T-648-83
La Reine (demanderesse)
c.
Henry E. Hoffman (défendeur)
Division de première instance, juge Rouleau—
Toronto, 18 avril; Ottawa, 15 octobre 1985.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Revenu d'emploi
— Cotisations d'un employé au régime de sécurité sociale
américain — Le contribuable est citoyen américain; il réside
au Canada et il a été engagé par une filiale canadienne d'une
société américaine — Des sommes ont été retenues en vertu
d'un accord entre le gouvernement américain et la société mère
— Le contribuable a consenti à la procédure — La jurispru
dence n'étaie pas l'idée que le revenu doit se trouver réellement
en la possession de l'employé avant qu'on ne puisse l'imposer
— Il suffit que la somme soit versée pour l'avantage éventuel
de l'employé — Application des critères établis dans Murphy
(GA) c La Reine, [19801 CTC 386 (C.F. 1'° inst.) — Le silence
du défendeur vaut consentement bien qu'il n'ait pas été partie
au contrat — Il ressort de la jurisprudence que les cotisations
faites par un employeur à même la rémunération d'un employé
constituent un avantage imposable — Loi de l'impôt sur le
revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 5(1), 56(2) — Social
Security Act, 42 U.S.C. § 301 (1976).
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Cotisations d'un employé au régime de sécurité sociale améri-
cain — Le contribuable était à l'emploi d'une filiale cana-
dienne d'une société américaine — Les cotisations au régime
de sécurité sociale américain constituent une somme qui peut
être utilisée soit comme déduction, soit comme dégrèvement
pour impôt étranger, lequel dégrèvement doit être imputé au
revenu provenant d'une source située aux États-Unis — Les
cotisations à un régime de sécurité sociale étranger ne figurent
pas parmi les déductions énumérées à l'art. 8(1) — Les
cotisations, prévues à l'art. 8(1)m), à une caisse ou un régime
enregistré de pensions ne s'appliquent pas, puisque les verse-
ments à titre de sécurité sociale ne constituent pas des cotisa-
tions à une »caisse ou un régime enregistré de pensions» — Les
cotisations à un régime de sécurité étranger ne sont pas
déductibles en vertu de l'art. 8(1)1), qui permet de déduire les
cotisations au Régime de pensions du Canada ou à un régime
de pension provincial, puisqu'elles n'y sont pas expressément
incluses par le législateur — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C.
1970-71-72, chap. 63, art. 8(1)l),m),(2), 20(12) (mod. par S.C.
1977-78, chap. 32, art. 5), 126(7)c) (mod. par S.C. 1974-
75-76, chap. 26, art. 83; 1977-78, chap. 32, art. 33; 1980-81-
82-83, chap. 140, art. 88), 146(5) (mod. par S.C. 1976-77,
chap. 4, art. 56), (5.2) (mod., idem), 248(1) — Social Security
Act, 42 U.S.C. § 301 (1976).
Le défendeur est citoyen américain; il réside au Canada et il
a été engagé par une filiale canadienne d'une société améri-
caine. En vertu d'un accord avec le Service du revenu interne
des États-Unis, l'employeur a retenu les cotisations de l'em-
ployé à la sécurité sociale. Le défendeur n'a ni donné l'instruc-
tion de verser les sommes retenues ni consenti à ces versements,
mais il les a déduites de ses gains. Le Ministre a rejeté les
déductions. La Commission de révision de l'impôt a décidé que
les sommes retenues ne faisaient nullement partie du revenu du
défendeur. Au début, le défendeur n'était pas au courant de
l'accord entre son employeur et le gouvernement américain.
Peu de temps après son arrivée au Canada, il s'est renseigné
auprès du siège social sur les déductions à titre de cotisation à
la sécurité sociale aux États-Unis. Il a consenti à cette procé-
dure, puisque le prélèvement a continué pendant ses années de
travail au Canada. Le défendeur soutient que les déductions
n'étaient pas imposables comme revenu, parce qu'il ne les a
jamais reçues au sens du paragraphe 5(1) de la Loi de l'impôt
sur le revenu. Il soutient en outre que ses cotisations devraient,
en vertu de l'article 8, être déductibles à titre de cotisation à un
régime de pension approuvé.
Jugement: L'action de la demanderesse devrait être accueil-
lie, et la décision de la Commission de révision de l'impôt
annulée.
