T-2326-83
Twentieth Century Fox Film Corporation
(demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Addy —Van-
couver, 6 février; Ottawa, ler octobre 1985.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Non-résidents
— Appel de nouvelles cotisations — La demanderesse, une
société non résidante, produit aux É.-U.A. des films qui
étaient distribués au Canada par une filiale — La filiale
retenait et versait l'impôt prévu à la Partie XIII — La
demanderesse a établi une succursale canadienne pour élimi-
ner la retenue d'impôt — Il ressort de la preuve que l'orga-
nisme canadien n'est pas simplement une présence symbolique,
mais il exploite une véritable entreprise active — L'art. 802 du
Règlement, qui exempte les sommes comprises en vertu de la
Partie I de la retenue d'impôt, s'applique à l'exclusion de l'art.
805, qui exempte de la retenue d'impôt les montants qui
peuvent raisonnablement être attribués à l'entreprise exploitée
au Canada — La location de films constitue une partie
essentielle de l'entreprise de la demanderesse, et les revenus
peuvent raisonnablement être attribués à l'entreprise exploitée
au Canada — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72,
chap. 63, art. 2(3)b), 115(1)a)(it), 212(5) (mod. par S.C.
1973-74, chap. 14, art. 68), 214(13), 215(1) — Règlement de
l'impôt sur le revenu, C.R.C., chap. 945, art. 802 (mod. par
DORS/79-424, art. 1), 805(1) — Loi de 1943 sur la Conven
tion relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis
d'Amérique, S.C. 1943-44, chap. 21 (mod. par S.C. 1950,
chap. 27), Art. IL III.
Appel est interjeté des nouvelles cotisations établies pour les
années d'imposition 1978, 1979 et 1980. La demanderesse, une
société américaine, produit des films qui, jusqu'au 31 décembre
1972, étaient distribués au Canada par une filiale. La filiale
versait des redevances pour la location des films de la demande-
resse au Canada, déduisant la retenue d'impôt de la Partie XIII
de ces paiements. La demanderesse a par la suite établi une
succursale au Canada pour éliminer l'impôt de la Partie XIII.
Les contrats conclus pour la projection des films de la deman-
deresse au Canada ont toujours été négociés par un personnel
canadien, bien que le siège social américain se soit réservé le
droit de signer et d'approuver ces contrats. C'est aux États-
Unis que les annonces, les budgets et les programmes ont été
faits. Pour calculer les bénéfices nets de la succursale, on a
utilisé la même formule que les années antérieures. Antérieure-
ment à 1973, la filiale a déduit de ses recettes brutes de location
le coût des marchandises vendues, qui comprenait le montant
qu'on lui faisait payer pour son utilisation au Canada des films
de la demanderesse. Par la suite, la demanderesse a déduit «le
coût des marchandises vendues», qui comprenait le coût de la
publicité directe, les coûts amortis des copies et les frais relatifs
aux droits sur le négatif, des redevances pour la location de
films reçues de la succursale (inscrites comme «marchandise
vendue»). Le coût pour les frais relatifs aux droits sur le négatif
a été calculé en tenant compte d'un pourcentage des recettes
brutes de location, et il ne s'agissait pas d'une allocation directe
du coût total de production du négatif. Il a été décidé qu'un
bénéfice net de 1,7 % du revenu brut serait le montant appro-
prié du bénéfice net à attribuer aux opérations de la succursale
canadienne, parce que ce pourcentage correspondait à peu près
au bénéfice net moyen tiré par la filiale de la distribution des
films de la demanderesse au Canada. Pour arriver à un bénéfice
net égal au taux prédéterminé de 1,7 %, la demanderesse a, à la
fin de chaque année, ajusté les frais relatifs aux droits sur le
négatif. Revenu Canada a déterminé l'impôt à payer, en vertu
de la Partie XIII, sur les sommes exigées de la succursale à
titre de «coût des marchandises vendues». La demanderesse
soutient qu'on ne devrait pas l'assujettir à l'impôt de la Partie
XIII.
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
Une personne qui exploite une entreprise au Canada est
tenue de payer de l'impôt sur son revenu imposable. Le sous-
alinéa 115(1)a)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit
que le revenu imposable gagné au Canada par un non-résident
est la fraction de son revenu s'il n'avait pas de revenu autre que
les revenus tirés d'entreprises exploitées par lui au Canada.
Toutefois, le revenu tiré par la demanderesse des redevances
pour la location de films ferait qu'elle est assujettie à une
retenue d'impôt sous le régime de la Partie XIII. En vertu du
paragraphe 212(5), toute personne non résidante doit payer un
impôt au taux fixe sur toute somme qu'une personne résidant
au Canada lui verse au titre d'un droit d'utilisation au Canada
sur un film. Ainsi donc, le même revenu serait assujetti à
l'impôt de la Partie I sur les bénéfices nets, et à l'impôt de la
Partie XIII sur le montant brut du revenu. Pour alléger cette
double imposition, l'article 802 du Règlement prévoit qu'aucun
impôt de la Partie XIII ne doit être payé sur les sommes
comprises en vertu de la Partie I. Le paragraphe 805(1)
exempte de la retenue d'impôt les sommes qui peuvent raison-
nablement être attribuées à l'entreprise exploitée au Canada.
La demanderesse assume les coûts de production dans le
dessein explicite de louer des copies de films. Ses activités
concernant la distribution de films, la publicité et les relations
publiques équivalent aux ventes et à la promotion des ventes
d'un fabricant qui produit des marchandises destinées à la
vente. La distribution génère des revenus et des bénéfices. Les
activités productives de revenu de la succursale canadienne
étaient essentiellement identiques à celles des divisions améri-
caines. L'organisme canadien n'était nullement une simple
présence symbolique visant en fait à éluder l'impôt de la Partie
XIII, mais il jouait un rôle commercial actif et authentique.
Bien que la production des films n'est ni faite ni contrôlée par
son organisme canadien, et que la plupart des négatifs concer-
nant la publicité d'envergure soient produits aux États-Unis, les
revenus découlant de la publicité, des relations publiques, du
tirage des copies des films, de la distribution et des négociations
de contrats engagées par la succursale canadienne doivent être
raisonnablement attribuables à l'entreprise exploitée par la
demanderesse au Canada.
