A-1835-83
Aeric, Inc. (requérante)
c.
Président du conseil d'administration, Société
canadienne des postes (intimé)
Cour d'appel, juges Urie, Mahoney et Ryan—
Ottawa, 11 et 29 octobre 1984; 11 janvier 1985.
Compétence — Cour fédérale — Division d'appel —
Demande d'examen et d'annulation de la décision qui a rejeté
l'appel formé contre le refus d'enregistrer une publication du
Conference Board comme objet de la deuxième classe — Le
président prétend que la Cour n'a pas compétence parce qu'il
n'est pas une «personne» au sens de la définition que donne
l'art. 2 de la Loi sur la Cour fédérale de «office, commission
ou autre tribunal», son pouvoir étant commercial et ne consti-
tuant ni une «compétence» ni un «pouvoir» — Il a subsidiaire-
ment été allégué que la décision n'était pas soumise à un
processus judiciaire ou quasi judiciaire — La décision du
conseil n'a pas été rendue en vertu d'un pouvoir général de
gestion, mais en vertu du pouvoir, qu'il tient du règlement
approuvé par le gouverneur en conseil conformément à la Loi
sur la Société canadienne des postes, de connaître d'un «appel»
et de le trancher — Le président est une «personne» au sens de
la définition de l'art. 2 — La décision du président est
essentiellement de caractère judiciaire compte tenu de l'emploi
du mot «appel,, du droit de l'appelant de faire des observa
tions et du fait que le président doit appliquer les dispositions
de l'art. 3.1 du Règlement aux documents qui lui sont envoyés
— Appel tranché suivant un processus quasi judiciaire — Bien
qu'il n'y ait pas eu, à strictement parler, de partie «adverse»,
la question en litige avait un caractère suffisamment «contra-
dictoire» pour que le président agisse d'une façon quasi judi-
ciaire — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.),
chap. 10, art. 2g), 28 — Loi sur la Société canadienne des
postes, S.C. 1980-81-82-83, chap. 54, art. 5(1)a),(2)b),e), 6(2),
7(1), 8(1), 13(1),(3), 17(1)c),d),e),(2), 20, 22(1), 28, 29, 33 —
Règlement sur les objets de la deuxième classe, C.R.C., chap.
1294, art. 4(2),(4) (mod. par DORS/78-149, art. 2; DORS/
82-33, art. 3), 6 (mod. par DORS/78-149, art. 4; DORS/81-
848, art. 3).
Contrôle judiciaire — Demande d'examen — Service postal
— Se fondant sur l'art. 3.1h) du Règlement, le président des
postes canadiennes a rejeté l'appel formé contre le refus d'en-
registrer une publication comme objet de la deuxième classe
— L'art. 3.1h) interdit l'enregistrement d'un périodique qui,
sans cela, aurait été enregistrable, dans les cas où l'activité
principale est autre que l'édition et où il est publié accessoire-
ment à l'activité principale ou en vue du progrès de cette
activité — Le président a rejeté l'argument selon lequel le
Conference Board ne fait pas d'affaires, a conclu que l'édition
n'était pas la principale activité de celui-ci et que l'édition à
laquelle il se livre est accessoire à son activité principale
consistant à faire des recherches et à en communiquer les
résultats — Les conclusions du président sont des conclusions
de fait qu'il n'y a pas lieu de modifier en l'absence d'une erreur
de droit — Selon la requérante, le président a commis une
erreur parce que si l'expression «activité principale» lui est
applicable, l'édition fait partie intégrante de l'activité du Con
ference Board, et il ne s'agit pas d'une activité distincte — La
question de savoir si l'édition fait partie intégrante de l'entre-
prise de la requérante ou est une activité distincte n'est pas
pertinente aux fins de définir l'expression «activité principale»
qui figure à l'art. 3.1h) — Le fait de ne pas examiner et
comparer expressément toutes les activités du Conference
Board ne conduit pas à la présomption que le président ne l'a
pas fait — Le dossier étaie les conclusions du président —
Demande rejetée — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2'
Supp.), chap. 10, art. 28.
Lois — Interprétation — Règlement sur les objets de la
deuxième classe — L'art. 3.1h) du Règlement ne permet pas
d'enregistrer à titre d'objet de la deuxième classe un périodi-
que qui, sans cela, aurait été enregistrable, dans les cas où
l'activité principale de l'éditeur est autre que l'édition, et où il
est publié accessoirement à l'activité principale ou en vue du
progrès de cette activité — Le sens du mot «affaire„ doit être
déterminé selon le contexte et en tenant compte du but de la loi
— Le mot «activité» (business) a un sens plus large qu'une
activité (activity) qui vise principalement à faire des profits —
Un périodique est enregistrable s'il n'est pas publié accessoire-
ment à l'activité principale ou en vue du progrès de cette
activité — L'emploi du mot «activité» a pour effet d'éliminer,
lorsqu'il s'agit de déterminer l'activité principale, toute activité
qui n'est pas considérée comme une activité commerciale au
sens large, dans le sens courant, c.-à-d. des activités de
divertissement — Les activités du Conference Board, notam-
ment la recherche, la communication et les autres services,
exercées par un personnel à plein temps et ce, quotidiennement,
constituent une occupation exigeant une attention continue —
Le président a eu raison de conclure que les activités du
Conference Board constituent une entreprise — Règlement sur
les objets de la deuxième classe, C.R.C., chap. 1294, art. 3.1
(mod. par DORS/82-33, art. 2; DORS/83-56, art. 2) — Loi
modifiant la Loi des Postes, S.C. 1931, chap. 45, art. I —
L'Acte du Bureau des Postes, 1867, S.C. 1867, chap. 10, art.
22, 23, 24, 25 — L'Acte du Bureau des Postes, 1875, S.C.
1875, chap. 7, art. 22, 23, 24 — Loi sur les postes, S.C. 1951,
chap. 57, art. 6t) (mod. par S.C. 1968-69, chap. 5, art. 2), 11
(mod. idem, art. 4), 12 (mod. idem, art. 4) — Loi sur les
postes, S.R.C. 1952, chap. 212, art. 11 — Loi de l'impôt sur le
revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63 (mod. par S.C. 1976-77,
chap. 4, art. 60).
Demande d'examen et d'annulation de la décision par
laquelle le président du conseil d'administration de la Société
canadienne des postes a rejeté un appel formé contre le refus
d'enregistrer comme objet de la deuxième classe un périodique
publié par le Conference Board du Canada. Le Conference
Board est un organisme sans but lucratif qui vise des buts
charitables, scientifiques et éducatifs. Le président a rejeté
l'appel parce que, en vertu de l'alinéa 3.1h) du Règlement,
l'enregistrement est interdit du fait que l'activité principale du
Conference Board n'est pas l'édition et qu'il s'agit d'une publi
cation accessoire à l'activité principale du Conference Board ou
ayant pour but le progrès de cette activité. Le Conference
Board fait valoir que le président a commis une erreur de droit
en mal interprétant l'alinéa 3.1h) du Règlement. Il prétend
également que puisqu'il n'exploite aucune entreprise, l'alinéa
3.1h) ne s'applique pas. Le président soutient que la Cour n'a
pas compétence parce que, en statuant sur l'appel, il n'est pas
«une personne» selon la définition que donne la Loi sur la Cour
fédérale de «office, commission ou autre tribunal». Le pouvoir
que le président a exercé pour rejeter l'appel du Conference
Board était de nature strictement commerciale et ne constituait
donc ni une «compétence» ni un «pouvoir» selon la définition.
Subsidiairement, la décision du président n'était pas légalement
soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire.
Arrêt: la demande doit être rejetée.
L'intimé soutient que la définition de «office, commission ou
autre tribunal» ne vise pas une compétence et des pouvoirs de
nature commerciale conférés par une loi fédérale à une société
telle que la Société canadienne des postes. En vertu de la Loi
sur la Société canadienne des postes, la Société doit exploiter
un service postal, veiller à l'autofinancement de son exploitation
et mettre en œuvre, pour ce qui la concerne et selon les
modalités approuvées par le gouverneur en conseil, d'un pro
gramme de symbolisation fédérale. La Société canadienne des
postes est assujettie à la surveillance du gouverneur en conseil,
du Ministre et du président du conseil du Trésor. Certes, la
Société canadienne des postes est, aux termes de DORS/81-
804, «responsable de la conduite d'opérations de services sur
une base quasi commerciale», mais elle diffère d'une société
commerciale ordinaire. Les rôles joués par le gouverneur en
conseil et le Ministre à l'égard de la Société font qu'elle revêt
un caractère public important.
L'affaire Wilcox c. Société Radio-Canada, [1980] 1 C.F.
326 (P» inst.), où il a été jugé que Radio-Canada n'est pas un
«office, une commission ou autre tribunal fédéral», se distingue
de l'espèce. Dans cette affaire-là, le litige portait sur le pouvoir
d'engager des employés. La décision contestée en l'espèce a été
rendue en vertu d'un pouvoir conféré par un règlement
approuvé par le gouverneur en conseil, et non simplement dans
l'exercice d'un pouvoir général de gestion.
Le pouvoir de connaître d'un appel et de le trancher est
quelque chose de très différent d'un simple système de règle-
ment des plaintes ainsi que l'a allégué l'intimé. En connaissant
d'un appel et en le tranchant, le président est une «personne» au
sens de la définition donnée à l'article 2.
La décision n'est pas simplement une décision commerciale,
mais elle est, à tout le moins, de nature administrative. En vertu
du Règlement, un agent des Postes qui rejette une demande
d'enregistrement doit donner les motifs de son refus. Un requé-
rant qui n'est pas d'accord peut faire «appel» devant le prési-
dent. L'appelant a le droit de faire des observations. Le droit de
faire des observations et l'emploi du mot «appel» sont impor-
tants. Un appelant qui a gain de cause aurait le droit d'être
remboursé de l'excédent d'affranchissement qu'il a payé. La
décision du président doit être rendue en appliquant les disposi
tions de l'article 3.1 du Règlement aux renseignements et aux
documents envoyés au président en vertu du paragraphe 6(3).
La décision à rendre est donc essentiellement de caractère
judiciaire. Le Règlement entraîne la conclusion qu'un appel
doit être tranché en suivant, tout au moins, un processus quasi
judiciaire. L'intimé a fait valoir que le troisième critère
«S'agit-il d'une procédure contradictoire?» formulé dans Minis-
tre du Revenu national c. Coopers and Lybrand, [1979] 1
R.C.S. 495, n'avait pas été rempli. L'argument selon lequel il
n'existe pas de partie dont les intérêts sont contraires à ceux de
l'appelant donne au terme «contradictoire» un sens trop res-
treint. L'agent qui a pris la décision initiale peut, à strictement
parler, ne pas être une partie «adverse». Toutefois, la question
présentée en appel avait un caractère suffisamment «contradic-
toire» pour que le président doive agir d'une façon quasi
judiciaire.
Le président a rejeté l'argument selon lequel le Conference
Board ne fait pas d'affaires et a conclu que le mot «activité» à
l'alinéa 3.1h) a un sens plus large qu'une activité qui vise
principalement à faire des profits. Le président a conclu que le
mot «activité» comprend pratiquement toute activité qui est une
occupation par opposition à une «activité de plaisir».
