T-1351-83
La Reine (requérante)
c.
R.L. Belleau Inc. (intimée)
Division de première instance, juge Dubé—
Québec, 29 mai; Ottawa, 31 août 1984.
Couronne — La Couronne fédérale est-elle liée par une loi
provinciale? — Une loi provinciale donne au locataire le droit
d'acquérir des terrains détenus en vertu d'un bail — Le bail
entre CN et l'intimée a été cédé à la Couronne — La Couronne
n'est pas liée par une loi qui ne la mentionne pas expressément
— Excepté le cas où la Couronne passe un contrat qui est régi
par une loi particulière — Le contrat comprend atout ce qui en
découle normalement suivant l'usage ou la loi» — La Cou-
ronne s'est volontairement soumise aux lois provinciales qui
régissent le contrat — Loi d'interprétation, L.R.Q. 1977, chap.
1-16, art. 42, 61(1) — Loi sur les lettres de change, S.R.C.
1970, chap. B-5, art. 49(3),(4).
Droit civil — Une loi du Québec donne au locataire le droit
d'acquérir des terrains détenus en vertu d'un bail lorsque la
valeur des améliorations égale ou excède la valeur des terrains
— Le bail entre CN et l'intimée a été cédé à la Couronne — La
Couronne est assujettie au droit du Québec régissant les
contrats — La locataire intimée était en droit d'acquérir le
terrain avant l'enregistrement de l'avis de confirmation d'ex-
propriation — Indemnité — Loi sur les constituts ou sur le
régime de tenure, L.R.Q. 1977, chap. C-64, art. 1.
Expropriation — Terrain situé dans la ville de Québec —
Le bail entre CN et l'intimée a été cédé à la Couronne — Le
locataire était en droit d'acquérir le terrain en vertu de la loi
provinciale — Offre d'achat rejetée par la Couronne — Ter
rain exproprié — Contrat régi par les lois provinciales — Le
locataire avait droit à une indemnité pour son adroit réel
immobilier» — Droit du locataire d'acquérir le terrain avant
l'enregistrement de l'avis de confirmation d'expropriation — Il
n'appartient pas à la Cour de déterminer la valeur monétaire
de ce droit — Loi sur l'expropriation, S.R.C. 1970 (1e' Supp.),
chap. 16, art. 2(1), 16(1).
Il s'agit en l'espèce de déterminer si la Couronne fédérale est
sujette à la Loi sur les constituts ou sur le régime de tenure
(ci-après appelée la «Loi sur les constituts»), dont l'article 1
accorde au locataire le droit d'acquérir des terrains détenus en
vertu d'un bail sur lesquels il a effectué des améliorations
égalant ou excédant la valeur des terrains. L'intimée a pris en
location un terrain appartenant à CN et situé dans la ville de
Québec. CN a par la suite transféré et cédé le bail à Sa
Majesté. Ayant été informée que son bail ne serait pas renou-
velé, l'intimée a offert d'acquérir le terrain en vertu de la Loi
sur les constituts, mais cette offre a été rejetée. Après l'expira-
tion du bail, la requérante a signifié à l'intimée un avis d'expro-
priation du terrain. Cet avis a été enregistré en vertu de la Loi
sur l'expropriation.
Jugement: jugement en faveur de l'intimée.
La Couronne n'est pas liée par une loi qui ne la mentionne
pas expressément. Cependant, ce principe souffre quelques
exceptions. La Couronne peut se soumettre à une loi qui ne la
lie pas directement, lorsque, par exemple, elle passe un contrat,
lequel est régi par une telle loi. Dans ce cas, la Couronne
accepte implicitement la loi comme étant un «élément d'un
contrat qu'elle a volontairement conclu».
En passant un contrat avec le CN, la Couronne fédérale s'est
liée par une obligation contractuelle dans le sens qu'elle prenait
possession du terrain sujet aux obligations de l'ancien proprié-
taire (CN) vis-à-vis son locataire. Le contrat comprend tout ce
qui «en découle normalement suivant l'usage ou la loi». Par son
achat du terrain, la Couronne s'est volontairement soumise non
seulement au contrat qui lie les deux parties, mais également
aux lois provinciales qui régissent ce contrat.