Le succès commercial d'un film dépend souvent de l'intérêt
qu'il suscite chez le public, plutôt que du talent pour la vente du
personnel s'occupant de négocier les contrats de distribution et
de distribuer les copies. De plus, puisqu'aucun des coûts de
production n'est engagé au Canada, et que, par conséquent,
aucun des bénéfices directement attribuables à la qualité de la
production ne prend naissance ici, il faut s'assurer que le
montant final indiquant les bénéfices nets réalisés au Canada
comporte une juste part des frais relatifs aux droits sur le
négatif engagés aux Etats-Unis au profit de l'organisme tout
entier. On peut déduire une juste part de ces frais, outre les
frais d'exploitation, des revenus gagnés au Canada pour arriver
au véritable bénéfice net provenant des opérations commercia-
les canadiennes. Cela ne signifie pas que les revenus eux-mêmes
ne doivent pas être considérés comme étant raisonnablement
attribuables à une entreprise active exploitée par la demande-
resse au Canada, ni qu'une proportion des revenus doit être
exclue.
La principale difficulté découle du fait que, du point de vue
comptable, la façon de calculer les bénéfices nets ne correspond
pas aux pratiques comptables habituelles. Le calcul des frais
relatifs aux droits sur le négatif consiste à jongler avec les
chiffres pour arriver à un résultat déterminé à l'avance. Toute-
fois, l'application d'un taux fixé à l'avance de 1,7 % aux
redevances brutes canadiennes constitue un calcul juste et
raisonnablement exact des bénéfices nets.
Ce sont plutôt les activités productives de revenu de la
demanderesse au Canada qui sont en litige et non ses dépenses.
La défenderesse a abordé le problème comme si le siège social
américain faisait payer une commission ou un loyer à sa
succursale canadienne sur le montant des ventes canadiennes.
Les rapports entre la succursale canadienne et la demanderesse
elle-même, ne sauraient, en raison de leur nature véritable,
donner lieu à une commission ni à un loyer: une entité juridique
ne saurait louer à elle-mime ni contracter avec elle-même. De
toute évidence, c'est la demanderesse qui, sur le plan juridique,
exploite une entreprise au Canada et non une entité distincte,
c'est-à-dire la succursale canadienne. Le fait que des mandatai-
res indépendants se soient vus attribuer et aient effectué une
grande partie du travail au Canada n'influe pas sur la situation.
La succursale canadienne exerçait un contrôle direct sur le
travail et la production des mandataires, et le travail lui-même
constitue des activités et opérations commerciales réelles de la
demanderesse.
La défenderesse s'est appuyée sur l'affaire United Geophysi
cal Co. of Canada v. Minister of National Revenue, 119611
R.C.E. 283. Cette affaire se distingue de l'espèce parce qu'il y
avait deux entités juridiques distinctes, et que la partie de
l'entreprise de la société mère qui nous intéresse dans cette
affaire était une «simple activité secondaire». De plus, depuis
l'affaire United Geophysical, des modifications ont été appor-
tées à la Loi. Les autres décisions citées par la défenderesse
portaient non pas sur le revenu mais sur les bénéfices nets et sur
la répartition entre deux juridictions non seulement du revenu
mais surtout des dépenses. Enfin, le pouvoir d'imposer se fonde
non pas sur la Convention relative à l'impôt entre le Canada et
les Etats-Unis, mais sur la Loi de l'impôt sur le revenu et le
Règlement. La convention vise à éviter une double imposition et
non à prévoir des dispositions additionnelles en matière d'impôt.
Ainsi donc, l'expression «établissement stable» figurant dans la
convention n'a d'importance que si on considère la convention
elle-même, et ne devrait pas servir à interpréter la Loi ou son
Règlement.
L'article 802 du Règlement s'applique à l'exclusion de l'arti-
cle 805, mais, en tout cas, la demanderesse a établi que la
location de films est une partie essentielle de son entreprise, et
que les revenus tirés de la location de films doivent nécessaire-
ment être considérés comme étant raisonnablement attribuables
à l'entreprise exploitée au Canada.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
United Geophysical Co. of Canada v. Minister of Na
tional Revenue, [1961] R.C.É. 283.
DÉCISIONS CITÉES:
Quemont Mining Corp. v. Minister of National Revenue,
[1967] 2 R.C.É. 169; (1966), 66 DTC 5376; Edingburgh
Life Assurance Company v. Lord Advocate, [1910] A.C.
143 (H.L.); International Harvester Company of
Canada, Ld. v. Provincial Tax Commission, [1949] A.C.
36 (P.C.); Commissioner of Taxation (N.S.W.) v. Hills -
don Watts Ltd. (1936-37), 57 C.L.R. 36 (Aust. H.C.);
Commissioners of Taxation v. Kirk, [1900] A.C. 588
(P.C.); Australian Machinery & Investment Co. Ltd. v.
Deputy Federal Commissioner of Taxation (Source of
Income) (1946), 8 A.T.D. 81 (Aust. H.C.); Mount
Morgan Gold Mining Co. Ltd. v. Commissioner of
Income Tax (Queensland) (1922-23), 33 C.L.R. 76
(Aust. H.C.); La succession Gladden, J.N. c. La Reine
(1985), 85 DTC 5188 (C.F. 1" inst.).
AVOCATS:
P. N. Thorsteinsson, c.r. et L. A. Green pour
la demanderesse.
J. R. Power, c.r. et Jane Meagher pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Thorsteinsson, Mitchell, Little, O'Keefe &
Davidson, Vancouver, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Voici la version française des motifs du juge-
ment rendus par
LE JUGE ADDY: La demanderesse interjette
appel de la nouvelle cotisation d'impôt sur le
revenu établie par la défenderesse pour les années
d'imposition 1978, 1979 et 1980.
En l'espèce, les faits ne sont guère contestés. La
décision finale dépendra surtout de l'interprétation
des dispositions législatives applicables et, dans
une certaine mesure, de la façon appropriée
d'aborder le problème du point de vue comptable.
La plupart des faits se trouvent dans un exposé
conjoint des faits très détaillé déposé à l'instruc-
tion. Voici les paragraphes les plus pertinents de
cet exposé conjoint:
[TRADUCTION] 1. La demanderesse est une société du Dela-
ware résidant à Los Angeles (Californie).
2. La demanderesse produit et distribue des films, des bandes
magnétoscopiques et des programmes de télévision, et s'occupe
d'émission de télévision, de développement de films, de publica
tion de disques et de musique et d'autres domaines connexes.
3. Antérieurement au 31 décembre 1972, toutes les phases de la
distribution au Canada du produit destiné au cinéma et à la
télévision de la demanderesse ont été assurées par sa filiale,
Twentieth Century Fox Corporation Limited («Fox Canada»),
en vertu d'un contrat de licence entre Fox Canada et Twentieth
Century Fox Inter -America Inc. («Fox»), une filiale de la
demanderesse résidant aux États-Unis. Entre le 28 avril 1972 et
le 31 décembre 1972, Fox Canada a, en vertu d'un mandat daté
du 28 avril 1972, distribué les films de la demanderesse en
partie par l'entremise de ses propres employés et en partie par
l'intermédiaire de son mandataire indépendant, Bellevue Film
Distributors Limited («Bellevue»).
