T-3942-81
Royal Doulton Tableware Limited, Paragon China
Limited et Doulton Canada Inc. (demanderesses)
c.
Cassidy's Ltd.—Cassidy's Ltée (défenderesse)
Division de première instance, juge Strayer —
Toronto, 7, 8, 9, 10, 11 mai; Ottawa, 29 juin 1984.
Marques de commerce — Emploi — Distributeur de porce-
laine ayant enregistré la marque de commerce «Victoriana
Rose» — Le fabricant a apposé sur la porcelaine une estam-
pille portant les mots «Paragon» et «Victoriana Rose» — La
porcelaine était souvent livrée aux clients dans l'emballage
original du fabricant — Les pièces de promotion envoyées aux
détaillants et portant le nom du distributeur ne parvenaient
pas aux clients — Les consommateurs considéraient que les
mots «Victoriana Rose» s'appliquaient aux produits du fabri-
cant — Le distributeur n'a pas employé la marque de com
merce en vue de distinguer les marchandises qu'il vendait de
celles vendues par d'autres personnes comme le prévoit l'art. 2
— Suivant l'art. 4, c'est le fabricant qui est réputé avoir
employé la marque de commerce — Loi sur les marques de
commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10, art. 2, 4(1), 16(3).
Marques de commerce — Caractère distinctif — La marque
de commerce doit relier des marchandises au vendeur de
manière à distinguer ses marchandises de celles des autres
vendeurs — Il ne suffit pas qu'elle distingue un dessin de
marchandise d'un autre — La marque de commerce «Victo-
riana Rose» ne distingue pas les marchandises du distributeur
parce que dans l'esprit des gens il s'agit de la marque du
fabricant — Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970,
chap. T-10, art. 2, 18(1)b).
Droit d'auteur — «Victoriana Rose» — Motif floral ornant
de la vaisselle de porcelaine — L'auteur du dessin est un
employé du fabricant — Le droit d'auteur existe sur le motif
en vertu de l'art. 4(1) de la Loi sur le droit d'auteur — Par
application de l'art. 12(3), le fabricant était le premier pro-
priétaire du droit d'auteur — Rien dans la preuve n'indique
que les planches lithographiques ont été commandées par le
distributeur — Le dessin devait être appliqué à de la vaisselle
de porcelaine et ne devait pas servir de modèle ou d'échantillon
destiné à être multiplié par un procédé industriel quelconque
car la faïence ou la porcelaine ne sont pas mentionnées dans
les Règles régissant les dessins industriels — L'exemption de
l'application de la Loi sur le droit d'auteur prévue à l'art.
46(1) ne s'applique pas — Loi sur le droit d'auteur, S.R.C.
1970, chap. C-30, art. 4(1), 12(2),(3), 46(1),(2) — Loi sur les
dessins industriels, S.R.C. 1970, chap. I-8 — Règles régissant
les dessins industriels, C.R.C., chap. 964, art. 11.
Compétence — Cour fédérale — Division de première ins
tance — Compétence pour déclarer que l'enregistrement de la
marque de commerce est nul et pour radier cet enregistrement
au registre — Compétence pour accorder une injonction per-
manente comme mesure de redressement en «equity», acces-
soire à la compétence de la Cour pour trancher au fond la
validité de l'enregistrement — Le pouvoir de modifier le
registre ne comprend pas celui d'ordonner la substitution
involontaire d'un détenteur à un autre — Compétence pour
déclarer qui est titulaire de la marque de commerce et du droit
d'auteur — Les exigences de l'art. 101 de la Loi constitution-
nelle de 1867 sont satisfaites dans les deux cas — S'ils sont
applicables, les art. 7a) et b) pourraient être invoqués pour
assurer la protection du propriétaire de la marque de com
merce — Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap.
T-10, art. 7a),b), 18(1)b),(2), 29, 36, 37, 53, 57(1) — Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 20 — Loi
constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.)
[S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5] (mod. par la Loi de 1982 sur
le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitu-
tionnelle de 1982, n° 1), art. 91(23), 101 — Loi sur le droit
d'auteur, S.R.C. 1970, chap. C-30, art. 20.
Paragon China Limited fabrique de la vaisselle de porcelaine
ornée d'un motif floral et portant la marque de commerce
«Victoriana Rose». Cassidy's Ltée avait le droit exclusif de
distribuer au Canada la vaisselle «Victoriana Rose». Lorsque les
demanderesses ont essayé de mettre fin à cette entente, Cassi-
dy's les a informées qu'elle avait enregistré la marque de
commerce aVictoriana Rose» et que celles-ci devraient payer
pour pouvoir l'utiliser. Les demanderesses allèguent que la
défenderesse n'avait pas droit à l'enregistrement de la marque
au moment où elle en a fait la demande et que, lorsque l'action
a été intentée, la marque ne distinguait pas les marchandises de
la défenderesse.
Jugement: l'enregistrement de la marque de commerce «Vic-
toriana Rose» est nul et est radié du registre. La demanderesse
a droit à une injonction permanente portant interdiction à la
défenderesse de se présenter au public comme le titulaire de la
marque de commerce «Victoriana Rose». La Cour n'est pas
habilitée à substituer Paragon comme titulaire de la marque de
commerce. Paragon est déclarée titulaire du droit d'auteur sur
la marque «Victoriana Rose».
Chaque article de porcelaine portait une estampille apposée
par le fabricant et portant les mots «Paragon» et «Victoriana
Rose». La porcelaine était souvent livrée aux clients dans
l'emballage original de Paragon en Angleterre. Des pièces de
promotion de Victoriana Rose portant le nom de Cassidy's
étaient envoyées aux détaillants, mais elles ne parvenaient pas
aux consommateurs dans le cours normal des choses. A la
lumière de tous les témoignages, les consommateurs devaient
considérer que les mots «Victoriana Rose» s'appliquaient aux
produits de Paragon. Cassidy's n'avait pas droit à l'enregistre-
ment de la marque de commerce «Victoriana Rose». Elle n'a
jamais employé cette marque de commerce en vue de distinguer
des marchandises qu'elle vendait de celles vendues par d'autres
personnes, comme l'exige l'article 2 de la Loi sur les marques
de commerce. Le fabricant a apposé la marque sur la vaisselle
pour ses propres fins et non pas à titre de représentant du
distributeur. Etant donné que le nom du dessin a été pensé par
un employé du fabricant, on ne peut tirer de la paternité du
nom aucune inférence suivant laquelle il était sous-entendu que
le distributeur était le propriétaire et l'utilisateur de la marque.
D'après le paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de
commerce, c'est le fabricant qui est réputé avoir employé la
marque en liaison avec ces marchandises.
A l'époque de l'introduction de la présente action, la marque
n'était pas distinctive des marchandises du distributeur de
manière à les distinguer des marchandises d'autres sociétés. Par
conséquent, suivant l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur les marques
de commerce, l'enregistrement de cette marque de commerce
est invalide. Une marque de commerce distinctive est une
marque qui relie des marchandises à un vendeur de manière à
distinguer ses marchandises de celles des autres vendeurs. Elle
n'est pas distinctive si elle distingue simplement le dessin d'une
marchandise du dessin d'une autre marchandise même si un
initié peut savoir que ces deux sortes de marchandises sont
respectivement vendues par deux vendeurs différents. C'est au
public que la marque de commerce doit sembler distinctive. Le
public ne pouvait que penser, dans la pratique normale du
commerce, qu'il s'agissait d'une marque de fabricant.
La Cour a compétence pour déclarer en vertu du paragraphe
18(1) de la Loi sur les marques de commerce, qui énonce les
motifs d'invalidité, et de l'article 20 de la Loi sur la Cour
fédérale et de l'article 53 de la Loi sur les marques de
commerce, que l'enregistrement de «Victoriana Rose» comme
marque de commerce est invalide et nul. L'ordonnance de
radiation de cette marque du registre des marques de com
merce ressort de la compétence exclusive accordée à la Cour
par le paragraphe 57(1) de la Loi sur les marques de com
merce. L'injonction portant interdiction à la défenderesse de se
présenter au public comme le titulaire de la marque de com
merce «Victoriana Rose» est une mesure de redressement en
equity, accessoire à la compétence de la Cour qui a tranché au
fond la validité de l'enregistrement de cette marque. La preuve
démontre que, s'il en était autrement, la défenderesse pourrait
continuer à nuire à la demanderesse en affirmant avoir un droit
sur la marque «Victoriana Rose».
