents équivaudrait à définir le critère approprié
comme la possibilité de découvrir des éléments de preuve. Il
s'agit d'un critère très faible qui permettrait de valider une
intrusion commise par suite de soupçons et autoriserait des
recherches à l'aveuglette très étendues. Ce critère favoriserait
considérablement l'État et ne permettrait au particulier de
s'opposer qu'aux intrusions les plus flagrantes. Je ne crois pas
que ce soit là un critère approprié pour garantir le droit d'être
protégé contre les fouilles, les perquisitions et les saisies
abusives.
Le droit de l'État de déceler et de prévenir le crime commence
à l'emporter sur le droit du particulier de ne pas être importuné
lorsque les soupçons font place à la probabilité fondée sur la
crédibilité. L'histoire confirme la justesse de cette exigence
comme point à partir duquel les attentes en matière de la vie
privée doivent céder le pas à la nécessité d'appliquer la loi. Si le
droit de l'État ne consistait pas simplement à appliquer la loi
comme, par exemple, lorsque la sécurité de l'État est en cause,
ou si le droit du particulier ne correspondait pas simplement à
ses attentes en matière de vie privée comme, par exemple,
lorsque la fouille ou la perquisition menace son intégrité physi
que, le critère pertinent pourrait fort bien être différent. Ce
n'est pas le cas en l'espèce. Dans des cas comme la présente
affaire, l'existence de motifs raisonnables et probables, établie
sous serment, de croire qu'une infraction a été commise et que
des éléments de preuve se trouvent à "endroit de la perquisition,
constitue le critère minimal, compatible avec l'art. 8 de la
Charte, qui s'applique à l'autorisation d'une fouille, d'une
perquisition ou d'une saisie.
L'appelant soutient que l'article 21 ne respecte pas
le quatrième critère parce qu'il n'exige pas que le
juge croie, pour des motifs raisonnables et proba
bles, (a) qu'une infraction a été commise et (b)
que des éléments de preuve de l'infraction se trou-
vent à l'endroit de la fouille ou perquisition.
Le mandat en cause a été décerné relativement à
des menaces à la sécurité nationale, et non à
l'égard de la commission d'une infraction au sens
ordinaire. Ce n'est pas nécessairement appliquer
un critère plus faible mais tenir compte de la
réalité que de conclure, ainsi que l'a fait l'arrêt
Hunter et autres c. Southam Inc., qu'un critère
différent devrait s'appliquer lorsque la sécurité
nationale est en cause.
Comme la Loi n'autorise pas la délivrance de
mandats pour faire enquête sur des infractions au
sens ordinaire du droit criminel ou pour obtenir
des éléments de preuve relativement à la perpétra-
tion de telles infractions, il est parfaitement
normal que l'article 21 n'exige pas du juge qui
décerne le mandat qu'il soit convaincu qu'une
infraction a été commise et que des éléments de
preuve la concernant seront trouvés lors de l'exécu-
tion du mandat. Ce que la Loi autorise, c'est la
tenue d'enquêtes sur des menaces à la sécurité du
Canada et, entre autres, la collecte de renseigne-
ments concernant des activités qui peuvent, pour
des motifs raisonnables, être considérées comme
susceptibles de constituer de telles menaces. Étant
donné la définition donnée au terme «juge», l'alinéa
21(2)a) de la Loi respecte entièrement, compte
tenu des adaptations de circonstances, la prescrip-
tion de l'arrêt Hunter et autres c. Southam Inc.
visant les critères minimums établis par l'article 8
relativement aux dispositions législatives autori-
sant les fouilles, perquisitions et saisies. Le juge
doit être convaincu, pour des motifs raisonnables
et probables fondés sur des éléments de preuve
fournis sous serment, que des menaces à la sécurité
du Canada existent et qu'un mandat est nécessaire
pour permettre la tenue d'une enquête à ce sujet.
A mon sens, il s'agit d'un critère objectif.
Toutes les prétentions visant l'invalidité du
mandat lui-même en raison de son incompatibilité
avec l'article 8 de la Charte me sont apparues soit
dépendre de l'invalidité de l'article 21 de la Loi,
soit répéter essentiellement les arguments voulant
que le mandat, à sa seule lecture, ne fût pas
conforme à cette disposition. Il ne me semble pas
utile de me répéter en traitant de ces prétentions.
Je considère non fondé l'argument voulant que le
mandat soit invalide à sa seule lecture parce qu'il
ne respecterait pas les conditions minimales éta-
blies par la Charte à l'égard des fouilles, perquisi-
tions et saisies non abusives.
4. NON-DIVULGATION DE L'AFFIDAVIT
Selon la procédure normale, lorsque des élé-
ments de preuve visant la perpétration d'une
infraction ont été réunis contre une personne en
vertu de l'autorité conférée par un mandat de
perquisition ou une autorisation de surveillance
électronique, cette personne a le droit, avant que
ces éléments de preuve ne soient utilisés contre
elle, de contester la validité du mandat au motif
que le juge qui l'a décerné n'aurait pas dû le faire
en raison de l'insuffisance des pièces justificatives.
Le fondement d'un tel droit a été énoncé par le
juge H. J. MacDonald, de la Cour suprême de
l'Alberta, dans l'arrêt Realty Renovations Ltd. v.
A.G. Alta., [1979] 1 W.W.R. 74, à la page 80,
dans un passage cité avec approbation par le juge
Dickson —c'était alors son titre—dans l'arrêt Pro-
cureur général de la Nouvelle-Écosse et autre c.
Maclntyre, [ 1982] 1 R.C.S. 175, à la page 181.
[TRADUCTION] Puisque la délivrance d'un mandat de perqui-
sition est un acte judiciaire et non un acte administratif, il me
paraît fondamental que, pour pouvoir exercer le droit de contes-
ter la validité d'un mandat de perquisition, la partie concernée
ou son avocat puisse examiner le mandat de perquisition et la
dénonciation sur laquelle il se fonde. Bien qu'il n'existe pas
d'appel de la délivrance d'un mandat de perquisition, une cour
supérieure a le droit, par bref de prérogative, de réviser l'acte
du juge de paix qui délivre le mandat. Pour bien présenter sa
requête, le requérant doit en connaître les raisons ou motifs qui
tiennent fort probablement à la formulation de la dénonciation
ou du mandat.
Cette justification s'applique aussi bien à une
autorisation d'écoute électronique qu'à un mandat
de perquisition et aussi bien à la surveillance effec-
tuée en vertu de la Loi qu'à la surveillance qui a
lieu dans le cadre d'une enquête traditionnelle en
matière criminelle. L'appelant, qui a le droit et
l'intention d'entreprendre la contestation susmen-
tionnée, ne peut le faire que si on lui donne
pleinement accès à l'affidavit d'Archie Barr men-
tionné à l'attendu III. À ce point-ci, la Cour doit
trancher si le juge s'est trompé en refusant d'or-
donner sa production.
