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A-820-83
Canadien Pacifique Limitée (appelante)
c.
Commission canadienne des transports (intimée)
Cour d'appel, juges Pratte, Ryan et MacGuigan— Montréal, 6 mars; Ottawa, 27 juin 1985.
Chemins de fer Appel de l'ordonnance R-34836 enjoi- gnant à Canadien Pacifique Limitée d'utiliser des tarifs mini- maux différents de ceux établis à la Classification uniforme i des comptes pour coûts de remise à neuf des locomotives La CUC doit être appliquée par les compagnies ferroviaires cana- diennes en vertu de l'ordonnance R-32999 Aux termes de l'art. 24(3) de la Loi nationale sur les transports, le Comité peut, en conformité avec les règles et règlements de la Com mission, exercer tous les pouvoirs et toutes les fonctions de la Commission En vertu de l'art. 9(2) des Règles générales de la Commission, cette dernière est seule habilitée à édicter des règles et des règlements Les ordonnances de la CTCF sont ultra vires La CUC est un «règlement» au sens usuel du terme Appel accueilli Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, chap. R-2, art. 328, 330 Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, chap. N-17, art. 24(1),(3), 26(1)a), 42e) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 28, 29 Règles générales de la Commission cana- dienne des transports, C.R.C., chap. 1142, art. 9(1),(2) Loi sur l'Office national de l'énergie, S.R.C. 1970, chap. N-6, art. 88(1)c) Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 36.
Législation Interprétation des lois La Classification uniforme des comptes adoptée sous le régime de l'ordonnance R-32999 du Comité des transports par chemin de fer, conformément à l'art. 328 de la Loi sur les chemins de fer, constitue-t-elle un «règlement»? Examen du sens usuel du terme 'règlement» et du contexte législatif pertinent La CUC, qui s'applique à plusieurs compagnies ferroviaires, n'est pas aune directive particulière émise dans un cas spécial. La CUC est plus qu'une directive puisque les compagnies sont légalement tenues d'observer le système prescrit par la CUC La CTCF n'a pas la compétence requise pour prononcer l'or- donnance contestée Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23, art. 2(1), 28 Loi sur les règlements, S.R.C. 1952, chap. 235, art. 2a)(i) Loi sur les textes réglementaires. S.C. 1970-71-72, chap. 38 Règles générales de la Commission canadienne des transports, C.R.C., chap. 1142, art. 9(2) Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, chap. R-2, art. 328.
Les faits, ainsi qu'un certain nombre de questions soulevées en l'espèce, sont résumés dans la note de l'arrêtiste. Le som- maire portera donc uniquement sur les motifs de jugement du juge Ryan et de ceux du juge MacGuigan quant à la question de la compétence du Comité des transports par chemin de fer pour prononcer l'ordonnance R-34836 enjoignant à Cana- dien Pacifique d'utiliser des tarifs minimaux autres que ceux prévus dans la Classification uniforme des comptes et dans l'ordonnance R-32999 qui établit ladite Classification.
Arrêt: l'appel doit être accueilli pour les motifs que les deux ordonnances sont ultra vires et inopérantes. Puisque les exa-
mens prévus à l'article 28 sont remplacés par des droits d'appel précis conférés en vertu d'autres lois fédérales, la demande fondée sur l'article 28 doit être rejetée.
Le juge Ryan: Pour savoir si le paragraphe 9(2) des Règles générales de la Commission a pour effet de limiter à la Com mission l'exercice des pouvoirs que lui confère l'article 328, il s'agit de déterminer si le pouvoir d'établir des règles en vertu de cet article doit s'exercer par voie de «règlement» ou de «règle». La Loi sur les chemins de fer et la Loi nationale sur les transports ne définissent aucun de ces termes. Le paragraphe 2(1) de la Loi d'interprétation définit le terme «règlement», mais cette définition ne vaut que pour cette Loi. Afin de déterminer dans quel sens sont employés les termes «règlement» ou «règle» du paragraphe 9(2), il faut examiner le «sens usuel» ainsi que le contexte législatif applicable, c'est-à-dire la Loi sur les chemins de fer et la Loi nationale sur les transports.
E. A. Driedger dans son ouvrage Construction of Statutes, écrit que le terme «règlement» «s'entend généralement d'une disposition législative accessoire d'application générale tandis qu"`un décret ou une ordonnance" sont généralement considé- rés comme étant une directive particulière émise dans un cas spécial». Il ne fait pas de doute que la CUC, qui s'applique à plus de trente compagnies ferroviaires, ne peut être décrite comme étant une «directive particulière émise dans un cas spécial». De plus, la CUC est plus qu'un ensemble de directives puisque, en vertu du paragraphe 328(6) de la Loi sur les chemins de fer, toute compagnie ferroviaire visée par la CUC est légalement tenue de tenir ses comptes en conformité avec ce système. De plus, la compétence que la Commission tient des paragraphes 328(3) et (4) va au-delà du simple pouvoir de prescrire la manière dont les comptes doivent être tenus. Il est fort possible que la CUC entraîne des conséquences en matière d'analyse réglementaire des coûts et de l'impôt sur le revenu.
