T-743-83
Henri Joseph Lucien Zephrien Fortin (requérant)
c.
Commissaire de la Gendarmerie royale du
Canada, solliciteur général du Canada, procureur
général du Canada (intimés)
Division de première instance, juge Rouleau—
Montréal, 6 mai; Ottawa, 13 mai 1985.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — GRC — Le
certiorari est demandé, par voie de requête en vue de faire
amender, pour annuler la décision de licenciement en raison de
l'âge — Le pouvoir de licenciement du Commissaire est-il
ministériel ou administratif? — Est-il possible de recourir au
certiorari? — Utilisation du certiorari pour annuler des déci-
sions ministérielles — Évolution de la doctrine d'équité — Loi
sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 18
— Règlement sur la pension de retraite de la Gendarmerie
royale du Canada, C.R.C., chap. 1393, art. 26(1)f),(4) — Loi
sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du
Canada, S.R.C. 1970, chap. R-11, art. 22 (mod. par S.R.C.
1970 (ler Supp.), chap. 36, art. 3; S.C. 1974-75-76, chap. 81,
art. 65) — Règlement de la Gendarmerie royale du Canada,
C.R.C., chap. 1391, art. 67, 80.
Pratique — Modifications — Requête en vertu de la Règle
303 en vue de faire amender de nouveau un avis introductif de
requête dans une demande fondée sur l'art. 18 — La règle
générale veut qu'on accorde les amendements pourvu qu'ils
n'introduisent pas une nouvelle cause d'action et ce, même s'ils
sont présentés de manière tardive — Règles de la Cour fédé-
rale, C.R.C., chap. 663, Règles 2, 303, 324, 420(1), 421 — Loi
sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 18.
Pratique — Requête en radiation des plaidoiries — Requête
présentée sur le fondement que le certiorari ne peut être utilisé
pour contester les décisions de nature ministérielle — Point en
litige réel et important en ce qui a trait à la nature réelle du
pouvoir en question — L'argument selon lequel la demande de
certiorari est en réalité une tentative indirecte d'obtenir un
jugement déclaratoire est rejeté car il est impossible à ce
stade-ci de dire ce que le requérant soutiendra — Règles de la
Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 419.
Le requérant, un caporal dans la GRC, a été licencié de la
Gendarmerie sur le fondement de l'âge en vertu de l'alinéa
26(1)f) et du paragraphe 26(4) du Règlement sur la pension de
retraite de la GRC. Son grief contre cette décision ayant été
rejeté, le requérant a demandé, par un avis introductif de
requête, un bref de prohibition et un jugement déclaratoire
portant que les paragraphes 26(1) et (4) du Règlement ne sont
pas valides. Les intimés ont présenté une requête en radiation
des plaidoiries en vertu de la Règle 419(1)a). Après une
substitution de procureur, le requérant a déposé une requête
visant à obtenir un nouvel amendement qui entraînerait le
désistement du jugement déclaratoire d'invalidité qu'il avait
demandé et qui aurait pour effet de demander un bref de
certiorari qui annulerait la décision de le licencier, et ce au lieu
du bref de prohibition. Les intimés font valoir que le nouvel
amendement projeté introduirait une nouvelle cause d'action
qui n'a pas été engagée dans un délai raisonnable après le
licenciement du requérant. Ils soutiennent également que même
si le nouvel amendement est accordé, l'avis introductif de
requête devrait être radié pour le motif qu'on ne peut contester
des décisions de nature ministérielle au moyen du certiorari.
Jugement: la requête en vue d'obtenir l'autorisation d'appor-
ter un nouvel amendement est accueillie et la requête en
radiation est rejetée.
Le nouvel amendement ne soulève pas une cause d'action
entièrement nouvelle et les intimés ne sont pas pris par surprise.
