T-1349-86
Selection Testing Consultations International Ltd.
(demanderesse) (requérante)
c.
Humanex International Inc., Huma -Res Inc.,
Yvan-Marcel Boily, Claude Lortie, Michel Guay
(défendeurs) (intimés)
RÉPERTORIÉ: SELECTION TESTING CONSULTATIONS INTERNA
TIONAL LTD. C. HUMANEX INTERNATIONAL INC.
Division de première instance, juge Rouleau—
Ottawa, 4 décembre 1986 et 20 février 1987.
Pratique — Outrage au tribunal — Une demande d'incarcé-
ration fondée sur la Règle 2500 ne constitue pas le recours
approprié pour faire déterminer s'il y a outrage au tribunal —
La procédure ordinaire et sommaire prévue à la Règle 319, qui
est applicable à une demande fondée sur la Règle 2500, n'est
pas appropriée lorsqu'il s'agit d'incarcération pour outrage au
tribunal, car elle n'assure pas une protection suffisante — Une
personne citée pour outrage au tribunal est un 4finculpé» et elle
a droit à la protection traditionnellement accordée à une
personne accusée d'une infraction criminelle — Règles de la
Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 319, 355, 2500,
formule 71 — Charte canadienne des droits et libertés, qui
constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 11a).
Dans le cadre d'un litige portant sur des droits d'auteur, la
requérante a obtenu une injonction provisoire contre l'intimée
Humanex International Inc.
Il s'agit en l'espèce d'une requête présentée conformément à
la Règle 2500, suivant la procédure prescrite à la Règle 319,
afin d'obtenir que la Cour reconnaisse les intimés coupables
d'outrage au tribunal. Le litige consiste à déterminer si la
requérante peut avoir recours à la Règle 2500 pour demander à
la Cour de décider s'il y a outrage au tribunal et ainsi éviter la
procédure prévue à la Règle 355.
Jugement: La requête doit être rejetée. La logique exige que
la procédure suivie soit celle prévue à la Règle 355.
Étant donné que la Règle 2500 prévoit l'incarcération comme
principal redressement en cas d'outrage au tribunal et que ce
recours ne peut être exercé contre des personnes morales,
l'action est rejetée à l'égard de Humanex International Inc. et
de Huma -Res Inc.
En outre, la procédure «ordinaire et sommaire» énoncée à la
Règle 319, qui s'applique à une demande fondée sur la Règle
2500, n'est absolument pas appropriée dans le cas de l'incarcé-
ration pour outrage au tribunal. Une requête en outrage au
tribunal ne constitue nullement une requête «ordinaire». Les
cours ont toujours insisté pour qu'une procédure quasi crimi-
nelle soit suivie dans de tels cas et que l'accusé ait droit à toutes
les protections traditionnellement accordées à une personne
accusée d'une infraction criminelle.
De plus, la procédure prescrite par la Règle 319 n'assure pas
à la personne accusée d'outrage au tribunal la protection
habituellement garantie par l'équité, car elle oblige la personne
accusée à divulguer sa preuve et ses moyens de défense avant
que l'accusateur ne se soit déchargé du fardeau qui lui incombe.
L'utilisation de témoignages de vive voix, qui est un droit
reconnu par la common law, est laissée à la discrétion de la
Cour par la Règle 319. Et cette règle, qui ne permet qu'un bref
exposé de l'acte reproché, va à l'encontre du droit fondamental
pour une personne de connaître exactement la preuve qu'elle
devra réfuter pour présenter une défense pleine et entière. Qui
plus est, il est évident que la Règle 2500 ne permet d'intenter
des procédures d'exécution forcée qu'une fois que la Cour a
conclu à l'outrage au tribunal.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Cotroni c. Commission de police du Québec, [1978] 1
R.C.S. 1048; R. c. Côté, [1978] 1 R.C.S. 8.
DÉCISIONS CITÉES:
Attorney General of Quebec v. Laurendeau (1983), 33
C.R. (3d) 40; 145 D.L.R. (3d) 526 (C.S. Qc); Regina v.
Cohn (1985), 15 C.C.C. (3d) 150 (C.A. Ont.).
AVOCATS:
Alfred Schorr pour la demanderesse (requé-
rante).