La Loi n'interdit pas expressément la production
de cet affidavit. Ses dispositions pertinentes sont
les articles 18, 19, 27 et 28, dont voici les parties
applicables à l'espèce:
18. (1) Sous réserve du paragraphe (2), nul ne peut commu-
niquer des informations qu'il a acquises ou auxquelles il avait
accès dans l'exercice des fonctions qui lui sont conférées en
vertu de la présente loi ou lors de sa participation à l'exécution
ou au contrôle d'application de cette loi et qui permettraient de
découvrir l'identité:
a) d'une autre personne qui fournit ou a fourni au Service
des informations ou une aide à titre confidentiel;
b) d'une personne qui est ou était un employé occupé à des
activités opérationnelles cachées du Service.
(2) La communication visée au paragraphe (1) peut se faire
dans l'exercice de fonctions conférées en vertu de la présente loi
ou de toute autre loi fédérale ou pour l'exécution ou le contrôle
d'application de la présente loi, si une autre règle de droit
l'exige ou dans les circonstances visées aux alinéas 19(2)a) à d).
(3) Quiconque contrevient au paragraphe (1) est coupable:
a) soit d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement
maximal de cinq ans;
b) soit d'une infraction punissable par procédure sommaire.
19. (1) Les informations qu'acquiert le Service dans l'exer-
cice des fonctions qui lui sont conférées en vertu de la présente
loi ne peuvent être communiquées qu'en conformité avec le
présent article.
(2) Le Service peut, en vue de l'exercice des fonctions qui lui
sont conférées en vertu de la présente loi ou pour l'exécution ou
le contrôle d'application de celle-ci, ou en conformité avec les
exigences d'une autre règle de droit, communiquer les informa-
tions visées au paragraphe (1). Il peut aussi les communiquer
aux autorités ou personnes suivantes:
a) lorsqu'elles peuvent servir dans le cadre d'une enquête ou
de poursuites relatives à une infraction présumée à une loi
fédérale ou provinciale, aux agents de la paix compétents
pour mener l'enquête, au procureur général du Canada et au
procureur général de la province où des poursuites peuvent
être intentées à l'égard de cette infraction;
L'alinéa 19(2)a) suffit à illustrer le genre de com
munication d'informations par le Service qu'envi-
sage la Loi. C'est la communication d'informations
au Procureur général de la Colombie-Britannique,
autorisée par cette disposition, qui a été à l'origine
de la présente instance. Sans cette communication,
l'appelant n'aurait, présumément, jamais connu
l'existence du mandat. Les alinéas b),c) et d)
autorisent, dans des circonstances précises, la com
munication d'informations aux ministres de la
Couronne du chef du Canada ou à des fonctionnai-
res fédéraux. Aucune de ces dispositions n'envisage
la communication sollicitée en l'espèce.
27. Une demande de mandat ou de renouvellement de
mandat faite à un juge en vertu de l'article 21, 22 ou 23 est
entendue à huis clos en conformité avec les règlements d'appli-
cation de l'article 28.
28. Le gouverneur en conseil peut, par règlement:
a) déterminer la forme des mandats décernés en vertu de
l'article 21 ou 23;
b) prévoir les règles de pratique et de procédure, ainsi que
les conditions de sécurité, applicables à l'audition d'une
demande de mandat ou de renouvellement de mandat;
c) par dérogation à la Loi sur la Cour fédérale et aux règles
prises sous son régime, préciser les lieux où peuvent se tenir
les auditions et où doivent être conservés les archives et
documents qui s'y rattachent, de même que leur mode de
conservation.
Aucun règlement n'a été édicté en vertu de
l'article 28. Aucune règle de la Cour directement
applicable à de telles circonstances n'a été édictée
en vertu de la Loi sur la Cour fédérale. Bien qu'il
puisse ne pas être approprié de soulever un tel
point, l'appelant ne l'ayant pas fait, je peux très
bien concevoir que, en l'absence de tels règles et
règlements, le défaut d'inclure un affidavit comme
celui-là dans le dossier conjoint de la cause en
appel, comme semble l'exiger la Règle 1204, puisse
être soulevé dans le cadre d'un appel éventuel.
Peut-être devons-nous inférer de son absence que
le juge, statuant sur la demande d'annulation quel-
ques vingt mois après avoir décerné le mandat, n'a
pas réexaminé l'affidavit. Quoi qu'il en soit, dans
la mesure où les règles générales de la Cour sont
pertinentes, elles militent en faveur de la
communication.
La seule restriction à la communication imposée
par la Loi est l'interdiction absolue de la communi
cation par quiconque des informations à partir
desquelles peut être inférée l'identité d'un informa-
teur ou d'un employé occupé à des activités opéra-
tionnelles cachées. La Cour devrait respecter cette
prohibition. À mon sens, l'exigence que la
demande de mandat soit entendue de façon privée
n'implique pas que l'affidavit présenté à l'appui
d'une telle demande ne peut être communiqué
dans aucune circonstance. A ma connaissance, il
est de pratique courante que toutes les demandes
initiales de mandat de perquisition ou d'autorisa-
tion d'écoute électronique soient présentées de
façon privée. Ce n'est qu'une fois ce mandat exé-
cuté que prend naissance le droit d'une partie
intéressée d'examiner les informations présentées à
l'appui de la demande de mandat.
L'avocat du procureur général de la Colombie-
Britannique a soutenu que les communications
visées à l'article 19 sont les seules permises à
l'égard des informations contenues dans l'affidavit
et que la communication de telles informations à
l'appelant est, en conséquence, interdite par la Loi.
J'en déduis que les informations figurant dans
l'affidavit sont, selon toute probabilité, des «infor-
mations qu'acquiert le Service dans l'exercice des
fonctions qui lui sont conférées» et, en consé-
quence, sont visées par l'article 19. Cet argument
échoue parce que cet article traite de la communi
cation d'informations par le Service. Or, nous nous
trouvons ici en présence d'une demande de com
munication d'informations présentée à la Cour.
Rien dans la Loi n'interdit expressément une telle
communication. Si elle ne doit pas se faire, ce doit
être parce qu'une des parties intéressées s'y oppose
de façon régulière, et non parce que la loi
l'interdit.
L'intimée cite deux décisions de cette Cour à
l'appui de la proposition que, légalement, pour des
considérations ayant trait à la sécurité nationale,
l'affidavit ne doit pas être communiqué. Ces déci-
sions, les arrêts Goguen c. Gibson, [1983] 2 C.F.