La Cour n'est pas compétente pour substituer Paragon à
Cassidy's à titre de propriétaire inscrit comme modification
apportée au registre en vertu du paragraphe 57(1). La procé-
dure d'enregistrement des marques de commerce comporte
l'examen de chaque déposant. Cette procédure n'a pas été
suivie en ce qui concerne Paragon.
En théorie, la Cour a compétence pour déclarer que Paragon
est titulaire de la marque de commerce et ce, en vertu de
l'article 20 de la Loi sur la Cour fédérale qui lui accorde une
compétence concurrente lorsqu'on cherche à obtenir un redres-
sement en equity relativement à une marque de commerce. Les
exigences de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867
sont satisfaites puisque le Parlement a prescrit dans la Loi sur
les marques de commerce les règles relatives à ce qui constitue
une marque de commerce et son adoption, que cette marque
soit enregistrée ou non. Toutefois, compte tenu de la preuve
soumise à la Cour, il n'y a pas lieu de faire une déclaration
quant à la propriété de la marque étant donné qu'il est possible
que d'autres obstacles au droit de propriété de Paragon n'aient
pas été examinés. Une déclaration quant à la question de
l'emploi peut être utile au registraire si jamais Paragon
demande l'enregistrement de la marque.
Un employé de Paragon était le père du motif de roses. Un
droit d'auteur existe dans ce motif au Canada en vertu du
paragraphe 4(1) de la Loi sur le droit d'auteur. Par application
du paragraphe 12(3), Paragon était le premier propriétaire du
droit d'auteur. Les suggestions et les conseils de Cassidy's n'en
font pas le père du motif.
La défenderesse a été incapable de prouver qu'elle avait droit
au droit d'auteur en vertu du paragraphe 12(2) de la Loi. Il
n'existait aucun accord en vertu duquel Cassidy's avait «com-
mandé» les planches lithographiques et en vertu duquel elle
aurait été obligée de les payer si elle n'avait pas présenté une
commande ferme pour une certaine quantité de cette porce-
laine. Pendant des années, Paragon a distribué cette vaisselle
dans d'autres pays et Cassidy's n'a jamais réclamé ni perçu de
redevances. Une telle attitude est incompatible avec le fait que
Cassidy's ait eu le droit d'auteur sur le motif.
Un dessin devant être appliqué à de la vaisselle de porcelaine
n'est pas exclu de la protection de la Loi sur le droit d'auteur
par le paragraphe 46(1) qui prévoit que ladite Loi sur le droit
d'auteur ne s'applique pas aux dessins susceptibles d'être enre-
gistrés en vertu de la Loi sur les dessins industriels. Les Règles
régissant les dessins industriels exigent qu'un dessin soit appli-
qué à un certain genre de choses mais la faïence et la porcelaine
n'y sont pas mentionnées.
Bien qu'il n'y ait eu aucune violation du droit d'auteur, la
Cour peut faire une déclaration quant à la propriété du droit
d'auteur et ce, en vertu de l'article 20 de la Loi sur la Cour
fédérale et des règles prévues à la Loi sur le droit d'auteur que
sous-tend la compétence qui est accordée au Parlement sur le
droit d'auteur par la rubrique 23 de l'article 91 de la Loi
constitutionnelle de 1867. Rien ne justifie l'octroi d'une injonc-
tion étant donné qu'il n'y a aucune preuve que la défenderesse a
l'intention de violer le droit d'auteur.
Les dommages-intérêts demandés sur le fondement de l'arti-
cle 7 de la Loi sur les marques de commerce sont refusés pour
manque de preuve et non pas parce que la Cour fédérale n'a pas
compétence. Les alinéas 7a) et b) pourraient être invoqués pour
protéger le propriétaire d'une marque de commerce.
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Manhattan Industries Inc. c. Princeton Manufacturing
Ltd. (1971), 4 C.P.R. (2d) 6 (C.F. 1" inst.); Marchands
Ro-Na Inc. c. Tefal S.A. (1981), 55 C.P.R. (2d) 27 (C.F.
lre inst.); Sportcam Co. c. Breck's Sporting Goods Co.,
[1973] C.F. 360; 10 C.P.R. (2d) 28, confirmée par
[1976] 1 R.C.S. 527; (1975), 17 C.P.R. (2d) 201;
Friendly Ice Cream Corp. c. Friendly Ice Cream Shops
Ltd., [1972] C.F. 712; 7 C.P.R. (2d) 35 (1 re inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Cellcor Corp. of Canada Ltd. c. Kotacka, [1977] 1 C.F.
227 (C.A.).
DECISIONS CITÉES:
Cassidy's Ltd.—Cassidy's Ltée v. Doulton Canada Inc.
et al. (1982), 36 O.R. (2d) 305 (H.C.); Saxon Industries,
Inc. c. Aldo Ippolito & Co. Ltd. (1982), 66 C.P.R. (2d)
79 (C.F. 1 r inst.); In the Matter of an Application by
Warschauer to Register a Trade Mark (1925), 43 R.P.C.
46 (Ch. D.); In the Matter of the Trade Mark of Elaine
Inescourt (1928), 46 R.P.C. 13 (Ch. D.); Wilkinson
Sword (Canada) Ltd. v. Juda (1966), 51 C.P.R. 55 (C.
de 1'E.); Attorney -General for Ontario v. Attorney -
General for Canada, [1937] A.C. 405 (P.C.).
AVOCATS:
J. E. Sexton, c.r. et B. Morgan pour les
demanderesses.
S. Anissimoff et P. Kappel pour la défende-
resse.
PROCUREURS:
Osier, Hoskin & Harcourt, Toronto, pour les
demanderesses.
MacBeth, Johnson, Toronto, pour la défende-
resse.
NOTE DE L'ARRÊTISTE
Il ne faudrait pas se référer à la présente
décision sans tenir compte des motifs de juge-
ment rendus par la Cour d'appel fédérale dans
Dorai Boats Ltd. c. Bayliner Marine Corporation,
A-536-85, le 13 juin 1986. La décision de la Cour
d'appel sera publiée dans les Recueils des arrêts
de la Cour fédérale du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STRAYER: La présente action porte sur
l'utilisation d'un motif floral relatif à de la vais-
selle de porcelaine et sur l'emploi de son nom,
«Victoriana Rose», comme marque de commerce.
La demanderesse Paragon China Ltd. a com-
mencé, en 1968, en Angleterre, la fabrication de la
vaisselle de porcelaine de ce motif et de ce nom et
elle la fabrique depuis lors. Cette vaisselle de
porcelaine a connu une très grande popularité sur
le marché canadien. Depuis 1971 ou 1972, la
demanderesse Royal Doulton Tableware Limited,
une société du Royaume-Uni, a pris le contrôle de
la demanderesse Paragon China Limited. La
demanderesse Doulton Canada Inc. est la filiale
canadienne de la demanderesse Royal Doulton
Tableware Limited. C'est cette dernière société et
ses prédécesseurs qui, depuis 1973, représentent au
Canada le groupe Doulton, lequel comprend les
deux autres demanderesses. Il me semble inutile de
pousser plus loin l'étude de l'histoire complexe de
la constitution de ces sociétés.
La défenderesse est une société constituée au
Québec qui exploite une entreprise au Canada,
comme distributeur de vaisselle de porcelaine.
Jusqu'en 1973, les représentants canadiens de
Paragon étaient connus sous le nom d'Oakley,
Jackson et Farewell. Depuis 1973, cette fonction
revient à la demanderesse Doulton Canada Inc. ou
ses prédécesseurs.