Est mal fondé l'argument de l'intimée selon lequel, lorsque le pouvoir de «prescrire» doit être exercé par règlement, la disposi tion doit prescrire expressément qu'il doit être exercé de cette manière, comme c'est le cas pour l'article 330 de la Loi sur les chemins de fer. Ni la Loi sur les chemins de fer ni la Loi nationale sur les transports ne fournissent, même implicite- ment, une «règle empirique» toute faite qui permette de déter- miner si la Classification uniforme des comptes constitue un ensemble de règlements.
Le juge MacGuigan: Il faut s'en remettre aux dispositions fondamentales de la loi lorsqu'on veut clarifier la terminologie se rapportant à la législation déléguée. L'article 328 donne à la Commission le pouvoir de créer des règles nouvelles de classifi cation et de systématisation de la comptabilité des compagnies de chemin de fer. Il s'agit donc soit d'un pouvoir législatif, soit d'un pouvoir administratif. S. A. de Smith dans son ouvrage Judicial Review of Administrative Action définit un acte légis- latif comme étant le résultat de la «création ... d'une règle de conduite générale indépendamment de cas particuliers». Les actes administratifs comprennent «l'application d'une règle générale à un cas particulier». La conclusion selon laquelle le pouvoir conféré à la Commission en vertu de l'article 328 est un pouvoir législatif délégué semble inévitable. Une comparaison est faite entre l'alinéa 88(1)c) de la Loi sur l'Office national de l'énergie et l'alinéa 42e) de la Loi nationale sur les transports qui exigent tous deux, en termes exprès, qu'un pouvoir sembla- ble soit exercé par voie de règlements.
La question demeure de savoir si le paragraphe 9(2) fait que la compétence en matière de législation déléguée appartient exclusivement à la Commission. Le sens usuel du mot «règle- ment» a été défini par E. A. Driedger dans Construction of Statutes. L'essentiel de cette définition n'a pas changé au Canada depuis l'adoption de la Loi sur les règlements en 1950. Aux termes du sous-alinéa 2a)(i) de cette Loi, un règlement signifiait «une règle, un décret ou une ordonnance, un règle- ment, une proclamation ou un arrêté ... établi, dans l'exercice d'un pouvoir législatif conféré en vertu ou sous l'autorité d'une loi du Parlement». La présomption qui existe en faveur du recours au sens usuel ne peut être neutralisée que par un texte prévoyant le contraire. Ce n'est pas le cas en l'espèce: la jonction des termes «règles» et «règlements» figurant au para- graphe 9(2) et particulièrement les mots «y compris les ordon- nances qui établissent de tels règlements ou règles ou qui leur donnent effet», viennent renforcer l'acception usuelle. En d'au- tres mots, le contexte dans lequel se situe le paragraphe 9(2) donne à penser que le terme «règlement» doit recevoir une interprétation large plutôt qu'une interprétation étroite conçue pour la seule fin des Règles générales ou limitée aux règles de pratique et de procédure. De plus, il est souhaitable que l'obli- gation d'agir par voie réglementaire ne soit pas interprétée restrictivement afin que les parties concernées puissent plus facilement bénéficier des protections prévues par la Loi sur les textes réglementaires en ce qui concerne l'enregistrement, la publication et l'examen par le Parlement des règlements.
JURISPRUDENCE
DÉCISION CITÉE:
Martineau et autre c. Comité de discipline des détenus de l'Institution de Matsqui, [1978] I R.C.S. 118.
AVOCATS:
T. Moloney et H. C. Wendlandt pour l'appelante.
H. I. Wetston et W. G. McMurray pour l'intimée.
PROCUREURS:
Services juridiques, Canadien Pacifique Limitée, Montréal, pour l'appelante. Commission canadienne des transports, Win- nipeg, pour l'intimée.
NOTE DE L'ARRÊTISTE
Les trois motifs de jugement en l'espèce totali- sent 30 pages. L'arrêtiste a décidé de publier une version abrégée de cette affaire. Les extraits suivants des motifs de la décision ont été résu- més: les faits tels que les a exposés le juge MacGuigan, les motifs du jugement du juge Pratte et les motifs du jugement du juge MacGuigan relativement aux deuxième et troisième alléga- tions de l'appelante. La décision a été retenue
pour publication vu les «questions fondamentales sur la compétence du CTCF et, en fait, sur tout le processus de la législation déléguée» qui y sont discutées.
Il s'agit en l'espèce d'un appel formé par la société Canadien Pacifique Limitée («CP») contre l'ordonnance R-34836 prononcée par le Comité des transports par chemin de fer («CTCF») de la Commission canadienne des transports («CCT») le 28 janvier 1983. Le CTCF a remis en question la méthode de comptabilité utilisée par le CP dans son «Programme de révi- sion et de remise à neuf des locomotives». Cette remise en question a donné lieu à une audience publique et â la nomination d'un commissaire. Le rapport du commissaire a été adopté tel quel, comme l'indique l'ordonnance R-34836. Aux termes de cette ordonnance, rendue sous le régime de l'article 328 de la Loi sur les chemins de fer, le CTCF a enjoint au CP d'appliquer des tarifs minimaux différents de ceux qui sont prévus à la section 1307 de la Classification uniforme des comptes («CUC») relativement aux coûts de remise à neuf des locomotives. La CUC doit être appliquée par les compagnies ferroviaires cana- diennes en vertu de l'ordonnance R-32999 du CTCF datée du 26 novembre 1981. Le but de la CUC est «de définir la méthode de comptabilité des chemins de fer régis par le Règlement du Comité des transports par chemin de fer de la Commission canadienne des transports».
