T-1401-84
Vérificateur général du Canada (demandeur)
c.
Ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressour-
ces; ministre des Finances; sous-ministre de
l'Énergie, des Mines et des Ressources et sous-
ministre des Finances (défendeurs)
Division de première instance, juge en chef adjoint
Jerome—Ottawa, 11 janvier, 7, 8 mars, 19 juillet
et 1 e novembre 1985.
Droit constitutionnel — Conventions — Secret du Cabinet
— Celui-ci a-t-il préséance sur les droits d'accès conférés par
l'art. 13 de la Loi sur le vérificateur général? — Le vérifica-
teur général s'est vu refuser l'accès à des informations concer-
nant les deniers publics dépensés pour l'acquisition de Fina par
Petro -Canada — Le Premier ministre a déclaré que l'informa-
tion requise consistait en des documents confidentiels du Con-
seil privé de la Reine pour le Canada — Documents d'un
ancien ministère — Les conventions forment une partie inté-
grante du système constitutionnel — Importance — Nature
des sanctions lorsqu'il y a violation — La convention sur le
secret des documents du Cabinet a été reconnue dans diverses
lois mais n'est pas mentionnée dans la Loi sur le vérificateur
général — Intention du législateur fédéral — Examen de
l'évolution législative de la Loi sur le vérificateur général —
Concept d'une vérification incorporé dans la
Loi Rôle du vérificateur général à titre de fonctionnaire —
La responsabilité du gouvernement en matière de dépenses des
fonds public revêt un intérêt public plus important que la
doctrine du secret du Cabinet — Aucune renonciation des
membres du Conseil privé à leur obligation à l'égard de Sa
Majesté — Les ministres sont assujettis à un examen minu-
tieux en particulier lorsqu'ils sont fiduciaires d'un compte qui
a été créé pour servir à l'emploi de vastes quantités de deniers
publics — Le Cabinet ayant refusé de divulguer les documents,
il n'est pas pratique pour le vérificateur général de s'adresser
au Parlement pour obtenir un redressement — Jugement
déclaratoire portant que le vérificateur général a le droit
d'avoir accès aux documents demandés et qu'un refus est
injustifié — Loi sur le vérificateur général, S.C. 1976-77,
chap. 34, art. 5, 6 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 170,
art. 25), 7, 13, 14 — Loi sur l'administration financière,
S.R.C. 1970, chap. F-10, art. 5(4), 55 (mod. par S.C. 1980-81-
82-83, chap. 170, art. 16) — Loi constitutionnelle de 1867, 30
& 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5]
(mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, n° 1), art.
103 — Acte pour assurer l'audition plus efficace des comptes
publics, S.C. 1855, chap. 78 — Acte pour pourvoir à la
meilleure audition des comptes publics, S.C. 1878, chap. 7,
art. 11, 48 — Acte du revenu consolidé et de l'audition, S.R.C.
1886, chap. 29 — Acte modifiant «l'Acte du revenu consolidé
et de l'audition», S.C. 1888, chap. 7 — Loi du revenu conso-
lidé et de l'audition, S.R.C. 1906, chap. 24 — Loi du revenu
consolidé et de la vérification, 1931, S.C. 1930 (2e Sess.)-1931,
chap. 27 — Loi sur l'administration financière, S.C. 1951 (2e
Sess.), chap. 12 — Loi sur l'administration financière, S.R.C.
1952, chap. 116 — Loi modifiant la Loi sur l'administration
financière, S.C. 1966-67, chap. 74 — Loi sur l'accès à l'infor-
mation, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe I, art. 69 —
Loi sur la protection des renseignements personnels, S.C.
1980-81-82-83, chap. 111, annexe II, art. 70.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Le vérifica-
teur s'est vu refuser l'accès à des documents pour le motif qu'il
s'agissait de documents confidentiels du Cabinet — Manda-
mus et injonction demandée par voie d'avis de requête —
L'ordonnance permanente ne peut être obtenue qu'après juge-
ment au fond dans l'action — Existe-t-il un devoir d'ordre
public dont l'exécution peut être forcée par un mandamus? —
Le mandamus et l'injonction sont de nature discrétionnaire —
Ils ne sont accordés que lorsque tous les autres recours sont
épuisés — Un jugement déclaratoire est le redressement
approprié = Les avocats ont convenu de transformer la
demande en une action — Dépôt des actes de procédure —
Renonciation aux interrogatoires préalables — Requête consi-
dérée comme une demande de jugement — Prononcé d'un
jugement déclaratoire portant que le demandeur a le droit
d'avoir accès à l'information et qu'un refus est injustifié —
L'attestation visée à l'art. 36.3 de la Loi sur la preuve au
Canada n'est pas un obstacle à un jugement déclaratoire —
Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap. E-10, art.
36.3 (ajouté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, art. 4).
Énergie — La société d'État Petro -Canada s'est portée
acquéreur de Fina — Le Parlement a autorisé des dépenses de
l'ordre de 1,7 milliard de dollars — Le crédit a créé le Compte
d'accroissement du taux de propriété canadienne dont le
ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources est fidu-
ciaire — Le vérificateur général est habilité à demander des
informations aux sociétés d'État — Il souhaite enquêter sur
l'acquisition de Fina — Petro -Canada lui a refusé l'accès à
l'information nécessaire — Le gouverneur en conseil a refusé
de donner directive à Petro -Canada de fournir l'information
requise — Le Premier ministre a refusé l'accès à l'information
parce qu'elle consistait en des documents confidentiels du
Conseil privé — La Cour fédérale déclare que la loi confère un
droit d'accès au vérificateur général — L'examen rigoureux
des dépenses de fonds publics revêt un intérêt public plus
important que la doctrine du secret du Cabinet — Un ministre
fait particulièrement l'objet d'un examen minutieux lorsqu'il
est fiduciaire d'un compte qui sert à l'emploi de sommes
énormes — Loi sur la Société Petro -Canada, S.C. /974-
75-76, chap. 6/ — Loi n° 4 de 1980-81 portant affectation de
crédits, S.C. 1980-81-82-83, chap. 51, annexe, crédit 5c —
Loi sur l'administration de l'énergie, S.C. 1974-75-76, chap.
47 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 114, art. 2), art.
65.26(3),(4) (ajouté, idem, art. 39).
On a annoncé le 3 février 1981 que la société d'État Petro -
Canada avait convenu d'acheter Petrofina Canada Inc. Le 21
mars de la même année, le Parlement a autorisé sous le régime
du crédit accordé au ministère de l'Énergie, des Mines et des
Ressources que l'on dépense jusqu'à 1,7 milliard de dollars pour
compléter l'opération. Le crédit créait le Compte d'accroisse-
ment du taux de propriété canadienne (CAPC), un compte non
budgétaire de fiducie qui figure parmi les comptes du Canada.
Le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources a été
nommé fiduciaire des revenus et des actifs investis du CAPC.
Le 18 avril 1981, une filiale de Petro -Canada a proposé aux
actionnaires de Petrofina Canada Inc. d'acheter leurs actions
au prix de 120 $ chacune. L'offre a été acceptée.
Le demandeur en l'espèce est le vérificateur général du
Canada. Ses responsabilités à l'égard des comptes du Canada
sont énoncées aux articles 5, 6 et 7 de la Loi sur le vérificateur
général et aux articles 5(4) et 55 de la Loi sur l'administration
financière. La législation lui donne la responsabilité «[d']effec-
tue[r] les examens et enquêtes qu'il juge nécessaires pour lui
permettre de faire rapport comme l'exige» la Loi sur le vérifi-
cateur général. Dans son rapport annuel à la Chambre des
communes, il «signale tout sujet qui, à son avis, est important et
doit être porté à l'attention de la Chambre». Afin de faciliter la
tâche du vérificateur général, on lui a conféré le droit «de
prendre connaissance librement de tout renseignement se rap-
portant à l'exercice de ses fonctions». On lui a aussi attribué les
pouvoirs conférés aux commissaires par la Loi sur les enquêtes
et il pouvait «interroger sous serment toute personne au sujet
d'un compte soumis à sa vérification». Il pouvait demander aux
sociétés d'État de lui fournir des renseignements et si elles ne le
faisaient pas, en faire part au gouverneur en conseil qui peut
ordonner aux dirigeants des sociétés de fournir les renseigne-
ments demandés ou de permettre au vérificateur d'en prendre
connaissance. Les dispositions législatives concernant les
devoirs et les pouvoirs du vérificateur général ne faisaient pas
spécifiquement mention d'une restriction quelconque au titre
des documents confidentiels du Conseil privé de la Reine.
De mars 1982 mars 1984, le demandeur a cherché à
obtenir des défendeurs et de Petro -Canada les renseignements
nécessaires pour procéder à la vérification du CAPC. Dans ses
rapports de 1982, 1983 et 1984, le demandeur a mentionné son
incapacité d'établir si on avait fait preuve d'économie et d'effi-
cience dans l'emploi du 1,7 milliard de dollars prélevés à même
les fonds publics pour acquérir les actions et les biens de
Petrofina Canada Inc. Le 9 mars 1984, le vérificateur général a
écrit à Petro -Canada, invoquant le paragraphe 14(2) de la Loi
sur le vérificateur général, pour qu'on lui donne accès à
certaines informations sur l'acquisition de Petrofina. Après
avoir essuyé un refus, le demandeur a écrit au gouverneur en
conseil sur le fondement du paragraphe 14(3) de la Loi afin de
le notifier dudit refus. Le gouverneur en conseil a répliqué par
un décret dans lequel il a refusé de donner directive à Petro -
Canada de fournir l'information. En fin de compte, le vérifica-
teur général a soumis l'affaire au Premier ministre. Dans sa
réponse, celui-ci refusait le droit d'accès parce que l'informa-
tion requise consistait en des documents confidentiels du Con-
seil privé de la Reine pour le Canada.
Dans sa demande initiale présentée sous forme d'avis de
requête, le vérificateur général cherchait à obtenir une ordon-
nance lui donnant libre accès aux documents et une injonction
interdisant aux intimés de l'empêcher d'obtenir le libre accès à
l'information et d'obtenir des informations en vertu du paragra-
phe 13(1) de la Loi sur le vérificateur général. Une des
préoccupations de la Cour était qu'une ordonnance permanente
ne pouvait être obtenue qu'après jugement au fond dans une
action. De plus, se posait la question de savoir s'il existait en
l'espèce un devoir d'ordre public dont l'exécution puisse être
forcée par un mandamus. Enfin, compte tenu de la nature
discrétionnaire du mandamus et de l'injonction, il fallait se
demander si le requérant avait épuisé tous les autres recours à
sa disposition: Harelkin c. Université de Regina, [l979] 2
R.C.S. 561. Pour éviter qu'il ne soit mis fin à l'instance, les
avocats des parties ont rencontré le juge et ont convenu de
transformer la demande en une action et de considérer la
requête (qui avait déjà été instruite) comme une demande de
jugement au fond.
Dans sa déclaration, le vérificateur général cherche à obtenir
un mandamus ou un jugement déclaratoire portant qu'il a droit
d'accès à des catégories déterminées de documents relatifs à
l'acquisition de Petrofina. On a avancé quatre raisons pour
justifier le rejet de la présente action: (1) l'information deman-
dée ne concernait pas la vérification du CAPC; (2) le vérifica-
teur général faisait face à une fin de non-recevoir puisque dans
ses rapports de 1981, de 1982 et de 1983 il a déclaré aux
Communes qu'il avait reçu les informations nécessaires pour
remplir ses fonctions; (3) la divulgation de l'information viole-
rait la convention constitutionnelle qui interdit de divulguer les
renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour
le Canada. De plus, les documents confidentiels en cause
étaient protégés par la convention constitutionnelle concernant
les documents des anciens ministères et (4) c'est la Chambre
des communes et non la Cour qui devait être saisie de la
présente affaire.
