T-5077-81
Carling O'Keefe Breweries of Canada Limited et
Norlab Ltd. (demanderesses)
c.
CN Marine Inc., The Labrador Shipping Co. Ltd.,
le navire Newfoundland Coast et Roger Sirois
(défendeurs)
RÉPERTORIÉ: CARLING O'KEEFE BREWERIES OF CANADA LTD.
c. CN MARINE INC.
Division de première instance, juge Martin—Hali-
fax, 2, 3, 4, 5, 8 et 9 septembre; Ottawa, 17
novembre 1986 et 5 mai 1987.
Droit maritime — Transport de marchandises — Perte de la
cargaison — Marchandises mal arrimées et mal attachées
D'après les faits, la défenderesse CN était un «transporteur,
— La clause d'exclusion de responsabilité figurant dans le
connaissement n'exonère pas le CN de toute responsabilité
étant donné qu'elle est nulle et inopérante en vertu des Règles
de La Haye — La responsabilité ne se limite pas à 500 $ par
conteneur, car le connaissement indique le nombre de colis
expédiés — Loi sur le transport des marchandises par eau,
S.R.C. 1970, chap. C-15, Annexe, Art. III(2),(3)b),(8), IV(5) —
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 337(2)b).
La demanderesse réclame des dommages-intérêts pour la
perte en mer d'une cargaison de bière expédiée de Terre-Neuve
au Labrador. La bière a été placée par la demanderesse dans
trois conteneurs du CN (1 413 caisses dans chacun) qui ont été
chargés à bord d'un navire affrété par la défenderesse CN
Marine Inc. (CN) pour assurer son service appelé CN Marine
Coastal Service. Etant donné que le CN était déterminé, vers la
fin de la saison de la navigation, à utiliser chaque pouce de
l'espace disponible, le CN et le capitaine du navire, Roger
Sirois, ont décidé que les conteneurs devaient être arrimés
transversalement sur le pont, l'un des bouts des conteneurs
dépassant d'environ deux pieds le côté du navire. Les conte-
neurs ont ensuite été fixés à l'aide de câbles d'acier plutôt
qu'avec d'autres accessoires disponibles qui leur étaient de loin
supérieurs.
Pendant la traversée, la mer houleuse—ce qui n'était pas
inhabituel pour cette région à cette époque de l'année—frappait
le dessous des conteneurs, ce qui a entraîné le bris des câbles
d'acier et la perte en mer des conteneurs.
Le CN cherche à dégager sa responsabilité en invoquant qu'il
n'était pas le transporteur mais seulement le mandataire de
celui-ci et qu'une clause du connaissement prévoyait que «la
responsabilité personnelle [du mandataire] ne peut en aucun
cas être engagée». Ou, à défaut de quoi, le CN cherche à limiter
sa responsabilité à 500 $ par conteneur en invoquant le para-
graphe IV(5) des Règles de La Haye.
Jugement: la réclamation de la demanderesse doit être
accueillie pour la somme de 31 394,80 $.
La perte est due au fait que les marchandises de la demande-
resse ont été mal arrimées et attachées. Une part de responsabi-
lité est imputable à Roger Sirois, à qui revenait ultimement, à
titre de capitaine du navire, la décision quant à la façon
d'arrimer la cargaison. Et comme il ressort des faits de l'espèce
que le CN était un «transporteur» en vertu du contrat de
transport, il partageait aussi avec les véritables transporteurs, le
navire et ses propriétaires, la responsabilité de l'arrimage et de
la fixation des marchandises. Il ne peut se dégager de toute
responsabilité en invoquant la clause du connaissement déga-
geant sa responsabilité parce que le paragraphe 111(8) des
Règles de La Haye interdit de telles clauses et les rend nulles et
inopérantes.
Le CN peut invoquer le paragraphe IV(5) des Règles de La
Haye pour limiter sa responsabilité à 500 $ par conteneur étant
donné que le connaissement et sa feuille de route interne
indiquaient, dans les deux cas, un total de 4 240 colis.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Canficorp (Overseas Projects) Ltd. c. Cormorant Bulk -
Carriers Inc., jugement en date du 18 juin 1984, Cour
d'appel fédérale, A-883-82, non publié; International
Factory Sales Service Ltd. c. Le Alexandr Serafimovich,
[1976] 1 C.F. 35 (1f» inst.).
DECISIONS CITÉES:
Atlantic Traders Ltd. v. Saguenay Shipping Ltd. (1980),
38 N.S.R. (2d) 1 (C.S.N.-E., 1"° inst.); Paterson SS. Ltd.
v. Aluminum Co. of Can., [1951] R.C.S. 852; Maritime
Insurance Co. Ltd. (The) c. Le Gretafield, [1973] C.F.
281 (P» inst.); Aris Steamship Co. Inc. c. Associated
Metals & Minerals Corporation, [1980] 2 R.C.S. 322.
AVOCATS:
Kristine Arnet Connidis pour les demanderes-
ses.
James D. Youden pour la défenderesse CN
Marine Inc.
ONT COMPARU:
Roger Sirois pour son propre compte.