463 (C.A.) et Gold c. R., [1986] 2 C.F. 129
(C.A.), ont toutes deux maintenu le refus d'un
juge désigné en vertu du paragraphe 36.2(1) de la
Loi sur la preuve au Canada [S.R.C. 1970, chap.
E-10 (ajouté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 111,
art. 4)] de même examiner des documents à la
production desquels on s'était opposé, afin de
déterminer s'ils pouvaient être divulgués. Dans
l'affaire Goguen, c'est la défenderesse qui sollici-
tait la divulgation, dans le cadre d'une poursuite
criminelle, alors que l'affaire Gold, elle était
recherchée par la demanderesse dans le cadre
d'une action civile. À la lecture de ces deux déci-
sions, il ressort clairement que la Cour n'a même
pas procédé à l'examen des documents en question
parce qu'elle était parvenue à une conclusion quant
à leur valeur probante. Dans l'affaire Goguen, la
Cour était convaincue que les documents ne pou-
vaient que confirmer une preuve directe autrement
disponible tandis que, dans l'affaire Gold, elle était
convaincue que les documents ne pouvaient être
pertinents à aucune des questions en litige, eu
égard aux aveux figurant dans la défense. La
pertinence de l'affidavit relativement à la contesta-
tion du mandat projetée par l'appelant ne fait
aucun doute.
L'intimée soutient également que, dans le cadre
d'une demande d'annulation d'une ordonnance ex
parte fondée sur la Règle 330, le refus d'ordonner
la production de l'affidavit est une question discré-
tionnaire; elle prétend que
[TRADUCTION] Une Cour d'appel ne doit intervenir relative-
ment à l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'un juge de
première instance à l'égard d'une question interlocutoire
comme celle en l'espèce que s'il est clair que le juge en question
s'est fondé sur un principe erroné ou une appréciation erronée
des faits dans l'exercice de ce pouvoir ou que l'ordonnance n'est
pas juste et raisonnable.
Référence est faite à la décision rendue dans l'af-
faire International Business Machines Corpora
tion of Canada Limited and Xerox Corporation
(1977), 16 N.R. 355 (C.A.F.) ainsi qu'aux déci-•
sions mentionnées dans la note de bas de page 1 de
ce jugement. Alors que les questions devant être
tranchées dans le cadre d'une demande présentée à
un juge de première instance en vertu de la Règle
330 seront, selon toute probabilité, habituellement
interlocutoires par nature, l'ordonnance prononcée
en l'espèce a clairement un caractère final. Notre
devoir consiste à déterminer si le juge de première
instance a commis une erreur de droit en refusant
d'ordonner cette production.
Le juge de première instance a analysé assez
longuement la question de savoir si le processus
prévu aux articles 36.1 [ajouté par S.C. 1980-81-
82-83, chap. 111, annexe III, art. 4] et 36.2 de la
Loi sur la preuve au Canada avait été déclenché
dans le cadre de la demande fondée sur l'article
330. Sa conclusion négative n'est pas contestée
dans le cadre de la présente instance.
Je considère qu'il est juste de qualifier de terro-
risme les menaces envers la sécurité du Canada à
l'égard desquelles le mandat a été décerné. Toute
personne sensée reconnaîtra que, à notre époque, le
terrorisme présente une menace envers la sécurité
d'un grand nombre de pays, que le Canada et les
Canadiens ne sont pas à l'abri du terrorisme,
susceptible d'être pratiqué sur leur territoire ou de
les prendre pour cible, et qu'il y va clairement de
notre intérêt national que les informations relatives
à de telles menaces soient recueillies par le Service.
Les événements qui ont conduit à la tenue de
l'enquête et à la rédaction du rapport de la Com
mission McDonald ainsi qu'à la décision finale du
Parlement de faire jouer un rôle au pouvoir judi-
ciaire au sein du processus de collecte des rensei-
gnements sont suffisamment frais à notre esprit
pour permettre au tribunal d'avoir une connais-
sance d'office de certaines questions générales. Le
système antérieur était devenu inacceptable aux
yeux du gouvernement et du Parlement parce qu'il
avait perdu sa crédibilité auprès du public. Un
grand nombre de personnes ne croyaient tout sim-
plement pas que les mesures prises au nom de la
sécurité nationale avaient été justifiées, bien que la
plupart d'entre elles aient considéré la sécurité
nationale comme très importante. Le scepticisme
de la population était suscité autant, sinon plus,
par l'identité des cibles de ce système, au fur et à
mesure que celle-ci devenait publique, que par les
méthodes des personnes engagées dans ces activi-
tés. L'une des mesures choisies pour asseoir la
crédibilité du nouveau Service civil auprès du
public est l'instauration d'un contrôle judiciaire là
où les activités cachées du Service peuvent faire
intrusion dans la vie privée de citoyens et résidents
canadiens. L'intervention judiciaire ne s'imposait
pas pour permettre au Service d'effectuer une
surveillance efficace; il eût été plus facile de pour-
suivre une telle activité en vertu de l'autorisation
de l'exécutif. Cette intervention était nécessaire
pour protéger les cibles éventuelles contre la possi-
bilité d'une surveillance injustifiée et pour assurer
le public qu'une telle protection était effectivement
accordée. Les bienfaits de l'intervention judiciaire
pour le Service et, par voie de conséquence, pour le
Canada, seront menacés si cette intervention est
présentée au public et perçue par celui-ci principa-
lement comme un rouage du système de collecte
des renseignements plutôt que comme une fonction
du système judiciaire.
Dans ses motifs, le juge de première instance a
cité le passage suivant de l'arrêt Maclntyre, aux
pages 183 et 184, dans lequel le juge Dickson,
parlant des mandats de perquisition, après avoir
observé l'existence d'un principe cardinal d'intérêt
public favorisant la «transparence» des procédures
judiciaires, a poursuivi en disant:
Bentham a énoncé de façon éloquente la justification de ce
dernier principe dans les termes suivants:
[TRADUCTION] «Dans l'ombre du secret, de sombres visées et
des maux de toutes formes ont libre cours. Les freins à
l'injustice judiciaire sont intimement liés à la publicité. Là où
il n'y a pas de publicité, il n'y a pas de justice.» «La publicité
est le souffle même de la justice. Elle est l'aiguillon acéré de
l'effort et la meilleure sauvegarde contre la malhonnêteté.
Elle fait en sorte que celui qui juge est lui-même un
jugement.»
Le fait que les mandats de perquisition peuvent être délivrés
par un juge de paix à huis clos n'entame pas cette préoccupa-
tion de responsabilité. Au contraire, il donne du poids à la thèse
en faveur de la politique d'accessibilité. Le secret qui préside
d'abord à la délivrance de mandats peut occasionner des abus et
la publicité a une grande influence préventive contre toute
inconduite possible.
