T-2014-85
Conseil canadien des fabricants des produits du
tabac, Benson & Hedges (Canada) Inc., Imperial
Tobacco Limited, RJR -Macdonald Inc. et Roth-
mans of Pall Mall Canada Limited (requérants)
c.
Conseil national de commercialisation des pro-
duits de ferme (intimé)
Division de première instance, juge Cullen—
Ottawa, 24 et 25 septembre; Vancouver, 3 octobre
1985.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Audiences
publiques tenues par l'intimé — L'intimé a limité sa compé-
tence — L'intimé a irrégulièrement eu en sa possession des
éléments de preuve après la clôture de l'audience — Omission
de se conformer à une obligation imposée par la justice
naturelle — Loi sur les offices de commercialisation des
produits de ferme, S.C. 1970-71-72, chap. 65, art. 8(3),(5), 9.
L'intimé a tenu, dans les quatre villes les plus directement
touchées, des audiences publiques relativement à une enquête
sur le bien-fondé de la création d'un office national de commer
cialisation du tabac jaune. Lorsque le Conseil requérant
(C.C.F.P.T.) a cherché à obliger l'intimé à ordonner à la
Commission ontarienne du tabac de produire une importante
étude sur le coût de production, l'intimé a répondu que sa
politique déclarée quant à la procédure l'empêchait de le faire.
L'intimé a affirmé avec fermeté qu'il ne pouvait exiger la
comparution de témoins ni la production de documents. L'in-
timé et la Commission ontarienne ont également maintenu qu'à
l'époque en cause le rapport n'était pas terminé. Cependant,
après la clôture des audiences publiques, l'intimé a eu en sa
possession une copie de l'étude effectuée et n'a pas informé les
requérants de ce fait.
La présente demande vise à obtenir une série de brefs de
prérogative afin d'obliger la reprise d'une audience publique et
la production en preuve de l'étude sur le coût de production.
Jugement: la demande est accueillie.
Étant donné les pouvoirs prévus au paragraphe 8(5) de la
Loi, il ne fait aucun doute que le Conseil aurait pu légalement
exiger la production de l'étude sur le coût de production
effectuée en 1983 ainsi que des renseignements utilisés pour sa
rédaction. Et si le rapport n'était pas prêt lorsque le Conseil
requérant en a demandé la production pour la première fois,
l'intimé possédait le pouvoir de reporter l'audience jusqu'à ce
que ledit rapport soit prêt, d'exiger sa production et la compa-
rution des personnes qui l'ont préparé.
Il faut rejeter l'argument suivant lequel, si une audience ne
revêt pas un caractère accusatoire mais constitue plutôt une
audience ayant pour but de recueillir les faits au cours de
laquelle les parties sont encouragées à produire tous les élé-
ments de preuve qu'elles souhaitent, on ne peut ordonner aux
parties de produire ces éléments de preuve. Sont en présence
des parties qui sont en désaccord, qui ont le droit de contre-
interroger les témoins, d'examiner les documents produits et
ensuite, de faire valoir leurs arguments.
Le fait de refuser d'exiger la production d'un rapport lorsque
cet élément de preuve pourrait être crucial pour les délibéra-
tions du Conseil constitue un cas évident où le Conseil limite sa
propre compétence.
En outre, alors que le Conseil a demandé à chacune des
quatre compagnies requérantes de fournir des renseignements
détaillés, il n'en a pas fait de même pour la Commission
ontarienne.
Le dernier élément apparent d'inéquité est attribuable au fait
que, après la clôture des audiences publiques, l'intimé a eu en
sa possession une copie de l'étude mais n'a jamais eu l'intention
de révéler ce fait ni de reprendre les audiences de manière à
permettre aux requérants de la contester.
Il est évident que l'intimé ne devrait laisser aucun élément de
preuve de côté lorsque l'on considère que les renseignements
qu'il recueille, la décision qu'il prend et les recommandations
qu'il fait au Ministre ont une influence sur la liberté du marché
et sur l'avenir de l'industrie du tabac au Canada et signifient, si
la création d'un office est approuvé, des frais additionnels de
plusieurs millions de dollars pour les requérants et, en fin de
compte, pour le consommateur. Il est clair qu'on a omis de se
conformer à une obligation imposée par la justice naturelle.
I1 reste à déterminer si la Cour est légalement autorisée à
exercer le pouvoir discrétionnaire d'accorder les brefs de préro-
gative demandés. Si l'intimé n'était qu'un office recueillant des
faits, les requérants ne pourraient avoir recours aux brefs de
prérogative. L'intimé rend cependant des décisions qui auront
un effet sur les parties. Il recueille des faits, étudie des données,
rend des décisions et, finalement, fait des recommandations au
Ministre. Le juge Pigeon a dit dans l'arrêt Saulnier c. Com
mission de police du Québec: « ... quand je me rappelle que le
seul but de ces rapports est de présenter des faits et des
recommandations d'après lesquels normalement le Ministre
agira, l'argument qu'aucun droit n'a été défini et que rien n'a
été décidé est pur sophisme.»
La décision du Conseil peut, par conséquent, faire l'objet
d'un contrôle judiciaire.
Au point de vue juridique, il importe peu que l'intimé se soit
fondé ou non sur l'étude en cause.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Re Green, Michaels & Associates Ltd. et al. and Public
Utilities Board (1979), 94 D.L.R. (3d) 641 (C.S. Alb.,
Div. d'appel); Van Hul and Honkoop et al. v. P.E.I.
Tobacco Commodity Marketing Board (1985), 51 Nfld.
& P.E.I.R. 124 (C.S.Î.-P: E.); Nordenfelt v. Maxim
Nordenfelt Guns and Ammunition Company, [1984]
A.C. 535 (H.L.); Saulnier c. Commission de police du
Québec, [1976] 1 R.C.S. 572; (1975), 57 D.L.R. (3d)
545; Martineau et autre c. Comité de discipline des
détenus de l'Institution de Matsqui, [1978] 1 R.C.S. 118;
(1977), 74 D.L.R. (3d) 1; Trapp v Mackie, [1979] 1 All
ER 489 (H.L.); Edwards et al. v. Alta. Assn. of Archi
tects et al., [1975] 3 W.W.R. 38 (C.S. Alb.); Estate &
Trust Agencies (1927) Ld. v. Singapore Improvement
Trust, [1937] A.C. 898 (P.C.); Re Doyle et Commission
sur les pratiques restrictives du commerce et autres
(1984), 6 D.L.R. (4th) 407 (C.F. Appel); Mehr v. Law
Society of Upper Canada, [1955] R.C.S. 344.
DÉCISION CITÉE:
Guay v. Lafleur, [1965] R.C.S. 12; (1964), 47 D.L.R.
(2d) 226.
AVOCATS:
Michael A. Kelen pour le requérant le Conseil
canadien des fabricants des produits du tabac.
John B. Claxton, c.r., pour la requérante
Benson & Hedges (Canada) Inc.
Simon V. Potter pour la requérante Imperial
Tobacco Limited.
Georges R. Thibaudeau pour la requérante
RJR-Macdonald Inc.
Frank K. Roberts, c.r., pour la requérante
Rothmans of Pall Mall (Canada) Limited.
Brian J. Saunders, David Byer pour l'intimé
le Conseil national de commercialisation des
produits de ferme.