Personne n'a comparu pour les défendeurs
The Labrador Shipping Co. Ltd. et le New-
foundland Coast.
PROCUREURS:
Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour
les demanderesses.
CN Marine Law, Halifax, pour la défende-
resse CN Marine Inc.
Ryan & Ryan, North Sydney (Nouvelle-
Écosse), pour le défendeur Roger Sirois.
Pour ce qui concerne les arguments présentés après
le dépôt des motifs du jugement initiaux:
AVOCAT:
D. Peter Mancini pour le défendeur Roger
Sirois.
PROCUREUR:
Nova Scotia Legal Aid, Sydney (Nouvelle-
Écosse), pour le défendeur Roger Sirois.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MARTIN: La demanderesse Carling
O'Keefe Breweries of Canada Limited réclame
aux défendeurs des dommages-intérêts s'élevant à
trente et un mille trois cent quatre-vingt-quatorze
dollars et quatre-vingts cents (31 394,80 $), par
suite de la perte en mer le 15 novembre 1980 d'une
cargaison de bière placée en pontée sur le navire
défendeur, le Newfoundland Coast.
L'action intentée par la demanderesse contre le
navire, son propriétaire la compagnie Labrador
Shipping Co. Ltd., et son capitaine Roger Sirois
est quelque peu illusoire. En effet, le navire est
disparu en mer depuis ce temps, la compagnie
propriétaire ne posséderait aucun bien et le capi-
taine Sirois n'est pas dans une situation financière
qui lui permettrait d'acquitter la somme qui pour-
rait être adjugée contre lui.
L'avocate de la demanderesse a indiqué que
même si un jugement était rendu contre le capi-
taine Sirois, elle ne ferait aucune tentative pour
recouvrer la somme accordée. D'un point de vue
pratique, le seul espoir de la demanderesse est
donc d'obtenir un jugement contre la défenderesse
CN Marine Inc., l'affréteur du navire.
Aux termes d'un contrat conclu avec le gouver-
nement fédéral, CN Marine Inc. assure un service
de transport de passagers et de marchandises entre
les côtes de Terre-Neuve et du Labrador. Ce ser
vice est différent de celui qui relie Terre-Neuve au
continent et s'appelle CN Marine Coastal Service.
Il est assuré à l'aide de bateaux dont CN est
propriétaire ou qu'elle affrète à cette fin.
L'un des itinéraires du service de cabotage relie
St. John's et Goose Bay, un trajet d'environ 650
milles. En raison de la présence des glaces, cette
liaison n'est opérationnelle que du mois de juin à la
mi-novembre. En novembre 1980, elle était assurée
par le Newfoundland Coast et le Sir Robert Bond;
ce dernier navire avait été retiré d'une autre liaison
pour aider le Newfoundland Coast à assurer le
transport des marchandises qui s'étaient accumu-
lées comme cela se produit habituellement vers la
fin de la saison de navigation. Le Sir Robert Bond
appartient au CN et le Newfoundland Coast était
affrété à temps.
Au mois d'octobre 1980, la demanderesse a fait
savoir à CN qu'elle expédierait une certaine quan-
tité de bière à Goose Bay. Frank Walsh, le surveil-
lant d'entrepôt de la demanderesse, a pris les
dispositions nécessaires pour obtenir de CN trois
conteneurs ordinaires de vingt pieds et les a fait
charger ou remplir de caisses de bière sur les lieux
mêmes de l'entreprise de la demanderesse. Les
trois conteneurs ont été livrés à CN le 29 octobre
1980 pour qu'ils soient transportés par mer jusqu'à
Goose Bay.
CN avait remis à la demanderesse une série de
ses connaissements. Walsh en a rempli une partie
où il a indiqué le nombre de colis et leur poids, et il
les a apportés aux locaux de CN. Un employé de
la compagnie a tamponné les documents, y a indi-
qué les frais de transport des marchandises et les a
signés au nom du surveillant du terminal de CN,
David Mercer. Le nom du navire qui effectuerait
le transport n'a pas été précisé bien qu'un espace
fût réservé à cette fin sur le connaissement.
Le même jour, soit le 29 octobre 1980, CN a
préparé les feuilles de route de chaque conteneur
en y indiquant les frais de transport et en précisant
que chaque conteneur contenait 1 413 caisses de
bière et que lesdits conteneurs seraient expédiés
sur le Sir Robert Bond qui devait appareiller ce
même jour.
En fait, la cargaison n'a pas été chargée sur ce
navire mais plutôt sur le navire défendeur le 15
novembre 1980.
On n'a pas indiqué à Walsh sur quel navire les
marchandises seraient chargées et celui-ci ne l'a
pas demandé. Le capitaine William Embleton, qui
est chef des opérations du service de cabotage de
CN, a déclaré que CN n'avait pas pour habitude
de donner aux chargeurs le nom du navire sur
lequel la cargaison est chargée à moins qu'on ne
lui présente une demande spécifique à cet effet. Il
a aussi affirmé que CN n'a pas informé la deman-
deresse, tout comme elle n'informe pas en général
les autres chargeurs, que ses marchandises seraient
transportées par un navire affrété plutôt que par
un navire dont elle était propriétaire.