L'article 328 prévoit entre autres que la CCT doit prescrire pour le CP une classification et un système uniformes de comptes. Aux termes du paragraphe 24(3) de la Loi nationale sur les transports, le CTCF peut, en conformité des règles et règlements de la Commission, exercer tous les pouvoirs et les fonctions de la Commis sion. Le paragraphe 9(2) des Règles générales de la Commission dispose, toutefois, que tous les règlements et règles, y compris les ordonnances qui établissent de tels règlements ou règles ou qui leur donnent effet, seront faits par la Commission. L'appelante fait valoir (1) que le CTCF n'avait pas la compétence requise pour prononcer l'ordon- nance R-34836, (2) que, de toute manière, il n'avait pas compétence parce que l'avis d'au- dience publique était insuffisant et que le commis- saire a outrepassé ses pouvoirs, et (3) qu'aucune preuve ne permet de justifier sa conclusion.
Le juge Pratte a souscrit aux motifs et au dispositif du jugement du juge MacGuigan. Comme ce dernier, il a estimé que l'ordonnance R-34836 était nulle puisque le pouvoir en vertu duquel le CTCF l'a rendue lui vient de l'ordon- nance R-32999 qui est elle-même frappée de nullité. Le paragraphe 9(2) des Règles générales de la Commission précise que les comités de la Commission, ne sont pas habilités à prendre des règlements. Il ne fait pas de doute que l'ordon- nance R-32999 qui oblige à utiliser une Classi fication uniforme des comptes est de nature réglementaire. On a rejeté l'argument de l'intimée selon lequel le terme «règlements» qui figure au paragraphe 9(2) des Règles générales n'est pas employé dans son sens usuel, mais renvoie sim- plement à des prescriptions établies de manière expresse par une disposition législative précise.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: J'ai eu l'avantage de lire les motifs du jugement du juge MacGuigan et je suis d'accord avec la décision qu'il a proposée relative- ment à l'appel et à la demande fondée sur l'article 28. Je souscris également à ses motifs de jugement mais j'énoncerais d'une manière toute différente les motifs pour lesquels je souscris à sa conclusion selon laquelle le Comité des transports par chemin de fer (le «Comité») n'avait pas la compétence requise pour prononcer l'ordonnance R-32999 qui établissait la Classification uniforme des comp- tes (la «CUC»).
Par son ordonnance 32999 datée du 26 novembre 1981, le Comité a prescrit que la CUC «doit être appliquée par toutes les compagnies ferroviaires qui relèvent de la compétence du Comité».
L'article 328 de la Loi sur les chemins de fer [S.R.C. 1970, chap. R-2] dispose:
328. (1) La Commission doit prescrire pour la compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et la compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique une classification et un système uniformes de comptes et de relevés concernant l'actif, le passif, les recettes et les frais d'exploitation relatifs aux opérations ferroviaires.
(2) La Commission peut prescrire pour toute autre compa- gnie de chemin de fer relevant de l'autorité législative du Parlement du Canada une classification et un système unifor- mes du genre décrit au paragraphe (I ), ou une forme condensée de semblables classification et système.
(3) La Commission doit prescrire les articles à inclure comme postes relatifs à l'exploitation ferroviaire dans les comp- tes et relevés.
(4) La Commission doit prescrire les catégories de biens dont les frais de dépréciation peuvent régulièrement être inclus sous le chef des frais d'exploitation dans les comptes, ainsi que le taux ou les taux de dépréciation à imputer à l'égard de chaque catégorie de biens.
(5) La Commission ou une personne nommée par elle sous le régime de la présente loi pour faire enquête ou rapport, ou qu'elle a chargée de faire enquête ou rapport, peut procéder à l'inspection et tirer des copies des comptes et autres documents de toute compagnie de chemin de fer ressortissant à l'autorité législative du Parlement du Canada.
(6) Toute compagnie de chemin de fer à l'égard de laquelle la classification et le système uniformes ou condensés de comp- tes et de relevés sont prescrits doit tenir ses comptes en confor- mité de la classification et du système prescrits.
(7) La Commission doit examiner et reviser selon les besoins la classification uniforme de la comptabilité, au moins tous les deux ans, afin de s'assurer que les compagnies de chemin de fer tiennent une comptabilité distincte
a) de l'actif et des gains de leurs entreprises ferroviaires et non ferroviaires; et
b) de leurs activités classées par moyen de transport.