François Lemieux, James H. Smellie, David
Wilson pour la Commission ontarienne de
commercialisation du tabac jaune et la
Tobacco Commodity Marketing Board de
l' Île -du-Prince-Edouard.
PROCUREURS:
Michael Kelen, Ottawa, pour le requérant le
Conseil canadien des fabricants des produits
du tabac.
Lafleur, Brown, de Grandpré, Montréal, pour
la requérante Benson & Hedges (Canada)
Inc.
Ogilvy, Renault, Montréal, pour la requé-
rante Imperial Tobacco Limited.
Doheny MacKenzie, Montréal, pour la requé-
rante RJR-Macdonald Inc.
Smith, Lyons, Torrance, Stevenson & Mayer,
Toronto, pour la requérante Rothmans of Pall
Mall (Canada) Limited.
Le sous -procureur général du Canada pour
l'intimé le Conseil national de commercialisa
tion des produits de ferme.
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour la Commis
sion ontarienne de commercialisation du
tabac jaune et la Tobacco Commodity Marke
ting Board de l'Île -du-Prince-Edouard.
Honeywell, Wotherspoon, Ottawa, pour
Simcoe Leaf Tobacco Co. Ltd., Dibrell Bro
thers of Canada Ltd. et Standard Commercial
Tobacco Company of Canada Ltd.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE CULLEN: La présente demande vise à
obtenir une série de brefs de prérogative qui
auront pour effet d'obliger la reprise d'une
audience publique et la production en preuve d'une
étude sur le coût de production effectuée par
Touche, Ross en 1983, relativement à une enquête
sur le bien-fondé de la création d'un office national
de commercialisation du tabac jaune.
Le 15 octobre 1984, la Commission ontarienne
de commercialisation du tabac jaune (la Commis
sion ontarienne du tabac) a présenté à l'intimé un
document de 64 pages proposant la création, en
vertu des dispositions de la Loi sur les offices de
commercialisation des produits de ferme [S.C.
1970-71-72, chap. 65] (la Loi), d'un office cana-
dien de commercialisation du tabac jaune.
Aux environs du 12 février 1985, la Commission
ontarienne du tabac et la Tobacco Commodity
Marketing Board de l'Île-du-Prince -Edouard ont
ajouté un appendice à la proposition et l'ont pré-
senté à l'intimé. Cet appendice porte notamment
que les planteurs de tabac de l'Ontario reçoivent
pour leur produit un prix inférieur à la somme du
coût de production et d'un bénéfice raisonnable et
que les planteurs de tabac ont retenu les services
de Touche, Ross & Associés pour effectuer «une
évaluation indépendante» de la question. L'appen-
dice porte plus précisément:
[TRADUCTION] La Commission ontarienne a retenu les services
de Touche, Ross & Associés pour effectuer une évaluation
indépendante de la question. Touche, Ross & Associés a conclu
que les planteurs de tabac jaune de l'Ontario ont reçu en 1983
un prix moyen minimum qui était inférieur au coût de produc
tion de leur récolte plus un bénéfice raisonnable.
Vers le 7 janvier 1985, l'intimé a publié dans la
Gazette du Canada, dans des journaux et dans des
journaux agricoles un avis d'audience publique
concernant l'enquête susmentionnée. L'enquête
devait avoir une portée assez générale. L'avis indi-
quait notamment:
L'audience a pour objet de déterminer le bien-fondé de la
création d'un office et de savoir si la production et la commer
cialisation du tabac seraient mieux servies par le recours à un
office créé en vertu de l'article 18 de la Loi sur les offices de
commercialisation des produits de ferme.
Pour atteindre cet objectif, le jury du Conseil devra inclure les
éléments suivants dans son enquête:
a) une évaluation de la situation actuelle des producteurs
canadiens de tabac et des effets potentiels que l'établis-
sement d'un office national pourrait avoir sur eux;
b) une analyse des problèmes actuels du secteur du tabac et
des effets potentiellement stabilisateurs et bénéfiques
que la création d'un office pourrait avoir;
c) une détermination de la possibilité d'assurer que sous la
régie d'un office, les consommateurs seront sûrs d'obte-
nir un approvisionnement régulier de produits de qualité
à un prix raisonnable;
d) le degré de collaboration fédérale-provinciale requise
pour appliquer le plan de commercialisation proposé;
e) une étude des conditions, des assertions et de l'avant-
projet de commercialisation contenus dans le projet
actuellement à l'étude;
f) une évaluation de la situation pour savoir s'il faudrait
imposer des restrictions sur les activités d'un office de
commercialisation du tabac ou sur l'un ou l'autre des
pouvoirs conférés par les dispositions de l'article 23 de la
Loi.
L'avis d'audience invitait les personnes intéres-
sées à faire parvenir leurs présentations par écrit
au plus le tard le ler mars 1985, et quelque 61
présentations de ce genre ont été déposées. Parmi
celles-ci, on trouvait la présentation des requé-
rants. Le Conseil canadien des fabricants des pro-
duits du tabac (C.C.F.P.T.) est une société cana-
dienne sans but lucratif constituée en vertu de la
Loi sur les corporations canadiennes [S.R.C.
1970, chap. C-32]. Le C.C.F.P.T. a été admis à
l'audience publique tenue par l'intimé en qualité
d'intervenant et de mandataire de ses quatre com-
pagnies membres: Benson & Hedges (Canada)
Inc., Imperial Tobacco Limited, RJR -Macdonald
Inc. et Rothmans of Pall Mali Canada Limited.
Ces quatre compagnies achètent, soit directement
soit par l'intermédiaire de leurs responsables des
achats, pratiquement tout le tabac cultivé au
Canada et fabriquent plus de 98%® des cigarettes et
du tabac à cigarette vendus au Canada.
Dans sa présentation à l'intimé, en date du Zef
mars 1985, la Commission ontarienne du tabac
mentionnait comme premier élément que [TRA-
DUCTION] «les planteurs de l'Ontario ont réalisé
des recettes inférieures au coût de production du
tabac au cours de huit des neuf dernières années».
Les requérants ont remis à l'intimé un exposé
très complet et, comme le dit le secrétaire du
C.C.F.P.T., M. Christopher Seymour, dans son
affidavit déposé à l'appui de la demande, il s'agis-
sait d'une présentation [TRADUCTION] «analysant
les problèmes actuels de l'industrie du tabac et
remettant en cause l'allégation suivant laquelle les
producteurs de tabac de l'Ontario ne reçoivent pas
pour leur tabac un prix égal à la somme du coût de
production du tabac plus un bénéfice raisonnable».
M. Seymour souligne également que [TRADUC-
TION] «L'intimé a demandé à chacune des quatre
compagnies de tabac de fournir des renseigne-
ments détaillés avant et pendant l'audience publi-
que (c'est moi qui souligne). Les compagnies ont
recueilli lesdits renseignements et les ont remis à
l'intimé comme il le leur avait demandé.»
Les audiences ont été tenues à London (Onta-
rio), à Charlottetown (Î. -P. -E.), à Montréal
(Québec) et à Ottawa (Ontario) du 16 avril 1985
au 31 mai 1985.