C'est en 1967, la manufacture de Paragon à
Stoke-on-Trent (Angleterre) qu'a été réalisé et
baptisé «Victoriana Rose» le motif de roses en
question. J'examinerai en détail plus tard les cir-
constances entourant ces événements. La produc
tion comme telle de vaisselle de ce motif a com-
mencé en 1968. Paragon avait, à cette époque,
conclu une entente avec Cassidy's Ltée assurant à
cette dernière la distribution exclusive de cette
vaisselle au Canada. Il semble qu'aucun écrit ne
sanctionne cette entente et que rien n'en précise la
durée. Jusqu'à la fin de 1980, Cassidy's a conservé,
à titre de grossiste, le droit exclusif de distribuer
partout au Canada la vaisselle de porcelaine Vic-
toriana Rose. La demanderesse Doulton Canada
Inc. a mis fin unilatéralement à cette entente. Elle
a d'abord donné à Cassidy's, le 11 décembre 1979,
un avis écrit de son intention de prendre le contrôle
de la distribution de Victoriana Rose au Canada.
Des pourparlers subséquents ont retardé la fin de
la distribution par Cassidy's et cette dernière
semble avoir distribué Victoriana Rose jusqu'en
septembre ou octobre 1980. En septembre 1980,
Cassidy's a tenté de persuader Doulton de recon-
sidérer sa décision sur cette question et, lorsque
Doulton a refusé, Cassidy's a mentionné pour la
première fois qu'elle avait enregistré la marque de
commerce «Victoriana Rose» et que Doulton de-
vrait payer pour pouvoir l'utiliser. Il s'avère que
Cassidy's avait demandé l'enregistrement de cette
marque de commerce le 13 février 1968 et avait
obtenu l'enregistrement sous le numéro 162829 le
16 mai 1969. En toute logique avec sa position sur
le sujet, Cassidy's a fait parvenir une lettre à
Doulton le 30 septembre 1980, pour lui offrir de
prendre une licence lui permettant d'utiliser la
marque de commerce Victoriana Rose, en indi-
quant le montant des droits qu'elle exigeait en
retour.
Malgré cette lettre, Doulton Canada Inc. a com-
mencé à distribuer Victoriana Rose au Canada et
a refusé de payer des droits de licence à la défen-
deresse. La défenderesse a intenté en Cour
suprême de l'Ontario une action en violation de sa
marque de commerce et de son droit d'auteur et a
réclamé de Doulton des dommages-intérêts pour
substitution de produits. La Cour ontarienne a
déclaré que l'action dont elle était saisie pouvait
être entendue indépendamment de l'introduction
de la présente action par les demanderesses en
cette Cour. Voir Cassidy's Ltd.—Cassidy's Ltée v.
Doulton Canada Inc. et al. (1982), 36 O.R. (2d)
305 (H.C.).
En l'espèce, les demanderesses présentent essen-
tiellement trois revendications:
[TRADUCTION] (1) Une déclaration selon laquelle Paragon est
le propriétaire de la marque de commerce «Victoriana Rose»,
que l'enregistrement de «Victoriana Rose» par Cassidy's est
invalide et doit être radié et l'injonction que la Cour estime
indiqué d'accorder; et
(2) Une déclaration portant que Paragon possède un droit
d'auteur sur le motif de roses et l'injonction qu'il convient
d'accorder pour le protéger;
(3) Des dommages-intérêts parce que les représentants de la
défenderesse ont fait des déclarations fausses ou trompeuses
tendant à discréditer l'entreprise et les marchandises de la
demanderesse au Canada contrairement à l'alinéa 7a) de la Loi
sur les marques de commerce et ont appelé l'attention du
public sur les marchandises ou l'entreprise de la défenderesse
de manière à causer de la confusion au Canada entre les
marchandises et l'entreprise de la défenderesse et celles des
demanderesses, contrairement à l'alinéa 7b) de la Loi sur les
marques de commerce.
Les faits pertinents à chacune de ces questions
ne sont pas exactement les mêmes, aussi, je les
examinerai séparément.
Marque de commerce
Avant d'aller plus loin, il est nécessaire d'abor-
der la question de la continuité de toute revendica-
tion possible que la demanderesse Paragon a, ou
pouvait avoir, sur la marque de commerce «Victo-
riana Rose». L'avocat de la défenderesse a laissé
entendre, sans élaborer, que les changements cor-
poratifs touchant Paragon et les autres demande-
resses pourraient rendre leur revendication de la
marque de commerce «Victoriana Rose» insoute-
nable. Selon moi, les témoignages de M. Churton
et de M. Johnson créent une présomption que les
fusions des sociétés et les modifications relatives à
leur propriété se sont produites comme le men-
tionne la déclaration. Dans sa défense, Cassidy's
indique simplement qu'elle ne connaît pas le statut
actuel de Paragon, bien que son avocat ait laissé
entendre au procès soit que Paragon n'existait plus
réellement, soit qu'elle n'était plus le fabricant de
la porcelaine portant son nom. Cependant, rien ne
vient supporter cette allégation, si ce n'est une
preuve que certains articles décoratifs (autres que
de la vaisselle) qui portent le motif Victoriana
Rose sont fabriqués par Adderley Floral China -
works qui est une [TRADUCTION] «société
associée», c'est-à-dire associée de Paragon. L'avo-
cat n'a fourni aucun détail précis sur la marque de
commerce que portent, le cas échéant, ces articles
décoratifs. Je peux donc en conclure que ces
articles sont fabriqués à la demande et d'après les
précisions de Paragon, et je ne pense pas qu'un tel
accord puisse empêcher cette dernière d'être
l'utilisateur de la marque de commerce si elle est
réellement utilisée en relation avec ces articles
ornementaux. Certes, il est également possible au
titulaire d'une marque de commerce de la céder
conformément au paragraphe 47(1) de la Loi sur
les marques de commerce [S.R.C. 1970, chap.
T-10]. Quelle que soit l'entente qui existe entre
Paragon et Adderley, deux compagnies associées,
je ne vois pas comment elle pourrait étayer la thèse
de la défenderesse, sauf si elle établit une sorte
d'abandon de la marque de commerce. Or, aucune
preuve n'a été produite pour établir un tel aban
don. Qui plus est, il est évident que le commerce de
ces articles décoratifs n'est qu'accessoire à la prin-
cipale question en litige en l'espèce qui se rapporte
à de la vaisselle. En fait, la plus grande partie du
redressement demandé par la demanderesse vise
uniquement de la vaisselle. En conclusion sur cette
question, je suis convaincu que les demanderesses,
à elles toutes, sont en mesure de faire valoir leurs
droits de fabricant de la vaisselle de porcelaine
Victoriana Rose, s'il y a lieu, sur la marque de
commerce qui s'y applique.
Les demanderesses cherchent à obtenir la radia
tion de la marque de commerce «Victoriana Rose»
portant le numéro d'enregistrement 162829, telle
qu'enregistrée au nom de Cassidy's Ltée. Elles
veulent également obtenir les mesures de redresse-
ment qui s'y rapportent; cette question sera exami
née par la suite. Essentiellement, elles invoquent à
l'encontre de la validité de l'enregistrement le fait
que la défenderesse n'avait pas droit à cet enregis-
trement à l'époque de sa demande ou de son
enregistrement, et qu'au moment de l'introduction
de la présente action (le 7 août 1981), cette
marque de commerce n'était pas distinctive des
marchandises de la défenderesse. Pour trancher
ces deux arguments, il y a lieu d'examiner plus en
détail comment Victoriana Rose a été produite et
alise en marché.