En bref, ce qu'il faut viser, c'est le maximum de responsabi-
lité et d'accessibilité, sans aller jusqu'à causer un tort à un
innocent ou à réduire l'efficacité du mandat de perquisition
comme arme dans la lutte continue de la société contre le
crime.
Très légèrement adaptée, cette dernière déclara-
tion se révèle particulièrement pertinente. En l'es-
pèce, on doit rechercher la plus grande responsabi-
lité et la plus grande accessibilité possibles du
pouvoir judiciaire au sein du système de collecte
des renseignements, sans que cela nuise pour
autant aux enquêtes relatives à des menaces vérita-
bles envers la sécurité nationale. Au risque de me
répéter, la crédibilité du Service dépend de façon
directe et indiscutable, mais aucunement de façon
exclusive, de la crédibilité de la présence judiciaire
au sein du système; la crédibilité judiciaire étant
très fortement tributaire de la transparence, cel-
le-ci est donc également à l'avantage du Service.
À la page 346 de ses motifs, le juge a défini de
la manière suivante la question en jeu:
Il s'agit de déterminer en l'espèce s'il existe ou non des circons-
tances spéciales qui permettraient à la Cour de déroger à la
règle générale selon laquelle tous les documents déposés à la
Cour doivent être divulgués à toutes les parties, en l'absence
d'une attestation faite en vertu de l'article 36.1. Je formule
cette question ainsi en raison de la jurisprudence qui, à mon
avis, permet à la Cour de déroger à la règle générale lorsque,
selon elle, cette divulgation serait contraire aux meilleurs inté-
rêts de l'administration de la justice.
Il a alors cité le passage suivant de la page 189 de
l'arrêt Maclntyre en y ajoutant des soulignements.
Il n'y a pas de doute qu'une cour possède le pouvoir de
surveiller et de préserver ses propres dossiers. L'accès peut en
être interdit lorsque leur divulgation nuirait aux fins de la
justice ou si ces dossiers devaient servir à une fin irrégulière. Il
y a présomption en faveur de l'accès du public à ces dossiers et
il incombe à celui qui veut empêcher l'exercice de ce droit de
faire la preuve du contraire.
Il a conclu:
Cet extrait montre clairement qu'un juge a le pouvoir discré-
tionnaire d'interdire l'accès à des documents de la Cour «lors-
que leur divulgation nuirait aux fins de la justice.»
Le juge de première instance s'est fondé sur deux
circonstances particulières pour refuser la commu
nication de l'affidavit. L'extrait suivant figure à la
page 351 de ses motifs.
... premièrement, l'affidavit porte sur le terrorisme politique
qui faisait l'objet d'une enquête dans l'intérêt de la sécurité
nationale. La divulgation de l'affidavit pourrait fort bien provo-
quer la révélation de méthodes d'enquête en matière de sécurité
qui serait susceptible de nuire considérablement à l'efficacité de
la présente enquête de sécurité et d'autres enquêtes éventuelles.
On ne saurait nier ni méconnaître combien il est important
pour le public que le Service de sécurité conserve et voit
protégée sa capacité de remplir l'important et difficile mandat
que lui a confié la Loi sur le SCRS dans l'intérêt de la sécurité
nationale. Deuxièmement, en tout état de cause, et pour les
motifs exposés plus haut, j'estime qu'en ce qui concerne l'accu-
sation criminelle portée contre lui en Colombie-Britannique, le
requérant peut fort bien disposer d'autres voies de recours
relativement à la divulgation de l'affidavit Barr.
À ce point-ci, je cesse d'être d'accord avec le juge
de première instance. À mon sens, si la divulgation
de l'affidavit doit être refusée, elle ne peut l'être
pour le motif que la communication de celui-ci
entraverait les fins de la justice. Les fins de la
sécurité nationale ne sont pas équivalentes à celles
de la justice.
La seconde considération, avec déférence, ne me
semble pas pertinente. Le requérant a le droit de
contester la validité du mandat, et il doit le faire
devant cette Cour. L'arrêt Wilson c. La Reine,
[1983] 2 R.C.S. 594, concernait la décision d'un
juge d'une cour provinciale statuant que les élé-
ments de preuve recueillis en vertu d'une autorisa-
tion d'écoute électronique décernée conformément
au Code criminel par un juge de la Cour du Banc
de la Reine était inadmissible parce qu'elle avait
été obtenue de façon illégale. La Cour a conclu
qu'il avait commis une erreur en excluant la
preuve en question et elle a ordonné la tenue d'un
nouveau procès. Le juge McIntyre, prononçant les
motifs de la majorité, a conclu à la page 607:
Puisqu'il n'y a aucun droit d'appel contre l'octroi d'une
autorisation et puisqu'il ne paraît pas y avoir lieu à certiorari
(en l'absence d'une question de compétence), toute demande de
révision d'une autorisation doit, selon moi, être adressée à la
cour qui l'a accordée. Cette procédure est appuyée par la
jurisprudence. Une autorisation est accordée par suite d'une
demande ex parte. Il existe en matière civile un corps de
jurisprudence qui porte sur la révision d'ordonnances rendues
ex parte. Suivant une règle généralement acceptée, une ordon-
nance ex parte peut faire l'objet d'une révision par le juge qui
l'a rendue.
La Règle 330 prévoit la procédure suivant laquelle
une telle révision aura lieu devant cette Cour.
En ce qui a trait à la première considération
mentionnée, je n'arrive pas à percevoir si le juge a
assimilé l'intérêt de la sécurité nationale, dont je
ne conteste pas l'existence ou l'importance, à l'in-
térêt qu'il y a à éviter la défaite des fins de la
justice, ou s'il a, de son propre chef, considéré
approprié de faire appel aux articles 36.1 et sui-
vants de la Loi sur la preuve au Canada puisque
l'intimée ne l'avait pas fait. Dans un cas comme
dans l'autre, à mon sens, il s'est trompé.
L'intérêt du public dans l'administration de la
justice doit, il me semble, invariablement favoriser
la transparence de toutes les procédures judiciai-
res. Il s'agit d'un intérêt que les juges doivent
considérer comme entièrement indépendant des
autres intérêts publics qui peuvent lui être opposés
et, à l'occasion, l'emporter sur lui. Tous ces inté-
rêts doivent être traités comme des intérêts concur-
rents, non comme des éléments constitutifs de
quelque intérêt public global dont l'influence sur la
transparence du processus judiciaire devrait être
appréciée par les juges cas par cas. En adoptant
cette dernière manière d'aborder la question, on
risque de voir l'administration de la justice écartée
au profit d'autres considérations qui pourraient
être seulement momentanément plus pressantes.