La règle générale selon laquelle des amendements devraient
être accordés dans de telles circonstances s'applique peu
importe si l'amendement est demandé de façon tardive ou si la
partie a été négligente en ne le demandant pas plus tôt. Bien
que le certiorari constitue un recours discrétionnaire et que la
conduite du requérant, y compris son retard, constitue un motif
pour en refuser la délivrance, l'espèce n'est pas une affaire où le
refus de la demande de bref est justifié. Premièrement, parce
que le nouvel amendement cherche seulement à modifier légè-
rement la nature du redressement demandé et que la première
demande de bref de prohibition et de jugement déclaratoire a
été présentée très rapidement. Et deuxièmement, parce qu'il
reviendra au juge qui entendra la demande au fond d'exercer
son pouvoir discrétionnaire d'accorder ou de refuser le
certiorari.
En ce qui a trait à la requête en radiation, la Cour n'est pas
prête à décider, à ce moment, que le pouvoir exercé par le
Commissaire était de nature ministérielle. Il existe un point en
litige réel et important en ce qui a trait à ce pouvoir, et il
devrait être tranché par le juge du fond.
Compte tenu de l'évolution de la doctrine d'équité (voir
Coopers and Lybrand et Martineau (N' 2) et de l'utilisation du
certiorari relativement à celle-ci (voir particulièrement Kruger
Inc.), on peut au moins soutenir que le certiorari pourrait servir
de moyen de redressement même s'il s'agit d'une décision
ministérielle.
L'argument des intimés selon lequel la demande en vue
d'obtenir un certiorari est en réalité une tentative indirecte
d'obtenir un jugement déclaratoire ne peut réussir parce qu'il
est impossible, à ce stade-ci, de dire exactement ce que le
requérant soutiendra à l'audition sur le fond. En outre, les
intimés concèdent que la validité d'un règlement peut être
indirectement contestée s'il constitue le fondement d'un acte
qui peut faire l'objet d'un certiorari.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Ministre du Revenu national c. Kruger Inc., [1984] 2
C.F. 535; 13 D.L.R. (4th) 706; 84 DTC 6478; (1984), 55
N.R. 255 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Homex Realty and Development Co. Ltd. c. Corporation
of the Village of Wyoming, [1980] 2 R.C.S. 1011;
Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561;
P.P.G. Industries Canada Ltd. c. P.G. du Canada, [1976]
2 R.C.S. 739; R. v. Senate of the University of Aston, Ex
parte Roffey, [1969] 2 All E.R. 964 (Q.B.D.); South
Eastern Regional Shopping Centre Ltd. v. Steinbach,
Town of (1983), 20 Man. R. (2d) 54 (C.A.); R. v. Bales
et al., Ex parte Meaford General Hospital (1970), 17
D.L.R. (3d) 641 (H.C. Ont.).
DÉCISIONS CITÉES:
Hansen, C.K., v. The King, [1933] R.C.É. 197; The
Queen v. Hall, Alice Agnes et al., [1958] R.C.E. 110;
Sorbara, Sam v. Minister of National Revenue, [1964]
R.C.E 161; Kayser -Roth Can. Ltd. c. Fascination Linge
rie Inc., [1971] C.F. 84 (1" inst.); Vapor Canada Ltd. c.
MacDonald et al. (N° 1), [1971] C.F. 452 (1" inst.);
Montecatini Edison S.p.A. c. Standard Oil Co. (1974),
14 C.P.R. (2d) 190 (C.F. i re inst.); Brady (W.H.) Co. c.
Letraset Canada Ltd. (1982), 14 A.C.W.S. (2d) 383; 82
DRS 53-584 (C.F. 1" inst.); McAlpine of Newfoundland
Ltd. c. R. (1984), 9 C.L.R. 276; 28 A.C.W.S. (2d) 364;
84 DRS 55-317 (C.F. 1" inst.); Ministre du Revenu
national c. Coopers and Lybrand, [1979] 1 R.C.S. 495;
Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de
Matsqui (N° 2), [1980] 1 R.C.S. 602.
AVOCATS:
Robert Donald et James R. K. Duggan pour
le requérant.
Normand Lemyre et Claude Joyal pour les
intimés.