La production de la vaiselle de porcelaine Victo-
riana Rose a commencé à l'usine de Paragon à
Stoke-on-Trent au début de 1968. A ce
moment-là, la société ne la vendait qu'au Canada
et c'était Cassidy's Ltée qui l'importait et en était
le seul distributeur. La vaisselle portant ce motif
qui a été présentée comme pièce à l'appui de la
demande porte à l'endos l'estampille que voici:
On suppose qu'à une certaine époque depuis 1968,
cette estampille a subi des modifications quant au
mot «Paragon», mais la défenderesse a admis que
durant toute la période où elle était distributeur
exclusif, les mots «Paragon» et «Victoriana Rose»
se trouvaient tous les deux sur chaque article de
porcelaine. De toute évidence, cette estampille
était marquée avant la pose de la glaçure finale et
par conséquent était apposée par le fabricant. Je
pense pouvoir présumer que ce serait l'impression
de quiconque examinerait l'estampille. Paragon
expédiait cette porcelaine à Cassidy's Ltée lorsque
cette dernière en faisait la commande. En règle
générale, la porcelaine était expédiée dans des
boîtes comme celle qui constitue la pièce P-31. Le
nom de «Paragon» y apparaît en grosses lettres
avec les mots «fine English bone china» et «Eng-
land». On voit également le symbole et les mots
indiquant que Paragon était nommée par Sa
Majesté la Reine et Sa Majesté la Reine mère,
fabricant de porcelaine tendre. Certains détaillants
ont indiqué que généralement la porcelaine leur
parvenait de chez Cassidy's dans ces boîtes et que,
selon la nature et la quantité de vaisselle achetée,
elle était souvent livrée à leurs clients dans ces
boîtes. Des pièces de promotion de Victoriana
Rose ont été envoyées aux détaillants tant par
Cassidy's que, après son établissement au Canada,
par la demanderesse Doulton Canada Inc. En gé-
néral, cette opération s'effectuait grâce à une col-
laboration entre Doulton Canada et Cassidy's. Les
articles envoyés par Cassidy's aux détaillants por-
taient évidemment son nom et les articles envoyés
par Doulton Canada Inc. portaient (parce que
Cassidy's avait la distribution exclusive de ce
motif) une indication selon laquelle les commandes
de porcelaine portant le motif Victoriana Rose
devaient passer par Cassidy's. Il est constant que
les articles mentionnant Cassidy's ne parvenaient
pas aux consommateurs dans le cours normal des
choses et qu'ils ne pouvaient habituellement pas
savoir qui était le distributeur de Victoriana Rose
au Canada. En fait, un ancien dirigeant de Cassi-
dy's appelé à témoigner, M. Jack Robertson, a
confirmé que pour des raisons se rapportant à leurs
relations avec les détaillants, il aurait été à leur
désavantage d'associer, aux yeux du public, Victo-
riana Rose avec Cassidy's. Il a admis également
que le nom «Paragon» permettait de vendre plus de
vaisselle de porcelaine dans le public que le nom
«Cassidy's». De plus, des détaillants ont mentionné
que, dans la pratique normale du commerce,
chaque fois qu'ils vendaient de la vaisselle, ils
donnaient aux clients un reçu portant ordinaire-
ment le nom du motif dont elle était ornée et
souvent aussi le nom «Paragon». Aucun d'entre eux
ne s'est rappelé avoir utilisé le nom «Cassidy's» sur
ces reçus. A la lumière de tous ces témoignages, il
est difficile de voir comment les consommateurs,
ou même les détaillants de Victoriana Rose,
auraient pu considérer que les mots «Victoriana
Rose» s'appliquent à un produit autre que celui de
la demanderesse Paragon China Limited. Il est
également difficile d'imaginer comment la plupart
des clients auraient jamais pu savoir que Cassidy's
Ltée était le seul distributeur de ce motif au
Canada de 1968 à 1980.
Pour ce qui est de la première question soulevée
au sujet de la validité de l'enregistrement numéro
162829, je suis convaincu que Cassidy's Ltée
n'était pas la personne ayant droit à l'enregistre-
ment. D'après ce que j'ai compris, Cassidy's a
demandé l'enregistrement de la marque de com
merce «Victoriana Rose» le 13 février 1968, à une
époque où cette vaisselle de porcelaine n'avait pas
encore été mise en vente au Canada. Cette conclu
sion ressort de ce que l'avocat de la défenderesse a
justifié sa demande d'une marque de commerce
avec la définition de «marque de commerce proje-
tée»; il s'agissait donc d'une marque qui n'avait
vraisemblablement pas encore été utilisée au
Canada. Cependant, je ne pense pas qu'il soit
important que les ventes de cette vaisselle de por-
celaine aient commencées au Canada avant ou
après la demande de la marque de commerce parce
que, selon moi, Cassidy's n'a jamais «employé» la
marque de commerce en vue de distinguer des
marchandises qu'elle vendait de celles vendues par
d'autres personnes. Il faut prouver l'existence d'un
tel emploi lorsqu'une personne applique la défini-
tion de «marque de commerce» ou celle de «marque
de commerce projetée» de l'article 2 de la Loi sur
les marques de commerce. Pour établir le sens du
mot «emploi» de la Loi, il faut examiner le para-
graphe 4(1) qui dispose:
4. (1) Une marque de commerce est censée employée en
liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la pro-
priété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique
normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises
mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont
distribuées ou si elle est, de quelque autre manière, liée aux
marchandises au point qu'avis de liaison est alors donné à la
personne à qui la propriété ou possession est transférée.
Dans la décision Manhattan Industries Inc. c.
Princeton Manufacturing Ltd. (1971), 4 C.P.R.
(2d) 6 (C.F. I re inst.), aux pages 16 et 17, le juge
Heald a examiné l'application de ce paragraphe à
un fabricant étranger dont la marque était apposée
sur le produit à l'usine et qui vendait par l'entre-
mise de détaillants au Canada. Le juge Heald a
particulièrement insisté sur les mots «dans la prati-
que normale du commerce» et a précisé que, dans
de tels cas, l'article 4 permet de considérer les
ventes des produits du fabricant qui portent la
marque de commerce comme un emploi au
Canada par le fabricant, même si la propriété des
produits peut avoir été transférée du fabricant à un
distributeur ou à un détaillant avant leur entrée au
Canada. En pareils cas, l'article 4 reconnaît la
continuité de la transaction du fabricant jusqu'au
consommateur et protège la marque de commerce
du fabricant à travers toutes ces opérations inter-
médiaires menées «dans la pratique normale du
commerce». Cette décision a été suivie dans Mar-
chands Ro-Na Inc. c. Tefal S.A. (1981), 55
C.P.R. (2d) 27 (C.F. 1re inst.). Cette affaire por-
tait également sur une marque de commerce appo-
sée sur des produits par un fabricant étranger,
produits qui étaient vendus au Canada par l'entre-
mise d'un distributeur. La Cour a statué que la
marque de commerce apposée par le fabricant
était une marque de commerce du fabricant
«employée» par celui-ci lorsque ses produits étaient
vendus au Canada par l'intermédiaire du distribu-
teur. Voir également Saxon Industries, Inc. c.
Aldo Ippolito & Co. Ltd. (1982), 66 C.P.R. (2d)
79 (C.F. 1re inst.).
Bien sûr, la défenderesse prétend pour sa part
que la marque de commerce «Victoriana Rose» a
été spécialement créée aux fins de l'approvisionner,
que cette marque n'a jamais été employée au
Canada si ce n'est par l'entremise de la distribu
tion de Cassidy's, qu'elle était le titulaire enregis-
tré de la marque de commerce dès le début des
ventes au Canada, et que, par conséquent, Paragon
n'a jamais établi un emploi quelconque au
Canada. Selon elle, seule Cassidy's a employé la
marque de commerce au Canada en qualité de
titulaire enregistré de la marque de commerce et
de distributeur exclusif de cette vaisselle de porce-
laine. Je demeure tout de même convaincu que
Paragon, en tant que fabricant, était l'utilisateur
de la marque de commerce. C'est elle qui a apposé
la marque de commerce sur la vaisselle et force
m'est de conclure qu'elle l'a fait pour ses propres
fins. Ce n'est certainement pas à titre de représen-
tant de Cassidy's qu'elle l'a fait. Rien ne prouve
l'existence d'une entente à cet effet et il est impos
sible de présumer une entente puisque les témoi-
gnages révèlent clairement que Paragon a appris
seulement en 1980, plus de douze ans après avoir
commencé la production de la vaisselle, que Cassi-
dy's avait enregistré cette marque de commerce.