Les paragraphes (1) et (3) de l'article 24 de la Loi nationale sur les transports [S.R.C. 1970, chap. N-17] prévoient:
24. (1) Aux fins d'exercer ses fonctions en vertu de la présente loi, la Commission doit constituer les comités suivants formés chacun du président de la Commission, membre de droit de chaque comité, et d'au moins trois commissaires:
a) comité des transports par chemin de fer;
b) comité des transports aériens;
c) comité des transports par eau;
d) comité des transports par véhicule à moteur;
e) comité des transports par pipe-line de denrées; et J) tels autres comités que la Commission estime utiles.
(3) Nonobstant toute disposition de la Loi sur les chemins de fer ou de la Loi sur l'Office national de l'énergie régissant des questions examinées par la Commission, un comité de la Com mission peut, en conformité des règles et règlements de la Commission, exercer tous les pouvoirs et les fonctions de la Commission et les ordonnances, règles ou directives établies ou émises par un comité de la Commission ont le même effet, sous réserve des dispositions du paragraphe (4), que si elles avaient été établies ou émises par la Commission.
Le Comité peut donc, «en conformité des règles et règlements de la Commission», exercer les pou- voirs conférés à la Commission par les paragraphes 328(1) et (2) de la Loi sur les chemins de fer.
L'alinéa 26(1)a) de la Loi nationale sur les trans ports prévoit:
26. (1) Sans affecter les pouvoirs d'établir des règlements qui lui sont conférés par d'autres lois, la Commission peut établir des règles et règlements visant en général la réalisation des objets de la présente loi et en particulier, mais sans restreindre la généralité de ce qui précède, établir des règles et règlements
a) concernant la façon dont un ou plusieurs comités de la Commission doivent remplir leurs fonctions et concernant les devoirs et fonctions à remplir par les comités de la Commission;
Les Règles générales de la Commission cana- dienne des transports [C.R.C., chap. 1142] (les «Règles générales»), qui étaient en vigueur avant le ler septembre 1983, prévoient notamment:
9. (1) A moins d'une directive contraire de la Commission et sous réserve du paragraphe (2), chaque comité doit exercer toutes les fonctions qu'attribuent à la Commission les lois et articles de loi mentionnés ci-dessous après le nom de chaque comité:
a) Comité des transports par chemin de fer: (vii) Loi sur les chemins de fer,
(2) Nonobstant toute disposition des présentes règles, tous les règlements et règles, y compris les ordonnances qui établissent de tels règlements ou règles ou qui leur donnent effet, seront faits par la Commission.
La question est de savoir si le paragraphe 9(2) des Règles générales a pour effet de limiter à la Commission l'exercice des pouvoirs que lui confère l'article 328 de la Loi sur les chemins de fer. Pour répondre à cette question, il s'agit de déterminer si le pouvoir d'établir des règles en vertu de cet article doit s'exercer par voie de «règlement» ou de «règle», selon le sens qui est donné à ces termes dans ce paragraphe. La Loi sur les chemins de fer et la Loi nationale sur les transports ne définissent ni le terme «règlement» ni le terme «règle». La définition du terme «règlement» qui figure au para- graphe 2(1) de la Loi d'interprétation [S.R.C. 1970, chap. I-23] étend la portée de cette notion de manière à englober un certain nombre de matières qui, de prime abord, ne semblent pas relever du sens usuel de ce mot; suivant ledit paragraphe, le terme «règlement» ne s'applique que «dans la pré- sente loi», c'est-à-dire dans la Loi d'interprétation elle-même. Cette définition n'apparaît pas à l'arti- cle 28 de la Loi d'interprétation qui énumère une série de définitions pour fins d'application de «chaque texte législatif».
Comme l'a indiqué le juge MacGuigan, il est évident que les termes «règlement» et «règle» sont tous deux polysémiques. Afin de déterminer dans quel sens sont employés les termes «règlement» et «règle» au paragraphe 9(2) des Règles générales, il est utile de considérer leur sens usuel, si un tel «sens usuel» existe, et d'interpréter le paragraphe 9(2) dans son contexte. La Loi sur les chemins de fer et la Loi nationale sur les transports fournis- sent manifestement un tel contexte.
Le juge MacGuigan a cité l'extrait suivant tiré de la page 304 de l'ouvrage de E. A. Driedger, Construction of Statutes (2» éd., 1983):
[TRADUCTION] Le terme «règlement» s'entend généralement d'une disposition législative accessoire d'application générale, tandis qu'«un décret ou une ordonnance» sont généralement considérés comme étant une directive particulière émise dans un cas spécial.
Peut-on dire que la CUC est «une disposition législative accessoire d'application générale»?
Le champ d'application de la CUC ne se borne pas uniquement au Canadien National et au Cana- dien Pacifique. La page 11 de la CUC énumère plus de 30 compagnies ferroviaires qui relèvent de la compétence du Comité des transports par chemin de fer de la Commission canadienne des transports.
