A-1419-84
Madhur Lata Prassad (requérante)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
Cour d'appel, juges Mahoney, Hugessen et Mac-
Guigan—Ottawa, 9 juillet 1985.
Pratique — Appels — Requête pour autorisation d'interje-
ter appel devant la Cour suprême du Canada — L'art. 31 de la
Loi sur la Cour fédérale impose à la Cour d'appel le devoir de
décider, lorsqu'on lui en fait la demande, si une affaire devrait
être soumise à la Cour suprême pour décision — La pratique
générale veut que l'autorisation soit refusée: Le ministre du
Revenu national c. Creative Shoes Ltd., [19721 C.F. 1425
(C.A.) — La question que l'on veut soumettre est celle de
savoir si une enquête doit être ajournée pour permettre la
présentation de demandes au Ministre et au gouverneur en
conseil en vertu des art. 37 et 115 de la Loi sur l'immigration
de 1976 — La Cour d'appel fédérale a interprété de façon
stricte, avec de fortes opinions dissidentes, la décision Rama -
wad c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration,
[19781 2 R.C.S. 375 — Autorisation accordée — Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 31(2) —
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 37,
115.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Le ministre du Revenu national c. Creative Shoes Ltd.,
[1972] C.F. 1425 (C.A.); Ramawad c. Ministre de la
Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1978] 2 R.C.S. 375;
Louhisdon c. Emploi et Immigration Canada, [1978] 2
C.F. 589 (C.A.); Oloko c. Emploi et Immigration
Canada, [1978] 2 C.F. 593 (C.A.); Ministre de l'Emploi
et de l'Immigration c. Widmont, [1984] 2 C.F. 274; 56
N.R. 198 (C.A.).
PLAIDOIRIES ÉCRITES:
Reiner O. Rothe et Andrew McKinley pour la
requérante.
Rebecca W. Hunter pour l'intimé.
PROCUREURS:
Rothe & Company, Vancouver, pour la
requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE HUGESSEN: La requête en l'espèce est
présentée en vertu de l'article 31 de la Loi sur la
Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10]
et vise une autorisation d'interjeter appel devant la
Cour suprême du Canada d'un jugement de cette
Cour prononcé le 5 mars 1985 [A-1419-84, encore
inédit] qui a rejeté la demande présentée par la
requérante en vertu de l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale. Le jugement de cette Cour a décidé
qu'un arbitre ne commet pas d'erreur lorsqu'il
refuse d'ajourner une enquête tenue en vertu de la
Loi sur l'immigration de 1976 [S.C. 1976-77,
chap. 52] lorsque cet ajournement est demandé
afin de permettre au requérant de présenter des
demandes au Ministre et au gouverneur en conseil
en vertu des articles 37 et 115 respectivement. La
question que l'on veut poser à la Cour suprême est
celle de savoir si notre Cour a commis une erreur
en prenant une telle décision.
Je me rends bien compte que notre Cour a pour
pratique générale de refuser l'autorisation d'inter-
jeter appel, d'autant plus que le rejet d'une telle
demande, en tout état de cause, ne porte pas
préjudice au droit du requérant de demander l'au-
torisation à la Cour suprême elle-même. L'arrêt de
principe de notre Cour sur la question est Le
ministre du Revenu national c. Creative Shoes
Ltd., [1972] C.F. 1425 (C.A.), dans lequel la Cour
a décidé que l'autorisation ne doit être accordée
que dans les cas indiscutables et que, en règle
générale, il convient de laisser la Cour suprême
déterminer elle-même de quelles questions elle
aura à décider. Ce point de vue a encore plus de
force aujourd'hui qu'en 1972, et, depuis l'adoption
de la Charte canadienne des droits et libertés [qui
constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.)], la charge qui incombe à la Cour
suprême en tant que cour d'appel de dernière
instance pour le pays s'est encore accrue. Il n'en
demeure pas moins que l'article 31 de la Loi sur la
Cour fédérale impose à notre Cour le devoir de
décider, lorsqu'on lui en fait la demande, si une
question en est une qui «devrait être soumise à la
Cour suprême pour décision». La Cour ne peut
passer outre à cette obligation. Tant que le Parle-
ment n'aura pas jugé opportun de modifier la Loi,
les parties ont droit à notre opinion sur la question
de savoir si un problème revêt une importance
nationale telle qu'il doive être tranché par la Cour
de plus haute instance.
En l'espèce, certains pourraient penser que la
Cour suprême a déjà décidé de la question que l'on
cherche à lui soumettre (Ramawad c. Ministre de
la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [ 1978] 2
R.C.S. 375). Notre Cour a toutefois interprété très
strictement le jugement Ramawad dans les déci-
sions majoritaires qu'elle a rendues dans l'affaire
Louhisdon c. Emploi et Immigration Canada,
[1978] 2 C.F. 589 (C.A.) et dans l'affaire Oloko c.
Emploi et Immigration Canada, [1978] 2 C.F.
593 (C.A.). Il y a eu, dans chacune de ces causes,
une forte opinion dissidente. Plus récemment, dans
l'affaire Ministre de l'Emploi et de l'Immigration
c. Widmont, [1984] 2 C.F. 274; 56 N.R. 198
(C.A.), notre Cour, encore avec une forte dissi
dence, s'est sentie liée par les décisions qu'elle
avait déjà rendues dans les causes Louhisdon et
Oloko. N'est pas sans importance le fait que dans
l'affaire Widmont la Cour ait suspendu l'exécution
de son propre jugement jusqu'à la plus éloignée des
dates suivantes: l'expiration du délai alloué pour
demander l'autorisation d'interjeter appel devant
la Cour suprême; le rejet d'une telle demande
d'autorisation; ou, dans le cas où l'autorisation
serait accordée, le prononcé, par la Cour suprême,
du jugement sur le fond. De même, le banc de la
Cour qui a rendu le jugement dont on cherche à
interjeter appel devant la Cour suprême a dit
explicitement qu'il se sentait lié par la décision
rendue dans l'affaire Widmont. Cependant, il n'y a
apparemment eu dans l'affaire Widmont aucune
demande d'autorisation d'interjeter appel à la
Cour Suprême, et les délais normaux de présenta-
tion d'une telle demande sont maintenant expirés
depuis longtemps.
Dans les circonstances, malgré le fait que je sois
très réticent à ajouter encore une autre cause au
rôle déjà surchargé de la Cour suprême, je suis
d'opinion que la question soulevée en l'espèce est
une question qui devrait être soumise à ce tribunal
pour décision et que, puisqu'il en est ainsi, nous
avons le devoir d'accorder l'autorisation demandée.
LE JUGE MAHONEY: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE MACGUIGAN: Je souscris à ces motifs.
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