SCRS 66-85
Harjit Singh Atwal (requérant)
c.
La Reine (intimée) *
RÉPERTORIÉ: ATWAL c. CANADA
Le juge Heald—Ottawa, 26 et 27 mars et 30 avril
1987.
Renseignement de sécurité — Mandat décerné après audi
tion tenue conformément à l'art. 21 de la Loi sur le SCRS —
Les éléments de preuve y obtenus devant être utilisés dans le
cadre d'une poursuite visant un complot pour commettre un
meurtre — Interception de télécommunications — Requête en
annulation du mandat pour manque de conformité avec l'art.
21, aux motifs qu'il est contraire aux critères de l'art. 8 de la
Charte relatifs aux fouilles, aux perquisitions et aux saisies et
que l'affidavit justificatif ne justifie pas le mandat — La
jurisprudence en matière de droit criminel ne s'applique pas
aux mandats décernés en vertu de la Loi sur le SCRS car les
objectifs de cette Loi et ceux du Code criminel sont différents
— Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité,
S.C. 1984, chap. 21, art. 2, 7(1)b), 21, 26, 27, 30 à 40 — Code
criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 178.13 (ajouté par S.C.
1973-74, chap. 50, art. 2; 1976-77, chap. 53, art. 9), 423(1)a)
(mod. par S.C. 1985, chap. 19, art. 62), 443(1)b) (mod., idem,
art. 69), 577(3) — Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap.
663, Règle 330 (mod. par DORS/79-58 art. 1).
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Fouilles, perquisitions ou saisies —
Mandat d'interception de communications et de perquisition
fondé sur l'art. 21 de la Loi sur le Service canadien du
renseignement de sécurité — Aucune perquisition ou saisie
«abusive.. — Rien n'exige que la Cour soit convaincue, avant
de décerner le mandat, qu'une infraction a été commise ou que
des preuves de sa perpétration se trouvent au lieu de la
perquisition — Les dispositions de la Loi sur le SCRS n'ont
pas à être conformes aux normes établies par l'arrêt Southam
relativement aux affaires relevant du Code criminel — Loi sur
le Service canadien du renseignement de sécurité, S.C. 1984,
chap. 21, art. 2, 7(1)b), 21, 26, 27, 30 40 — Charte
canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 8 — Loi relative aux
enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, chap. C-23.
* Note de l'arrêtiste: Cette décision a été infirmée en appel
(les juges Mahoney et MacGuigan, et le juge Hugessen dissi
dent en partie). Selon l'opinion de la majorité, «en l'absence
d'une objection soulevée conformément à l'article 36.1 de la Loi
sur la preuve au Canada, il incombait au juge d'ordonner la
production de l'affidavit après y avoir supprimé tout renseigne-
ment qui aurait permis de découvrir l'identité d'une personne
visée aux alinéas 18(1)a) et b) de la Loi». Les motifs du
jugement de la Cour d'appel seront publiés sous peu dans le
Recueil des arrêts de la Cour fédérale.
Pratique - Communications privilégiées - Caractère con-
fidentiel des communications entre un procureur et son client
- Interception des communications entre un avocat et son
client en vertu de l'art. 21 de la Loi sur le Service canadien du
renseignement de sécurité - La sécurité de l'État versus le
secret professionnel de l'avocat - La validité du mandat n'est
pas touchée lorsque le mandat restreint suffisamment l'at-
teinte portée au privilège en cause - Loi sur le Service
canadien du renseignement de sécurité, S.C. 1984, chap. 21,
art. 2, 7(1)b), 21, 26, 27, 30 40 - Loi sur les pénitenciers,
S.R.C. 1970, chap. P-6.
Pratique - Communication de documents et interrogatoire
préalable - Production de documents - Sécurité nationale
- Affidavit secret déposé à l'appui de la demande d'un
mandat prévu par l'art. 21 de la Loi sur le Service canadien de
renseignement de sécurité - Des circonstances spéciales justi-
fient la Cour de déroger à la règle générale prévoyant pleine et
entière divulgation aux parties des documents déposés à la
Cour - Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap.
E-10, art. 36.1 (ajouté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 111,
art. 4), 36.2 (ajouté, idem) - Loi sur le Service canadien du
renseignement de sécurité, S.C. 1984, chap. 21, art. 2, 7(1)b),
21, 26, 27, 30 40 - Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34,
art. 178.13 (ajouté par S.C. 1973-74, chap. 50, art. 2;
1976-77, chap. 53, art. 9), 423(1)a) (mod. par S.C. 1985, chap.
19, art. 62), 443(1)b), (mod., idem, art. 69), 577(3) - Règles
de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 330 (mod. par
DORS/79-58, art. 1).
Le 26 juillet 1985, un juge de la Cour fédérale a décerné
contre l'appelant un mandat autorisant l'interception de com
munications et les perquisitions, conformément à l'article 21 de
la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité
(Loi sur le SCRS) relativement à une enquête sur des menaces
envers la sécurité du Canada. En septembre 1986, le requérant
a été accusé, avec huit autres individus, d'avoir conspiré pour
commettre un meurtre. Le procureur de la poursuite entend
présenter en preuve, lors du procès, certains enregistrements et
certaines transcriptions de télécommunications interceptées en
vertu du mandat décerné sous le régime de l'article 21. Un
procureur a participé à deux des appels téléphoniques intercep
tés. Le Service a agi conformément aux conditions du mandat
relativement à ces deux appels: un membre autorisé du Service
a décidé que les appels ne se rapportaient pas aux menaces
envers la sécurité du Canada dont il était question dans le
mandat, et il a ordonné que ces conversations soient effacées de
la bande.
Il s'agit d'une demande fondée sur la Règle 330, sollicitant
une ordonnance annulant le mandat en question. Le requérant
allègue ce qui suit: a) l'invalidité du mandat ressort à sa simple
lecture parce qu'il n'est pas conforme aux dispositions de
l'article 21 de la Loi sur le SCRS; b) l'invalidité du mandat et
de sa loi habilitante ressort à la simple lecture de ces documents
parce qu'ils ne respectent pas les normes constitutionnelles
visant les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives; c) le
mandat pourrait être invalide parce que l'affidavit déposé à
l'appui de la demande de mandat ne justifiait pas cette
demande (ce qui soulève la question de la production d'un
affidavit secret portant sur la sécurité nationale).
Arrêt: la demande devrait être rejetée.
Comme la législation sur la surveillance interne «tournée vers
l'information» et «moins délimitée» d'une part, et d'autre part,
la législation répressive ordinaire, «qui cherche des résultats» et
se déroule pratiquement en «vase clos», tel notre Code criminel,
ont des objets carrément différents, leur interprétation respec
tive se fait nécessairement dans une optique différente. Par
conséquent, le juge qui a décerné le mandat attaqué n'avait pas
à préciser par écrit qu'il était convaincu que les exigences des
alinéas 21(2)a) et b) avaient été respectées. Il n'avait pas non
plus à préciser la menace prétendue à laquelle se rapporte le
mandat, ni à limiter davantage les saisies de communications
orales ou écrites ou de pièces à celles qui ont un rapport avec la
menace prétendue. La nature même de l'enquête et de la
prévention du terrorisme exige un large pouvoir d'interception.
La violation du secret professionnel de l'avocat ne doit pas
être prise à la légère. Elle ne devrait être autorisée que dans la
mesure absolument nécessaire à la réalisation des fins recher-
chées par la loi habilitante. La détection et la prévention du
terrorisme politique constituent un intérêt public vital auquel il
faut reconnaître une grande importance lorsqu'on le compare à
une atteinte possible au caractère confidentiel des relations
entre avocat et client. Les conditions du mandat établissent un
équilibre raisonnable entre les intérêts opposés en cause.
Le mandat ne viole pas la garantie contre les fouilles, les
perquisitions et les saisies abusives prévue à l'article 8 de la
Charte. Le requérant se fonde sur l'arrêt rendu par la Cour
suprême du Canada dans l'affaire Hunter et autres c. Southam
Inc., qui expose les exigences principales que doivent respecter
une fouille, une perquisition ou une saisie pour être valides. Le
même arrêt ajoute cependant que «lorsque la sécurité de l'État
est en cause ... le critère pertinent pourrait bien être différent».
Donc, l'exigence selon laquelle le juge président du tribunal
doit être convaincu qu'il existe des motifs raisonnables et
probables de croire qu'une infraction a été commise et que des
éléments de preuve de l'infraction se trouvent à l'endroit de la
perquisition ne s'applique pas en l'espèce. Aucune disposition
de la Loi sur le SCRS n'exige que des éléments de preuve de la
perpétration d'une infraction soient présentés au tribunal lors
de la délivrance d'un mandat visé à l'article 21, puisque la Loi
ne met pas l'accent sur la réaction à des événements mais vise
plutôt la détection rapide des menaces envers la sécurité. De
plus, les garanties et les méthodes prévues par la Loi satisfont
aux critères applicables au caractère raisonnable que l'article 8
de la Charte exige relativement aux fouilles, aux perquisitions
et aux saisies.
La Couronne ne peut se fonder sur les articles 36.1 et 36.2 de
la Loi sur la preuve au Canada pour s'opposer à la production
de l'affidavit justificatif en invoquant une atteinte à la sécurité
nationale parce qu'elle n'a pas soulevé cette objection de la
façon requise par cette Loi. Bien que règle générale, dans une
affaire comme la présente instance, le requérant ait le droit
d'exiger la divulgation de tous les documents versés au dossier
de la Cour, ce droit n'est pas absolu. Le juge a le pouvoir
discrétionnaire de refuser la communication de tout document
versé au dossier de la Cour lorsque, comme c'est le cas en
l'instance, des circonstances spéciales le justifient, comme l'im-
portance qu'il y a à préserver la capacité du Service de sécurité
d'enquêter sur le terrorisme politique et de remplir son mandat
dans l'intérêt de la sécurité nationale.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
The Eastman Photographic Materials Company Limited
v. The Comptroller-General of Patents, Designs, and
Trade Marks, [1898] A.C. 571 (H.L.); United States v.
United States District Court for the Eastern District of
Michigan, Southern Division et al., 32 L.Ed. (2d) 752
(C.S. E.-U. 1972); Regina v. Finlay and Grellette (1985),
23 C.C.C. (3d) 48 (C.A. Ont.); Solosky c. La Reine,
[1980] 1 R.C.S. 821; 50 C.C.C. (2d) 495; Gold c. La
Reine, [1985] 1 C.F. 642; 4 C.P.C. (2d) 20 (1' inst.),
confirmé par [1986] 2 C.F. 129; 25 D.L.R. (4th) 285
(C.A.); Kevork c. La Reine, [1984] 2 C.F. 753; 17
C.C.C. (3d) 426 W e inst.); R. v. Kevork, Balwin et
Gharakhanian (1986), 27 C.C.C. (3d) 523 (H.C.J. Ont.);
Goguen c. Gibson, [1983] 1 C.F. 872 (lrc inst.); confirmé
par [1983] 2 C.F. 463; (1984), 10 C.C.C. (3d) 492
(C.A.); Procureur général de la Nouvelle-Écosse et
autre c. Maclntyre, [1982] 1 R.C.S. 175; 65 C.C.C. (2d)
129; Cadieux c. Directeur de l'établissement Mountain,
[1985] 1 C.F. 378; (1984), 9 Admin. L.R. 50 (1r` inst.);
Rice c. Commission nationale des libérations condition-
nelles (1986), 16 Admin. L.R. 157 (C.F. 1" inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S.
860; 70 C.C.C. (2d) 385; Hunter et autres c. Southam
Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; 14 C.C.C. (3d) 97; Volckmar
v. Krupp, [1958] O.W.N. 303 (H.C.J. Ont.); Bunker
Ramo Corp. c. TRW Inc., [1980] 2 C.F. 488; 47 C.P.R.
(2d) 159 (1re inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Regina v. Welsh and Ianuzzi (No. 6) (1977), 32 C.C.C.
(2d) 363 (C.A. Ont.); Lyons et autre c. La Reine, [1984]
2 R.C.S. 633; 15 C.C.C. (3d) 417.
DÉCISIONS CITÉES:
Grabowski c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 434; 22 C.C.C.
(3d) 449; Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594; 9
C.C.C. (3d) 97.
AVOCATS:
Michael Code et David Gibbons pour le
requérant.
John H. Sims, c.r. et Douglas R. Wyatt pour
l'intimée.
Alexander Budlovsky pour le procureur géné-
ral de la Colombie-Britannique.
PROCUREURS:
Ruby & Edwardh, Toronto, pour le requé-
rant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Le procureur général de la Colombie-Britan-
nique pour la province de la Colombie-Britan-
nique.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'une demande fondée
sur la Règle 330 des Règles de la Cour fédérale
[C.R.C., chap. 663 (mod. par DORS/79-58, art.
1)] et sollicitant une ordonnance annulant le
mandat en date du 26 juillet 1985 que j'ai décerné
à la suite d'une audition tenue ex parte (dossier
numéro SCRS 66-85 de la Cour fédérale) confor-
mément aux dispositions de l'article 21 de la Loi
sur le Service canadien du renseignement de sécu-
rité, S.C. 1984, chap. 21 (Loi sur le SCRS). La
Règle 330 porte:
Règle 330. La Cour peut annuler
a) toute ordonnance rendue ex parte, ou
b) toute ordonnance rendue en l'absence d'une partie qui a
omis de comparaître par suite d'un événement fortuit ou
d'une erreur ou à cause d'un avis de requête insuffisant;
mais une telle annulation n'affecte ni la validité ni la nature
d'une action ou omission antérieure à l'ordonnance d'annula-
tion sauf dans la mesure où la Cour, à sa discrétion, le prévoit
expressément dans son ordonnance d'annulation.
J'ai prononcé l'ordonnance attaquée dans l'exer-
cice du pouvoir découlant de l'article 2 de la Loi
sur le SCRS, selon lequel le terme «juge» désigne
un «Juge de la Cour fédérale du Canada choisi
pour l'application de la présente loi par le juge en
chef de cette Cour.» J'étais à la date de l'ordon-
nance attaquée, et je suis encore aujourd'hui, un
juge choisi à cette fin par le juge en chef de cette
Cour.
Il sera utile, pour bien comprendre les questions
soulevées par la présente demande, de citer l'arti-
cle 21 de la Loi sur le SCRS dans son intégralité.