La section 1001 de la CUC énonce ainsi le but de la classification:
Le but de la CUC est de définir la méthode de comptabilité des chemins de fer régis par le Règlement du Comité des transports par chemin de fer de la Commission canadienne des transports. Notre document donne les instructions comptables et le cadre de classification des comptes des opérations ferroviaires de ces transporteurs. Il donne également les directives pour le relevé des statistiques d'exploitation et définit les catégories relatives à ces renseignements.
On peut difficilement décrire la CUC comme «une directive particulière émise dans un cas spécial».
Aux termes du paragraphe 328(6) de la Loi sur les chemins de fer, toute compagnie de chemin de fer visée par la CUC est légalement tenue de «tenir ses comptes en conformité de la classification et du système prescrits». La CUC est donc plus qu'un ensemble de directives.
Les paragraphes 328(3) et (4) sont particulière- ment significatifs. Aux termes de ceux-ci, la Com-
mission doit prescrire les articles «à inclure comme postes relatifs à l'exploitation ferroviaire». Elle doit aussi «prescrire les catégories de biens dont les frais de dépréciation peuvent régulièrement être inclus sous le chef des frais d'exploitation». Elle est en outre requise de prescrire «le ou les taux de dépréciation à imputer».
La compétence de la Commission va donc au- delà du simple pouvoir de prescrire la manière dont les comptes doivent être tenus.
Il est en outre possible que l'exercice des pou- voirs prévus à l'article 328 entraîne des conséquen- ces importantes aux fins de la réglementation. La section 1102.05 de la CUC est libellée comme suit:
Le «Règlement sur le calcul des frais ferroviaires« de la Com mission canadienne des transports définit la méthode de calcul des coûts à des fins de réglementation. En accord avec ce règlement, le Comité vise à faire utiliser la CUC comme source fondamentale de données pour l'analyse réglementaire des coûts.
La CUC pourrait aussi avoir des implications considérables en matière d'impôt sur le revenu: voir l'article 36 de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63] .
Selon moi, la CUC est un texte législatif acces- soire qui assujettit un grand nombre de compa- gnies ferroviaires à diverses règles qu'elles sont légalement tenues d'observer; il est fort possible que ces règles entraînent des conséquences au cha- pitre de l'analyse réglementaire des coûts et de l'impôt.
L'intimée accorde toutefois une importance par- ticulière au contexte, à l'appui de sa thèse selon laquelle l'ordonnance R-32999 n'est pas un «règlement» ou une «règle» au sens du paragraphe 9(2) des Règles générales, quel que soit le «sens usuel» dans lequel ces termes sont employés, et selon laquelle la CUC ne constitue pas un ensem ble de règles et de règlements visés par le paragra- phe 9(2). Elle a insisté sur le fait que le paragra- phe 328(1) de la Loi sur les chemins de fer oblige la Commission à prescrire pour la compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et la compa- gnie du chemin de fer canadien du Pacifique une classification et un système uniformes de comptes et de relevés, sans indiquer la façon dont un tel système doit être prescrit. Le pouvoir qu'a la Com mission de «prescrire» lui vient d'autres disposi tions de la Loi sur les chemins de fer et de la Loi
nationale sur les transports; si toutefois ce pouvoir devait être exercé par «règlement», la disposition, a-t-on soutenu, prescrit expressément qu'il doit être exercé de cette manière. L'article 330 de la Loi sur les chemins de fer, qui se trouve à proxi- mité de l'article 328, est un exemple. Je ne crois pas cependant qu'il s'agisse d'un fait très utile pour nous aider à déterminer si la CUC constitue un ensemble de règlements. Un règlement pris en application du paragraphe 330(1) serait manifeste- ment un règlement visé par le paragraphe 9(2) des Règles générales et, aux termes de ce paragraphe, le pouvoir de prendre un tel règlement serait à l'évidence réservé à la Commission. Cela ne veut toutefois pas dire qu'une ordonnance rendue en vertu du paragraphe 328(1) ou 328(2) ou des deux ne pourrait être un règlement pour le seul motif que ces paragraphes n'exigent pas expressément que la prescription qu'ils autorisent doit être éta- blie par règlement. J'ai bien peur que ni la Loi sur les chemins de fer ni la Loi nationale sur les transports ne fournissent, même implicitement, une «règle empirique» toute faite qui nous aide à déterminer si la CUC est un ensemble de règle- ments. Je suis d'accord avec le juge MacGuigan qu'il est nécessaire de «s'en remettre aux disposi tions fondamentales de la loi». C'est ce que j'ai fait.
À mon sens, la CUC est un «règlement» dans l'acception usuelle de ce terme, et je ne vois pas en quoi le contexte législatif dans lequel se trouve le paragaphe 9(2) des Règles générales me justifie- rait d'interpréter le terme «règlement», tel qu'il est utilisé dans ce paragraphe, autrement que dans son sens usuel.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN:
NOTE DE L'ARRÊTISTE
Le troisième argument de l'appelante selon lequel aucune preuve n'appuie la conclusion du commissaire est insoutenable. D'après le juge MacGuigan, les mots qu'a employés le commis- saire à la fin de son rapport indiquent clairement qu'il a tenu compte de la preuve qui lui a été soumise.