On a donné au mot «affaire» divers sens, mais lorsqu'il figure
dans une loi, son sens doit être interprété dans le contexte et en
tenant compte du but de la loi. Jusqu'en 1968, les journaux et
périodiques visés aux paragraphes 11(1) et (3) de la Loi sur les
postes pouvaient être transmis par la poste au taux mentionné
sans que l'on fasse de distinction entre les éditeurs pour savoir
s'ils exploitaient ou non une entreprise ou se livraient ou non à
des activités sans but lucratif, ou si l'édition était ou non leur
entreprise principale. Un nouvel article 11, qui a élargi la
catégorie des publications auxquelles s'applique le taux de port
des objets de la deuxième classe a été promulgué en 1968 et a
en fin de compte été remplacé par l'article 3.1 du Règlement.
Les modifications de 1968 ont limité la catégorie des personnes
pouvant se prévaloir de ces taux par la promulgation des alinéas
h) et i).
Selon l'interprétation de la requérante, l'alinéa 3.1h) ne vise
que les personnes qui se livrent à des activités dont l'objet
prépondérant est de réaliser des profits. Interpréter l'alinéa de
cette façon revient à interpréter l'expression «activité princi-
pale» comme signifiant non pas une «activité principale», mais
comme une «activité principale visant un but lucratif», ce qui
aurait pour conséquence de considérer l'alinéa h) comme con-
cernant les personnes qui se livrent à de telles activités et
l'alinéa i) comme désignant les personnes dont les activités ne
visent pas un but lucratif, et comme limitant l'application des
taux de port des objets de la deuxième classe à certaines d'entre
elles, mais non pas à toutes. Des périodiques canadiens visés
aux alinéas a), b) ou c) pourraient être enregistrés comme
objets de la deuxième classe si la personne qui demande l'enre-
gistrement n'était pas assujettie à l'alinéa h), quelle que soit son
activité principale. Les personnes visées par l'alinéa i) seraient
limitées à l'enregistrement de périodiques prévus aux alinéas b)
et c), alors que d'autres personnes qui ne se livrent pas à des
activités visant un but lucratif pourraient également enregistrer
des périodiques prévus à l'alinéa a).
Une meilleure interprétation de l'alinéa h) consiste à refuser
l'enregistrement d'un journal ou périodique, autrement admissi
ble, si les affaires principales, activité principale s'entend, de
son éditeur sont autres que l'édition. L'exception est que, même
en pareil cas, le journal ou périodique peut être enregistré s'il
n'est pas publié accessoirement à l'activité principale de l'édi-
teur ou en vue du progrès de cette activité. L'emploi du mot
«activité» exclut, pour les fins de la détermination de l'activité
principale, toute activité qui ne saurait être considérée comme
une «activité commerciale» au sens large et ordinaire, c.-à-d. des
activités de divertissement.
Rien n'indique l'intention d'aider les entreprises sans but
lucratif en leur permettant de bénéficier des privilèges des
objets de la deuxième classe. L'alinéa i) vise particulièrement le
cas de certains journaux et périodiques qui pourraient ne pas
être enregistrés comme objets de la deuxième classe si aucune
exception au principe posé à l'alinéa h) n'existait. En vertu de
l'alinéa i), un journal canadien ou un périodique canadien
publié par une association d'entraide mutuelle, une association
commerciale, professionnelle ou autre ou par un syndicat
ouvrier, une coopérative de crédit ou de consommation ou une
congrégation religieuse locale peut être enregistré comme un
objet de la deuxième classe bien que l'édition puisse ne pas être
l'activité principale de l'association, si la publication est visée
par l'alinéa b) ou c).
Le président n'a pas commis d'erreur de droit en décidant
que le mot «activité» est assez large pour inclure les activités du
Conference Board, ni en décidant que le mot «activité» employé
à l'alinéa h) n'est pas limité à des activités visant un but
lucratif. Les activités du Conference Board, notamment la
recherche, la communication et les autres services fournis à ses
membres, sont exercées par un personnel à temps plein et ce,
quotidiennement, comme une «occupation» exigeant une atten
tion continue. Le fait que des prix d'abonnement pour ses
publications sont établis indique que certaines des activités
d'édition du Conference Board revêtent un caractère commer
cial.
Les conclusions du président selon lesquelles l'activité princi-
pale du Conference Board n'est pas l'édition et que l'édition à
laquelle il se livre est accessoire à son activité principale ou vise
à promouvoir le progrès de cette activité sont des conclusions de
fait qu'on ne saurait modifier en l'absence d'une erreur de
droit.
La requérante fait valoir que le président a commis une
erreur parce que si l'expression «activité principale» lui est
applicable, l'édition fait partie intégrante de cette activité, et il
ne s'agit pas d'une activité distincte. La question de savoir si
]'«édition» fait partie intégrante de l'entreprise de la requérante
ou est une activité distincte n'est pas pertinente aux fins de
définir l'expression «activité principale» qui figure à l'alinéa
3.1h). Une «entreprise» se compose typiquement de diverses
activités constitutives et connexes comme dans le cas de la
requérante. L'alinéa 3.1h) exige de déterminer l'activité princi-
pale de la requérante.
La requérante soutient que le président a commis une erreur
de droit parce qu'il n'a pas examiné et comparé toutes les
activités du Conference Board. Bien que le président n'examine
pas expressément tous les faits qui pourraient être appropriés
eu égard à ses décisions, on ne saurait présumer qu'il ne l'a
effectivement pas fait. Il y a dans le dossier des éléments de
preuve qui étaient les conclusions de fait tirées par le président.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Ministre du Revenu national c. Coopers and Lybrand,
[1979] 1 R.C.S. 495; Customs and Excise Comrs v. Lord
Fisher, [1981] 2 All E.R. 147 (Q.B.D.); Conseil canadien
des relations du travail et autre c. Yellowknife, [1977] 2
R.C.S. 729.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Wilcox c. Société Radio-Canada, [1980] 1 C.F. 326 (1"
inst.); Commissaire régional à l'évaluation et autre c.
Caisse populaire de Hearst Limitée, [1983] 1 R.C.S. 57;
Minister of National Revenue v. Consolidated Mogul
Mines Limited, [1969] R.C.S. 54; Rael-Brook Ltd. v.
Minister of Housing and Local Government, [1967] 2
Q.B. 65; Re Pszon, [1946] 2 D.L.R. 507 (C.A. Ont.).
DÉCISIONS CITÉES:
Nenn c. R., [1979] 2 C.F. 778 (C.A.); McCleery c. La
Reine, [1974] 2 C.F. 339 (C.A.); Laroche c. Commis-
saire de la G.R.C. (1981), 39 N.R. 407 (C.F. Appel);
Macdonald Tobacco Inc. c. La Commission de l'emploi
et de l'immigration du Canada, [1979] 2 C.F. 100
(C.A.); Abernethie v. A.M. & J. Kleiman Ltd., [1970] I
Q.B. 10 (C.A.); L'Association des consommateurs du
Canada c. Le ministre des Postes, [1975] C.F. I 1 (C.A.).
AVOCATS:
J. François Lemieux et Patricia Wilson pour
la requérante.
Gordon F. Henderson, c.r. et Emilio S. Bina-
vince pour l'intimé.
PROCUREURS:
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour la requé-
rante.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: La présente demande fondée
sur l'article 28 tend à l'examen et à l'annulation de
la décision par laquelle l'intimé, le président du
conseil d'administration de la Société canadienne
des postes, a rejeté un appel formé par la requé-
rante en vertu de l'article 6 du Règlement sur les
objets de la deuxième classe [C.R.C., chap. 1294,
mod. par DORS/78-149, art. 4; DORS/81-848,
art. 3] («le Règlement)>). L'appel a été interjeté du
refus par le gestionnaire - Classification du cour-
rier - d'enregistrer le périodique Consumer Mar
kets Update, une publication du Conference Board
du Canada, comme objet de la deuxième classe. À
propos, la requérante Aeric, Inc. est désignée sous
le nom de Conference Board du Canada. L'avis
introductif d'instance sous le régime de l'article 28
porte non seulement sur le périodique Consumer
Markets Update, mais aussi sur d'autres publica
tions de la requérante. Le 7 février 1984, cette
Cour a toutefois rendu une ordonnance portant
que sa décision relative à la publication Consumer
Markets Update s'appliquera aux autres publica
tions énumérées dans l'avis introductif d'instance.
Il convient cependant de souligner que la requé-
rante s'est désistée de sa demande d'examen de la
décision de l'intimé dans la mesure où elle s'appli-
que à la publication Datafacts.
Le Conference Board du Canada est un orga-
nisme sans but lucratif qui, au dire des avocats,
vise des buts charitables, scientifiques et éducatifs.
D'après la requérante, la publication qu'elle a
cherché à enregistrer est un journal canadien ou
un périodique canadien visé à l'article 3.1 du
Règlement [mod. par DORS/82-33, art. 2; DORS/
83-56, art. 2] et peut donc être enregistrée. Le
président a rejeté l'appel dont il a été saisi parce
que, en vertu de l'alinéa 3.1h) du Règlement,
l'enregistrement est interdit du fait que l'activité
principale du Conference Board est autre que l'édi-
tion et qu'il s'agit d'une publication accessoire à
l'activité principale du Conference Board ou ayant
pour but le progrès de cette activité. Le Confe
rence Board prétend que puisqu'elle n'exploite
aucune entreprise, l'alinéa 3.1h) du Règlement ne
lui est pas applicable. L'avocat du président a fait
valoir que, en tout cas, on ne peut en venir à la
question soulevée par la requérante; cette Cour,
dit-il, n'a pas compétence pour connaître de la
demande fondée sur l'article 28 parce que le prési-
dent, en statuant sur l'appel, n'est pas «une per-
sonne» selon la définition que donne la Loi sur la
Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap. 10]
de «office, commission ou autre tribunal»: le pou-
voir que le président a exercé pour rejeter l'appel
formé par le Conference Board était de nature
strictement commerciale et ne constituait donc ni
une «compétence» ni un «pouvoir» selon la défini-
tion. À propos de la question de la compétence,
l'avocat soutient subsidiairement que la décision
du président n'était pas légalement soumise à un
processus judiciaire ou quasi judiciaire.
Deux questions fondamentales sont donc posées.
L'intimé soutient que cette Cour n'a pas compé-
tence pour connaître de la demande fondée sur
l'article 28. Bien entendu, la requérante prétend le
contraire. De son côté, elle conteste la décision du
président quant au fond. Elle prétend que le prési-
dent du conseil d'administration a commis une
erreur de droit en rejetant l'appel, erreur due à une
mauvaise interprétation de l'alinéa 3.1h) du
Règlement.
LA QUESTION DE COMPÉTENCE
Comme je viens de l'indiquer, l'avocat de l'in-
timé a fait valoir que le président du conseil d'ad-
ministration de la Société canadienne des postes
n'est pas un «office, une commission ou un autre
tribunal fédéral» au sens de l'article 2 de la Loi sur
la Cour fédérale; par conséquent, son rejet de
l'appel formé par la requérante ne peut faire l'ob-
jet d'un examen sous le régime de l'article 28 de
cette Loi. La définition donnée à l'article 2 est
ainsi conçue:
2....