Bien qu'il soit constant que la question de savoir
qui a réellement pensé au nom «Victoriana Rose»
n'indique pas à coup sûr qui est le propriétaire de
la marque de commerce, cet élément pourrait
servir à indiquer à qui était couramment attribuée
la propriété de la marque de commerce. Dans cette
mesure, cet élément peut être pertinent, et je tiens,
par conséquent, à ajouter au dossier que j'ai conclu
que la première personne à avoir pensé à ce nom
est M. Johnson, un employé de Paragon, avec
l'aide de son épouse. Dans la mesure où c'est elle
qui a eu cette idée, j'estime qu'on peut considérer
qu'elle a cédé ses droits à ce nom à son mari en sa
qualité d'employé de Paragon. Les témoignages de
M. et de Mme Johnson sont très clairs quant au
choix du nom. D'un autre côté, M. Robertson,
l'ancien dirigeant de Cassidy's Ltée, qui prétend en
être l'auteur, a été assez vague dans sa description
de la démarche qu'il a suivie pour choisir le nom.
Par conséquent, je ne peux tirer de la paternité du
nom aucune inférence selon laquelle il était sous-
entendu que Cassidy's était le propriétaire et l'uti-
lisateur de la marque de commerce. Donc, il reste
que le fabricant a apposé la marque «Victoriana
Rose» d'une manière qui associe clairement ce
motif de la vaisselle avec son fabricant. Dans la
pratique normale du commerce, le produit parvient
aux consommateurs avec cette marque qu'ils attri-
buent au fabricant. Rien, dans la pratique normale
du commerce, ne laisse soupçonner aux détaillants
ou aux consommateurs que la marque est autre
chose que celle du fabricant. J'en conclus que c'est
le fabricant qui, d'après le paragraphe 4(1) de la
Loi sur les marques de commerce, est réputé avoir
employé la marque en liaison avec ces marchandi-
ses. Quant à Cassidy's, elle s'est contentée d'enre-
gistrer la marque de commerce et d'informer, à
l'occasion, les détaillants du fait que le motif «Vic-
toriana Rose» fabriqué par Paragon pouvait être
commandé par son intermédiaire. Dans ces cir-
constances, il m'est impossible de présumer qu'il
s'agit d'un emploi de la marque de commerce.
Ainsi, il appert que la défenderesse Cassidy's
Ltée n'a pas employé la marque de commerce
«Victoriana Rose» «aux fins ... de distinguer des
marchandises ... vendues ... par elle, de
marchandises ... vendues ... par d'autres»
comme le requiert la Loi sur les marques de
commerce. Quand cette société distribuait la vais-
selle de porcelaine portant cette marque, il s'agis-
sait de la marque du fabricant, et c'était le fabri-
cant, Paragon, qui l'employait. Une marque de
commerce est essentiellement créée par l'usage.
Bien qu'il est vrai que, comme son avocat l'a
soutenu au procès, Cassidy's Ltée avait le droit, en
vertu du paragraphe 16(3) de la Loi, de demander
l'enregistrement d'une «marque de commerce pro-
jetée», il n'est pas certain que c'était ce que Cassi-
dy's pensait qu'elle faisait à l'époque de la
demande. En effet, à ce moment-là, elle a déposé
l'affidavit de M. Robertson daté du 14 février
1968, c'est-à-dire le lendemain de la date de la
demande, dans lequel celui-ci déclarait sous ser-
ment qu'il y avait usage. Quelle que soit la façon
dont Cassidy's concevait ce processus, il est clair
qu'elle avait à prouver l'emploi de cette marque de
commerce avant qu'elle puisse réellement être
enregistrée. M. Robertson peut très bien avoir
affirmé de bonne foi dans son affidavit que Cassi-
dy's avait commencé l'emploi de la marque de
commerce, mais, selon moi, en droit, les activités
de Cassidy's Ltée relativement à la marque de
commerce n'ont pas, ni à cette époque, ni par la
suite, constitué l'emploi de cette marque de com
merce au sens de la Loi.
Le deuxième chef de contestation de l'enregis-
trement de la marque de commerce, tel que men-
tionné ci-dessus, porte qu'à l'époque de l'introduc-
tion de la présente action la marque n'était pas
distinctive des marchandises de Cassidy's Ltée de
manière à les distinguer des marchandises d'autres
sociétés. Aussi, comme le prévoit l'alinéa 18(1)b)
de la Loi sur les marques de commerce, l'enregis-
trement de cette marque est invalide. Selon moi, ce
deuxième moyen est également bien fondé.
L'avocat de la défenderesse prétend notamment
qu'une marque de commerce est distinctive si elle
permet de distinguer certaines marchandises de
certaines autres sans nécessairement permettre
d'identifier le vendeur ou le fabricant de l'un ou
l'autre. Ainsi, selon lui, puisque Victoriana Rose
était un motif de vaisselle de porcelaine dont Cas-
sidy's était le distributeur exclusif, alors qu'il exis-
tait d'autres motifs de vaisselle de porcelaine de
Paragon pour lesquels elle n'était pas distributeur
exclusif, il s'ensuit que la marque de commerce
Victoriana Rose apposée à un article de porcelaine
de Paragon distinguait ce produit des autres pro-
duits de Paragon que Cassidy's ne vendait pas. Ni
la jurisprudence, ni la loi n'appuie cette théorie. La
définition de l'article 2 du mot «distinctive» est
formulée ainsi:
2. ...
«distinctive», par rapport à une marque de commerce, désigne
une marque de commerce qui distingue véritablement les
marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est
employée par son propriétaire, des marchandises ou services
d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer
ainsi;
Il convient de remarquer qu'une marque de com
merce distinctive est une marque qui relie, par
exemple, des marchandises à un vendeur de
manière à distinguer ses marchandises de celles
des autres vendeurs. Elle n'est pas distinctive si elle
distingue simplement le dessin d'une marchandise
du dessin d'une autre marchandise même si un
initié peut savoir que ces deux sortes de marchan-
dises sont respectivement vendues par deux diffé-
rents vendeurs. Une telle conception du caractère
distinctif va à l'encontre de l'un des objets essen-
tiels des marques de commerce qui vise à assurer à
l'acheteur que les produits viennent d'une source
bien précise dans laquelle il a confiance. Voir The
Canadian Law of Trade Marks and Unfair Com
petition de Fox, (3e éd., 1972), aux pages 25 et 26.
On a également discuté de la question de savoir
à qui la marque de commerce devait sembler
distinctive. Je pense que la Cour d'appel fédérale a
définitivement tranché cette question dans l'arrêt
Sportcam Co. c. Breck's Sporting Goods Co.,
[1973] C.F. 360; 10 C.P.R. (2d) 28, confirmé par
la Cour suprême du Canada à [1976] 1 R.C.S.
527; (1975), 17 C.P.R. (2d) 201. En interprétant
la définition de «distinctive», telle que citée ci-des-
sus, le juge en chef Jackett a dit à la page 368
C.F.; à la page 34 C.P.R. que «c'est une question
de fait que de savoir quelle indication précise la
marque de commerce transmet "véritablement" au
public». Dans cet arrêt, la Cour a conclu que,
puisque la marque de commerce avait été utilisée
au Canada pour relier le produit à son fabricant
français avant que le distributeur canadien enre-
gistre la marque de commerce, le public avait été
amené à croire que la marque était distinctive du
fabricant. Rien, à l'occasion de l'enregistrement,
n'était intervenu pour «donner au public une autre
image de cette marque». Voir également In the
Matter of an Application by Warschauer to Reg
ister a Trade Mark (1925), 43 R.P.C. 46 (Ch.