On a jugé que le deuxième argument de l'appe- lante était tout aussi inacceptable. D'après le juge, les termes «afin de capitaliser le coût des travaux effectués dans le cadre du Programme de révision et de remise à neuf des locomotives du Canadien Pacifique Limitée» qui figurent dans le document de nomination du commissaire et dans l'avis d'audience publique ont une portée suffi- samment étendue pour conférer la compétence requise et ils indiquent clairement l'objet de l'au- dience. Il ressort manifestement de ces termes qu'il faut donner un sens large à l'expression, par ailleurs ambiguë, «autres tarifs minimaux». Les tribunaux ne doivent pas rendre le processus administratif inopérant en imposant à tort des conditions de preuve concernant les avis d'au- dience ou en interprétant de manière trop étroite la compétence d'un organisme, quand il ressort clairement du processus en question que les par ties en cause comprenaient alors les points en litige.
Toutefois, le premier argument de l'appelante, qui est d'une toute autre nature, soulève des ques tions fondamentales sur la compétence du CTCF [Comité des transports par chemin de fer] et, en fait, sur tout le processus de la législation déléguée.
Voici comment l'appelante a formulé cette allé- gation: le CTCF a prétendu rendre l'ordonnance R-34836 en se fondant sur l'article 328 de la Loi sur les chemins de fer et, surtout en application de la section 1307 de la CUC, qui de son côté est censée avoir été promulguée en vertu de la même disposition de la Loi sur les chemins de fer; aux termes du paragraphe 24(3) de la Loi nationale sur les transports, un comité de la Commission peut, en conformité avec les règles et règlements de la Commission, exercer tous les pouvoirs et toutes les fonctions de la Commission, mais le paragraphe 9(2) des Règles générales de la CCT [Commission canadienne des transports] dispose expressément que le pouvoir de prendre des règle- ments dont est investie la Commission ne peut être exercé par un comité comme le CTCF; le pouvoir que la CCT tient de l'article 328 de la Loi sur les chemins de fer est essentiellement un pouvoir de réglementation, et la CUC, qui est censée avoir été établie sur le fondement de cet article, participe de la nature d'un règlement ou de règlements; par
voie de conséquence, le CTCF n'avait pas la com- pétence requise pour prononcer l'ordonnance R-34836.
L'article 328 de, la Loi sur les chemins de fer dispose:
328. (1) La Commission doit prescrire pour la compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et la compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique une classification et un système uniformes de comptes et de relevés concernant l'actif, le passif, les recettes et les frais d'exploitation relatifs aux opérations ferroviaires.
(2) La Commission peut prescrire pour toute autre compa- gnie de chemin de fer relevant de l'autorité législative du Parlement du Canada une classification et un système unifor- mes du genre décrit au paragraphe (1), ou une forme condensée de semblables classification et système.
(3) La Commission doit prescrire les articles à inclure comme postes relatifs à l'exploitation ferroviaire dans les comp- tes et relevés.
(4) La Commission doit prescrire les catégories de biens dont les frais de dépréciation peuvent régulièrement être inclus sous le chef des frais d'exploitation dans les comptes, ainsi que le taux ou les taux de dépréciation à imputer à l'égard de chaque catégorie de biens.
(5) La Commission ou une personne nommée par elle sous le régime de la présente loi pour faire enquête ou rapport, ou qu'elle a chargée de faire enquête ou rapport, peut procéder à l'inspection et tirer des copies des comptes et autres documents de toute compagnie de chemin de fer ressortissant à l'autorité législative du Parlement du Canada.
(6) Toute compagnie de chemin de fer à l'égard de laquelle la classification et le système uniformes ou condensés de comp- tes et de relevés sont prescrits doit tenir ses comptes en confor- mité de la classification et du système prescrits.
(7) La Commission doit examiner et reviser selon les besoins la classification uniforme de la comptabilité, au moins tous les deux ans, afin de s'assurer que les compagnies de chemin de fer tiennent une comptabilité distincte
a) de l'actif et des gains de leurs entreprises ferroviaires et non ferroviaires; et
b) de leurs activités classées par moyen de transport.
Voici les parties pertinentes de l'article 9 des Règles générales de la Commission canadienne des transports, C.R.C., chap. 1142, en vigueur avant septembre 1983:
9. (1) A moins d'une directive contraire de la Commission et sous réserve du paragraphe (2), chaque comité doit exercer toutes les fonctions qu'attribuent à la Commission les lois et articles de loi mentionnés ci-dessous après le nom de chaque comité:
a) Comité des transports par chemin de fer:
(i) articles 22, 23, 27 et 63 de la Loi, en ce qui concerne les chemins de fer,
(ii) Loi sur les Chemins de fer nationaux du Canada,
(iii) Loi sur la Cour fédérale,
(iv) Loi sur les chemins de fer de l'État,
(y) Loi sur les taux de transport des marchandises dans
les provinces Maritimes,
(vi) Loi sur l'Office national de l'énergie,
(vii) Loi sur les chemins de fer,
(viii) Partie IV de la Loi sur les transports,
(ix) Loi sur le déplacement des lignes et sur les croise- ments de chemin de fer, et
(x) Loi ana-inflation en ce qui concerne les chemins de fer, et conformément au décret C.P. 1975-3060 du 23 décembre 1975;
(2) Nonobstant toute disposition des présentes règles, tous les règlements et règles, y compris les ordonnances qui établissent de tels règlements ou règles ou qui leur donnent effet, seront faits par la Commission.