«office, commission ou autre tribunal fédéral» désigne un orga-
nisme ou une ou plusieurs personnes ayant, exerçant ou
prétendant exercer une compétence ou des pouvoirs conférés
par une loi du Parlement du Canada ou sous le régime d'une
telle loi, à l'exclusion des organismes de ce genre constitués
ou établis par une loi d'une province ou sous le régime d'une
telle loi ainsi que des personnes nommées en vertu ou en
conformité du droit d'une province ou en vertu de l'article 96
de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. 1867;
On a fait valoir que la «compétence et les pou-
voirs» mentionnés dans la définition sont une com-
pétence et des pouvoirs de caractère public dont
l'exercice aurait, avant la promulgation de la Loi
sur la Cour fédérale, fait l'objet d'un contrôle
judiciaire devant une Cour supérieure, sous forme
de brefs de prérogative, d'injonctions ou de juge-
ments déclaratoires. La définition, ainsi formulée,
ne désigne pas, dit-on, une compétence et des
pouvoirs de nature commerciale conférés par une
loi fédérale à une société telle que la Société
canadienne des postes. L'intimé s'appuie particu-
lièrement sur l'extrait suivant des motifs de juge-
ment que le juge en chef adjoint Thurlow [tel était
son titre] a prononcés dans l'affaire Wilcox c.
Société Radio-Canada, [1980] 1 C.F. 326 (Ire
inst.). Au sujet des pouvoirs mentionnés dans la
définition donnée à l'article 2 de la Loi, le juge en
chef adjoint dit ceci aux pages 329 et 330:
... il me semble, d'autre part, que l'expression «une compétence
ou des pouvoirs» se réfère à une compétence ou à des pouvoirs
de caractère public au sujet desquels les brefs de prérogative,
l'injonction et le jugement déclaratoire auraient été autrefois
des moyens appropriés d'invoquer le droit de regard des cours
supérieures. Je ne pense pas que cela comprenne les pouvoirs
qu'une corporation ordinaire constituée en vertu d'une loi fédé-
rale peut exercer à titre privé, et qui ne sont que des accessoires
de sa personnalité juridique ou de l'entreprise qu'elle est autori-
sée à exploiter. Des résultats absurdes et très embarrassants
découleraient d'une telle interprétation, et il ne me semble pas
que telle ait été l'intention du législateur ni qu'il soit nécessaire
d'interpréter ainsi l'expression dans le contexte dans lequel elle
est utilisée.
L'avocat a soutenu que la Société canadienne
des postes est une société se livrant à des activités
commerciales. Les pouvoirs qu'elle tient de la Loi
sur la Société canadienne des postes [S.C.
1980-81-82-83, chap. 54] n'appartiennent donc
pas au genre mentionné dans la définition de l'arti-
cle 2 de la Loi sur la Cour fédérale. Il a invoqué
particulièrement les alinéas 5(1)a), 5(2)b) et le
paragraphe 13(1) de la Loi sur la Société cana-
dienne des postes:
L'alinéa 5(1)a) porte:
5. (1) La Société a pour mission:
a) de créer et d'exploiter un service postal comportant le
relevage, la transmission et la distribution de messages,
renseignements, fonds ou marchandises, dans le régime inté-
rieur et dans le régime international;
L'alinéa 5(2)b) est ainsi conçu:
5....
(2) Dans l'exercice de sa mission, la Société, tout en assurant
l'essentiel du service postal habituel:
b) veille à l'autofinancement de son exploitation dans des
conditions de normes de service adaptées aux besoins de la
population du Canada et comparables pour des collectivités
de même importance;
J'aimerais également citer l'alinéa 5(2)e) qui est
ainsi rédigé:
5....
(2) Dans l'exercice de sa mission, la Société, tout en assurant
l'essentiel du service postal habituel:
e) met en oeuvre, pour ce qui la concerne et selon les
modalités approuvées par le gouverneur en conseil, un pro
gramme de symbolisation fédérale.
Le paragraphe 13(1) dispose:
13. (1) La Société peut employer le personnel et retenir les
services des mandataires, conseillers et experts qu'elle estime
nécessaires à l'exercice de ses activités; elle peut en outre fixer
les conditions d'emploi ou de prestation de services correspon-
dantes et verser les rémunérations afférentes.
À l'appui de l'argument selon lequel la Société
canadienne des postes vise un but essentiellement
commercial, l'avocat a également fait état du
décret C.P. 1981-2769, c'est-à-dire DORS/81-804
que voici:
Vu que le paragraphe 22(1) de la Loi sur la Société cana-
dienne des postes stipule que la Société canadienne des postes
constituée en vertu de l'article 4 de ladite loi est mandataire de
Sa Majesté du chef du Canada;
Et vu que l'alinéa 66(3)b) de la Loi sur l'administration
financière stipule que le gouverneur en conseil peut, par décret,
ajouter à l'annexe C de la Loi sur l'administration financière
toute corporation de la Couronne qui est mandataire de Sa
Majesté du chef du Canada et est responsable de la conduite
d'opérations de services sur une base quasi commerciale.
À ces causes, sur avis conforme du conseil du Trésor et en
vertu de l'alinéa 66(3)b) de la Loi sur l'administration finan-
cière, il plaît à Son Excellence le Gouverneur général en conseil
d'ajouter la Société canadienne des postes à l'annexe C de la
Loi sur l'administration financière.
En vertu du paragraphe 66(1) de la Loi sur
l'administration financière [S.R.C. 1970, chap.
F-10], une corporation de la Couronne nommée à
l'annexe C est une «corporation de mandataire». Il
s'ensuit que, en vertu du paragraphe 68(1) de la
Loi sur l'administration financière, les articles 69
à 78 de cette Loi lui sont applicables. Ces articles
assujettissent, dans une grande mesure, la corpora
tion à la surveillance du gouverneur en conseil, du
Ministre et président du conseil du Trésor. Il
convient de souligner par exemple la disposition du
paragraphe 70(1):
70. (1) Chaque corporation de mandataire doit soumettre
tous les ans, au ministre compétent, un budget d'exploitation
pour l'année financière suivante de la corporation en vue de
l'approbation du ministre compétent et du président du conseil
du Trésor.
L'avocat a également attiré notre attention sur
le paragraphe 17(1) de la Loi sur la Société
canadienne des postes, en vertu duquel la société
peut par règlement, avec l'approbation du gouver-
neur en conseil, «prendre toute mesure utile ... à
l'efficacité de son exploitation ...». Je cite les ali-
néas c), d) et e) du paragraphe 17(1) et le para-
graphe 17(2):
17. (1) La Société peut par règlement, avec l'approbation du
gouverneur en conseil, prendre toute mesure utile, dans le cadre
de la présente loi, à l'efficacité de son exploitation et,
notamment:
c) fixer les conditions de transmission postale des objets;
d) fixer les tarifs de port et les modalités d'acquittement des
frais correspondants;
e) prévoir la réduction des tarifs de port dans le cas d'objets
conditionnés de la manière réglementaire;
(2) Les tarifs de port visés au paragraphe (1) doivent être
justes et réalistes et permettre d'assurer, dans la mesure du
possible, des recettes qui, jointes à celles d'autres sources,
suffisent à équilibrer les dépenses engagées par la Société pour
l'exécution de sa mission.
Il est clair que, aux termes du décret C.P.
1981-2769, la Société canadienne des postes est
«responsable de la conduite d'opérations de servi
ces sur une base quasi commerciale». Toutefois, il
est également clair que la Société diffère, dans une
grande mesure, d'une société commerciale ordi-
naire. Comme je l'ai déjà indiqué, l'alinéa 5(2)e)
de sa loi habilitante fait mention de «un pro
gramme de symbolisation fédérale». En vertu de
l'article 11, le conseil d'administration peut, par
son règlement intérieur, prévoir «l'administration,
la gestion et la surveillance des biens et des affai-
res de la Société», mais ces règlements intérieurs
doivent être approuvés par le gouverneur en con-
seil. Le pouvoir de prendre des règlements conféré
par le paragraphe 17(1) est également assujetti à
l'approbation du gouverneur en conseil. Des dispo
sitions de la loi habilitante de la Société telles que
les paragrahes 6(2), 7(1), 8(1), 13(3), 22(1), les
articles 20, 28, 29 et 33, et les articles 69 à 78 de
la Loi sur l'administration financière illustrent la
différence, à d'autres égards, entre la Société et
une société commerciale ordinaire. Les rôles joués
par le gouverneur en conseil et le Ministre à
l'égard de la Société font qu'elle revêt un caractère
public important et justifient peut-être l'emploi de
l'expression «quasi commerciale», au lieu du mot
«commercial», dans le décret, pour décrire ses res-
ponsabilités de conduite des services postaux.
Bien entendu, on peut soutenir que la Société
Radio-Canada a également un caractère public, un
peu dans le même sens; le juge en chef adjoint
Thurlow a néanmoins conclu dans l'affaire Wilcox
[à la page 329] que Radio-Canada «n'est pas, au
moins pour ses activités de radiodiffusion, un
office, une commission ou autre tribunal fédéral au
sens de l'article 2 ...» Il est donc important d'iden-
tifier la question en litige dans l'affaire Wilcox et
d'examiner les pouvoirs de la société en cause.
Dans l'affaire Wilcox, un employé de Radio-
Canada a, en vertu de l'article 18 de la Loi sur la
Cour fédérale, sollicité un jugement déclaratoire
établissant que, pour le calcul de sa pension de
retraite, il était en droit de faire entrer en compte
ses années de service dans la G.R.C. antérieure-
ment à son engagement par Radio-Canada. Sa
demande reposait donc sur son contrat de travail.
D'après lui, l'une des conditions du contrat était
que la défenderesse prenne les mesures utiles pour
le transfert de ses années de service accumulées.
La Cour a jugé qu'elle n'avait pas compétence,
sous le régime de l'article 18, pour connaître de
l'action. À la suite des propos tenus dans le pas
sage que j'ai cité ci-dessus, le juge en chef adjoint
ajoute à la page 330:
Il me sembe également que si les pouvoirs de la défenderesse
résultant de la Loi sur la radiodiffusion qui ont pour objet ses
activités de radiodiffusion ne sont pas des pouvoirs visés par la
définition, on serait encore moins fondé à conclure que celui
d'engager des employés entre dans le cadre sémantique de
celle-ci.
La décision du président du conseil examinée en
l'espèce n'a pas été rendue en vertu d'un pouvoir
général de gestion conféré à la Société canadienne
des postes. Il a rendu sa décision en vertu d'un
pouvoir qu'il tient d'un règlement approuvé par le
gouverneur en conseil conformément à la Loi sur
la Société canadienne des postes. Il s'agit du
pouvoir de connaître d'un «appel» et de le trancher.
D'après l'intimé, cet «appel» est analogue au genre
de procédure qu'une maison de commerce adopte
souvent pour répondre aux plaintes des clients.
Mais la procédure prévue à l'article 6 du Règle-
ment (que j'examinerai en détail) diffère vraiment
d'un simple système de règlement des plaintes.
L'«appel» visé à l'article 6 est un appel proprement
dit. Je suis persuadé que, en connaissant de l'appel
en l'espèce et en le tranchant, le président est une
«personne» au sens de ce mot employé dans la
définition de «office, commission ou autre tribunal
fédéral» donnée par la Loi sur la Cour fédérale.