4. En vertu du contrat de licence conclu avc Fox, Fox Canada
lui a versé des redevances pour la location des films de la
demanderesse au Canada. En application du mandat passé avec
Fox Canada, c'est entre le 28 avril 1972 et le 31 décembre 1972
que Bellevue, mandataire de Fox Canada, a perçu ces redevan-
ces à l'exception de celles découlant de la télévision.
5. Vers le 20 novembre 1972, la demanderesse a décidé d'éta-
blir une succursale au Canada pour y distribuer son produit
destiné au cinéma et à la télévision, le 31 décembre 1972 étant
la date du commencement des opérations de la succursale.
6. Vers le 2 janvier 1973, tout l'actif de Fox Canada, à
l'exception du bien-fonds sis à Calgary (Alberta), a été trans-
féré à la demanderesse, étant entendu que celle-ci assumerait
toutes les obligations de Fox Canada.
7. En vertu de l'entente datée du 2 janvier 1973, le contrat de
licence liant Fox et Fox Canada a pris fin à compter du 30
décembre 1972, et, à toutes les époques ultérieures en cause, la
demanderesse a distribué au Canada son produit destiné au
cinéma et à la télévision par l'entremise des bureaux succursa-
les sis à Toronto et à Montréal et de sa mandataire indépen-
dante Bellevue.
8. En vertu de l'entente datée du 2 janvier 1973, la demande-
resse a révoqué le contrat de licence liant Fox Canada et
Bellevue, et elle a conclu un accord directement avec celle-ci,
qui a adopté les conditions de l'accord du 28 avril 1972 entre
Fox Canada et Bellevue. En application de l'entente du 2
janvier 1973, Bellevue avait, à l'égard de la demanderesse, les
mêmes obligations que celles auxquelles elle était tenue envers
Fox Canada.
9. Après le 30 décembre 1972, les opérations de la succursale
canadienne de la demanderesse ont été effectuées exactement
comme Fox Canada l'avait fait au Canada lorsqu'elle s'occu-
pait d'y distribuer le produit de la demanderesse.
10. Certains employés de Fox Canada ont été engagés par la
demanderesse et sont restés à Toronto pour exploiter la
succursale.
11. Les bureaux des employés s'occupant de cinémas pour la
succursale torontoise, notamment ceux qui avaient auparavant
travaillé pour Fox Canada, étaient, à toutes les époques en
cause après le 30 décembre 1972, situés aux bureaux de
Bellevue à Toronto.
12. Tant pendant les années où Fox Canada distribuait le
produit de la demanderesse au Canada que pendant les années
où la demanderesse exerçait ses activités par l'entremise de sa
succursale canadienne, c'est le personnel travaillant dans l'ins-
tallation au Canada (de la filiale ou de la succursale) qui a
négocié les contrats avec des exploitants de salles canadiens
pour la projection des films de la demanderesse au Canada,
mais c'est le personnel de la demanderesse travaillant à Los
Angeles qui les a signés.
13. Le personnel se trouvant au Canada n'était pas autorisé à
signer les documents qui pouvaient lier la demanderesse. Les
annonces, les budgets et les programmes ont également été faits
à Los Angeles à partir des données fournies par les employés
canadiens.
14. Par lettre en date du 20 juin 1980, la demanderesse a
révoqué le mandat accordé à Bellevue à l'exception de la
distribution qui n'était pas destinée au cinéma.
15. Par entente datée du 1°' octobre 1980 entre la demanderesse
et Astral Films Limited (.Astralo), celle-ci a accepté de distri-
buer les films aux salles de cinémas moyennant rémunération.
Après cette date, la distribution du produit de la demanderesse
destiné au cinéma a été faite par l'entremise de la succursale et
de sa mandataire Astral, et la distribution de son produit qui
n'était pas destiné au cinéma l'a été par l'intermédiaire de la
succursale et de sa mandataire Bellevue. Ce sont toujours les
employés de la succursale de la demanderesse qui s'occupaient
des films destinés à la télévision.
16. Antérieurement au 31 décembre 1972, Fox Canada a payé
l'impôt sur le revenu prévu à la Partie I de la Loi de l'impôt sur
le revenu, au taux d'environ 50 %, sur son revenu gagné au
Canada et elle a déduit l'impôt de 10 % prévu à la Partie XIII
de la Loi de l'impôt sur le revenu des redevances qu'elle a
versées à Fox pour l'utilisation des films de la demanderesse au
Canada. Au moment où Fox Canada a cessé de distribuer le
produit de la demanderesse au Canada, la retenue d'impôt
s'élevait en moyenne à 400 000 $ par an.
17. La décision de la demanderesse d'établir une succursale au
Canada pour la distribution dans ce pays de son produit destiné
au cinéma et à la télévision visait à éliminer la retenue d'impôt
de la Partie XIII et à verser uniquement l'impôt prévu à la
Partie I sur le retenu tiré de son entreprise au Canada.
18. Dans la présente action, la demanderesse prétend qu'elle
n'est tenue à aucune retenue d'impôt prévue à la Partie XIII
sur les redevances qu'elle a reçues d'exploitants de salle de
spectacle canadiens. Elle soutient qu'elle n'est assujettie qu'à
l'impôt de la Partie I sur le revenu net de sa succursale tiré
d'une entreprise au Canada.
19. En calculant les bénéfices nets tirés de l'exploitation de sa
succursale au Canada, la demanderesse a préparé des états
financiers en utilisant le même format que dans les années
antérieures au cours desquelles sa filiale Fox Canada s'occupait
de ses opérations au Canada.
20. Antérieurement à 1973, la filiale de la demanderesse (Fox
Canada) a, dans le calcul de ses bénéfices gagnés au Canada,
déduit de ses recettes brutes de location une somme décrite
comme son coût des marchandises vendues qui comprenait le
montant que Fox lui faisait payer pour son utilisation au
Canada des films de la demanderesse.
21. Après que la demanderesse eut commencé à distribuer son
produit par l'entremise de sa succursale canadienne, on a décidé
de tenir pendant l'année, dans les livres de la demanderesse et
de la succursale, un compte courant des sommes dues par la
succursale à son siège social. En conséquence, un compte entre
sociétés a été ouvert pendant les années où la succursale a
exercé ses activités au Canada; il servait de compte de contrôle
par lequel passaient tous les versements effectués par la succur-
sale à la demanderesse. Ce compte a été indiqué dans le bilan
de la succursale comme une somme «due à Twentieth Century
Fox Film Corporation» sous la rubrique «Passif».