S'il est exact de dire que le revenu doit se trouver réellement
en la possession de l'employé avant qu'on ne puisse l'imposer,
les cotisations d'un employé aux régimes de pension fédéral et
provincial déduites à la source ne constituent pas alors un
revenu. La jurisprudence n'étaye pas cette idée. D'après la
Commission de révision de l'impôt, il est suffisant de dire que le
montant du salaire a été payé soit à l'employé ou à son
bénéfice, ou encore qu'il a été versé à une tierce personne en
vertu d'une loi fédérale ou provinciale. En l'espèce, les déduc-
tions finiraient par profiter au défendeur.
L'affaire Murphy (GA) c La Reine, [1980] CTC 386 (C.F.
1f 0 inst.), établit quatre critères qui doivent être remplis pour
qu'un contribuable soit assujetti à l'impôt sous le régime du
paragraphe 56(2). Voici les deux critères qui nous intéressent:
les versements sont-ils effectués suivant les instructions ou avec
l'accord du contribuable, et profitent-ils à celui-ci. Il ressort de
la politique ministérielle et de la jurisprudence que le silence
gardé par le défendeur au cours de plusiers années à l'égard de
l'engagement contractuel entre la société mère américaine et le
gouvernement américain valait consentement, bien que le
défendeur n'ait pas été partie au contrat. Selon un bulletin
d'interprétation, l'instruction et l'accord du contribuable peu-
vent être implicites. L'absence d'un lien de droit n'est pas le
seul critère qu'on peut évaluer pour déterminer s'il y a accord.
Est également pertinente la question de savoir si le comporte-
ment subséquent—l'absence de contestation—constitue une
acceptation tacite de l'engagement contractuel. Selon la juris
prudence, les contributions faites par un employeur à même la
rémunération d'un employé constituent un avantage imposable
de l'employé. La jurisprudence citée n'examine pas la question
de savoir si la cotisation d'un employé à un régime de pension
retenue par son employeur à même sa rémunération constitue
un avantage imposable entre les mains de l'employé.
Le défendeur soutient que les cotisations en question consti
tuent un revenu ne provenant pas d'une entreprise au sens de
l'alinéa 126(7)c), et que c'est à juste titre qu'elles ont été
déduites en vertu du paragraphe 20(12). Il découle de la
politique administrative et de la jurisprudence que les cotisa-
tions au régime de sécurité sociale américain constituent une
somme qui peut être utilisée soit comme déduction du revenu
soit comme dégrèvement pour impôt étranger, ou considérée
comme un revenu ne provenant pas d'une entreprise au sens de
l'alinéa 126(7)c) et du paragraphe 20(12). Toutefois, la déduc-
tion ou le dégrèvement d'impôt doit être imputé au revenu
provenant de sources situées aux Etats-Unis.
Le défendeur fait valoir que, en dépit du paragraphe 8(2), les
versements au régime de sécurité sociale américain constituent
une déduction permise au sens du paragraphe 8(1). La Loi de
l'impôt sur le revenu doit être strictement appliquée. Seules les
déductions explicitement prévues peuvent être accordées. Les
cotisations à un régime de sécurité sociale étranger ne figurant
pas parmi les déductions énumérées au paragraphe 8(1), elles
ne devraient donc pas être admises comme déduction à imputer
au revenu du défendeur.
En vertu de l'alinéa 8(1)m), un contribuable peut déduire les
sommes qu'il a versées à une caisse ou à un régime enregistré
de pensions, qui s'entend d'une caisse admise à l'enregistrement
par le Ministre. Le Ministre ne considère pas les sommes
versées par un employé au titre de la sécurité sociale comme
une dépense déductible au sens de l'alinéa 8(1)m). Les cotisa-
tions du défendeur à la sécurité sociale ne sont pas des cotisa-
tions à une «caisse ou un régime enregistré de pensions», et ne
sont pas déductibles au sens de l'alinéa 8(1)m).