La Cour a également été saisie d'une attestation, produite
conformément à l'article 36.3 de la Loi sur la preuve au
Canada, qui porte que le greffier du Conseil privé s'est opposé à
la divulgation de l'information parce qu'elle constituait un
renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pen
dant l'administration du Premier ministre Trudeau.
Jugement: le demandeur a droit à un jugement déclaratoire
portant que les articles 5 et 13 de la Loi sur le vérificateur
général lui donnent accès aux renseignements contenus dans les
documents énoncés dans la déclaration et qu'un refus était
injustifié et qu'il continue de l'être.
La question litigieuse qui se pose en l'espèce est de savoir si le
droit à l'accès à des documents, qui est conféré au vérificateur
général par l'article 13 de la Loi sur le vérificateur général, a
préséance sur la convention sur le secret du Conseil privé de la
Reine pour le Canada.
Les conventions forment une partie intégrante de notre
régime constitutionnel. Alors que la sanction de la violation
d'une convention est politique et non juridique, certaines con
ventions sont plus importantes que certaines lois. Cela dépend
du principe qu'elles sont censées protéger. L'une de ces conven
tions est que le secret des délibérations du Cabinet doit être
maintenu. Elle est reconnue par le Règlement de la Chambre et
par trois lois: la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la
protection des renseignements personnels et la Loi sur la
preuve au Canada. Il est significatif que, en adoptant la Loi sur
le vérificateur général, le Parlement n'a pas apporté comme
restriction au droit d'accès que la convention sur le secret du
Cabinet devait être respectée. Cette omission ne devrait pas
être attribuée à un simple oubli. Le Parlement n'a pas voulu
que le vérificateur général soit assujetti à cette restriction.
L'évolution législative de la Loi sur le vérificateur général
témoigne d'une augmentation de pouvoirs et de responsabilités.
Suivant la version actuelle de cette Loi, en vigueur depuis 1977,
le vérificateur général doit mentionner dans son rapport annuel
aux Communes les cas où des sommes d'argent ont été dépen-
sées sans égard à l'économie ou à l'efficience. C'était l'expres-
sion prévue par la loi quant au concept d'une vérification
«rendement - coût» dans le secteur public. Le but visé est
d'établir une norme permettant de mesurer la productivité et
l'efficience dans la Fonction publique, ce qu'on avait cru impos-
sible de faire. Un fonctionnaire professionnel, le vérificateur
général, était chargé d'aider les députés à remplir leur obliga
tion la plus importante qui est de faire en sorte que le gouverne-
ment rende compte de tous les deniers publics dépensés. Il était
fondamental pour le système parlementaire que la dépense de
deniers publics fasse l'objet d'une surveillance constante et
étroite du Parlement. Mais le processus est si complexe que la
surveillance par les députés est illusoire si ceux-ci n'ont pas
l'appui de comptables et de vérificateurs professionnels.
L'argument que le législateur n'a peut-être pas pensé à la
question de savoir si le vérificateur général devrait avoir un
accès illimité aux documents confidentiels du Cabinet est réfuté
par certains extraits du compte rendu officiel des débats de la
Chambre. M. Andras y déclare que les dispositions de la Loi
sur le vérificateur général portant sur l'accès à l'information
sont rédigées de manière à prévaloir sur toutes les lois subsé-
quentes à moins que le Parlement ne consente expressément à
ce qu'il en soit autrement.
L'attestation visée à l'article 36.3 de la Loi sur la preuve au
Canada constituerait un obstacle à une ordonnance de produc
tion de documents, mais pas à un jugement déclaratoire.
La responsabilité du gouvernement en matière de dépenses
de fonds publics revêt un intérêt public plus important que tout
risque d'affaiblir la doctrine du secret du Cabinet. En cas de
conflit entre ces deux intérêts, le premier doit prévaloir.
L'argument voulant que, puisque que le secret est une obliga
tion imposée aux membres du Conseil privé de Sa Majesté,
seule cette dernière peut renoncer à cette obligation, n'était pas
fondé. Il ne s'agit pas en l'espèce d'une renonciation. Il est
plutôt question d'une loi dûment adoptée par le Parlement et
sanctionnée par Sa Majesté.
Si le présent jugement a placé le vérificateur général dans
une situation supérieure à celle de la Cour, c'était une consé-
quence qui découlait du libellé d'une mesure législative dont
l'intention était claire.
Tout ministre fait l'objet d'un examen rigoureux en ce qui
concerne les dépenses dont il est responsable. Les ministres qui
sont défendeurs en l'espèce sont d'autant plus assujettis à un tel
examen rigoureux qu'ils agissent comme fiduciaires du Compte
d'accroissement du taux de propriété canadienne, un outil qui
sert à l'emploi de vastes sommes de deniers publics.
La Cour ne pouvait non plus accepter l'argument voulant que
puisque le vérificateur général est un préposé du Parlement, il
devrait s'adresser à celui-ci pour obtenir un redressement. Le
gouvernement est majoritaire en Chambre et c'est le Cabinet
qui a refusé l'accès à l'information. Le résultat de tout vote de
la Chambre était prévisible.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS SUIVIES:
Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561;
Wilson c. Ministre de la Justice, jugement en date du 29
mai 1985, Division d'appel de la Cour fédérale,
A-115-84, encore inédit.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Burmah Oil Co Ltd v Bank of England (Attorney Gene
ral intervening), [1979] 3 All E.R. 700 (H.L.); Renvoi:
Résolution pour modifier la Constitution, [1981] I
R.C.S. 753.
DÉCISIONS CITÉES:
Attorney -General v. Jonathan Cape Ltd., [1976] Q.B.
752; Conway v. Rimmer, [1968] I All E.R. 874 (H.L.).
AVOCATS:
Gordon F. Henderson, c.r., Emilio Binavince
et G. F. Windsor pour le demandeur.
William Ian Corneil Binnie, c.r. et Graham
Garton pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour le
demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement, tels qu'amendés, rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: Après
avoir prononcé les motifs de jugement à l'audience
à Ottawa le ler novembre 1985, j'ai invité les
avocats à soumettre d'autres arguments et je leur
ai indiqué que je ferais dans ces motifs toutes les
corrections qu'exigent les règles de grammaire et
de ponctuation. J'ai suspendu l'affaire jusqu'au 12
novembre 1985, date à laquelle j'ai apporté les
modifications nécessaires et ajouté certains com-
mentaires afin de clarifier le texte du jugement.
Les présents motifs amendés comportent les modi
fications nécessaires quant à la ponctuation et à la
grammaire ainsi que ces commentaires supplémen-
taires.
Résumée en très peu de mots, la question liti-
gieuse qui se pose en l'espèce est celle de savoir si
le droit à l'accès à des documents, qui est conféré
au vérificateur général du Canada par l'article 13
de la Loi sur le vérificateur général, S.C. 1976-77,
chap. 34, a préséance ou non sur la convention sur
le secret du Conseil privé de la Reine pour le
Canada.
Lorsque l'application d'une loi ou de dispositions
particulières d'une loi à une situation de fait
donnée est contestée ou est en conflit avec d'autres
dispositions similaires, la responsabilité des juridic-
tions compétentes, lorsque saisies du recours
approprié, est d'interpréter le droit. J'emploie les
mots «recours approprié» parce que la requête
originale était entachée de vices de procédure
sérieux qui ont maintenant été réglés et dont je
traiterai plus loin avec plus de détails. Lorsqu'on
interprète le droit, le premier facteur à considérer
est bien sûr le libellé du texte de loi. Si je conclus
qu'il ne souffre d'aucune ambiguïté, la question est
alors réglée, à moins qu'il n'y ait deux dispositions
législatives qui sont toutes deux claires et valides,
mais incompatibles. Si l'intention du Parlement
n'est pas exprimée clairement dans la loi, je me
dois de l'interpréter en conformité avec le but
général pour lequel la loi a été édictée. Enfin,
lorsque tous ces facteurs ne sont pas concluants, on
peut trancher le litige en considérant l'intérêt
public. L'intérêt public sera-t-il mieux protégé si
l'une de ces dispositions l'emporte sur l'autre?
Pour les motifs qui suivent, je constate que tous
ces facteurs m'amènent à la même conclusion. Le
rôle du vérificateur général est défini dans les
articles introductifs de la Loi sur le vérificateur
général. Aux termes de l'article 5, le vérificateur
général, en sa qualité de vérificateur des comptes
du Canada, «effectue les examens et enquêtes qu'il
juge nécessaires pour lui permettre de faire rap
port comme l'exige» la Loi. Aux fins de l'exercice
de cette fonction, le vérificateur général bénéficie,
en vertu de l'article 13, du droit d'accès à des
documents. En vertu de cet article, il peut exiger
que les fonctionnaires fédéraux lui fournissent tous
renseignements, rapports et explications dont il a
besoin pour l'exercice de ses fonctions. Il peut
aussi détacher un employé de son bureau auprès
d'un ministère et interroger sous serment toute
personne; il est également autorisé à exercer les
pouvoirs conférés aux commissaires par la Partie I
de la Loi sur les enquêtes [S.R.C. 1970, chap.
I-13].
Cinq aspects de ces dispositions législatives
méritent d'être soulignés.
1. L'expression «effectue les examens et enquêtes
qu'il juge nécessaires», à l'article 5.
2. L'expression du paragraphe 13(1) «Sous réserve
des dispositions d'une autre loi du Parlement qui se
réfèrent expressément au présent paragraphe». Il
s'agit d'une disposition nouvelle dans la Loi
actuelle et, pour ce qui est de la dernière partie de
cette expression, soit les mots «qui se réfèrent
expressément au présent paragraphe», je remarque
qu'il n'existe pas de dispositions législatives qui le
fassent.
3. La dualité du paragraphe 13 (1) qui, dans un
premier temps, accorde au vérificateur général «le
droit, à tout moment convenable, de prendre con-
naissance librement de tout renseignement se rap-
portant à l'exercice de ses fonctions»; et qui, dans
un deuxième temps, ajoute qu'«à cette fin, il peut
exiger que les fonctionnaires fédéraux lui fournis-
sent tous renseignements, rapports et explications
dont il a besoin».
4. Son droit porte sur des renseignements se rap-
portant à l'exercice de ses fonctions. À moins que
ce droit ne soit autrement limité, je ne vois pas
pourquoi il ne renverrait pas à l'article 5.
5. Ni l'article 5 ni l'article 13 ne font spécifique-
ment mention d'une quelconque restriction fondée
sur les renseignements confidentiels du Conseil
privé de la Reine.
J'estime que ces dispositions ne présentent
aucune ambiguïté. Contrairement à ce qu'il a fait
dans plusieurs autres lois, le Parlement n'a pas
décrété que le droit d'accès doit céder le pas à la
convention constitutionnelle sur le secret du Cabi
net. Même si je devais conclure que ces facteurs
s'équilibrent—et je ne le fais pas—l'examen rigou-
reux des dépenses de fonds publics par le gouver-
nement et la responsabilité de celui-ci en cette
matière revêtent un intérêt public plus important
que tout risque d'affaiblir la doctrine du secret du
Cabinet. Je suis donc arrivé à la conclusion qu'en
cas de conflit, le droit du vérificateur général
d'avoir accès à des documents doit prévaloir.