Le Newfoundland Coast a été affrété pour le
transport de marchandises seulement. Il a été
construit en 1934 mais, même s'il paraissait son
âge, il était sans aucun doute en bon état. Il
mesurait 230 pieds de long et environ 35 pieds de
large et jaugeait 888 tonnes anglaises. Comme il
s'agissait d'un affrètement à temps, le propriétaire
a fourni l'équipage. CN a fourni les services d'un
commissaire pour s'occuper des papiers relatifs
aux marchandises.
La saison de navigation au Labrador tirant à sa
fin, il y avait une grande quantité de marchandises
à transporter. Le navire défendeur transportait non
seulement des marchandises dans ses cales mais il
transportait aussi sur ses ponts des conteneurs
ordinaires de 20 pieds, même s'il n'était pas spécia-
lement adapté pour leur transport. Les conteneurs
dans lesquels se trouvaient les marchandises de la
demanderesse ont été transportés en pontée.
Bien que le capitaine ait le dernier mot quant à
l'emplacement de la cargaison sur son navire et
quant à la quantité de marchandises qui sera
chargée, en pratique le capitaine Sirois travaillait
en collaboration avec le personnel de CN pour
déterminer la disposition et la quantité de mar-
chandises chargées à bord de son navire. CN
indiquait, par exemple, quels conteneurs elle sou-
haitait voir arrimés sous le pont. Elle déterminait
la quantité de marchandises qui seraient chargées
à bord du navire et Sirois surveillait le chargement
effectué par des acconiers engagés par CN. Sirois
et CN ont décidé que les conteneurs de 20 pieds
devaient être arrimés par le travers, ou transversa-
lement, plutôt que longitudinalement ou de l'avant
à l'arrière. En fait, étant donné que CN était
déterminé, vers la fin de la saison de la navigation,
à utiliser chaque pouce de l'espace disponible sur
le navire défendeur, le capitaine n'avait d'autre
choix que d'arrimer les conteneurs de cette
manière.
Le capitaine Embleton, qui s'est révélé un
témoin bien informé, a admis qu'il était reconnu
dans l'industrie qu'il était préférable d'arrimer les
conteneurs de l'avant à l'arrière, mais qu'ils ont été
arrimés en travers afin de transporter plus de
marchandises. Il a dit:
[TRADUCTION] Personne ne doute que la meilleure façon
d'arrimer un conteneur soit de le faire de l'avant à l'arrière.
Cela ne fait aucun doute.
et il a ajouté:
[TRADUCTION] J'admets que c'est la manière idéale, mais
vous devez comprendre qu'il vous faut prendre les mesures
nécessaires pour transporter toutes les marchandises qui vous
sont confiées et que vous devez utiliser chaque pouce de l'espace
disponible sur le navire.
L'arrimage transversal qui est, de l'aveu général,
plus dangereux que l'arrimage de l'avant à l'ar-
rière a créé un risque supplémentaire dans le cas
des conteneurs transportés sur le navire défendeur.
Ces conteneurs ont été arrimés à la fois à bâbord
et à tribord, bout à bout; mesurant chacun 20
pieds de long, ils couvraient un espace de 40 pieds
de long sur la largeur du navire. Les bouts de
chaque conteneur ainsi arrimé dépassaient par
conséquent d'environ deux pieds le côté du navire.
Le capitaine Embleton a admis qu'une telle
manière d'arrimer les conteneurs ajoutait aux ris-
ques que présente l'arrimage transversal, mais il a
expliqué pourquoi de tels risques avaient été pris:
[TRADUCTION] Je reconnais que les marchandises ainsi arri-
mées sont plus exposées aux éléments. Mais, comme je l'ai déjà
dit, nous devions utiliser chaque pouce disponible afin d'appor-
ter les marchandises aux gens du Labrador et c'est pour cette
raison que nous les avons arrimées de cette manière. Le navire
avait déjà effectué des voyages dans les mêmes circonstances
sans que cela pose quelque problème que ce soit et il n'y avait
aucune raison de croire que cela serait différent. [C'est moi qui
souligne.]
Le capitaine Embleton a également décrit les
«accessoires adéquats» pour fixer les conteneurs
comme de loin supérieurs aux câbles d'acier utili-
sés sur le navire défendeur. Il a ajouté qu'à son
avis, l'emploi de câbles constituait quand même un
moyen efficace d'attacher les conteneurs. Il est
important de noter que les accessoires adéquats
étaient disponibles en 1980, que suivant les condi
tions de la charte-partie, CN devait fournir les
saisines de la cargaison, qu'elle a fourni des câbles
d'acier, et que les saisines fournies par CN se sont
rompues.