En supposant que la communication d'un affidavit
n'aurait pas un effet catastrophique sur l'ensemble
de notre ordre social, les fins de la justice ne sont
pas des intérêts auxquels une telle communication
puisse porter atteinte.
Rien de ce qui précède ne signifie que le juge qui
prévoit une divulgation d'informations contraire à
l'intérêt de la sécurité nationale au cours d'une
instance où une telle divulgation n'était pas forcé-
ment attendue ou dans laquelle la Couronne du
chef du Canada n'est pas représentée, ne devrait
pas accorder aux autorités responsables la possibi-
lité de faire valoir cet intérêt. Le devoir du juge ne
consiste pas davantage à permettre passivement la
mise en péril de l'intérêt du public dans la sécurité
nationale qu'à le faire valoir activement en l'oppo-
sant à la norme de la transparence du' processus
judiciaire. Ce n'est pas le cas en l'espèce.
La Loi sur la preuve au Canada porte:
36.1 (1) Un ministre de la Couronne du chef du Canada ou
toute autre personne intéressée peut s'opposer à la divulgation
de renseignements devant un tribunal, un organisme ou une
personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de
renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant
eux que ces renseignements ne devraient pas être divulgués
pour des raisons d'intérêt public déterminées.
(2) Sous réserve des articles 36.2 et 36.3, dans les cas où
l'opposition visée au paragraphe (1) est portée devant une cour
supérieure, celle-ci peut prendre connaissance des renseigne-
ments et ordonner leur divulgation, sous réserve des restrictions
ou conditions qu'elle estime indiquées, si elle conclut qu'en
l'espèce, les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation
l'emportent sur les raisons d'intérêt public invoquées lors de
l'attestation.
36.2 (1) Dans les cas où l'opposition visée au paragraphe
36.1(1) se fonde sur le motif que la divulgation porterait
préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la
sécurité nationales, la question peut être décidée conformément
au paragraphe 36.1(2), sur demande, mais uniquement par le
juge en chef de la Cour fédérale ou tout autre juge de cette
cour qu'il charge de l'audition de ce genre de demande.
(5) Les demandes visées au paragraphe (1) font, en premier
ressort ou en appel, l'objet d'une audition à huis clos; celle-ci a
lieu dans la région de la Capitale nationale définie à l'annexe de
la Loi sur la Capitale nationale si la personne qui s'oppose à la
divulgation le demande.
(6) La personne qui a porté l'opposition qui fait l'objet d'une
demande ou d'un appel a, au cours des auditions, en première
instance ou en appel et sur demande, le droit de présenter des
arguments en l'absence d'une autre partie.
J'ai cité les dispositions qui précèdent afin d'établir
que le législateur a prévu des recours évidents qui
permettent au ministre de la Couronne intéressé,
s'il le choisit, de faire valoir que la sécurité natio-
nale s'oppose à la divulgation de l'affidavit, et
d'obtenir une décision judiciaire à cet égard.
Je souligne à nouveau que le juge de première
instance a vu l'affidavit en question et sans doute,
d'autres affidavits semblables, tandis que je ne les
ai pas vus. Il peut avoir une bonne raison de
conclure que la sécurité nationale, si elle était
invoquée, s'opposerait à la divulgation de toute
partie importante de l'affidavit. Toutefois, ce n'est
pas à lui d'invoquer cette raison d'intérêt public.
Le ministre intéressé est parfaitement capable de
s'acquitter des responsabilités que le Parlement lui
a assignées et, dans l'intérêt de l'administration de
la justice, c'est lui, et non un juge, qui devrait les
assumer. L'exercice régulier du pouvoir discrétion-
naire des juges d'éviter la défaite des fins de la
justice ne demande nullement à ceux-ci de prévoir
une telle objection, et encore moins de prévoir
qu'elle visera l'ensemble de l'affidavit.
CONCLUSION
Avec déférence, je suis d'avis que le mandat est
valide à sa lecture mais que, en l'absence d'une
opposition fondée sur l'article 36.1 de la Loi sur la
preuve au Canada, il incombait au juge d'ordonner
la production de l'affidavit après y avoir supprimé
tout renseignement qui aurait permis de découvrir
l'identité d'une personne visée aux alinéas 18(1)a)
et/ou b) de la Loi. Il s'est trompé en ne le faisant
pas, et je statuerais dans ce sens. J'accueillerais
l'appel avec dépens et, conformément au sous-ali-
néa 52b)(iii) de la Loi sur la Cour fédérale, je
renverrais la question devant le juge pour qu'il
poursuive l'instruction de la demande conformé-
ment à la déclaration qui précède.
LE JUGE MACGUIGAN: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HUGESSEN (dissident en partie): Le
26 juillet 1985, le juge Heald, agissant en qualité
de juge de la Cour fédérale du Canada désigné par
le juge en chef pour les fins de la Loi sur le Service
canadien du renseignement de sécurité (S.C. 1984,
chap. 21) (SCRS), a décerné, conformément à
l'article 21 de cette loi, un mandat autorisant
l'interception et la recherche des communications
privées, effectuées oralement et par écrit, de l'ap-
pelant Harjit Singh Atwal. M. Atwal, ayant été
subséquemment acccusé d'infractions criminelles
en Colombie-Britannique et ayant été avisé de
l'intention de la Couronne de présenter en preuve
lors du procès un certain nombre des communica
tions interceptées, a demandé au juge Heald d'an-
nuler l'ordonnance ex parte par laquelle il avait
décerné le mandat. Cette requête était censément
présentée conformément à la Règle 330 de cette
Cour':
Règle 330. La Cour peut annuler
a) toute ordonnance rendue ex parte, ou
b) toute ordonnance rendue en l'absence d'une partie qui a
omis de comparaître par suite d'un événement fortuit ou
d'une erreur ou à cause d'un avis de requête insuffisant;
mais une telle annulation n'affecte ni la validité ni la nature
d'une action ou omission antérieure à l'ordonnance d'annula-
tion sauf dans la mesure où la Cour, à sa discrétion, le prévoit
expressément dans son ordonnance d'annulation.
Dans une décision longue et rédigée avec soin en
date du 3 avril 1987, le juge Heald a rejeté cette
demande d'annulation. Le présent appel est inter-
jeté à l'encontre de cette décision.