D.); In the Matter of the Trade Mark of Elaine
Inescourt (1928), 46 R.P.C. 13 (Ch. D.) et Wil-
kinson Sword (Canada) Ltd. v. Juda (1966), 51
C.P.R. 55 (C. de l'E.). L'avocat de la défenderesse
a cherché à établir une distinction entre l'arrêt
Breck's et certains autres arrêts parce que, dans
ces affaires, le fabricant avait utilisé la marque de
commerce dans le pays d'enregistrement avant que
celui-ci ait lieu, alors qu'en l'espèce Paragon n'a
pas utilisé le motif «Victoriana Rose» au Canada
avant que Cassidy's Ltée l'enregistre. Cependant,
je ne pense pas que cette distinction soit suscepti
ble de modifier la solution du litige. En dernière
analyse, ces arrêts établissent que l'élément essen-
tiel est l'image donnée au public. En l'espèce, je ne
peux voir comment le public aurait pu ne pas
penser, dans la pratique normale du commerce,
que cette marque, apposée de toute évidence sur la
porcelaine à l'époque de sa fabrication, associant le
nom du motif au nom du fabricant, est la marque
d'un fabricant. Le témoin de Cassidy's, et son
ancien dirigeant, a confirmé que la société ne
souhaitait réellement pas et n'avait pas pour habi-
tude d'agir en affaires de manière à amener le
consommateur ultime à associer Victoriana Rose
avec Cassidy's Ltée. Ce lien a effectivement été
établi avec les détaillants, mais c'était pour qu'ils
sachent que s'ils voulaient acheter de la vaisselle
Victoriana Rose de Paragon, ils devaient la com
mander par l'entremise de Cassidy's. Il ne faisait
aucun doute que les marchandises étiquetées «Vic-
toriana Rose» venaient de Paragon: Cassidy's ne
vendait aucun autre produit qu'elle-même fabri-
quait ou qui était fabriqué par d'autres et qui
portait la marque «Victoriana Rose». Par consé-
quent, je conclus que l'enregistrement en faveur de
Cassidy's Ltée d'une marque de commerce formée
par les mots «Victoriana Rose» est invalide.
La défenderesse a contesté sous plusieurs chefs
la compétence de cette Cour de connaître des
redressements recherchés par la demanderesse.
J'examinerai ces objections par rapport à chaque
mesure de redressement demandée.
La demanderesse veut faire déclarer invalide et
nul l'enregistrement numéro 162829 de «Victo-
riana Rose» comme marque de commerce. Étant
donné ce que j'ai dit précédemment, je crois que la
demanderesse a droit à une telle déclaration. La
compétence de la Cour, à mon avis, découle du
paragraphe 18(1) de la Loi sur les marques de
commerce qui comprend deux motifs d'invalidité
qui, selon moi, se trouvent présents en l'espèce. À
mon avis, il est loisible à la Cour de faire une
déclaration à cet effet, en vertu de l'article 20 de la
Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.),
chap. 10] et de l'article 53 de la Loi sur les
marques de commerce.
La demanderesse a également droit, comme elle
le demande, à une ordonnance de radiation de
l'enregistrement numéro 162829 au nom de Cassi-
dy's Ltd.—Cassidy's Ltée du registre des marques
de commerce. Une telle ordonnance ressort nette-
ment de la compétence usive de la Cour qu'ac-
corde le paragraphe 57(1) de a oi sur les mar-
ques de commerce.
Je conclus également que la demanderesse a
droit à l'injonction permanente qu'elle réclame
portant interdiction à la défenderesse de se présen-
ter au public ou autrement comme le titulaire de la
marque de commerce «Victoriana Rose» valide-
ment enregistrée. Cette injonction est une mesure
de redressement en equity, accessoire à la compé-
tence de la Cour qui a tranché au fond la validité
de l'enregistrement de cette marque de commerce.
J'ai exercé mon pouvoir d'appréciation en faveur
de l'octroi de l'injonction parce que, selon moi, la
preuve suffit à démontrer que, s'il en était autre-
ment, la défenderesse pourrait continuer de nuire à
la demanderesse en affirmant avoir un droit à la
marque de commerce enregistrée «Victoriana
Rose».
L'avocat de la demanderesse a soumis, ce à quoi
celui de la défenderesse s'est opposé, que je pou-
vais simplement substituer Paragon China Limited
à Cassidy's Ltée au titre de titulaire de l'enregis-
trement numéro 162829. L'avocat de la demande-
resse a prétendu qu'on pourrait considérer qu'il
s'agit d'une modification du registre que la Cour a
le droit d'ordonner en vertu du paragraphe 57(1)
de la Loi sur les marques de commerce. Dans la
décision Friendly Ice Cream Corp. c. Friendly Ice
Cream Shops Ltd., [1972] C.F. 712; 7 C.P.R. (2d)
35 (1" inst.), le juge Heald a conclu, à la page 717
C.F.; à la page 40 C.P.R., que la Cour n'était pas
compétente pour apporter une modification de
cette sorte. Je souscris à cette affirmation. Si l'on
examine l'esprit de la Loi sur les marques de
commerce, et plus particulièrement la procédure
visant l'obtention de l'enregistrement d'une
marque de commerce, on constate que le Parle-
ment envisageait l'examen de chaque déposant et,
en l'espèce, Paragon China Limited ne s'est pas
soumise à cette procédure. L'article 29 de la Loi,
surtout, exige que le demandeur fournisse un
grand nombre de renseignements au registraire,
renseignements que n'a pas fournis Paragon China
Limited en l'espèce. Mentionnons également l'an-
nonce prévue à l'article 36 et la procédure d'oppo-
sition à l'enregistrement prévue à l'article 37, qui
ne sont pas intervenues dans le cas présent. À mon
avis, ces procédures doivent être suivies pour tout
enregistrement projeté, peu importe qu'une autre
demanderesse, Cassidy's Ltée, se soit déjà confor-
mée à ces procédures en ce qui concerne la même
marque de commerce. Rien dans la Loi, ni dans la
jurisprudence, ne justifie d'interpréter le pouvoir
qu'a la Cour de modifier le registre comme com-
prenant le pouvoir d'ordonner la substitution invo-
lontaire, contrairement à un transfert d'un déten-
teur à un autre auquel consent le demandeur d'une
marque de commerce.
Les demanderesses veulent en outre une déclara-
tion selon laquelle Paragon [TRADUCTION] «est le
titulaire de la marque de commerce "Victoriana
Rose" pour son emploi en liaison avec de la vais-
selle de porcelaine». Notons que, telle que formu-
lée, la mesure de redressement demandée ne com-
porte pas le droit à l'enregistrement. Je pense que
la présente Cour peut faire une telle déclaration si
on lui a soumis toute la preuve nécessaire. Je crois
qu'elle a ce pouvoir en vertu de l'article 20 de la
Loi sur la Cour fédérale, qui lui accorde une
compétence concurrente «dans tous les autres cas
où l'on cherche à obtenir un redressement en vertu
d'une loi du Parlement du Canada, ou de toute
autre règle de droit relativement à ... une marque
de commerce ...» La Loi sur les marques de
commerce, aux articles 1 à 11, définit et prescrit
plusieurs règles relatives aux marques de com
merce et à leur adoption, sans mentionner les
règles relatives à l'enregistrement. Par la suite, la
Loi porte uniquement sur les marques de com
merce enregistrées. Dans le cadre de l'article 20 de
la Loi sur la Cour fédérale, la déclaration est une
mesure de redressement in equity et, en l'espèce, se
rapporte à une marque de commerce. Les exigen-
ces de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de
1867 [30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C.