L'intimé a fait valoir que, en tout cas, la déci-
sion n'est pas une décision administrative qui est
légalement soumise à un processus judiciaire ou
quasi judiciaire. Pour les motifs que je viens d'in-
voquer, il semble tout à fait clair que la décision
n'est pas simplement une décision commerciale. Et
il semble également clair que, à tout le moins, elle
est de nature administrative. Mais s'agit-il d'une
décision qui est légalement soumise à un processus
judiciaire ou quasi judiciaire?
Le paragraphe 4(2) du Règlement permet à un
éditeur de s'adresser à un agent des Postes pour
enregistrer un journal ou un périodique comme
objet de la deuxième classe. Le paragraphe 4(4)
[mod. par DORS/78-149, art. 2; DORS/82-33,
art. 3] prévoit les droits et les obligations de
l'agent des Postes à qui une telle demande est
faite. Il est ainsi rédigé:
4....
(4) L'agent des Postes à qui une demande d'enregistrement
d'une publication comme objet de la deuxième classe est pré-
sentée selon cet article doit l'étudier, dès sa réception et celle
des renseignements ou documents exigés et, s'il établit
a) que la publication répond aux exigences régissant les
objets de la deuxième classe et qu'elle sera conditionnée pour
le dépôt de la manière prescrite dans le présent règlement, il
l'enregistre comme publication pouvant être postée au tarif
de port établi dans le tableau de l'annexe II du Règlement
sur les tarifs de port, et il informe immédiatement le requé-
rant de la date à laquelle l'enregistrement a été accepté, du
numéro d'enregistrement assigné à la publication et du tarif
de port applicable; ou
b) que la publication ne répond pas aux exigences régissant
les objets de la deuxième classe ou qu'elle ne sera pas
conditionnée pour le dépôt selon ce règlement, il doit rejeter
la demande et en informer immédiatement le requérant en
lui donnant les raisons du refus.
En vertu de l'article 6 du Règlement, un éditeur
qui n'est pas d'accord avec la décision qu'un agent
des Postes a rendue sous le régime de l'alinéa
4(4)b) peut faire appel. Je cite l'article 6:
6. (1) Lorsque l'éditeur d'un journal ou périodique n'est pas
d'accord avec la décision de l'agent des Postes qui a rejeté sa
demande d'enregistrement en vertu de l'alinéa 4(4)b), il peut,
dans un délai de 30 jours, en avisant par écrit l'agent des
Postes, en appeler de la décision au président du conseil.
(2) L'avis écrit dont il est question au paragraphe (1) doit
contenir l'exposé de tous les faits que l'éditeur désire soumettre
au président du conseil relativement à l'appel.
(3) L'agent des Postes visé au paragraphe (1) doit, dès qu'il
reçoit l'avis écrit visé audit paragraphe, le transmettre au
président du conseil avec tous les renseignements et documents
qui lui ont été présentés au moment où il a rejeté la demande
d'enregistrement du journal ou périodique comme objet de la
deuxième classe.
(4) Jusqu'à ce que le président du conseil rende sa décision
concernant l'appel, tous les exemplaires du journal ou périodi-
que faisant l'objet de l'appel doivent être déposés au tarif de la
troisième ou de la quatrième classe, et l'éditeur doit établir des
dossiers sur tous les exemplaires ainsi déposés de la manière
approuvée par le maître de poste du bureau de dépôt.
(5) Lorsque le président du conseil établit qu'un journal ou
un périodique faisant l'objet d'un appel doit être enregistré
comme objet de la deuxième classe, le journal ou périodique est
considéré comme ayant été enregistré comme objet de la
deuxième classe à compter de la date de la demande la plus
récente présentée à l'agent des Postes et l'éditeur est remboursé
de l'excédent d'affranchissement qu'il a payé pour avoir déposé
des exemplaires au tarif de la troisième ou de la quatrième
classe.
(6) Lorsqu'on calcule le montant du remboursement auquel
l'éditeur a droit selon le paragraphe (5), on ne tient compte que
des dossiers établis conformément aux exigences du maître de
poste du bureau de dépôt et ce selon le paragraphe (4).
Les dispositions des articles 4 et 6 du Règlement
donnent des indications importantes pour détermi-
ner si la décision du président doit être légalement
soumise à un processus judiciaire ou quasi
judiciaire.
L'agent des Postes qui rejette une demande
d'enregistrement doit donner au requérant débouté
de sa demande le motif ou les motifs de son rejet.
Un requérant qui n'est pas d'accord peut faire
«appel» au président. L'appelant a le droit de faire
des observations. Le droit de faire des observations
et l'emploi du mot «appel» sont en soi importants:
voir Nenn c. R., [1979] 2 C.F. 778 (C.A.), à la
page 781. Statuant sur un appel, le président doit
déterminer si le journal ou le périodique devrait
être enregistré comme objet de la deuxième classe,
droit important. Une telle décision entraîne une
autre conséquence importante sous le régime du
paragraphe 6(5) du Règlement: un appelant qui a
gain de cause aurait le droit d'être remboursé de
l'excédent d'affranchissement qu'il a payé.
La décision du président n'est nullement une
décision qui doit être rendue sur la base d'une
politique. La décision doit être rendue en applica
tion des dispositions de l'article 3.1 du Règlement
aux renseignements et aux documents envoyés au
président en vertu du paragraphe 6(3). La décision
à rendre est donc essentiellement de caractère
judiciaire.
Les dispositions applicables du Règlement
entraînent inéluctablement la conclusion qu'un
appel doit être tranché en suivant, tout au moins,
un processus quasi judiciaire.
Toutefois, l'intimé a mis l'accent sur le fait que
l'appel n'était pas contradictoire. Cela revient à
dire que le troisième des quatre critères formulés
par le juge Dickson (tel était alors son titre) dans
l'arrêt Ministre du Revenu national c. Coopers
and Lybrand, [ 1979] 1 R.C.S. 495, la page 504,
pour déterminer si une décision est légalement
soumise à un processus judiciaire ou quasi judi-
ciaire n'a pas été rempli. [Je devrais probablement
souligner que, d'après l'intimé, aucun des quatre
critères n'a été rempli.] Voici le troisième critère:
«3) S'agit-il d'une procédure contradictoire?»
On a allégué qu'il n'existe pas de partie dont les
intérêts sont contraires à ceux de l'appelant. Il me
semble toutefois que cela donne au terme «contra-
dictoire» un sens trop restreint. À l'évidence, il y
avait une question à trancher en appel. L'agent des
Postes qui a refusé l'enregistrement a motivé son
refus en disant que l'alinéa 3.1h) du Règlement
interdit l'enregistrement. L'appelant a contesté cet
argument. Pour statuer sur l'appel, le président a
dû trancher ce litige. L'agent qui a pris la décision
initiale peut, à strictement parler, ne pas être une
partie «adverse». Toutefois, la question en litige
avait un caractère suffisamment «contradictoire»
pour que le président puisse agir d'une façon quasi
judiciaire: voir S.A. de Smith, Judicial Review of
Administrative Action (4° éd., 1980), aux pages 84
et 85. En l'espèce, la procédure était, à tout le
moins, aussi contradictoire que I'«appel» formé
devant le commissaire de la Gendarmerie royale
contre la recommandation de licenciement d'un de
ses membres, dans l'affaire McCleery c. La Reine,
[1974] 2 C.F. 339 (C.A.); voir Laroche c. Com-
missaire de la G.R.C. (1981), 39 N.R. 407 (C.F.
Appel), particulièrement à la page 424; voir égale-
ment Macdonald Tobacco Inc. c. La Commission
de l'emploi et de l'immigration du Canada,
[1979] 2 C.F. 100 (C.A.).
Je conclus donc que la Cour est compétente pour
connaître de la demande fondée sur l'article 28.
LA QUESTION DE FOND
J'aborde maintenant la question de fond.
Se fondant sur l'alinéa 3.1h) du Règlement qui
ne permet pas d'enregistrer le périodique à titre
d'objet de la deuxième classe, le président du
conseil d'administration a rejeté l'appel. Cet alinéa
interdit l'enregistrement d'un périodique qui, sans
cela, aurait été enregistrable,
3.1 ...
h) dans les cas où l'activité principale de la personne par
laquelle ou sous la direction de laquelle il est publié est autre
que l'édition, [et] il est publié accessoirement à l'activité
principale de cette personne ou en vue du progrès de cette
activité,
Le Conference Board avait fait valoir, comme il
l'a fait devant la Cour, que l'alinéa 3.1h) ne lui
interdit pas d'enregistrer le périodique comme
objet de la deuxième classe parce que cet alinéa ne
lui est pas applicable. Le Conference Board vise
des buts uniquement charitables, scientifiques et
éducatifs. On ne peut nullement dire qu'il poursuit
principalement un but lucratif qui, dit-il, constitue
le critère sur lequel on se fonde pour déterminer si
une personne se livre à un commerce. Le Confe
rence Board ne fait pas du tout d'affaires. Il ne
saurait donc publier le périodique en question
«accessoirement à» son «activité principale ou en
vue du progrès de cette activité».
À l'appui de cet argument, l'avocat a fait men
tion des objectifs du Conference Board exposés
dans les lettres patentes en date du 2 avril 1980 en
vertu desquelles Aeric, Inc. a été constituée. Il y
est prévu notamment:
[TRADUCTION] La société vise exclusivement les buts chari-
tables, scientifiques et éducatifs suivants:
1. Faire des recherches et des enquêtes scientifiques objectives
dans les domaines du commerce, de l'économie et des affaires
publiques, et fournir à ses membres, et à d'autres personnes,
aux établissements, sociétés, associations, institutions d'ensei-
gnement et autres établissements, aux gouvernements fédéral et
provinciaux du Canada et à tout ministère, bureau ou office de
ceux-ci et au public en général, les renseignements découlant de
ces activités au moyen de périodiques et d'autres publications;
2. Rassembler, analyser et diffuser, dans un but non politique,
des renseignements objectifs relatifs aux conditions économi-
ques et à l'expérience de gestion du Canada et d'autres pays;
3. Tenir des conférences éducatives et scientifiques avec partici
pation de cadres, de spécialistes professionnels et d'autres pour
discuter des affaires économiques, commerciales et publiques;
4. Contribuer à la formation scolaire et professionnelle de
cadres et, en général, encourager et promouvoir la saine expan
sion de l'industrie canadienne.
Il est spécialement prévu que, en cas de dissolution ou de
liquidation de la société, tout ce qui reste de son actif, après
règlement de ses dettes, sera réparti à un ou à plusieurs
organismes de charité du Canada.
Les activités de la société ne doivent pas, sur le plan pécu-
niaire, profiter à ses membres et tout bénéfice ou autre accrois-
sement doit servir à promouvoir ses objectifs.
Aeric, Inc. a bénéficié d'une exemption en tant
qu'oeuvre de charité sous le régime de l'alinéa
149.1(1)6) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C.
1970-71-72, chap. 63 (mod. par S.C. 1976-77,
chap. 4, art. 60)].