LES FAITS:
Petro -Canada est une société d'État constituée
en vertu de la Loi sur la Société Petro -Canada,
S.C. 1974-75-76, chap. 61, et est une mandataire
de Sa Majesté. On a annoncé le 3 février 1981 que
Petro -Canada et Pétrofina s.a., la compagnie mère
de Petrofina Canada Inc., avaient convenu que
Petro -Canada achèterait Petrofina Canada Inc. Le
21 mars 1981, soit presque deux mois après que les
conditions de l'achat eurent été rendues publiques,
le Parlement du Canada a adopté une disposition
législative permettant de dépenser jusqu'à 1,7 mil-
liard de dollars pour cet achat grâce aux sommes
accordées au ministère de l'Énergie, des Mines et
des Ressources sous le régime du crédit 5c de
l'annexe de la Loi n° 4 de 1980-81 portant affec
tation de crédits, S.C. 1980-81-82-83, chap. 51:
ÉNERGIE, MINES ET RESSOURCES
A—MINISTÈRE
PROGRAMME DE L'ÉNERGIE
Énergie—Dépenses de fonctionnement, y compris des verse-
ments au cours de la présente année financière et des années
financières subséquentes conformément aux conditions que
peut prescrire le gouverneur en conseil, sur recommandation
du Ministre et du ministre des Finances, des sommes néces-
saires en certaines occasions en vue d'effectuer des place
ments sous forme d'actions, de titres, d'obligations ou d'au-
tres titres de créance de Petro -Canada en vue d'accroître le
taux de propriété canadienne au sein de l'industrie gazière et
pétrolière au Canada au moyen de l'achat d'actions et de
biens de Petrofina Canada Inc. par Petro -Canada (pour un
montant ne devant pas dépasser 1.7 milliard de dollars,
montant qui comprend les frais de financement provisoire),
et à cette fin sera créé le Compte d'accroissement du taux de
propriété canadienne, un compte non budgétaire de fiducie,
qui figurera parmi les comptes du Canada:
a) au crédit duquel on portera toutes les sommes perçues
dans le cadre d'une taxe spéciale relative à l'accroisse-
ment du taux de propriété canadienne au sein de l'indus-
trie gazière et pétrolière au Canada; et
b) auquel seront imputés tous les investissements faits en
vertu du présent crédit, pour l'achat d'actions et de biens
de Petrofina Canada Inc.
et pour prévoir des dispositions afin d'interdire tout investis-
sement en vertu du présent crédit dont le montant excède le
solde du crédit du compte, et pour prévoir un montant
supplémentaire de 5,382,000
Le crédit 5c a créé le Compte d'accroissement du
taux de propriété canadienne (CAPC), un compte
non budgétaire de fiducie qui figure parmi les
comptes du Canada. Les revenus portés au CAPC
sont perçus sous le régime de la Loi sur l'adminis-
tration de l'énergie, S.C. 1974-75-76, chap. 47
[mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 114, art. 2].
Les paragraphes 65.26(3) et (4) de la Loi [ajoutés,
idem, art. 39] prévoient que les investissements
autorisés par le crédit 5c doivent être portés au
débit du CAPC. Les actions émises conformément
à ces investissements doivent être détenues au nom
du ministre de l'Énergie, des Mines et des Res-
sources et portées au crédit du CAPC. Ledit
Ministre était (et est) donc le fiduciaire des reve-
nus et des actifs investis du CAPC. Tous les
investissements faits pour l'achat d'actions et de
biens de Petrofina Canada Inc. devaient être
portés au débit du CAPC.
Le 18 avril 1981, Petro -Canada Exploration Inc.
(PEX), une filiale à cent pour cent de Petro -
Canada, a proposé aux actionnaires de Petrofina
Canada Inc. d'acheter leurs actions au prix de
120 $ chacune, sous réserve d'un rajustement et de
certaines conditions. Cette offre d'achat compor-
tait les mêmes conditions financières que celles
convenues entre Petro -Canada et Pétrofina s.a., et
elle était subordonnée à l'exécution du transfert de
certains biens de Petrofina Canada Inc. à Pétroles
Petro -Canada Inc. (PPCI), une filiale à cent pour
cent de PEX, en échange d'actions privilégiées de
PPCI. Les actionnaires de Petrofina Canada Inc.
ont accepté cette offre le l er mai 1981. L'offre était
valable du 18 avril 1981 au 28 février 1983 et,
pour ce qui concerne les actions qui n'ont pas été
vendues le 23 mai 1981, on a rajusté leur prix en
ajoutant l'intérêt imputé au taux offert sur le
marché de Londres par les banques (London
Inter-Bank Offered Rate ou LIBOR) pour les
dépôts en dollars américains, moins les dividendes
versés, jusqu'à ce que ce que les actions soient
mises en vente. Le rajustement du prix d'achat
pour l'intérêt imputé au taux LIBOR a augmenté à
plus de 120 $ l'action le prix des actions qui
n'avaient pas été mises en vente dès le départ, et
l'intérêt payé par PEX aux banques commerciales
qui ont financé l'achat des actions a été débité au
CAPC. Le tout est inscrit dans les états financiers
sommaires du Canada comme un placement sous
forme d'actions de Petro -Canada qui sont détenues
en fiducie et portées au crédit du CAPC.
Voici les opérations qui ont été effectuées entre
le 2 février et le 12 mai 1981 en vue de l'acquisi-
tion des actifs et des actions de Petrofina Canada
Inc.:
a) Le 2 février 1981, Petro -Canada a consenti à acheter les
actions que Pétrofina s.a. possédait dans Petrofina Canada Inc.
et acceptait de lui vendre à certaines conditions, notamment
l'approbation par une résolution des actionnaires de Petrofina
Canada Inc. de la vente des actifs de cette dernière à PPCI.
b) Le 23 février 1981, Petro -Canada a fait en sorte que les
actions privilégiées de PPCI soient transférées à Petrofina
Canada Inc.
c) Le 18 avril 1981, Petro -Canada a fait en sorte que PEX
offre aux détenteurs d'actions ordinaires de Petrofina Canada
Inc. d'acheter les actions ordinaires en circulation à un prix de
120 $ l'action, sous réserve de rajustements et de certaines
conditions. Les actionnaires qui acceptaient l'offre devaient
confier leurs actions à des fiduciaires, la Montreal Trust Com
pany (Canada) et la Société Générale de Banque (Europe) (les
«fiduciaires»).
d) Un peu avant le 11 mai 1981, Petro -Canada a fait en sorte
que PEX contracte avec des banques un prêt de 1,5 milliard de
dollars, sous réserve de l'obtention d'un cautionnement de
Petro -Canada.
e) Le 11 mai 1981, les actionnaires de Petrofina Canada Inc. se
sont réunis et, par un vote spécial, ont approuvé à la majorité
(plus de 2/3 des voix) la vente de ses actifs transférables à
PPCI.
f) Le 11 mai 1981, le gouverneur en conseil a pris le décret C.P.
1981-1235 qui modifiait le décret C.P. 1981-259 et approuvait
le budget d'immobilisations de Petro -Canada afin de permettre
à cette dernière de se porter garante des obligations de PEX
découlant de l'offre d'achat de toutes les actions ordinaires en
circulation de Petrofina Canada Inc., et de se porter garante
des obligations de PPCI découlant de son engagement d'acheter
les actifs de Petrofina Canada Inc.
g) Le 12 mai 1981, (i) Petrofina Canada Inc. a transféré à une
filiale de Pétrofina s.a. certains des actifs qu'elle n'avait pas
vendus à PPCI; (ii) Petro -Canada a fait en sorte que PPCI
achète le reste des actifs de Petrofina Canada Inc. en échange
des actions privilégiées de PPCI, et (iii) Petro -Canada a fait en
sorte que PEX achète des fiduciaires les actions de Petrofina
Canada Inc. qui leur avaient été confiées.
Le 2 février 1981, le gouverneur général en
conseil a approuvé, dans le décret C.P. 1981-259,
un budget supplémentaire permettant à Petro -
Canada d'entreprendre l'achat d'actions au prix de
1,5 milliard de dollars, y compris les sommes
nécessaires pour le financement. Le 11 mai 1981,
le décret C.P. 1981-259 a été modifié par le C.P.
1981-1235. Petro -Canada a utilisé les garanties
autorisées par cette modification pour établir des
marges de crédit bancaires en faveur de PEX afin
de lui permettre d'acquérir les actions de Petrofina
Canada Inc. en utilisant des fonds empruntés.
Le 26 mars 1982, le gouverneur général en
conseil a pris le décret C.P. 1982-971 qui prescri-
vait les modalités applicables aux paiements effec-
tués à même le CAPC. L'annexe «A», qui est un
accord intervenu entre Sa Majesté la Reine repré-
sentée par le ministre de l'Énergie, des Mines et
des Ressources et Petro -Canada, porte notam-
ment:
[TRADUCTION] 1. En plus des fonds déjà tirés du Compte, le
Ministre doit avancer à Petro -Canada les fonds qui sont à
l'occasion disponibles dans le Compte, les fonds avancés ou qui
devront l'être ne devant pas excéder une somme d'un milliard
sept cent millions de dollars (1,7 milliard de dollars), jusqu'à ce
que Petro -Canada ait reçu du Ministre un montant égal au
total de l'investissement et des intérêts payables par Petro -
Canada pour l'acquisition de quatre-vingt-quinze pour cent
(95 %) des actions (la «date du paiement final").
2. Petro -Canada doit fournir sans délai au Ministre pour les
fonds déjà avancés et sur réception de chaque autre avance
tirée du Compte des reconnaissances de dette sous la forme
figurant dans l'annexe A indiquant les montants reçus et la
date de leur réception.
3. Petro -Canada doit fournir au Ministre, au plus tard le 15°
jour de chaque mois précédant la date du paiement final, un
relevé en date du dernier jour du mois précédent faisant état:
a) du total des fonds reçus du Compte;
b) de l'évaluation par Petro -Canada du montant total des
investissements et des intérêts nécessaires pour acquérir qua-
tre-vingt-quinze pour cent (95 %) des actions; et
c) de la date à laquelle aura lieu le paiement final selon
Petro -Canada.
4. Dès l'adoption d'une loi prévoyant l'émission d'actions ordi-
naires de Petro -Canada en contrepartie des avances tirées du
Compte et, par la suite, au plus tard le 31 mars de chaque
année juqu'à la date du paiement final, Petro -Canada doit
émettre au nom du Ministre la totalité des actions ordinaires de
Petro -Canada dont la valeur nominale de cent mille dollars
(100 000 $) est déterminée en divisant par cent mille dollars
(100 000 $) (sic) l'investissement total avancé à Petro -Canada
par le Ministre depuis le 31 mars de l'année précédente pour
laquelle aucune action ordinaire n'a été émise. L'émission par
Petro -Canada de ces actions ordinaires éteindra complètement
les dettes de Petro -Canada à l'égard du Ministre en ce qui
concerne la totalité des investissements et des intérêts avancés à
Petro -Canada par le Ministre depuis le 31 mars de l'année
précédente.
5. Petro -Canada doit, à la date du paiement final, remettre sans
délai au Ministre un avis écrit et doit, dans les trente (30) jours
de cette date, émettre au nom du Ministre les actions ordinaires
de Pétro-Canada dont la valeur nominale de cent mille dollars
(100 000 $) est déterminée en divisant par cent mille dollars
(100000$) (sic) l'investissement total depuis le 31 mars de
l'année précédente. L'émission par Petro -Canada de ces actions
ordinaires éteindra complètement les dettes de Petro -Canada à
l'égard du Ministre en ce qui concerne la totalité des investisse-
ments et des intérêts avancés à Petro -Canada par le Ministre
depuis le 31 mars de l'année précédente.
6. La présente entente entre en vigueur à compter du 31
décembre 1981, comme si elle avait été conclue à cette date, et
elle restera exécutoire jusqu'au 30 juin 1983.
Le 29 juin 1982, le Parlement a modifié la Loi
sur la Société Petro -Canada par S.C. 1980-81-
82-83, chap. 105, pour autoriser le paiement d'une
prime d'émission d'actions en sus de la valeur au
pair des actions de Petro -Canada. Le décret C.P.
1983-918, portant date du 25 mars 1983, a été pris
conformément à cette modification afin de pres-
crire le paiement d'une prime d'émission de
11 031 $ pour chacune des 12 451 actions ordinai-
res de Petro -Canada achetées avec les fonds du
CAPC.