22. Dans les états financiers de la succursale, la demanderesse a
inscrit les redevances reçues par la succursale pour la location
des films comme [TRADUCTION] «marchandise vendue pendant
l'année (Location de films)». Pour obtenir les bénéfices com-
merciaux bruts de la succursale pour l'année, la demanderesse a
défalqué une somme décrite comme le «coût des marchandises
vendues» de la succursale dans l'année, somme qui reflétait en
fait les coûts alloués à la succursale par la demanderesse pour
le produit distribué par la succursale.
23. Les montants représentant le coût des marchandises ven-
dues comprenaient, pour chacune des années en question, le
coût de la publicité directe, le coût du tirage susceptible
d'amortissement et les frais relatifs aux droits sur le négatif ou
la part du producteur.
24. Les frais relatifs aux droits sur le négatif représentaient une
somme réclamée à la succursale pour recouvrer une partie du
coût engagée par la demanderesse pour produire la copie
maîtresse. Chaque mois, la demanderesse allouait un coût à la
succursale pour les frais relatifs aux droits sur le négatif. Ce
coût a été calculé en tenant compte d'un pourcentage des
recettes brutes de location, et il ne s'agissait pas d'une alloca
tion directe du coût de production du négatif.
25. Le coût du négatif comprenait les frais de tournage du film,
le salaire des acteurs, des actrices et des cameramen et le coût
du scénario.
26. Pendant les années où la demanderesse a distribué ses films
au Canada par l'entremise de Fox Canada ou de sa succursale,
c'est elle qui a vraiment tourné les films cinématographiques et
développé les négatifs originaux du tournage, à partir desquels
Fox Canada ou la succursale canadienne a commandé des
épreuves positives tirées pour fins de distribution au Canada.
27. Pendant les années où la demanderesse s'est occupée de
distribution de films au Canada par l'entremise de Fox Canada
et de sa succursale canadienne, ni Fox Canada ni la succursale
canadienne n'a produit de films au Canada pour les salles de
cinéma ou pour la télévision. La demanderesse a produit occa-
sionnellement des films au Canada pendant ces années-là, mais
ses équipes de production au Canada n'avaient aucun rapport
réel avec Fox Canada ni avec la succursale canadienne de la
demanderesse.
28. Des épreuves positives ont été tirées des négatifs ou des
copies des négatifs de films produits par la demanderesse pour
être distribuées aux salles de cinéma.
29. Le coût des copies a été assumé par Fox Canada au cours
des années où elle a fait des affaires au Canada et par la
succursale de la demanderesse au cours des années où elle y . a
exploité son entreprise. Ce coût a alors été amorti tant par Fox
Canada que par la succursale. Au cours des années où la
succursale a exercé ses activités au Canada, les coûts du tirage
amortis figuraient chaque année dans les états financiers de la
succursale comme une partie du montant représentant le coût
des marchandises vendues.
30. Il a été décidé qu'un bénéfice net de 1,7 % du revenu brut
serait le montant approprié du bénéfice net à attribuer aux
opérations de la succursale canadienne de la demanderesse
parce que ce pourcentage correspondait à peu près au bénéfice
net moyen gagné par Fox Canada pendant les années où elle a
distribué les films de la demanderesse au Canada.
31. La succursale a donc établi son bénéfice net sur lequel des
impôts canadiens ont été payés au cours des années d'imposi-
tion 1978, 1979 et 1980 en appliquant le taux fixé à l'avance de
1,7 % aux redevances brutes de la demanderesse pour la loca
tion de films au Canada.
32. Pour arriver à un tel bénéfice net pour les années d'imposi-
tion 1978, 1979 et 1980, qui serait égal au taux prédéterminé
de 1,7 % au cours de chacune de ces années, la demanderesse a,
à la fin de chaque année, ajusté les frais relatifs aux droits sur
le négatif («part du producteur») qui avaient été exigés de la
succursale.
49. Après 1972, la succursale de la demanderesse a déclaré, à
l'égard de ses opérations au Canada, un bénéfice net d'environ
1,7 % du montant des redevances brutes de la demanderesse
pour la location de films au Canada qu'elle a touché, sur lequel
elle a payé l'impôt prévu à la Partie I de la Loi de l'impôt sur le
revenu. Le 18 octobre 1982, Revenu Canada a déterminé
l'impôt à payer, en vertu de la Partie XIII, sur les sommes
exigées par la demanderesse de sa succursale et décrites dans
les annexes des déclarations d'impôt sur le revenu de cette
dernière comme faisant partie du coût des marchandises ven-
dues. Ce sont ces cotisations visant la période de 1978 à 1980
qui font l'objet du litige dans la présente action.
50. Le 18 octobre 1982, le ministre du Revenu national a
également déterminé l'impôt à payer pour les années d'imposi-
tion 1973 à 1977. Il est maintenant admis que le droit d'établir
ces cotisations était prescrit et celles-ci ne font par conséquent
pas l'objet de la présente action.
57. Il est maintenant admis que, quoi qu'il en soit, tous les
montants tirés des bandes magnétoscopiques sont exempts de
l'impôt de la Partie XIII en vertu des dispositions de l'article
XIIIC de l'Annexe de la Loi de 1943 sur la Convention relative
à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, et ses
modifications, et que ces montants mentionnés aux paragraphes
54 à 56 n'auraient pas dû être frappés d'impôt.
D'autres faits pertinents, qui reposent sur des
admissions formulées dans les plaidoiries écrites ou
à l'audience ou devant être déduites de la preuve
produite à l'audience, sont exposés en détail
ci-dessous:
1. À tout moment pertinent, la demanderesse, une
corporation non résidante, exploitait activement
une entreprise au Canada.
2. Les parties s'entendent pour dire que le chiffre
de 1,7 % du revenu brut pour chacune des années
en question est raisonnable. Ce pourcentage de
1,7 % devait représenter non seulement le montant
minimum du revenu net qui serait considéré
comme ayant été gagné, mais aussi le montant
maximum.
3. La succursale canadienne de la société deman-
deresse exploitait essentiellement la même entre-
prise que celle des quatre divisions de la demande-
resse situées aux Etats-Unis, mais celles-ci ne
tenaient pas de comptabilité distincte parce qu'el-
les n'étaient pas requises de le faire par la loi de
l'impôt sur le revenu aux États-Unis. En tenant
une comptabilité distincte, la succursale cana-
dienne visait uniquement à déterminer le montant
payable aux fins de l'impôt sur le revenu au
Canada.
4. L'exactitude des chiffres figurant dans les
comptes n'est pas contestée. Seules leur applica
tion et leur utilisation sont en litige.