Le président a rejeté l'argument selon lequel le
Conference Board ne fait pas d'affaires. D'après
lui, le mot «activité» utilisé à l'alinéa 3.1h) a un
sens plus large qu'une activité qui vise principale-
ment à faire des profits. Il tient ces propos:
[TRADUCTION] Quant à la première question, vous interprétez,
selon moi, le mot «activité» d'une façon trop restrictive. Si l'on
examine l'ensemble du Règlement sur les objets de la deuxième
classe, notamment la version française du Règlement et son
alinéa 3.1h) où l'adjectif «principale» se rapporte à «l'activité»
plutôt qu'à «affaire» par exemple, il est évident qu'on a voulu
donner au mot «activité» un sens plutôt large. Je ne considère
pas qu'on doive le restreindre à des opérations visant un but
lucratif. A mon avis, il comprend pratiquement toute activité
qui est une occupation par opposition à une «activité de plaisir».
En conséquence, étant donné mon point de vue sur la question,
le Conference Board du Canada s'engage dans une «activité» au
sens de ce mot utilisé à l'alinéa 3.1h) du Règlement sur les
objets de la deuxième classe.
Le mot «affaire»* n'est pas un terme technique.
Les tribunaux lui ont donné divers sens suivant son
utilisation dans des lois et dans des contrats. Je
citerai quelques exemples.
Dans l'arrêt Conseil canadien des relations du
travail et autre c. Yellowknife, [1977] 2 R.C.S.
729, le juge Pigeon a dit à la page 738:
A mon avis, il ne faut pas chercher à donner un sens restreint
à l'un quelconque des termes «ouvrage, entreprise ou affaire»
tels qu'ils sont utilisés dans le Code du travail, de façon à
exclure de leur domaine toutes les activités des corporations
municipales. Certaines d'entre elles, tels les systèmes d'adduc-
tion d'eau et d'égouts, relèvent indubitablement du concept
d'«ouvrage». D'autres, tels les services de sûreté ou sanitaires,
ne peuvent pas être exclus du domaine de l'«entreprise» sans
dénaturer l'expression, et le terme «affaire» a été défini comme
[TRADUCTION] «presque tout ce qui est une occupation, par
opposition à un plaisir—n'importe quel devoir ou occupation
qui exige de l'attentions [sic] ...» (le lord juge Lindley, dans
Rolls v. Miller, à la p. 88). Il va sans dire que le terme «affaire»
est souvent appliqué à des activités poursuivies sans but lucra-
tif. A mon avis, essayer d'établir une distinction dépendant du
fait qu'un employeur est une compagnie privée ou une adminis
tration publique, serait contraire à tout le concept de classifica
tion des employés, à des fins de compétence, en fonction du
caractère de l'entreprise. D'autres considérations peuvent pré-
valoir si l'employeur est le gouvernement ou une compagnie
gouvernementale et ceci est manifeste dans l'art. 109 du Code
du travail. Cependant, c'est une question dont nous n'avons pas
à nous occuper en l'espèce.
* Note de l'arrêtiste: le terme «business» est traduit par
«activité», «affaire» ou «entreprise», selon le contexte.
Dans cette affaire, il s'agissait de savoir si le
Conseil canadien des relations du travail avait
compétence pour accréditer un syndicat comme
agent négociateur des employés d'une municipalité
des Territoires du Nord-Ouest. Le passage cité
indique clairement l'importance du contexte et du
but prévu par la loi lorsqu'il s'agit du sens du mot
«affaire».
La requérante s'appuie en particulier sur l'arrêt
Commissaire régional à l'évaluation et autre c.
Caisse populaire de Hearst Limitée, [1983] 1
R.C.S. 57, pour étayer son argument voulant que
le mot «activité» se rapporte à une entreprise qui
vise un but lucratif. Dans cette affaire, une caisse
populaire avait été assujettie à l'impôt commercial
en vertu de l'Assessment Act [R.S.O. 1980, chap.
31] de l'Ontario. Sa cotisation d'impôt portait sur
son utilisation du bien-fonds qu'elle occupait à des
fins reliées à ses activités. En vertu de la disposi
tion applicable de l'Assessment Act, quiconque
exerce un commerce à titre de banquier ou qui
exploite toute autre entreprise financière est tenu
au paiement d'un montant appelé «évaluation com-
merciale» calculé en fonction de la valeur attribuée
au bien-fonds occupé ou utilisé pour les fins de
l'entreprise. (Bien entendu, des personnes exploi-
tant des entreprises autres que des institutions
bancaires et financières sont tenues au paiement
du montant appelé «évaluation commerciale».) La
question cruciale était celle-ci: pour déterminer si
la caisse populaire exploitait une entreprise, était-il
nécessaire de démontrer que son objet prépondé-
rant était la réalisation de profits ou suffisait-il
d'établir qu'elle se livrait à une «activité commer-
ciale»? La Cour suprême a jugé que l'«objet pré-
pondérant de faire des profits» était le critère
approprié sous le régime de l'Assessment Act.
Je cite l'extrait suivant des motifs du juge McIn-
tyre, aux pages 69 et 70:
L'application du critère de l'activité commerciale énoncé par
le juge Evans exige un examen et une appréciation de l'ensem-
ble des facteurs afin de déterminer s'il s'agit en réalité d'une
société véritablement commerciale. Il a également exprimé
l'avis qu'une seule activité de nature commerciale peut influer
sur l'ensemble des activités de la société et suffire, comme dans
l'arrêt Windsor-Essex, pour qu'elle soit considérée comme une
entreprise. Il me semble qu'à ce dernier égard, il ne fait en
réalité qu'appliquer le critère de l'objet prépondérant, en ce
sens qu'il conclut qu'un seul objet peut revêtir une importance
telle qu'il influe sur l'ensemble des objets. Comme je l'ai déjà
indiqué, je ne rejette pas cette suggestion, mais, si on l'applique
pour déterminer si une entreprise est d'une nature commerciale,
cela entraînera des difficultés. Bon nombre d'organismes de
bienfaisance qui oeuvrent au sein de la collectivité et qui ont
recours de temps à autre à des activités qu'on qualifierait de
commerciales afin de réunir des fonds pour pouvoir remplir
leurs objets, risqueraient, par l'application de pareil critère,
d'être considérés comme des entreprises. Attacher une impor
tance primordiale à l'aspect commercial d'une opération liti-
gieuse ne constitue pas, à mon avis, un guide sûr ni utile.
J'estime que le critère de l'activité commerciale est trop impré-
cis pour qu'il puisse être appliqué avec uniformité. Je suis
d'accord que, pour décider si une activité peut être qualifiée
d'entreprise au sens de l'al. 7(1)b) de The Assessment Act, il
faut examiner et apprécier l'ensemble des facteurs pertinents
qui s'y rapportent. Cependant, il faut les examiner et les
apprécier pour déterminer non pas si, dans un sens général,
l'opération est de nature commerciale ou revêt des aspects
commerciaux, mais si elle a comme objet prépondérant la
réalisation de profits. Si c'est le cas, il s'agit d'une entreprise;
dans le cas contraire, ce n'en est pas une.
Je cite également le passage suivant figurant à
la page 71:
Depuis l'arrêt Rideau Club, le critère de l'objet prépondérant
est généralement—en fait presque universellement—accepté en
Ontario et dans d'autres provinces. Ce critère consiste essentiel-
lement à déterminer si l'activité en cause vise à la réalisation de
profits ou si elle a un autre objet prépondérant. Dans cette
dernière hypothèse, même si l'organisme a d'autres objets, dont
la réalisation de profits (voir l'arrêt Maple Leal), il ne sera pas
considéré comme une entreprise.
Il faut présumer que le législateur connaît depuis longtemps
l'état du droit tel qu'il se dégage de la jurisprudence susmen-
tionnée. Comme il n'a pas pris l'initiative de le modifier,
j'estime que la Cour ne le doit pas non plus. Je suis d'avis
d'accepter et d'appliquer le critère de l'objet prépondérant. En
l'espèce, vu les conclusions de fait déjà mentionnées, selon
lesquelles l'intimée n'a pas pour objet prépondérant de faire des
profits, je suis d'avis de rejeter le pourvoi avec dépens.
Je ferai remarquer que dans l'affaire Caisse
populaire, il semblait ne faire aucun doute que,
pour que la caisse exploite une entreprise, ses
activités devraient tout au moins revêtir un carac-
tère commercial, mais même cela ne suffisait pas
pour les fins de l'Assessment Act de l'Ontario. Je
ferai également remarquer qu'on a tenu compte de
la présomption que le législateur «connaît l'état du
droit tel qu'il se dégage de la jurisprudence sus-
mentionnée», mais qu'il n'a pas «pris l'initiative de
le modifier». «La jurisprudence» semble se rappor-
ter essentiellement à la cotisation établie sous le
régime d'une loi provinciale.
L'intimé s'est appuyé, dans une certaine mesure,
sur le jugement rendu par la Division du Banc de
la Reine anglaise dans Rael-Brook Ltd. v. Minis
ter of Housing and Local Government, [1967] 2
Q.B. 65. Dans cette affaire, le juge Widgery a dit
à la page 75:
[TRADUCTION] Il ressort de la jurisprudence que la réalisa-
tion de profits ne caractérise pas essentiellement l'exploitation
d'une entreprise, à moins que le contexte particulier ne l'exige.
La question soulevée dans cette affaire était de
savoir si une société qui avait acheté un immeuble
à une autorité locale et qui l'utilisait pour la
fabrication de chemises devait obtenir une autori-
sation d'aménagement en vertu d'une ordonnance
dite Town and Country Planning Order. On avait
utilisé l'immeuble comme centre où l'on préparait
des repas pour des écoles. La société a prétendu
qu'une autorisation n'était pas nécessaire parce
que son utilisation actuelle visait le même but que
celui auquel l'immeuble avait été destiné. Il s'agis-
sait de savoir si l'immeuble était un [TRADUC-
TION] «immeuble industriel» au sens d'une disposi
tion du Planning Order; à cette fin, il fallait
déterminer si l'immeuble servait à des travaux
[TRADUCTION] «exécutés dans le cadre d'un com
merce ou d'une entreprise». Après avoir examiné
soigneusement la disposition applicable de l'ordon-
nance dans son contexte et en tenant compte de ses
objectifs, la Cour a conclu à la page 76:
[TRADUCTION] À notre avis, ni la réalisation de profits ni
une activité commerciale ne constituent des éléments essentiels
à l'exécution de travaux dans le cadre d'un commerce ou d'une
entreprise, selon la définition d'«immeuble industriel» figurant
dans le Town and Country Planning (Use Classes) Order de
1950. En conséquence, l'activité d'une autorité locale qui pré-
sente tous les autres traits possibles d'une entreprise n'est pas
exclue à ce titre.
Des constatations de fait en l'espèce qui sont plutôt maigres,
on peut conclure que la fourniture de repas à des écoles par
l'autorité locale qui a occupé l'immeuble de 1940 1946
constituait «une occupation par opposition à un plaisir» pour
reprendre les propos tenus par le lord juge Lindley dans Rolls
v. Miller, qu'il s'agissait d'une occupation continue plutôt que
sporadique et qu'il s'agissait d'une entreprise exploitée avec
sérieux pour s'acquitter d'une obligation assumée par l'occu-
pant. Sans vouloir conclure que tous ces traits doivent nécessai-
rement exister pour qu'une activité puisse équivaloir à une
entreprise aux fins de l'espèce, nous sommes persuadés qu'ils
suffisent dans le présent cas.