François Grenier pour les défendeurs (inti-
més).
PROCUREURS:
Alfred Schorr, Toronto, pour la demanderesse
(requérante).
Léger, Robic & Richard, Montréal, pour les
défendeurs (intimés).
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran-
çais par
LE JUGE ROULEAU: Dans une ordonnance datée
du 20 juin 1986, le juge Collier a accordé à la
requérante une injonction provisoire contre l'une
des intimés, Humanex International Inc., tout en
rejetant sa demande visant à obtenir une injonc-
tion provisoire contre les autres intimés, Huma -
Res Inc., Yvan-Marcel Boily, Claude Lortie et
Michel Guay.
La requérante présente maintenant une requête
sur le fondement de la Règle 2500 [Règles de la
Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] pour que la
Cour:
a) Ordonne l'incarcération d'Yvan-Marcel Boily pour outrage
au tribunal;
b) Impose subsidiairement une amende de 5 000 $ audit Yvan-
Marcel Boily;
c) Déclare les défenderesses Humanex International Inc. et
Huma -Res Inc. coupables d'outrage au tribunal;
d) Enjoigne aux défenderesses Humanex International Inc. et
Huma -Res Inc. de verser chacune une amende de 250 000 $
pour outrage au tribunal;
e) Enjoigne subsidiairement aux défenderesses Humanex
International Inc. et Huma -Res Inc. de déposer une somme
de 500 000 $ chacune à titre de garantie de leur bonne
conduite;
f) Accorde toute autre mesure qu'elle peut estimer juste.
Au soutien de sa requête, la requérante a signi-
fié et déposé les affidavits de Leslie Reid et de
Peter George Donnelly.
La requête m'a été présentée à Ottawa (Onta-
rio), le 4 décembre 1986.
Au début de l'audience, l'avocat des intimés a
soulevé quatre objections préliminaires portant sur
la forme de la requête. Les voici:
1) Une requête en vertu de la Règle 2500 n'est pas appropriée
pour en arriver à une détermination qu'il y a eu outrage au
tribunal commis hors la présence du juge.
2) Si la Règle 2500 est la règle appropriée pour en arriver à
une détermination qu'il y a eu outrage au tribunal commis hors
de la présence du juge, la requête est mal fondée car elle est
définitivement inappropriée quant à Huma -Res et Humanex.
3) Si la Règle 2500 est la règle appropriée pour tous les
défendeurs, dans le cas d'espèce, la requête est tout de même
irrecevable car elle n'identifie aucunement l'offense commise eu
égard à l'injonction émise par la Cour.
4) Si la Règle 2500 est la règle appropriée dans le cas de tous
les défendeurs, et est suffisamment précise, la preuve soumise à
sa face même est insuffisante pour satisfaire le critère de la
preuve hors de tout doute raisonnable, ou même pour démon-
trer un cas prima fade d'outrage.
Il a été convenu que la quatrième objection vise
le bien-fondé de la requête et qu'elle ne devrait
donc pas être examinée à ce stade-ci des
procédures.
À la clôture de l'audience le 4 décembre 1986,
j'ai ordonné que l'affaire soit ajournée sine die
pour permettre:
a) À l'avocat des intimés de déposer et de signifier
ses arguments écrits au sujet des objections
préliminaires, au plus tard le 12 décembre
1986;
b) À l'avocat de la requérante de déposer et de
signifier sa réponse au plus tard le 31 décembre
1986.
J'ai également statué que les parties devraient
avoir présenté une demande conjointe avant le 9
janvier 1987 si elles souhaitaient faire valoir d'au-
tres arguments verbalement, à défaut de quoi, je
rendrais une décision sur les objections préliminai-
res.
Les arguments et la réponse portant sur les
objections préliminaires ont été déposés et signi-
fiés. Aucune des parties n'ayant demandé la tenue
d'une autre audience, je me propose maintenant de
rendre ma décision sur les trois objections prélimi-
naires soulevées par l'avocat des intimés.
Il est possible de saisir les grandes lignes de ce
débat sur la procédure à partir de la simple propo
sition suivante: la requérante peut-elle avoir
recours à la Règle 2500 pour demander à la Cour
de décider s'il y a outrage au tribunal, et ainsi
éviter la procédure prévue à la Règle 355?