1970, Appendice II, n° 5] (mod. par la Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de
la Loi constitutionnelle de 1982, n° 1)] sont égale-
ment satisfaites puisque le Parlement, par les arti
cles 1 à 11 de la Loi sur les marques de commerce,
a prescrit les règles relatives à ce qui constitue une
marque de commerce et son adoption, que cette
marque soit enregistrée ou non. La compétence du
Parlement relativement aux marques de commerce
est depuis longtemps reconnue: Attorney -General
for Ontario v. Attorney -General for Canada,
[1937] A.C. 405 (P.C.). Selon moi, une déclara-
tion relative à la propriété d'une marque de com
merce non enregistrée se distingue des mesures de
redressement qui avaient été demandées et refu
sées dans la décision Cellcor Corp. of Canada Ltd.
c. Kotacka, [1977] 1 C.F. 227 (C.A.). Dans cette
affaire, la Cour d'appel a décidé qu'elle ne pouvait
accorder la déclaration demandée selon laquelle le
demandeur est la personne fondée à obtenir des
lettres patentes relativement à une certaine inven
tion par application de l'article 20 de la Loi sur la
Cour fédérale parce que la Loi sur les brevets
confère expressément au commissaire des brevets
le pouvoir de décider d'abord si un requérant a
droit à un brevet. En l'espèce, la Loi sur les
marques de commerce ne prévoit pas une autre
procédure pour décider de la propriété d'une
marque de commerce non enregistrée et, à la
différence de la Loi sur les brevets, elle définit
effectivement le droit à une telle propriété indus-
trielle même en l'absence d'une reconnaissance par
un fonctionnaire comme le registraire des marques
de commerce ou le commissaire des brevets. En
outre, il se peut fort bien que la compétence du
Parlement sur les marques de commerce, qui
découle du pouvoir du fédéral sur «la réglementa-
tion des échanges et du commerce» (voir Attorney -
General for Ontario v. Attorney -General for
Canada, précitée) soit en elle-même plus vaste que
la compétence du Parlement sur «les brevets d'in-
vention et de découverte». Pour ce qui est de ces
derniers pouvoirs, on a soutenu dans Cellcor, pré-
citée, que le mot «brevet» donne compétence sur la
délivrance d'un brevet pour la protection des
inventions, mais non sur les droits de propriété des
inventions non brevetées. La Cour d'appel n'a,
toutefois, pas jugé nécessaire de trancher cette
question.
Même s'il me semble juridiquement possible de
faire une déclaration relative à la propriété d'une
marque de commerce non enregistrée, je crois qu'il
faut, en l'espèce, me limiter à la preuve soumise et
qui se rapporte à l'emploi de la marque de com
merce «Victoriana Rose». L'avocat des demande-
resses me demande, si je ne peux accorder une
déclaration plus vaste quant à la propriété, de
déclarer que Paragon a employé cette marque de
commerce et que Cassidy's ne l'a pas fait. La
preuve et les principes juridiques exposés ci-dessus
relativement au sens du mot «emploi» me permet-
tent de faire une telle déclaration; j'acquiescerai
donc à cette demande. Bien qu'à toutes fins prati-
ques, cela peut équivaloir à une déclaration de
propriété, il est possible, au moins en théorie, que
d'autres obstacles au droit de propriété de Para-
gon—des obstacles qui n'ont pas été examinés en
l'espèce—puissent empêcher de reconnaître finale-
ment ce droit de propriété. Je pense qu'il est inutile
d'aller plus loin en ce qui concerne une déclara-
tion, mais cette attitude de ma part ne doit pas
s'interpréter de quelque façon comme une conclu
sion à l'existence d'un obstacle à la reconnaissance
pleine et entière du droit de propriété de la deman-
deresse Paragon à la marque de commerce non
enregistrée. En même temps, je crois qu'il peut
être utile que la question de l'emploi soit clarifiée
de cette façon au cas où elle pourrait être perti-
nente à la conduite ultérieure des parties. Elle peut
également être d'une aide quelconque au regis-
traire si jamais Paragon demande l'enregistrement
de cette marque. Cependant, il ne s'agit pas d'une
usurpation des fonctions du registraire qui doit
examiner plusieurs autres questions avant de pren-
dre une décision sur l'enregistrement.
Droit d'auteur
La question du droit d'auteur se rapporte au
motif de roses qui orne la vaisselle de porcelaine.
Les demanderesses veulent que la Cour déclare
qu'il existe un droit d'auteur quant au motif de
roses et que Paragon est le propriétaire de ce droit
d'auteur. Elles veulent aussi que la Cour prononce
des injonctions portant interdiction à la défende-
resse de reproduire ce motif ou de se présenter au
public comme le propriétaire du droit d'auteur qui
s'y attache.
En ce qui concerne ce point litigieux, il est
crucial d'examiner la question de la paternité du
motif de roses. La preuve n'est pas totalement
claire sur tous les détails, mais je suis convaincu
que c'est M. Reginald Johnson, alors qu'il était à
l'emploi de Paragon et après qu'on l'ait informé de
la possibilité de l'existence d'un marché au Canada
pour un nouveau dessin de roses, qui a réalisé des
peintures en vue d'un tel dessin. Il est possible
qu'en accomplissant ce travail il se soit reporté à
des peintures qu'il avait exécutées auparavant. Par
ailleurs, il semble que c'est M. Jack Robertson de
Cassidy's qui lui a directement ou indirectement
fait connaître l'existence d'un marché au Canada
pour ce dessin. En outre, une fois que M. Johnson
a peint le premier dessin, il l'a montré à M.
Robertson qui lui a suggéré d'étendre les «jets» de
roses sur une plus grande partie de la surface de la
vaisselle. M. Johnson a modifié son dessin en
conséquence. M. Robertson était satisfait des
modifications et Cassidy's a commandé de la vais-
selle Victoriana Rose pour une valeur d'environ
15 000 I. Pour commencer la production il fallait
préparer les planches lithographiques qui fournis-
sent effectivement les matrices portant le motif à
apposer sur la porcelaine avant les étapes finales
de la cuisson et de l'émaillage. Le coût à l'origine
de ces planches lithographiques était d'environ
3 000 I.
Je conclus que M. Johnson est le père du motif
et qu'un droit d'auteur existe dans ce motif au
Canada en vertu du paragraphe 4(1) de la Loi sur
le droit d'auteur [S.R.C. 1970, chap. C-30]. À
l'époque où il a exécuté ce travail, M. Johnson
était un ressortissant britannique, résidant dans les
royaumes et les territoires de Sa Majesté en 1967,
et cette oeuvre a été rendue publique pour la
première fois dans ces royaumes et ces territoires,
c'est-à-dire en Angleterre ou au Canada. En outre,
par application du paragraphe 12(3), comme M.
Johnson était un employé de Paragon et que le
travail a été réalisé dans le cadre de cet emploi,
Paragon était et reste le premier et le seul proprié-
taire du droit d'auteur. Je ne puis accepter la thèse
portant que les suggestions et les conseils de M.
Robertson, aussi utiles qu'ils aient pu être, en ont
fait le père du motif. Ce sont les connaissances et
l'expérience de M. Johnson, qui a mentionné dans
son témoignage qu'il avait peut-être réalisé jusqu'à
deux mille esquisses de motifs possibles, qui ont
engendré un dessin esthétiquement plaisant, même
si c'était en réponse aux idées de commercialisa
tion de M. Robertson.
La défenderesse soutient également qu'elle a
droit au droit d'auteur en vertu du paragraphe
12(2) de la Loi sur le droit d'auteur qui dispose:
12....
(2) Lorsqu'il s'agit d'une gravure, d'une photographie ou
d'un portrait et que la planche ou autre production originale a
été commandée par une tierce personne et confectionnée contre
rémunération en vertu de cette commande, celui qui a donné la
commande est, à moins de stipulation contraire, le premier
titulaire du droit d'auteur.
Il semble, en l'espèce, que l'avocat prétend que les
planches lithographiques étaient de la nature
«d'une gravure, d'une photographie ou d'un por
trait» et qu'elles ont été «commandées» par Cassi-
dy's et «confectionnées contre rémunération en
vertu de cette commande ...» La défenderesse
s'est évertuée à démontrer qu'elle aurait été obli-
gée de payer pour les planches lithographiques si
elle n'avait pas présenté une commande ferme
pour une certaine quantité de cette porcelaine. Si
je présume que les planches lithographiques sont
effectivement visées par le paragraphe 12(2), je ne
suis pas convaincu que la preuve établisse l'exis-
tence d'un accord qui pourrait vouloir dire que ces
planches étaient commandées par Cassidy's.
Aucun écrit ne prouve une entente selon laquelle
Cassidy's se serait engagée à payer le prix approxi-
matif de 3 000 £ pour la préparation des planches.