5. Le directeur de la succursale canadienne a
toujours été en liaison quotidienne avec le siège
social de Los Angeles pour ce qui est de la distri
bution et de la commercialisation des films. C'est
la succursale qui a négocié les contrats de distribu
tion au Canada, mais ceux-ci ont été signés au
siège social ou au Canada avec l'approbation du
siège social.
6. Bellevue s'occupait des copies 35 millimètres des
films, les distribuait aux salles de cinéma et les
récupérait. Elle agissait également en tant que
mandataire pour percevoir l'argent dû. Elle payait
les frais d'impression pour les affiches publicitaires
et, après avoir défalqué sa part du coût, ses com
missions et une retenue d'impôt canadien de 15 %,
elle remettait le solde à la succursale canadienne
qui déposait l'argent dans ses comptes canadiens
et, après avoir mis de côté une certaine somme
pour ses dépenses d'exploitation, elle transférait
régulièrement le solde au siège social.
7. L'impôt sur le revenu prévu à la Partie XIII a
été établi comme suit:
Montant brut Montant
de la location assujetti Impôt
perçu par la à l'impôt prévu
demanderesse prévu à la à la
Années au Canada Partie XIII Partie XIII
1978 14 770 819 $ 12 723 853 $ 1 908 578 $
1979 1 I 81 1 100 10 352 301 I 552 845
1980 26 071 881 23 069 430 3 460 415
TOTAL 52 653 800 $ 46 145 584 $ 6 921 838 $
8. En plus de reconnaître qu'aucun intérêt sur
l'impôt de la Partie XIII ne devrait être réclamé,
et que l'impôt de la Partie XIII sur la location et
les redevances relatives aux bandes magnétoscopi-
ques devrait être supprimé, l'avocat de la défende-
resse a, au cours du débat final, reconnu que les
frais de tirage et de publicité ci-après sont des
sommes qui peuvent raisonnablement être attri-
buées à l'entreprise canadienne ainsi qu'il est dit à
la fin de l'article 805 du Règlement de l'impôt sur
le revenu [C.R.C., chap. 945]. Les montants ainsi
reconnus sont les suivants:
TIRAGE PUBLICITE TOTAL
1978 275 186 $ 1 779 751 $ 2 054 937 $
1979 I 008 368 1 708 097 2 716 465
1980 1 136 652 3 207 602 4 344 254
TOTAL 2 420 206 $ 6 695 450 $ 9 1 15 656 $
L'impôt prévu à la Partie XIII étant reconnu
(9115656$x15%) 1 367 348 $
Par consentement, le tableau ci-dessus a été déposé
comme pièce 60.
En tant que personne non résidante exploitant
une entreprise au Canada, la demanderesse est
assujettie à l'impôt de la Partie I de la Loi de
l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148
(mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1)] en
vertu de l'alinéa 2(3)b) et du sous-alinéa
115(1)a)(ii) que voici:
2....
(3) Lorsqu'une personne non imposable en vertu du paragra-
phe (1) pour une année d'imposition
b) a exploité une entreprise au Canada, ...
à une date quelconque de l'année ou d'une année antérieure, un
impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu ci-après,
sur son revenu imposable gagné au Canada pour l'année,
déterminé conformément à la section D.
115. (1) Aux fins de la présente loi, le revenu imposable,
pour une année d'imposition, gagné au Canada, par une per-
sonne non résidante, est la fraction de son revenu pour l'année,
qui serait déterminée en vertu de l'article 3
a) si elle n'avait pas de revenu autre
(ii) que les revenus tirés d'une entreprise exploitée par elle au
Canada,
Toutefois, la nature du revenu de la demande-
resse, c'est-à-dire les redevances pour la location
de films et de bandes magnétoscopiques, ferait
qu'elle est assujettie à une retenue d'impôt cana-
dien sous le régime de la Partie XIII de la Loi. La
disposition fiscale applicable serait le paragraphe
212(5) [mod. par S.C. 1973-74, chap. 14, art. 68]:
212.. .
(5) Toute personne non résidante doit payer un impôt sur le
revenu de 25% sur toute somme qu'une personne résidant au
Canada lui verse ou porte à son crédit, ou est réputée, en vertu
de la Partie I, lui verser ou porter à son crédit au titre ou en
paiement intégral ou partiel d'un droit d'utilisation ou autre sur
a) un film cinématographique, ou
b) un film ou une bande magnétoscopique pour la télévision,
qui a été utilisé ou reproduit au Canada, ou doit l'être.
(Il convient de souligner que, pour les contribua-
bles résidant aux États-Unis, le taux d'imposition a
été fixé à 15 % au lieu de 25 % en vertu d'une
convention relative à l'impôt entre le Canada et les
États-Unis.)
Si on se limite à ces dispositions, il semble que le
même revenu puisse être assujetti à deux types
distincts d'impôt, à savoir l'impôt normal sur le
revenu des corporations fondé sur les bénéfices
nets, sous le régime de la Partie I, et un impôt fixe
de 15 % sur le montant brut du revenu en vertu de
la Partie XIII, les contribuables étant tenus, en
vertu du paragraphe 215(1), de déduire à la source
ce dernier montant de tous les versements effec-
tués à une personne non résidante. Pour alléger
cette double imposition, le législateur a inclus dans
la Partie XIII le paragraphe 214(13) qui porte
notamment:
214....
(13) Le gouverneur en conseil peut établir des règlements
d'ordre général ou particulier, aux fins de la présente Partie,
désignant
c) lorsqu'une personne non résidante exploitait une entreprise
au Canada, quelles sommes sont imposables en vertu de la
présente Partie ou quelle fraction de l'impôt prévu par la
présente Partie est payable par cette personne.
En vertu de cette disposition, le gouverneur géné-
ral en conseil a pris les règlements suivants:
Article 802 [mod. par DORS/79-424, art. 1] du
Règlement:
802. Aux fins de l'alinéa 214(13)c) de la Loi, les sommes
imposables en vertu de la partie XIII de la Loi pour une année
d'imposition pertinente d'un contribuable sont celles qui ont été
versées ou créditées au contribuable pendant l'année d'imposi-
tion pertinente, autres que les sommes comprises, en vertu de la
partie I de la Loi, dans le calcul du revenu du contribuable
découlant d'une entreprise qu'il a exploitée au Canada.
Sous la rubrique Autres personnes non résidantes,
le paragraphe 805(1) du Règlement porte:
805. (1) Lorsqu'une personne non résidante exerce des opéra-
tions au Canada, elle est imposable en vertu de la partie XIII
de la Loi sur tous les montants autrement imposables en vertu
de cette partie, sauf les montants qui peuvent raisonnablement
être attribués à l'entreprise qu'elle exerce au Canada.