Cet article est ainsi libellé:
21. (1) Le directeur ou un employé désigné à cette fin par le
ministre peut, après avoir obtenu l'approbation du ministre,
demander à un juge de décerner un mandat en conformité avec
le présent article s'il a des motifs raisonnables de croire que le
mandat est nécessaire pour permettre au Service de faire
enquête sur des menaces envers la sécurité du Canada ou
d'exercer les fonctions qui lui sont conférées en vertu de
l'article 16.
(2) La demande visée au paragraphe (1) est présentée par
écrit et accompagnée de l'affidavit du demandeur portant sur
les point suivants:
a) les faits sur lesquels le demandeur s'appuie pour avoir des
motifs raisonnables de croire que le mandat est nécessaire
aux fins visées au paragraphe (1);
b) le fait que d'autres méthodes d'enquête ont été essayées
en vain, ou la raison pour laquelle elles semblent avoir peu de
chances de succès, le fait que l'urgence de l'affaire est telle
qu'il serait très difficile de mener l'enquête sans mandat ou le
fait que, sans mandat, il est probable que des informations
importantes concernant les menaces ou les fonctions visées au
paragraphe (1) ne pourraient être acquises;
c) les catégories de communications dont l'interception, les
catégories d'informations, de documents ou d'objets dont
l'acquisition, ou les pouvoirs visés aux alinéas 3a) à c) dont
l'exercice, sont à autoriser;
d) l'identité de la personne, si elle est connue, dont les
communications sont à intercepter ou qui est en possession
des informations, documents ou objets à acquérir;
e) les personnes ou catégories de personnes destinataires du
mandat demandé;
j) si possible, une description générale du lieu où le mandat
demandé est à exécuter;
g) la durée de validité applicable en vertu du paragraphe
(5), de soixante jours ou d'un an au maximum, selon le cas,
demandée pour le mandat;
h) la mention des demandes éventuelles touchant des person-
nes visés à l'alinéa d), la date de chacune de ces demandes, le
nom du juge à qui elles ont été présentées et la décision de
celui-ci dans chaque cas.
(3) Par dérogation à toute autre règle de droit mais sous
réserve de la Loi sur la statistique, le juge à qui est présentée la
demande visée au paragraphe (1) peut décerner le mandat s'il
est convaincu de l'existence des faits mentionnés aux alinéas
2a) et b) et dans l'affidavit qui accompagne la demande; le
mandat autorise ses destinataires à intercepter des communica
tions ou à acquérir des informations, documents ou objets. À
cette fin il peut autoriser aussi, de leur part:
a) l'accès à un lieu ou un objet ou l'ouverture d'un objet;
b) la recherche, l'enlèvement ou la remise en place de tout
document ou objet, leur examen, le prélèvement des informa-
tions qui s'y trouvent, ainsi que leur enregistrement et l'éta-
blissement de copies ou d'extraits par tout procédé;
c) l'installation, l'entretien et l'enlèvement d'objets.
(4) Le mandat décerné en vertu du paragraphe (3) porte les
indications suivantes:
a) les catégories de communications dont l'interception, les
catégories d'informations, de documents ou d'objets dont
l'acquisition, ou les pouvoirs visés aux alinéas 3a) à c) dont
l'exercice, sont autorisés;
b) l'identité de la personne, si elle est connue, dont les
communications sont à intercepter ou qui est en possession
des informations, documents ou objets à acquérir;
c) les personnes ou catégories de personnes destinataires du
mandat;
d) si possible, une description générale du lieu où le mandat
peut être exécuté;
e) la durée de validité du mandat;
J) les conditions que le juge estime indiquées dans l'intérêt
public.
(5) Il ne peut être décerné de mandat en vertu du paragra-
phe (3) que pour une période maximale
a) de soixante jours lorsque le mandat est décerné pour
permettre au Service de faire enquête sur des menaces envers
la Sécurité du Canada au sens de l'alinéa d) de la définition
de telles menaces contenue dans l'article 2; ou
b) d'un an dans tout autre cas.
J'estime qu'il serait également instructif de citer
le mandat soumis à notre examen dans sa totalité.
Ce mandat est le suivant:
[TRADUCTION] COUR FÉDÉRALE DU CANADA
MANDAT DÉCERNÉ CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 21
DE LA LOI SUR LE SERVICE CANADIEN
DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ
DÉCERNÉ CONTRE
N° du greffe: SCRS-66-85
Harjit Singh ATwAL
vu la demande ex parte présentée par écrit par Archie M.
BARR conformément à l'article 21 de la Loi sur le Service
canadien du renseignement de sécurité, S.C. 1983-84, chap. 21
pour obtenir le mandat qui s'y trouve prévu;
CONSIDÉRANT que le requérant, Archie M. BARR, est un
employé du Service canadien du renseignement de sécurité
désigné à cette fin par le Solliciteur général du Canada confor-
mément au paragraphe 21(1) de la Loi qui a consulté le
Solliciteur général adjoint et qui a obtenu l'approbation du
Solliciteur général du Canada à cette fin;
CONSIDÉRANT que j'ai lu l'affidavit du requérant et examiné
tous les éléments de preuve soumis à l'appui de ladite requête;
CONSIDÉRANT que je suis convaincu qu'un mandat doit être
décerné en conformité avec l'article 21 de la Loi sur le Service
canadien du renseignement de sécurité pour permettre au
Service canadien du renseignement de sécurité de faire enquête
sur des menaces envers la sécurité du Canada, à savoir:
des activités qui touchent le Canada ou s'y déroulent et
visent à favoriser l'usage de la violence grave ou de mena
ces de violence contre des personnes ou des biens dans le
but d'atteindre un objectif politique au Canada ou dans un
État étranger,
activités qui ne comprennent pas les activités licites de
défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un
désaccord qui n'ont aucun lien avec les activités prémention-
nées.
EN CONSÉQUENCE, PAR LES PRÉSENTES, J'AUTORISE LE
DIRECTEUR DU SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE
SÉCURITÉ AINSI QUE LES EMPLOYÉS AGISSANT SOUS SON
AUTORITÉ OU EN SON NOM À PROCÉDER A:
A. l'interception des communications suivantes:
à l'intérieur du Canada, les communications orales et les
télécommunications qui ont pour source ou destinataire
Harjit Singh ATWAL, à quelque endroit qu'il soit, ou toute
personne se trouvant au 12471 — 79A Avenue, Surrey
(Colombie-Britannique), ou toute autre personne se trou-
vant à tout autre endroit au Canada pouvant être utilisé
par Harjit Singh ATWAL comme résidence temporaire ou
permanente, que cette résidence soit stationnaire ou
mobile;
ET
à cette fin, entrer dans:
a) lesdits locaux situés au 12471 — 79A Avenue, Surrey
(Colombie-Britannique), ou dans tout autre lieu au Canada
pouvant être utilisé par Harjit Singh ATWAL comme résidence
temporaire ou permanente, que cette résidence soit stationnaire
ou mobile;
b) tout véhicule utilisé par Harjit Singh ATWAL;
c) tout autre lieu au Canada où le Service a des motifs
raisonnables de croire que Harjit Singh ATWAL se trouvera,
afin d'installer, de maintenir ou d'enlever tout objet nécessaire
pour effectuer lesdites interceptions,
ET
à cette fin procéder à:
d) l'installation, l'entretien et l'enlèvement de tout objet
nécessaire pour effectuer, dans les lieux décrits au paragraphe
A. qui précède, l'interception de communications orales et de
télécommunications.
B. la recherche, l'enlèvement ou la remise en place des commu
nications suivantes, de même qu'à leur examen, au prélèvement
des informations qui s'y trouvent, ainsi qu'à leur enregistrement
et à l'établissement de copies ou d'extraits par tout procédé,
soit:
les communications enregistrées effectuées autrement que
par la poste, au Canada, dont le destinataire ou la source est:
a) Harjit Singh ATWAL;
b) 12471 — 79A Avenue, Surrey (Colombie-Britannique),
ET
à cette fin, entrer dans les lieux suivants:
c) le 12471 — 79A Avenue, Surrey (Colombie-Britanni-
que), ou tout autre lieu au Canada pouvant être utilisé par
Harjit Singh ATWAL comme résidence temporaire ou perma-
nente, que cette résidence soit stationnaire ou mobile;
d) tout véhicule utilisé par Harjit Singh ATWAL;
d) sic tout autre lieu dans lequel s'est trouvé ledit Harjit
Singh ATWAL et où le Service a des motifs raisonnables de
croire qu'il se trouve des communications enregistrées de
Harjit Singh ATWAL.
c. Le présent mandat vaudra pour la période commençant le
26 juillet 1985 et expirant le 25 juillet 1986.
LE PRÉSENT MANDAT EST SOUMIS AUX CONDITIONS
SUIVANTES:
1" CONDITION: Sauf s'il s'agit de déterminer si une commu
nication a pour source ou destinataire Harjit
Singh ATWAL, l'on ne prendra pas connais-
sance du contenu des communications orales
ou des télécommunications interceptées dans
tout lieu décrit au paragraphe A.c) au
moyen d'un objet installé pour les fins d'une
telle interception. Si la personne chargée de
contrôler la communication interceptée
décide que celle-ci n'a pas pour source ou
destinataire Harjit Singh ATWAL, tous les
enregistrements ou les transcriptions de cette
communication seront immédiatement effa-
cés ou détruits, selon le cas, et leur contenu
ne sera, à aucun moment et d'aucune
manière, communiqué à quiconque. Si la
personne chargée de contrôler la communi
cation interceptée décide que celle-ci a pour
source ou destinataire Harjit Singh ATWAL,
elle sera interceptée en vertu du pouvoir
conféré par le présent mandat.
2e CONDITION: Est attachée au présent mandat la condition
qu'aucune communication orale de nature
privée, télécommunication ou communica
tion enregistrée ne peut être interceptée au
bureau ou à la résidence d'un procureur ou à
tout autre endroit habituellement utilisé par
un procureur donné ou par d'autres procu-
reurs pour discuter avec des clients.
3e CONDITION: Est également attachée au présent mandat
la condition que les communications orales,
les télécommunications ou les communica
tions enregistrées qui auront lieu entre
Harjit Singh ATWAL et un procureur ou
l'employé d'un procureur ne pourront être
initialement interceptées que pour permettre
au directeur ou à un directeur général du
bureau régional du Service canadien du ren-
seignement de sécurité de déterminer si ces
communications sont reliées aux menaces
envers la sécurité du Canada déjà précisées
dans le présent mandat. Les enregistrements
des communications dont le directeur ou le
directeur général du bureau régional déter-
mine qu'elles ne sont pas reliées à une telle
menace seront détruits, et aucune autre
divulgation de cette communication n'aura
lieu. Toutefois, toute communication dont le
directeur ou le directeur général du bureau
régional détermine qu'elle se rapporte à une
telle menace, sera interceptée en vertu de
l'autorité conférée par le présent mandat. Le
directeur ou le directeur général du bureau
régional pourra permettre la traduction
d'une communication à laquelle s'applique
la présente condition lorsque cela s'avère
nécessaire à sa détermination. Dans un tel
cas, le traducteur ne divulguera le contenu
de la communication qu'au seul directeur ou
directeur général du bureau régional.
Le requérant en l'espèce, le 10 septembre 1986,
a été accusé, avec huit autres individus, d'avoir
conspiré pour commettre le meurtre d'un dé-
nommé Malkait Singh Sidhu en contravention des
dispositions de l'alinéa 423(1)a) du Code criminel
[S.R.C. 1970, chap. C-34 (mod. par S.C. 1985,
chap. 19, art. 62)]. Selon l'acte d'accusation du
procureur général, la conspiration alléguée aurait
eu lieu entre le 14 et le 25 mai 1986. Le requérant
s'est vu refuser le cautionnement relativement à
cette accusation et attend présentement de subir
son procès, qui devrait avoir lieu en mai ou en juin
1987. Puisqu'il est dit que la conspiration alléguée
a eu lieu à divers endroits dans la province de la
Colombie-Britannique, le procès sera instruit dans
cette province.
L'avocat de la Couronne représentant le procu-
reur général de la Colombie-Britannique chargé de
la poursuite du requérant ainsi que des huit autres
individus accusés d'avoir conspiré avec lui entend
présenter en preuve, lors du procès, certains enre-
gistrements et certaines transcriptions de télécom-
munications interceptées en vertu du mandat que
j'ai décerné le 26 juillet 1985. Ces télécommunica-
tions sont dites avoir été interceptées initialement
par le Service canadien du renseignement de sécu-
rité (le Service) au cours de la période s'étendant
du 17 au 26 mai 1986 inclusivement. Il est déclaré,
de la part du procureur de la Couronne, que la
Couronne, lors du procès instruit relativement à la
conspiration, ne s'appuiera sur aucune autre infor
mation ou renseignement obtenus en vertu du
mandat en question. Précisément, il est dit que la
Couronne ne présentera aucune preuve matérielle
autorisée en vertu du paragraphe B du mandat
attaqué en l'espèce (le paragraphe B de ce mandat
autorise le Service à procéder à la recherche,
l'enlèvement ou la remise en place des communica
tions enregistrées relatives au requérant, de même
qu'à leur examen, au prélèvement des informations
qui s'y trouvent, ainsi qu'à leur enregistrement et à
l'établissement de copies ou d'extraits par tout
procédé) puisque le Service n'a pas exercé les
pouvoirs qui lui ont été conférés en vertu du para-
graphe B. La Couronne déclare également que
toutes les télécommunications qu'elle entend pré-
senter en preuve lors du procès relatif à la conspi-
ration ont été interceptées par le Service sur deux
lignes téléphoniques situées à la résidence du
requérant, au 12471 — 79A Avenue, à Surrey, en
Colombie-Britannique. L'écoute électronique en
question a été effectuée sur des lieux appartenant à
la B.C. Telephone Company et pour ce faire, il n'a
pas été nécessaire d'entrer dans la résidence du
requérant ni dans une autre résidence ou place
d'affaire ni dans un véhicule. Il ressort que le
Service, au cours de la période s'étendant du 17 au
26 mai 1986, n'a intercepté que deux appels télé-
phoniques auxquels a participé un procureur. La
preuve révèle que le Service a agi conformément à
la condition numéro III du mandat en question
relativement à ces deux appels. Le directeur géné-
ral du bureau régional du Service pour la Colom-
bie-Britannique a personnellement écouté, une
seule fois, chacun de ces appels. Il a décidé, dans
les deux cas, que la communication dont il avait
pris connaissance ne se rapportait pas aux menaces
envers la sécurité du Canada dont il était question
dans le mandat décerné relativement à Atwal. En
conséquence, il a ordonné que les parties de la
bande sur lesquelles' étaient enregistrées les com
munications avec un avocat soient effacées, ce qui
a été fait. Seul le directeur général du bureau
régional a écouté ces deux conversations échangées
avec un procureur. De plus, le contenu de ces deux
appels téléphoniques n'a été divulgué ni à la police
ni au procureur de la Couronne.