On pourrait citer des extraits isolés dans d'au-
tres affaires qui arrivent à une conclusion tout à
fait différente de ce qui a été dit dans la phrase
citée hors contexte dans l'affaire Rael-Brook Ltd.
Voici par exemple l'extrait des motifs de jugement
prononcés par le juge Laidlaw dans Re Pszon,
[1946] 2 D.L.R. 507 (C.A. Ont.), à la page 511:
[TRADUCTION] ... l'exploitation d'une entreprise se caractérise
essentiellement par le fait de gagner sa vie ou de réaliser des
profits. Si une entreprise n'est pas exploitée comme moyen
d'atteindre cet objectif, elle ne correspond pas au sens ordinaire
du mot «affaire».
Cette opinion figure toutefois à la fin d'un pas
sage [à la page 511] que je vais citer plus en détail:
[TRADUCTION] ... Le terme «affaire» a un sens plus large que
celui du mot «commerce»: Re A Debtor, [ 1927] 1 Ch. 97, la p.
105. Employé dans diverses lois, il comporte au moins trois
éléments: 1) une activité nécessitant du temps, de l'attention et
du travail; 2) le fait de s'obliger envers autrui; et 3) le fait de
chercher à gagner sa vie ou à réaliser des profits. Une personne
qui ne consacre ni temps, ni attention, ni travail, soit seul soit à
l'aide de ses préposés ou employés, au fonctionnement ou à la
conduite des affaires d'une entreprise ne dirige pas une telle
entreprise. Elle pourrait, par exemple, n'avoir que des intérêts
financiers. Mais pour exploiter une entreprise, elle doit faire
preuve d'attention et d'efforts pour assurer le maintien ou le
progrès de l'entreprise et consacrer du temps à la réalisation de
ses objectifs. Elle doit en outre entretenir des rapports avec le
public de façon à pouvoir s'obliger envers autrui. Les obliga
tions qu'elle assume doivent porter sur l'exploitation de l'entre-
prise. Les obligations contractées uniquement à l'occasion ou
pour les fins de l'amélioration du bien-fonds appartenant à un
homme n'en font pas nécessairement une personne qui exploite
une entreprise. Enfin, l'exploitation d'une entreprise se caracté-
rise essentiellement par le fait de gagner sa vie ou de réaliser
des profits. Si une entreprise n'est pas exploitée comme moyen
d'atteindre cet objectif, elle ne correspond pas au sens ordinaire
du mot «affaire».
Ce passage figure dans une affaire où il s'agis-
sait de savoir si une personne donnée était un
«salarié» au sens de la Loi de faillite, S.R.C. 1927,
chap. 11. La définition de «salarié» se trouve aux
pages 510 et 511 du recueil:
[TRADUCTION] Il convient de reproduire des parties de
certains articles de la Loi de faillite, S.R.C. 1927, chap. 11:
«2. En la présente loi, à moins que le contexte n'exige ou
n'implique une interprétation différente, l'expression»
«hh) "salarié" signifie celui qui travaille en vue de gages,
salaire, commission ou louage, à un taux de rémunération ne
dépassant pas quinze cents dollars par année, et qui n'exerce
pas de commerce pour son propre compte.»
«7. Les dispositions de la présente partie ne doivent s'appli-
quer ni aux salariés ...M
En lisant la jurisprudence, je constate que le
sens du mot «activité», lorsqu'il figure dans une loi,
doit presque toujours sinon toujours être interprété
selon le contexte et en tenant compte du but de la
loi. Souvent, j'imagine, le contexte et le but indi-
quent immédiatement le sens approprié. Malheu-
reusement, tel n'est pas le cas en l'espèce.
Je vais examiner l'alinéa 3.1h) du Règlement
sur les objets de la deuxième classe dans son
contexte, ainsi que son historique législatif. On
pourrait également citer en détail les dispositions
applicables de l'article 3.1:
3.1 Un journal canadien ou un périodique canadien
a) qui est publié en vue de la diffusion dans le public
d'articles appartenant à une ou plusieurs des catégories
suivantes:
(i) nouvelles,
(ii) commentaires sur les nouvelles ou analyses des nouvel-
les, et
(iii) autres sujets d'actualité intéressant le public en
général,
b) qui est principalement consacré à un ou plusieurs des
sujets suivants: religion, sciences, agriculture, sylviculture,
pêche, critique sociale ou littéraire, littérature, arts, ou qui
est une publication académique ou une publication savante,
ou
c) qui est principalement consacré au progrès de la santé
publique et est publié par un organisme sans but lucratif à
structure nationale ou provinciale,
peut, s'il est
d) enregistré auprès de la Société canadienne des Postes
conformément à l'article 4,
être transmis par la poste au Canada au tarif de port applicable
visé à l'article 3, sauf si,
h) dans les cas où l'activité principale de la personne par
laquelle ou sous la direction de laquelle il est publié est autre
que l'édition, il est publié accessoirement à l'activité princi-
pale de cette personne ou en vue du progrès de cette activité,
i) à l'exception d'une publication visée à l'alinéa b) ou c), il
est publié par une association d'entraide mutuelle, une asso
ciation commerciale, professionnelle ou autre ou un syndicat
ouvrier, une coopérative de crédit ou de consommation ou
une congrégation religieuse locale,
Les dispositions spéciales relatives aux taux de
port des journaux et des périodiques canadiens
connaissent i une longue histoire: voir l'Acte du
Bureau des Postes, 1867 [S.C. 1867, chap. 10],
articles 22 à 25; et l'Acte du Bureau des Postes,
1875 [S.C. 1875, chap. 7], articles 22 à 24. Les
paragraphes 11(1) et 11(3) de la Loi sur les postes
promulguée par S.C. 1951, chap. 57 sont ainsi
rédigés:
11. (1) Un journal ou périodique qui
a) est imprimé et publié au Canada;
b) est connu et considéré comme un journal ou périodique
et consiste, exclusivement ou en grande partie, en nou-
velles politiques ou autres ou en articles y relatifs ou
concernant d'autres sujets d'actualité;
peut être transmis par la poste au tarif de port spécifié dans le
présent article pour un tel journal ou périodique.
(3) Sous réserve du paragraphe quatre, tout journal ou
périodique visé au présent article, autre qu'un journal ou
périodique mentionné à l'alinéa e) ou f) du paragraphe deux ou
les exemplaires par numéro de ceux qui peuvent être transmis
sans frais de port en vertu de l'alinéa c) ou d) du paragraphe
deux, s'il est consacré à la religion, aux sciences ou à l'agricul-
ture, se trouve assujéti [sic] à un tarif de port de un cent et
demi la livre ou fraction de livre.
Ces dispositions se trouvent également dans la
Loi sur les postes, S.R.C. 1952, chap. 212.
Les dispositions spéciales relatives aux journaux
ou aux périodiques consacrés à «la religion, aux
sciences ou à l'agriculture» semblent avoir été
prises en 1931: voir la Loi modifiant la Loi des
Postes, S.C. 1931, chap. 45.
Il appert donc que, jusqu'en 1968, les journaux
et périodiques visés aux paragraphes 11(1) et
11(3) de la Loi sur les postes pouvaient être
transmis par la poste au taux de port mentionné
dans l'article, sans que l'on fasse de distinction
entre les éditeurs pour savoir s'ils exploitaient ou
non une entreprise ou se livraient ou non à des
activités sans but lucratif, ou si l'édition était ou
non leur entreprise ou activité principale.
L'année 1968 a connu une modification impor-
tante. L'article 4 de la Loi modifiant la Loi sur les
postes, S.C. 1968-1969, chap. 5, a abrogé les arti
cles 11 et 12 de la Loi et les a remplacés par les
nouveaux articles 11 et 12. L'article 2 de la loi
modificatrice a ajouté un nouvel alinéa t) à l'arti-
cle 6 de la Loi sur les postes qui confère au
ministre des Postes des pouvoirs de réglementa-
tion. Le nouvel alinéa a ajouté le pouvoir d'établir
des règlements:
6....
t) concernant l'enregistrement des journaux et périodiques
auprès du ministère des Postes aux fins de l'article 11 ou de
l'article 12, y compris la formule à utiliser et la façon de
procéder pour faire une demande d'enregistrement ou de
renouvellement d'enregistrement, les droits à acquitter lors
de la production d'une semblable demande et la période de
validité d'un enregistrement ou du renouvellement d'un
enregistrement;
La Loi sur la Société canadienne des postes a
abrogé la Loi sur les postes et l'ancien paragraphe
11(1) de celle-ci est devenu l'article 3.1 du Règle-
ment sur les objets de la deuxième classe.
La formulation du nouveau paragraphe 11(1),
introduit en 1968 dans la Loi sur les postes,
ressemble à celle du présent article 3.1 du Règle-
ment. L'ancien paragraphe de la Loi et le présent
article 3.1 du Règlement diffèrent sur un point. Le
paragraphe 11(1) contenait un alinéa o) qui a été
abrogé. L'alinéa o) avait pour effet d'exclure du
bénéfice du taux de port mentionné dans l'article
une publication décrite à l'alinéa b) ou à l'alinéa c)
du paragraphe et destinée principalement à pro-
mouvoir l'intérêt des membres d'une profession
particulière.
Sous le régime de l'alinéa (1)b) du nouvel article
[11] introduit en 1968, les taux spéciaux réservés
aux journaux et périodiques canadiens s'appli-
quaient aux journaux et aux périodiques principa-
lement consacrés à des sujets tels que la sylvicul-
ture, la pêche, la critique sociale ou littéraire, la
littérature, les arts ou qui sont des publications
académiques ou des publications savantes, ainsi
qu'aux journaux et aux périodiques consacrés à la
religion, aux sciences et à l'agriculture comme
auparavant. L'alinéa (1)c) a également rendu les
taux spéciaux applicables à un journal canadien ou
à un périodique canadien «qui est principalement
consacré au progrès de la santé publique et est
publié par un organisme sans but lucratif à struc
ture nationale ou provinciale».
Les modifications ont donc élargi la catégorie
des publications auxquelles s'appliquent les taux
de port des objets de la deuxième classe. Elles ont
toutefois limité la catégorie des personnes pouvant
se prévaloir de ces taux. Cette limitation s'est
réalisée avec la promulgation des alinéas h) et i).
On peut certainement soutenir, comme la requé-
rante l'a fait, que l'alinéa h) ne vise que les
personnes qui se livrent à des activités dont l'objet
prépondérant est de réaliser des profits. Interpréter
l'alinéa de cette façon revient à interpréter l'ex-
pression «activité principale» comme signifiant non
pas simplement une «activité principale», mais une
«activité principale visant un but lucratif», ce qui
aurait pour conséquence de considérer l'alinéa h)
comme concernant les personnes qui se livrent à de
telles activités et l'alinéa i) comme visant les per-
sonnes dont les activités ne visent pas un but
lucratif, et comme limitant l'application des taux
de port des objets de la deuxième classe à certaines
d'entre elles, mais non pas à toutes. Il en résulte-
rait que les personnes qui se livrent à des activités
visant un but lucratif ne pourraient pas bénéficier
de l'enregistrement des objets de la deuxième
classe si leur activité principale n'est pas l'édition
et si le journal canadien ou le périodique canadien
dont elles demandent l'enregistrement est publié
accessoirement à l'activité principale du requérant
ou en vue du progrès de cette activité. Cela étant,
il semblerait que cet alinéa aurait pour but de
refuser les taux de port spéciaux à une personne en
affaires qui vise un but lucratif et dont l'activité
principale est autre que l'édition, par exemple la
fabrication et la vente de machines ou de produits
de consommation, si le journal ou le périodique
publié vise simplement à promouvoir cette activité.