En vertu du paragraphe 146(5), un contribuable peut déduire
de son revenu les primes qu'il a versées à un régime enregistré
d'épargne-retraite. Il est prévu au paragraphe 146(5.2) que
l'expression «caisse ou régime de pension» ne comprend pas le
Régime de pensions du Canada, un régime provincial ou tout
autre régime semblable d'un pays étranger. Il est allégué que,
puisque le paragraphe 146(5.2) assimile les régimes semblables
d'un pays étranger au Régime de pensions du Canada ou à un
régime provincial de pensions, les cotisations versées à ce
régime étant déductibles en vertu de l'alinéa 8(1)1), il s'ensuit
que les cotisations versées à un régime de sécurité sociale
étranger sont, de la même façon, déductibles sous le régime de
l'alinéa 8(1)1). Si le législateur avait voulu inclure, à titre de
déduction du revenu tiré d'un emploi, les cotisations à un
«régime semblable d'un pays étranger», il l'aurait fait. Le fait
que le législateur a expressément choisi d'inclure ce membre de
phrase en ce qui concerne une disposition portant sur la déter-
mination des limites maximales permises de la possibilité de
déduire les cotisations sous forme de primes, et qu'il ne l'a pas
expressément fait pour ce qui est de l'alinéa 8(1)1), révèle que
les cotisations versées sous le régime de la sécurité sociale ne
sont pas des déductions permises au sens de l'alinéa 8(1)1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Lucien Gingras c. M.R.N., décision en date du 26 mars
1973, Commission de révision de l'impôt, non publiée;
Murphy (GA) c La Reine, [1980] CTC 386 (C.F. l' »
inst.); Hartland v. Diggines, [1926] A.C. 289 (H.L.);
Minister of National Revenue v. Bronfman, Allan,
[1966] R.C.E. 172; [1965] C.T.C. 378; Fluet (J-P) v
MNR, [1982] CTC 2319 (C.R.I.); Ledwidge v. M.N.R.
(1971), 71 DTC 188 (C.A.I.); Stelfox (MJ) c MRN,
[1985] 1 CTC 2065 (C.C.I.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Cliffe, R.R. v. M.N.R. (1957), 57 DTC 305 (C.A.I.);
Minister of National Revenue v. Rousseau, Claude,
[1961] R.C.E. 45; [1960] C.T.C. 336; La Reine c.
Chrapko, G.R. (1984), 84 DTC 6544 (C.F. l'» inst.);
Pazuk v. M.N.R. (1955), 13 Tax A.B.C. 264; Norris,
H.B. v. M.N.R. (1957), 17 Tax A.B.C. 257.
DÉCISION EXAMINÉE:
Seley v. M.N.R. (1962), 62 DTC 565 (C.A.I.).
DÉCISIONS CITÉES:
Bruce v. Hatton (1921), 38 T.L.R. 323 (K.B.); Morin,
J.-P. c. La Reine (1974), 75 DTC 5061 (C.F. 1" inst.);
Salter v. Minister of National Revenue, [1947] C.T.C.
29 (C. de 1'É.).
AVOCATS:
H. Erlichman pour la demanderesse.
William I. Innes et Kevin C. Wark pour le
défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Stikeman, Elliott, Toronto, pour le défen-
deur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: La demanderesse intente la
présente action contre le défendeur par voie de
procès de novo. La Commission de révision de
l'impôt a annulé les nouvelles cotisations du Minis-
tre concernant le défendeur pour les années d'im-
position 1978 et 1979. Le litige porte sur les
montants déduits à la source du salaire du défen-
deur et versés au régime de sécurité sociale
américain.
Le défendeur est citoyen américain et réside au
Canada. Ayant d'abord été engagé par Firestone
Tire and Rubber Company, il a travaillé aux
États-Unis jusqu'au 1 ° " août 1967, date à laquelle
Firestone l'a transféré à une de ses filiales cana-
diennes, Firestone Textiles Company.
En mars 1955, avant l'engagement du défen-
deur, Firestone Tire and Rubber Company avait
conclu avec le Service du revenu interne des Etats-
Unis un accord prévoyant des contributions obliga-
toires de la part de tous les employés de la société
sous le régime de la Social Security Act [42
U.S.C. § 301 (1976)]. Cet accord s'appliquait
également aux employés qui, tout en demeurant
citoyens américains et non résidents, travaillaient
dans des filiales étrangères. En vertu de cet accord,
la société a, au cours des années d'imposition 1978
et 1979, retenu les sommes de 1 209,63 $ et de
1 645,10 $ du salaire du contribuable et les a
envoyées au gouvernement américain. Certes, le
contribuable n'a ni donné l'instruction de verser les
sommes retenues ni consenti à ces versements;
mais il les a déduites de ses gains pour les années
1978 et 1979.
Par avis de nouvelle cotisation en date de mars
1984, la demanderesse a établi une nouvelle cotisa-
tion pour les années d'imposition 1978 et 1979 du
défendeur, rejetant les déductions des sommes
retenues. En 1982, la Commission de révision de
l'impôt a accueilli l'appel formé par le défendeur
et a jugé que les sommes retenues ne faisaient
nullement partie du revenu qu'il avait tiré de son
emploi pendant les années d'imposition 1978 et
1979.