PROCUREURS:
Donald & Duggan, Montréal, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE ROULEAU: Deux affaires plutôt dis-
tinctes sont présentées à la Cour: une requête du
requérant en vue de faire amender de nouveau son
avis introductif de requête dans une demande
fondée sur l'article 18 [Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10] (Règle 303
[Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663])
et une requête des intimés en radiation (Règle
419). Les avocats ont été entendus sur ces deux
questions à Montréal le 6 mai 1985.
I. LES FAITS ET LE DÉROULEMENT DE LA
PROCÉDURE
Le requérant était caporal dans la GRC. Il s'est
engagé dans la Gendarmerie le 31 janvier 1951 et
était un contributeur en vertu de la Loi sur la
pension de retraite de la Gendarmerie royale du
Canada, S.R.C. 1970, chap. R-11 et modifications,
à compter de cette date. Il a été informé qu'à
compter du 17 mars 1983, il serait licencié de la
Gendarmerie pour le motif qu'il avait atteint l'âge
de 56 ans, en conformité avec l'alinéa 26(1)f) et le
paragraphe 26(4) du Règlement sur la pension de
retraite de la Gendarmerie royale du Canada,
C.R.C., chap. 1393 et modifications, établi en
vertu de l'article 22 de la Loi sur la pension de
retraite de la Gendarmerie royale du Canada
[mod. par S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 36, art.
3; S.C. 1974-75-76, chap. 81, art. 65]. I1 a finale-
ment quitté la Gendarmerie le 31 mai 1983 ou vers
cette date.
Après avoir contesté sans succès la décision de
licenciement, le requérant a demandé, le 16 mars
1983, par un avis introductif de requête, un bref de
prohibition pour empêcher son licenciement et un
jugement déclaratoire portant que les paragraphes
26(1) et (4) du Règlement sur la pension de
retraite de la GRC ne sont pas valides. Simple-
ment, le principal argument à l'appui du bref de
prohibition porte qu'on a appliqué le mauvais
Règlement et que la question du licenciement en
raison de l'âge ou de la période maximale de
service est visée aux articles 67 et 80 du Règlement
de la Gendarmerie royale du Canada [C.R.C.,
chap. 1391] établi en vertu de la Loi sur la
Gendarmerie royale du Canada [S.R.C. 1970,
chap. R-9]. Le requérant a allégué que, en vertu
de ce dernier Règlement,-il n'avait servi que 32 ans
sur un maximum de 35 ans. Il demande le juge-
ment déclaratoire portant invalidité, en vertu de
certains moyens fondés sur la Charte canadienne
des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] et
parce que les paragraphes 26(1) et (4) établissent
selon lui des distinctions fondées sur le rang d'une
manière qui n'est pas autorisée par l'article 22 de
la Loi sur la pension de retraite de la GRC.
Le 16 septembre 1983, le requérant a amendé
son avis de requête (Règle 421(2)) pour abandon-
ner les motifs fondés sur la Charte et les distinc
tions en raison de l'âge, mais a conservé sa
demande en vue d'obtenir un bref de prohibition et
un jugement déclaratoire.
Le 27 septembre 1983, les intimés ont présenté
des commentaires, de la doctrine et de la jurispru
dence en ce qui a trait à leurs exceptions prélimi-
naires fondées sur la Règle 419(1)a). Je reviendrai
à ces exceptions bientôt.
Le 11 février 1985, le requérant a déposé une
substitution de procureur.
Le 22 février 1985, le requérant a déposé une
requête en vue d'obtenir la permission d'amender
de nouveau, sans comparution en personne, son
avis introductif de requête en vertu des Règles 303,
324 et 420(1), apparemment dans le but de parer à
certaines exceptions en matière de procédure sou-
levées par les intimés. Le requérant a également
présenté de brefs commentaires, de la doctrine et
de la jurisprudence à l'égard des exceptions préli-
minaires, traitant presque entièrement de la ques
tion de compétence.