On ne sait pas si des planches ont été préparées
avant que Cassidy's ait présenté sa commande de
porcelaine. On n'a certainement pas suggéré que
Cassidy's ait jamais directement payé pour les
planches lithographiques, bien qu'il n'y ait aucun
doute qu'elle les ait payées indirectement en com
mandant de la porcelaine comme l'aurait fait tout
acheteur de porcelaine de Paragon. Bien qu'il
semble clair qu'il existe une entente verbale selon
laquelle Cassidy's aurait le droit exclusif de distri-
buer ce motif au Canada pour une période indéter-
minée, aucune entente n'interdisait à Paragon de
vendre cette porcelaine dans d'autres pays, par
d'autres moyens. En fait, Paragon a commencé à
vendre Victoriana Rose dans le Royaume-Uni en
1975, et depuis plusieurs années cette vaisselle est
distribuée dans environ vingt pays par Paragon ou
par d'autres sociétés que Cassidy's. Cassidy's n'a
jamais réclamé ni perçu de redevances de Paragon
pour cet emploi du motif. Une telle attitude est
incompatible avec le fait que Cassidy's ait eu le
droit d'auteur sur le motif, comme elle aurait pu y
avoir droit en vertu du paragraphe 12(2) si elle
avait réellement «commandé» les planches litho-
graphiques.
La défenderesse a également prétendu que la
Loi sur le droit d'auteur ne s'applique pas en
l'occurrence, puisque le paragraphe 46(1) de cette
Loi dispose:
46. (1) La présente loi ne s'applique pas aux dessins suscepti-
bles d'être enregistrés en vertu de la Loi sur les dessins
industriels, à l'exception des dessins qui, tout en pouvant être
enregistrés de cette manière, ne servent pas ou ne sont pas
destinés à servir de modèles ou d'échantillons, pour être multi-
pliés par un procédé industriel quelconque.
Le paragraphe 46(2) prévoit qu'en vertu de la Loi
sur les dessins industriels [S.R.C. 1970, chap.
I-8], il peut être édicté un règlement général pour
déterminer quand un dessin doit être considéré
comme servant de modèle ou d'échantillon destiné
à être multiplié par un procédé industriel quelcon-
que. Selon l'article 11 du Règlement [Règles
régissant les dessins industriels, C.R.C., chap.
964] pris en vertu de la Loi sur les dessins indus-
triels, il ressort que pour qu'un dessin soit censé
servir de modèle ou d'échantillon destiné à être
multiplié par un procédé industriel quelconque, il
doit avoir été reproduit sur plus de 50 articles
différents (ce qu'on admet être le cas en l'espèce)
et doit être appliqué à un certain genre de choses
mentionnées dans cet article, comme des tentures
de papier peint, des tapis, des tissus ou de la
dentelle. La faïence ou la porcelaine ne s'y trouve
pas. Par conséquent il est évident qu'un dessin
devant être appliqué à de la vaiselle de porcelaine
n'est pas un dessin censé servir de modèle ou
d'échantillon destiné à être multiplié par un pro-
cédé industriel quelconque et, par conséquent,
n'est pas exclu de la protection de la Loi sur le
droit d'auteur par le paragraphe 46(1).
Comme je l'ai mentionné plus tôt, les demande-
resses veulent obtenir que soient prononcées une
déclaration et des injonctions relatives au droit
d'auteur de Paragon. La défenderesse prétend
qu'en tout état de cause la Cour ne peut accorder
ce redressement quelle que soit son opinion des
droits de Paragon. La défenderesse invoque le
paragraphe 20(1) de la Loi sur le droit d'auteur
qui prévoit:
20. (1) Lorsque le droit d'auteur sur une oeuvre a été violé, le
titulaire du droit est admis, sauf disposition contraire de la
présente loi, à exercer tous les recours, par voie d'injonction,
dommages-intérêts, reddition de compte ou autrement, que la
loi accorde ou peut accorder pour la violation d'un droit.
L'avocat de la défenderesse fait valoir que puisque
ce paragraphe autorise les recours seulement lors-
qu'il y a eu violation d'un droit d'auteur, et il n'y a
pas de preuve de violation en l'espèce, la Cour
fédérale ne peut accorder aucun recours.
J'admets qu'il n'y a aucune preuve de violation
du droit d'auteur relativement au motif floral. On
ne signale aucune tentative de reproduction de ce
motif, soit par Cassidy's elle-même, soit par d'au-
tres personnes engagées par Cassidy's pour le faire.
Elle n'a jamais vendu de marchandises portant ce
motif qui n'auraient pas été fabriquées par Para
gon. Par conséquent, il n'y a pas eu de violation de
droit d'auteur même s'il y a, de toute évidence, une
contestation, comme le prouvent les présentes pro-
cédures, quant à la personne titulaire de ce droit.
Le motif pour lequel j'ai conclu ci-dessus, relative-
ment aux marques de commerce, que cette Cour
peut faire une déclaration prévue par l'article 20
de la Loi sur la Cour fédérale, me permet égale-
ment de conclure que je peux faire une déclaration
dans le présent cas. Cette déclaration est un
redressement cherché «en vertu d'une ... règle de
droit relativement à . .. un droit d'auteur ...» La
Loi sur le droit d'auteur établit un ensemble com-
plet de règles à l'égard des droits de propriété
relatifs au droit d'auteur et cette Cour peut décla-
rer le droit qu'ont certaines personnes à certains
droits conformément à ces règles. En outre, la
compétence qui est accordée au Parlement par la
rubrique 23 de l'article 91 de la Loi constitution-
nelle de 1867 relativement au «droit d'auteur» est
générale et sous-tend certainement l'ensemble
complet de règles que prescrit la Loi sur le droit
d'auteur.
Par conséquent, je déclare que le premier et
l'actuel titulaire du droit d'auteur dans le dessin de
fleurs Victoriana Rose est Paragon China Limited.
Toutefois, comme il n'y a aucune preuve que la
défenderesse a reproduit ce motif, a l'intention de
le reproduire, de faire en sorte qu'il y soit repro-
duit ou de vendre des reproductions de celui-ci
autres que la marchandise fournie par Paragon
China Limited, et comme il n'y a pas de preuve
non plus que la défenderesse a affirmé publique-
ment qu'elle était titulaire de ce droit d'auteur, il
apparaît que rien ne justifie d'exercer ma discré-
tion judiciaire dans le sens des injonctions
demandées.
Revendication en vertu de l'article 7 de la Loi sur
les marques de commerce
Comme je l'ai déjà fait remarquer, les demande-
resses cherchent également à obtenir des domma-
ges-intérêts parce que les représentants de la
défenderesse ont fait des déclarations fausses ou
trompeuses tendant à discréditer l'entreprise et les
marchandises des demanderesses au Canada et ont
appelé l'attention du public sur ses marchandises
de manière à causer de la confusion au Canada
entre ses marchandises et les marchandises des
demanderesses et ce, contrairement aux alinéas
7a) et b) de la Loi sur les marques de commerce.
La preuve de ces déclarations trompeuses est
très faible et les demanderesses n'ont pas vraiment
tenté de prouver qu'elles ont subi des dommages
résultant des déclarations alléguées. Aucune base
n'a été proposée à la Cour pour établir le montant
de ces dommages. Par conséquent, je rejetterais
cette partie de la réclamation. Par bonheur, la
Cour n'a consacré que peu de temps au débat sur
cette question.
Ma décision sur la question des dommages-inté-
rêts ne doit toutefois pas être interprétée comme
un endossement de l'argument de l'avocat de la
défenderesse selon lequel la Cour fédérale n'a pas
compétence en la matière parce que les alinéas 7a)
et b), qui peuvent s'appliquer en l'espèce, porte-
raient sur des questions qui ne sont pas de la
compétence du Parlement. Qu'il me suffise de
faire remarquer que ces alinéas, s'ils sont applica-
bles en l'espèce, peuvent bien être invoqués pour
protéger le propriétaire d'une marque de com
merce; cette question ressort de la compétence du
Parlement.
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