Les Articles II et III de l'annexe de la Loi de
1943 sur la Convention relative à l'impôt entre le
Canada et les États-Unis d'Amérique [S.C.
1943-44, chap. 21 (mod. par S.C. 1950, chap. 27)]
portent:
ARTICLE II
Pour les fins de la présente Convention, l'expression «bénéfi-
ces industriels et commerciaux» ne vise pas le revenu qui se
présente sous la forme de loyers, de redevances, d'intérêts, de
dividendes, de droits de gestion ou de gains retirés de la vente
ou de l'échange de biens de capital.
Sous réserve des clauses de la présente Convention, ces chefs
de revenu seront taxés séparément ou avec les bénéfices indus-
triels et commerciaux suivant les lois respectives des Etats
contractants.
ARTICLE III
1. Si une entreprise de l'un des Etats contractants possède un
établissement stable dans l'autre Etat, il sera imputé audit
établissement stable le bénéfice industriel et commercial net
que celui-ci pourrait s'attendre de retirer s'il formait une
entreprise indépendante exerçant les mêmes activités ou des
activités analogues dans les mêmes ou dans de semblables
conditions. Ce bénéfice net sera déterminé en principe d'après
les comptes qui concernent ledit établissement. Dans la déter-
mination des bénéfices nets de source industrielle et commer-
ciale d'un établissement stable, déduction devra être faite de
toutes dépenses, en quelque endroit qu'elles aient été effectuées,
qui peuvent raisonnablement être imputées à l'établissement
stable, y compris les frais de direction et d'administration
générale ainsi imputables.
Ainsi donc, si l'on faisait abstraction des articles
802 et 805 du Règlement, le paragraphe 212(5) de
la Partie XIII (maintenant la Partie III) de la Loi
ainsi que l'Article II de l'annexe de la Loi de 1943
sur la Convention relative à l'impôt entre le
Canada et les États-Unis d'Amérique feraient
alors en sorte que les redevances reçues des rési-
dents du Canada pour la location de films et de
bandes magnétoscopiques seraient assujetties à
l'impôt prévu à cette Partie de la Loi. L'article 805
exclut seulement le montant du revenu qui peut
raisonnablement être attribué à l'entreprise que le
contribuable exploite au Canada. D'autre part,
l'article 802 prévoit qu'aucune retenue d'impôt
(c.-à-d. l'impôt de la Partie XIII) n'est payable sur
les montants inclus dans la Partie I.
La demanderesse produit des films aux États-
Unis et, pour ce faire, assume tous les coûts de
production connexes dans le dessein explicite de
louer des copies de films à divers points de vente
tels que les stations de télévision et les cinémas.
Ses activités concernant la distribution de films, la
publicité et les relations publiques y afférentes
équivalent aux ventes et à la promotion des ventes
d'un fabriquant qui produit des marchandises des
tinées à la vente. La distribution du produit génère
des revenus et des bénéfices, ce qui, bien entendu,
est le but ultime de l'entreprise tout entière. Les
activités productives de revenu de la succursale
canadienne de la demanderesse étaient essentielle-
ment identiques à celles que les quatre divisions
américaines de la demanderesse exerçaient aux
États-Unis. Il ne s'agit pas d'une entreprise améri-
caine exerçant des activités commerciales au
Canada et dont le lancement et le contrôle s'effec-
tuent entièrement aux États-Unis sans la présence
d'une succursale ou d'un organisme au Canada.
Au contraire, c'est la succursale canadienne de la
demanderesse qui exploitait l'entreprise cana-
dienne, le siège social américain de la société
s'étant toutefois réservé le droit ultime de signer
ou d'approuver des contrats de distribution et étant
en contact presque quotidien avec le directeur
canadien. Compte tenu des faits, je suis persuadé
que l'organisme canadien n'était nullement une
simple présence symbolique visant en fait à éluder
l'impôt de la Partie XIII, mais qu'il jouait ici un
rôle commercial actif et authentique, malgré le fait
que la décision de remplacer l'ancienne société
canadienne (Fox Canada) par une succursale
canadienne de la société américaine a été prise
surtout pour éviter l'impôt de la Partie XIII. J'es-
time que Fox Canada avait auparavant joué un
rôle commercial actif entendu dans tous les sens du
mot, et que c'est la succursale de la demanderesse
qui a assumé entièrement ce rôle.
La production des films, même lorsqu'il s'agit de
productions filmées au Canada, ne relève pas de
l'organisme canadien de la demanderesse, et la
plupart des négatifs concernant la publicité d'en-
vergure sont également produits aux États-Unis.
C'est toutefois la succursale canadienne de la
demanderesse qui s'occupait de la publicité au
Canada, des relations publiques, du tirage des
copies des films, de la distribution et des négoca-
tions de contrats, et les revenus en découlant doi-
vent nécessairement provenir de l'entreprise exploi-
tée par la demanderesse au Canada ou être
considérés comme étant raisonnablement attribua-
bles à cette entreprise.
Certes, le succès commercial d'un film dépend
souvent, dans une grande mesure, de l'intérêt qu'il
suscite chez le public, intérêt qui, à son tour, va
dépendre de plusieurs facteurs impondérables tels
que la réputation de la distribution, l'originalité et
la pertinence du scénario, les techniques du réali-
sateur, la somptuosité de la production ou l'attrait
musical de la partition, plutôt que du sens des
affaires et du talent pour la vente, des activités
touchant aux relations publiques et à la publicité
directe du personnel s'occupant de négocier les
contrats de distribution et de distribuer les copies.
De plus, puisqu'en l'espèce aucun des coûts de
production n'est engagé au Canada et que, par
conséquent, aucun des bénéfices directement attri-
buables à la qualité de la production ne prend
naissance ici, il faut s'assurer que le montant final
indiquant les bénéfices nets réalisés au Canada
comporte une juste part des frais relatifs aux droits
sur le négatif encourus aux États-Unis au profit de
l'organisme tout entier. On peut déduire une juste
part de ces frais, outre les frais d'exploitation, des
revenus gagnés au Canada pour arriver à un chif-
fre qui représenterait le véritable bénéfice net pro-
venant des opérations commerciales de la deman-
deresse au Canada. Cela ne signifie pas toutefois
que les revenus eux-mêmes ne doivent pas être
considérés comme étant raisonnablement attribua-
bles à une entreprise active exploitée par la deman-
deresse au Canada, ni que cette proportion des
revenus doit être exclue. En l'espèce, le ministre du
Revenu national ne conteste pas l'allocation des
coins de production ni des droits sur le négatif.