Cette interprétation permettrait d'enregistrer,
comme objets de la deuxième classe, des journaux
ou périodiques canadiens visés aux alinéas a) et b)
ou c) si la personne qui demande l'enregistrement
n'était pas assujettie à l'alinéa h), quelle que soit
son activité principale. Suivant cette interpréta-
tion, il semblerait que l'alinéa i) vise à limiter les
associations mentionnées (qui sont en général à
but non lucratif) aux droits de port des objets de la
deuxième classe pour les journaux et périodiques
visés par les alinéas b) et c): on pourrait expliquer
cette interprétation en disant que, étant donné le
caractère des associations mentionnées à l'alinéa
i), elles s'adressent probablement à un public res-
treint dont les intérêts pourraient être adéquate-
ment servis par la nature quelque peu spécialisée
des périodiques visés aux alinéas b) et c) par
comparaison avec ceux prévus à l'alinéa a). Néan-
moins, une telle interprétation aurait pour consé-
quence étrange de limiter les personnes visées par
l'alinéa i) à l'enregistrement de périodiques prévus
aux alinéas b) et c), alors que d'autres personnes
qui ne se livrent pas à des activités visant un but
lucratif pourraient également enregistrer des
périodiques prévus à l'alinéa a).
Il existe, je crois, une meilleure interprétation de
l'alinéa h), interprétation qui répond mieux à ses
fins. Cet alinéa vise, si je comprends bien, à refuser
l'enregistrement d'un journal ou périodique, autre-
ment admissible, si les affaires principales, activité
principale s'entend, de son éditeur sont autres que
l'édition. Il existe néanmoins une exception. Même
en pareil cas, le journal ou périodique peut être
enregistré s'il n'est pas publié accessoirement à
l'activité principale de l'éditeur ou en vue du pro-
grès de cette activité. L'emploi du mot «activité»
dans l'expression «activité principale» a pour effet
d'éliminer, lorsqu'il s'agit de déterminer l'activité
principale d'une personne requérant l'enregistre-
ment, toute activité à laquelle elle se livre et qui ne
saurait être considérée comme une «activité com-
merciale» au sens large dans lequel cette expres
sion a été utilisée dans au moins quelques décisions
que j'ai citées, selon lequel «n'importe quel devoir
ou occupation qui exige de l'attention» est consi-
déré comme une affaire. Son emploi dans l'alinéa
exclut, pour les fins de la détermination de l'acti-
vité principale, les activités d'un éditeur qui
seraient, dans le sens courant, considérées par
exemple comme un divertissement (voir Customs
and Excise Comrs v. Lord Fisher, [1981] 2 All
E.R. 147 (Q.B.D.)) ou comme un enseignement
gratuit dispensé régulièrement en exécution d'une
obligation sociale ou morale (voir Abernethie v.
A.M. & J. Kleiman Ltd., [1970] 1 Q.B. 10
(C.A.)). Il est facile d'imaginer d'autres exemples.
Telle est la façon d'aborder le sens du mot
«activité» dans les deux affaires que je viens de
mentionner. Je peux dire que j'ai trouvé l'affaire
Lord Fisher particulièrement utile. Dans cette
affaire, le passe-temps principal du contribuable
était la chasse aux faisans. Il invitait toujours des
amis et des parents à chasser sur son terrain. Les
invités contribuaient au coût de la chasse, mais le
contribuable ne faisait pas de celle-ci un moyen de
réaliser des profits. On a imposé au contribuable
une taxe sur la valeur ajoutée des contributions
parce que celles-ci constituaient une contrepartie
des services fournis dans le cadre d'une entreprise
exploitée par le contribuable. Le tribunal des
impôts a accueilli l'appel formé contre la cotisa-
tion. La Division du Banc de la Reine a rejeté
l'appel de la décision du tribunal. Le juge Gibson
tient ces propos à la page 159:
[TRADUCTION] Enfin, c'est dans l'affaire Town Investments
Ltd v Department of the Environment [1977] 1 All ER 813, à
la p. 835, [1978] AC 359, la p. 402, qu'on trouve le deuxième
membre de phrase figurant dans le premier critère énoncé par
l'avocat de la Couronne: «une occupation sérieuse, qui ne se
restreint pas nécessairement à des entreprises commerciales ou
visant un but lucratif». L'affaire portait sur l'ordonnance dite
Counter -Inflation (Business Rents) Order de 1972, SI 1972 No
1850, qui imposait des restrictions à l'augmentation des baux
commerciaux. La définition d'un tel bail ressemblait à celle
donnée dans le Landlord and Tenant Act de 1954. Il se pose
dans cette affaire la question de savoir si l'occupation et
l'utilisation de locaux par des fonctionnaires, au nom de la
Couronne, et pour ses fins, constituaient une occupation pour
les fins d'une entreprise exploitée par la Couronne à titre de
locataire.
Lord Diplock a considéré le mot «affaire» comme un camé-
léon étymologique parce que son sens dépendait du contexte
dans lequel il se trouve (voir [1977] 1 All ER 813, à la p. 819,
[1978] AC 359, à la p. 383). Il a cité l'opinion incidente du lord
juge Lindley dans l'affaire Rolls y Miller (1884), 27 Ch D 71,
à la p. 88, [1881-5] All ER Rep 915, à la p. 920, que j'ai déjà
citée et où on a comparé affaire avec plaisir. Lord Diplock a
alors conclu que le sens du mot «commercial» dans la définition
de «bail commercial» donnée dans les deux ordonnances n'était
pas moins large que celui qui a été interprété dans les clauses
de baux restreignant l'utilisation de locaux cédés à bail.
Voici les propos tenus par lord Kilbrandon ([1977] 1 All ER
813, à la p. 835, [1978] AC 359, à la p. 402):
«Quant au sens du mot "affaire" défini dans la loi, je me
contenterai de souscrire à l'argument invoqué pour le minis-
tère, savoir qu'il implique l'exercice d'une occupation
sérieuse, qui ne se restreint pas nécessairement à des entre-
prises commerciales ou visant un but lucratif.»
À mon avis, l'expression «occupation sérieuse» utilisée par
lord Kilbrandon ne visait pas un hobby, un plaisir ou un
passe-temps auquel un homme se livre avec une application et
une organisation pas plus sérieuses que ne l'exige la nature de
l'activité elle-même.
La conclusion, que j'ai tirée, selon laquelle le vrai sens du
mot «affaire» dans le contexte de la Loi de 1972 exclut toute
activité qui n'est pas plus qu'une partie de plaisir et qu'une
activité sociale ne signifie pas qu'une activité à laquelle se livre
un contribuable ne saurait en droit être commerciale s'il
l'exerce pour son plaisir et en tire profit sur le plan social. Il
n'est pas difficile, par exemple, d'imaginer le cas où un homme
qui gère des biens comme ceux du contribuable, organiserait ses
activités de chasse de manière que celles-ci soient considérées à
juste titre comme une entreprise. Le fait d'aimer et de prati-
quer ce sport depuis longtemps et d'apprécier vivement la
compagnie d'autres personnes qui font de la chasse et qui sont
certainement bons chasseurs ne saurait par là empêcher l'acti-
vité d'être une «entreprise» si à d'autres égards elle en est une.
Voici le résumé des propos que j'ai tenus sur le
sens du mot «activité» employé à l'alinéa h): les
modifications apportées à la Loi sur les postes en
1968 (qui se trouvent dans le Règlement) visent,
selon mon interprétation, à élargir la catégorie des
journaux et périodiques enregistrables comme
objets de la deuxième classe, mais aussi à limiter le
droit de demander l'enregistrement des objets de la
deuxième classe aux personnes dont l'activité prin-
cipale est l'édition, compte tenu, bien entendu, des
exceptions importantes mentionnées à l'alinéa h).
L'emploi du mot «activité» à l'alinéa h) indique
clairement que, pour déterminer si l'activité princi-
pale d'un éditeur est l'édition, on ne doit pas tenir
compte des activités qui, au sens large, ne sau-
raient à juste titre être considérées comme des
[TRADUCTION] «activités commerciales». Cela
limite l'éventail des activités qu'il faut examiner
pour chercher à déterminer l'activité principale
d'un éditeur qui demande l'enregistrement d'une
publication.
On pourrait, je suppose, dire que l'intention était
d'aider les entreprises sans but lucratif en leur
permettant de bénéficier des privilèges des objets
de la deuxième classe. Toutefois, je ne vois rien
dans les dispositions de la Loi qui indique une telle
intention. En fait, à l'alinéa c), le rédacteur a
distingué en termes clairs et précis les activités
visant un but lucratif et les autres lorsque telle
était son intention. Je trouverais étrange qu'il ne
l'ait pas fait à l'alinéa h) si celui-ci avait visé un tel
but.
Je conviens avec le président que l'emploi de
l'expression «l'activité principale» dans la version
française de l'alinéa h) justifie une interprétation
large de «principal business». D'autre part, l'emploi
de l'expression «principal business» dans la version
anglaise laisse entendre que l'expression «l'activité
principale» devrait faire l'objet d'une interpréta-
tion plus restreinte qu'une interprétation littérale.
Chaque version de l'alinéa h) fait partie du con-
texte dans lequel l'autre doit être interprétée: voir
E. A. Driedger, Construction of Statutes, (2° éd.,
1983), à la page 165. Lorsque les deux versions
sont lues en corrélation, elles justifient, selon moi,
le sens que j'attribue à l'expression «principal busi
ness» de l'alinéa h).
Selon mon interprétation, l'alinéa i) vise parti-
culièrement le cas de certains journaux et périodi-
ques qui pourraient ne pas être enregistrés comme
objets de la deuxième classe si aucune exception au
principe posé à l'alinéa h) n'existait. En vertu de
l'alinéa i), un journal canadien ou un périodique
canadien publié par une association d'entraide
mutuelle, une association commerciale, profession-
nelle ou autre (L'Association des consommateurs
du Canada c. Le ministre des Postes, [1975] C.F.
11 (C.A.)) ou sous les auspices de celles-ci, ou par
un syndicat ouvrier, une coopérative de crédit ou
de consommation ou une congrégation religieuse
locale peut être enregistré comme un objet de la
deuxième classe bien que l'édition puisse ne pas
être l'activité principale de l'association, si la
publication est visée par l'alinéa b) ou c).