La Couronne fédérale peut, en vertu de la Loi sur l'expro-
priation, exproprier tout droit relatif à un terrain dont elle a
besoin pour un ouvrage public. Le locataire ne peut forcer la
Couronne à lui revendre le terrain déjà exproprié. Mais il a
droit à compensation pour son «droit réel immobilier». Le «droit
réel immobilier» relativement à un immeuble au Québec tel
qu'il est défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'expropriation
comprend «le droit d'un locataire de l'immeuble». Ce paragra-
phe définit le «droit exproprié» comme étant «tout droit totale-
ment ou partiellement perdu du fait de l'enregistrement d'un
avis de confirmation». En conséquence, la locataire intimée
détenait immédiatement avant l'enregistrement de l'avis de
confirmation le droit de se prévaloir des dispositions de la Loi
sur les constituts en vue d'acquérir le terrain en question. Il
n'appartient pas à la Cour de déterminer la valeur monétaire de
ce droit.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Banque de Montréal c. Procureur général (Qué.), [1979]
1 R.C.S. 565.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Gauthier v. The King (1918), 56 R.C.S. 176; Sa Majesté
du chef de la province de l'Alberta c. Commission cana-
dienne des transports, [1978] 1 R.C.S. 61.
DÉCISIONS CITÉES:
Magdalen College in Cambridge (Master and Fellows of)
Case (1616), 11 Co. Rep. 66 b.; 77 E.R. 1235 (K.B.);
Bombay, Province of v. Municipal Corporation of the
City of Bombay and Another, [1947] A.C. 58 (P.C.).
AVOCATS:
J.-C. Ruelland, c.r. pour la requérante.
Jacques Marquis, c.r. pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
requérante.
Marquis, Jessop, Gagnon & Associés,
Québec, pour l'intimée.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE DusÉ: Il s'agit ici de déterminer si la
Couronne fédérale doit tenir compte de la Loi sur
les constituts ou sur le régime de tenure', [ci-
après appelée la «Loi sur les constituts»] une loi
statutaire du Québec qui accorde au locataire le
droit d'acquérir des terrains détenus en vertu d'un
bail sur lesquels il a effectué des améliorations
égalant ou excédant la valeur desdits terrains.
Depuis le 22 février 1937 l'intimée était devenue
locataire d'un terrain situé dans la ville de Québec
suite à un bail intervenu entre elle et le locateur, la
Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada («CN»). Ce bail a été modifié en 1967 et
reconduit une dernière fois le 1°r mars 1980 pour
une période excédentaire de trois ans se terminant
le dernier jour de février 1983. Entre-temps, le 31
mars 1982, le CN vendait à Sa Majesté ledit
terrain, affecté du bail précité, qu'elle cédait et
transportait à la nouvelle acquéresse, celle-ci
devant en assumer toutes les obligations y afféren-
tes. Quelques mois avant l'expiration du bail, soit
le 15 juin 1982, la requérante faisait parvenir au
locataire un avis l'informant que son bail ne sera
pas renouvelé.
En réplique, l'intimée envoie à la requérante le
22 juin 1982 (alors que l'intimée détenait encore
son statut de locataire) un avis conformément à la
Loi sur les constituts manifestant ainsi son désir de
devenir propriétaire de ce terrain avec une offre
d'achat au montant de 58 000 $.
En janvier 1983, vu le refus de vendre de la
requérante, l'intimée (toujours locataire) dépose
en Cour supérieure du Québec la requête prévue
par la Loi sur les constituts dans le but de faire
confirmer son offre d'achat ou de faire fixer par la
Cour supérieure le prix du terrain avec ordonnance
au propriétaire de passer les titres.
Le 10 mars 1983, alors que la requête de l'inti-
mée est toujours pendante devant la Cour supé-
rieure mais que son bail est expiré, la requérante
envoie à l'intimée un avis l'exhortant à enlever du
terrain tout ce qui n'appartient pas au nouveau
locateur.