Il semblerait ressortir de l'affidavit de M. Sey-
mour que les règles de la justice naturelle ont été
suivies. Un avis d'audience publique a été publié
dans divers périodiques; 61 parties ont présenté des
exposés; les audiences ont été tenues dans les
quatre villes les plus directement concernées et,
comme le dit M. Seymour au paragraphe 13 de
son affidavit:
[TRADUCTION] Tout au cours de l'audience publique tenue
devant le jury d'enquête, la Commission ontarienne du tabac et
les requérants étaient représentés par des avocats; la preuve a
été administrée à l'aide des questions qui ont été posées à des
dizaines de témoins, qui avaient prêté serment de dire la vérité,
et de leurs réponses à celles-ci; l'avocat de la Commission
ontarienne du tabac a présenté sa preuve et les avocats des
requérants ont procédé au contre-interrogatoire des témoins. En
réponse, les avocats des requérants ont cité des témoins dûment
assermentés qui ont été à leur tour contre-interrogés par l'avo-
cat de la Commission ontarienne du tabac et par d'autres
intervenants. Le jury d'enquête a tenu ses audiences publiques
conformément aux «Règles de procédure du Conseil national de
commercialisation des produits de ferme relatives à la tenue
d'audiences en vertu de l'article 8 de la Loi».
Selon les requérants, toutefois, il y a eu déni de
justice naturelle parce que l'intimé a excédé sa
compétence, a violé les règles de la justice natu-
relle et n'a pas rempli son obligation d'agir équita-
blement. Les requérants ont soutenu que l'intimé a
limité sa compétence et a manqué à son obligation
d'informer les parties.
La Loi prévoit que la tenue d'une audience
publique est obligatoire lorsqu'une enquête est
ordonnée. Conformément au paragraphe 8(3) de la
Loi, le président du Conseil a nommé des membres
du Conseil pour qu'ils tiennent les audiences publi-
ques au nom de celui-ci, et le jury ainsi constitué
possédait tous les pouvoirs d'une commission
formée en vertu de la Partie I de la Loi sur les
enquêtes [S.R.C. 1970, chap. I-13]. (Voir le para-
graphe 8(5) de la Loi.) Ce jury fait rapport au
Conseil. L'article 9 de la Loi exige que le Conseil
publie un avis de toute audience publique, et il
indique la marche à suivre pour ce faire. L'article
10 prévoit que le Conseil ou le jury «peut établir
des règles relatives à la conduite des audiences
publiques».
Il ne fait aucun doute que le Conseil ou le jury
était habilité à exiger la comparution de témoins et
la production de documents. La Loi sur les enquê-
tes prévoit aussi une sanction pour les personnes
qui omettent de respecter les pouvoirs du Conseil
ou du jury. Incidemment, les règles de procédure
du Conseil national de commercialisation des pro-
duits de ferme sont très complètes en ce qui con-
cerne la tenue des audiences, et j'y reviendrai plus
loin.
J'ai souligné plus haut la phrase suivante tirée
de l'appendice ajouté à la demande originale:
[TRADUCTION] «et que les producteurs de tabac
ont retenu les services de Touche, Ross & Associés
pour effectuer une évaluation indépendante de la
question».
Même si l'intimé et la Commission ontarienne
du tabac ont maintenu que le rapport de Touche,
Ross & Associés n'a pas été terminé avant le 25
juin 1985, la Commission ontarienne du tabac
était prête à déclarer catégoriquement le 12 février
1985 que [TRADUCTION] «Touche, Ross & Asso-
ciés a conclu que les planteurs de tabac jaune de
l'Ontario ont reçu en 1983 un prix moyen mini
mum qui était inférieur au coût de production de
leur récolte plus un bénéfice raisonnable».
Les requérants sont arrivés à une conclusion
tout à fait contraire dans leur exposé. Il n'est donc
pas étonnant que le premier jour de l'audience
tenue à London, le 16 avril 1985, le C.C.F.P.T. ait
présenté une requête en vue d'obtenir une ordon-
nance exigeant:
[TRADUCTION] ... que la Commission ontarienne produise
l'étude sur le coût de production effectuée par Touche, Ross, à
temps pour permettre aux fabricants de l'examiner aux fins de
la présente enquête.
C'est alors que s'est produit un événement inha-
bituel, à mon avis. Sans se prononcer sur la
requête, le président a laissé entendre à l'avocat de
la Commission ontarienne de commercialisation
que [TRADUCTION] «le problème pourrait être
résolu en partie si vous (il s'adressait alors à
l'avocat de la Commission ontarienne du tabac)
vouliez bien examiner la possibilité de retirer de
votre présentation cette phrase (le renvoi à l'étude
COP effectuée en 1983 par Touche, Ross). Elle
représente un moyen d'obliger les autres parties
concernées à essayer de deviner ce que vous vouliez
dire. Elle est mentionnée dans la déclaration d'in-
suffisance ...»
Il n'était donc pas étonnant que l'avocat de la
Commission ontarienne du tabac ait informé ver-
balement le jury d'enquête qu'il radiait son renvoi
à l'étude COP de 1983 dans l'appendice joint à la
proposition. Pour être juste, il faut dire qu'après
avoir pris cette mesure, l'avocat de la Commission
ontarienne du tabac a déclaré: [TRADUCTION]
«Toutefois, M. le président, puisque nous fondons
les déclarations et les suggestions contenues dans
la proposition sur deux études qui ont été déposées
en preuve et sur les mises à jour effectuées par la
Commission ontarienne en ce qui concerne l'écart
coût/prix, je suis disposé à déposer devant le jury
sous la cote O.B.4 les chiffres pour l'année 1983
calculés par la Commission ontarienne sur le fon-
dement de l'étude Fisher. En un sens, cela élimine
la nécessité de faire un renvoi à 1983 et comprend
ce qui servait de fondement à notre déclaration
quant à 1983 pour ce qui est de l'écart prix/coût
... Il s'agit des coûts mis à jour selon Fisher.» La
Commission ontarienne du tabac était aussi d'avis
que l'étude n'était pas terminée et qu'elle prendrait
fin en juin 1985, quelque temps après la clôture
des audiences.
La situation prend une tournure inattendue, à la
O. Henry, car avant le commencement des audien
ces publiques, l'intimé avait envoyé à la Commis
sion ontarienne du tabac un «avis d'insuffisance»
portant que ses documents étaient insuffisants
parce qu'elle n'avait pas fourni de copie de l'Étude
COP effectuée en 1983 (c'est moi qui souligne).
Les requérants ont essayé d'adopter une autre
méthode en déposant devant le jury d'enquête une
requête qui a été entendue le 10 mai 1985 et qui
visait à obtenir une ordonnance enjoignant à la
Commission ontarienne du tabac de produire tous
les documents utilisés par Touche, Ross pour cal-
culer un coût de production pour 1983. La requête
a été rejetée et le jury d'enquête a refusé de
contraindre la production de ces éléments de
preuve.