Dans une lettre datée du 27 février 1985, la
Couronne a indiqué son opposition au projet de
nouvel amendement du requérant pour les motifs
qu'il était tardif et introduisait une nouvelle cause
d'action.
J'ai refusé d'accorder la requête visant à obtenir
un nouvel amendement sans comparution en per-
sonne (Règle 324) et les parties ont été averties
d'être prêtes à débattre des exceptions préliminai-
res et de la recevabilité de la requête en vue
d'obtenir un nouvel amendement à Montréal le 6
mai 1985. À proprement parler, les amendements
à un avis introductif de requête ne peuvent être
obtenus qu'en vertu d'une permission que prévoit
la Règle 303 et non en vertu des Règles 420 ou 421
(voir les définitions de «plaidoirie écrite» et
«action» à la Règle 2).
H. LA COMPÉTENCE DE LA COUR
Les intimés ont soulevé une opposition relative à
la compétence de la Division de première instance
en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale d'entendre l'avis introductif de requête. À
l'ouverture de l'audience, l'avocat des intimés a
admis la compétence de cette Cour.
III. LA REQUÊTE EN VUE D'OBTENIR LA PERMIS
SION D'AMENDER DE NOUVEAU
Le nouvel amendement de l'avis introductif de
requête proposé par le requérant entraînerait le
désistement du jugement déclaratoire d'invalidité
qu'il avait originalement demandé et aurait pour
effet de demander un bref de certiorari qui annule-
rait la décision de le licencier, et ce, au lieu du bref
de prohibition demandé depuis le début.
Les intimés font valoir que le nouvel amende-
ment projeté introduirait une nouvelle cause d'ac-
tion qui n'a pas été engagée dans un délai raison-
nable après le licenciement du requérant de la
Gendarmerie.
J'accorde la requête du requérant en vue d'obte-
nir la permission d'amender de nouveau en vertu
de la Règle 303. Le nouvel amendement ne soulève
pas une cause d'action entièrement nouvelle.
L'abandon de la demande de jugement déclara-
toire n'a certainement pas un tel effet. L'addition
d'une demande de certiorari est certainement tar-
dive, mais elle est le résultat du temps écoulé
depuis la première rédaction de l'avis introductif
de requête. Des faits et des circonstances identi-
ques qui auraient pu auparavant justifier la déli-
vrance d'un bref de prohibition pourraient mainte-
nant appuyer une demande en vue d'obtenir un
redressement substantiellement semblable par voie
de certiorari. Les intimés ne sont pas pris par
surprise.
La règle générale en matière d'amendements
prévoit qu'ils devraient être accordés tant qu'ils
n'introduisent pas une nouvelle cause d'action et
ne causent à la partie opposée aucun préjudice qui
ne peut être rectifié au moyen d'une ordonnance:
comme l'interrogatoire des auteurs des affidavits,
un délai suffisant pour que les parties préparent
leurs réponses aux arguments modifiés, et les
dépens. Cette règle s'applique peu importe si
l'amendement est demandé de façon tardive ou si
la partie a été négligente en ne le demandant pas
plus tôt ou, en n'incluant pas le redressement qui
est maintenant demandé par amendement dans les
plaidoiries initiales.
La position de la Cour de l'Échiquier et de la
Cour fédérale a été constante à cet égard: Hansen,
C.K., v. The King, [1933] R.C.É. 197; The Queen
v. Hall, Alice Agnes et al., [1958] R.C.E. 110;
Sorbara, Sam v. Minister of National Revenue,
[1964] R.C.É. 161; Kayser -Roth Can. Ltd. c.
Fascination Lingerie Inc., [1971] C.F. 84 (1re
inst.); Vapor Canada Ltd. c. MacDonald (No 1),
[1971] C.F. 452 (i re inst.); Montecatini Edison
S.p.A. c. Standard Oil Co. (1974), 14 C.P.R. (2d)
190 (C.F. I re inst.); Brady (W.H.) Co. c. Letraset
Canada Ltd. (1982), 14 A.C.W.S. (2d) 383; 82
DRS 53-584 (C.F. i' inst.); et McAlpine of New-
foundland Ltd. c. R. (1984), 9 C.L.R. 276; 28
A.C.W.S. (2d) 364; 84 DRS 55-317 (C.F. I re
inst.).