Il faut aussi remarquer que c'est Carling qui a
fait charger ou remplir les conteneurs qu'elle a
livrés scellés à CN; celle-ci les a ensuite fait arri-
mer sur le navire défendeur sans vérifier si les
conteneurs avaient été remplis de la manière adé-
quate et si les caisses qui s'y trouvaient étaient
fixées solidement pour empêcher qu'elles ne bou-
gent à l'intérieur des conteneurs mêmes. Étant
donné les mouvements violents qui pouvaient
secouer le navire pendant les tempêtes ordinaires
de novembre au cours de la traversée de St. John's
à Goose Bay, des marchandises mal attachées dans
un conteneur, en particulier dans un conteneur
chargé en travers, mettraient en danger non seule-
ment la cargaison elle-même et le conteneur, mais
aussi le navire.
Douze conteneurs ont été chargés sur le pont du
navire. Les trois conteneurs renfermant la cargai-
son de la demanderesse ont été installés à tribord,
leur extrémité intérieure se trouvant au milieu du
dessus de l'écoutille arrière. Leur extrémité exté-
rieure reposait sur le bastingage et dépassait d'en-
viron deux pieds le côté du navire, à une hauteur
d'environ douze pieds au-dessus de la ligne de
flottaison moyenne. Trois autres conteneurs ont été
installés de la même manière sur le dessus de la
même écoutille, mais à bâbord.
Les conteneurs ont été chargés à bord du navire
par des acconiers engagés par CN. Même si le
contrat prévoyait qu'il appartenait à l'entreprise de
manutention de fixer solidement la cargaison, la
pratique suivie dans le port de St. John's faisait en
sorte que l'équipage du navire se chargeait de cette
tâche sous la direction du capitaine. C'est l'équi-
page du Newfoundland Coast qui a fixé les conte-
neurs à l'aide des saisines d'acier fournies par CN.
De nombreux éléments de preuve indiquent la
manière précise suivant laquelle l'équipage a fixé
les conteneurs. Il suffit de souligner que le capi-
taine était satisfait de la méthode utilisée, laquelle
s'était révélée efficace pendant toute la saison.
Le navire a quitté St. John's à 3 h en route vers
Goose Bay. On prévoyait alors des vents du nord-
ouest de 20 30 noeuds, quelques averses, des
rafales et des bancs de brouillard pour la région
maritime que devait traverser le navire. Le capi-
taine affirme qu'à 10 h, les stations de radio de la
Garde côtière ont lancé des avis de coup de vent,
que les vents avaient atteint jusqu'à 50 km à
l'heure et que le baromètre chutait rapidement. En
fait, les avis de coup de vent n'ont pas été lancés
pour cette région mais plutôt pour la côte ouest de
Terre-Neuve. De toute manière, le capitaine Sirois
a décidé, vu les circonstances, de changer de cap et
de chercher refuge à East Port. Son navire se
trouvait à environ un mille et demi du cap Bona-
vista lorsque les conteneurs ont passé par-dessus
bord. Voici comment le capitaine a décrit cette
perte dans le rapport de mer qu'il a fait sous
serment en date du 23 novembre 1980:
[TRADUCTION] A 11 h 15, environ un mille et demi au
nord du cap Bonavista, le navire s'est trouvé en présence de
grosses lames de fond et de contre-courants. La mer déchaînée
a frappé par en-dessous les conteneurs de bâbord et a provoqué
la rupture des saisines. Le roulis du navire a fait passer
par-dessus bord trois conteneurs qui sont partis à la dérive.
La mention du côté bâbord est inexacte. Les
trois conteneurs perdus renfermaient les marchan-
dises de la demanderesse et avaient été arrimés à
tribord.
Pendant un certain temps avant la perte des
conteneurs, les vents et les vagues ont frappé direc-
tement le navire à tribord et, en raison du roulis
qui en a résulté, les vagues ont atteint le bord du
bastingage et frappé par-dessous la partie saillante
des conteneurs renfermant la cargaison de la
demanderesse. Le capitaine affirme qu'au moment
de la perte, les vagues atteignaient de 15 à 18 pieds
et déferlaient; les eaux étaient troubles en raison
de la présence de contre-courants et de bas-fonds
dans la région du cap Bonavista.
Ces conditions n'étaient pas inhabituelles pour
le capitaine Sirois ni pour cette région à cette
époque de l'année. En fait, au cours de cette
traversée, il a fallu mettre le navire à l'abri en trois
occasions par suite des conditions atmosphériques.
Les conditions existant au moment de la perte
étaient exactement celles auxquelles il fallait s'at-
tendre. Le capitaine Sirois a déclaré que les condi
tions étaient mauvaises, mais qu'à son avis il avait
déjà eu à faire face à des conditions semblables à
dix autres occasions.
Le capitaine a attribué la perte à la mer hou-
leuse frappant le dessous des conteneurs et les
soulevant, et au fait qu'il était possible selon lui
que le câble d'acier ait été coupé par une arête
tranchante de l'un des conteneurs.