De mars 1982 mars 1984, le demandeur a
cherché à obtenir des défendeurs, Petro -Canada et
d'autres fonctionnaires du gouvernement, l'infor-
mation dont il avait besoin pour procéder à la
vérification du CAPC. Dans ses rapports de 1982,
1983 et 1984 la Chambre des communes, le
demandeur mentionne l'absence de documents lui
permettant d'établir si on a fait preuve d'économie
et d'efficience dans l'emploi du 1,7 millard de
dollars prélevés sur le CAPC à même les fonds
publics pour acquérir les actions et les biens de
Petrofina Canada Inc. Il a aussi indiqué qu'il avait
des difficultés à obtenir les renseignements néces-
saires pour qu'il se prononce sur cette question. Le
9 mars 1984, il a écrit à Petro -Canada, invoquant
le paragraphe 14(2) de la Loi sur le vérificateur
général, pour demander qu'on lui fournisse certai-
nes informations concernant l'acquisition de Petro-
fina Canada Inc., ou qu'on lui donne accès à ces
informations. Il demandait notamment les infor-
mations contenues dans les documents suivants:
[TRADUCTION] a) les analyses et/ou rapports d'évaluation rela-
tifs à l'acquisition de Petrofina Canada Inc.;
b) les documents, propositions ou mémoires présentés aux
membres et aux représentants du gouvernement du Canada;
c) les évaluations de l'acquisition de Petrofina Canada Inc.
et/ou de ses actifs auxquelles on aurait procédé postérieurement
à l'acquisition de Petrofina Canada Inc.
Le demandeur a essuyé un refus. Le 16 avril
1984, il a écrit au gouverneur en conseil sur le
fondement du paragraphe 14(3) de la Loi sur le
vérificateur général, le notifiant du refus de Petro -
Canada de lui communiquer cette information ou
de lui permettre d'en prendre connaissance. Sur
notification, le gouverneur en conseil est autorisé
par le paragraphe 14(3) à donner directive à
Petro -Canada de fournir au vérificateur général
l'information demandée ou de lui permettre d'en
prendre connaissance. Le gouverneur en conseil a
toutefois répliqué par le décret C.P. 1984-2243,
portant date du 26 juin 1984, par lequel il a refusé
de donner directive à Petro -Canada de fournir
l'information requise au demandeur. Subséquem-
ment, d'autres demandes d'information ont été
faites aux défendeurs; toutes ont essuyé un refus.
Le 25 juin 1984, le demandeur a écrit au Pre
mier ministre, le Très Honorable Pierre Elliott
Trudeau, pour appeler son attention sur le refus
des défendeurs de fournir au demandeur l'informa-
tion requise. Par lettre, datée du 29 juin 1984, le
Premier ministre a répondu que l'information
requise consistait en des documents confidentiels
du Conseil privé de la Reine pour le Canada et que
le demandeur n'avait pas droit d'accès à ces docu
ments confidentiels.
LA PROCÉDURE:
Le vérificateur général s'adresse à la Cour pour
qu'elle résolve cette impasse. Sa demande initiale
était sous forme d'avis de requête sollicitant:
[TRADUCTION] a) Une ordonnance enjoignant aux intimés de
donner au requérant libre accès aux informations contenues
dans les documents préparés par les intimés, ou reçus par eux,
ou dont ils ont tenu compte dans l'exercice de leurs responsabi-
lités légales respectives, individuelles ou collectives; et
b) Une ordonnance sous forme d'injonction permanente, inter-
disant aux intimés d'entreprendre toute action qui aurait pour
effet d'empêcher le requérant:
(i) d'obtenir le libre accès à cette information,
(ii) et d'obtenir des informations en vertu du paragraphe
13(1) de la Loi sur le vérificateur général.
Sous cette forme, la requête soulevait plusieurs
questions de procédure qui m'ont préoccupé dès le
départ et qui étaient d'ailleurs suffisamment
graves pour avoir attiré l'attention de la Cour
suprême du Canada dans l'arrêt Harelkin c. Uni-
versité de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561, et de la
Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Wilson c.
Ministre de la Justice (jugement en date du 29
mai 1985, Division d'appel de la Cour fédérale,
A-115-84, encore inédit). Il n'est pas nécessaire de
se référer longuement aux faits ou aux décisions de
chacune de ces espèces. Toutes deux confirment
mes préoccupations; une ordonnance permanente
de la nature recherchée ne peut être obtenue qu'a-
près jugement au fond dans une action.
Se posaient également au moins deux questions
de fond: premièrement, existe-t-il en l'espèce un
devoir d'ordre public dont l'exécution puisse être
forcée par une ordonnance de mandamus? Il est
bien établi qu'on ne peut avoir recours au manda-
mus que pour forcer l'exécution d'une obligation
spécifique prévue dans une loi donnée. En l'espèce,
même si je concluais que l'article 13 de la Loi sur
le vérificateur général accorde au demandeur le
droit de forcer des fonctionnaires ou des ministres
de la Couronne à produire des documents, toute
obligation pour ces derniers de s'y conformer n'est
qu'une présomption et non une responsabilité pré-
cise prévue dans le texte même de la Loi. Deuxiè-
meurent, le mandamus et l'injonction étant de
nature discrétionnaire, il peut être tout à fait
inopportun d'accorder l'une ou l'autre de ces
demandes avant que le requérant n'ait d'abord
épuisé tous les autres recours à sa disposition (voir
l'arrêt Harelkin de la Cour suprême du Canada).
En bref, il semble fort clair que pour que la Cour
soit en position de résoudre ce litige, il faut
emprunter la voie du jugement déclaratoire.
Celui-ci ne s'obtient qu'en Division de première
instance de la Cour fédérale du Canada dans le
cadre d'une action. Le juge Mahoney dit dans
l'affaire Wilson [à la page 3 de ses motifs]:
... deux partis s'offrent au juge saisi d'une requête en jugement
déclaratoire: il peut soit rejeter la demande pour des motifs
d'ordre procédural tout en réservant au requérant le droit
d'intenter son action dans un délai qu'il fixe, soit, avec le
consentement des parties et non simplement en l'absence d'ob-
jection, ordonner que l'on considère que l'instance a été réguliè-
rement introduite, à condition que les parties versent au dossier
un exposé conjoint de tous les faits sur lesquels les questions en
litige devront être tranchées.
Plutôt que de mettre fin à l'instance, j'ai donc
convoqué les avocats de toutes les parties, au mois
de juillet. Il a résulté de cette rencontre qu'ils ont
convenu de transformer la requête initiale en une
action entre les parties, de produire les actes de
procédure nécessaires, de renoncer aux interroga-
toires préalables et de considérer la requête que
j'avais déjà instruite comme une demande de juge-
ment dans une action au fond.
Par déclaration, produite le 2 août 1985, le
demandeur sollicite un mandamus ou, subsidiaire-
ment, un jugement déclaratoire disant que libre
accès aux informations que contiennent les docu
ments suivants lui est accordé:
[TRADUCTION] (i) Les analyses et/ou rapports d'évaluation
concernant l'acquisition de Petrofina Canada Inc. préparés
pour les défendeurs, ou reçus par eux, ou dont ils ont tenu
compte dans l'exercice de leurs responsabilités légales respecti-
ves, individuelles ou collectives;
(ii) Les documents, propositions ou mémoires concernant l'em-
ploi de fonds à même les comptes du Canada (notamment le
Compte d'accroissement du taux de propriété canadienne) pour
l'acquisition de Petrofina Canada Inc., qui ont été rédigés pour
les défendeurs, ou reçus par eux, ou dont ils ont tenu compte
dans l'exercice de leurs responsabilités légales respectives, col
lectives ou individuelles, concernant l'acquisition de Petrofina
Canada Inc.;
(iii) Toutes les évaluations de l'acquisition de Petrofina Canada
Inc. et/ou des actifs acquis, faites ultérieurement à l'acquisition
par les défendeurs, rédigés pour eux, ou reçus par eux, ou dont
ils ont tenu compte dans l'exercice de leurs responsabilités
légales respectives, individuelles ou collectives;
(iv) Afin de fournir au demandeur l'information, les rapports et
les explications que comportent les documents énoncés en (i),
concernant les paiements de fonds publics prélevés sur les
comptes du Canada, plus particulièrement les paiements préle-
vés sur le Compte d'accroissement du taux de propriété cana-
dienne, crédit 5c, Loi n° 4 de 1980-81 portant affectation de
crédits pour acquérir les actions et la propriété de Petrofina
Canada Inc., que le demandeur estime nécessaire à l'exercice
de sa fonction en vertu de la Loi sur le vérificateur général.
Les défendeurs soutiennent que l'action devrait
être rejetée pour quatre raisons. Premièrement,
l'information que veut obtenir le vérificateur géné-
ral ne concerne pas sa vérification du Compte
d'accroissement du taux de propriété canadienne.
Deuxièmement, le vérificateur général ne peut pas
alléguer que l'information qu'il demande est néces-
saire à l'exercice de ses fonctions puisque en 1981,
1982 et 1983, dans son rapport à la Chambre des
communes, il a indiqué qu'on lui avait fourni
toutes les informations et explications requises
pour remplir ses fonctions de vérificateur. Troisiè-
mement, la divulgation de l'information demandée
violerait la convention constitutionnelle qui inter-
dit de divulguer les renseignements confidentiels
du Conseil privé de la Reine pour le Canada. De
plus, les documents confidentiels en cause concer-
nent le ministère de l'ancien Premier ministre Tru-
deau et sont donc protégés par la convention cons-
titutionnelle concernant les documents des anciens
ministères. Quatrièmement, c'est la Chambre des
communes, et non les tribunaux, qui devrait être
saisie d'une demande du vérificateur général visant
l'accès aux documents confidentiels du Conseil
privé de la Reine.
Le greffier du Conseil privé s'est également
opposé à la divulgation à la Cour des informations
que requiert le demandeur, attestant par écrit que
cette information constitue un renseignement con-
fidentiel du Conseil privé de la Reine pour le
Canada relatif à l'époque du ministère du Premier
ministre Trudeau. L'attestation est produite con-
formément à l'article 36.3, de la Loi sur la preuve
au Canada, S.R.C. 1970, chap. E-10, art. 36.3,
ajouté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, art. 4,
et aussi en vertu de l'immunité de common law
concernant la communication d'informations con-
fidentielles de la Couronne.
LE DROIT:
On reconnaît que le demandeur doit vérifier les
comptes du Canada, y compris le Compte d'ac-
croissement du taux de propriété canadienne, dans
lequel ont été puisés les fonds publics investis dans
Petro -Canada. Les responsabilités du vérificateur
général à l'égard des comptes du Canada sont
énoncées aux articles 5, 6 et 7 de la Loi sur le
vérificateur général et au paragraphe 5(4) et à
l'article 55 de la Loi sur l'administration finan-
cière, S.R.C. 1970, chap. F-10.
Loi sur le vérificateur général
5. Le vérificateur général est le vérificateur des comptes du
Canada, y compris ceux qui ont trait au Fonds du revenu
consolidé et, à ce titre, il effectue les examens et enquêtes qu'il
juge nécessaires pour lui permettre de faire rapport comme
l'exige la présente loi.
6. Le vérificateur général examine les différents états finan
ciers qui doivent figurer dans les comptes publics en vertu de
l'article 55 de la Loi sur l'administration financière et tous
autres états que lui soumet [< span> président du conseil du Trésor
ou» ajouté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 170, art. 25, sanc-
tionné le 30 novembre 1983] le ministre des Finances pour
vérification; il indique si les états sont présentés fidèlement et
conformément aux conventions comptables énoncées pour l'ad-
ministration fédérale et selon une méthode compatible avec
celle de l'année précédente; il fait éventuellement des réserves.
7. (1) Le vérificateur général prépare à l'intention de la
Chambre des communes un rapport annuel dans lequel
a) il fournit des renseignements sur les activités de son
bureau; et
b) il indique s'il a reçu dans l'exercice de ces activités, tous
les renseignements et éclaircissements réclamés.