Dans sa décision le jury soulignait que [TRA-
DUCTION] «personne ne fait l'objet d'un procès
dans ces procédures. Il n'y a ni demandeurs ni
défendeurs. Cette audience a pour but de recueillir
les faits, et les parties qui y participent sont encou
ragées à produire tous les arguments et les élé-
ments de preuve qu'elles souhaitent (c'est moi qui
souligne) soumettre au jury, et elles peuvent être
contre-interrogées sous serment>. Ce n'est pas tout
à fait exact. Comme je l'ai déjà dit plus haut,
malgré un exposé très complet que les requérants
étaient manifestement disposés à invoquer à l'ap-
pui de leur position, l'intimé a exigé que les quatre
compagnies de tabac produisent, avant et pendant
l'audience publique, des renseignements détaillés
et les compagnies ont recueilli lesdits renseigne-
ments et les ont remis à l'intimé! -
Si on examine les règles de procédure du Con-
seil, signées par son président, on trouve ce qui suit
à la Règle 43:
A moins d'ordre contraire du Conseil, l'ordre de comparution à
une audience publique est le suivant:
a) le requérant;
b) le répondant;
c) les intervenants;
d) les autres personnes intéressées; et
e) le requérant en réplique.
S'il n'y a ni demandeurs ni défendeurs il y a
certainement, par contre, des requérants, des
répondants, des intervenants et un droit de répli-
que conféré au requérant. Sont en présence des
parties qui sont en désaccord, qui ont droit de
contre-interroger les témoins et d'examiner les
documents écrits produits et ensuite, de faire valoir
leurs arguments.
Les Règles de procédure du Conseil contiennent
aussi une rubrique intitulée:
Ordonnances et décisions
44. Le Conseil peut approuver, rejeter ou modifier une requête,
en tout ou en partie, ou, plus généralement, rendre des ordon-
nances ou des décisions quant aux questions et aux conclusions
reliées, à l'objet de l'audience, qu'une requête ait été présentée
ou non, et il peut accorder tout redressement en plus ou en
remplacement de celui demandé, qu'il estime juste et raisonna-
ble dans les circonstances.
45. Le Conseil peut donner verbalement ou par écrit les motifs
de ses ordonnances ou de ses décisions.
46. Toute décision du Conseil entre en vigueur le jour où elle
est rendue, à moins d'indication contraire dans la décision.
Un dernier développement en ce qui concerne
l'Étude COP effectuée en 1983 est allégué par M.
Seymour dans son affidavit et corroboré dans l'af-
fidavit de Robin M. R. Smith, agronome de la ville
de Vancouver. Dans son affidavit, M. Seymour
déclare qu'il a été informé par Robin Smith, et
qu'il [TRADUCTION] «le croi[t], que l'Étude COP
effectuée en 1983 par Touche, Ross et Associés,
intitulée "Cost of Production of Ontario Flue -
Cured Tobacco" (Étude sur le coût de production
du tabac jaune en Ontario) et datée de juin 1985,
a été remise à l'intimé après la clôture des audien
ces publiques.» M. Smith affirme dans son
affidavit:
[TRADUCTION] 1. Je suis un expert des renseignements sur le
coût de production (C.O.P.) des produits de ferme, et j'ai
comparu en qualité d'expert sur le C.O.P. à une audience
publique du Conseil national de commercialisation des produits
de ferme (C.N.C.P.F.) relativement à une enquête sur l'oppor-
tunité de la création d'un office national de commercialisation
du tabac.
2. En tant qu'expert du C.O.P., je communique périodiquement
avec des personnes travaillant pour le C.N.C.P.F. J'ai eu des
discussions avec Harry E. Halliwell, conseiller en économie du
C.N.C.P.F., et il a admis que le C.N.C.P.F. a obtenu l'étude
sur le coût de production effectuée en 1983 par Touche, Ross et
Associés intitulée «Cost of Production of Ontario Flue -Cured
Tobacco» et datée de juin 1985, après la clôture des audiences
publiques.
M. Seymour laisse entendre dans son affidavit
que le rapport [TRADUCTION] «a été remis» alors
que M. Smith suggère pour sa part dans son
affidavit qu'il a été [TRADUCTION] «obtenu». Plus
loin, la preuve indique (pièce 6, affidavit de M.
Seymour) que l'avocat des fabricants de produits
du tabac a écrit au président du Conseil pour lui
faire savoir que ses clients avaient appris que
l'Étude COP de 1983 avait été [TRADUCTION]
«soumise» (pour reprendre les termes de l'avocat)
au C.N.C.P.F., et pour lui en demander une copie
[TRADUCTION] «la lettre explicative des planteurs
ontariens adressée au C.N.C.P.F. devant suivre
l'envoi de l'étude». (Pour reprendre encore une fois
les termes de l'avocat.) Il a aussi demandé la
reprise de l'audience de manière à ce que les
fabricants de produits du tabac puissent présenter
leurs arguments quant à ladite étude.
Même s'il n'y a pas eu de réponse écrite à cette
lettre, la preuve indique que M. Harry Halliwell,
un haut fonctionnaire du C.N.C.P.F., a informé
l'avocat des fabricants de produits du tabac qu'une
décision de reprendre l'audience publique ne pour-
rait pas être prise avant la tenue d'une réunion de
l'intimé et qu'elle ne pourrait probablement pas
avoir lieu avant la date envisagée pour la remise du
rapport de l'intimé au ministre de l'Agriculture. Il
n'y a ni démenti ni confirmation de la réception de
l'Etude COP de 1983. Il me semble toutefois que
si l'intimé ne possédait pas le rapport, le président
ou M. Halliwell aurait pu le dire ouvertement et
qu'il n'aurait pas été nécessaire d'examiner la pos-
sibilité de reprendre l'audience, puisque la
demande reposait uniquement sur la possession du
rapport par l'intimé après la clôture des audiences
publiques. Les faits sont assez simples.
Étant donné les pouvoirs prévus au paragraphe
8(5) de la Loi, il ne fait aucun doute que le jury
aurait pu légalement exiger la production de
l'Étude COP de 1983 et des renseignements utili-
sés pour sa rédaction. Si le rapport n'était pas prêt
en juin 1985, le jury possédait tous les pouvoirs
nécessaires pour reporter l'audience jusqu'à ce que
ledit rapport soit prêt et ensuite, pour exiger sa
production et la comparution des personnes qui,
chez Touche, Ross, l'avaient préparé. Cependant,
le jury n'a pu prendre de telles mesures en raison
de sa politique déclarée quant à la procédure. En
refusant d'exiger la production des renseignements
utilisés pour la préparation de l'Étude COP de
1983, le président du jury a dit dans sa décision:
[TRADUCTION] Toutes les parties ont reçu un traitement égal à
cet égard, et les demandes antérieures visant à obtenir la
comparution des parties et la production de la preuve ont été
rejetées.
Le jury s'est placé lui-même dans une situation
difficile parce que cette politique l'empêchait d'ob-
tenir un rapport sur lequel le président a fait les
observations suivantes:
[TRADUCTION] Le Conseil et les fabricants ne s'entendent pas
quant à la question de savoir si les travaux effectués sur l'étude
des coûts de production pour 1983 sont pertinents pour les
présentes procédures. Le jury est d'avis que tout renseignement
qui illustrerait comment l'office projeté fonctionnerait pour le
bénéfice des producteurs ou des consommateurs serait utile
dans ses délibérations ... Pour les motifs déjà indiqués, le jury
déplore la décision de la Commission ontarienne (c'est-à-dire de
ne pas présenter des arguments fondés sur l'Étude de 1983 et
de refuser de répondre à toute question sur cette Étude) et
estime que cette omission constitue une occasion manquée de
contribuer de manière significative à atteindre son objectif qui
est d'aider le jury à comprendre comment l'office projeté
permettrait d'améliorer la situation dans l'industrie du tabac.