Compte tenu de la vitesse des vents et de celle
des vagues produites par ceux-ci ainsi que du
roulis du navire et étant donné que les conteneurs
dépassaient de chaque côté de celui-ci, je n'ai
aucune hésitation à conclure que la perte est due
au fait que les conteneurs avaient été arrimés de
manière à ce que leurs extrémités dépassent les
côtés du navire. Arrimés ainsi, ils constituaient une
trappe sur laquelle les vagues, même si elles
étaient de hauteur moyenne, heurtaient violem-
ment les côtés du navire et exerçaient une force
ascendante énorme sur le fond des conteneurs. Le
fait qu'à tout moment la force des vagues pouvait
augmenter considérablement par suite de leur
déferlement et du roulis descendant du navire ren-
force ma conclusion que la perte était directement
attribuable à l'arrimage inadéquat des conteneurs.
CN cherche à dégager sa responsabilité en invo-
quant qu'elle n'était pas le transporteur mais seu-
lement le mandataire de celui-ci, et elle invoque la
protection qui lui est offerte par la clause 18 du
connaissement, soit la clause d'affrètement coque
nue dont voici le texte:
[TRADUCTION] 18. Si le navire n'appartient pas au transpor-
teur maritime par lequel les marchandises doivent être trans-
portées en vertu des présentes (comme ce peut être le cas
malgré toute disposition contraire) ou ne lui est pas affrété
coque nue, le présent connaissement constitue un contrat ne
liant que le propriétaire ou l'affréteur coque nue, selon le cas, à
titre de mandant, ce contrat étant conclu par l'intermédiaire de
la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada ou
dudit transporteur maritime qui, dans l'un ou l'autre cas, n'agit
qu'à titre de mandataire et dont la responsabilité personnelle ne
peut en aucun cas être engagée.
L'avocat de CN invoque les décisions rendues au
Canada dans Atlantic Traders Ltd. v. Saguenay
Shipping Ltd. (1980), 38 N.S.R. (2d) 1
(C.S.N.-E., 1`e inst.); Paterson SS. Ltd. v. Alumi
num Co. of Can., [1951] R.C.S. 852 et Maritime
Insurance Co. Ltd. (The) c. Le Gretafield, [1973]
C.F. 281 (lie inst.), affaires dans lesquelles les
tribunaux ont appliqué telle quelle la clause d'af-
frètement coque nue.
L'avocate de la demanderesse a cité ces déci-
sions ainsi que plusieurs autres et elle m'a prié de
conclure que CN était le transporteur et n'avait
donc pas le droit, suivant la règle 8 de l'article III
des Règles de La Haye annexées à la Loi sur le
transport des marchandises par eau, S.R.C. 1970,
chap. C-15, de limiter ainsi sa responsabilité.
J'ai examiné toutes les décisions citées par l'avo-
cate et je suis convaincu que le juge Stone a exposé
clairement l'état actuel du droit dans la décision
qu'il a rendue le 18 juin 1984 dans l'affaire Canfi-
corp (Overseas Projects) Ltd. c. Cormorant Bulk -
Carriers Inc., C.A.F., no du greffe A-883-82. Il a
invoqué les arrêts Paterson SS. Ltd. v. Aluminum
Co. of Can. (précité) et Anis Steamship Co. Inc. c.
Associated Metals & Minerals Corporation,
[1980] 2 R.C.S. 322, où la Cour suprême a statué
que le contrat de transport avait été conclu entre
l'expéditeur et les propriétaires du navire qui, à
titre de transporteurs, étaient responsables des
dommages causés à la cargaison.
Le juge Stone a ensuite décrit l'effet de ces
arrêts aux pages 20 et 21:
Lorsque la preuve démontre clairement qu'un contrat de
transport est intervenu avec les propriétaires du navire, la
responsabilité en tant que «transporteur» pour les pertes ou les
dommages subis par la cargaison incombe aux propriétaires du
navire. C'est, à mon avis, l'effet des deux arrêts invoqués par
l'appelante. Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, l'ensemble
de la preuve a établi à la satisfaction du juge de première
instance qu'une autre personne, l'intimée, «s'est engagée à
transporter les marchandises», cette personne est le «transpor-
teur» en vertu du contrat de transport. Il en est ainsi, selon moi,
même s'il peut exister des éléments de preuve indiquant le
contraire, comme par exemple le libellé de la clause de rempla-
cement dans le bordereau de fret ou celui de la clause 17 du
connaissement. Le juge de première instance a conclu en se
fondant sur l'ensemble de la preuve que l'intimée était devenue
le «transporteur» des marchandises. Je crois que la preuve
supporte amplement cette conclusion. Il n'y a pas lieu de se
prononcer en l'espèce sur la question de savoir si, en vertu du
principe dégagé dans les arrêts mentionnés plus haut, on pour-
rait également considérer les propriétaires du navire comme un
«transporteur».
Je conclus que CN s'est engagée à transporter la
cargaison de la demanderesse et qu'il est un «trans-
porteur» en vertu du contrat de transport. J'arrive
à cette conclusion en me fondant sur les faits
suivants:
1. La demanderesse a traité exclusivement avec
CN qui lui a fourni des conteneurs pour qu'elle
y charge ses marchandises; elle a livré les conte-
neurs aux locaux de CN qui lui a fourni ses
propres connaissements. La demanderesse ne
connaissait ni le propriétaire du navire ni son
capitaine et elle ignorait quel navire serait uti-
lisé; CN ne l'a pas non plus informée que la
cargaison serait expédiée sur un navire affrété à
temps. Le seul indice que la demanderesse pos-
sédait sur le navire sur lequel ses marchandises
avaient été transportées figurait sur la copie de
la feuille de route où il était mentionné qu'elles
avaient été chargées sur le Sir Robert Bond dont
CN était propriétaire.