Dans la requête en annulation, l'avocat du
requérant s'appuie sur trois arguments pour oppo-
ser l'invalidité du mandat en question:
(a) l'invalidité du mandat attaqué ressort à la
lecture du mandat lui-même puisque celui-ci n'a
pas été décerné conformément à la disposition
habilitante, soit l'article 21 de la Loi sur le SCRS;
(b) à défaut par cette Cour d'accepter l'argu-
ment qui précède, en supposant que les dispositions
de l'article 21 aient été respectées, le mandat
attaqué ainsi que la loi habilitante sont invalides à
la lecture de ce mandat et de cette Loi, puisqu'ils
ne respectent pas les normes constitutionnelles
minimales visant les fouilles, perquisitions et sai-
sies non abusives dont parle l'article 8 de la Charte
[Charte canadienne des droits et libertés, qui cons-
titue la Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R. -U.)]; et
(c) à défaut par cette Cour d'accepter l'un ou
l'autre des arguments qui précèdent, le mandat en
question pourrait être invalide pour le motif que
l'affidavit déposé à l'appui de la demande de
mandat ne justifiait pas sa délivrance, motif impli-
quant un examen plus poussé que celui du seul
mandat attaqué. L'avocat du requérant reconnaît
que ce motif d'examen ne peut être plaidé sans que
ne soit produit l'affidavit de l'officier du SCRS
appuyant la demande de mandat et, en consé-
quence, il sollicite une ordonnance portant produc
tion dudit affidavit [TRADUCTION] «sous une
forme respectant le caractère privilégié des rensei-
gnements protégés».
(A) DÉFAUT D'OBSERVER LA LOI HABILITANTE
Le requérant soumet quatre arguments à l'appui
de sa prétention selon laquelle l'intimée ne s'est
pas conformée à la loi habilitante:
(i) le mandat ne respecte pas les deux conditions
préalables prévues par la Loi qui seraient posées
au paragraphe 21(3);
(ii) les prétendues «menaces» visées par le
mandat ne se trouvent pas précisées;
(iii) le mandat ne relie pas les saisies qu'il
autorise aux éléments se rapportant aux préten-
dues menaces; et
(iv) l'autorisation accordée dans le mandat porte
atteinte au secret professionnel de l'avocat.
J'entends à présent traiter de ces prétentions de
façon successive:
(A) (i) Le paragraphe 21(3) de la Loi sur le SCRS
L'avocat du requérant prétend que le paragra-
phe 21(3) de la Loi exige que le juge sollicité de
décerner le mandat ne doit le faire que s'il est
«convaincu> que les exigences des alinéas (2)a) et
(2)b) de l'article 21 sont respectées. Selon lui, les
conditions préalables à la délivrance d'un mandat
en vertu de l'article 21 que posent ces paragraphes
sont les deux seules conditions préalables que pré-
voit la Loi. Après avoir souligné que les deux
conditions statutaires préalables à la délivrance du
mandat attaqué ressemblent, tout en présentant
avec elles des différences importantes, aux condi
tions statutaires préalables à la délivrance des
mandats de perquisition prévus à l'alinéa 443(.1)b)
du Code criminel [mod. par S.C. 1985, chap. 19,
art. 69] et aux autorisations d'écoute électronique
prévues à l'article 178.13 de ce Code [ajouté par
S.C. 1973-74, chap. 50, art. 2; 1976-77, chap. 53,
art. 9], l'avocat du requérant s'appuie néanmoins
sur de la jurisprudence portant sur ces dispositions
pour affirmer qu'il doit ressortir à la lecture même
du mandat attaqué que le juge qui l'a décerné était
convaincu du respect des conditions prévues aux
alinéas (2)a) et (2)b) de l'article 21. En d'autres
termes, le requérant soutient que le mandat ne
répond pas aux exigences de l'article 21. Ce
mandat est invalide parce qu'il ne précise pas par
écrit que le juge qui l'a décerné était justifié de
croire à l'existence de motifs raisonnables permet-
tant de décerner le mandat, et parce que le mandat
n'énonce pas par écrit que d'autres méthodes d'en-
quête ont été essayées en vain ou auraient peu de
chances de succès.
Je rejette cette prétention pour plusieurs motifs.
Tout d'abord, notons que le paragraphe (4) de
l'article 21 énumère les indications particulières
qui doivent figurer dans le mandat. Nulle part
dans ce paragraphe est-il exigé du juge qui décerne
le mandat qu'il y déclare expressément être con-
vaincu du respect des conditions préalables visées
aux alinéas 21(2)a) et b). En second lieu, au
quatrième paragraphe des considérants, je déclare,
en ma qualité de juge décernant le mandat, que je
suis «convaincu qu'un mandat doit être décerné
conformément à l'article 21 ... pour permettre au
Service ... de faire enquête sur des menaces
envers la sécurité du Canada». Les alinéas 21(2)a)
et b) formant partie intégrante de l'article 21 de la
Loi, il serait sûrement inutile et superflu d'exiger
une référence expresse à ces dispositions. Un juge
doit être convaincu de la réalisation de nombreuses
conditions avant de pouvoir décerner un mandat en
vertu de la Loi sur le SCRS. Par exemple, le
paragraphe (2) de l'article 21 comprend huit ali-
néas différents énumérant de façon détaillée les
différents points sur lesquels doit porter l'affidavit
déposé à l'appui de la demande de mandat. J'es-
time que l'affidavit présenté à l'appui de la
demande visée en l'espèce respecte chacune de ces
exigences, tout comme il satisfait également aux
autres exigences posées par la Loi'. Le juge décer-
nant un mandat ne devrait pas être obligé, pour
que celui-ci soit valide à sa seule lecture, de décla-
rer expressément, avec détails à l'appui, qu'il con-
sidère comme réalisées une ou des conditions parti-
culières prévues à la Loi. Selon moi, on peut
certainement présumer que le juge qui décerne le
mandat, lorsqu'il déclare le décerner conformé-
ment à l'article de la loi qui l'y autorise, est
convaincu que les dispositions applicables de cette
loi ont été en tout point observées. En l'espèce,
l'affidavit de onze pages dactylographiées présenté
au soutien de la demande exposait de façon très
détaillée le fondement de cette dernière, et il m'a
convaincu que le mandat sollicité était nécessaire
aux fins s'y trouvant précisées et qu'il satisfaisait
entièrement aux exigences pertinentes de la Loi.
Finalement, je ne considère pas que les décisions
portant sur les dispositions du Code criminel aux-
quelles l'avocat du requérant a fait référence et sur
lesquelles il s'est appuyé soient particulièrement
utiles ou convaincantes. A mon avis, la jurispru
dence relative au droit criminel n'est pas celle qui
doit être appliquée relativement à la Loi sur le
SCRS. La jurisprudence établit que les tribunaux
sont justifiés de faire référence à certaines catégo-
ries particulières de preuve extrinsèque lorsqu'ils
interprètent des dispositions législatives aux seules
fins de définir le tort ou le vice auxquels la loi
soumise à leur interprétation a pour but de remé-
dier 2 . Sont inclus parmi ces catégories de preuve
autorisées les rapports des comités parlementaires,
ceux des commissions royales ou d'enquêtes publi-
ques et l'histoire législative d'une loi en particu-
lier'. Comme l'a fait remarquer l'avocat du procu-
reur général du Canada, les travaux de quatre
commissions d'enquête ont porté sur divers aspects
des activités hostiles de renseignement et autres
menaçant le Canada avant l'adoption de la Loi sur
le SCRS: la Commission Taschereau-Kellock, la
' Par exemple, entre autres: l'exigence de l'obtention préala-
ble de l'approbation du solliciteur général posée par le paragra-
phe 21(1) et l'exigence découlant de l'alinéa 7(1)b) selon
laquelle le solliciteur général adjoint doit être consulté relative-
ment à toute demande de mandat fondée sur l'article 21.
2 The Eastman Photographic Materials Company Limited v.
The Comptroller-General of Patents, Designs, and Trade
Marks, [1898l A.C. 571 (H.L.), à la p. 573, par le lord
chancelier Halsbury.
Voir Driedger (E.A.), Construction of Statutes, (2d)
(1983), aux p. 153 et 154 et 159à 161.
Commission Wells, la Commission Mackenzie et
la Commission McDonald. En outre, le Rapport
du Comité sénatorial spécial du service canadien
du renseignement de sécurité (le rapport Pitfield)
étudie soigneusement les dispositions du projet de
loi C-157, le prédécesseur de la Loi sur le SCRS.
Ce rapport, portant la date de novembre 1983,
expose clairement et précisément les différences
fondamentales qu'il y a entre un système visant
l'application de la loi et un système conçu pour
assurer la sûreté de l'État. Aux pages 5 et 6, le
rapport dit:
Ces deux entités se ressemblent et, dans certains domaines, se
chevauchent, par exemple lorsqu'une force policière s'intéresse,
en même temps que le service du renseignement de sécurité, à
certains crimes commis contre l'État ou contre des individus.
14 Mais les deux diffèrent considérablement l'une de l'autre.
L'application des lois est une activité réactive qui, si elle
n'exclut pas la collecte de renseignements et des mesures de
prévention, n'intervient, dans l'ensemble, qu'après la perpétra-
tion d'un acte criminel précis. La protection de la sécurité ne se
contente pas simplement de réagir aux événements, elle vise à
détecter à l'avance les menaces à la sécurité et ne s'intéresse
pas nécessairement aux infractions à la loi. Une publicité
considérable accompagne les activités visant à faire respecter la
loi et en fait même essentiellement partie. Le travail du rensei-
gnement de sécurité, à l'inverse, exige le secret. Faire respecter
la loi est une activité «qui cherche des résultats» notamment
l'appréhension et le jugement du coupable, les «intervenants» du
système—policiers, procureurs, avocats de la défense et juges—
jouissant d'une très grande autonomie d'action. Le renseigne-
ment de sécurité est, tout au contraire, «tourné vers l'informa-
tion». Le rôle des intervenants est beaucoup moins clairement
défini et la direction et le contrôle dans un cadre hiérarchique
sont absolument nécessaires. Enfin, faire respecter la loi est une
activité qui se déroule pratiquement en «vase clos» et dans des
limites bien définies—perpétration, enquête, appréhension,
jugement. Les opérations du renseignement de sécurité sont
beaucoup moins délimitées: l'accent est mis sur l'enquête, l'ana-
lyse et l'énoncé de renseignements.
On trouve un autre exposé concis de la différence
fondamentale entre l'enquête de police et la col-
lecte de renseignements dans l'affaire Keith, un
arrêt de la Cour suprême des États-Unis 4 . Mon
sieur le juge Powell, rendant l'arrêt de la Cour, a
dit:
[TRADUCTION] Nous reconnaissons qu'assurer la sûreté inté-
rieure peut impliquer une politique et des considérations prati-
ques différentes de celles qui sont propres à la «criminalité
ordinaire». Le renseignement de sécurité est souvent une acti-
vité d'envergure impliquant la corrélation de sources et de types
d'information diverses. Les cibles précises de cette surveillance
peuvent être plus difficiles à circonscrire que dans le cas des
4 United States v. United States District Court for the Eas
tern District of Michigan, Southern Division et al., 32 L.Ed.
(2d) 752 (1972), la p. 769.
opérations de surveillance des nombreux types de crime indi-
qués au Titre III. Souvent aussi, le renseignement intérieur
s'intéresse avant tout à la prévention de l'activité illicite ou à
une meilleure connaissance de l'activité illicite ou à rehausser
l'état de préparation du gouvernement face à une éventuelle
crise ou situation d'urgence. Ainsi l'objet de la surveillance
intérieure peut être beaucoup plus flou que celle s'attachant à
des genres de criminalité plus conventionnelle.
Comme la législation sur la surveillance interne
d'une part, et la législation répressive ordinaire
d'autre part, tel notre Code criminel, ont des
objets carrément différents, leur interprétation res
pective se fait nécessairement dans une optique
différente. La Commission McDonald qui, dans
une large mesure, a été â l'origine de l'adoption de
la Loi sur le SCRS a longuement traité de la
violence et du terrorisme politiques 5 . On lit aux
pages 455 et 456:
26. Le régime démocratique du Canada veut que la recherche
des objectifs politiques se poursuive dans la légalité par des
débats publics, des délibérations parlementaires et la défense
des intérêts divers. Le processus démocratique est en danger
lorsque des individus ou des groupes, dans la quête de leurs
objectifs politiques, menacent de recourir ou recourent effecti-
vement à des actes de violence graves. Comme nous l'avons dit
au chapitre 1" de la présente partie de notre rapport, le
dispositif de sécurité du Canada devrait tendre en tout premier
lieu à protéger notre régime démocratique. Aussi l'organisme
de sécurité du Canada devrait-il être investi, à notre avis, du
pouvoir de fournir des renseignements sur toute activité d'un
individu ou d'un groupe qui comporte le recours ou la menace
de recourir à des actes de violence graves contre des personnes
ou des biens en vue d'atteindre certains objectifs politiques.
27. Depuis une dizaine d'années, cette menace à la sécurité a
pris surtout la forme de terrorisme. Malheureusement, les
sentiments de frustration et de fanatisme politiques qui pous-
sent au terrorisme ne sont pas à la veille de disparaître, loin de
là ... les actes de terrorisme dont doit se préoccuper l'orga-
nisme de sécurité sont ceux qui tendent vers des objectifs
politiques ...
28. La sécurité du Canada exige que les activités des personnes
qui adhèrent ou accordent leur appui à des groupes terroristes
soient décelées avant même qu'on soit justifié d'intenter des
poursuites au criminel. On a constaté récemment que le succès
des groupes terroristes dépend bien souvent de leur aptitude à
protéger leur identité et leur sécurité pendant qu'ils poursuivent
leurs activités dans une société moderne ...