Il ressort d'une lecture attentive de la Règle
2500 que l'incarcération constitue le principal
redressement en cas d'outrage au tribunal et, sans
hésitation aucune, je rejette immédiatement l'ac-
tion intentée contre Humanex International et
Huma -Res Inc., car ce recours ne peut certaine-
ment pas être exercé à l'encontre de personnes
morales.
De prime abord, on tendrait à être d'accord avec
l'avocat de la requérante pour dire qu'étant donné
que celle-ci a strictement suivi la procédure prévue
aux Règles 319 et suivantes pour présenter une
requête à la Cour, il n'y avait aucune raison de ne
pas examiner immédiatement le bien-fondé de la
présente requête en incarcération fondée sur la
Règle 2500. Voici le texte du paragraphe (2) de la
Règle 2500:
Règle 2500. . .
(2) Une demande d'ordonnance d'incarcération doit être
faite par requête et il doit obligatoirement s'écouler 8 jours
francs au moins entre la signification de l'avis de requête et la
date d'audition qui y est indiquée. [C'est moi qui souligne.]
Voici la procédure prévue à la Règle 319 en ce qui
concerne la présentation d'une requête à la Cour:
Règle 319. (1) Lorsqu'il est permis de faire une demande à la
Cour, à un juge ou un protonotaire, la demande doit être faite
par voie de requête.
(2) Une requête doit être appuyée par un affidavit certifiant
tous les faits sur lesquels se fonde la requête sauf ceux qui
ressortent du dossier; cet affidavit doit être déposé, et une
partie adverse peut déposer un affidavit en réponse.
(3) La partie présentant une requête doit signifier une copie
de ses affidavits aux autres parties avec l'avis de la requête et
un affidavit déposé par toute autre partie doit être immédiate-
ment signifié aux autres parties.
(4) Avec la permission de la Cour ou d'un juge de la Cour
d'appel, pour une raison spéciale, un témoin peut être appelé à
témoigner en séance publique ou devant un juge de la Cour
d'appel relativement à une question de fait soulevée dans une
requête. [C'est moi qui souligne.]
J'estime toutefois, pour divers motifs, que la procé-
dure «ordinaire et sommaire» énoncée à la Règle
319 ne s'applique pas à l'incarcération pour
outrage au tribunal.
Premièrement, je suis d'accord avec l'avocat des
intimés lorsqu'il dit dans ses notes écrites (page
15) « ... il ne peut être prétendu qu'une requête en
outrage au tribunal est une requête "ordinaire".
En effet l'emprisonnement ou des amendes subs-
tantielles peuvent être imposés si une déclaration
de culpabilité est prononcée. Conséquemment, les
cours ont toujours insisté pour qu'une procédure
quasi criminelle soit rigoureusement suivie et que
l'accusé ait droit à toutes les protections tradition-
nellement accordées à une personne accusée d'une
infraction criminelle».
Deuxièmement, et ce qui est plus important, la
procédure prescrite par la Règle 319 n'assure pas à
la personne accusée d'outrage au tribunal la pro
tection habituellement garantie par l'équité. Si
j'accepte l'argument de la requérante suivant
lequel elle s'est strictement conformée à la lettre
de la loi et aux exigences de la Règle 319 en
demandant une ordonnance d'incarcération par
voie de requête appuyée d'un affidavit «certifiant
tous les faits sur lesquels se fonde la requête sauf
ceux qui ressortent du dossier», et que je rends une
ordonnance prévue à la Règle 2500, la personne
accusée sera obligée de divulguer, par voie d'affi-
davit, sa preuve et son dernier moyen de défense
avant que l'accusateur ne se soit déchargé du
fardeau qui lui incombe. C'est contraire à tous les
principes de justice fondamentale. En fait, l'auteur
présumé d'un outrage au tribunal n'est pas obligé
de répondre; il peut se taire jusqu'à ce qu'une
preuve hors de tout doute raisonnable ait été
établie.
Troisièmement, il faut souligner que, lorsqu'on a
recours à la Règle 319, la Cour peut à sa discré-
tion permettre des témoignages de vive voix (Règle
319(4)) alors que suivant la common law, il s'agit
d'un droit reconnu depuis toujours en matière
d'outrage au tribunal.