2. Suivant les termes de la charte-partie à temps
conclue par les propriétaires du navire et CN le
23 mai 1980, [TRADUCTION] «Le capitaine ou le
commissaire doit signer les connaissements»
(c'est moi qui souligne). Le capitaine Sirois n'a
pas signé le connaissement. Il a déclaré que cela
ne le regardait pas. Le commissaire n'a pas non
plus signé le connaissement même si CN l'avait
nommé pour qu'il agisse, en vertu de la charte-
partie, comme mandataire du capitaine pour ce
qui est de la signature de tous les documents
d'expédition.
3. Au contraire, c'est le surveillant du terminal de
CN qui a signé le connaissement ou, si on veut
être plus précis, sa secrétaire agissant en son
nom.
4. Le connaissement était un connaissement de
CN, signé et rempli exactement comme si la
cargaison devait être chargée sur un navire
appartenant à CN. Il n'est indiqué nulle part sur
le connaissement que l'employé a signé celui-ci
au nom du capitaine ou des propriétaires du
navire; il est seulement dit qu'il l'a signé au nom
de CN. Le texte suivant est imprimé sous l'es-
pace réservé à la signature:
Mandataire des transporteurs, solidairement mais non
conjointement.
Et le texte qui suit est imprimé juste au-dessus
du même espace:
EN FOI DE QUOI, le mandataire a signé le présent connais-
sement au nom de la Compagnie des chemins de fer natio-
naux du Canada et de ses sociétés de navigation et de voie
ferrée qui s'y rattachent, solidairement mais non conjointe-
ment.
Il me semble que si un chargeur interprétait
correctement cette partie du connaissement, il
serait amené à conclure que CN se présentait
comme le transporteur et que le contrat de
transport devait lier le chargeur et CN. En
outre, la clause 2 de la partie A des conditions
du connaissement relatives au transport par eau
prévoit expressément que le terme «transpor-
teur» qui figure dans le connaissement désigne
également l'affréteur à temps.
L'avocat de CN a affirmé que cette disposition
avait été insérée dans le connaissement en raison
de la législation américaine. Il est possible que
ce soit le cas, mais cela constitue néanmoins à
mon avis un autre élément de preuve que même
si CN était un affréteur à temps, elle se présen-
tait comme le transporteur, et que le contrat de
transport devait, dans un tel cas, lier le chargeur
et CN.
5. CN cherche à se faire passer pour un simple
mandataire dont le rôle consistait à trouver de
l'espace sur un navire pour la cargaison de la
demanderesse. Si tel était le cas, CN aurait
probablement droit à la commission d'un man-
dataire. En fait, CN a facturé les frais de trans
port des marchandises à la demanderesse et les a
perçus en son propre nom et non pour le compte
du navire ou de ses propriétaires.
6. CN a en partie agi comme un transporteur lors
du chargement et de l'arrimage de la cargaison.
Il a fourni les saisines des conteneurs. Il a
déterminé la quantité de marchandises qui
seraient chargées à bord du navire. Le capitaine
s'est contenté d'acquiescer. C'est CN qui a
décidé d'utiliser chaque pouce d'espace disponi-
ble sur le navire, y compris sur le pont. C'est
encore CN qui a déterminé le nombre de conte-
neurs chargés à bord du navire. Par suite de
cette décision, les conteneurs ont dû inévitable-
ment être arrimés en travers, leurs extrémités
dépassant de chaque côté du navire. C'est égale-
ment CN qui a décidé que les conteneurs ainsi
arrimés seraient attachés avec des câbles d'acier
plutôt qu'avec les «accessoires adéquats».
Il est vrai que CN était pressé de livrer la
cargaison avant la fin de la saison de navigation
au Labrador, mais il est également vrai qu'elle
avait un intérêt financier à ce que des marchan-
dises supplémentaires soient transportées parce
que c'était elle et non les propriétaires qui était
payée pour le transport de celles-ci. CN savait
qu'il accroissait les risques en arrimant les mar-
chandises de la seule manière possible s'il vou-
lait utiliser chaque pouce d'espace disponible sur
le navire, mais il a choisi de prendre ce risque.
Tout indique, selon moi, qu'il existait un contrat
de transport entre la demanderesse et CN sous
réserve de la clause 18 du connaissement.
Étant donné que CN a conclu un contrat de
transport avec la demanderesse au sens des Règles,
CN est réputée être un transporteur et est donc
assujettie aux responsabilités et aux limitations
énoncées dans lesdites Règles.
La règle 2 de l'article III prévoit que, sous
réserve des dispositions de l'article IV,
Article III
2. Le transporteur ... procédera de façon appropriée et
soigneuse au chargement, à la manutention, à l'arrimage, au
transport, à la garde, aux soins et au déchargement des mar-
chandises transportées.