(2) Dans le rapport mentionné au paragraphe (1), le vérifica-
teur général signale tout sujet qui, à son avis, est important et
doit être porté à l'attention de la Chambre des communes,
notamment les cas où il a constaté que
a) les comptes n'ont pas été tenus d'une manière fidèle et
régulière ou des deniers publics n'ont pas fait l'objet d'un
compte rendu complet ou n'ont plus été versés, lorsque cela
est légalement requis au Fonds du revenu consolidé;
b) les registres essentiels n'ont pas été tenus ou les règles et
procédures utilisées ont été insuffisantes pour sauvegarder et
contrôler les biens publics, assurer un contrôle efficace des
cotisations, du recouvrement et de la répartition régulière du
revenu et assurer que les dépenses effectuées ont été
autorisées;
c) des sommes d'argent ont été dépensées à d'autres fins que
celles auxquelles le Parlement les avait affectées;
d) des sommes d'argent ont été dépensées sans égard à
l'économie ou à l'efficience; ou
e) des procédures satisfaisantes n'ont pas été établies pour
mesurer et faire rapport sur l'efficacité des programmes dans
les cas où elles peuvent convenablement et raisonnablement
être mises en œuvre.
(3) Le rapport annuel du vérificateur général à la Chambre
des communes est soumis à l'Orateur de la Chambre des
communes au plus tard le 31 décembre de l'année à laquelle il
se rapporte, ce dernier doit le déposer devant la Chambre des
communes immédiatement ou, si la Chambre ne siège pas, le
premier jour de séance suivante.
Pour faciliter la tâche du vérificateur général, le
Parlement a adopté les articles 13 et 14 de la Loi:
13. (1) Sous réserve des dispositions d'une autre loi du
Parlement qui se réfèrent expressément au présent paragraphe,
le vérificateur général a le droit, à tout moment convenable, de
prendre connaissance librement de tout renseignement se rap-
portant à l'exercice de ses fonctions; à cette fin, il peut exiger
que les fonctionnaires fédéraux lui fournissent tous renseigne-
ments, rapports et explications dont il a besoin.
(2) Le vérificateur général peut, pour remplir plus efficace-
ment ses fonctions, détacher des employés de son bureau auprès
de tout ministère. Celui-ci doit leur fournir les locaux et
l'équipement nécessaires.
(3) Le vérificateur général doit exiger de tout employé de son
bureau chargé, en vertu de la présente loi, d'examiner les
comptes d'un ministère ou d'une corporation de la Couronne,
qu'il observe les normes de sécurité applicables aux employés
du ministère ou de la corporation et qu'il prête le serment de
respecter le secret professionnel, auquel ceux-ci sont astreints.
(4) Le vérificateur général peut interroger sous serment,
toute personne au sujet d'un compte soumis à sa vérification; à
cette fin, il peut exercer les pouvoirs conférés aux commissaires
par la Partie I de la Loi sur les enquêtes.
14. (1) Par dérogation aux paragraphes (2) et (3), le vérifica-
teur général, dans l'exercice de ses fonctions de vérificateur des
comptes du Canada, peut se fier au rapport du vérificateur,
régulièrement nommé, d'une corporation de la Couronne ou
d'une de ses filiales.
(2) Le vérificateur général peut demander à toute corpora
tion de la Couronne d'obtenir de ses administrateurs, diri-
geants, employés, mandataires et vérificateurs anciens ou
actuels ou de ceux de ses filiales, les renseignements et éclair-
cissements dont il estime avoir besoin dans l'exercice de ses
fonctions de vérificateur des comptes du Canada et de les lui
fournir.
(3) Le vérificateur général, au cas où il estime qu'une
corporation de la Couronne n'a pas donné des renseignements
et éclaircissements satisfaisants à la suite d'une demande visée
au paragraphe (2), peut en faire part au gouverneur en conseil;
celui-ci peut alors ordonner aux dirigeants de cette corporation
de fournir les renseignements et éclaircissements réclamés par
le vérificateur général et de lui permettre de consulter les
registres, documents, livres, comptes et pièces justificatives de
la corporation et de ses filiales, dont il estime avoir besoin dans
l'exercice de ses fonctions de vérificateur des comptes du
Canada.
Loi sur l'administration financière
5....
(4) Le conseil du Trésor peut prescrire, à l'occasion, la
manière dont les comptes du Canada et les comptes des divers
ministères doivent être tenus, et en indiquer la forme. Il peut
aussi enjoindre à toute personne qui reçoit, administre ou
débourse des deniers publics de tenir les livres, registres ou
comptes que le conseil estime nécessaires.
55. (1) Un rapport appelé «Comptes publics» doit être pré-
paré par le receveur général pour chaque année financière et
doit être déposé devant la Chambre des communes par le
Ministre après la fin de cette année et au plus tard le 31
décembre suivant ou, si le Parlement n'est pas alors en session,
l'un des quinze premiers jours où il siège par la suite.
(2) Les comptes publics doivent revêtir la forme que prescrit
le Ministre et renfermer
a) un rapport sur les opérations financières de l'année ci-des-
sous mentionnée;
b) un état, certifié par l'auditeur général du Canada, des
dépenses et revenus du Canada pour l'année financière;
c) un état, certifié par l'auditeur général, des éléments d'actif
et de passif du Canada que le Ministre juge nécessaires pour
indiquer la situation financière du Canada à la fin de ladite
année;
d) le passif éventuel du Canada; et
e) les autres comptes et renseignements qui sont indispensa
bles pour indiquer, à l'égard de l'année susdite, les opérations
et la situation financière du Canada, ou dont une loi exige la
présence dans les comptes publics.
L'article 55 a été abrogé et remplacé par S.C.
1980-81-82-83, chap. 170, art. 16:
16. L'article 55 de ladite loi est abrogé et remplacé par ce qui
suit:
«55. (1) Un rapport appelé «Comptes publics» doit être
préparé par le receveur général pour chaque année financière et
doit être déposé devant la Chambre des communes par le
président du conseil du Trésor après la fin de cette année et au
plus tard le 31 décembre suivant ou, si la Chambre des
communes ne siège pas, l'un des quinze premiers jours où la
Chambre des communes siège par la suite.
(2) Les comptes publics doivent revêtir la forme que prescri-
vent le président du conseil du Trésor et le Ministre et contenir
a) un état des
(i) opérations financières de l'année financière,
(ii) dépenses et revenus du Canada pour l'année financière,
et
(iii) éléments d'actif et de passif que le président du conseil
du Trésor et le Ministre jugent nécessaires pour indiquer la
situation financière du Canada à la fin de l'année
financière;
b) le passif éventuel du Canada;
c) l'avis du vérificateur général du Canada sur les états qu'il
examine en application de l'article 6 de la Loi sur le vérifica-
teur général; et
d) en ce qui a trait à l'année financière, les autres comptes et
renseignements que le président du conseil du Trésor et le
Ministre jugent indispensables pour présenter fidèlement les
opérations et la situation financière du Canada ou dont une
loi exige la présence dans les comptes publics.
En plus de décider si les articles 13 et 14 autori-
sent le demandeur à prendre connaissance des
documents en question, je dois déterminer quel
effet, si effet il y a, une attestation produite en
vertu de l'article 36.3 de la Loi sur la preuve au
Canada a sur les redressements sollicités en
l'instance:
36.3 (1) Le tribunal, l'organisme ou la personne qui ont le
pouvoir de contraindre à la production de renseignements sont,
dans les cas où un ministre de la Couronne ou le greffier du
Conseil privé s'opposent à la divulgation d'un renseignement,
tenus d'en refuser la divulgation, sans l'examiner ni tenir
d'audition à son sujet, si le ministre ou le greffier attestent par
écrit que le renseignement constitue un renseignement confi-
dentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada.
(2) Pour l'application du paragraphe (1), «un renseignement
confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada»
s'entend notamment d'un renseignement contenu dans:
a) une note destinée à soumettre des propositions ou recom-
mandations au Conseil;
b) un document de travail destiné à présenter des problèmes,
des analyses ou des options politiques à l'examen du Conseil;
c) un ordre du jour du Conseil ou un procès-verbal de ses
délibérations ou décisions;
d) un document employé en vue ou faisant état de communi
cations ou de discussions entre ministres de la Couronne sur
des questions liées à la prise des décisions du gouvernement
ou à la formulation de sa politique;
e) un document d'information à l'usage des ministres de la
Couronne sur des questions portées ou qu'il est prévu de
porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l'objet
des communications ou discussions visées à l'alinéa d);
J) un avant-projet de loi.
(3) Pour l'application du paragraphe (2), «Conseil» s'entend
du Conseil privé de la Reine pour le Canada, du Cabinet et de
leurs comités respectifs.
(4) Le paragraphe (1) ne s'applique pas:
a) à un renseignement confidentiel du Conseil privé de la
Reine pour le Canada dont l'existence remonte à plus de
vingt ans;
b) à un document de travail visé à l'alinéa (2)b), dans les cas
où les décisions auxquelles il se rapporte ont été rendues
publiques ou, à défaut de publicité, ont été rendues quatre
ans auparavant.
LA CONVENTION CONSTITUTIONNELLE SUR LE
SECRET DU CABINET:
C'est sans difficulté que je constate qu'il existe
au Canada une convention en vertu de laquelle les
délibérations privées des ministres de la Couronne
au Conseil de Sa Majesté demeurent confidentiel-
les. La Cour suprême du Canada a défini les
conventions constitutionnelles dans le Renvoi:
Résolution pour modifier la Constitution, [19811
1 R.C.S. 753, la page 883:
Avec égards, nous adoptons la définition de convention
donnée par le savant juge en chef du Manitoba, le juge
Freedman, dans le renvoi du Manitoba, précité, aux pp. 13 et
14:
[TRADUCTION] Qu'est-ce qu'une convention constitution-
nelle? On trouve d'assez nombreux écrits sur le sujet. Bien
qu'il puisse y avoir des nuances entre les constitutionnalistes,
les experts en sciences politiques et les juges qui y ont
contribué, on peut énoncer comme suit avec un certain degré
d'assurance les caractéristiques essentielles d'une convention.
Ainsi il existe un consensus général qu'une convention se
situe quelque part entre un usage ou une coutume d'une part
et une loi constitutionnelle de l'autre. Il y a un consensus
général que si l'on cherchait à fixer cette position avec plus
de précision, on placerait la convention plus près de la loi que
de l'usage ou de la coutume. Il existe également un consensus
général qu'aune convention est une règle que ceux à qui elle
s'applique considèrent comme obligatoire.. Hogg, Constitu
tional Law of Canada (1977), p. 9. Selon la prépondérance
des autorités sinon le consensus général, la sanction de la
violation d'une convention est politique et non juridique.
Il faut garder à l'esprit toutefois que bien qu'il ne s'agisse pas
de lois, certaines conventions peuvent être plus importantes que
certaines lois. Leur importance dépend de la valeur ou du
principe qu'elles sont censées protéger. En outre, elles forment
une partie intégrante de la Constitution et du régime constitu-
tionnel. Elles relèvent du sens du mot «Constitution. dans le
préambule de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867:
Considérant que les provinces du Canada, de la Nouvelle-
Écosse et du Nouveau-Brunswick ont exprimé le désir de
contracter une Union Fédérale ... avec une constitution
reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni:
La nature de cette convention est exposée aux
paragraphes 65 et 68 du mémoire des défendeurs,
où l'on se réfère à plusieurs publications; on y
explique que le respect du secret des délibérations
du Cabinet est dans l'intérêt public [voir Dawson,
R.M., The Government of Canada (University of
Toronto Press, 5e éd. 1970), la page 185, et
Mallory, J.R., The Structure of Canadian
Government (MacMillan, Toronto, 1971) aux
pages 90 et 911 Ces deux auteurs soulignent que
le secret doit être maintenu afin que les membres
du Cabinet puissent librement débattre de tout
sujet dont ils sont saisis. Les avocats ont aussi
mentionné certaines décisions dans d'autres juri-
dictions dotées d'un système parlementaire où l'on
a reconnu la convention constitutionnelle proté-
geant les secrets du Cabinet. Dans l'affaire
Burmah Oil Co Ltd v Bank of England (Attorney
General intervening), [1979] 3 All E.R. 700 (H.L.)