Il ressort de la preuve que, au début, le défen-
deur n'était pas au courant de l'accord entre son
employeur et le gouvernement américain. Peu de
temps après son arrivée au Canada en 1967, il s'est
renseigné auprès du siège social sur la déduction
des sommes à titre de cotisation à la sécurité
sociale aux États-Unis. Il a indubitablement con-
senti à cette procédure, puisque le prélèvement a
continué pendant ses années de travail au Canada.
Le siège social de Firestone a, le 7 septembre 1982,
envoyé à M. Hoffman une lettre confirmant que
cet accord avait été signé en 1955, et que, en tant
que citoyen américain travaillant pour une filiale
étrangère d'un employeur américain, il était visé
par l'accord et n'avait d'autre choix que de verser
ses contributions.
Le défendeur soutient qu'il n'est pas imposable à
l'égard des sommes retenues, au titre de revenu,
pour les années en question, parce qu'il ne les a
jamais reçues. Il fait valoir que tel est le sens du
paragraphe 5(1) de la Loi [Loi de l'impôt sur le
revenu, S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par S.C.
1970-71-72, chap. 63, art. 1)], que le revenu doit
être reçu avant qu'on ne puisse l'imposer, que les
sommes ont été retenues sans ses instructions ni
son consentement, que l'article 8 de la Loi de
l'impôt sur le revenu prévoit les sommes qu'un
contribuable peut déduire avant de calculer son
revenu net et que sa cotisation doit être considérée
comme appartenant à la même catégorie qu'un
régime de pension approuvé.
Il convient de souligner que c'est Firestone
Canada Inc., une société canadienne, qui payait le
défendeur, et que l'argent déduit était alors envoyé
aux États-Unis pour être versé à la sécurité
sociale.
Le litige:
A) Les cotisations déduites par l'employeur du
défendeur en vertu d'un accord entre la société
mère de l'employeur du défendeur et le gouverne-
ment américain constituent-elles un revenu reçu au
sens du paragraphe 5(1) de la Loi de l'impôt sur le
revenu?
B) Ces sommes, si elles constituent un revenu reçu
par le défendeur, ont-elles, dans le calcul du
revenu du contribuable pour une année d'imposi-
tion, le caractère d'une dépense déductible au sens
des paragraphes 8(1) et 8(2) de la Loi de l'impôt
sur le revenu?
Question A
Réception d'un revenu au sens du paragraphe 5(1)
de la Loi de l'impôt sur le revenu
Le défendeur s'appuie sur les décisions Cliffe,
R.R. v. M.N.R. (1957), 57 DTC 305 (C.A.I.);
Minister of National Revenue v. Rousseau,
Claude, [1961] R.C.É. 45; [1960] C.T.C. 336 et
La Reine c. Chrapko, G.R. (1984), 84 DTC 6544
(C.F. ire inst.), pour soutenir que l'argent qui n'est
pas réellement «reçu» ne constitue pas un revenu
«reçu» au sens du paragraphe 5(1) de la Loi de
l'impôt sur le revenu (L.I.R.).
Dans les affaires Cliffe et Rousseau susmen-
tionnées, la question à trancher était non pas de
savoir si certaines sommes précises devaient se
trouver réellement en la possession du contribuable
pour pouvoir être considérées comme un revenu
«reçu», mais de savoir si le mot «reçu» au sens du
paragraphe 5(1) de la L.I.R. comprend les mots
«reçu» et «recevable».
Dans l'affaire Chrapko susmentionnée, il fallait,
pour trancher la question de savoir si le salaire
hebdomadaire reçu par un caissier de pari mutuel
constituait un revenu entre les mains du contribua-
ble, déterminer dans quelle mesure celui-ci s'était
conformé à une condition suspensive établie par
contrat: le contrat d'engagement prévoyait que les
paiements en trop sur les billets gagnants devaient
être déduits du salaire hebdomadaire de l'employé.
Il existait une condition exécutoire; les déficits
hebdomadaires du caissier devaient être déduits de
son salaire hebdomadaire. Il fallait déterminer si
l'argent reçu par le caissier, avant la déduction du
déficit, constituait son revenu hebdomadaire. La
Commission de révision de l'impôt et la Cour
fédérale ont expressément refusé d'appliquer le
paragraphe 56(2) de la L.I.R. et ont jugé que les
déficits de caisse déduits du salaire du caissier ne
lui appartenaient même pas.