Quatrièmement, la procédure prévue à la Règle
319 ne permet qu'un bref exposé de l'acte repro-
ché, ce qui va à l'encontre du principe de justice
fondamentale conférant à une personne le droit de
connaître exactement la preuve qu'elle devra réfu-
ter. Que l'on qualifie de civiles ou de criminelles
les procédures d'outrage au tribunal, l'accusé aura
toujours le droit de se réfugier derrière le rempart
inattaquable de la common law, c'est-à-dire le
droit de connaître les détails de l'accusation et
celui de garder le silence jusqu'à ce que l'accusa-
teur se soit déchargé du fardeau de la preuve.
Il semble exister une grande confusion dans les
Règles de la Cour lorsqu'on compare la procédure
prescrite par la Règle 355 et celle prévue à la
Règle 319 pour en arriver au résultat envisagé par
la Règle 2500. Il semble qu'on peut présumer, en
lisant rapidement la Règle 2500(1), que la Cour a
déjà rendu une ordonnance ou qu'elle a déjà
conclu à l'outrage au tribunal.
Règle 2500. (1) Le pouvoir qu'a la Cour d'infliger une peine
pour outrage au tribunal pourra être exercé au moyen d'une
ordonnance d'incarcération. [C'est moi qui souligne.]
Je conclus qu'il est évident que la Règle 2500 ne
permet d'intenter des procédures d'exécution for
cées qu'une fois que la Cour a conclu à l'outrage.
De plus, pourquoi a-t-elle été placée dans la partie
des Règles de la Cour portant sur l'exécution
forcée si elle était destinée à une autre fin?
La Règle 2500(6) prévoit qu'un bref de con-
trainte par corps peut être décerné:
Règle 2500. . .
(6) Sur permission de la Cour, un bref de contrainte par
corps peut être décerné (Formule 71) et un bref ainsi décerné
doit être exécuté dans la mesure où il est nécessaire de
l'exécuter.
Je reproduis ici pour le bénéfice des parties le
texte intégral de la formule 71:
BREF DE CONTRAINTE PAR CORPS
(Nom de la Cour et intitulé de l'action—Formules 1 et 2)
ELIZABETH DEUX, par la grâce de Dieu Reine du Royaume-
Uni, du Canada et de ses autres royaumes et territoires, Chef
du Commonwealth, Défenseur de la Foi.
Au shérif d , Salut:
Nous vous ordonnons d'arrêter C.D. et de l'amener devant
Nous, en Notre Cour fédérale du Canada, en quelque lieu que
siège alors ladite Cour, pour répondre au sujet tant d'un
outrage qu'il est allégué avoir commis contre Nous, que des
autres accusations qui y seront alors portées contre lui, et vous
ordonnons en outre d'exécuter et observer l'ordonnance que
Notre Cour rendra à cet égard et n'y manquer aucunement et
de rapporter avec vous le présent bref.
Témoin le juge en chef de Notre Cour fédérale du Canada,
à ce jour d en l'an de grâce mil
neuf cent et en la année de notre Règne.
Fonctionnaire du greffe
La requérante n'aurait-elle pas dû dans sa
demande de redressement chercher à obtenir un
bref de contrainte par corps? Il ressort d'une ana
lyse attentive de la formule 71 que celle-ci ordonne
au contrevenant présumé de comparaître devant la
Cour pour répondre à une accusation d'outrage
qui, je dois présumer, aurait déjà fait l'objet d'une
décision de la Cour, ce qui renforce mon point de
vue suivant lequel une demande fondée sur la
Règle 2500 n'est pas le moyen approprié d'obtenir
le redressement demandé. Qui plus est, le président
Jackett (tel était alors son titre) a écrit en mars
1971 un ouvrage intitulé The Federal Court of
Canada: A Manual of Practice. Il renvoie, dans la
table des matières, aux divers chapitres et divisions
des règles de pratique et, lorsqu'il mentionne la
Règle 2500 la page 89 du chapitre 22 de son
ouvrage, il examine la question de l'exécution
forcée et indique que ces dispositions se trouvent à
la Partie VII, aux Règles 1900 2500.