À cela, l'intimée répond que la CUC n'est pas un rassemblement de règlements mais un ensemble de directives de nature comptable qui doivent être appliquées par les compagnies ferroviaires cana- diennes, que l'article 328 ne précise pas la manière dont ce système doit être prescrit, et que les seuls règlements et règles que la Commission siégeant en séance pléniaire peut établir, sont ceux qui déterminent sa pratique et sa procédure.
Quel que soit le problème juridique qui pourrait être soulevé, il touchera non seulement l'ordon- nance R-34836 du 28 janvier 1983, mais aussi l'ordonnance R-32999 du 26 novembre 1981, par laquelle a été établie la CUC même, puis- qu'elle résulte de la seule action du CTCF, même si ses versions antérieures avaient été élaborées par son prédécesseur, la Commission des transports du Canada. La question a donc des implications considérables.
L'avocat de l'appelante a beaucoup insisté dans sa plaidoirie sur l'emploi du terme «prescrire» au paragraphe 328 (1) («La Commission doit prescrire ... une classification et un système uniformes de comptes»), qui, soutient-il, lui confère implicite- ment le pouvoir de prendre des règlements. Toute- fois, s'il est un principe absolument indiscutable dans l'univers confus de la législation déléguée, c'est qu'il ne faut pas tirer de conclusion à partir de la terminologie seule, celle-ci étant remarqua- blement marquée au coin de l'inconsistance. Comme il est dit dans le Troisième Rapport du Comité spécial sur les instruments statutaires (Imprimeur de la Reine pour le Canada, Ottawa, 1969), la page 12:
Il n'est pas très rare de trouver dans la loi le pouvoir d'édicter à la fois des «décrets» ou des «ordonnances», des «règles» et des «règlements» sans qu'on précise la différence entre ces termes. La confusion des noms ne tient pas seulement à l'emploi de nombreux mots différents pour décrire la même chose. Elle est aggravée par l'emploi du même mot pour décrire différentes choses. Le mot anglais corder» (décret, ordonnance, ordre) est employé dans le cas d'un acte administratif, d'un acte judi- ciaire, d'un acte législatif et d'un acte de prérogative.
Malgré l'adoption subséquente en 1971 de la Loi sur les textes réglementaires [S.C. 1970-71-72, chap. 38], on ne peut tenir pour acquis que cette terminologie a été entièrement rationalisée. En ce domaine, le seul moyen d'en être sûr est de s'en remettre aux dispositions fondamentales de la loi.
Que veut dire l'article 328 de la Loi sur les chemins de fer quand il oblige la Commission à «prescrire ... une classification et un système uni- formes de comptes»? Quel pouvoir le paragraphe 9(2) des Règles générales enlève-t-il au CTCF en prescrivant que «tous les règlements et règles, y compris les ordonnances qui établissent de tels règlements ou règles ou qui leur donnent effet, seront faits par la Commission»?
On n'a pas prétendu que le pouvoir que la Commission tient de l'article 328 est judiciaire ou quasi judiciaire, puisqu'il s'agit manifestement du pouvoir de créer de nouvelles règles de classifica tion et de systématisation de la comptabilité des compagnies de chemin de fer et non du pouvoir d'interpréter des critères préexistants. Il s'agit donc soit d'un pouvoir législatif, soit d'un pouvoir administratif.
L'acte législatif, original ou délégué, et l'acte administratif sont étroitement liés: ils décrivent la même réalité. L'acte législatif précède l'acte admi- nistratif qui en découle. L'acte législatif établit des critères que l'acte administratif met en application. Voici comment S. A. de Smith a décrit cette distinction dans son ouvrage Judicial Review of Administrative Action, 4e éd. par J. M. Evans, London, Stevens & Sons Limited, 1980, à la page 71:
[TRADUCTION] Une distinction que l'on fait souvent entre les actes législatifs et les actes administratifs est celle qui existe entre le général et le particulier. Un acte législatif est le résultat de la création et de la promulgation d'une règle de conduite générale indépendamment de cas particuliers; il est impossible de donner une définition exacte d'un acte adminis- tratif, mais il comprend l'adoption d'une politique, l'établisse-
ment et l'imposition d'une directive spécifique, et l'application d'une règle générale à un cas particulier conformément aux exigences de la règle de conduite ou pour des raisons de convenance ou de pratique administrative.
À la lumière de cette analyse, la conclusion selon laquelle le pouvoir conféré à la Commission en vertu de l'article 328 est un pouvoir législatif délégué semble inévitable. De fait, l'alinéa 88(1)c) de la Loi sur l'Office national de l'énergie [S.R.C. 1970, chap. N-6] exige expressément qu'un pou- voir semblable de prescrire «un régime uniforme de comptes, applicable à toute catégorie de compa- gnies» soit exercé par voie de règlements, comme c'est la cas du pouvoir plus limité de prescrire «sous quelles formes les comptes et registres doi- vent être tenus par les exploitants d'entreprises de transport par véhicule à moteur» aux termes de l'alinéa 42e) de la Loi nationale sur les transports.