En l'espèce, le défendeur ne conteste pas la
propriété des sommes versées au gouvernement
américain au cours des années d'imposition 1978
et 1979. Il ne peut pas non plus soutenir qu'il ne
finira pas par en tirer profit. Il prétend qu'il n'a
pas reçu les sommes défalquées de son salaire.
S'il est exact de dire que le revenu doit se
trouver réellement en la possession de l'employé
avant qu'on ne puisse l'imposer, je devrais alors
conclure que les cotisations d'un employé aux régi-
mes de pension fédéral et provincial déduites à la
source par l'employeur ne constituent pas un
revenu entre les mains de l'employé. Or, la juris
prudence n'étaie pas cette idée.
Dans l'affaire Lucien Gingras c. M.R.N. [déci-
sion non publiée en date du 26 mars 1973], la
Commission de révision de l'impôt a fait cette
remarque (aux pages 4 et 5):
L'expression «touché» ne veut pas nécessairement dire que
tout le montant du salaire doit physiquement être reçu par le
salarié ou être intégralement remis dans son compte de banque.
D'après l'interprétation de l'article 5 il est suffisant de dire
que le montant du salaire fut payé par l'employeur, soit à
l'employé lui-même ou à son bénéfice ou encore qu'il soit remis
à une tierce personne en vertu d'une loi fédérale ou provinciale.
Le fait que l'employeur du défendeur a déduit à
la source les cotisations de l'employé à la sécurité
sociale au cours des années d'imposition 1978 et
1979 ne permet pas de dire qu'il a reçu un revenu
exempt des sommes retenues. Les sommes déduites
et envoyées finiraient par lui profiter.
Réception par déduction sous le régime du para-
graphe 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu
Dans l'affaire Murphy (GA) c La Reine, [ 1980]
CTC 386 (C.F. lfe inst.), le juge Cattanach a
énuméré (aux pages 389 et 390) quatre conditions
essentielles pour qu'un contribuable soit assujetti à
l'impôt sous le régime du paragraphe 56(2):
1) il doit y avoir un paiement ou transfert de biens à une
personne autre que le contribuable;
2) ce paiement ou transfert doit être effectué suivant les
instructions ou avec l'accord du contribuable;
3) ce paiement ou transfert doit être effectué au profit du
contribuable ou de toute autre personne que le contribuable
désire avantager;
4) ce paiement ou transfert aurait été inclus dans le calcul du
revenu du contribuable si ce dernier, au lieu de l'autre per-
sonne, l'avait reçu.
Il s'agit de savoir si les conditions 2) et 3)
s'appliquent au défendeur.
Transfert effectué sans instructions ni accord
Le défendeur soutient qu'il n'a ni consenti à ce
que le paiement des sommes retenues soit transféré
au gouvernement américain ni donné d'instruc-
tions à cet égard. Selon lui, l'obligation de verser
les sommes retenues reposait sur un contrat auquel
il n'a pas été partie. Il s'est toutefois abstenu
pendant plusieurs années de contester l'engage-
ment contractuel.
Il ressort de la politique ministérielle et de la
jurisprudence que le silence gardé par le défendeur
au cours de plusieurs années à l'égard de l'engage-
ment contractuel entre Firestone Tire and Rubber
Co. et le gouvernement américain valait consente-
ment au transfert des sommes retenues, bien que le
défendeur n'ait pas été partie au contrat.
Selon le Bulletin d'interprétation n° IT-335,
l'instruction ou l'accord du contribuable peuvent
être implicites. Dans l'affaire Hartland v. Diggi-
nes, [1926] A.C. 289 (HI.), il a été décidé que,
malgré le fait qu'il n'y avait eu entre l'employé et
son employeur aucun accord verbal ou écrit en
vertu duquel l'employeur payait l'impôt sur le
revenu sur le salaire de l'employé, le paiement
constituait un revenu reçu entre les mains de l'em-
ployé. Le vicomte Cave a dit (à la page 291):
[TRADUCTION] Mais il est allégué—et c'est là l'argument
principal invoqué par l'avocat de l'appelant—que la somme
n'est pas une rémunération parce qu'elle n'a pas été versée à
l'appelant ni payée à sa demande, bien que, en fait, elle ait été
régulièrement versée au cours de plusieurs années. Je ne sous-
cris pas à cet argument. Il y a eu cette continuité de paiement
dont l'affaire Blakiston v. Cooper a fait mention, et le paiement
visait pratiquement et effectivement à alléger d'année en année
l'assujettissement à l'impôt de l'appelant.