30. Il sied que le mandat d'un service de sécurité prévoie la
collecte de renseignements sur l'activité terroriste au Canada (y
compris l'activité de ceux qui fomentent ces actes et qui les
appuient), que l'activité en question soit dirigée contre des
Canadiens ou des étrangers ou contre des gouvernements cana-
s Commission McDonald [Commission d'enquête sur certai-
nes activités de la Gendarmerie royale du Canada], deuxième
rapport, août 1981, Vol. 1, aux p. 435 et 436.
diens ou étrangers. Devant la montée en flèche du terrorisme
international, il ne faut pas que le Canada devienne le havre où
se réfugient ceux qui ont recours aux méthodes de terrorisme
pour faire mousser leurs idéaux politiques dans d'autres pays.
Par conséquent, je dois, avec égard, refuser
d'appliquer, comme m'y invite l'avocat du requé-
rant, la jurisprudence du Code criminel à un
mandat délivré en vertu de la Loi sur le SCRS. A
mon avis, le législateur fédéral, en adoptant la Loi
sur le SCRS, édictait un code de complet concer-
nant les menaces envers la sécurité du Canada
définies dans la Loi. Par conséquent, je pense que
la validité d'un mandat visé par l'article 21 doit
être établie dans le cadre des exigences énoncées
dans la Loi sur le SCRS et non par analogie avec
quelqu'autre législation dont les objectifs et la
raison d'être sont complètement différents.
Comme, à mon avis, les critères de la Loi sur le
SCRS ont été respectés, je ne trouve aucun mérite
à cet argument.
(A) (ii) Absence d'indication de la «menace» pré-
tendue à laquelle le mandat se rapporterait
Pour bien apprécier cet argument, il est néces-
saire, à mon avis, de reproduire la définition de
l'expression «menaces envers la sécurité du
Canada» que l'on trouve à l'article 2 de la Loi sur
le SCRS. En voici le libellé:
2....
«menaces envers la sécurité du Canada»
Constituent des menaces envers la sécurité du Canada les
activités suivantes:
a) l'espionnage ou le sabotage visant le Canada ou préjudi-
ciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à
favoriser ce genre d'espionnage ou de sabotage;
b) les activités influencées par l'étranger qui touchent le
Canada ou s'y déroulent et sont préjudiciables à ses inté-
rêts, et qui sont d'une nature clandestine ou trompeuse ou
comportent des menaces envers quiconque;
e) les activités qui touchent le Canada ou s'y déroulent et
visent à favoriser l'usage de la violence grave ou de mena
ces de violence contre des personnes ou des biens dans le
but d'atteindre un objectif politique au Canada ou dans un
État étranger;
d) les activités qui, par des actions cachées et illicites,
visent à saper le régime de gouvernement constitutionnelle-
ment établi au Canada ou dont le but immédiat ou ultime
est sa destruction ou son renversement, par la violence.
La présente définition ne vise toutefois pas les activités licites
de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation
d'un désaccord qui n'ont aucun lien avec les activités mention-
nées aux alinéas a) à d).
L'avocat du requérant fait valoir que le mandat
en cause n'indique pas à quelle menace prétendue
le mandat se rapporte et que ce «vice» entraîne
irrémédiablement sa nullité. Ici encore, dans cet
argument, le requérant se fonde sur le droit régis-
sant les perquisitions et les saisies prévues au Code
criminel, selon lequel l'infraction doit être expres-
sément énoncée dans le mandat. On dit qu'un
mandat comme celui-ci, qui se borne à reprendre
l'une des définitions de l'article 2 sur les «menaces
envers la sécurité du Canada», est tellement large
dans sa description de la «menace» prétendue qu'en
fait il confère au service un blanc-seing échappant
à tout contrôle judiciaire. Selon l'avocat, les tribu-
naux d'habitude cassent les mandats dont le libellé
est aussi vague et qui sont délivrés en vertu du
Code criminel.
Je ne saurais souscrire à cet argument. Pour les
raisons données précédemment au paragraphe A(i)
ci-dessus, je suis d'avis que la validité d'un mandat
décerné au SCRS ne doit pas être établie en
fonction des normes du droit criminel. Il est plus
approprié, à mon avis, de s'en remettre à la Loi sur
le SCRS elle-même pour établir si ce moyen peut
être retenu. Elle ne requiert pas une description de
la «menace envers la sécurité du Canada» plus
précise que ne le fait le mandat en cause, quand il
indique que la menace qui fait l'objet de l'enquête
est visée à l'alinéa c) de l'article 2. Comme il a été
noté ci-dessus, le paragraphe 21(4) précise les
éléments obligatoires du mandat décerné en vertu
du paragraphe 21(3). Une description plus précise
de la «menace» n'est pas prévue dans cette énumé-
ration. Lorsqu'on se rappelle que le Service a pour
objet la détection et la prévention, par opposition à
l'arrestation après le fait, il devient évident qu'une
description plus précise serait impossible. Je sup
pose que le Service, au moment où il demande un
mandat en vertu de l'article 21, pourrait sans
doute qualifier les activités qu'il entend surveiller
«d'actes de terrorisme» ou «d'atteintes à l'État
canadien», mais des descriptions de ce genre sont
encore moins précises que les quatre définitions
apparaissant à l'article 2 de la Loi sur le SCRS.
Étant donné que la collecte des renseignements de
sécurité est une tâche de longue haleine et une
activité permanente, embrassant divers genres et
sources d'information, il s'ensuit, à mon avis, que
les activités de contre-espionnage doivent nécessai-
rement avoir un contour plus flou que la surveil-
lance exercée en vertu du Code criminel. C'est
pour ces raisons, à mon avis, que le législateur est
délibérément resté dans les généralités dans sa
définition des «menaces» et qu'il n'a pas prévu un
contenu obligatoire plus spécifique pour le mandat.
L'avocat du procureur général du Canada a
rappelé qu'en dépit des dispositions de l'alinéa
178.13(2)a) du Code criminel, qui obligent le juge
qui décerne le mandat à indiquer l'infraction sus
ceptible de donner lieu à l'interception de commu
nications privées, en pratique, la description
donnée en application de cette disposition est sem-
blable à celle qui figure dans le mandat contesté en
l'espèce. Il a cité l'affaire Regina v. Welsh and
Ianuzzi (No. 6) (1977), 32 C.C.C. (2d) 363 (C.A.
Ont.), à la page 366, où la description de l'infrac-
tion se lit comme suit: [TRADUCTION] «(a) s'être
livré au bookmaking, en contravention de l'article
186(1)e) du Code criminel du Canada». De même
dans un autre arrêt de la Cour d'appel de l'Onta-
rio, Regina v. Finlay and Grellette (1985), 23
C.C.C. (3d) 48, la page 52, la première infrac
tion est décrite comme suit: [TRADUCTION] «(a)
complot d'importation de stupéfiants en contraven
tion de l'article 423(1)d) du Code criminel». Dans
ces deux arrêts, d'autres infractions en cause
étaient elles aussi énoncées dans un style sembla-
ble. L'avocat résume son argument comme il suit:
[TRADUCTION] ... en énonçant l'infraction susceptible de
donner lieu à l'interception de communications privées, les
autorisations d'écoute électronique suivent d'habitude la termi-
nologie du Code, citant l'article du Code criminel applicable,
soit la pratique même que le requérant condamne en l'espèce.
Par tous ces motifs, donc, je rejette ce moyen.
(A) (iii) Absence d'indication d'un rapport entre
les saisies et les objets reliés à la menace prétendue
L'avocat du requérant conteste le mandat en
cause parce qu'il ne limiterait pas les saisies de
communications orales ou écrites ou de pièces à
celles qui ont un rapport avec la menace préten-
due. D'après lui, le mandat est tellement large
qu'il ne tient aucun compte du régime de contrôle
judiciaire envisagé par l'article 21. Plus précisé-
ment, il soutient que le libellé du mandat ne
précise pas suffisamment «les catégories de com
munication dont l'interception est autorisée» ni «les
catégories d'information dont l'acquisition est
autorisée». Par conséquent, à son avis, le mandat
en cause est si général qu'il en devient invalide.
Pour évaluer la validité de ces arguments, il est
nécessaire, à mon avis, d'étudier le mandat en
cause à la lumière des exigences du paragraphe
21(4) de la Loi. L'alinéa a) du paragraphe 21(4)
exige que soient indiquées les catégories de com
munication dont l'interception doit être autorisée.
La clause A du mandat précise qu'est autorisée
l'interception des «communications orales et télé-
communications du sujet qui ont lieu au Canada»,
c'est-à-dire celles du requérant en l'espèce. Comme
le fait remarquer l'avocat du procureur général du
Canada, le libellé du mandat en l'espèce est quasi
identique à celui des autorisations d'écoute électro-
nique qu'emploient les tribunaux 6 . En outre, la
première condition du mandat en cause confère
une garantie supplémentaire pour la vie privée des
tiers non impliqués. A mon avis, cette première
condition n'est pas requise en vertu des dispositions
de la Loi sur le SCRS ni se retrouve-t-elle dans la
jurisprudence canadienne citée ci-dessus. Néan-
moins elle a été ajoutée comme garantie supplé-
mentaire à l'égard des tiers innocents.
Lorsqu'on se rappelle que la collecte des rensei-
gnements de sécurité est habituellement une acti-
vité à long terme, mettant en cause de nombreux
genres et sources différents d'information, et qu'il
est difficile d'identifier les cibles à surveiller, les
termes larges utilisé au paragraphe (4) de l'article
21 se comprennent et se justifient à mon avis. Par
exemple, l'alinéa 21(4)b) demande d'indiquer
l'identité de la cible, «si elle est connue». L'alinéa
21(4)d) réclame une description générale du lieu
où le mandat pourra être exécuté, «si possible». La
menace au sujet de laquelle le mandat en cause a
été délivré est reliée à la violence et au terrorisme
politiques. La Commission McDonald a constaté
que durant la dernière décennie le terrorisme avait
constitué la menace la plus grave qui ait mis en
péril la sécurité du Canada. Elle a conclu que la
sécurité du Canada exigeait que soient détectées
les activités des individus qui appartiennent à des
groupes terroristes ou les soutiennent, lesquels peu-
vent être forts actifs avant que ne soit commise
6 Voir par exemple: Regina y. Finlay and Grellette, précité, à
la p. 53; Regina v. Welsh and Ianuzzi (No. 6), précité, à la
p. 366; Lyons et autres c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 633, aux
p. 645 et 646; 15 C.C.C. (3d) 417, la p. 427, par le juge
Estey.
une infraction criminelle. Pour cette raison, l'inter-
ception des communications de la cible et de celle
qui lui sont destinées ne peut, nécessairement, faire
l'objet d'une grande précision. La nature même de
l'enquête et de la prévention du terrorisme exige
un large pouvoir d'interception. À mon avis, le
libellé de la clause A est conforme à toutes les
dispositions du paragraphe 21(4) lorsqu'on en fait
une interprétation honnête. Les catégories de com
munication y sont précisées comme le requiert
l'alinéa a). L'identité de la cible est donnée comme
le requiert l'alinéa b) et une description générale
des lieux où le mandat pourra être exécuté est
donnée comme le veut l'alinéa d). Le mandat est
conforme aussi aux alinéas c),e) et f). Quant à la
clause B, je conclus qu'elle est conforme au para-
graphe 21(4) pour les raisons données ci-dessus à
l'égard de la clause A.
L'avocat du procureur général, dans son
mémoire, fait valoir que toute mise en cause de la
validité de la clause B du mandat est sans objet et
purement théorique, puisqu'aucun des pouvoirs
autorisés en vertu de cette clause n'a été exercé en
l'espèce. Cet argument me paraît difficilement
recevable puisque je doute que la validité formelle
du mandat puisse dépendre de la mesure dans
laquelle les pouvoirs qu'il confère sont exercés.
Quoi qu'il en soit, puisque à mon avis, pour les
raisons données ci-dessus, tant les clauses A que B
du mandat en cause sont valides, il n'est pas
nécessaire de supprimer une partie quelconque du
mandat bien que cela semble possible en raison de
l'arrêt récent de la Cour suprême du Canada dans
l'affaire Grabowski 7 .
(A) (iv) Le secret professionnel de l'avocat
L'avocat du requérant soutient que le mandat en
cause viole le secret professionnel de l'avocat en
permettant et en autorisant la saisie de communi
cations orales et écrites privilégiées. À son avis, il
n'y a aucune disposition dans la Loi sur le SCRS
qui autorise l'interception d'une consultation licite
entre la cible et son avocat. Par conséquent, dit-on,
la common law prévaut et protège ces conversa
tions de toute intrusion. L'avocat du requérant
s'appuie en cela sur l'arrêt de la Cour suprême du
Grabowski c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 434, à la p. 453; 22
C.C.C. (3d) 449, à la p. 463.
Canada dans l'affaire Descôteaux 8 . Il s'agissait
dans cette affaire d'un mandat de perquisition
délivré en vertu de l'article 443 du Code criminel.
Aux pages 875 R.C.S.; 400 C.C.C., M. le juge
Lamer énonce quatre règles sur les circonstances
dans lesquelles et sur la mesure dans laquelle les
communications intervenant entre l'avocat et son
client doivent être protégées. Ces règles sont ainsi
conçues:
1. La confidentialité des communications entre client et avocat
peut être soulevée en toutes circonstances où ces communica
tions seraient susceptibles d'être dévoilées sans le consente-
ment du client;
2. A moins que la loi n'en dispose autrement, lorsque et dans la
mesure où l'exercice légitime d'un droit porterait atteinte au
droit d'un autre à la confidentialité de ses communications
avec son avocat, le conflit qui en résulte doit être résolu en
faveur de la protection de la confidentialité;
3. Lorsque la loi confère à quelqu'un le pouvoir de faire quelque
chose qui, eu égard aux circonstances propres à l'espèce,
pourrait avoir pour effet de porter atteinte à cette confiden-
tialité, la décision de le faire et le choix des modalités
d'exercice de ce pouvoir doivent être déterminés en regard
d'un souci de n'y porter atteinte que dans la mesure absolu-
ment nécessaire à la réalisation des fins recherchées par la loi
habilitante;
4. La loi qui en disposerait autrement dans les cas du deuxième
paragraphe ainsi que la loi habilitante du paragraphe trois
doivent être interprétées respectivement.