1 L.R.Q. 1977, chap. C-64,
Le 6 avril 1983 la requérante fait parvenir au
locataire l'avis prévu à l'alinéa 12(c) du bail lequel
se lit comme suit:
Avant l'expiration de ce bail, le Locataire devra, sans recevoir
d'autre avis du Locateur, enlever des lieux loués tout ce qui
n'appartient pas au Locateur, laissant les lieux loués propres et
en bon état, à la satisfaction du Locateur. Si à l'expiration de ce
bail, le Locataire n'a pas respecté les stipulations de cette
clause, le Locateur aura le droit, à son entière discrétion:
(c) de retenir, comme dommages liquidés, et de devenir
propriétaire sans compensation de tout ce qui sera alors sur
les lieux loués en donnant un avis écrit à cet effet au
Locataire.
Le 15 avril 1983, la requérante signifie à l'inti-
mée son intention d'exproprier le terrain. Le 22
mai 1983 un avis de confirmation d'expropriation
est enregistré à cet effet en vertu des dispositions
de la Loi sur l'expropriation 2 .
Transportant ainsi le débat en Cour fédérale, la
requérante demande, par le biais de la présente
requête déposée en vertu des dispositions de l'arti-
cle 16 de la Loi sur l'expropriation, à la Cour de
décider si l'intimée détient un droit sur l'immeuble
visé par l'expropriation. En d'autres mots, le pré-
sent jugement doit décider si la Couronne fédérale
est sujette à la Loi sur les constituts, dont l'article
1 stipule le droit d'achat du locataire si ce dernier
a effectué des améliorations dont la valeur excède
celle du terrain (ce qui est admis dans le cas
présent). L'article se lit comme suit:
1. Les lots ou terrains détenus en vertu d'un contrat de louage,
d'un bail à rente ou constitut, sur lesquels le détenteur, le
locataire, le débirentier ou leurs auteurs, ont construit à leurs
frais une maison qui sert de logement ou de place d'affaires au
locataire ou détenteur de l'immeuble ou y ont fait des améliora-
tions, dont la valeur égale ou excède celle du lot ou du terrain,
peuvent être acquis par ce dernier, en pleine propriété, en en
payant la valeur au propriétaire après l'accomplissement des
formalités ci-après énoncées.
La requérante plaide principalement que la
Couronne fédérale n'est pas soumise au droit sta-
tutaire d'une province: elle ne serait soumise qu'à
la common law, soit en l'occurrence le Code Civil
du Québec dans cette province.
L'intimée réplique qu'au moment où la Cou-
ronne a acheté le terrain le bail existait toujours et
il a été cédé et transporté tel quel, avec les droits et
Z S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 16.
les obligations y afférents, lesquels ne sont pas
limités aux clauses du contrat mais à tous les
droits et obligations que l'intimée et le CN déte-
naient au moment de l'achat.
Le droit applicable en l'espèce, vu qu'il s'agit
d'un contrat passé au Québec relativement à un
terrain situé dans cette province, est bien sûr le
droit québécois. Selon la Loi d'interprétation du
Québec 3 «Nulle loi n'a d'effet sur les droits de la
couronne, à moins qu'ils n'y soient expressément
compris.» Au paragraphe 61(1) ladite Loi définit
la «couronne» comme signifiant «le souverain du
Royaume-Uni, du Canada et de ses autres royau-
mes et territoires, et chef du Commonwealth». La
Loi ne précise pas s'il s'agit de la Couronne provin-
ciale ou de la Couronne fédérale, mais il semble
bien selon la jurisprudence en la matière qu'il
s'agisse de la Couronne provinciale. Dans Gauthier
v. The King 4 , un arrêt de la Cour suprême du
Canada suite à un appel d'une décision de la Cour
de l'Échiquier, la Cour a déterminé qu'une simple
mention de la Couronne dans un statut provincial
désigne la Couronne du chef de cette province. Le
juge en chef Fitzpatrick à cette même occasion a
déclaré que les provinces n'ont pas le pouvoir
exécutif, législatif ou judiciaire de lier le gouverne-
ment fédéral:
[TRADUCTION] Et, de toute façon, les provinces n'ont pas, à
mon avis, compétence pour lier le gouvernement fédéral que ce
soit sur le plan exécutif, législatif ou judiciaires.