Dans l'affaire Minister of National Revenue v.
Bronfman, Allan, [1966] R.C.É. 172; [1965]
C.T.C. 378, les administrateurs d'une société ont
donné des cadeaux d'une valeur de 97 000 $ à des
parents et à d'anciens employés et ce, sans l'autori-
sation des actionnaires. Il a été jugé que ces
cadeaux constituaient, en vertu du paragraphe
16(1) [56(2)] de la L.I.R. (S.R.C. 1952, chap.
148), un revenu entre les mains des administra-
teurs. Toutefois, les actionnaires de la société
devaient tous être assujettis à l'impôt prévu au
paragraphe 16(1) en proportion du nombre de
leurs actions. En ne s'opposant pas aux cadeaux de
la société au moment de l'assemblée des actionnai-
res, ceux-ci ont approuvé la générosité des admi-
nistrateurs. Le juge Dumoulin s'est livré à cette
analyse (à la page 179 R.C.É.; 385 C.T.C.):
[TRADUCTION] Puisque les actionnaires avaient le droit de
vote, ils auraient pu, l'eussent-ils voulu, s'opposer à la généro-
sité de leurs administrateurs et la repousser au cours de la
réunion annuelle ou autres réunions convoquées à cet effet. Et
naturellement, ils auraient pu agir de façon radicale, destituer
tout le conseil d'administration et le remplacer par des adminis-
trateurs moins prodigues. Par leur abstention ou leur indiffé-
rence continue, ils ont approuvé implicitement le programme de
largesse de leurs administrateurs et ils auraient dû partager
avec eux, selon le nombre de leurs actions, le fardeau des
impôts que décrète l'article 16(1). [C'est moi qui souligne.]
Ainsi donc, la simple absence d'un lien de droit
n'est pas le seul critère qu'on peut évaluer pour
déterminer s'il y a accord. Est également perti-
nente la question de savoir si le comportement
subséquent—l'absence de contestation—constitue
une acceptation tacite de l'engagement contrac-
tuel.
Les sommes retenues constituent-elles des avanta-
ges imposables lorsque leur versement a été effec-
tué sans l'accord du contribuable?
Le défendeur s'appuie sur les affaires Pazuk v.
M.N.R. (1955), 13 Tax A.B.C. 264, et Norris,
H.B. v. M.N.R. (1957), 17 Tax A.B.C. 257, pour
prétendre que ses cotisations à la sécurité sociale
ne constituent pas un avantage imposable.
En fait, ces décisions portaient sur la question de
savoir si la contribution d'un employeur à un
régime de pension ou de retraite constituait un
avantage imposable entre les mains du contribua-
ble. On n'y a pas examiné la question présente-
ment en litige qui est de savoir si la cotisation d'un
employé à un régime de pension retenue par son
employeur à même sa rémunération constitue un
avantage imposable entre les mains de l'employé.
Selon la jurisprudence, les contributions faites
par un employeur à même la rémunération d'un
employé constituent un avantage imposable de
l'employé (Bruce v. Hatton (1921), 38 T.L.R. 323
(K.B.); Morin, J.-P. c. La Reine (1974), 75 DTC
5061 (C.F. lie inst.); Salter v. Minister of Natio
nal Revenue, [1947] C.T.C. 29 (C. de l'E.)).
Question B
Article 8: déductibilité des sommes versées au
gouvernement américain au titre de la sécurité
sociale (E.-U.)
1) Impôt sur le revenu ne provenant pas d'une
entreprise
Le défendeur soutient que les sommes de
1 209,63 $ et de 1 645,10 $ pour les années d'impo-
sition 1978 et 1979 respectivement, versées au
gouvernement américain à titre de cotisations à la
sécurité sociale, constituent un revenu ne prove-
nant pas d'une entreprise au sens de l'alinéa
126(7)c) [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art.
83; 1977-78, chap. 32, art. 33] de la L.I.R., et que
c'est à juste titre qu'elles ont été déduites en vertu
du paragraphe 20(12) [mod. par S.C. 1977-78,
chap. 32, art. 5] de la L.I.R.