à la page 707, lord Wilberforce dit:
[TRADUCTION] Un de ces motifs est la nécessité d'une commu
nication franche entre les personnes chargées d'établir des
politiques. Il est actuellement de bon ton de dénigrer un tel
principe, mais s'il est vrai que l'on a peut-être exagéré son
importance à une époque, j'estime qu'il reçoit maintenant une
trop forte dose d'indifférence. Contrairement au Ministre, je ne
suis pas du tout disposé à minimiser, lorsqu'il s'agit de la
formulation d'une politique aussi controversée que celle qui
nous occupe, la nécessité d'une communication franche et
complète de conseils et de renseignements, de la Banque au
gouvernement ainsi qu'entre les fonctionnaires et les ministres
Un autre motif est la protection contre l'examen par des
critiques éventuels, du processus interne d'élaboration par le
gouvernement d'importantes mesures gouvernementales. Je ne
crois pas que le scepticisme ait touché ce principe ni qu'il
incombe aux tribunaux de se faire les défenseurs d'un gouver-
nement ouvert. Si, comme je le crois, cela constitue un motif
qui justifie la protection, il doit continuer à s'appliquer au-delà
de la durée de l'événement considéré. Concrètement, le fait de
révéler les renseignements qui ont alors été demandés et obte-
nus ainsi que le mécanisme permettant de les demander et de
les examiner, pourrait compliquer la tâche du gouvernement
aujourd'hui.
J'admets sans hésitation que ces deux énoncés
reflètent fidèlement le droit applicable au Canada
en ce qui concerne les conventions constitutionnel-
les. (Voir aussi Attorney -General v. Jonathan
Cape Ltd., [1976] Q.B. 752; Conway v. Rimmer,
[1968] 1 All E.R. 874 (H.L.)).
En outre, il existe trois manifestations législati-
ves de cette reconnaissance officielle en plus d'une
quatrième manifestation dans le Règlement de la
Chambre des communes. Les députés à la Cham-
bre des communes peuvent inscrire des questions
au feuilleton et demander la production de docu
ments au gouvernement. Tous les jours, on répond
au nom du Cabinet que certaines questions écrites,
ou certaines parties d'entre elles, ne recevront pas
de réponse parce que ce serait violer la convention
du secret du Cabinet. On refuse fréquemment pour
la même raison de produire des documents. Dans
le cas de la motion portant production de docu
ments, le député qui en a été chargé, s'il n'est pas
satisfait de la réponse, peut l'envoyer en débat, et
le Règlement prévoit expressément qu'à la pro-
chaine heure réservée aux initiatives parlementai-
res, assignée à cette fin, l'affaire doit être mise aux
voix. Il est donc manifeste que la convention est
reconnue par le Règlement de la Chambre qui en
traite spécialement, offrant ainsi aux députés la
possibilité de l'éprouver.
La convention a aussi été reconnue par trois lois.
L'article 69 de la Loi sur l'accès à l'information,
S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe I, porte:
69. (1) La présente loi ne s'applique pas aux documents
confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada,
notamment aux:
a) notes destinées à soumettre des propositions ou recom-
mandations au Conseil;
b) documents de travail destinés à présenter des problèmes,
des analyses ou des options politiques à l'examen du Conseil;
c) ordres du jour du Conseil ou procès-verbaux de ses
délibérations ou décisions;
d) documents employés en vue ou faisant état de communica
tions ou de discussions entre ministres de la Couronne sur des
questions liées à la prise des décisions du gouvernement ou à
la formulation de sa politique;
e) documents d'information à l'usage des ministres de la
Couronne sur des questions portées ou qu'il est prévu de
porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l'objet
des communications ou discussions visées à l'alinéa d);
J) avant-projets de loi;
g) documents contenant des renseignements relatifs à la
teneur des documents visés aux alinéas a) à J).
(2) Pour l'application du paragraphe (I), «Conseil» s'entend
du Conseil privé de la Reine pour le Canada, du Cabinet et de
leurs comités respectifs.
(3) Le paragraphe (1) ne s'applique pas:
a) aux documents confidentiels du Conseil privé de la Reine
pour le Canada dont l'existence remonte à plus de vingt ans;
b) aux documents de travail visés à l'alinéa (I)b), dans les
cas où les décisions auxquelles ils se rapportent ont été
rendues publiques ou, à défaut de publicité, ont été rendues
quatre ans auparavant.
L'article 70 de la Loi sur la protection des rensei-
gnements personnels, S.C. 1980-81-82-83, chap.
111, annexe II, comporte une disposition similaire
que, pour les fins de la présente décision, je n'ai
pas à énoncer. En adoptant la Loi sur l'accès à
l'information et la Loi sur la protection des ren-
seignements personnels, le législateur fédéral a
apporté des modifications corrélatives à la Loi sur
la preuve au Canada. Enfin, il y a l'article 36.3 de
la Loi sur la preuve au Canada auquel je viens
juste de faire référence.
Il me semble que deux conséquences ressortent
de tout ceci. La première est que l'existence de la
convention n'est plus mise en doute, surtout depuis
qu'elle a été reconnue et par le Règlement de la
Chambre et par des lois. La seconde qui, pour les
fins de l'espèce, est plus importante, me semble
être que l'absence d'une disposition restrictive
similaire dans la Loi sur le vérificateur général ne
peut guère être attribuée à un simple oubli. Le
Parlement est réputé connaître le droit et, même
sans de telles manifestations de cette reconnais
sance dans les lois, ce serait un argument fort
persuasif de dire que l'absence de restriction doit
signifier que le Parlement a eu l'intention de
l'écarter. Puisque le Parlement l'a déjà fait,
c'est-à-dire a déjà formulé spécifiquement une
telle restriction dans trois autres lois, comme je l'ai
indiqué plus haut, j'estime que la chose ne fait plus
de doute. Le législateur fédéral a voulu que ceux
qui exercent un recours en vertu de la législation
sur l'accès à l'information ou la protection des
renseignements personnels n'aient pas accès aux
documents confidentiels du Cabinet. Il n'a pas
voulu que le vérificateur général soit assujetti à la
même restriction.
ÉVOLUTION DES FONCTIONS DU VÉRIFICATEUR
GÉNÉRAL:
L'évolution législative de la Loi sur le vérifica-
teur général de 1855 à nos jours témoigne d'une
augmentation des pouvoirs et des responsabilités
du vérificateur général. L'article 103 de la Loi
constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5] (mod.
par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1)], reconnaissait la nécessité d'une vérifi-
cation des comptes publics par un organisme indé-
pendant, comme le faisait d'ailleurs une loi anté-
rieure à la Confédération, l'Acte pour assurer
l'audition plus efficace des comptes publics, S.C.
1855, chap. 78. Cette mesure législative instituait
un bureau d'audition, composé d'un auditeur et de
deux autres membres. L'auditeur devait procéder à
la vérification de tous les établissements et institu-
tions financés à l'aide des deniers publics; il était
tenu d'examiner, de contrôler et de vérifier les
comptes et dépenses et l'émission des billets de
banque et de tenir les comptes publics. Pour assu-
rer son indépendance, l'auditeur ne pouvait être
élu membre de l'une ou de l'autre Chambre.
En 1878, le gouverneur général nommait offi-
ciellement un auditeur général du Canada en vertu
de l'article 11 de l'Acte pour pourvoir à la meil-
leure audition des comptes publics, S.C. 1878,
chap. 7, qui étendait l'obligation de rendre compte
de l'auditeur général et ses pouvoirs en matière de
vérification. Cet Acte prévoyait également que
tout officier recevant des deniers publics devait en
rendre compte à l'auditeur général qui devait s'as-
surer que tous les paiements étaient autorisés, que
les deniers avaient été dépensés régulièrement et
qu'ils étaient appuyés de pièces justificatives ou de
preuves de paiement. L'auditeur général devait
examiner les comptes de toutes les recettes des
revenus formant le Fonds du revenu consolidé du
Canada (FRCC) «et tous autres comptes publics
qui, quoique ne se rattachant pas directement aux
recettes ou dépenses du Canada, lui seront pres-
crits par le Bureau de la Trésorerie» [article 48].
Aux termes de l'Acte de 1878, l'auditeur général
devait aussi soumettre au ministre des Finances, à
l'intention du Parlement, un état des opinions des
jurisconsultes, des rapports du conseil, des man-
dats spéciaux et des chèques émis sans son autori-
sation. L'auditeur général devait certifier les
comptes soumis par le Ministre et faire rapport à
ce sujet, relativement aux lois du Parlement sous
l'autorité desquelles ces déboursés pouvaient être
faits sur le FRCC. Le ministre des Finances et le
receveur général devaient soumettre annuellement
au Parlement les comptes publics, lesquels étaient
contresignés par l'auditeur général. Si le ministre
des Finances ne présentait pas à la Chambre des
communes, dans le temps prescrit, le rapport fait
par l'auditeur général sur quelque compte que ce
soit, ce dernier devait présenter ce rapport
immédiatement.
En 1886, le Parlement adoptait l'Acte du revenu
consolidé et de l'audition, S.R.C. 1886, chap. 29.
En vertu de cette loi, l'auditeur général devait
faire la vérification de chaque compte de crédit de
la Fonction publique. Le ministre des Finances et
le receveur général devaient transmettre les comp-
tes de crédit à l'auditeur général aux fins d'examen
avant le 31 octobre et, lorsque l'auditeur général
estimait nécessaire de rendre compte au gouver-
neur en conseil, il devait le faire par l'intermé-
diaire du ministre des Finances et du receveur
général.
Les fonctions de vérification du vérificateur
général et son obligation de rendre compte ont été
modifiées de nouveau en 1888 par l'Acte modifiant
«l'Acte du revenu consolidé et de l'audition», S.C.
1888, chap. 7. En vertu de cette Loi, l'auditeur
général devait faire rapport au conseil du Trésor,
par l'entremise du ministre des Finances et du
receveur général, de tous les cas où un sous-comp-
table avait employé des deniers à des fins dépas-
sant sa compétence. L'auditeur général était tenu
de signaler chaque cas où un paiement n'avait pas
été porté correctement au débit d'un octroi ou
était, sous un rapport quelconque, entaché d'irré-
gularité. L'Acte prévoyait également qu'avant
d'être signé par l'auditeur général, chaque compte
de crédit devait être examiné, sous la direction de
ce dernier, par un fonctionnaire ou un commis de
son bureau. Le ministre des Finances et le receveur
général devaient transmettre un compte à l'audi-
teur général au plus tard le 30 septembre de
chaque année, indiquant les déboursés faits sur le
Fonds du revenu consolidé jusqu'au 30 juin, et ce
compte devait être soumis à la Chambre des com
munes au plus tard le 31 janvier de l'année sui-
vante, si le Parlement était alors en session, ou si
ce n'était pas le cas, au plus tard une semaine
après la reprise de ses travaux. L'obligation qui
avait été faite à l'auditeur général de contresigner
les comptes publics soumis au Parlement a été
révoquée.