Les oppositions des intimés sont fondées sur le
fait que le certiorari constitue un recours discré-
tionnaire et que la conduite du requérant, y com-
pris son retard à demander ce redressement, cons
tituent des motifs pour refuser la délivrance du
bref de prérogative. Les intimés citent un certain
nombre d'arrêts, notamment Homex Realty and
Development Co. Ltd. c. Corporation of the Vil
lage of Wyoming, [1980] 2 R.C.S. 1011, aux
pages 1033 à 1035; Harelkin c. Université de
Regina, [1979] 2 R.C.S. 561, aux pages 574 577;
P.P.G. Industries Canada Ltd. c. P.G. du Canada,
[1976] 2 R.C.S. 739,à la page 749; R. v. Senate
of the University of Aston, Ex parte Roffey,
[1969] 2 All E.R. 964 (Q.B.D.) à la page 976; et
South Eastern Regional Shopping Centre Ltd. v.
Steinbach, Town of (1983), 20 Man. R. (2d) 54
(C.A.), aux pages 58 et 59.
Dans une certaine mesure, cette proposition ne
me cause aucune difficulté, mais je considère que
l'on peut établir une distinction entre la question
préliminaire de l'amendement et la jurisprudence
citée par les intimés et que celle-ci n'est peut-être
pas pertinente; en réalité elle devrait être examinée
par le juge qui sera éventuellement saisi de l'af-
faire au fond. On peut établir une distinction avec
la jurisprudence qui m'a été citée parce que dans
ces affaires, il y a eu un retard dans la demande de
redressement. Par opposition, le nouvel amende-
ment demandé en l'espèce cherche seulement à
modifier légèrement la nature du redressement
demandé. Les faits n'ont pas changé; le premier
avis introductif de requête qui demande un bref de
prohibition et un jugement déclaratoire a en fait
été présenté très rapidement.
De plus, je dis que la jurisprudence n'est peut-
être pas pertinente. Ce qui est présenté à la Cour
aujourd'hui est la question du nouvel amendement
en vue d'inclure une demande de certiorari. Il
reviendra au juge qui en fin de compte entendra la
demande au fond d'exercer son pouvoir discrétion-
naire d'accorder ou de refuser ce redressement, en
tenant compte de tous les faits et de toutes les
circonstances y compris, sans doute, la question de
la présentation tardive.
Étant donné que j'accorde un nouvel amende-
ment au requérant, il n'y a plus que deux excep
tions préliminaires de nature procédurale qui doi-
vent être réglées. Ce sont celles-ci que j'examine
maintenant.
IV. AUCUN CERTIORARI NE PEUT ÊTRE INVOQUÉ
POUR ANNULER UNE DÉCISION MINISTÉRIELLE
Les intimés soutiennent que même si j'accorde le
nouvel amendement, ce que j'ai fait, l'avis intro-
ductif de requête devrait être radié en vertu de la
Règle 419(1)a) pour le motif qu'on ne peut contes-
ter des décisions de nature ministérielle au moyen
du certiorari. Je ne crois pas que les intimés
peuvent avoir gain de cause sur ce point.
J'insiste sur le fait que je suis seulement saisi
d'une requête en vue d'obtenir un nouvel amende-
ment et d'une requête en radiation. Je ne suis pas
prêt à décider, à ce moment, que le pouvoir exercé
par le Commissaire était de nature ministérielle. Il
existe un point en litige réel et important en ce qui
a trait au caractère approprié du pouvoir en ques
tion et qui sera sans doute débattu d'une manière
approfondie lorsque l'affaire sera entendue au
fond. Je crois qu'il serait tout à fait possible que le
juge du fond conclue que la décision du Commis-
saire est d'un genre qui peut être attaqué par voie
de certiorari.