Il découle de la politique administrative ministé-
rielle et de la jurisprudence que les cotisations au
régime de la sécurité sociale américain constituent
une somme qui peut être utilisée soit comme
déduction du revenu soit comme dégrèvement pour
impôt étranger, ou considérée comme un revenu ne
provenant pas d'une entreprise au sens de l'alinéa
126(7)c) et du paragraphe 20(12) de la L.I.R.
Toutefois, la déduction d'impôt sur le revenu ou le
dégrèvement d'impôt doit être imputé au revenu
provenant de sources situées aux États-Unis.
D'après le Bulletin d'interprétation n° IT-122R,
Ordinairement, un citoyen des États-Unis qui n'est ni un
résident des États-Unis, ni un employé d'un résident des États-
Unis, n'a ni l'obligation, ni la faculté de payer l'impôt aux
termes de la «Social Security Act». Fait exception à la règle,
toutefois, une corporation résidant aux États-Unis qui choisit
d'acquitter l'impôt total pour le compte de citoyens américains
qui résident au Canada et qui sont employés par une filiale
canadienne de la corporation américaine. Lorsqu'une partie de
cet impôt est retenue du salaire d'un tel employé par la filiale
canadienne, le montant ainsi retenu doit être considéré comme
un impôt sur le revenu versé aux États-Unis, impôt au titre
duquel un dégrèvement pour impôt étranger peut être accordé
si l'employé touche au cours de l'année quelque revenu de
sources situées aux États-Unis.
Le Bulletin d'interprétation n° IT-122R reflète
la décision rendue dans Seley v. M.N.R. (1962),
62 DTC 565 (C.A.I.), où il a été jugé que les
cotisations d'un contribuable constituaient effecti-
vement un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices
perçus aux E.-U. et faisaient donc partie inté-
grante du dégrèvement pour impôt étranger, lequel
dégrèvement pouvait être imputé au revenu tiré
par le contribuable d'une source étrangère.
L'alinéa 126(7)c) a été modifié par S.C.
1980-81-82-83, chap. 140, art. 88 avec l'ajout du
sous-alinéa 126(7)c)(iv). Avec ce sous-alinéa, le
législateur a expressément exclu de la définition de
revenu ne provenant pas d'une entreprise tout
revenu payable à un pays étranger uniquement
parce que: a) le contribuable était citoyen de ce
pays et b) ces impôts pouvaient raisonnablement
être attribuables au revenu tiré d'une source située
au Canada.
On a soutenu que l'exclusion énoncée au sous-
alinéa 126(7)c)(iv) n'était pas prévue à l'alinéa,
126(7)c) au cours des années d'imposition 1978 et
1979 et que l'absence du sous-alinéa pertinent
permet au défendeur d'imputer ses cotisations à
titre de revenu ne provenant pas d'une entreprise à
son revenu d'emploi gagné au Canada. A défaut,
on me prie de conclure que, en dépit du paragra-
phe 8(2) de la L.I.R., les versements au régime de
sécurité sociale américain constituent une déduc-
tion permise au sens du paragraphe 8(1) de la
L.I.R.
Je ne suis pas d'accord. Dans Fluet, (J-P) v
MNR, [ 1982] CTC 2319, la Commission de révi-
sion de l'impôt a commenté l'application d'une
interprétation libérale aux exemptions d'impôt
énumérées aux paragraphes 8(1) et 8(2) de la
L.I.R. Voici ce qu'elle a dit à la page 2323 de la
décision:
Le revenu gagné est donc taxable, que l'amende soit payée
directement par l'employé ou qu'elle soit déduite à même le
salaire. L'amende cependant peut-elle être admise en
déduction?
4.03.3 Considérant que toutes les déductions permises à l'en-
contre d'un revenu de charge ou d'emploi sont prévues à
l'article 8 de la Loi et que le paiement d'une amende à son
employeur n'y est pas prévu, la déduction ne peut être permise.
La Commission de révision de l'impôt, comme tout tribunal
en ce pays, doit interpréter la Loi de l'impôt sur le revenu d'une
façon stricte, étant donné que cette Loi est de droit public.
L'interprétation stricte oblige le tribunal à n'accorder comme
déduction que celle explicitement prévue et en donnant aux
mots utilisés par le législateur le sens du dictionnaire à moins
que les mots soient définis dans la Loi.
Dans le présent cas aucune disposition de la Loi ni générale,
ni particulière ne permet à la Commission d'accorder la déduc-
tion réclamée. Malheureusement pour l'appelant l'appel doit
être rejeté. [C'est moi qui souligne.]