Le jury a toutefois pour politique de laisser les parties choisir
les arguments et les preuves corroborantes qu'elles souhaitent
présenter à l'audience. (C'est moi qui souligne.)
Peut-il exister un cas plus évident de jury limi-
tant sa propre compétence? De son propre aveu, il
estimait que l'étude [TRADUCTION] «contribuer-
[ait] de manière significative à atteindre son
objectif».
Dans Re Green, Michaels & Associates Ltd. et
al. and Public Utilities Board (1979), 94 D.L.R.
(3d) 641 (C.S. Alb., Div. d'appel), le juge d'appel
Clement a dit, après avoir commenté le pouvoir de
la Commission d'établir des directives, à la page
654:
[TRADUCTION] En affirmant ceci, j'exclus toutefois les direc
tives qui auraient pour effet de déterminer à l'avance l'exercice
d'un pouvoir discrétionnaire. Des directives de ce genre consti-
tueraient manifestement une restriction invalide apportée au
pouvoir discrétionnaire si elles étaient appliquées.
En l'espèce, le jury était déterminé à ne pas
exiger la comparution de témoins et la production
de documents. Cela étant déterminé à l'avance, les
requérants ou l'intimé étaient en mesure de pro-
duire des éléments de preuve pouvant être cruciaux
pour les délibérations du jury.
De plus, il ne peut faire aucun doute qu'il y a eu
inéquité réelle et apparente. La suggestion par le
président de supprimer de l'appendice le renvoi à
l'Étude COP de 1983 est selon moi inappropriée.
La «politique déclarée» du jury, qui lui liait les
mains de sorte qu'il ne pouvait obtenir une étude
qui, croyait-il, «contribuerait de manière significa-
tive», était sûrement injuste pour ceux qui étaient
au courant de l'étude mais ne pouvaient l'obtenir,
ni recevoir de réponses à leurs questions, ni procé-
der à des contre-interrogatoires et ni présenter des
contre-preuves.
Encore une fois, même si la présentation des
fabricants de produits du tabac était très complète,
lorsque le jury a demandé aux quatre compagnies
de tabac, avant et pendant l'audience publique, de
lui fournir des renseignements détaillés, [TRADUC-
TION] «les compagnies ont recueilli les renseigne-
ments demandés et les ont remis à l'intimé comme
il le leur avait demandé». Il ne semble pas que la
même méthode ait été suivie quant à la Commis
sion ontarienne du tabac.
Le dernier élément apparent d'inéquité était
cependant que, après la clôture des audiences
publiques, l'intimé avait en sa possession une copie
de l'étude effectuée par Touche, Ross et n'avait
pas l'intention d'informer les parties de ce fait, ni
aucune intention de reprendre l'audience de
manière à permettre aux fabricants de produits du
tabac de «s'y attaquer».
Le rapport qui devait être présenté au Ministre
a-t-il eu un effet direct ou indirect sur les droits de
l'intimé? Voici ce que dit le juge McQuaid, dans
Van Hul and Honkoop et al. v. P.E.I. Tobacco
Commodity Marketing Board (1985), 51 Nfld. &
P.E.I.R. 124 (C.S.Î.-P.-E.), sur le droit au libre
marché [aux pages 129 et 130], après avoir com
menté puis mentionné les remarques du lord juge
Macnaghten dans Nordenfelt v. Maxim Norden-
felt Guns and Ammunition Company, [1894] A.C.
535 (H.L.):
[TRADUCTION] Bien qu'en quelque sorte étranger au climat
socio-économique dans lequel nous vivons actuellement, le prin-
cipe fondamental de l'économie de marché repose sur un
marché libre, que ne restreint aucune réglementation gouverne-
mentale. Lorsqu'on considère les implications de tout plan de
mise en marché, dont l'objet est le contrôle ou la réglementa-
tion de la liberté du marché, il faut toujours commencer par un
principe fondamental et travailler à partir de celui-ci.
Cette démarche a été confirmée, notamment, par la Cour
d'appel de notre province dans son arrêt Re Prince Edward
Island Retail Gasoline Dealers Association (1982), 37 Nfld. &
P.E.I.R. 46; 104 A.P.R. 46. Voici un extrait de cette décision, à
la p. 50:
«Le principe de common law applicable a été clairement
énoncé dans la décision classique Nordenfelt v. Maxim Nor-
denfelt Guns and Ammunition Co., [1894] A. C. 535, dans
laquelle lord juge Macnaughten a dit:
"Le public a intérêt à ce que chacun exerce son métier
librement; l'individu aussi. Toute entrave à la liberté d'ac-
tion commerciale, et toutes les restrictions commerciales
elles-mêmes, si rien ne vient s'y ajouter, sont contraires à
l'ordre public et donc nulles. C'est là la règle générale.
Mais il y a des exceptions: la limitation du commerce et
l'entrave à la liberté individuelle d'action peuvent être
justifiées par les faits de l'espèce."
«L'autorité législative peut toujours restreindre ce principe
général de common law par législation lorsqu'elle estime
appropriée de le faire, et ainsi limiter la liberté d'action
individuelle. Toutefois, toute loi qui prétend modifier ce qui
jusqu'alors faisait partie de la common law, comme le droit
de commercer librement, doit indiquer clairement et distinc-
tement cette intervention, et en l'absence de déclaration
d'intention précise et sans ambiguïté dans la loi, on ne peut
présumer que, par déduction ou autrement, la common law
doit être modifiée. (Craies on Statute Law (5' éd.), p.
114-115; p. 310; Leach v. Rex, [1912] A.C. 305, à la p.
311).»
Cela exige donc une interprétation stricte et étroite, par
opposition à une interprétation libérale et large, de toute loi
dont l'objet apparent est la limitation du principe de common
law du libre marché. Il y a bien sûr un corollaire à cela: lorsque
l'organe exécutif du gouvernement, le Conseil exécutif, cherche,
par décret, à adopter des règlements ou à déléguer des pouvoirs
et des attributions, en application des dispositions d'une législa-
tion, il doit être clairement perçu comme agissant strictement
dans les limites étroites de cette législation, interprétée stricte-
ment. Et il s'ensuit, avec plus de rigueur encore, que tout
tribunal administratif auquel un pouvoir ou une autorité a été
délégué par l'organe exécutif, n'exerce que les attributions
limitées dont il a été investi, dans les limites de la législation
habilitante. Il n'y a pas de présomption légale en faveur du
droit pour un tribunal administratif d'imposer son autorité à
l'individu; lorsque celle-ci est mise en cause, c'est le tribunal en
question qui a la charge de montrer qu'il agit clairement non
seulement dans le cadre des pouvoirs que confère la loi, mais
aussi, tout aussi clairement, dans celui des attributions qui lui
sont déléguées.
Compte tenu de cette conception correcte de
l'économie de marché et des restrictions prévues
par la loi, l'intimé a une responsabilité très impor-
tante dans cette situation. L'avenir de l'industrie
du tabac est peut-être en jeu et la manière dont ce
secteur fonctionnera dans l'avenir sera probable-
ment déterminée par l'intimé grâce aux renseigne-
ments ou aux faits qu'il recueille, aux décisions
qu'il prend et aux recommandations qu'il fait au
Ministre.