Le requérant invoque la règle n° 2 énoncée ci-des-
sus par le juge Lamer. Toutefois, à mon avis, la
règle n° 2 ne s'applique pas au mandat délivré en
vertu de la Loi sur le SCRS en raison des disposi
tions du paragraphe 21(3) de cette Loi in limine:
«Par dérogation à toute autre règle de droit, mais
sous réserve de la Loi sur la statistique». À mon
avis, la prépondérance à laquelle ces termes font
clairement allusion montre bien que le législateur
fédéral a voulu que toutes les autres règles de droit
du Canada, qu'il s'agisse de droit législatif ou de
common law, doivent être considérées comme
assujetties au pouvoir conféré à un juge, en vertu
de cet article, de délivrer un mandat. En raison de
cette prépondérance donc, il est douteux que les
8 Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860;
70 C.C.C. (2d) 385.
dispositions du Code criminel et la jurisprudence
qui en découle aient quelque application en l'espè-
ce 9 . Néanmoins, présumant que sont applicables
les critères de l'arrêt Descôteaux, celui qui nous
intéresse me semble être le troisième, c'est-à-dire
celui qui introduit la notion selon laquelle le Ser
vice, lorsqu'il est autorisé comme en l'espèce à
violer le secret professionnel que l'avocat doit à son
client, ne doit être autorisé à le faire que «dans la
mesure absolument nécessaire à la réalisation des
fins recherchées par la loi habilitante».
La question qui se pose donc est de savoir si le
mandat en cause satisfait au critère de proportion-
nalité. Les conditions II et III du mandat portent
sur le secret professionnel de l'avocat. Comme l'a
noté l'avocat du procureur général du Canada, la
terminologie de la condition II rappelle à certains
égards celle utilisée au paragraphe 178.13(1.1) du
Code. Néanmoins ce paragraphe, comme l'a noté
l'avocat du requérant, est plus limitatif puisque le
pouvoir d'interception conféré ne vise que les cas
où le requérant est convaincu, pour des motifs
raisonnables, qu'un avocat, un de ses employés ou
une personne qui habite sa résidence «est partie à
l'infraction ou s'apprête à le devenir». Par consé-
quent, la condition Il en elle-même représenterait
donc une garantie moindre du secret professionnel
de l'avocat que la norme prévue au Code criminel.
Toutefois, la condition II n'est pas la seule en
cause. Elle est accompagnée de la condition III.
Cette dernière n'apparaît dans aucun des mandats
en cause dans la jurisprudence découlant du Code
criminel que l'on m'a citée. C'est pourquoi je pense
que l'adjonction de la condition III accroît consi-
dérablement la protection conférée au secret pro-
fessionnel de l'avocat. À cet égard, je considère
instructif l'arrêt de la Cour suprême du Canada
dans l'affaire Solosky c. La Reine 10 . Dans cet
arrêt, il était question de l'interception de la cor-
respondance échangée entre un détenu dans un
pénitencier fédéral et son avocat. L'interception et
9 Lorsqu'on raisonne par analogie, comparant les dispositions
du Code criminel et celles de la Loi sur le SCRS relatives à
l'interception des communications, les dispositions de l'article
26 de la Loi sur le SCRS doivent aussi être gardées à l'esprit.
Cet article est ainsi conçu: «La partie IV.I du Code criminel ne
s'applique pas à une interception de communication autorisée
par un mandat décerné en vertu de l'article 21 ni à la communi
cation elle-même.»
10 [1980] 1 R.C.S. 821; 50 C.C.C. (2d) 495.
l'ouverture du courrier du détenu étaient autori-
sées par un certain règlement pris en application
de la Loi sur les pénitenciers [S.R.C. 1970, chap.
P-6]. La justification de ces mesures, disait-on,
était: «la rééducation et la réadaptation du détenu
ou la sécurité de l'institution». Le juge Dickson (tel
était alors son titre), rendant l'arrêt de la Cour au
nom de la majorité, dit (aux pages 837 et 838
R.C.S.; 509 C.C.C.):
En l'espèce, la complication découle de la situation unique du
détenu. Son courrier est ouvert et lu en raison des exigences de
la sécurité de l'institution et non en vue d'être utilisé dans des
procédures judiciaires. Tout ceci se passe à l'intérieur de la
prison et, par conséquent, loin d'un tribunal ou d'un organisme
quasi judiciaire. Il est difficile de voir comment cela met en jeu
le privilège, à moins que l'on veuille totalement le transformer
pour en faire une règle de propriété, dépouillée de tout fonde-
ment dans la preuve.
Et, aux pages 840 R.C.S.; 511 C.C.C.:
Il en résulte, selon moi, que la Cour se trouve dans l'obliga-
tion de peser l'intérêt public qui veut le maintien de la sécurité
et de la sûreté de l'institution carcérale, de son personnel et de
ses détenus, et l'intérêt représenté par la protection de la
relation avocat-client. Même si l'on reconnaît pleinement le
droit d'un détenu de correspondre librement avec son conseiller
juridique et la nécessité d'en déroger au minimum, la balance
doit, en fin de compte, pencher en faveur de l'intérêt public.
Mais l'intervention ne doit pas aller au-delà de ce qui est
essentiel au maintien de la sécurité et à la réadaptation du
détenu.
Le juge s'est penché ensuite sur la question de
savoir quel type de mécanisme permettrait d'éta-
blir le genre d'équilibre qui s'impose dans les
circonstances. Aux pages 841 et 842 R.C.S.; 512
C.C.C., il propose la démarche suivante:
(i) le contenu d'une enveloppe puisse être inspecté pour déceler
la contrebande; (ii) dans des cas limités, la communication
puisse être lue pour s'assurer qu'elle renferme effectivement
une communication à caractère confidentiel entre l'avocat et
son client aux fins de consultation ou d'avis juridiques; (iii) la
lettre ne soit lue que s'il existe des motifs raisonnables et
probables de croire le contraire et, dans ce cas, uniquement
dans la mesure nécessaire pour déterminer la bonne foi de la
communication; (iv) le fonctionnaire compétent du pénitencier
qui examine l'enveloppe, après s'être assuré que cette dernière
ne renferme rien qui enfreigne la sécurité, ait l'obligation légale
de garder la communication confidentielle.
L'avocat du procureur général de la Colombie-Bri-
tannique souligne que la condition III du mandat
en cause présente une [TRADUCTION] «ressem-
blance remarquable» avec les directives données
par le juge en chef Dickson dans l'arrêt Solosky,
précité. Ce n'est pas par hasard. En effet, la
condition III représente une tentative de suivre la
méthode exposée par le juge en chef du Canada
dans cet arrêt-là.
En l'espèce, les intérêts opposés sont l'intérêt
qu'a le public notamment dans la détection et la
prévention du terrorisme politique au Canada et
dans la collecte de renseignements concernant les
activités de terroristes au Canada, que ces activités
visent des Canadiens, des gouvernements cana-
diens, des étrangers ou des gouvernements étran-
gers, d'une part et l'intérêt qu'il y a à protéger les
relations qui existent entre avocat et client d'autre
part.
Au vu de l'affidavit produit à l'appui du mandat
décerné en l'espèce, j'ai été convaincu, et je le suis
encore, que le déposant avait des motifs raisonna-
bles, lesquels ont été exposés d'une façon très
détaillée, de croire à la nécessité d'obtenir un
mandat en vertu de l'article 21 afin de permettre
au Service de faire enquête sur la menace envers la
sécurité du Canada visée par l'alinéa 2c) de la Loi
sur le SCRS. La condition III autorise un haut
fonctionnaire du SCRS à intercepter notamment
une communication orale à seule fin de déterminer
si cette communication se rapporte à la menace
envers la sécurité du Canada mentionnée dans le
mandat. Si l'on conclut que ce n'est pas le cas, tout
ce qui a trait à cette communication doit être
détruit et il sera dès lors défendu d'en divulguer la
teneur. Si, par contre, il est décidé que- la commu
nication interceptée se rapporte vraiment à la
menace envers la sécurité faisant l'objet de l'en-
quête, alors son interception est autorisée par le
mandat. Comme je l'ai fait remarquer plus haut,
de tous les enregistrements et transcriptions de
télécommunications en litige, seules deux conver
sations téléphoniques mettent en cause un avocat.
Les conditions énoncées à la condition III ont été
respectées et, dans chaque cas, on a conclu que ni
l'une ni l'autre communication n'avait trait à la
menace envers la sécurité visée par le mandat en
cause. Par conséquent, conformément à la condi
tion III, la partie du ruban magnétique contenant
les communications avec un avocat a été effacée.
Seul l'agent du SCRS qui avait reçu l'autorisation
à cet effet a écouté les deux conversations échan-
gées avec un avocat et leur teneur n'a été révélée ni
à la police ni à l'avocat de la Couronne (voir
l'affidavit de Daniel Patrick Murphy en date du 24
mars 1987).
À mon avis, les conditions II et III établissent
un équilibre raisonnable entre les intérêts opposés
dont il s'agit en l'espèce. Que la condition III ait
été suivie de la manière prévue et que cela n'ait
occasionné qu'une atteinte minime au secret pro-
fessionnel de l'avocat témoigne peut-être du carac-
tère raisonnable de ce compromis, qui est fort
semblable au mécanisme proposé par le juge en
chef Dickson. La détection et la prévention du
terrorisme politique constituent un intérêt public
vital auquel il faut reconnaître une grande impor
tance si on le compare à une atteinte possible au
caractère confidentiel des relations entre avocat et
client.
L'avocat du requérant, dans sa réplique au cours
des débats oraux devant moi, a souligné que les
arrêts Descôteaux et Solosky datent tous les deux
d'avant la Charte. Je suis toutefois d'accord avec
l'avocat du procureur général de la Colombie-Bri-
tannique pour dire que l'arrêt R. v. Finlay and
Grellette, précité, de la Cour d'appel de l'Ontario,
établit d'une manière convaincante que la Charte
n'a rien changé au droit applicable aux communi
cations entre avocat et client. Dans cet arrêt, on a
jugé constitutionnelle la Partie IV.I du Code, qui
renferme le paragraphe 178.13(1.1). Quoique la
condition II du mandat en cause puisse offrir
moins de protection que le paragraphe
178.13(1.1), la condition III, pour les raisons déjà
exposées, protège beaucoup mieux le secret profes-
sionnel de l'avocat. Je conclus en conséquence que
l'entrée en vigueur de la Charte n'a eu aucun effet
sur la pertinence de la jurisprudence invoquée en
l'espèce à l'appui de la validité du mandat en
question du point de vue du caractère confidentiel
des relations entre avocat et client.
(B) FOUILLES, PERQUISITIONS OU SAISIES ABUSI-
VES—ARTICLE 8 DE LA CHARTE
Le requérant soutient que le mandat contesté
viole l'article 8 de la Charte". L'article 21 de la
Loi sur le SCRS présente un vice et va donc à
l'encontre de l'article 8 de la Charte car il n'exige
pas que le président du tribunal soit convaincu:
" L'article 8 est libellé comme suit: «Chacun a droit à la
protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies
abusives.» -
(i) qu'il existe des motifs raisonnables et probables de croire
qu'une infraction a été commise; et
(ii) qu'il existe des motifs raisonnables et probables de croire
qu'un élément de preuve de l'infraction se trouve à l'endroit de
la perquisition.
Cette allégation se fonde principalement sur l'arrêt
rendu par la Cour suprême du Canada dans l'af-
faire Hunter et autres c. Southam Inc. 12 . De l'avis
de l'avocat du requérant, cet arrêt prévoit quatre
exigences principales pour qu'une fouille, une per-
quisition ou une saisie visée à l'article 8 soit valide:
a) il doit y avoir autorisation préalable de la fouille, de la
perquisition ou de la saisie, lorsque c'est possible;
b) c'est un juge ou au moins une personne en mesure d'agir de
façon judiciaire qui doit décider si l'autorisation préalable doit
être accordée;
c) la décision doit être fondée sur des éléments de preuve
fournis sous serment; et
d) [TRADUCTION] «le critère objectif sur lequel cette décision
doit être fondée doit comprendre des motifs raisonnables et
probables de croire qu'un élément de preuve de l'infraction se
trouve à l'endroit de la perquisition» 13 .
L'avocat du requérant admet que l'article 21 de la
Loi sur le SCRS satisfait clairement aux exigences
exposées aux alinéas a), b) et c) précitées. Son
allégation porte exclusivement sur le paragraphe
d) précité.
L'avocat qui représente le procureur général du
Canada convient que l'écoute électronique autori-
sée sous le régime de la Loi sur le SCRS constitue
une «fouille, [une] perquisition ou [une] saisie» au
sens de l'article 8 de la Charte. Toutefois, il sou-
tient que l'article 21 de la Loi sur le SCRS est
conforme à l'article 8.
L'avocat qui représente le procureur général de
la Colombie-Britannique, bien qu'il n'estime pas
que l'article 8 de la Charte protège le droit à la vie
privée relativement à l'interception des communi
cations, fait valoir que, néanmoins, la Partie II de
la Loi sur le SCRS respecte l'article 8. De plus, il
soutient ce qui suit:
[TRADUCTION] Sans admettre, même un instant, que la Loi sur
le SCRS peut, de quelque façon, aller à l'encontre de l'un
quelconque des droits et libertés garantis par la Charte, on
allègue que, de toute façon, l'article 1 de la Charte la maintien-
drait. Force nous est de conclure que, au nom de la sécurité
nationale, dont la protection est si nettement dans l'intérêt de
toute société libre et démocratique, l'objectif de la Loi sur le
SCRS est suffisamment important pour l'emporter sur un droit
12 [1984] 2 R.C.S. 145; 14 C.C.C. (3d) 97.
13 Voir le mémoire du requérant au par. 25d), p. 20.
ou une liberté garantis par la Constitution; nous faisons valoir
également que les moyens choisis—c'est-à-dire le recours à un
mandat autorisé par voie judiciaire—sont raisonnables et que
leur justification peut se démontrer ' 4 .