Cette allocation a été confirmée par les cotisations
et reconnue par la défenderesse. En effet, les avo-
cats de la défenderesse ont souvent dit que le
Ministre est effectivement satisfait du chiffre qu'il
a appelé le «bénéfice net». Ce que la défenderesse
vise est de soustraire une partie de ce revenu du
revenu qui est, selon la demanderesse, raisonnable-
ment attribuable à son entreprise au Canada et
d'imposer ce montant.
La difficulté découle principalement du fait que,
du point de vue comptable, la façon de calculer les
bénéfices nets, pour chacune des années en litige,
ne correspond pas aux pratiques comptables habi-
tuelles. Je n'accepte pas le témoignage d'expert
donné qui tend à démontrer qu'elle l'est. Je dirais
en fait que le calcul des frais relatifs aux droits sur
le négatif n'est pas logique et ne consiste qu'à
jongler avec les chiffres pour arriver à un résultat
déterminé à l'avance.
Une partie ne saurait éviter l'impôt en ne comp-
tabilisant pas son revenu ou ses dettes conformé-
ment aux principes comptables généralement
acceptés. Il est également vrai qu'on ne devrait pas
assujettir une partie à un impôt simplement parce
qu'elle n'a pas suivi ces principes ou n'a pas utilisé
la terminologie appropriée dans les comptes. Une
cotisation doit toujours reposer sur la vraie nature
des opérations que les livres comptables doivent
refléter (Quemont Mining Corp. v. Minister of
National Revenue, [ 1967] 2 R.C.É. 169, aux
pages 200 à 202; (1966), 66 DTC 5376, la page
5395; Edingburgh Life Assurance Company v.
Lord Advocate, [1910] A.C. 143 (H.L.), à la page
163). La terminologie utilisée dans les livres comp-
tables ou les documents justificatifs constitue sim-
plement une preuve circonstancielle ou indirecte de
la nature apparente de diverses opérations. À
moins d'être étayée par d'autres éléments de
preuve, la preuve circonstancielle ne devrait pas
être considérée comme concluante et doit être
écartée dès lors qu'une autre preuve directe ou plus
digne de confiance vient la contredire clairement.
Les deux parties estiment que l'application d'un
taux fixé à l'avance de 1,7 % aux redevances
brutes canadiennes pour la location constitue un
calcul juste et raisonnablement exact des bénéfices
nets. Les chiffres intermédiaires qui ont été insérés
par la suite et qui sont censés représenter les frais
relatifs aux droits sur le négatif sont artificielle-
ment ajustés pour permettre d'arriver à ce résultat.
Ils sont donc fictifs car ils ne résultent pas d'un
calcul réel de ces frais et d'une allocation propor-
tionnelle des frais à la succursale canadienne par
comparaison avec les activités exercées par les
divisions américaines de la demanderesse. Si on
essayait de procéder ainsi, la comptabilité pourrait
bien nécessiter un travail considérable, obligeant la
demanderesse à faire des calculs, des estimations
et des allocations détaillés et causant autant de
difficultés à la défenderesse si elle tentait de véri-
fier ces chiffres. Il faudrait examiner en détail les
activités des divisions américaines afin de détermi-
ner l'attribution des droits sur le négatif à l'entre-
prise canadienne. Puisque les succursales américai-
nes ne rendent pas compte individuellement de
leurs opérations, il s'agirait indubitablement d'une
tâche monumentale. La demanderesse a adopté
une solution pragmatique à ce problème, et la
défenderesse a accepté le résultat qui représentait
le chiffre final découlant d'une juste allocation des
droits sur le négatif.
Il se peut que la défenderesse soit en droit de
refuser d'accepter cette méthode d'attribution des
droits sur le négatif comme une partie du coût,
mais je ne suis pas saisi de cette question. Ce sont
plutôt les activités productives de revenu de la
demanderesse au Canada qui sont en litige et non
ses dépenses. La défenderesse a, dans ses moyens,
abordé le problème comme si le siège social améri-
cain faisait payer une commission ou un loyer à sa
succursale canadienne sur le montant des ventes
canadiennes. En dépit de ce que certaines expres
sions utilisées dans des documents comptables
pourraient tendre à révéler, les rapports entre la
succursale canadienne de la demanderesse et la
demanderesse elle-même ne sauraient, en raison de
leur nature, donner lieu à une commission ni à un
loyer: une entité juridique ne saurait louer à elle-
même ni contracter avec elle-même. De toute évi-
dence, c'est la demanderesse qui, sur le plan juridi-
que, exploite une entreprise au Canada et non une
entité distincte, c'est-à-dire la succursale cana-
dienne. Il ne faut donc pas tenir compte des indica
tions contraires dans les livres de comptabilité.
Pour la même raison, je ne souscris pas aux con
clusions de l'expert cité au nom de la défenderesse
qui a, du point de vue de la comptabilité, considéré
la succursale canadienne comme si elle était une
entité juridique distincte contractant avec l'orga-
nisme américain de la demanderesse.
Dans les circonstances de l'espèce, le fait que
des mandataires indépendants se soient vus attri-
buer et aient effectué une grande partie du travail
au Canada n'influe pas sur la situation. La succur-
sale canadienne de la demanderesse exerçait un
contrôle direct sur le travail et la production des
mandataires, et le travail lui-même constitue à
tous égards des activités et opérations commercia-
les réelles de la demanderesse au Canada exercées
par l'entremise de ces mandataires et directement
par la demanderesse. Le fait qu'une société choi-
sisse de confier à des mandataires une partie de ses
activités commerciales n'empêche pas, en soi, cel-
les-ci d'être les opérations commerciales de la
société. Il peut y avoir des cas où un contribuable
étranger, afin d'éviter l'assujettissement à l'impôt
prévu à la Partie XIII, crée soit une entité fictive
ou inactive soit une succursale fictive au Canada
pour tenter d'attribuer le caractère de revenu tiré
d'une entreprise qu'il exploite activement au
Canada à ce qui est essentiellement un loyer, une
commission, une redevance ou un autre type passif
de revenu qu'il reçoit de particuliers ou de sociétés
résidant au Canada qui, en fait, exploitent active-
ment l'entreprise ici même. Je suis néanmoins
persuadé que, eu égard aux activités de la deman-
deresse au Canada, tel n'est pas le cas en l'espèce.
Pour illustrer cette conclusion, il suffit de mention-
ner le fait que la succursale canadienne fonctionne
exactement de la même façon que l'ancienne filiale
canadienne de la demanderesse. Cette filiale avait
bien entendu payé l'impôt prévu à la Partie XIII et
elle n'aurait eu aucune raison d'être au Canada si
elle ne s'était pas activement engagée dans le
développement de sa propre entreprise dans ce
pays.