Les requérants devront débourser plusieurs mil
lions de dollars en frais additionnels si la création
de l'office est approuvée et, évidemment, c'est le
consommateur qui paiera en fin de compte ces
frais ou une bonne partie de ceux-ci. Le consom-
mateur pourrait aussi être touché si le prix mon-
dial était sensiblement moins élévé que le prix fixé
par l'office car alors, tous les contribuables cana-
diens, qu'ils soient fumeurs ou non-fumeurs,
devraient contribuer au paiement de subventions.
Je mentionne ce fait pour faire ressortir qu'aucun
élément de preuve revêtant une «importance signi-
ficative» ne devrait être laissé de côté; en fait,
l'intimé devrait exiger leur production.
Étant donné que nous traitons en l'espèce de
pouvoirs conférés par la loi, aucune cour ne peut ni
ne veut substituer ses décisions à celles de l'intimé.
Mais lorsqu'on a omis de se conformer à une
obligation imposée par la justice naturelle, ou lors-
qu'un tribunal n'a pas rempli son obligation d'agir
équitablement, a limité sa compétence ou encore, a
refusé d'exercer les pouvoirs qui lui sont conférés,
il incombe à la Cour de l'indiquer et de prendre ses
responsabilités. En l'espace, étant donné que le
jury a limité ses pouvoirs bien avant la tenue de
l'audience, qu'il n'a pas utilisé les pouvoirs qui lui
ont été conférés par le législateur, qu'il a exigé
d'un participant et non de l'autre la production de
renseignements détaillés, qu'il a recommandé une
marche à suivre à l'avocat de la Commission onta-
rienne du tabac, et qu'il a eu en sa possession,
après la clôture de l'audience, le rapport préparé
par Touche, Ross, et a omis d'en informer les
parties ou de reprendre l'audience, il est clair qu'il
s'agit d'un cas où une obligation imposée par la
justice naturelle n'a pas été remplie.
Même si, comme je l'ai dit plus haut, les brefs
de prérogative sont accordés à la discrétion de la
Cour, celle-ci doit être convaincue qu'elle est léga-
lement autorisée à exercer ledit pouvoir discrétion-
naire. L'ouvrage intitulé Administrative Law
Cases, Text, and Materials rédigé par J. M.
Evans, H. N. Janisch, D. J. Mullan et R. C. B.
Risk et publié en 1980 par Emond-Montgomery
Limited, porte à la page 857:
[TRADUCTION] ... le recours au mandamus pour obtenir le
respect des règles de la justice naturelle est un phénomène
commun.
De la même manière en ce qui concerne le
certiorari, nous voyons se développer ce que l'avo-
cat des requérants a appelé [TRADUCTION] «l'effet
Saulnier», faisant allusion à l'arrêt Saulnier c.
Commission de police du Québec, [1976] 1 R.C.S.
572; (1975), 57 D.L.R. (3d) 545 où la Cour
suprême a établi une distinction entre cet arrêt et
l'arrêt Guay v. Lafleur, [1965] R.C.S. 12; (1964),
47 D.L.R. (2d) 226.
Dans l'arrêt Saulnier, le juge Pigeon a approuvé
et cité à la page 579 R.C.S.; 550 D.L.R. le juge-
ment dissident du juge d'appel Rinfret:
[TRADUCTION] Je crois que le cas de Lafleur se distingue
clairement de celui que l'on examine actuellement. Dans
Lafleur, la Cour suprême avait à considérer la Loi de l'impôt
sur le revenu fédérale—ici il s'agit d'une loi du Québec. Dans
cette affaire-là, on devait décider de l'application de la doctrine
audi alteram partem: en l'espèce, l'art. 24 de la Loi l'énonce
expressément. Enfin on y mentionnait [à la page 229] que
[TRADUCTION] « ... l'appelant n'a aucun pouvoir de définir les
droits et obligations de cette personne (l'intimé)». A mon avis,
l'appelante (c.-à-d. la commission) a précisément agi en ce sens.
L'appelante a rendu une décision qui peut nuire beaucoup à
la réputation et l'avenir de l'intimé sinon les détruire. Quand je
lis les premier et quatrième considérants et les conclusions de la
sixième recommandation et quand je me rappelle que le seul
but de ces rapports est de présenter des faits et des recomman-
dations d'après lesquels normalement le Ministre agira, l'argu-
ment qu'aucun droit n'a été défini et que rien n'a été décidé est
pur sophisme.
Dans l'arrêt Martineau et autre c. Comité de
discipline des détenus de l'Institution de Matsqui,
[1978] 1 R.C.S. 118; (1977), 74 D.L.R. (3d) 1, le
juge Pigeon dit aux pages 132 et 133 R.C.S.; 11 et
12 D.L.R.:
Dans l'arrêt Saulnier, on demandait un bref d'évocation,
équivalant à un bref de certiorari, en vertu de l'art. 846 du
C.p.c. L'article 24 de la Loi de police, 1968 (Qué.), c. 17,
énonce comme suit le devoir de la Commission de police d'agir
de façon judiciaire:
La Commission ne peut, dans ses rapports, blâmer la
conduite d'une personne ou recommander que des sanctions
soient prises contre elle à moins de l'avoir entendue sur les
faits qui donnent lieu à un tel blâme ou à une telle recom-
mandation. Toutefois cette obligation cesse si cette personne
a été invitée à se présenter devant la Commission dans un
délai raisonnable et si elle a refusé ou négligé de le faire.
Cette invitation est signifiée de la même façon qu'une assi
gnation en vertu du Code de procédure civile.
Cependant, la majorité de la Cour d'appel avait jugé que la
Commission n'était pas tenue d'agir de façon judiciaire, en se
fondant sur l'opinion de cette Cour dans l'arrêt Guay c. Lafleur
([(1964), 47 D.L.R. (2d) 226 à la p. 228], [1965] R.C.S. 12), à
la p. 18:
[TRADUCTION] ... la maxime «audi alteram partent» ne
s'applique pas à un agent d'administration dont la fonction
consiste simplement à recueillir des renseignements et à faire
un rapport et qui n'a aucunement le pouvoir d'imputer une
responsabilité ni de rendre une décision portant atteinte aux
droits des parties.
Cette Cour a statué à l'unanimité que le rôle de la Commission
de police ne se limite pas à recueillir des renseignements et faire
un rapport mais que ce rapport qui peut avoir des suites, portait
atteinte aux droits du requérant. L'examen judiciaire a été
accordé non seulement parce qu'il existait un devoir d'agir de
façon judiciaire mais également parce que la décision portait
atteinte aux droits du requérant. Au risque de me répéter, cela
ne signifie pas que chaque fois qu'une décision porte atteinte
aux droits d'un requérant, il existe un devoir d'agir de façon
judiciaire.
Les éléments nécessaires pour un contrôle judi-
ciaire sont aussi énoncés dans l'affaire Trapp y
Mackie, [ 1979] 1 All ER 489 (H.L.).