Par ces motifs, je rejette l'argument de la requé-
rante selon lequel le président a commis une erreur
de droit en décidant que le mot «activité» est assez
large pour inclure ' les activités exercées par le
Conference Board. J'estime notamment que le pré-
sident a eu raison de décider que le mot «activité»
employé à l'alinéa h) n'est pas limité à des activi-
tés visant un but lucratif. Les activités du Confe
rence Board peuvent revêtir tous les caractères
d'une entreprise. Ces activités, notamment la
recherche, la communication et les autres services
fournis par le Conference Board à ses membres et
à d'autres personnes sont exercées par un person
nel à plein temps et ce, quotidiennement, comme
s'il s'agissait d'une «occupation» exigeant une
attention continue. Dans une brochure d'informa-
tion intitulée The Conference Board in Canada
figure ce passage:
[TRADUCTION] Pour fournir aux associés le contenu détaillé
de sa grande variété de services, le Conference Board engage un
grand nombre d'employés à temps plein qui sont des chercheurs
professionnels dans diverses disciplines. Ces personnes se livrent
non seulement à des recherches initiales dans des domaines
intéressant les décideurs et comprenant toutes les facettes
principales de l'activité économique canadienne, mais s'occu-
pent aussi, activement, de diffuser aux associés les résulats de
leurs recherches par des publications et d'autres moyens d'in-
formation. Aux fins d'organisation, le personnel de recherche et
les programmes du Conference Board se divisent en deux
groupes—économie et gestion. Les ressources dont disposent les
associés par l'entremise de ces deux groupes sont décrites
séparément ci-dessous.
Je ferai également remarquer qu'au moins cer-
taines des activités d'édition semblent revêtir un
caractère commercial. La publication Consumer
Markets Update contient cette annonce:
[TRADUCTION] La revue Consumer Markets Update est
publiée trimestriellement par le Conference Board du Canada
et distribuée à tous les associés qui doivent recevoir cette
publication. Les non-associés du Conference Board peuvent s'y
abonner au prix annuel de 50 $ (4 numéros).
Une publication connexe, le Survey of Consumer Buying Inten
tions, donne les résultats détaillés d'une étude faite sur une base
régulière des attitudes et intentions d'achat des ménages cana-
diens. Tant les associés que les non-associés du Conference
Board du Canada peuvent se procurer par abonnement les
résultats détaillés de l'étude. Envoyez vos demandes de rensei-
gnements au Centre d'information des publications du Confe
rence Board du Canada.
Ayant décidé que le Conference Board exerce
une «activité», au sens large du terme, le président
a jugé que l'édition n'est pas son activité principale
et que l'édition à laquelle elle se livre est accessoire
à son activité principale et vise à promouvoir le
progrès de cette activité. Les conclusions du prési-
dent sur ces points se trouvent dans le passage
suivant de sa décision:
[TRADUCTION] Quant à la question de l'«activité principale», il
me semble que, aux fins de l'espèce, l'activité principale du
Conference Board (pour paraphraser votre description générale
de ses objectifs), peut être définie de la façon suivante:
I. faire des recherches; et
2. communiquer les résultats des recherches à ses membres et à
d'autres personnes par divers moyens.
Les publications sont l'un des moyens par lesquels le Confe
rence Board communique les résultats de ses recherches, mais
c'est la communication des résultats, plutôt que l'édition elle-
même, qui constitue son «activité principale». L'édition est
auxiliaire ou accessoire à l'«activité principale» qui consiste en
la communication des résultats; elle aide à l'avancement ou au
progrès de cette «activité principale», mais ne constitue pas en
soi l'«activité principale» du Conference Board. La troisième
question susmentionnée est donc tranchée.
Ce passage n'est pas très clair. Le président
semble dire que l'activité principale du Conference
Board consiste à faire des recherches et à commu-
niquer les résultats de ses recherches à ses mem-
bres et à d'autres personnes par divers moyens.
Mais il semble dire également que la «communica-
tion des résultats» est l'«activité principale» du
Conference Board.
Pour déterminer l'intention du président dans le
passage cité, je trouve utile l'argument de l'intimé
concernant l'«activité principale» du Conference
Board. D'après lui, il ressort des déclarations
mêmes du Conference Board que [TRADUCTION]
«son activité principale est une combinaison de ses
deux fonctions mentionnées: faire des recherches et
communiquer les résultats de ses recherches par
divers moyens.» J'estime que c'est ce que le prési-
dent a voulu dire dans la première phrase du
passage cité. Toujours selon l'intimé: [TRADUC-
TION] «La fonction de communication est exercée
par divers moyens, l'édition n'étant pas le seul.» A
mon avis, c'est ce que le président a voulu dire
dans la deuxième phrase du passage cité, qui com
mence par [TRADUCTION] «Les publications sont
l'un des moyens ...».
Déterminer en quoi consiste l'activité principale
du Conference Board et établir, au cas où son
activité principale ne serait pas l'édition, si celle-ci
est accessoire à son activité principale ou vise à
promouvoir le progrès de cette activité sont des
conclusions de fait qu'il n'y a pas lieu de modifier
en l'absence d'une erreur de droit. Et le président a
effectivement conclu, si je comprends bien le pas
sage où figurent ses conclusions, que l'édition n'est
pas l'activité principale du Conference Board et
que l'édition à laquelle il se livre est accessoire à
son activité principale et vise à promouvoir le
progrès de cette activité.
La requérante fait valoir que le président a
commis une erreur de droit en tirant ces conclu
sions. D'après son avocat, si l'expression «activité
principale» s'applique à la requérante, l'édition fait
partie intégrante de cette activité. Il a prétendu
que, pour déterminer l'«activité principale» du
Conference Board, [TRADUCTION] «tous les élé-
ments constitutifs de son entreprise qui font partie
intégrante de ses opérations doivent être pris en
compte.» Cet argument portait que [TRADUCTION]
«Une partie intégrante des opérations d'une com-
pagnie n'est pas une activité commerciale dis-
tincte». À cet égard, l'avocat s'est appuyé sur
l'arrêt Minister of National Revenue v. Consoli
dated Mogul Mines Limited, [1969] R.C.S. 54.
Dans cette affaire, la contribuable a cherché à
déduire certaines dépenses en vertu de ce qui était
alors le paragraphe 83A(3) de la Loi de l'impôt
sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148]. À cette
fin, elle devait établir que son activité principale
dans les années d'imposition en cause était «l'ex-
ploitation minière ou l'exploration pour la décou-
verte de minéraux», ce qu'elle a réussi à faire. Le
juge Spence s'exprime en ces termes aux pages 59
et 60:
[TRADUCTION] Cette opération était-elle toutefois son activité
principale? Encore une fois, l'avocat du Ministre a insisté sur
l'important portefeuille d'investissements détenu par l'intimée
et a prétendu que l'entreprise principale de celle-ci était la
gestion de ce portefeuille. En général, on peut dire que bien que
la source du revenu d'une société soit un élément important à
prendre en compte pour déterminer quelle est son activité
principale, elle ne constitue pas la seule question à examiner et
n'est pas nécessairement le facteur déterminant. Voir les motifs
du juge Cameron dans l'affaire American Metal Company v.
M.R.N., précitée, à la p. 307.
Comme l'a fait remarquer le membre de la Commission
d'appel de l'impôt:
Ainsi donc, il semblerait raisonnable de présumer que les
multiples arrangements qui existent entre les compagnies
minières et le fait de jongler constamment avec les posses
sions d'actions pour les diverses fins qui s'imposent font
partie intégrante de l'entreprise minière. À mon avis, c'est
mal comprendre l'entreprise minière que de considérer les
ententes de financement d'une compagnie minière comme
une activité commerciale distincte de l'exploitation minière.
De toute évidence, le financement d'une compagnie minière
fait partie intégrante de son entreprise.
La requérante a fait valoir que l'édition fait
partie intégrante de l'entreprise du Conference
Board et n'est pas une activité commerciale dis-
tincte. L'édition fait partie intégrante de l'entre-
prise, à tel point qu'est en vérité le rôle du Confe
rence Board et constitue ainsi son «activité
principale». La publication des résultats de ses
recherches et de ses analyses constitue, dit-on, la
«raison d'être» du Conference Board. On a soutenu
que [TRADUCTION] «les publications sont le moyen
principal par lequel les résultats des recherches et
des autres activités de la requérante au Canada
sont rendus publics et . la requérante est deve-
nue une éditrice importante.»
En réponse à cet argument, l'intimé a soutenu
que [TRADUCTION] «la question de savoir si l'édi-
tion" fait partie intégrante de l'entreprise de la
requérante ou est [TRADUCTION] "une activité
distincte" n'est pas appropriée aux fins de définir
l'expression "activité principale» qui figure à.l'ali-
néa 3.1h). «Une [TRADUCTION] "entreprise" se
compose typiquement de diverses activités consti-
tutives et connexes comme dans le cas de la requé-
rante.» L'alinéa 3.1h) [TRADUCTION] «exige toute-
fois de déterminer l'entreprise ou activité
principale de la requérante.» Je suis d'accord.
La requérante a également fait valoir que le
président a commis une erreur de droit en con-
cluant que l'édition n'est pas l'activité principale
du Conference Board parce qu'il n'a pas d'abord
examiné et comparé tous les faits concernant
chacun des différents types d'activité. L'avocat a
cité à l'appui de cet. argument l'extrait suivant du
jugement rendu par le juge Spence dans Consoli
dated Mogul Mines Limited, à la page 57:
[TRADUCTION] Voici ce que le juge Cameron a dit dans
l'affaire American Metal Company of Canada Ltd. v. Minister
of National Revenue [1952] C.T.C. 302, la p. 306, propos
de l'expression «une corporation s'occupant principalement
d'exploitation minière ou d'exploration pour la découverte de
minéraux ...», Statuts du Canada, 1947, chap. 63, par. 16(4):
L'expression «s'occupant principalement de» n'est définie
dans ni l'une ni l'autre Loi, et l'expression n'a pas, autant que
je sache, fait l'objet d'une interprétation judiciaire. À mon
avis, il s'agit d'une question de fait qu'il faut trancher en
examinant et en comparant tous les faits relatifs à chacun
des divers types d'activité de la société.
Il est vrai que le président n'examine pas expres-
sément tous les faits qui pourraient être appropriés
eu égard à ses décisions. Néanmoins, je ne saurais
présumer qu'il ne l'a effectivement pas fait.
L'avocat de la requérante a également prétendu
que le président a commis une erreur de droit en
décidant que l'édition est accessoire à l'activité
principale du Conference Board. A l'appui de cet
argument; il a donné les mêmes motifs que ceux
qu'il avait invoqués pour étayer sa prétention que
le président a commis une erreur en concluant que
l'édition n'est pas l'activité principale du Confe
rence Board.
En ce qui concerne la contestation par la requé-
rante de ces conclusions du président, il est impor
tant de remarquer que, suivant les propos du juge
Cameron cités par le juge Spence dans Consolida
ted Mogul Mines Limited, les conclusions contes-
tées portent sur des questions de fait. La question
se pose alors de savoir s'il y a dans le dossier des
éléments qui permettaient au président de décider
comme il l'a fait. J'estime que oui. L'intimé a fait
valoir que, pour communiquer les résultats de ses
recherches, la requérante a reconnu avoir recours à
la fois à l'édition et à d'autres moyens [TRADUC-
TION] «tels qu'un service d'information, un pro
gramme dynamique de conférences et de séminai-
res, des causeries, des systèmes de traitement en
direct avec l'ordinateur, etc.» Il y a dans le dossier
des éléments de preuve qui étaient cet argument.
Pour tous ces motifs, je rejette la demande
fondée sur l'article 28.
LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE MAHONEY: Je souscris aux motifs
ci-dessus.
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