En 1906, la Loi du revenu consolidé et de
l'audition, S.R.C. 1906, chap. 24 apportait d'au-
tres modifications aux fonctions de l'auditeur
général, et en 1931, la Loi du revenu consolidé et
de la vérification, 1931, S.C. 1930 (2 e Sess.)-
1931, chap. 27 étendait les pouvoirs de vérification
de l'auditeur général aux comptes et registres con-
cernant les réserves d'or, les garanties, le matériel,
les fournitures et les approvisionnements ou matiè-
res appartenant à Sa Majesté, et à tout autre
compte dont le conseil du Trésor ordonnait la
vérification. En vertu de cette Loi, l'auditeur géné-
ral pouvait poster des fonctionnaires dans un
ministère ou une division de la Fonction publique,
et le ministère devait fournir à ces fonctionnaires
les locaux et le matériel nécessaires à leurs tra-
vaux. L'auditeur général était tenu d'examiner les
comptes des divers ministères et les comptes du
Canada, dressés en la forme qu'il désirait, par les
personnes désignées par le ministre des Finances.
Les comptes visés par la Loi comprenaient notam-
ment les comptes de toutes recettes et dépenses
concernant le Fonds du revenu consolidé et tout
autre compte dont le conseil du Trésor ordonnait
l'examen et la vérification. Les comptes étaient
soumis en la forme exigée par l'auditeur général.
Tous les comptes devaient être examinés par l'au-
diteur général, qui devait certifier à la Chambre
des communes qu'ils avaient été vérifiés sous sa
direction et qu'ils étaient exacts. L'étendue de
l'obligation de rendre compte imposée à l'auditeur
général a été définie davantage par la Loi de 1931,
qui prévoyait que ce dernier devait rapporter
chaque année à la Chambre des communes le
résultat de son examen et de sa vérification des
comptes du Canada de manière à indiquer la
situation véritable de chaque compte. En faisant
rapport à la Chambre des communes, l'auditeur
général devait signaler chaque cas où une alloca
tion avait été dépassée, et chaque cas où une
objection de l'auditeur général avait été rejetée par
le gouverneur en conseil ou le conseil du Trésor.
Les pouvoirs de vérification de l'auditeur géné-
ral ont de nouveau été élargis en 1951 par la Loi
sur l'administration financière, S.C. 1951 (2e
Sess.), chap. 12, et la Loi sur l'administration
financière, S.R.C. 1952, chap. 116.
En 1967, la Loi modifiant la Loi sur l'adminis-
tration financière, S.C. 1966-67, chap. 74, a enlevé
au ministre des Finances le pouvoir d'ordonner à
l'auditeur général de faire enquête et rapport sur
toute question relative aux affaires financières du
Canada ou sur les questions d'aide financière, ce
pouvoir n'étant maintenu qu'au profit du gouver-
neur en conseil et du conseil du Trésor. L'obliga-
tion pour l'auditeur général de signaler immédiate-
ment tout cas où il apparaissait qu'une personne
avait irrégulièrement retenu des deniers publics
faisait aussi l'objet d'une disposition de la Loi,
laquelle prévoyait que l'auditeur général devait en
signaler les circonstances au président du conseil
du Trésor, plutôt qu'au ministre des Finances.
Les articles 5, 6 et 7 de l'actuelle Loi sur le
vérificateur général qui a été sanctionnée le 14
juillet 1977 accordent au vérificateur général des
fonctions encore plus étendues. En vertu du para-
graphe 7(1), le vérificateur général doit préparer à
l'intention de la Chambre des communes un rap
port annuel sur les activités de son bureau. Dans ce
rapport, il signale tout sujet qui, à son avis, est
important et doit être porté à l'attention de la
Chambre des communes. Les alinéas a) à e) du
paragraphe 7(2) précisent les cas qui doivent être
inclus dans le rapport, l'ajout le plus important
étant «les cas où il a constaté que des sommes
d'argent ont été dépensées sans égard à l'économie
ou à l'efficience». C'est ainsi que la Loi exprime le
concept d'une vérification «rendement - coût» dans
le secteur public. Ce concept a été élaboré pour la
première fois par James McDonell, le prédécesseur
du demandeur en l'espèce et c'est grâce à lui que le
Canada a donné un exemple suivi de plus en plus
largement dans le monde entier. Le but visé est
d'établir une norme permettant de mesurer la pro-
ductivité et l'efficience dans la Fonction publique
ce qui n'avait été jugé envisageable auparavant
que dans le secteur privé. L'historique de cette
législation est tout à fait compatible avec le point
de vue que le vérificateur général a été nommé
avant tout à titre de fonctionnaire professionnel, et
en particulier pour aider les députés à remplir leur
obligation la plus importante qui est de faire en
sorte que le gouvernement rende compte de tous
les deniers publics dépensés.
Le principe fondamental qui a mené à la forma
tion du premier Parlement est qu'aucun denier ne
pouvait être obtenu du peuple sans qu'il se soit
prononcé. Ce principe a aussi été exprimé de la
manière suivante: à moins qu'une attention parti-
culière n'ait été donnée aux griefs des représen-
tants dûment élus, aucune somme d'argent ne peut
être avancée à Sa Majesté. Ce principe s'applique
manifestement à l'obtention de deniers publics. Il
est tout aussi important pour notre système parle-
mentaire que la dépense de deniers publics fasse
l'objet d'une surveillance constante et étroite du
Parlement. La complexité du processus fait cepen-
dant que cette surveillance par les simples députés
est un non-sens si ceux-ci n'ont pas l'appui de
comptables et de vérificateurs professionnels, d'où
le concept de vérificateur général. Cela a égale-
ment eu pour effet d'étendre la portée de ce con-
cept au cours des années et d'augmenter considéra-
blement les pouvoirs du vérificateur général, ses
effectifs et les moyens financiers nécessaires à
l'exercice de sa tâche qui, crois-je comprendre,
dépassent 40 000 000 $ par année. Il n'est donc pas
surprenant de voir que les pouvoirs étendus confé-
rés par l'article 13 de la présente Loi sur le
vérificateur général ont été soigneusement étudiés
lors des débats sur ce projet de loi.
Il a souvent été dit qu'il est très dangereux de
tenter de lire entre les lignes d'une loi et de
recourir aux débats ou aux votes pour interpréter
la loi en question. Les raisons en sont évidentes.
Un député qui vote en faveur d'une loi donnée peut
le faire pour un certain nombre de motifs qui n'ont
absolument rien à voir avec ceux du membre du
Cabinet qui a parrainé la loi. Qui plus est, les
commentaires d'un député au cours d'un débat
sont loin d'être universels et enfin, il faut laisser les
termes utilisés dans la loi parler pour eux-mêmes;
il serait en fait tout à fait incorrect de chercher
dans les débats enregistrés une interprétation qui
n'est pas justifiée par les termes choisis par le
législateur dans la loi. En l'espèce, cependant, les
débats enregistrés sont utiles non pas pour aider à
comprendre le sens des termes utilisés aux articles
13 et 5, mais pour les fins d'une question connexe.
Un des arguments avancés par l'avocat des défen-
deurs porte que le Parlement n'a pas, dans la loi
sur le vérificateur général, mentionné de façon
précise le secret du Cabinet; il faut donc présumer
qu'il n'avait pas l'intention de le faire et qu'il
n'entendait pas modifier le caractère sacré de la
convention sur le secret du Cabinet. Cela me
semble être l'argument classique à double tran-
chant. Manifestement, de par ses termes mêmes, la
proposition est difficile à prouver: le fait d'omettre
la mention expresse dans une loi d'un traitement
plus favorable de la convention sur le secret du
Cabinet pourrait être maintenant une indication de
l'intention du législateur de le maintenir. On peut
présumer toutefois qu'il y a des cas où ce genre
d'omission démontre cette intention. Peut-on croire
qu'il en est ainsi dans le cas d'espèce, alors que le
règlement de la Chambre démontre qu'on se
heurte quotidiennement au secret du Cabinet à la
Chambre des communes et alors que le Parlement,
dans trois cas manifestes, a pris la peine de consa-
crer et de protéger le secret du Cabinet dans des
lois? Quelle justification pourrais-je trouver pour
dire que le législateur, en ne prévoyant pas expres-
sément la même protection, n'agissait pas inten-
tionnellement? Certainement, la seule conclusion
raisonnable doit être que si le législateur a omis
toute restriction fondée sur le secret, c'est que telle
était son intention. Enfin, l'argument que le légis-
lateur n'a pas pensé à la nécessité de conférer un
accès illimité à l'information au vérificateur géné-
ral, est réfuté par certains extraits des débats.
J'aurais été étonné si cette question n'avait pas fait
l'objet d'une étude soigneuse pendant les débats et
j'estime approprié de me référer au compte rendu
officiel des débats de la Chambre pour confirmer
que ce fut le cas:
[TRADUCTION] M. Andras:
Sur l'«Accès à l'information», à la clause 12 du Projet de loi
C-20, M. Mazankowski a fait remarquer que le texte du
paragraphe 12(1) du projet était fort restrictif, aussi a-t-il
proposé que le texte de la loi actuelle, le paragraphe 57(1) de la
Loi sur l'administration financière, soit retenu. Le ministère de
la Justice nous avise qu'en vertu de l'ancien texte, c.-à-d. de
l'article 57 précité, il serait possible, par l'adoption d'un projet
de loi ultérieurement à l'adoption de celui dont nous sommes
saisis, le Projet de loi C-20, d'interdire au Vérificateur général
l'accès à des informations en ajoutant la réserve: «nonobstant
toute autre loi», etc. Avec le texte révisé de la clause 12(1) que
nous proposons, les dispositions de cette loi portant sur l'accès à
l'information prévaudront sur toutes les lois subséquentes à
moins que le Parlement ne consente expressément je répète,
expressément—à ce que ces dispositions soient écartées dans un
cas particulier. Nous sommes donc d'avis que le texte, tel qu'il
est, est plus fort en réalité.
Dans le cas d'espèce, je pense qu'un jugement
déclaratoire s'impose, aussi n'accorderais-je pas
d'ordonnance de faire. J'invite les avocats à se
faire entendre sur la forme précise que devrait
prendre le dispositif du jugement, lequel fera loi
lorsque j'y aurai apposé ma signature. Selon mon
habitude, il se peut que je réexamine mes notes
avant qu'elles ne soient formellement déposées à
titre de motifs du jugement, mais uniquement à
des fins de corrections de la grammaire et de la
ponctuation. Cependant, avant d'entendre les avo-
cats, je désire commenter brièvement plusieurs
autres points qui ont été soulevés au cours du
débat.