Je cite également le sommaire de l'arrêt
Edwards et al. v. Alta. Assn. of Architects et al.,
[1975] 3 W.W.R. 38 (C.S. Alb.):
[TRADUCTION] Le conseil de l'association intimée a décidé que
son comité d'orientation professionnelle «procédera à une
audience en bonne et due forme» au sujet d'une plainte
portée contre les requérants qui sont membres de l'associa-
tion. Le conseil n'a toutefois pas suivi certaines procédures
énoncées dans les règlements internes de l'association qui
prévoyaient clairement qu'elles devaient oligatoirement être
suivies avant la tenue d'une audience en bonne et due forme.
Les requérants ont présenté une demande afin d'obtenir une
ordonnance interdisant la tenue de l'audience ordonnée par le
conseil et on a prétendu qu'il n'y avait pas lieu d'accorder
une ordonnance de prohibition parce que le comité d'orienta-
tion professionnelle n'était pas habilité à rendre une décision
finale sur les droits des requérants.
Jugement: les recommandations du comité d'orientation profes-
sionnelle faites au conseil à la suite de la tenue d'une
audience en bonne et due forme avaient une telle importance
qu'on pouvait affirmer sans se tromper que le comité «s'était
prononcé» sur les droits des membres dont le comportement
faisait l'objet de l'enquête; en outre, le comité avait l'obliga-
tion d'agir de façon judiciaire.
Tout comme l'avocat en l'espèce, l'avocat de
l'Association avait fait valoir avec vigueur que [à
la page 48]:
[TRADUCTION] ... il n'y a pas lieu à une ordonnance de
prohibition parce que le comité d'orientation professionnelle
n'est pas habilité, lorsqu'il agit en vertu de la procédure de
plainte ou autrement, à rendre une décision finale sur les droits
des requérants.
Le jugement cite et approuve lord Maugham dans
l'affaire Estate & Trust Agencies (1927) Ld. v.
Singapore Improvement Trust, [1937] A.C. 898
(P.C.), à la page 917:
[TRADUCTION] Une procédure n'en demeure pas moins une
procédure judiciaire qui peut faire l'objet d'une ordonnance de
prohibition ou d'un certiorari parce qu'elle doit être approuvée
ou confirmée par une autre autorité.
Les redressements demandés sont laissés au pou-
voir d'appréciation de la Cour. Si l'intimé n'était
qu'un office recueillant des faits, les requérants ne
pourraient avoir recours aux brefs de prérogative.
De plus, si on accepte le point de vue de l'avocat de
l'intimé, le rôle de l'intimé est tout au plus de
recueillir des faits et de faire des recommanda-
tions, et parce qu'il ne rend aucune décision finale,
les brefs sont sans objet.
Il est évident cependant que l'intimé rend des
décisions qui auront un effet sur les parties. À mon
avis, l'intimé recueille des renseignements ou des
faits, étudie ces données, rend des décisions et
transmet ensuite ses recommandations au Minis-
tre. Tout le monde s'entend pour dire que si la
Commission ontarienne du tabac peut démontrer à
la satisfaction de l'intimé que le prix reçu par les
fermiers est inférieur au coût de production de sa
récolte plus un bénéfice raisonnable, ce fait servira
de fondement à une recommandation au ministre
de l'Agriculture.
Dans l'arrêt Re Doyle et Commission sur les
pratiques restrictives du commerce et autres
(1984), 6 D.L.R. (4th) 407, une décision de la
Cour d'appel fédérale, le juge Le Dain dit [aux
pages 410 et 411]:
Ainsi, la Commission estime que quatre des cinq alléga-
tions de fraude particulières présentées par l'inspecteur sont
fondées. Cela suffit, comme le mentionne l'article 114(27) de
la Loi sur les corporations canadiennes, «dans l'intérêt du
public», à «demander au Ministre d'engager, de continuer ou
de régler des procédures au nom de la compagnie dont les
affaires et l'administration ont fait l'objet de l'examen et du
rapport», soit Javelin International Limitée.
La question se pose de savoir si la nature et l'effet du rapport
de la Commission, ainsi qu'il ressort du passage précédent et
des dispositions législatives, font qu'il s'agit d'une décision au
sens de l'art. 28. Si tel est le cas, il est incontestable et, à mon
avis, indubitable, qu'il s'agit, en vertu de la disposition législa-
tive prévoyant expressément la tenue d'une audition, notam-
ment le droit à un procureur, d'une décision légalement soumise
à un processus judiciaire ou quasi judiciaire.
Cette Cour a, dans des causes portant sur la distinction entre
la décision finale qu'un tribunal est tenu de rendre dans l'exer-
cice ou le prétendu exercice de sa compétence ou de ses
pouvoirs et d'autres décisions ou positions qu'elle a prises dans
l'exercice de sa compétence ou lorsqu'elle refuse de l'exercer,
examiné le sens du mot «décision» employé à l'art. 28, mise à
part la condition qu'il s'agisse d'une décision qui doit être
soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire. Elle a
jugé que c'est seulement la décision finale qui est une décision
au sens de l'article 28. Les précédents importants sont: Le
procureur général du Canada c. Cylien (1973), 43 D.L.R. (3d)
590, [1973] C.F. 1166; Re B.C. Provincial Council United
Fishermen & Allied Workers Union and B.C. Packers Ltd. et
al. (1973), 45 D.L.R. (3d) 372, [1973] C.F. 1194 sub nom.
B.C. Packers Ltd. c. Le Conseil canadien des relations du
travail, 1 N.R. 201 et In re la Loi antidumping et in re Danmor
Shoe Company Ltd., [1974] 1 C.F. 22, 1 N.R. 422. Le juge
Heald a récemment résumé l'incidence de cette jurisprudence
dans l'affaire Anheuser-Busch, Inc. c. Carling O'Keefe Brewe
ries of Canada Ltd. et autre (1982), 142 D.L.R. (3d) 548, la
p. 552, 69 C.P.R. (2d) 136, la p. 140, 45 N.R. 126, où il dit
ceci:
D'après cette jurisprudence, la Cour d'appel fédérale a com-
pétence pour examiner, en vertu de l'article 28, seulement les
ordonnances ou décisions finales, finales en ce sens que la
décision ou ordonnance en question est celle que le tribunal a
le pouvoir de rendre, et d'où découlent des droits ou obliga
tions juridiques.
Je considère le membre de phrase «d'où découlent des droits ou
obligations juridiques» comme renvoyant aux propos tenus dans
la jurisprudence antérieure selon laquelle la décision doit avoir
pour effet juridique de trancher la question dont est saisi le
tribunal et de lier ce dernier parce qu'il n'a plus de pouvoirs à
exercer à cet égard, et aussi à ceux selon lesquels les opinions
d'un tribunal quant aux limites de sa compétence ou de ses
pouvoirs ne sont pas des décisions au sens de l'art. 28, parce
qu'elles sont dépourvues d'effet juridique. Le critère ou principe
que je tire de cette jurisprudence, aux fins du présent litige, est
qu'une décision au sens de l'art. 28 est celle qui a l'effet
juridique d'une décision obligatoire. La nature précise de l'effet
juridique n'est pas pertinente pour trancher la question de
savoir s'il s'agit d'une décision. C'est là un des facteurs dont il
faut tenir compte pour trancher la question de savoir si la
décision est légalement soumise à un processus judiciaire ou
quasi judiciaire. Voir Le ministre du Revenu national c. Coo
pers and Lybrand (1978), 92 D.L.R. (3d) 1, [1979] 1 R.C.S.