Pour réfuter cette conclusion, l'intimée soutient implicitement que le pouvoir que la Commission tient de l'article 328, qui ne concerne qu'un ensem ble de règles comptables, revêt un caractère légis- latif accessoire, par analogie peut-être avec les règles ou directives administratives. La faiblesse d'un tel argument est que de telles directives n'ont pas par définition le statut de loi (Martineau et autre c. Comité de discipline des détenus de l'Ins- titution de Matsqui, [ 1978] 1 R.C.S. 118), alors que l'intimée cherche en l'espèce à imposer au CP des conséquences juridiques sous le régime de la même CUC. Je n'ai pas d'autre choix que de conclure que l'article 328 a pour effet de conférer un pouvoir législatif délégué et qu'il ne peut être mis en application qu'à la suite d'une action résul- tant de l'exercice d'un pouvoir législatif.
La question demeure de savoir si le fait que le paragraphe 9(2) des Règles générales enlève au CTCF le pouvoir de prendre «tous ... règlements et règles» signifie que la compétence en matière de législation déléguée appartient exclusivement à la Commission. Dans son ouvrage Construction of Statutes, éd., Toronto, Butterworths, 1983, la page 304, E. A. Driedger énonce comme suit le sens usuel du terme règlement:
[TRADUCTION] Le terme «règlement» s'entend généralement d'une disposition législative accessoire d'application générale, tandis qu'«un décret ou une ordonnance» sont généralement considérés comme étant une directive particulière émise dans un cas spécial.
Même si, en 1971, la Loi sur les textes réglemen- taires a quelque peu raffiné la définition du terme règlement, l'essentiel de cette définition n'a pas changé au Canada depuis l'adoption de la Loi sur les règlements en 1950 [S.R.C. 1952, chap. 235]. Le sous-alinéa 2a)(i) de cette Loi dispose: «Dans la présente loi, l'expression ... "règlement" signifie une règle, un décret ou une ordonnance, un règle- ment, une proclamation ou un arrêté ... établi, dans l'exercice d'un pouvoir législatif conféré en vertu ou sous l'autorité d'une loi du Parlement» (c'est moi qui souligne). L'autre définition, qui se trouve à l'article 2 de la Loi d'interprétation, a une portée encore plus étendue puisqu'elle vise l'exer- cice de tout pouvoir sous le régime d'une loi.
Ce qui importe, ce n'est pas de savoir si ces définitions s'appliquent formellement au passage en cause, mais plutôt si lesdites définitions, en particulier celles qui se trouvent d'abord dans la Loi sur les règlements et ensuite dans la Loi sur les textes réglementaires, précisent le sens usuel du terme «règlement». La présomption qui existe en faveur du recours au sens usuel ne peut être neutralisée que par un texte prévoyant le contraire. Mais en fait, le présent contexte vient renforcer le sens usuel, comme en témoignent la jonction des termes «règles» et «règlements» figurant au para- graphe 9(2) et particulièrement les mots «y com- pris les ordonnances qui établissent de tels règle- ments ou règles ou qui leur donnent effet». En d'autres termes, le contexte donne à penser que le terme règlement doit recevoir une interprétation large plutôt qu'une interprétation étroite conçue pour les seules fins des Règles générales, ou limitée aux règles de pratique et de procédure.
Qui plus est, compte tenu des protections spécia- les que la Loi sur les textes réglementaires accorde au public en ce qui concerne l'examen des règle- ments par le ministère de la Justice, leur commu nication, leur enregistrement, leur publication, leur dépôt devant le Parlement et leur étude approfon- die par ce dernier par l'intermédiaire du Comité mixte permanent des Règlements et autres textes réglementaires, il m'apparaît souhaitable que l'obligation d'agir par voie réglementaire ne soit pas interprétée restrictivement de sorte que les parties concernées puissent plus facilement bénéfi- cier de ces protections.
Finalement, en l'absence de ces procédures habi- tuelles que le CTCF connaîtrait bien en raison de sa participation aux travaux de la CCT, je conclus que le CTCF n'a même pas prétendu exercer un pouvoir de réglementation relativement à la CUC. Par conséquent, même si contrairement à mon analyse, le CTCF disposait du même pouvoir de réglementation que la CCT, il n'a pas eu l'inten- tion d'exercer ce pouvoir en établissant la CUC.
Puisque j'estime que les ordonnances R-34836 et R-32999 sont toutes deux ultra vires et nulles, je suis d'avis d'accueillir l'appel et de trans- mettre la présente opinion, certifiée, à la Commis sion. Comme l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10] pré- voit que l'examen prévu à l'article 28 est remplacé par des droits d'appel précis conférés en vertu d'autres lois fédérales, la demande fondée sur l'ar- ticle 28 doit être rejetée.
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