Au commencement de l'audience, l'avocat de
l'intimée a mis en doute notre compétence à enten-
dre l'appel. Il doit être souligné qu'aucune objec
tion à la compétence du juge Heald d'instruire la
demande d'annulation du mandat initial n'a été
soulevée soit devant nous soit devant ce juge; une
telle demande semble être du type de celles qui ont
été approuvées expressément par la majorité de la
Cour suprême dans l'arrêt Wilson c. La Reine,
[1983] 2 R.C.S. 594. L'objection contestait plutôt
la compétence de la Division d'appel de cette Cour
à instruire un appel interjeté de la décision du juge
Heald. L'argument avancé, en bref, veut que le
juge Heald n'ait pas siégé en qualité de juge de la
Division de première instance lorsqu'il a décerné le
mandat et que, en conséquence, l'article 27 de la
Loi sur la Cour fédérale 2 (la seule disposition dont
l'applicabilité puisse être soutenue) ne crée pas en
l'espèce un droit d'appel.
' C.R.C., chap. 663.
2 S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10.
À mon avis, cet argument est mal fondé puisque,
quelle qu'ait pu être la qualité du juge Heald au
moment où il a décerné le mandat initial le 26
juillet 1985, lorsqu'il a siégé plus d'un an et demi
plus tard pour entendre la demande d'annulation
de ce mandat, il n'a pu le faire qu'à titre de juge de
la Cour fédérale du Canada. Je répète que sa
compétence à instruire cette demande n'a jamais
été mise en doute. Dans ces circonstances, il me
semble évident que le paragraphe 26(1) de la Loi
sur la Cour fédérale s'applique et que le juge
Heald, lorsqu'il a rendu le jugement porté en
appel, devait exercer la compétence qui lui est
conférée à titre de membre d'office de la Division
de première instance.
Quoi qu'il en soit, la question est sans intérêt
pratique. L'avocat de l'intimée a reconnu que cel-
le-ci ne subirait aucun préjudice si le présent appel
était converti en demande d'examen et d'annula-
tion fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale. Il a été suggéré, sans grande conviction,
que le juge Heald ne siégeait aucunement en qua-
lité de juge mais à titre de persona designata, de
sorte qu'il ne se trouvait pas assujetti aux disposi
tions de l'article 28. À mon sens, non seulement
une telle proposition est-elle incompatible avec la
reconnaissance de la compétence du juge Heald à
instruire la demande d'annulation, mais encore
contredit-elle de façon flagrante la décision rendue
par la Cour suprême du canada dans l'affaire
Herman et autres c. Sous-procureur général du
Canada, [1979] 1 R.C.S. 729. Si donc je me
trompais en considérant que la décision visée peut
être portée en appel en vertu de l'article 27 de la
Loi sur la Cour fédérale, je rendrais une ordon-
nance permettant la conversion du présent appel
en une demande fondée sur l'article 28.
Ceci m'amène à traiter du fond de la question en
litige. Un grand nombre de points ont été plaidés
devant nous; il ne m'apparaît cependant nécessaire
de traiter que d'un seul d'entre eux, que je consi-
dère comme concluant. Cet argument, énoncé sim-
plement, veut que l'article 21 de la Loi sur le
SCRS, qui a été adoptée quelque trois mois avant
l'arrêt de base rendue par la Cour suprême dans
l'affaire Hunter et autres c. Southam Inc., [ 1984]
2 R.C.S. 145, soit incompatible avec la garantie
contre les fouilles, les perquisitions et les saisies
abusives prévue à l'article 8 de la Charte cana-
dienne des droits et libertés, selon l'interprétation
de cette disposition dans l'arrêt Hunter.
La Loi sur le SCRS a été adoptée en 1984 face
à l'insatisfaction considérable que soulevait la
manière dont les opérations relatives à la sécurité
nationale avaient jusque-là été menées. La Loi
crée un organisme civil chargé de faire enquête sur
les menaces à la sécurité nationale, et elle assujet-
tit ses opérations à des inspections et à une révision
s'inscrivant dans un mécanisme soigneusement
conçu et visant à faire en sorte qu'en dépit du
caractère nécessairement secret de telles opéra-
tions, le public ait confiance que les vastes pouvoirs
du Service ne sont pas exercés de façon abusive. Le
mécanisme susmentionné exige notamment une
autorisation judiciaire préalable à toute intrusion
dans la vie privée des canadiens par la surveillance
électronique ou par d'autres moyens. C'est là le
seul contrôle non politique qui précède l'acte con
cerné; nous ne voulons pas minimiser l'importance
des autres mécanismes créés par la Loi pour con-
trôler les activités du Service après coup, mais il
est nécessaire de tenir compte de ce point pour
bien comprendre le rôle joué par les tribunaux
dans l'ensemble du contexte de la Loi sur le
SCRS.
La disposition pertinente aux fins de notre ana
lyse est l'article 21. II figure dans la Partie II de la
Loi, intitulée «Contrôle judiciaire», et il est libellé
de la façon suivante:
21. (I) Le directeur ou un employé désigné à cette fin par le
ministre peut, après avoir obtenu l'approbation du ministre,
demander à un juge de décerner un mandat en conformité avec
le présent article s'il a des motifs raisonnables de croire que le
mandat est nécessaire pour permettre au Service de faire
enquête sur des menaces envers la sécurité du Canada ou
d'exercer les fonctions qui lui sont conférées en vertu de
l'article 16.
(2) La demande visée au paragraphe (1) est présentée par
écrit et accompagnée de l'affidavit du demandeur portant sur
les points suivants:
a) les faits sur lesquels le demandeur s'appuie pour avoir des
motifs raisonnables de croire que le mandat est nécessaire
aux fins visées au paragraphe (1);
b) le fait que d'autres méthodes d'enquête ont été essayées
en vain, ou la raison pour laquelle elles semblent avoir peu de
chances de succès, le fait que l'urgence de l'affaire est telle
qu'il serait très difficile de mener l'enquête sans mandat ou le
fait que, sans mandat, il est probable que des informations
importantes concernant les menaces ou les fonctions visées au
paragraphe (1) ne pourraient être acquises;
c) les catégories de communications dont l'interception, les
catégories d'informations, de documents ou d'objets dont
l'acquisition, ou les pouvoirs visés aux alinéas 3a) à c) dont
l'exercice, sont à autoriser;
d) l'identité de la personne, si elle est connue, dont les
communications sont à intercepter ou qui est en possession
des informations, documents ou objets à acquérir;
e) les personnes ou catégories de personnes destinataires du
mandat demandé;
J) si possible, une description générale du lieu où le mandat
demandé est à exécuter;
g) la durée de validité applicable en vertu du paragraphe
(5), de soixante jours ou d'un an au maximum, selon le cas,
demandée pour le mandat;
h) la mention des demandes éventuelles touchant des person-
nes visés à l'alinéa d), la date de chacune de ces demandes, le
nom du juge à qui elles ont été présentées et la décision de
celui-ci dans chaque cas.