L'arrêt de la Cour suprême du Canada qui fait
jurisprudence en ce qui concerne l'article 8 est,
naturellement, l'arrêt Southam, précité. Dans
cette affaire, le directeur des enquêtes et recher-
ches nommé en vertu de la Loi relative aux enquê-
tes sur les coalitions [S.R.C. 1970, chap. C-23]
enquêtait conformément à cette Loi, sur des
infractions qui étaient censées avoir été commises
par Southam. Il avait, conformément au pouvoir
que lui conférait la Loi, délivré un certificat per-
mettant d'entrer dans des bureaux occupés par
Southam. La question en litige était de savoir si les
dispositions législatives servant de fondement au
certificat étaient invalides pour le motif qu'elles
violaient l'article 8 de la Charte. Cependant, pour
les fins qui nous occupent, les principes généraux
énoncés par la Cour relativement à la portée qu'il
faut donner aux droits visés par l'article 8 sont plus
importants que la solution précise adoptée dans
l'affaire elle-même. Les motifs du jugement de la
Cour ont été exposés par le juge Dickson (tel était
alors son titre). Il a souligné, aux pages 159 et 160
R.C.S.; 108 C.C.C.:
La garantie de protection contre les fouilles, les perquisitions et
les saisies abusives ne vise qu'une attente raisonnable. Cette
limitation du droit garanti par l'art. 8, qu'elle soit exprimée
sous la forme négative, c'est-à-dire comme une protection
contre les fouilles, les perquisitions et les saisies «abusives», ou
sous la forme positive comme le droit de s'attendre «raisonna-
blement» à la protection de la vie privée, indique qu'il faut
apprécier si, dans une situation donnée, le droit du public de ne
pas être importuné par le gouvernement doit céder le pas au
droit du gouvernement de s'immiscer dans la vie privée des
particuliers afin de réaliser ses fins et, notamment, d'assurer
l'application de la loi.
Et il a ajouté, aux pages 168 R.C.S.; 115 C.C.C.:
Si le droit de l'État ne consistait pas simplement à appliquer la
loi comme, par exemple, lorsque la sécurité de l'Etat est en
cause ... le critère pertinent pourrait fort bien être différent.
La présente affaire et la loi dont il est ici question
concernent effectivement la sécurité de l'Etat. Par
conséquent, la remarque incidente susmentionnée
est particulièrement pertinente en l'espèce.
14 Voir: Plaidoiries écrites de l'avocat qui représente le procu-
reur général de la Colombie-Britannique, au par. 53, p. 26.
Ainsi qu'on l'a déjà fait remarquer, il ressort de
l'évolution de la Loi sur le SCRS que le Parle-
ment, en adoptant cette Loi, a accordé au Service
le pouvoir d'enquêter sur les menaces envers la
sécurité du Canada dans le but de maintenir son
régime et ses institutions démocratiques et égale-
ment de préserver l'intégrité du Canada à l'étran-
ger. Comme l'a noté l'avocat représentant le pro-
cureur général du Canada, le Service n'est pas
chargé de l'application des lois du Canada. Il a
pour mandat de recueillir des informations et des
renseignements de sécurité concernant les menaces
envers la sécurité du Canada et d'en rendre
compte aux ministères concernés du gouvernement
du Canada. En plus des exigences relatives à l'au-
torisation préalable qui doit être accordée par un
juge et fondée sur des éléments de preuve fournis
sous serment, le Service est soumis, dans ses activi-
tés, à la surveillance de l'inspecteur général (arti-
cles 30 à 33 inclusivement de la Loi sur le SCRS).
L'inspecteur général est tenu de présenter au solli-
citeur général un rapport annuel sur les activités
du Service. En outre, la loi prévoit, aux articles 34
à 40 inclusivement, la création d'un comité connu
sous le nom de comité de surveillance des activités
de renseignement de sécurité. Selon l'article 34, les
membres de ce comité sont nommés par le gouver-
neur en conseil «parmi les membres du Conseil
privé de la Reine pour le Canada qui ne font partie
ni du Sénat ni de la Chambre des communes.
Cette nomination est précédée de consultations
entre le premier ministre du Canada, le chef de
l'opposition à la Chambre des communes et le chef
de chacun des partis qui y disposent d'au moins
douze députés». En outre, le comité de surveillance
a le pouvoir de «surveiller la façon dont le Service
exerce ses fonctions» (article 38). À mon avis, il
semble évident que le Parlement, en adoptant la
Loi sur le SCRS, a conçu un système détaillé, bien
étudié et prudent de freins et de contrepoids qui,
tout en permettant au Service de remplir son
mandat, a prévu en même temps des garanties
adéquates afin de protéger les droits et libertés
individuels prévus par la Charte.
Si l'on tient compte des déclarations de l'actuel
juge en chef du Canada dans l'arrêt Southam,
précité, et du système complexe établi par la Loi
sur le SCRS, je crois possible de soutenir de façon
convaincante que, dans la mesure où la Loi sur le
SCRS est concernée, un critère moins strict que
celui qui a été établi dans l'affaire Southam pour-
rait satisfaire aux exigences de l'article 8 de la
Charte. Toutefois, selon ma perception de l'affaire,
il n'est pas nécessaire de se livrer à un tel travail en
l'espèce car je suis persuadé que les critères énon-
cés dans l'affaire Southam ont été respectés.
Aucune des deux raisons invoquées ci-dessus par
l'avocat du requérant ne me convainc qu'il y a eu
violation de l'article 8 en l'espèce ou que les critè-
res établis dans l'affaire Southam n'ont pas été
respectés. Cependant, pour ne rien laisser de côté,
je traiterai expressément des deux vices allégués
par l'avocat du requérant:
(i) L'article 21 présente un vice parce qu'il n'exige pas que le
président du tribunal soit convaincu qu'il existe des motifs
raisonnables et probables de croire qu'une infraction a été
commise.
Il faut d'abord noter que la disposition pertinente
de la Loi sur le SCRS, à savoir l'alinéa 21(2)a),
exige que le déposant énonce les faits sur lesquels
il s'appuie pour avoir des motifs raisonnables de
croire que le mandat est nécessaire pour permettre
au Service de faire enquête sur des menaces envers
la sécurité du Canada. Donc, l'exigence prévue au
paragraphe 21(3) selon laquelle le juge doit être
convaincu de l'existence des faits mentionnés à
l'alinéa (2)a) de l'article 21 vise des menaces et
non pas des infractions. Je ne puis rien trouver
dans l'économie de la Loi qui exige que des élé-
ments de preuve de la perpétration d'une infrac
tion soient présentés au tribunal lors de la déli-
vrance d'un mandat visé à l'article 21. Ainsi qu'il a
déjà été indiqué, la sécurité de l'État ne met pas
l'accent sur la réaction à des événements. Elle
cherche plutôt à être prévenue à l'avance des
menaces envers la sécurité et ne s'intéresse pas
nécessairement aux infractions à la loi. Le proces-
sus de la sécurité est habituellement, de par sa
nature même, un processus plus long. Cela expli-
que les dispositions de la Loi sur le SCRS qui
permettent au tribunal de délivrer des mandats
pour une période ne dépassant pas un an, sauf dans
le cas de menaces prévues à l'alinéa (2)d), la
période maximale étant alors de soixante jours
(voir le paragraphe 21(5)). S'il est certes possible
qu'il y ait infraction au Code criminel lorsque se
produisent des activités comportant des menaces, il
est également possible que de telles activités se
produisent sans qu'il y ait violation du Code crimi-
nel et, comme on l'a dit plus haut, il serait proba
ble que, dans certains cas, des activités comportant
des menaces précèdent quelque infraction au Code
criminel. En outre, la mention d'une «infraction»
au critère d) établi dans l'arrêt Southam était
pertinente dans cette décision mais elle ne s'appli-
que pas nécessairement en l'espèce, car la Loi vise
des objectifs tout à fait différents. Les critères
énoncés dans l'affaire Southam ne s'appliquent
pas nécessairement avec les adaptations de circons-
tance lorsque l'examen porte sur un cadre législatif
complètement différent. Le juge en chef Dickson
l'a bien précisé dans le passage précité à la page
159 de ses motifs lorsqu'il a mentionné que l'ap-
préciation doit se faire «dans une situation
donnée».
Comme j'étais convaincu au moment de la déli-
vrance du mandat contesté et je reste convaincu de
l'existence des faits mentionnés à l'alinéa (2)a) de
l'article 21, il y a donc conformité avec les disposi
tions de la Loi, qui ne doivent pas nécessairement
coïncider avec les critères établis dans l'affaire
Southam en ce qui concerne les questions relevant
du Code criminel.
(ii) L'article 21 présente un vice parce qu'il n'exige pas que le
président du tribunal soit convaincu qu'il existe des motifs
raisonnables et probables de croire qu'un élément de preuve de
l'infraction se trouve à l'endroit de la perquisition.
La conclusion à laquelle j'en suis venu au paragra-
phe (i) ci-dessus selon laquelle le critère établi
dans la Loi sur le SCRS porte sur les menaces
envers la sécurité du Canada plutôt que les infrac
tions relevant du droit pénal, s'applique également
à l'allégation soutenue à la rubrique (ii) ci-dessus.
Je ne vois donc aucune valeur à cette dernière
allégation pour les raisons exprimées au paragra-
phe (i) ci-dessus. En outre, je note que les exigen-
ces prévues aux alinéas 21(2)f) et 21(4)f) relative-
ment au lieu d'exécution du mandat ont été
respectées dans l'affidavit justificatif en l'espèce,
et je considère qu'il s'agit d'exigences raisonnables
dans le contexte de la sécurité nationale. Ce qui est
abusif dans le cadre de l'application de la loi ne
l'est pas nécessairement dans le contexte de la
législation concernant la sécurité de l'État. Le
contraire est également vrai. À titre d'exemple, je
me reporte à l'exigence prévue au paragraphe
21(3) selon laquelle le juge doit, avant de délivrer
un mandat, être convaincu de l'existence des faits
mentionnés, entre autres, à l'alinéa (2)b) de l'arti-
cle 21. L'alinéa (2)b) exige que l'affidavit du
demandeur porte sur:
21. (2) ...
b) le fait que d'autres méthodes d'enquête ont été essayées
en vain, ou la raison pour laquelle elles semblent avoir peu de
chances de succès, le fait que l'urgence de l'affaire est telle
qu'il serait très difficile de mener l'enquête sans mandat ou le
fait que, sans mandat, il est probable que des informations
importantes concernant les menaces ... ne pourraient être
acquises;
À mon avis, c'est là une garantie hautement
souhaitable et innovatrice conçue par le législateur
afin de répondre à la nature particulière des activi-
tés envisagées et autorisées par la Loi sur le SCRS.
Cet alinéa indique bien que le législateur reconnaît
que les pouvoirs accordés par un mandat décerné
en application de la Loi sur le SCRS sont très
vastes et gênants. Par conséquent, il exige que le
déposant justifie dans des termes précis ces pou-
voirs qu'il tente d'obtenir. Les conditions énumé-
rées à l'alinéa (2)b) sont les suivantes: le fait que
d'autres méthodes d'enquête ont été essayées en
vain, ou la raison pour laquelle elles semblent avoir
peu de chances de succès; le fait que l'urgence de
l'affaire est telle qu'il serait très difficile de ne
recourir qu'à des méthodes plus classiques; ou le
fait que, sans mandat, il est probable que des
informations importantes concernent les menaces
envers la sécurité mentionnées dans l'affidavit ne
pourraient être acquises. Comme c'est le cas en ce
qui concerne l'alinéa (2)a) de l'article 21, j'étais
convaincu au moment de la délivrance du mandat
et je reste convaincu des faits mentionnés à l'alinéa
(2)b) de l'article 21. À mon avis, lorsqu'on les
considère en corrélation avec l'article 8 de la
Charte, les méthodes mentionnées (et suivies en
l'espèce) dans la Loi sur le SCRS satisfont aux
critères applicables au caractère raisonnable que
l'article 8 de la Charte exige relativement aux
fouilles, aux perquisitions et aux saisies.
Par conséquent, et pour toutes les raisons sus-
mentionnées, je conclus que les dispositions de
l'article 8 de la Charte n'ont pas été violées en
l'espèce.
(C) VALIDITÉ DE L'ORDONNANCE EX PARTE
FONDÉE SUR UN EXAMEN APPROFONDI DE L'AF-
FIDAVIT DÉPOSÉ À L'APPUI DE LA DEMANDE D'UN
MANDAT
Comme l'a souligné l'avocat du requérant, cet
argument ne peut être avancé que si l'on divulge à
ce dernier l'affidavit déposé à l'appui du mandat
décerné en l'espèce. Cela soulève, pour la première
fois, la question de la divulgation de l'affidavit
prévu au paragraphe 21(2), que doit produire le
directeur ou un employé désigné à cette fin par le
ministre. L'article 27 de la Loi exige qu'une
demande fondée sur l'article 21 «est entendue à
huis clos en conformité avec les règlements d'appli-
cation de l'article 28». À ce jour, aucun règlement
de la sorte n'a été promulgué et, autant que je
sache, les affidavits produits à l'appui des deman-
des de mandats fondées sur l'article 21 n'ont pas
été divulgués.
À mon avis, cet aspect du litige soulève deux
questions fondamentales:
(i) Le procureur général du Canada s'est-il
opposé devant cette Cour à la divulgation de
l'affidavit produit par Archie M. Barr, un
employé du Service désigné à cette fin par le
solliciteur général du Canada en vertu du para-
graphe 21(1) de la Loi sur le SCRS (l'affidavit
Barr) dans le cadre de la présente demande
fondée sur la Règle 330, en attestant verbale-
ment ou par écrit qu'une telle divulgation porte-
rait préjudice à la sécurité nationale et en invo-
quant ainsi les articles 36.1 et 36.2 de la Loi sur
la preuve au Canada [S.R.C. 1970, chap. E-10
(ajoutés par S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, art.
4)]?
(ii) La Cour est-elle tenue d'ordonner la divul-
gation ou peut-elle, à sa discrétion, ordonner que
l'affidavit ne soit pas divulgué?
J'examinerai chacun de ces questions séparément.
(i) Le procureur général du Canada s'est-il opposé
à la divulgation de l'affidavit Barr en vertu des
articles 36.1 et 36.2 de la Loi sur la preuve au
Canada?
Les articles 36.1 et 36.2 portent:
36.1 (1) Un ministre de la Couronne du chef du Canada ou
toute autre personne intéressée peut s'opposer à la divulgation
de renseignements devant un tribunal, un organisme ou une
personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de
renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant
eux que ces renseignements ne devraient pas être divulgués
pour des raisons d'intérêt public déterminées. [C'est moi qui
souligne.]