À mon avis, la logique exige que la procédure
suivie soit celle prévue à la Règle 355:
Règle 355. (1) Est coupable d'outrage au tribunal quiconque
désobéit à un bref ou une ordonnance de la Cour ou d'un de ses
juges, ou agit de façon à gêner la bonne administration de la
justice, ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la
Cour. En particulier, un officier de la justice qui ne fait pas son
devoir, et un shérif ou huissier qui n'exécute pas immédiate-
ment un bref ou qui ne dresse pas le procès-verbal d'exécution y
afférent ou qui, enfreint une règle dont la violation le rend
passible d'une peine, est coupable d'outrage au tribunal.
(2) Sauf disposition contraire, quiconque est coupable d'ou-
trage au tribunal est passible d'une amende qui, dans le cas
d'un particulier ne doit pas dépasser $5,000 ou d'un emprison-
nement d'un an au plus. L'emprisonnement et, dans le cas d'une
corporation, une amende, pour refus d'obéissance à un bref ou
une ordonnance, peuvent être renouvelés jusqu'à ce que la
personne condamnée obéisse.
(3) Quiconque se rend coupable d'outrage au tribunal en
présence du juge dans l'exercice de ses fonctions peut être
condamné sur-le-champ, pourvu qu'on lui ait demandé de
justifier son comportement.
(4) Une personne ne peut être condamnée pour outrage au
tribunal commis hors de la présence du juge que s'il lui a été
signifié une ordonnance de justification lui enjoignant de com-
paraître devant la Cour, au jour et à l'heure fixés pour entendre
la preuve des actes dont il est accusé et pour présenter, le cas
échéant, sa défense en exposant les raisons de sa conduite.
Cette ordonnance, rendue par le juge soit de sa propre initia
tive, soit sur demande, doit obligatoirement être signifiée à
personne, à moins qu'un autre mode de signification ne soit
autorisé pour des raisons valables. La demande d'ordonnance
de justification enjoignant d'exposer les raisons peut être pré-
sentée sans qu'il soit nécessaire de la faire signifier.
(5) La procédure prévue à l'alinéa (4) n'exclut pas une
demande d'incarcération en vertu du chapitre I de la Partie
VII. L'une ou l'autre de ces deux méthodes de procédure peut
être appliquée, mais le fait de s'être engagé dans l'une de ces
deux voies supprime la possibilité de s'engager dans l'autre. Les
autres dispositions de la présente Règle n'excluent pas les
pouvoirs inhérents à la Cour; et la présente Règle ainsi que les
pouvoirs inhérents à la Cour peuvent être invoqués en toute
circonstance appropriée.
En suivant cette procédure, le requérant donne
au contrevenant présumé l'occasion de comparaî-
tre devant la Cour en connaissant exactement la
nature des actes qui constitueraient un outrage, de
garder le silence et de ne pas dévoiler sa défense
tant que ledit requérant ne s'est pas déchargé du
fardeau qui lui incombe, et il peut de plein droit
témoigner de vive voix en son propre nom.
Avant de conclure, j'aimerais glisser un mot sur
l'alinéa 11a) de la Charte canadienne des droits et
libertés [qui constitue la Partie I de la Loi consti-
tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] qui se lit comme
suit:
11. Tout inculpé a le droit:
a) d'être informé sans délai anormal de l'infraction précise
qu'on lui reproche; [C'est moi qui souligne.]
Ni le procureur des intimés, ni le procureur de la
requérante n'ont fait grand état de l'application de
la Charte à la requête en outrage devant moi.
Peut-être était-ce à cause de la valse-hésitation à
laquelle se sont livrés certains tribunaux? Il semble
en effet que la Cotir supérieure du Québec et la
Cour d'appel de l'Ontario en soient arrivées à des
conclusions diamétralement opposées sur l'applica-
bilité de la Charte à une procédure d'outrage au
tribunal. D'une part, le juge Rothman de la Cour
supérieure du Québec dans l'affaire Attorney
General of Quebec v. Laurendeau (1983), 33 C.R.
(3d) 40 (C.S. Qc), à la page 42 (aussi disponible
en anglais 145 D.L.R. (3d) 526, à la page 528) est
d'avis que:
Il ne s'agit pas, donc, d'une «infraction» dans le sens ordinaire
de ce mot, ni, à mon avis, dans le sens de la Charte.