L'article IV énonce une série d'exceptions en vertu
desquelles ni le transporteur ni le navire ne seront
responsables des pertes ou dommages. La perte en
l'espèce ne fait toutefois pas partie de l'une des
exceptions prévues à l'article IV, étant plutôt due
au fait que les marchandises étaient mal arrimées
et attachées.
On invoque la clause d'affrétement coque nue,
soit la clause 18 du connaissement, afin d'exonérer
CN de toute responsabilité pour la perte résultant
de l'inexécution par celle-ci de son obligation à
titre de transporteur d'arrimer correctement la
cargaison de la demanderesse. La règle 8 de l'arti-
cle III interdit toutefois des clauses limitatives de
ce genre et prévoit qu'elles sont nulles et
inopérantes.
Par conséquent, j'estime que, dans les circons-
tances de l'espèce, la clause 18 du connaissement
n'exonère pas CN de sa responsabilité pour les
dommages subis par la demanderesse, étant donné
que la clause d'affrètement coque nue, qui vise un
tel but, est nulle.
CN n'est toutefois pas le seul transporteur en
cause. J'estime que le véritable transporteur,
c'est-à-dire le navire et ses propriétaires, sont aussi
des transporteurs au sens des Règles et partagent
avec CN les mêmes obligations imposées à un
transporteur par les dispositions de la règle 2 de
l'article III.
CN allègue que même si elle devait être tenue
responsable de la perte subie par la demanderesse,
les dommages-intérêts devraient se limiter à cinq
cents dollars (500 $) par conteneur en raison de la
règle 5 de l'article IV qui prévoit notamment:
Article IV
5. Le transporteur comme le navire ne seront tenus en aucun
cas des pertes ou dommages causés aux marchandises ou les
concernant, pour une somme dépassant cinq cents dollars par
colis ou unité, ou l'équivalent de cette somme en une autre
monnaie, à moins que la nature et la valeur de ces marchandi-
ses n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embarque-
ment et que cette déclaration ait été insérée au connaissement.
CN soutient que chaque conteneur constitue une
unité et que le montant total des dommages-inté-
rêts ne doit donc pas dépasser mille cinq cents
dollars (1 500 $).
L'avocate de la demanderesse allègue par contre
que chaque caisse de bière est un colis et que le
montant des dommages-intérêts devrait être fixé
selon la valeur réelle des marchandises perdues,
c'est-à-dire environ sept dollars et cinquante cents
(7,50 $) par caisse ou colis.
Les avocats ont cité un bon nombre de décisions
à l'appui de leur position respective. Dans l'affaire
International Factory Sales Service Ltd. c. Le
Alexandr Serafimovich, [1976] 1 C.F. 35 (1 re
inst.), le juge Smith a procédé à l'examen de la
jurisprudence et a conclu à la page 49:
D'après toutes les affaires précitées, il est clair que la ques
tion de savoir si un gros conteneur, une palette ou un paquet
plus petit placé dans ou sur un conteneur ou une palette, est un
«colis» au sens de la Règle 5 de l'article IV, dépendra des faits
et des circonstances de chaque affaire. Elle dépendra plus
particulièrement, de l'intention des parties telle qu'elle ressort
des documents de transport, des déclarations des parties et des
négociations.
En l'espèce, le connaissement et les feuilles de
route de chaque conteneur constituent les docu
ments de transport. Un total de quatre mille deux
cent quarante (4 240) colis est indiqué expressé-
ment dans la colonne du connaissement réservée
au nombre de colis.
Les feuilles de route de chaque conteneur men-
tionnent le numéro du conteneur qui est suivi sur
chaque feuille de route de cette autre mention:
[TRADUCTION]
Contenant 1 413 c. de bière
ou
Cont. 1 413 c. de bière.
Suivant la règle 3b) de l'article III des Règles, si
le transporteur délivre un connaissement, il doit y
indiquer soit le nombre de colis ou de pièces ou la
quantité ou le poids, suivant le cas, tels qu'ils sont
fournis par l'expéditeur.
En l'espèce, le connaissement et la lettre de
voiture indiquaient le nombre de caisses de bière
ou de colis acceptés par CN. Outre cet élément de
preuve, on a expliqué à la Cour comment les
parties traitaient entre elles. La demanderesse
avait déjà confié plusieurs chargements de ce
genre à CN. Il est bien connu que la bière est
expédiée par caisse. Il ne fait aucun doute pour
moi que CN savait très bien, même si les conte-
neurs étaient scellés lorsqu'ils lui ont été livrés,
qu'elle avait reçu environ 4 000 caisses de bière à
transporter à Goose Bay.
J'estime non, fondé l'argument de CN suivant
lequel c'est le nombre de conteneurs et non le
nombre de colis indiqué sur le connaissement et
sur sa lettre de voiture interne qui devrait permet-
tre de fixer et de limiter la responsabilité de CN à
1 500 $. Par conséquent, j'accorde à la demande-
resse la somme de trente et un mille trois cent
quatre-vingt quatorze dollars et quatre-vingts
cents (31 394,80 $) réclamée aux défendeurs,
c'est-à-dire CN, le navire et son propriétaire,
somme que les avocats de la demanderesse et de
CN ont considéré d'un commun accord comme
étant le montant exact des dommages-intérêts.