(2) Sous réserve des articles 36.2 et 36.3, dans les cas où
l'opposition visée au paragraphe (1) est portée devant une cour
supérieure, celle-ci peut prendre connaissance des renseigne-
ments et ordonner leur divulgation, sous réserve des restrictions
ou conditions qu'elle estime indiquées, si elle conclut qu'en
l'espèce, les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation
l'emportent sur les raisons d'intérêt public invoquées lors de
l'attestation.
(3) Sous réserve des articles 36.2 et 36.3 dans les cas où
l'opposition visée au paragraphe (1) est portée devant le tribu
nal, un organisme ou une personne qui ne constituent pas une
cour supérieure, la question peut être décidée conformément au
paragraphe (2), sur demande, par:
a) la Division de première instance de la Cour fédérale dans
les cas où l'organisme ou la personne investis du pouvoir de
contraindre à la production de renseignements en vertu d'une
loi du Parlement ne constituent pas un tribunal régi par le
droit d'une province; ou
b) la division ou cour de première instance de la cour
supérieure de la province dans le ressort de laquelle le
tribunal, l'organisme ou la personne ont compétence, dans les
autres cas.
(4) Le délai dans lequel la demande visée au paragraphe (3)
peut être faite est de dix jours suivant l'opposition, mais la cour
saisie peut modifier ce délai si elle l'estime indiqué dans les
circonstances.
(5) L'appel des décisions rendues en vertu des paragraphes
(2) ou (3) se fait:
a) devant la Cour d'appel fédérale pour ce qui est de celles
de la Division de première instance de la Cour fédérale; ou
b) devant la cour d'appel d'une province, pour ce qui est de
celles de la division ou cour de première instance d'une cour
supérieure d'une province.
(6) Le délai dans lequel l'appel prévu au paragraphe (5)
peut être interjeté est de dix jours suivant la date de la décision
frappée d'appel, mais la cour d'appel peut le proroger si elle
l'estime indiqué dans les circonstances.
(7) Nonobstant toute autre loi du Parlement:
a) le délai de demande d'autorisation d'en appeler à la Cour
suprême du Canada est de dix jours suivant le jugement
frappé d'appel, visé au paragraphe (5), mais la cour compé-
tente pour autoriser l'appel peut proroger ce délai si elle
l'estime indiqué dans les circonstances; et
b) dans les cas où l'autorisation est accordée, l'appel est
interjeté conformément au paragraphe 66(1) de la Loi sur la
Cour suprême, mais le délai qui s'applique est celui qu'a fixé
la cour qui a autorisé l'appel.
36.2 (1) Dans les cas où l'opposition visée au paragraphe
36.1(1) se fonde sur le motif que la divulgation porterait
préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la
sécurité nationales, la question peut être décidée conformément
au paragraphe 36.1(2), sur demande, mais uniquement par le
juge en chef de la Cour fédérale ou tout autre juge de cette
cour qu'il charge de l'audition de ce genre de demande.
(2) Le délai dans lequel la demande visée au paragraphe (1)
peut être faite est de dix jours suivant l'opposition, mais le juge
en chef de la Cour fédérale ou le juge de cette cour qu'il charge
de l'audition de ce genre de demande peut modifier ce délai s'il
l'estime indiqué.
(3) Il y a appel de la décision visée au paragraphe (1) devant
la Cour d'appel fédérale.
(4) Le paragraphe 36.1(6) s'applique aux appels prévus au
paragraphe (3) et le paragraphe 36.1(7) s'applique aux appels
des jugements rendus en vertu du paragraphe (3), compte tenu
des adaptations de circonstance.
(5) Les demandes visées au paragraphe (1) font, en premier
ressort ou en appel, l'objet d'une audition à huis clos; celle-ci a
lieu dans la région de la Capitale nationale définie à l'annexe de
la Loi sur la Capitale nationale si la personne qui s'oppose à la
divulgation le demande.
(6) La personne qui a porté l'opposition qui fait l'objet d'une
demande ou d'un appel a, au cours des auditions, en première
instance ou en appel et sur demande, le droit de présenter des
arguments en l'absence d'une autre partie.
Le paragraphe 36.1(1) prévoit une attestation ver-
bale ou écrite devant la Cour. Il s'agit par consé-
quent de déterminer si, en l'espèce, l'avocat du
procureur général du Canada a formulé une telle
objection devant la Cour, verbalement ou par écrit.
Je ne peux me rappeler qu'une telle objection ait
été faite verbalement au cours de l'audience, ce
que confirme les notes assez détaillées que j'ai
prises à ce moment-là. Je suis d'avis qu'il n'y a pas
eu non plus d'objection formulée par écrit devant
la Cour. Les arguments écrits de l'avocat sur cette
question figurent au paragraphe 67 de son exposé
des faits et du droit où il a déclaré au sujet de la
production d'un affidavit secret:
[TRADUCTION] Le Parlement a cependant décidé que lorsque
la sécurité nationale est l'un des facteurs en cause, les tribu-
naux ne peuvent statuer sur la production ou la protection de
documents que conformément aux articles 36.1 et 36.2 de la
Loi sur la preuve au Canada. Se prononcer sur cet argument
présenté par le requérant au soutien de sa preuve, dans le cadre
de la présente requête fondée sur la Règle 330 constituerait un
mépris inacceptable des lois du Parlement qui visent à protéger
les renseignements touchant la sécurité nationale.
À mon avis, ces arguments ne signifient rien d'au-
tre que cela et ne peuvent en soi permettre l'appli-
cation de l'article 36.1. Cette conclusion est com
patible avec la pratique suivie dans toutes les
affaires que je connais où l'on a soulevé des objec
tions fondées sur l'article 36.1 en raison de divul-
gations qui porteraient atteinte à la sécurité
nationale 15 . Cette jurisprudence m'incite à con-
clure que les termes utilisés à l'article 36.1 de la
Loi sur la preuve au Canada exigent un certain
formalisme lorsque la Couronne soulève des objec
tions fondées sur l'atteinte à la sécurité nationale.
L'objection orale ou écrite à la divulgation doit, à
mon avis, être claire et sans équivoque. L'objection
formulée au paragraphe 67 précité ne répond pas à
ce critère s'il s'agit d'une objection plutôt que d'un
argument. Je conclus par conséquent qu'aucune
objection fondée sur l'article 36.1 n'a été formulée
en l'espèce et que les articles 36.1 et 36.2 ne
peuvent donc pas s'appliquer.
(ii) Divulgation des documents—droit du requé-
rant ou pouvoir discrétionnaire de la Cour?
La présente requête fondée sur la Règle 330 et
visant l'annulation d'une ordonnance ex parte est
une procédure civile. Les règles ordinaires de pro-
cédure civile devraient par conséquent s'appliquer.
Le requérant en l'espèce soutient qu'il a le droit
d'avoir accès à tous les documents nécessaires à sa
requête en annulation. Il prétend qu'il a un droit
absolu à une telle divulgation pour trois motifs:
(a) à moins que la loi n'interdise expressément
de divulguer l'affidavit Barr aux fins de la présente
requête et étant donné que la divulgation est néces-
saire pour que la Règle 330 puisse être utilisée
correctement, il faudrait permettre cette divulga-
tion;
(b) il existe une présomption en faveur de la
transparence des procédures judiciaires et puisque
l'affidavit Barr a été déposé devant la Cour à
l'appui de la demande du mandat, il s'agit prima
facie d'un document public qui devrait être divul-
gué; et
(c) la divulgation est nécessaire pour donner
effet à l'examen judiciaire de l'ordonnance ex
parte originale.
15 Voir: Gold c. La Reine, [1985] 1 C.F. 642; 4 C.P.C. (2d)
20 (1fe inst.); confirmé par [1986] 2 C.F. 129; 25 D.L.R. (4th)
285 (C.A.); Voir également: Kevork c. La Reine, [1984] 2 C.F.
753; 17 C.C.C. (3d) 426 (1fe inst.); Voir également: R. v.
Kevork, Balwin et Gharakhanian (1986), 27 C.C.C. (3d) 523
(H.C.J. Ont.); Voir enfin: Goguen c. Gibson, [1983] 1 C.F. 872
(1fe inst.); confirmé par [1983] 2 C.F. 463; (1984), 10 C.C.C.
(3d) 492 (C.A.).
À l'appui des paragraphes (b) et (c) précités, le
requérant cite les arrêts Procureur général de la
Nouvelle-Écosse et autre c. Maclntyre, [1982] 1
R.C.S. 175; 65 C.C.C. (2d) 129 et Wilson c. La
Reine, [1983] 2 R.C.S. 594; 9 C.C.C. (3d) 97. Je
conviens que règle générale, dans une affaire
comme celle dont nous sommes saisis, le requérant
a le droit d'exiger la divulgation de tous les docu
ments versés au dossier de la Cour mais je ne suis
pas d'accord pour dire que ce droit est absolu. Ce
droit général forme la pierre angulaire du concept
de l'équité et de la transparence de notre système
judiciaire. Dans l'affaire Maclntyre précitée, qui
concerne le droit d'un membre du public d'avoir
communication des mandats de perquisition expi-
rés, le juge Dickson (maintenant juge en chef) a
déclaré aux pages 183 et 184 R.C.S.; 144 et 145
C.C.C.:
En raison du petit nombre de décisions judiciaires, il est
difficile, et probablement peu sage, de vouloir donner une
définition exhaustive du droit de consulter les dossiers judiciai-
res ou une délimitation précise des facteurs dont il faut tenir
compte pour déterminer s'il faut en permettre la consultation.
La question qui nous est soumise est limitée aux mandats de
perquisition et aux dénonciations. La solution de cette question
me paraît dépendre de plusieurs grands principes généraux,
notamment le respect de la vie privée des particuliers, la
protection de l'administration de la justice, la réalisation de la
volonté du législateur de faire du mandat de perquisition un
outil efficace dans la détection du crime et, enfin, d'un principe
cardinal d'intérêt public qui consiste à favoriser la «transpa-
rence» des procédures judiciaires. Bentham a énoncé de façon
éloquente la justification de ce dernier principe dans les termes
suivants:
[TRADUCTION] «Dans l'ombre du secret, de sombres visées et
des maux de toutes formes ont libre cours. Les freins à
l'injustice judiciaire sont intimement liés à la publicité. Là où
il n'y a pas de publicité, il n'y a pas de justice.» «La publicité
est le souffle même de la justice. Elle est l'aiguillon acéré de
l'effort et la meilleure sauvegarde contre la malhonnêteté.
Elle fait en sorte que celui qui juge est lui-même un
jugement.»
Le fait que les mandats de perquisition peuvent être délivrés
par un juge de paix à huis clos n'entame pas cette préoccupa-
tion de responsabilité. Au contraire, il donne du poids à la thèse
en faveur de la politique d'accessibilité. Le secret qui préside
d'abord à la délivrance de mandats peut occasionner des abus et
la publicité a une grande influence préventive contre toute
inconduite possible.
En bref, ce qu'il faut viser, c'est le maximum de responsabi-
lité et d'accessibilité, sans aller jusqu'à causer un tort à un
innocent ou à réduire l'efficacité du mandat dé perquisition
comme arme dans la lutte continue de la société contre le
crime.
J'admets que lorsqu'une partie à une instance
tente d'obtenir la divulgation d'un document
comme c'est le cas en l'espèce, le droit de cette
partie à la divulgation prime celui des membres du
grand public. Je reconnais en outre que, selon
certaines décisions, le requérant qui engage une
procédure semblable à la présente requête fondée
sur la Règle 330 devrait pouvoir non seulement
prendre connaissance de l'affidavit mais également
contre-interroger l'auteur de l'affidavit au sujet de
ce dernier 16 . Cependant, les faits relatés dans l'une
et l'autre des décisions citées ne ressemblent aucu-
nement à ceux de l'espèce. Il n'était nullement
question d'un affidavit secret ni d'une atteinte à la
sécurité nationale lorsque les ordonnances ex parte
ont été rendues dans ces affaires. Il s'agit de
déterminer en l'espèce s'il existe ou non des cir-
constances spéciales qui permettraient à la Cour
de déroger à la règle générale selon laquelle tous
les documents déposés à la Cour doivent être
divulgués à toutes les parties, en l'absence d'une
attestation faite en vertu de l'article 36.1. Je for-
mule cette question ainsi en raison de la jurispru
dence qui, à mon avis, permet à la Cour de déroger
à la règle générale lorsque, selon elle, cette divul-
gation serait contraire aux meilleurs intérêts de
l'administration de la justice.
Pour ce qui est de la jurisprudence pertinente
concernant cette question, je citerai tout d'abord
une règle claire et sans équivoque énoncée par le
juge Dickson (maintenant juge en chef) aux pages
189 R.C.S.; 149 C.C.C. de l'affaire Maclntyre
précitée:
Il n'y a pas de doute qu'une cour possède le pouvoir de
surveiller et de préserver ses propres dossiers. L'accès peut en
être interdit lorsque leur divulgation nuirait aux fins de la
justice ou si ces dossiers devaient servir à une fin irrégulière. Il
y a présomption en faveur de l'accès du public à ces dossiers et
il incombe à celui qui veut empêcher l'exercice de ce droit de
faire la preuve du contraire. [C'est moi qui souligne.]
Cet extrait montre clairement qu'un juge a le
pouvoir discrétionnaire d'interdire l'accès à des
documents de la Cour «lorsque leur divulgation
nuirait aux fins de la justice». La question de la
non-divulgation en milieu carcéral a été examinée
par le juge Reed dans l'affaire Cadieux c. Direc-
teur de l'établissement Mountain, [1985] 1 C.F.
378, aux pages 397 et 398; (1984), 9 Admin. L.R.
50 (I re inst.), aux pages 78 et 79:
16 Voir: Volckmar v. Krupp, [1958] O.W.N. 303 (H.C.J.
Ont.) (ordonnance ex parte portant signification hors du ressort
judiciaire); Bunker Ramo Corp. c. TRW Inc., [1980] 2 C.F.
488; 47 C.P.R. (2d) 159 (1te inst.) (ordonnance ex parte
portant signification hors du ressort judiciaire).