Il faut donc soustraire de l'application de la
Charte (du moins des dispositions de l'article 11)
la procédure en outrage ex facie parce que cette
dernière ne constitue pas une «infraction».
D'autre part, la Cour d'appel de l'Ontario a
statué, dans Regina v. Cohn (1985), 15 C.C.C.
(3d) 150, la page 161, que la personne citée pour
outrage au tribunal in facie est un inculpé au sens
de l'article 11 de la Charte:
[TRADUCTION] ... J'estime que la citation à comparaître pour
outrage au tribunal équivaut à une inculpation au sens de
l'art. 11.
À tous égards, je ne crois pas qu'il me faille
opter, pour les fins de la présente requête, pour
l'une ou l'autre de ces écoles de pensée. Qu'il me
suffise de dire que peu importe si l'outrage au
tribunal constitue une «infraction», il ne fait aucun
doute qu'aux termes de la common law une per-
sonne citée pour outrage au tribunal est un
«inculpé». La décision de la Cour suprême dans
Cotroni c. Commission de police du Québec,
[1978] 1 R.C.S. 1048, reconnaissait en effet avant
l'avènement de la Charte, cette situation de fait.
Ainsi les juges majoritaires de la Cour suprême
parlaient d'«inculpation d'outrage au tribunal»
(page 1054 du jugement) et les juges minoritaires
désignaient l'appelant Cotroni comme étant
«inculpé d'outrage au tribunal» (page 1062). Il est
donc clair que, nonobstant la Charte, un «inculpé»
jouissait et jouit toujours (puisqu'à ce chapitre, la
Charte n'a pas modifié le droit existant avant le 17
avril 1982) d'une panoplie de droits traditionnelle-
ment reconnus par la common law. Je ne ferai pas
l'exégèse de ces droits, mais je conviendrai avec le
juge de Grandpré qui parlait au nom de la majo-
rité des juges de la Cour suprême dans l'arrêt R. c.
Côté, [1978] 1 R.C.S. 8, à la page 13 que:
... la règle par excellence est que l'accusé doit être raisonnable-
ment informé de l'infraction qu'on lui impute, pour lui donner
ainsi la possibilité d'une défense complète et d'un procès
équitable.
Il s'ensuivait que l'inobservance de cette règle dite
par excellence entraînait la nullité complète des
procédures intentées. C'est ce qu'a tenu à rappeler,
à peu près à la même époque, le juge Pigeon de la
Cour suprême dans l'arrêt Cotroni c. Commission
de police du Québec (précitée) en disant, à la page
1057, que:
La règle fondamentale est incontestable: une accusation impré-
cise est un vice radical.
C'est donc à juste titre que le professeur Jean-
Claude Hébert dans un article sur «L'incidence de
la Charte canadienne sur l'outrage au tribunal»
(1984), 18 R.J.T. 183, a écrit à la page 197 que:
À la lumière des arrêts de notre plus haute cour, force nous
est de conclure que la garantie juridique prévue à l'article 11a)
de la Charte se superpose à celle que le droit jurisprudentiel
reconnaissait déjà à tout inculpé d'outrage au tribunal. [C'est
moi qui souligne.]
Dans le cas qui nous occupe, je ne suis pas con-
vaincu que la procédure suivie par le procureur de
la requérante, soit un avis de requête suivant la
Règle 319, permette aux intimés d'être raisonna-
blement informés de l'infraction qu'on leur impute,
ce qui a fortiori les empêche de faire valoir en tout
état de cause une défense pleine et entière. Comme
j'ai eu l'occasion de le dire au début de ma déci-
sion, ce droit pour un inculpé d'être raisonnable-
ment informé de l'infraction qu'on lui impute cons-
titue l'une des pierres angulaires de notre système
juridique. En l'absence d'une procédure qui res-
pecte tous les droits reconnus, et par la Charte et
par la common law, à un inculpé, je n'ai d'autre
choix que d'accueillir les objections préliminaires
du procureur des intimés quant à la forme de la
requête en outrage et de rejeter, avec dépens, la
requête du requérant pour obtention d'une ordon-
nance d'incarcération pour outrage au tribunal
suivant la Règle 2500.
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