Un peu plus loin, le juge Anglin dit que la
Couronne mentionnée dans un statut provincial est
la Couronne du chef de cette province à moins
qu'il n'apparaisse clairement que ce soit l'intention
du législateur d'interpréter la Couronne d'une
autre façon:
[TRADUCTION] J'estime que, lorsqu'il est fait mention de la
Couronne dans une loi provinciale, on peut sans risque d'erreur,
interpréter cette mention comme désignant uniquement la Cou-
ronne du chef de la province, à moins que les termes mêmes ou
l'esprit de la loi en question n'indiquent clairement que le mot
Couronne est utilisé dans un autre sens. Ce point de vue semble
être le corollaire de la règle selon laquelle la Couronne n'est liée
par une loi que si elle y est désignée 6 .
3 L.R.Q. 1977, chap. I-16, art. 42.
4 (1918), 56 R.C.S. 176.
s Id., p. 182.
6 Id., p. 194.
La Cour suprême du Canada s'est penchée plus
récemment sur cette matière dans l'affaire Sa
Majesté du chef de la province de l'Alberta c.
Commission canadienne des transports'. Le juge
en chef Laskin disait ceci à la page 72:
La question qui nous occupe, c.-à-d. de savoir si Sa Majesté
ou la Couronne, lorsque la législation fédérale ou provinciale s'y
réfère sans plus de précision, désigne la Couronne du chef du
Canada ou d'une province, selon le cas, est partiellement réso-
lue du fait qu'une législature provinciale ne peut, dans l'exer-
cice de ses pouvoirs législatifs, assujettir la Couronne du chef
du Canada à une réglementation obligatoire. Cela ne signifie
pas pour autant que la Couronne fédérale ne peut se trouver
assujettie à la législation provinciale lorsqu'elle cherche à s'en
prévaloir ...
La jurisprudence a donc établi en principe que
la Couronne n'est pas liée par une loi qui ne la
mentionne pas expressément 8 . Cependant ce prin-
cipe souffre quelques exceptions 9 . La Couronne
peut aussi s'assujettir volontairement à une loi
lorsqu'elle se prévaut de ses dispositions. Alors,
«Elle doit prendre la loi dans sa totalité 10 .» Elle
peut aussi se soumettre à une loi qui ne la lie pas
directement, lorsque, par exemple, elle passe un
contrat lequel est régi par une telle loi. À ce
moment-là, la Couronne accepte implicitement la
loi comme étant un «élément d'un contrat qu'elle a
volontairement conclu "». Dans de telles circons-
tances la Couronne fédérale peut accepter implici-
tement tout aussi bien une loi provinciale qu'une
loi fédérale comme étant un élément d'un contrat
passé avec un individu.
Dans l'affaire Banque de Montréal c. Procureur
général (Qué.) 12 , la Cour suprême du Canada avait
à considérer une réclamation du gouvernement de
la province de Québec basée sur un chèque dont
l'endossement avait été forgé et qui avait été débité
par la Banque de Montréal au compte du gouver-
nement. Le gouvernement avait appris l'existence
du faux en 1968 mais n'en avait donné avis à la
banque qu'en 1972 alors qu'il la mettait en
' [1978] 1 R.C.S. 61.
8 Voir également Bombay, Province of v. Municipal Corpo
ration of the City of Bombay and Another, [1947] A.C. 58
(P.C.).
9 Magdalen College in Cambridge (Master and Fellows of)
Case (1616), 11 Co. Rep. 66 b.; 77 E.R. 1235 (K.B.).
10 Pierre André Côté, Interprétation des lois, Les Éditions
Yvon Blais Inc., 1982, la p. 173.
" Id., p. 174.
12 [1979] 1 R.C.S. 565.
demeure de lui rembourser le montant du chèque.
La banque allègue ne rien devoir puisque le gou-
vernement ne lui a pas donné avis du faux endosse-
ment dans l'année od il en a eu connaissance
conformément aux paragraphes 49(3) et (4) de la
Loi sur les lettres de change 13 . De son côté le
gouvernement provincial invoque les droits et pré-
rogatives de la Couronne et prétend ne pas être lié
par cette Loi. Les Cours supérieure et d'appel du
Québec acceptent cette prétention de la province.
Par contre, la Cour suprême du Canada accueille
le pourvoi.