À mon avis, il n'est pas du tout évident que la
décision du Commissaire est en fait analytique-
ment de nature ministérielle. Il n'est pas vrai que
le Commissaire devait simplement appliquer une
norme objective à des faits objectifs sans aucun
élément de pouvoir discrétionnaire. Il est vrai que
la décision réelle de licenciement dépend essentiel-
lement de choses vérifiables objectivement, comme
l'âge ou le nombre d'années de service ou de
contribution au fonds de pension. Toutefois, si la
décision qui a été prise, soit en vertu des paragra-
phes 26(1) et (4) du Règlement sur la pension de
retraite de la GRC, soit en vertu des articles 67 et
80 du Règlement de la GRC, est considérée d'une
manière globale, on peut constater qu'elle n'était
pas purement mécanique. Comme question préli-
minaire, le Commissaire devait décider de poser la
bonne question: en l'espèce, quel Règlement il
devait appliquer. C'est cette décision que le requé-
rant cherche à contester. Par la suite, le Commis-
saire devait décider si le requérant avait atteint
l'âge ou avait accumulé le nombre d'années de
service ou de contribution au fonds de pension qui
pouvait entraîner le licenciement. Enfin, le Com-
missaire devait exercer son pouvoir discrétionnaire
pour déterminer s'il s'agissait d'un cas approprié
pour autoriser le rengagement.
Vu de cette manière, on peut constater qu'il
existe au moins un argument sérieux que la déci-
sion du Commissaire n'est pas de nature ministé-
rielle. La jurisprudence citée par les intimés leur
est peu utile. L'affaire R. v. Bales et al., Ex parte
Meaford General Hospital (1970), 17 D.L.R. (3d)
641 (H.C. Ont.) peut être périmée et peut appuyer
la proposition opposée de celle pour laquelle elle
est citée. Il a été jugé que le pouvoir «ministériel»
en question était purement administratif et par
conséquent ne pouvait être attaqué par voie de
prohibition. Il est maintenant évident que le cer-
tiorari pourra être obtenu en cette Cour pour
annuler une décision purement administrative sur
des motifs de fond comme ceux invoqués dans
l'arrêt Ministre du Revenu national c. Kruger Inc.,
[1984] 2 C.F. 535, aux pages 543 546; 13 D.L.R.
(4th) 706, aux pages 712 714; 84 DTC 6478;
(1984), 55 N.R. 255 (C.A.).
Je ne crois pas que la décision du Commissaire
soit comme l'a suggéré l'avocat, d'un genre analo
gue à celui de l'obligation ministérielle mécanique
d'un juge de paix de recevoir toute dénonciation
appropriée. Encore une fois, je voudrais faire
remarquer que les décisions citées sont antérieures
aux arrêts de principe de la Cour suprême qui ont
consacré la disparition de la classification rigide
des pouvoirs législatifs et l'élaboration de la doc
trine d'équité applicable aux décisions qui ne sont
pas d'une nature judiciaire où quasi judiciaire et
antérieures à l'arrêt Ministre du Revenu national
c. Kruger Inc. (précité).
Même si on prend pour acquis pour les fins de
l'argumentation, que la décision était analytique-
ment de nature ministérielle, je ne crois pas que la
position des intimés est nécessairement bien fondée
en droit.
Il résulte clairement des affaires en matière
d'équité devant la Cour suprême que, sauf aux fins
d'établir la compétence respective de la Cour d'ap-
pel fédérale et de la Division de première instance,
la classification rigide des fonctions devrait être
évitée comme méthode pour refuser un redresse-
ment. L'opinion la plus appropriée est celle selon
laquelle il n'existe aucune différence de genre mais
seulement une différence de degré entre les pou-
voirs administratifs et ministériels. Dans le cas du
contrôle judiciaire en matière de vice de procédure,
cela signifie qu'il existe un continuum au niveau de
la protection procédurale qu'accorde la doctrine
d'équité en vertu de l'article 18 de la Loi sur la
Cour fédérale, dont le contenu est réduit à néant
dans le cas de décisions purement législatives ou de
politique: Ministre du Revenu national c. Coopers
and Lybrand, [ 1979] 1 R.C.S. 495, la page 505
et Martineau c. Comité de discipline de l'Institu-
tion de Matsqui (N° 2), [1980] 1 R.C.S. 602, aux
pages 628 et 629.