495, [1978] C.T.C. 829. La disposition législative prévoyant
expressément la tenue d'une audition constitue certainement un
autre facteur et, comme je l'ai laissé entendre, il s'agit d'un
facteur décisif en l'espèce. Mais l'exigence d'une audition ou
d'une procédure équitable ne signifie pas nécessairement que ce
qui est en cause est une décision ayant l'effet juridique d'une
décision obligatoire: voir In re Pergamon Press Ltd., [1971] 1
Ch. 388, où une telle procédure a été jugée nécessaire dans une
enquête sur les affaires d'une compagnie, bien qu'il ait été
reconnu que cette enquête n'entraînait pas de décision.
Le fait pour la Commission de conclure en l'espèce à une
fraude ne constitue pas, à mon avis, une décision qui a en soi
l'effet juridique d'une décision obligatoire. De par elle-même,
cette conclusion n'engendre aucun effet juridique. Elle ne lie
personne. Elle n'a rien de décisif. C'est cette décision, toutefois,
qui a amené la Commission à décider qu'il était dans l'intérêt
public de demander au Ministre, en vertu du paragraphe
114(27), d'engager, de continuer ou de régler des procédures au
nom de la compagnie. Cette décision, à laquelle a donné suite la
requête, a, selon moi, l'effet juridique d'une décision obliga-
toire. Elle a pour effet juridique de permettre au Ministre
d'exercer les pouvoirs qu'il tient de ce paragraphe, et elle est
obligatoire et définitive à cet égard, à moins d'être annulée à la
suite d'un contrôle judiciaire. (C'est moi qui souligne.)
L'avocat d'un des requérants a déclaré: [TRA-
DUCTION] «Dans des affaires de ce genre, la jus
tice la plus simple et la plus élémentaire exige que
le jury permette aux intervenants d'examiner
l'étude». Il ne s'agit pas d'une règle de procédure,
mais d'une règle fondamentale de notre droit. Il a
demandé pour la forme [TRADUCTION] «Comment
se fait-il que quelqu'un (l'intimé) puisse la verser
au dossier sans que les autres parties puissent la
consulter?»
En l'espèce, l'effet sur les requérants est direct.
Une décision et une recommandation en faveur de
la création d'un office leur coûtera, comme indiqué
plus haut, plusieurs millions de dollars de plus.
L'intimé, et maintenant cette Cour, représentent
leur seul recours avant que le gouverneur en con-
seil se prononce.
L'avocat d'un autre des requérants pose le pro-
blème de la manière suivante: [TRADUCTION] «La
Loi rend obligatoire la tenue d'une audience publi-
que lorsqu'une enquête doit être faite; cela exige
que l'intimé procède et agisse équitablement.»
Selon lui, le jury n'a pas agi équitablement et a
commis les erreurs suivantes:
1. La suggestion du président de rayer le renvoi à l'étude.
2. Le refus de se prononcer sur la première requête.
3. Le rejet de la deuxième requête.
4. Le refus d'accorder un subpoena ou de reporter l'audience.
5. La possession du rapport après la clôture de l'audience.
6. Le refus de reprendre l'audience.
L'avocat a exposé l'affaire d'une manière très
succincte et correcte.
Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimé qui a
affirmé que l'enquête ne se limitait pas à l'au-
dience mais que, dans le cas présent, cette impor-
tante étude était cruciale pour la décision que le
jury devait rendre et qu'il était inapproprié et
injuste, compte tenu des circonstances, de ne pas
faire ce que proposaient les requérants, c'est-à-dire
exiger la production de ladite étude lorsqu'elle
serait terminée en reprenant tout simplement l'au-
dience. De plus, il est un peu exagéré de laisser
entendre que ces audiences ne constituent pas des
débats contradictoires. Et s'il est vrai que le Minis-
tre peut décider de créer un office et de ne pas
tenir d'audience publique, une fois que la tenue
d'une enquête est ordonnée, l'intimé possède de
larges pouvoirs et il ne devrait pas les limiter
comme il l'a fait en l'espèce.
Comme la preuve l'indique clairement, les droits
des requérants sont touchés, et ils pourraient l'être
de manière importante. Qui peut vraiment nier que
les requérants subiront un préjudice si l'intimé
décide d'approuver la demande de la Commission
ontarienne du tabac et fait cette recommandation
au ministre de l'Agriculture?
L'intimé s'est-il fondé sur l'étude? Qu'il l'ait fait
ou non importe peu, et le droit est très clair sur ce
point. Dans l'affaire Mehr v. Law Society of
Upper Canada, [1955] R.C.S. 344, le juge Cart-
wright dit à la page 350:
[TRADUCTION] Le juge d'appel Laidlaw qui a prononcé le
jugement unanime de la Cour d'appel s'est exprimé comme
suit:—([1954] O.R. 337 342)
On peut répondre en un mot à l'objection formulée à
l'encontre de la déclaration faite conjointement par M. et
Mn' Hsiung. Le rapport du Comité indique que: «Le Comité
n'a attaché aucune conséquence à ces déclarations à cause de
l'absence des Hsiung et de l'impossibilité de les contre-inter-
roger». La Cour accepte cet énoncé concluant.
En toute déférence, il m'est impossible de souscrire à ces
passages. A mon avis, ils contredisent directement le langage
utilisé par lord Eldon dans l'affaire Walker v. Frobisher
((1801), 6 Ves. 70, la p. 72; 31 E.R. 943) qui a été approuvé
dans le jugement rendu à l'unanimité par cette Cour dans
l'affaire Szilard v. Szasz ([1955] R.C.S. 3) et prononcé par
mon collègue Rand le 1" novembre 1954:—
Mais l'arbitre a juré que cela (le fait d'entendre d'autres
personnes) n'a eu aucun effet sur sa sentence. Je le crois.
C'est un homme très respectable. Mais, malgré tout mon
respect, je ne peux faire ce que je n'arrive pas à concilier avec
des principes généraux. Un juge ne peut déterminer lui-
même si des éléments de preuve admis à tort ont eu un effet
sur lui. La sentence peut avoir rendu justice, mais en raison
des principes généraux, elle ne peut être maintenue.
Un autre point: les requérants en l'espèce ne
cherchent pas à empêcher la tenue des audiences
de l'intimé ou à les retarder indûment et inutile-
ment, mais ils veulent être certains que [TRADUC-
TION] «les audiences sont complètes et méritent le
respect des gens ordinaires».
Je statue que la présente demande est accueillie,
que l'audience devra être reprise, que l'intimé
devra obliger la Commission ontarienne du tabac à
fournir l'Etude sur le coût de production effectuée
par Touche, Ross et Associés en 1983, que les
parties devront en être avisées et qu'il faudra leur
donner l'occasion, si elles le désirent, de procéder à
des interrogatoires et des contre-interrogatoires, de
présenter des contre-preuves et de faire valoir leurs
positions respectives comme le prévoient les Règles
de procédure de l'intimé. Il sera seulement néces-
saire d'aviser les parties à la présente demande,
même si les autres parties qui ont participé aux
audiences tenues à London (Ontario), Charlotte-
town (Î.-P.-E.), à Montréal (Québec) et à Ottawa
(Ontario) sont libres de demander qu'il leur soit
donné l'occasion de se faire entendre devant
l'intimé.
Les requérants ont droit aux dépens.
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