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A-553-84
Ronald Sorobey et Saul Popoch (requérants) c.
Le Comité d'appel de la Commission de la Fonc- tion publique (intimé)
RÉPERTORIE: SOROBEY c. CANADA (COMITÉ D'APPEL DE IA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE)
Cour d'appel, juges Hugessen, MacGuigan et Lacombe—Ottawa, 1 e' octobre 1986.
Contrôle judiciaire Demandes d'examen Demande d'annulation de la décision du comité Des candidats mal- heureux à un concours visant à combler des postes d'agents principaux de programme ont allégué que quelques-uns des candidats heureux connaissaient à l'avance la nature générale des questions Des candidats heureux sont intervenus et ont donné leur version des faits à l'audience du comité d'appel Ils sont devenus des témoins Les requérants ont tenté de les contre-interroger Le comité d'appel a demandé aux interve- nants s'ils étaient disposés à répondre à des questions Chacun a refusé L'équité exigeait que les requérants puis- sent mettre les témoignages à l'épreuve par voie de contre- interrogatoire En invitant les témoins à refuser de se soumettre à un contre-interrogatoire, le comité n'a pas accordé aux requérants une audition équitable La Cour n'est pas disposée à apprécier les conséquences de l'erreur Demande accueillie Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 28 Loi sur l'emploi dans la Fonction publi- que, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 21.
Fonction publique Appels Les candidats malheureux à un concours restreint interjettent appel devant un comité d'ap- pel de la Fonction publique Le comité reçoit les dépositions des candidats heureux Le contre-interrogatoire n'est pas permis Déni d'équité Annulation de la décision du comité Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 21.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Cardinal et autre c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643.
DISTINCTION FAITE AVEC LA DÉCISION SUIVANTE, QUI EST MISE EN DOUTE:
Schaaf c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1984] 2 C.F. 334; (1984), 52 N.R. 54 (CA.).
DÉCISIONS CITÉES:
Perry c. Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique, [1980] 1 R.C.S. 316; Schwartz c. R., [1982] 1 C.F. 386 (C.A.).
AVOCATS:
Andrew J. Raven pour les requérants. Dogan Akman pour l'intimé.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady, Morin, Ottawa, pour les requérants. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés à l'audience par
LE JUGE HUGESSEN: La Cour est saisie d'une demande fondée sur l'article 28 tendant à l'examen et à l'annulation de la décision d'un comité d'appel établi en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique (S.R.C. 1970, chap. P-32). Les requérants étaient des candidats mal- heureux à un concours restreint visant à établir une liste d'admissibilité à un certain nombre de nouveaux postes d'agents principaux de program mes au ministère du Revenu national, Douanes et Accise.
L'audience du comité d'appel, au cours de laquelle deux affaires connexes ont aussi été enten- dues, a duré dix jours. Les requérants ont notam- ment allégué devant le comité que quelques-uns des candidats heureux avaient été injustement favorisés dans le processus de sélection parce qu'ils connaissaient la nature générale sinon nécessaire- ment les détails des questions qui allaient être posées et qu'en conséquence, les requérants avaient échoué faute d'obtenir des notes suffisamment éle- vées à l'écrit. Au cours du septième jour de l'au- dience, quatre candidats heureux ont comparu et sont intervenus. Ils ne se sont pas limités, comme ils auraient pu le faire, à de simples remarques et observations relatives aux prétentions des requé- rants, mais ils ont également donné leur version des faits. Bref, ils sont devenus des témoins. Le représentant des requérants a tenté de les contre- interroger, mais avant qu'il puisse le faire, le comité d'appel a demandé à chacun des interve- nants s'il serait disposé à répondre à des questions. Chacun d'eux a refusé et a été aussitôt autorisé par le comité à se retirer.
Il est bien établi en droit qu'en toute justice les candidats heureux devaient être avisés de l'au- dience du comité d'appel et avoir la possibilité d'y intervenir s'ils le souhaitaient'. L'envers de la médaille doit sûrement exiger que dans l'éventua- lité une telle intervention se manifeste, comme c'est le cas en l'espèce, par le témoignage des candidats heureux sur certaines des questions en litige, la possibilité doit s'offrir aux requérants de mettre ce témoignage à l'épreuve de la façon habi- tuelle, c'est-à-dire par voie de contre-interroga- toire. La question n'est pas de savoir si le comité d'appel pouvait contraindre les intervenants, ou qui que ce soit d'autre, à témoigner; ils l'ont fait volontairement. Il ne s'agit pas non plus de savoir si le comité d'appel pouvait les forcer à répondre à des questions auxquelles ils s'opposaient; les requé- rants n'ont jamais eu la possibilité de poser des questions. Ils en ont été empêchés par ce que l'on peut justement interpréter comme une invitation de la part du comité d'appel aux témoins à refuser de se soumettre à un contre-interrogatoire. Si, comme semble le croire le comité d'appel, ce der- nier n'était pas habilité à contraindre les témoins à se soumettre à un contre-interrogatoire sur des questions pertinentes à l'enquête, il aurait alors les aviser que leur témoignage principal serait considéré comme ayant peu de valeur ou aucune, et agir en conséquence. En agissant comme il l'a fait, le comité n'a pas accordé aux requérants l'audition équitable à laquelle ils avaient droit.
Nous ne sommes pas non plus disposés à dire, comme nous y incite l'intimé, que cette erreur est de peu de conséquence. Le témoignage des interve- nants, comme nous l'avons dit, portait, du moins en partie, sur des questions en litige devant le comité d'appel. Il est tout simplement impossible de savoir ce qui se serait produit s'ils avaient été contre-interrogés sur ces questions. Comme l'a dit récemment une haute instance:
... la négation du droit à une audition équitable doit toujours rendre une décision invalide, que la cour qui exerce le contrôle considère ou non que l'audition aurait vraisemblablement amené une décision différente.
(Cardinal et autre c.' Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, la page 661).
' Voir Perry c. Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique, [1980] 1 R.C.S. 316; Schwartz c. R., [1982] 1 C.F. 386 (C.A.).
Que la décision de cette Cour dans l'affaire Schaaf c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigra- tion, [1984] 2 C.F. 334; (1984), 52 N.R. 54 (C.A.) devienne ou non caduque à la suite de l'arrêt Cardinal, il est clair que l'arrêt Schaaf se limite aux circonstances les erreurs alléguées [aux pages 341 C.F.; 58 N.R.]
... n'ont pu avoir et n'ont eu aucun effet sur l'issue de l'enquête
et elles n'ont donc pas «entaché[e]» la décision rendue au sens de l'alinéa 28(1)b) de la Loi sur la Cour fédérale [R.C.S. 1970 (2° Supp.), chap. 10]. Ce qui est loin de la situation en l'espèce.
La demande fondée sur l'article 28 doit être accueillie, la décision contestée doit être annulée et l'affaire doit être renvoyée à la Commission pour qu'elle établisse un nouveau comité d'appel confor- mément à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
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