(3) Par dérogation à toute autre règle de droit mais sous
réserve de la Loi sur la statistique, le juge à qui est présentée la
demande visée au paragraphe (1) peut décerner le mandat s'il
est convaincu de l'existence des faits mentionnés aux alinéas
2a) et b) et dans l'affidavit qui accompagne la demande; le
mandat autorise ses destinataires à intercepter des communica
tions ou à acquérir des informations, documents ou objets. À
cette fin il peut autoriser aussi, de leur part:
a) l'accès à un lieu ou un objet ou l'ouverture d'un objet;
b) la recherche, l'enlèvement ou la remise en place de tout
document ou objet, leur examen, le prélèvement des informa-
tions qui s'y trouvent, ainsi que leur enregistrement et l'éta-
blissement de copies ou d'extraits par tout procédé;
c) l'installation, l'entretien et l'enlèvement d'objets.
(4) Le mandat décerné en vertu du paragraphe (3) porte les
indications suivantes:
a) les catégories de communications dont l'interception, les
catégories d'informations, de documents ou d'objets dont
l'acquisition, ou les pouvoirs visés aux alinéas 3a) à c) dont
l'exercice, sont autorisés;
b) l'identité de la personne, si elle est connue, dont les
communications sont à intercepter ou qui est en possession
des informations, documents ou objets à acquérir;
c) les personnes ou catégories de personnes destinataires du
mandat;
d) si possible, une description générale du lieu où le mandat
peut être exécuté;
e) la durée de validité du mandat;
J) les conditions que le juge estime indiquées dans l'intérêt
public.
(5) II ne peut être décerné de mandat en vertu du paragra-
phe (3) que pour une période maximale
a) de soixante jours lorsque le mandat est décerné pour
permettre au Service de faire enquête sur des menaces envers
la Sécurité du Canada au sens de l'alinéa d) de la définition
de telles menaces contenue dans l'article 2; ou
b) d'un an dans tout autre cas.
L'article 12 est, lui aussi, important dans le
contexte de la présente affaire:
12. Le Service recueille, au moyen d'enquêtes ou autrement,
dans la mesure strictement nécessaire, et analyse et conserve les
informations et renseignements sur les activités dont il existe
des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles constituent des
menaces envers la sécurité du Canada; il en fait rapport au
gouvernement du Canada et le conseille à cet égard.
Je ne doute point qu'à la fois le mandat et les
dispositions de l'article 21 lui-même soient soumis
au contrôle établi par l'article 8 de la Charte. Il
me semble évident en soi que le champ d'applica-
tion de ce dernier article n'est pas restreint aux
formes traditionnelles de perquisitions et de saisies
matérielles de documents et d'objets mais s'étend à
d'autres formes d'immixtion dans la vie privée, par
des moyens électroniques ou autres.
Il me semble approprié de faire deux observa
tions.
Premièrement, les pouvoirs susceptibles d'être
accordés dans un mandat décerné en vertu de
l'article 21 sont vastes et portent atteinte à la vie
privée au plus haut point. Dans l'arrêt Hunter, le
juge Dickson —c'était alors son titre—a dit au
sujet de l'autorisation prévue aux paragraphes
10(1) et 10(3) de la Loi relative aux enquêtes sur
les coalitions' qu'elle avait une «portée renver-
sante». La portée du mandat décerné contre Atwal
en vertu de l'article 21 de la Loi sur le SCRS en
l'espèce dépasse de loin tout ce qui a pu être
imaginé dans l'arrêt Hunter. Ce mandat autorise
l'interception clandestine, par des moyens électro-
niques ou autres, de toutes les communications
privées d'Atwal, partout au Canada, et des com
munications de toute autre personne se trouvant à
tout endroit au Canada utilisé par Atwal comme
résidence temporaire ou permanente. Il autorise
également la recherche et l'examen clandestins de
toutes ses communications enregistrées effectuées
autrement que par la poste. Sa portée est véritable-
ment stupéfiante.
Deuxièmement, en matière de sécurité natio-
nale, les intérêts de l'État doivent fréquemment se
voir accorder la priorité sur les intérêts des indivi-
3 S.R.C. 1970, chap. C-23.
dus. Les droits et libertés dont nous sommes si
fiers au Canada et auxquels la Charte donne une
expression nouvelle et plus vibrante, le régime de
gouvernement libre et démocratique que nous
tenons pour acquis à tous les niveaux et, en fait, la
tranquilité et la sécurité mêmes de chacun sont
tributaires du maintien de l'État. Les menaces à
leur existence, qu'elles proviennent d'activités sub
versives, du terrorisme ou de la force des armes,
doivent être vigoureusement combattues.
La question qui se pose consiste donc à savoir où
doit être tracée la démarcation entre les attentes
légitimes et raisonnables des individus de ne pas
être importunés et la nécessité pour l'État de se
défendre.
Je reviens à l'arrêt Hunter. Cette affaire ne
concernait pas des questions ayant trait à la sécu-
rité nationale mais une perquisition ordinaire
visant à faire enquête sur un crime. Toutefois, au
cours de son jugement, le juge Dickson a non
seulement indiqué clairement quels étaient les cri-
tères minimums établis par l'article 8 de la Charte
concernant les enquêtes en matière criminelle,
mais encore a-t-il énoncé des lignes directrices
précieuses concernant le critère qui devrait être
appliqué dans une affaire comme celle dont nous
sommes saisis. La règle-clé est que, pour qu'une
fouille, une perquisition ou une saisie soit raisonna-
ble, il doit exister un critère objectif servant de
guide au fonctionnaire judiciaire à qui est confiée
la responsabilité d'autoriser une immixtion dans la
vie privée d'un individu [à la page 166]:
L'équilibre constitutionnel entre des attentes justifiables en
matière de vie privée et les besoins légitimes de l'État ne peut
pas dépendre de l'appréciation subjective d'un arbitre. Il faut
établir un critère objectif quelconque.