La demanderesse réclame un intérêt antérieur
au jugement sur sa réclamation à compter du 29
octobre 1980 ainsi qu'un intérêt postérieur au
jugement au taux préférentiel moyen. L'avocat de
CN soutient qu'étant donné le long délai écoulé
avant que l'action ne soit engagée, aucun intérêt
antérieur au jugement ne devrait être accordé ou,
si un tel intérêt devait être accordé, il ne devrait
l'être que pour une période limitée et à un taux
nominal de 5 ou 6 pour cent.
J'admets, comme l'a prétendu CN, qu'un délai
s'est écoulé avant que l'action soit intentée, mais je
n'ai pas l'intention de déterminer dans quelle
mesure l'une ou l'autre partie est responsable de ce
retard. Si l'avocate de la demanderesse était réso-
lue à obtenir un procès rapidement, j'estime qu'elle
devait intenter l'action dans un délai de deux ans.
Par conséquent, la demanderesse aura droit à un
intérêt antérieur au jugement au taux de dix (10)
pour cent pour une période de deux ans et à un
intérêt postérieur au jugement au taux préférentiel
commercial existant à compter de la date du juge-
ment jusqu'à l'exécution de celui-ci.
La demanderesse est autorisée à demander, con-
formément à l'alinéa 2b) de la Règle 337 des
Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663],
que jugement soit prononcé contre les défendeurs,
c'est-à-dire CN, le navire et son propriétaire, pour
un montant de dommages-intérêts s'élevant à
trente et un mille trois cent quatre-vingt-quatorze
dollars et quatre-vingts cents (31 394,80 $), avec
intérêts et dépens.
Comme je l'ai déjà dit, l'avocate de la demande-
resse a indiqué que sa cliente était peu intéressée à
poursuivre l'action contre le défendeur Roger
Sirois qui a comparu en son propre nom à l'ins-
truction. Autant que je m'en souvienne, l'avocate
n'a ni allégué ni prétendu que le jugement devrait
être rendu contre le capitaine personnellement et
ce dernier, qui connaissait aussi peu le droit qu'il
connaissait la mer, n'était aucunement en position
de faire valoir des arguments pour son propre
compte.
Compte tenu des circonstances, je ne me pro-
noncerai pas sur la responsabilité, s'il en est, du
capitaine; j'autoriserai plutôt toute partie, y com-
pris le capitaine, à présenter des arguments à cet
égard dans un délai de trente (30) jours à compter
de l'inscription officielle du jugement. Si aucun
argument n'est présenté pendant cette période, la
réclamation contre le capitaine sera rejetée.
* * *
MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES DU JUGEMENT
Dans les motifs du jugement déposés en l'espèce
le 17 novembre 1986, je n'ai rendu aucune décision
concernant la responsabilité du capitaine du navire
Newfoundland Coast, le défendeur Roger Sirois.
J'ai toutefois précisé que toute partie à l'action
pourrait faire valoir des arguments dans un délai
de trente (30) jours suivant l'inscription d'un juge-
ment formel.
On a fait valoir des arguments dans le délai
imparti et prorogé en faveur de l'avocat du capi-
taine. Le dernier argument, présenté pour le
compte de celui-ci, a été déposé à la Cour le 10
avril 1987.
En qualité de maître à bord du navire, le capi-
taine Sirois était celui qui, en définitive, devait
déterminer le mode de transport et d'arrimage de
la cargaison. Même si CN Marine Inc. a insisté
auprès du capitaine pour qu'il procède à l'arrimage
des conteneurs d'une manière telle que lui-même
et CN savaient, ou auraient dû savoir, qu'elle
exposerait inutilement les conteneurs aux périls de
la mer que tous deux pouvaient normalement pré-
voir à cette période de l'année, le capitaine a choisi
de se plier aux exigences du CN qui avait décidé
d'utiliser chaque pouce d'espace disponible sur le
navire.
Le capitaine doit donc accepter, conjointement
avec CN, la responsabilité découlant du mauvais
arrimage des conteneurs. Il avait le pouvoir de
refuser de transporter les conteneurs de la manière
prescrite par CN et qui les exposait inutilement
aux périls de la mer. Il avait également l'obligation
d'exercer ce pouvoir, ce qu'il n'a pas fait et qui â
eu pour conséquence que les conteneurs ont été
mal arrimés et projetés hors du navire sous l'effet
de fortes vagues.
En conséquence, outre les parties à l'encontre
desquelles la demanderesse a été autorisée à ins-
crire un jugement, celle-ci est également autorisée
à inscrire un jugement en dommages-intérêts
contre le défendeur Roger Sirois pour la somme de
trente et un mille trois cent quatre-vingt-quatorze
dollars et quatre-vingts cents (31 394,80 $), les
intérêts et les dépens étant accordés conformément
à l'alinéa 2b) de la Règle 337 des Règles de la
Cour fédérale.
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