Puisque je rends un jugement déclaratoire plutôt
qu'une ordonnance portant production de docu
ments, l'attestation visée à l'article 36.3 de la Loi
sur la preuve au Canada, qui aurait constitué un
obstacle absolu à toute ordonnance de ma part
visant la production de documents, n'a pas de
portée directe en l'espèce. Deuxièmement, puisque
j'ai conclu que selon l'intention et l'expression du
législateur, seul le vérificateur général est juge des
examens nécessaires à l'exercice de ses responsabi-
lités, la proposition en vertu de laquelle il n'a pas à
voir les documents en cause doit être rejetée égale-
ment. On a fait valoir que puisque le secret en
l'espèce est une obligation imposée aux membres
du Conseil privé dans l'exercice de leurs responsa-
bilités à l'égard de Sa Majesté, point de vue auquel
je souscris, seule Sa Majesté peut renoncer à cette
obligation. Il ne s'agit toutefois pas d'une renon-
ciation, mais d'une conséquence qui s'impose par
l'action d'une loi dûment adoptée par le Parlement
et sanctionnée par Sa Majesté sur l'avis des mem-
bres de son Conseil privé. On pourra soutenir que
le présent jugement place le vérificateur général
dans une situation supérieure à celle des tribunaux,
puisque l'on pourrait m'empêcher d'avoir accès
aux documents en question au moyen de l'attesta-
tion visée à l'article 36.3. C'est possible. Il a en
effet des pouvoirs beaucoup plus étendus que les
députés, aucun d'entre eux ne pouvant ordonner
une enquête, ni citer des témoins, ni jouir des
droits d'examen exposés à l'article 13. Si telles
sont les conséquences, qu'il en soit ainsi. Ces con-
séquences découlent du libellé d'une mesure légis-
lative dont l'intention me paraît claire et parfaite-
ment compatible avec l'obligation fondamentale de
tenir le gouvernement responsable des dépenses
publiques. Permettez-moi d'ajouter que tout minis-
tre de la Couronne fait l'objet du même examen
rigoureux en ce qui concerne les dépenses dont il
ou elle est responsable. Les ministres qui sont
défendeurs en l'espèce sont doublement assujettis à
un tel examen minutieux, car ils sont les fiduciai-
res du Compte d'accroissement du taux de pro-
priété canadienne, qui est un outil qui sert unique-
ment à l'emploi de vastes quantités des deniers
publics. Finalement, on a soutenu énergiquement
que puisque le vérificateur général est un préposé
du Parlement, qu'il fait rapport à ce dernier et
qu'il dispose de tous les autres pouvoirs conférés
par l'article 13, il devrait tout d'abord exercer tous
ces pouvoirs avant de faire appel à la Cour, et
qu'en tout état de cause, il devrait s'adresser au
Parlement pour obtenir un redressement. Ces
arguments seraient plus pertinents si l'on deman-
dait en l'espèce à la Cour d'exercer sa discrétion en
délivrant un bref de mandamus. Or nous sommes
en présence d'une impasse entre deux principes,
chacun d'eux faisant partie de notre droit, et le
demandeur demande à la Cour de mettre fin à
l'impasse. Nous sommes tenus de le faire. En
outre, la possibilité de résoudre totalement le pro-
blème au sein de la Chambre des communes con-
naît des limites d'ordre pratique. Le grief en cause
est le refus de communiquer des documents qui
sont entre les mains du Cabinet. Ce dernier pos-
sède le pouvoir exécutif étant donné la majorité du
gouvernement à la Chambre des communes. Je
présume que l'issue finale d'un grief ferait suite à
une motion portant production de documents, et,
que ce soit au sein des comités permanents ou à la
Chambre des communes, le vote qui en résulterait
dépendrait à coup sûr de la même majorité.
Ces considérations me renvoient à ce que j'ai dit
au tout début. La sagesse qu'il y a à accorder au
vérificateur général ces responsabilités et ces pou-
voirs ne me concerne pas. J'estime que cette con
clusion est conforme à l'intérêt public et qu'elle est
compatible avec la responsabilité fondamentale du
Parlement d'examiner minutieusement les dépen-
ses publiques et avec les responsabilités du vérifi-
cateur général qui consistent non seulement à véri-
fier les comptes mais également à indiquer au
Parlement si ces dépenses ont été faites en confor-
mité avec les principes d'économie et d'efficience.
C'est pour ces motifs qu'on a utilisé un tel libellé
dans les articles en question. Je ne vois aucune
raison de conclure que le Parlement n'a pas voulu
que ces termes produisent leurs conséquences nor-
males. Quel que soit le caractère sacré de la confi-
dentialité de leurs délibérations en leur qualité de
conseillers de Sa Majesté lorsque l'exécutif pro-
cède à la dépense de fonds publics, les membres du
Cabinet savent fort bien que tout ce qu'ils font est
assujetti à l'examen que le vérificateur général
juge nécessaire pour exercer les fonctions qui lui
sont conférées par la Loi.
Je conclus par conséquent que le demandeur a
droit à un jugement déclaratoire portant que les
articles 5 et 13 de la Loi sur le vérificateur général
donnent au demandeur accès aux renseignements
qu'il juge nécessaires pour procéder aux examens
qu'il estime également nécessaires pour vérifier les
comptes publics du Canada, les états financiers
requis par l'article 55 de la Loi sur l'administra-
tion financière et pour lui permettre de présenter
son rapport au Parlement et de signaler les cas où
une somme d'argent a été dépensée sans égard à
l'économie ou à l'efficience. Compte tenu des faits
de l'espèce, il a droit à un jugement déclarant que,
au moment de sa demande initiale, il avait droit
d'accès aux renseignements contenus dans les
documents énoncés dans la déclaration, et que le
refus était alors injustifié et qu'il continue par
conséquent de l'être.
Je voudrais ajouter deux commentaires.
D'abord, j'estime qu'il ressort très clairement du
texte des présents motifs, et j'y ai fait plusieurs fois
allusion, que le litige en l'espèce porte sur des
dépenses de l'État. Comme je l'ai déjà dit, le crédit
5c, le Compte d'accroissement du taux de pro-
priété canadienne, l'obligation pour les défendeurs
en l'espèce d'agir à titre de gardiens dudit Compte
créé par le vote 5c indiquent très clairement que
nous devons arriver à une conclusion de fait pré-
cise, qu'il s'agit de dépenses de l'État et que, de ce
fait, les documents demandés dans la déclaration
tombent sous le coup des fonctions de vérification
du vérificateur général. Celles-ci incluent évidem-
ment le rapport qu'il doit présenter au Parlement
et la vérification rendement-coût, ce qui soulève la
question de savoir si ces dépenses ont été effec-
tuées «sans égard à l'économie ou à l'efficience».
Il en résulte deux conséquences. La première est
que, étant donné qu'il s'agit de dépenses de l'État
et que celles-ci tombent manifestement sous le
coup des fonctions de vérification du vérificateur
général, l'article 5 habilite ce dernier à effectuer
«les examens et enquêtes qu'il juge nécessaires».
La deuxième est que les arguments fondés sur
une situation de faits différente, c'est-à-dire une
situation où il n'est pas question de dépenses de
l'État et qui, de ce fait, ne relève pas des fonctions
de vérification du vérificateur général, sont pure-
ment hypothétiques en ce qui concerne la présente
décision et n'ont aucune influence sur celle-ci.
Enfin, j'ai affirmé dans la dernière phrase de
mes motifs que «le refus était alors injustifié et
qu'il continue par conséquent de l'être». Comme je
l'ai déjà dit dans les premières parties des motifs
de jugement, j'ai conclu que la convention sur le
secret du Cabinet n'aurait pas dû avoir préséance
sur les demandes de renseignements lorsque le
vérificateur général les a présentées pour la pre-
mière fois. Cette convention n'habilitait pas le
gouvernement d'alors à refuser l'accès aux rensei-
gnements en violation des dispositions de la Loi sur
le vérificateur général telles que je les ai interpré-
tées. Il serait tout aussi impensable de conclure
qu'une convention semblable permettant de main-
tenir le caractère confidentiel des documents des
gouvernements antérieurs autoriserait le gouverne-
ment actuel à persister dans son refus d'y donner
accès.
Pour ces motifs, le demandeur aura droit au
jugement déclaratoire approprié, le tout avec
dépens.
JUGEMENT
VU la requête faite à la Cour, en présence des
avocats du demandeur et de ceux des défendeurs,
en vue d'obtenir jugement dans la présente action,
après avoir lu les plaidoiries écrites et avoir
entendu les témoignages présentés devant la Cour
le 11 janvier, les 7, 8 et 20 mars, le 31 mai et les Zef
et 12 novembre 1985, et étant donné qu'il appa-
raît, à la satisfaction de la Cour, que, première-
ment, les renseignements demandés dans la décla-
ration concernent des dépenses de l'État et que,
deuxièmement, les dépenses de l'État décrites plus
en détail dans ladite déclaration tombent sous le
coup des responsabilités du vérificateur général
énoncées à la Loi sur le vérificateur général, S.C.
1976-77, chap. 34, et après avoir entendu les argu
ments des avocats des parties, et jugement devant
être rendu ce jour:
1. LA COUR DÉCLARE QUE le demandeur a droit,
conformément au paragraphe 13(1) de la Loi sur
le vérificateur général, de prendre connaissance
des renseignements, y compris les renseignements
que renferment les documents constituant des ren-
seignements confidentiels du Conseil privé de la
Reine, qui concernent des dépenses de l'État et qui
tombent sous le coup des responsabilités du vérifi-
cateur général énoncées à la Loi sur le vérificateur
général et que le demandeur estime nécessaires
pour s'acquitter desdites responsabilités, notam-
ment pour vérifier les états financiers requis par
l'article 55 de la Loi sur l'administration finan-
cière, S.R.C. 1970, chap. F-10, et pour lui permet-
tre de présenter son rapport au Parlement et de
signaler les cas où une somme d'argent a été
dépensée sans égard à l'économie et à l'efficience.
2. LA COUR DÉCLARE EN OUTRE QUE le deman-
deur a droit, conformément au paragraphe 13(1)
de la Loi sur le vérificateur général, de prendre
connaissance des renseignements que renferment
les documents énumérés ci-après, y compris les
documents constituant des renseignements confi-
dentiels du Conseil privé de la Reine:
(i) Les analyses et/ou rapports d'évaluation con-
cernant l'acquisition de Petrofina Canada Inc.
préparés pour les défendeurs, ou reçus par eux,
ou dont ils ont tenu compte dans l'exercice de
leurs responsabilités légales respectives, indivi-
duelles ou collectives;
(ii) Les documents, propositions ou mémoires
concernant l'emploi de fonds à même les comp-
tes du Canada (notamment le Compte d'accrois-
sement du taux de propriété canadienne) pour
l'acquisition de Petrofina Canada Inc., qui ont
été rédigés pour les défendeurs, ou reçus par
eux, ou dont ils ont tenu compte dans l'exercice
de leurs responsabilités légales respectives, col
lectives ou individuelles, concernant l'acquisition
de Petrofina Canada Inc.;
(iii) Toutes les évaluations de l'acquisition de
Petrofina Canada Inc. et/ou des actifs acquis,
faites ultérieurement à l'acquisition par les
défendeurs, rédigés pour eux, ou reçus par eux,
ou dont ils ont tenu compte dans l'exercice de
leurs responsabilités légales respectives, indivi-
duelles ou collectives;
(iv) Afin de fournir au demandeur l'informa-
tion, les rapports et les explications que compor-
tent les documents énoncés en a)(i), concernant
les paiements de fonds publics prélevés sur les
comptes du Canada, plus particulièrement les
paiements prélevés sur le Compte d'accroisse-
ment du taux de propriété canadienne, crédit 5c,
Loi n° 4 de 1980-81 portant affectation de
crédits pour acquérir les actions et la propriété
de Petrofina Canada Inc., que le demandeur
estime nécessaire à l'exercice de sa fonction en
vertu de la Loi sur le vérificateur général.
3. LA COUR DÉCLARE EN OUTRE QUE, au moment
de sa demande initiale, le demandeur avait droit
d'accès aux renseignements contenus dans les
documents énoncés dans la déclaration et que le
refus était alors injustifié et qu'il continue par
conséquent de l'être, même si ces renseignements
sont contenus dans des documents confidentiels
d'un gouvernement antérieur.
4. La demande visant à obtenir un mandamus ou
une injonction est rejetée.
5. LA COUR ORDONNE aux défendeurs de verser au
demandeur les frais entre parties des présentes
procédures dès qu'ils auront été taxés.
ERRATUM
Dans la décision Michael Bishop et Agence cana-
dienne des droits de reproduction musicale limitée c.
Martin Stevens, P.B.I. Records, Manacord Pub., Fran-
çois Pilon, Son Soleil Inc., Downstairs Records Ltd.,
Unidisc Productions Ltd., Télé-Métropole Inc., CRC
Records Ltd. et Enregistrements Audiobec Canada
Inc.—Audiobec Recording Canada Inc., publiée à
[1985] 1 C.F. 756, le cabinet Léger, Robic & Richard
de Montréal a été désigné comme procureur des défen-
deurs. Il y est en outre indiqué que M" J.A. Léger et L.
Carrière ont comparu pour les défendeurs. En fait, le
cabinet Léger, Robic & Richard ne représentait qu'un
seul des défendeurs, soit Télé-Métropole Inc. Lors de
l'instruction de l'affaire, seule Télé-Métropole Inc. était
encore partie à l'instance.
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