Voici comment, pour les fins de cette affaire, a été
décrit le test approprié [aux pages 167 et 168]:
Le droit de l'État de déceler et de prévenir le crime commence
à l'emporter sur le droit du particulier de ne pas être importuné
lorsque les soupçons font place à la probabilité fondée sur la
crédibilité. L'histoire confirme la justesse de cette exigence
comme point à partir duquel les attentes en matière de la vie
privée doivent céder le pas à la nécessité d'appliquer la loi. Si le
droit de l'État ne consistait pas simplement à appliquer la loi
comme, par exemple, lorsque la sécurité de l'État est en cause,
ou si le droit du particulier ne correspondait pas simplement à
ses attentes en matière de vie privée comme, par exemple,
lorsque ta fouille ou la perquisition menace son intégrité physi
que, le critère pertinent pourrait fort bien être différent. Ce
n'est pas le cas en l'espèce. Dans des cas comme la présente
affaire, l'existence de motifs raisonnables et probables, établie
sous serment, de croire qu'une infraction a été commise et que
des éléments de preuve se trouvent à l'endroit de la perquisition,
constitue le critère minimal, compatible avec l'art. 8 de la
Charte, qui s'applique à l'autorisation d'une fouille, d'une
perquisition ou d'une saisie. [Les soulignements sont ajoutés.]
Trois critères me semblent ressortir de ce pas
sage. Premièrement, il doit exister une norme de
preuve établie par la loi («l'existence de motifs
raisonnables et probables ... de croire ... »);
deuxièmement, l'intérêt approprié de l'État doit
être établi («une infraction a été commise»); et
troisièmement, de façon encore plus importante,
un rapport raisonnable et un équilibre doivent être
établis entre cet intérêt et l'intrusion projetée («des
éléments de preuve se trouvent»).
J'en reviens à l'article 21 de la Loi sur le SCRS.
La disposition pertinente à la présente affaire est
l'alinéa 21(2)a), qui par son renvoie au paragraphe
21(1) fait état de ce dont un juge doit être con-
vaincu, conformément au paragraphe 21(3), pour
décerner un mandat. Combinées, ces dispositions
exigent que le juge soit convaincu de l'existence de
motifs raisonnables de croire qu'un mandat
est nécessaire pour permettre au Service de faire enquête sur
des menaces envers la sécurité du Canada.
À mon sens, cette disposition ne satisfait pas au
troisième critère car elle ne prévoit aucune norme
raisonnable qui permettrait au juge de vérifier la
nécessité d'un mandat. Il n'est pas exigé que l'on
démontre que l'immixtion dans la vie privée d'un
citoyen fournira des éléments de preuve au sujet
des menaces alléguées ou contribuera à confirmer
ou à infirmer leur existence. Rien dans le libellé de
la Loi n'exige l'existence d'un rapport direct entre
les informations qu'on espère obtenir au moyen de
la communication interceptée et les menaces allé-
guées envers la sécurité du Canada. Au contraire,
il semble que ce soit entre l'interception et l'en-
quête relative aux menaces qu'un rapport doive
être établi sur le fondement de motifs raisonnables.
En pratique, ceci signifie que les termes de la Loi
sont suffisamment larges pour autoriser l'intercep-
tion des communications privées d'une personne
choisie comme cible d'une attaque terroriste sans
que celle-ci en ait connaissance ou sans son con-
sentement et d'une façon qui implique le plus
grand degré possible d'immixtion dans sa vie
privée. Plus alarmant encore, les termes utilisés
permettraient également une interception dont
l'objet direct ne serait aucunement d'obtenir des
informations au sujet des menaces sur lesquelles
portent l'enquête, mais plutôt de faire progresser
cette enquête par l'obtention d'autres informations
qui pourraient alors être utilisées comme moyen de
marchandage dans la poursuite de l'enquête.
Un exemple fictif servira à illustrer ce dernier
point. Il n'est pas totalement fantaisiste d'imaginer
des menaces envers la sécurité nationale qu'on
soupçonnerait d'être présentées par un mouvement
radical dont tous les adhérents seraient issus d'une
minorité des membres d'un groupe identifiable
facile à distinguer par sa race, sa religion, sa
culture, son origine géographique, et ainsi de suite.
Un tel groupe pourrait être assez petit en soi et ne
comprendre que quelques centaines de membres au
Canada, tandis que le sous-groupe marginal qui en
constitue l'élément radical et présente une menace
à la sécurité nationale serait, par définition, beau-
coup plus restreint encore. Dans de telles circons-
tances, on pourrait facilement avoir des motifs
raisonnables de croire que la seule manière effi-
cace de faire enquête sur cette menace serait de
s'immiscer, de l'intérieur, au sein de ce mouvement
marginal. Une telle immixtion ne pourrait toute-
fois être réalisée que par un membre du groupe
minoritaire en cause puisqu'aucun étranger ne par-
viendrait à devenir membre du mouvement. Pour
diverses raisons, il pourrait s'avérer impossible ou
non pratique pour le Service de recruter un volon-
taire parmi les membres de ce groupe, de sorte que
le Service pourrait n'avoir d'autre ressource que de
forcer une personne à agir comme délateur en
obtenant à son sujet des informations confidentiel-
les pouvant être utilisées contre elle si elle refusait
d'obtempérer.
Loin de moi la pensée qu'un juge autoriserait
jamais la délivrance d'un mandat en vertu de
l'article 21 pour permettre au Service de pratiquer
officiellement un tel chantage. J'ose également
espérer qu'aucun juge ne permettrait la surveil
lance d'une victime éventuelle à l'insu de celle-ci.
Là n'est pas la question. Ce qui est important, c'est
que l'article 21 lui-même n'exclut pas de telles
possibilités,
À cause de l'utilisation des termes nécessaire pour permettre au
Service de faire enquête sur des menaces envers la sécurité du
Canada,
son libellé est si large qu'il ne prévoit aucun critère
objectif. Même en accordant à l'intérêt étatique en
cause toute l'importance qui lui revient, l'étendue
de l'intrusion possible dans la vie privée du citoyen
est entièrement disproportionnée. Une fouille, une
perquisition et une saisie qui auraient lieu pour les
fins qui précèdent ne seraient pas raisonnables.
Comme l'article 21 les permettrait, cet article ne
peut, lui-même, être maintenu. Comme il a été
souligné avec justesse dans l'arrêt Hunter, à la
page 169:
... il incombe à la législature d'adopter des lois qui contiennent
les garanties appropriées permettant de satisfaire aux exigences
de la Constitution. Il n'appartient pas aux tribunaux d'ajouter
les détails qui rendent constitutionnelles les lacunes législatives.
Si elles n'offrent pas les garanties appropriées, les lois qui
autorisent des fouilles, des perquisitions et des saisies sont
incompatibles avec l'art. 8 de la Charte.
Pour les motifs qui précèdent, j'accueillerais
l'appel, j'annulerais le jugement porté en appel et
je lui substituerais un jugement annulant l'ordon-
nance ex parte du 26 juillet 1985 qui a autorisé la
délivrance d'un mandat en vertu de l'article 21 de
la Loi sur le Service canadien du renseignement de
sécurité au motif que cet article reste sans effet
parce qu'il est incompatible avec l'article 8 de la
Charte. L'appelant devrait avoir droit à ses dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.