Il est vrai qu'un certain doute a été soulevé
quant à la possibilité de recourir au certiorari à
l'égard de motifs de fond (et non de procédure)
lorsque le pouvoir en question, analytiquement,
n'est pas judiciaire ou quasi judiciaire (voir Evans
et autres, Administrative Law, 2 ° éd., 1984 aux
pages 752 754). En outre, à la page 628 de
l'arrêt Martineau (N0 2), précité, le juge Dickson,
maintenant juge en chef, déclare de façon inci-
dente qu'il n'existe aucune protection en matière
de procédure dans le cas d'une décision purement
ministérielle.
Toutefois, la Cour d'appel fédérale a maintenant
proposé qu'une décision purement administrative
peut être contestée par voie de certiorari pour les
motifs de fond comme le défaut de compétence ou
l'erreur de droit manifeste au dossier «qui ne tien-
nent pas compte du caractère judiciaire ou admi-
nistratif de la décision contestée ...»: Ministre du
Revenu national c. Kruger Inc. (précité), à la page
544 C.F.; 713 D.L.R. La contestation du requérant
porte de toute évidence sur le fond, attaquant la
compétence du Commissaire de prendre la décision
qu'il a rendue en vertu du Règlement qu'il a
invoqué.
Dans ces circonstances, et toujours en présu-
mant du bien-fondé de l'argument selon lequel il
s'agit d'une décision ministérielle, j'estime que le
requérant dispose d'au moins un argument sérieux
selon lequel le certiorari peut servir de moyen de
redressement. Évidemment, si le pouvoir est consi-
déré comme administratif, alors l'arrêt Ministre
du Revenu national c. Kruger Inc. (précité) établit
qu'une demande de certiorari peut être entendue.
V. AUCUNE CONTESTATION DE LA VALIDITÉ PAR
VOIE DE CERTIORARI
Dans le dernier point de procédure soulevé dans
leur requête en radiation, les intimés prétendent
que la demande du requérant en vue d'obtenir un
certiorari est en réalité une tentative indirecte
d'obtenir un jugement déclaratoire qui normale-
ment ne peut être obtenu que par une action et non
au moyen d'une requête introductive. Il est allégué
qu'on tente en l'espèce malgré le nouvel amende-
ment de faire invalider les paragraphes 26(1) et
(4) du Règlement sur la pension de retraite de la
GRC.
Je ne crois pas que les intimés peuvent avoir
gain de cause sur ce moyen. À ce stade-ci, il est
impossible de dire exactement ce que le requérant
soutiendra à l'audition sur le fond. En outre, il
semblerait que ce qui peut être demandé est une
conclusion sur laquelle le Règlement en question a
été appliqué à tort à la situation du requérant et
que le Commissaire n'avait pas compétence parce
qu'il s'est posé la mauvaise question. Il n'est pas du
tout évident que ces moyens invoqués pour annuler
la décision exigeraient automatiquement un juge-
ment déclaratoire selon lequel les paragraphes
visés du Règlement sur la pension de retraite de la
GRC ne sont pas valides. Enfin, les intimés concè-
dent dans leurs commentaires, doctrine et jurispru
dence (aux pages 20 et 21) que la validité d'un
Règlement peut être indirectement contestée s'il
constitue le fondement d'un acte qui peut faire
l'objet d'un certiorari.
VI. ORDONNANCE
En conséquence, la requête du requérant en vue
d'obtenir l'autorisation d'apporter un nouvel amen-
dement est accueillie et la requête en radiation
présentée par les intimés est rejetée.
Les dépens du nouvel amendement seront à la
charge du requérant et les dépens qui découlent de
la requête en radiation seront à la charge des
intimés.
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