Les cotisations à un régime de sécurité sociale
étranger ne figurant pas parmi les déductions énu-
mérées au paragraphe 8(1) de la L.I.R., elles ne
peuvent être admises comme déduction à imputer
au revenu du défendeur.
2) Exemptions énumérées à l'article 8
i) Alinéa 8(1)m): Cotisation à un régime enregis-
tré de pensions
En calculant, pour une année d'imposition, son
revenu tiré d'une charge ou d'un emploi, le contri-
buable peut déduire les sommes qu'il a versées à
une caisse ou à un régime enregistré de pensions.
Le paragraphe 248(1) de la L.I.R. définit une
caisse ou un régime enregistré de pensions comme
étant une caisse «(pour employés) admis à l'enre-
gistrement par le Ministre, aux fins de la présente
loi, en ce qui concerne la constitution et l'activité
de cette caisse ou régime, pour l'année d'imposi-
tion considérée».
La circulaire d'information n° 72-13R7 traite
des règles administratives relatives aux régimes de
pensions des employés, notamment de l'enregistre-
ment. Il y est indiqué que le ministre du Revenu
national ne considère pas les sommes versées par
un employé au titre de la sécurité sociale comme
une dépense déductible au sens de l'alinéa 8(1)m).
Dans Ledwidge v. M.N.R. (1971), 71 DTC 188,
la Commission d'appel de l'impôt a jugé que les
cotisations versées à un régime de pensions du
gouvernement français par une ex-citoyenne fran-
çaise qui réside maintenant au Canada ne consti-
tuaient pas une cotisation déductible, parce qu'il
ne s'agissait pas d'une cotisation à une «caisse ou
un régime enregistré de pensions» au sens de la
L.I.R.
Les cotisations du défendeur au régime de la
sécurité sociale ne constituent donc pas des
sommes déductibles au sens de l'alinéa 8(1)m).
ii) Alinéa 8(1)1)
En vertu du paragraphe 146(5) [mod. par S.C.
1976-77, chap. 4, art. 56] de la L.I.R., un contri-
buable peut déduire de son revenu les primes qu'il
a versées à un régime enregistré d'épargne-retraite.
Toutefois, le montant déductible est limité notam-
ment par la cotisation du contribuable à une autre
caisse ou à un autre régime de pensions. Il est
prévu au paragraphe 146(5.2) [mod., idem] de la
L.I.R. que l'expression «caisse ou régime de pen
sion» ne comprend pas le Régime de pensions du
Canada, un régime provincial ou tout régime sem-
blable d'un pays étranger.
Dans Stelfox (MJ) c MRN, [1985] 1 CTC
2065, la contribuable a fait valoir que puisque le
paragraphe 146(5.2) assimile [TRADUCTION] «les
régimes semblables d'un pays étranger» au Régime
de pensions du Canada ou à un régime provincial
de pensions, les cotisations versées à ce régime
étant déductibles en vertu de l'alinéa 8(1)1) de la
L.I.R., il s'ensuit que les cotisations versées par la
contribuable au ministère britannique de la Santé
et de la sécurité sociale sont, de la même façon,
déductibles sous le régime de l'alinéa 8(1)l) de la
L.I.R. La Cour canadienne de l'impôt a rejeté cet
argument, soulignant (à la page 2067) que:
Il est clair qu'aucune disposition de la Loi ne prévoit la
possibilité de déduire la somme en question ... [Souligné dans
l'original.]
Si le législateur avait voulu inclure, à titre de
déduction du revenu tiré d'un emploi, les cotisa-
tions à un «régime semblable d'un pays étranger»,
il l'aurait fait. Le fait que le législateur a expressé-
ment choisi d'inclure ce membre de phrase en ce
qui concerne une disposition portant sur la déter-
mination des limites maximales permises de la
possibilité de déduire les cotisations sous forme de
primes, et qu'il ne l'a pas expressément fait pour ce
qui est de l'alinéa 8(1)1), révèle que les cotisations
versées sous le régime de la sécurité sociale ne sont
pas des déductions permises au sens dudit alinéa.
L'action de la demanderesse est donc accueillie,
et la décision rendue par la Commission de révi-
sion de l'impôt le 8 novembre 1982 est réformée.
La nouvelle cotisation établie par le ministre du
Revenu national â l'égard des années d'imposition
1978 et 1979 du défendeur est donc rétablie.
La demanderesse a droit aux dépens.
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