À mon avis, rares sont les cas où le détenu ne peut être
informé de l'essentiel au moins des motifs retenus contre lui. Ce
serait notamment le cas si les actes reprochés avaient été
commis à l'extérieur de l'établissement lorsque le détenu était
en liberté. Toutefois, je peux plus facilement concevoir certai-
nes situations dans lesquelles il peut être nécessaire de refuser
de divulguer même l'essentiel des arguments qui lui sont oppo-
sés lorsque les renseignements se rapportent à la conduite
survenue à l'intérieur de l'établissement. Cela pourrait être
nécessaire si le contenu des renseignements était tel que leur
divulgation permettrait automatiquement d'identifier l'infor-
mateur. (C'est un lieu commun que l'identité des informateurs
ne doit pas être divulguée). Voir: Solliciteur général du
Canada et autre c. Commission royale d'enquête (Dossiers de
santé en Ontario) et autre, [1981] 2 R.C.S. 494 [23 C.P.C. 99,
23 C.R. (3d) 338, 62 C.C.C. (2d) 193, 128 D.L.R. (3d) 193, 38
N.R. 588] et Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60; 2 D.L.R.
(4th) 193. En regard de la situation dans les prisons, l'ordre et
la sécurité en milieu carcéral peuvent tout particulièrement
exiger un refus de divulguer l'identité des informateurs. Un tel
refus pourrait également être nécessaire si la divulgation entraî-
nait automatiquement le dévoilement des méthodes utilisées
pour obtenir des renseignements et par contrecoup devait ainsi
gêner considérablement le fonctionnement futur de la Commis
sion. Dans de telles circonstances, je ne crois pas qu'on devrait
interdire à la Commission de se fonder sur des renseignements
qui lui sont transmis et de les utiliser même si elle ne communi
que pas l'essentiel de ces renseignements au détenu. L'intérêt
du public en ce qui a trait à la prévention des récidives alors
que le détenu est en liberté, au maintien de la sécurité et de
l'ordre dans l'établissement pénal et à la préservation de la
capacité de la Commission des libérations conditionnelles de
fonctionner d'une manière efficace peut l'emporter sur la règle
usuelle selon laquelle une personne a droit de connaître l'essen-
tiel des motifs retenus contre elle. Toutefois, les occasions où
une telle situation est justifiée doivent être rares. Il doit y avoir
un élément de nécessité; il ne suffit pas que ce soit simplement
commode pour la Commission. [C'est moi qui souligne.]
et aux pages 401 C.F.; 81 Admin. L.R.:
La décision de la Chambre des lords dans Science Research
Council y Nassé, [1979] 3 All ER 673 est instructive. Dans
cette affaire, une employée qui avait l'impression d'avoir fait
l'objet de discrimination a cherché à avoir accès aux évalua-
tions de rendement annuelles établies par l'employeur concer-
nant d'autres employés avec qui elle avait été en compétition
pour obtenir une promotion. On lui a refusé la communication
en disant que ces rapports étaient confidentiels. La Chambre
des lords a statué qu'en vertu des règles applicables, la Cour
avait le pouvoir discrétionnaire de permettre la communication
et devait exercer ce pouvoir dans l'intérêt de la justice. A cette
fin, la Cour devrait examiner divers facteurs: elle devrait se
demander si la communication est nécessaire pour trancher
équitablement le litige ou pour éviter des frais; et si les docu
ments ont été rédigés d'une manière confidentielle et dans
quelle mesure la communication peut porter atteinte aux inté-
rêts des tiers. La Cour a conclu que, pour décider s'il y avait
lieu d'ordonner la divulgation, il convenait parfaitement d'exa-
miner si justice pouvait être rendue par des mesures spéciales,
par exemple en masquant certaines parties confidentielles mais
non pertinentes des documents ou en substituant aux noms
précis des indications anonymes.
Finalement, je veux citer la décision du juge
Pinard dans l'affaire Rice c. Commission natio-
nale des libérations conditionnelles (1986), 16
Admin. L.R. 157 (C.F. lie inst.), aux pages 167 et
168:
Or, dans la présente cause, il est établi que trois commissai-
res de la Commission ont réexaminé la possibilité de fournir les
informations confidentielles requises par le requérant et qu'ils
ont décidé que cela était impossible sans que la source desdites
informations ne soit révélée; ils ont en outre conclu que la
sécurité de la vie pour les personnes ayant fourni ces informa-
tions confidentielles serait mise en danger si lesdites informa-
tions étaient divulguées; finalement, ils indiquent que si l'iden-
tité de la source est révélée et que les informations sont
divulguées, la capacité de la Commission nationale des libéra-
tions conditionnelles d'obtenir des informations de nature confi-
dentielle en sera diminuée et que le bon ordre institutionnel du
Service correctionnel du Canada sera aussi en danger. Lors de
l'audition dans la présente cause, Serge Lavallée, agent exécutif
régional de la Commission nationale des libérations condition-
nelles a, sous serment, réaffirmé ces motifs au soutien de la
décision de la Commission de ne pas divulguer les renseigne-
ments confidentiels demandés par le requérant.
Ces raisons, appuyées par le serment d'un officier en autorité
de la Commission, compte tenu de toutes les circonstances du
présent cas, y inclus les autres informations communiquées au
requérant, justifient la non-divulgation des informations confi-
dentielles requises. Il s'agit ici d'une situation grave et excep-
tionnelle où la Cour est satisfaite que la Commission a dûment
considéré les conséquences de la divulgation des informations
privilégiées quant à la révélation de leur source et quant à la
sécurité de la vie des personnes en cause. Dans ce contexte, la
capacité de la Commission nationale des libérations condition-
nelles d'obtenir des informations de nature confidentielle et le
bon ordre institutionnel du Service correctionnel du Canada
constituent des considérations pertinentes. Toutes ces raisons
d'intérêt public réunies et invoquées par la Commission, en
l'occurrence, doivent primer. [C'est moi qui souligne.]
Comme j'ai conclu, pour les motifs énumérés
plus haut, que j'ai le pouvoir discrétionnaire de
déroger à la règle de la divulgation intégrale, étant
donné le pouvoir de surveillance et de protection de
la Cour, existe-t-il en l'espèce des circonstances
particulières qui exigent une telle dérogation? J'en
suis arrivé à la conclusion que c'est le cas. La
première circonstance particulière tient au fait que
l'affidavit secret de M. Barr vise la sécurité natio-
nale, et, plus particulièrement «les activités qui
touchent le Canada ou s'y déroulent et visent à
favoriser l'usage de la violence grave ou de mena
ces de violence contre des personnes ou des biens
dans le but d'atteindre un objectif politique au
Canada ou dans un État étranger». L'intérêt public
opposé que fait valoir le requérant est l'intérêt qu'a
le public dans la bonne administration de la justice
criminelle. Cependant, comme l'a souligné l'avocat
du procureur général de la Colombie-Britannique,
il faut faire une importante distinction entre les
droits dont jouit un accusé dans le cadre d'un
procès au criminel et les droits du requérant dans
le cadre des procédures intentées en vertu de l'arti-
cle 21 de la Loi sur le SCRS. La Cour n'est pas
saisie de la question de la culpabilité ou de l'inno-
cence du requérant. Le mandat contesté a été
décerné environ dix mois avant le moment où
aurait été perpétrée l'infraction dont est accusé le
requérant. Il est donc évident que ledit mandat n'a
pas été décerné en vue d'enquêter sur l'infraction
alléguée. Il a été décerné pour faciliter les enquêtes
sur le terrorisme politique, qui intéresse la sécurité
nationale. Le mandat contesté ne touche ni ne nuit
à la présomption d'innocence dont jouit le requé-
rant relativement à l'accusation criminelle portée
contre lui. L'accusé n'est nullement empêché de
présenter une pleine réponse et défense conformé-
ment au paragraphe 577(3) du Code criminel. Je
suis aussi d'accord avec l'avocat du procureur
général de la Colombie-Britannique pour dire que
les mandats prévus à l'article 21 sont décernés
dans des circonstances si différentes de ceux qui
sont visés à la partie IV.I du Code [TRADUCTION]
«qu'il serait dangereux de tenter d'établir une ana-
logie entre les divulgations concernées»..- Je recon-
nais aussi comme l'a dit l'avocat susmentionné que
[TRADUCTION] «L'article 26 de la Loi sur le
SCRS qui rend la partie IV.I du Code inapplicable
aux mandats prévus par l'article 21 milite claire-
ment contre une telle analogie».
Dans l'arrêt Goguen, précité, (qui traitait des
articles 36.1 et 36.2 de la Loi sur la preuve au
Canada), après avoir mentionné les intérêts
publics opposés, (relations internationales, défense
nationale ou sécurité nationale d'une part, et la
bonne administration de la justice criminelle d'au-
tre part), le juge en chef Thurlow a dit aux pages
883 et 884: -
Il ressort clairement de cette jurisprudence que la fin d'inté-
rêt public résidant dans la bonne administration de la justice
criminelle est très importante; elle l'est d'autant plus lorsque la
divulgation est requise afin d'établir l'innocence d'une personne
accusée d'un crime. Même alors, toutefois, son importance sera,
à mon avis, fonction de la gravité des charges retenues et de la
sévérité de la peine pouvant être prononcée en cas de condam-
nation. Dans Rex -v. Hardy précité, il s'agissait de haute
trahison, crime sanctionnné à l'époque par la pendaison en
public et l'écartèlement. On donnerait forcément moins de
poids à l'intérêt public dans la bonne administration de la
justice si les renseignements demandés étaient nécessaires au-
jourd'hui pour se défendre d'une infraction à la circulation,
quoique là aussi le principe soit applicable: l'intérêt public dans
la bonne administration de la justice ne doit jamais être mini-
misé ni considéré comme secondaire.
Si important que soit cet intérêt public toutefois, je crois que
la nature des questions de relations internationales, de défense
et de sécurité nationales est telle que les cas où le maintien du
secret de certaines informations pouvant leur porter préjudice
sera considéré moins important que la bonne administration de
la justice, même en matière criminelle, seront rares.
Parce que la menace qui pèse sur la sécurité du
Canada comme il est dit plus haut, vise le terro-
risme et la violence politiques, je ne considère pas
que nous soyons en présence en l'espèce de l'un des
rares cas auxquels fait allusion le juge en chef
Thurlow. En outre, il est clair que le Parlement a
manifesté sa volonté à cet égard par l'adoption des
articles 36.1 et 36.2 susmentionnés. Ces articles
fournissent un mécanisme et un code de procédure
déterminés pour établir la priorité qu'il y a lieu
d'accorder aux intérêts publics opposés dans un cas
particulier. À l'audience orale qui s'est découlée
devant moi, on a discuté des moyens dont disposait
le requérant, pour [TRADUCTION] «rendre applica-
bles» les procédures visées aux articles 36.1 et 36.2.
Si j'ai bien compris, l'avocat du procureur général
du Canada s'est montré d'avis que les articles 36.1
et 36.2 [TRADUCTION] «seraient applicables» si le
requérant signifiait au Service canadien du rensei-
gnement de sécurité un subpoena tendant à la
production de l'affidavit Barr. Dans ces circons-
tances, le Service, le procureur général du Canada
ou le solliciteur général du Canada serait en
mesure de s'opposer comme le prévoit l'article
36.1. Il peut fort bien y avoir d'autres moyens de
rendre applicables les procédures visées aux arti
cles 36.1 et 36.2. Quoi qu'il en soit, il est inutile et
peut-être même peu indiqué que je fasse des con
jectures sur les possibilités qui s'offrent au requé-
rant en ce qui concerne les poursuites criminelles
intentées contre lui en Colombie-Britannique.
C'est d'autant plus le cas que je ne suis pas un juge
désigné par le juge en chef pour entendre la
demande fondée sur le paragraphe 36.2(1).
Pour résumer, donc,, je refuse d'exercer le pou-
voir discrétionnaire dont je suis investi pour ordon-
ner la communication au requérant de l'affidavit
secret de M. Barr. Ma décision repose sur deux
motifs: premièrement, l'affidavit porte sur le terro-
risme politique qui faisait l'objet d'une enquête
dans l'intérêt de la sécurité nationale. La divulga-
tion de l'affidavit pourrait fort bien provoquer la
révélation de méthodes d'enquête en matière de
sécurité qui serait susceptible de nuire considéra-
blement à l'efficacité de la présente enquête de
sécurité et d'autres enquêtes éventuelles. On ne
saurait nier ni méconnaître combien il est impor
tant pour le public que le Service de sécurité
conserve et voit protégée sa capacité de remplir
l'important et difficile mandat que lui a confié la
Loi sur le SCRS dans l'intérêt de la sécurité
nationale. Deuxièmement, en tout état de cause, et
pour les motifs exposés plus haut, j'estime qu'en ce
qui concerne l'accusation criminelle portée contre
lui en Colombie-Britannique, le requérant peut
fort bien disposer d'autres voies de recours relati-
vement à la divulgation de l'affidavit Bart.
CONCLUSION
Puisque, selon moi, il n'a été démontré aucun
motif d'invalidité, il s'ensuit que la présente
demande d'annulation du mandat en cause doit
être rejetée.
Avant de terminer, j'aimerais toutefois parler
brièvement de l'article 1 de la Charte puisque
l'avocat du procureur général de la Colombie-Bri-
tannique l'a invoqué (bien que l'avocat du procu-
reur général du Canada n'en ait pas fait mention
ni ne l'ait invoqué). Étant donné la conclusion que
j'ai exposée plus haut, c'est-à-dire que l'article 8 de
la Charte n'a pas été violé en l'espèce, il n'est pas
nécessaire d'étudier le rapport qui existe entre
l'article 8 et l'article 1 de la Charte. Comme l'a dit
le juge Dickson (tel était alors son titre) dans
l'arrêt Hunter et autres c. Southam Inc., précité,
aux pages 169 et 170 R.C.S.; 116 C.C.C.:
Je reporte à plus tard la question complexe du rapport entre ces
deux articles et, plus particulièrement, la question de savoir
quelle autre prépondérance des droits, s'il y a lieu, peut être
envisagée par l'art. 1 outre celle qu'envisage l'art. 8.
Je me trouve en l'espèce dans une situation sem-
blable. Conséquemment, j'adopte l'attitude du
juge en chef du Canada et je ne m'étendrai pas
davantage dans ces motifs sur l'article 1 de la
Charte, puisque ce n'est pas nécessaire.
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