Dans cette affaire la Cour suprême s'est posé la
question à savoir si la Couronne est liée par un
contrat auquel elle a valablement consenti. Essen-
tiellement, la Cour a trouvé que lorsque le gouver-
nement a ouvert un compte à la banque il passait
un contrat bancaire avec son banquier. Le tribunal
a alors décidé que la Couronne ne pouvait invoquer
ses prérogatives pour limiter ou modifier le con-
tenu d'un contrat qui comprend non seulement ce
qui est expressément stipulé mais également tout
ce qui en découle normalement suivant l'usage ou
la loi. Le juge Pratte, au nom de la Cour, établit
une distinction à la base de la source de l'obliga-
tion. S'agit-il d'une obligation contractuelle ou
législative? Voici ce qu'il dit à ce sujet à la page
574:
Les règles relatives à la responsabilité de la Couronne sont
donc différentes selon que la source de l'obligation est contrac-
tuelle ou législative. La Couronne est liée par une obligation
contractuelle de la même manière qu'un particulier alors qu'en
règle générale, elle ne l'est pas par une obligation qui découle
de la loi seule à moins d'y être nommée. C'est dire également
que sous la réserve possible d'un nombre limité d'exceptions qui
de toute façon ne sauraient s'appliquer ici, les droits ou préro-
gatives de la Couronne ne peuvent être invoqués pour limiter ou
modifier le contenu d'un contrat qui comprend non seulement
ce qui y est expressément stipulé, mais également tout ce qui en
découle normalement suivant l'usage ou la loi.
En passant un contrat avec le CN la Couronne
fédérale s'est liée par une obligation contractuelle
dans le sens qu'elle prenait possession du terrain en
question sujet aux obligations de l'ancien proprié-
taire vis-à-vis son locataire. La question qui se pose
en l'espèce est donc de savoir si les droits du
locataire en vertu des dispositions de la Loi sur les
constituts «découle [nt] normalement suivant
l'usage ou la loi». Ma réponse est affirmative. Tout
13 S.R.C. 1970, chap. B-5.
comme le CN aurait eu à faire face à ses obliga
tions vis-à-vis l'intimée en vertu des dispositions de
la Loi sur les constituts, de même son successeur,
la Couronne fédérale, doit le faire. Par son achat
du terrain cette dernière s'est volontairement sou-
mise non seulement au contrat qui lie les deux
parties, mais également aux lois qui régissent ce
contrat.
Donc, la Loi sur les constituts, si inusitée soit-
elle, est une loi provinciale visant l'acquisition de
terrains détenus en vertu d'un bail, à laquelle loi
les parties impliquées doivent se soumettre. Évi-
demment, la Couronne fédérale peut, en vertu des
dispositions de la Loi sur l'expropriation, expro-
prier tout droit relatif à un terrain dont elle a
besoin pour un ouvrage public. Dans les circons-
tances, le locataire ne peut forcer la Couronne à
lui revendre le terrain déjà exproprié. Mais le
locataire en question détenait un intérêt pour
lequel il a droit à compensation.
En vertu des dispositions du paragraphe 16(1)
de ladite Loi, le tribunal doit rendre une décision
sur l'état afférent à l'immeuble immédiatement
avant l'enregistrement de l'avis de confirmation et
également décider qui avait un droit réel immobi-
lier et quelles en étaient la nature et l'étendue. Ce
«droit réel immobilier» se lit au texte anglais
comme étant «a right, estate or interest in the
land». Le «droit réel immobilier» relativement à un
immeuble au Québec tel que défini au paragraphe
2(1) de la Loi sur l'expropriation comprend «le
droit d'un locataire de l'immeuble». Ce même
paragraphe définit le «droit exproprié» comme
étant «tout droit totalement ou partiellement perdu
du fait de l'enregistrement d'un avis de confirma
tion».
Dans les circonstances, ma décision est à l'effet
que l'intimée détenait immédiatement avant l'en-
registrement de l'avis de confirmation le droit de
se prévaloir des dispositions de la Loi sur les
constituts en vue d'acquérir les terrains en ques
tion. Il ne m'appartient pas de déterminer la valeur
monétaire de ce droit.
En conséquence, jugement en faveur de l'intimée
avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.