La défenderesse s'est appuyée, dans une très
grande mesure, sur l'affaire United Geophysical
Co. of Canada v. Minister of National Revenue,
[1961] R.C.É. 283, où le juge Thurlow, tel était
alors son titre, a décidé que la société demande-
resse, une filiale américaine en propriété exclusive
d'une autre société américaine, était assujettie à
une retenue d'impôt sur les redevances qu'elle
versait à sa société mère américaine pour louer les
biens de celle-ci situés au Canada. Mais cette
affaire se distingue nettement de l'espèce quant
aux faits. Il y avait deux entités juridiques distinc-
tes et la partie de l'entreprise de la société mère
qui nous intéresse dans cette affaire a été décrite
comme une [TRADUCTION] «simple activité secon-
daire»—voir les pages 292 et 293 du recueil
susmentionné:
[TRADUCTION] Selon un autre point de vue plus large sur la
portée de l'entreprise de la société, celle-ci a fourni des services
géophysiques à des clients, mais après le 1»r mai 1955, elle a
également fourni à l'appelante, sa filiale en propriété exclusive,
à titre d'activité secondaire et à peu près au prix coûtant, des
services administratifs, de contrôle et autres, ainsi que des
pièces d'équipement. Il s'agit là, à mon avis, du point de vue à
retenir, ... [C'est moi qui souligne.]
Le juge a également dit aux pages 293 et 294:
[TRADUCTION] Par conséquent, la portée de l'entreprise de la
société étant vue sous cet angle, j'estime que le «loyer» pour
l'équipement constituait un revenu tiré de cette partie de son
entreprise qui a été exploitée aux États-Unis, et ne pouvait
raisonnablement être attribué à aucune partie de l'entreprise
que la société aurait exercée au Canada. Ce loyer ne serait donc
pas imposable en vertu de la Partie I de la Loi ni ne serait
inclus dans le calcul du revenu de la société aux fins de cette
Partie. [C'est moi qui souligne.]
De plus, dans l'affaire susmentionnée, rien n'in-
dique que la société mère américaine ait déjà payé
un impôt sur le revenu ou produit une déclaration
en vertu de la Partie I de la Loi.
Il y a néanmoins plus important encore puisque,
depuis l'affaire United Geophysical, de très impor-
tantes modifications ont été apportées à la Loi. La
Loi applicable aux années en cause dans l'affaire
United Geophysical, 1955/1956, contenait les dis
positions sur la retenue d'impôt de la Partie III
(maintenant la Partie XIII), et la règle relative
aux montants «raisonnablement attribuables»
qu'on trouve maintenant à l'article 805 du Règle-
ment se trouvait au paragraphe 31(1) de la Loi
[S.R.C. 1952, chap. 148]. La règle selon laquelle il
n'est effectué aucune retenue sur les montants
inclus dans le revenu en vertu de la Partie I qu'on
trouve maintenant à l'article 802 du Règlement
figurait dans une version antérieure de l'article
805 du Règlement. L'article 805 du Règlement a
été modifié en 1956 pour substituer le critère
«raisonnablement attribuable» au critère portant
que [TRADUCTION] «aucune retenue d'impôt n'est
payable sur les montants inclus dans la Partie I»,
et le paragraphe 31(1) de la Loi a été modifié en
1960 pour écarter de la Loi le critère concernant
les montants «raisonnablement attribuables». L'ar-
ticle 802 du Règlement a été modifié et on a
appliqué, à compter de 1978, le critère portant que
«aucune retenue d'impôt n'est payable sur les mon-
tants inclus dans la Partie I» à toutes les personnes
non résidantes exploitant une entreprise au
Canada.
La défenderesse a également cité les décisions
suivantes: International Harvester Company of
Canada, Ld. v. Provincial Tax Commission,
[1949] A.C. 36 (P.C.); Commissioner of Taxation
(N.S.W.) v. Hillsdon Watts Ltd. (1936-37), 57
C.L.R. 36 (Aust. H.C.); Commissioners of Taxa
tion v. Kirk, [1900] A.C. 588 (P.C.); Australian
Machinery & Investment Co. Ltd. v. Deputy
Federal Commissioner of Taxation (Source of
Income) (1946), 8 A.T.D. 81 (Aust. H.C.); Mount
Morgan Gold Mining Co. Ltd. v. Commissioner of
Income Tax (Queensland) (1922-23), 33 C.L.R.
76 (Aust. H.C.). Toutefois, toutes ces décisions
portaient non pas sur le revenu mais sur les bénéfi-
ces nets et sur la répartition entre deux juridictions
non seulement du revenu mais surtout des dépen-
ses. Enfin, le pouvoir d'imposer se fonde non pas,
comme la défenderesse a semblé prétendre, sur la
Convention relative à l'impôt entre le Canada et
les États-Unis, mais sur la Loi de l'impôt sur le
revenu et le Règlement. La convention vise à éviter
une double imposition et non à prévoir des disposi
tions additionnelles en matière d'impôt. J'ai
récemment appliqué ce principe dans l'affaire La
succession Gladden, J.N. c. La Reine (1985), 85
DTC 5188 (C.F. 1fe inst.). Ainsi donc, l'expression
«établissement stable» figurant dans la convention
et sur laquelle la défenderesse s'appuie dans une
certaine mesure n'a d'importance que si on consi-
dère la convention elle-même, et ne devrait pas
servir à interpréter la Loi de l'impôt sur le revenu
ou son Règlement.
Par ces motifs, je conclus que, compte tenu des
faits de l'espèce, l'article 802 du Règlement s'ap-
plique à l'exclusion de l'article 805. Même s'il n'en
était pas ainsi, je suis, en tout état de cause,
persuadé que la demanderesse a établi, d'après les
faits, que la location de films au Canada comme
aux Etats-Unis et dans d'autres pays fait essentiel-
lement et intégralement partie de son entreprise, et
que les revenus tirés de la location de films doivent
nécessairement être considérés comme étant rai-
sonnablement attribuables à l'entreprise exploitée
au Canada pendant les années en cause. Il n'existe
aucun motif logique ou juridique permettant d'ar-
river à une conclusion différente.
Je statue par conséquent que l'affaire doit être
renvoyée au ministre du Revenu national pour
qu'il établisse une nouvelle cotisation pour les
années 1978, 1979 et 1980 en partant du principe
que la demanderesse était imposable uniquement
en vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le
revenu et qu'aucune retenue d'impôt n'était paya
ble sous le régime de la Partie XIII.
La demanderesse aura droit à ses dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.