A-294-83
Raymond Lussier (appelant)
c.
Robert Collin (intimé)
Cour d'appel, juges Pratte, Marceau et Huges-
sen—Montréal, 11 et 12 décembre 1984.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Le juge de
première instance a accordé un bref de certiorari annulant le
transfèrement à un autre pénitencier, et des dommages-intérêts
— L'allégation selon laquelle le transferement portait atteinte
à la sécurité de la personne n'est pas établie — L'octroi de
dommages-intérêts est sans fondement — La validité du
transfèrement n'a plus aucun intérêt pratique puisque l'intimé
a été élargi.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Pénitenciers —
Appel de la décision portant annulation du transfèrement et
octroi de dommages-intérêts — La demande de dommages-
intérêts est fondée sur une violation de l'art. 7 de la Charte —
L'intimé était en mauvaise santé — L'allégation selon laquelle
le transfèrement à un autre pénitencier portait atteinte à la
sécurité de sa personne n'est pas établie — Même si on
suppose que l'art. 24 de la Charte donne à l'intimé le droit de
réclamer des dommages-intérêts, les règles de procédure ne
permettent pas qu'une telle condamnation puisse être pronon-
cée sur simple requête — Cette partie du jugement attaqué qui
a accordé les dommages-intérêts est sans fondement — Charte
canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7, 24.
Pratique — Le recours sous le régime de l'art. 24 de la
Charte n'est pas possible par voie de requête — La Charte ne
permet pas d'ignorer les règles de procédure — Agir par voie
de requête porterait atteinte au droit du défendeur de faire
valoir tous ses moyens de défense — La condamnation aux
dommages-intérêts doit être écartée du jugement entrepris —
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie
I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 24.
AVOCATS:
S. Barry pour l'appelant.
N. Daignault pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelant.
Daignault & Lemonde, Montréal, pour
l'intimé.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE PRATTE: Le jugement attaqué a fait
droit à une requête en certiorari présentée par
l'intimé alors qu'il purgeait une peine d'emprison-
nement dans une institution fédérale. Ce jugement
[[1983] 1 C.F. 218], d'une part, a cassé la décision
ordonnant que l'intimé soit transféré de l'Institu-
tion Leclerc à l'Institution Laval et, d'autre part, a
condamné l'appelant à payer à l'intimé la somme
de 18 136 $ à titre de dommages-intérêts.
Le juge a fondé sa condamnation à des domma-
ges-intérêts sur une prétendue violation de l'article
7 de la Charte canadienne des droits et libertés
[qui constitue la Partie I de la Loi constitution-
nelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)], violation qui
aurait résulté de ce que, étant donné l'état de santé
de l'intimé, son transfèrement dans une autre insti
tution pénitentiaire portait atteinte à la sécurité de
sa personne. À mon avis, cette partie du jugement
attaqué est nettement mal fondée. Rien dans la
preuve ne permettait de dire que le transfèrement
de l'intimé portait atteinte à la sécurité de sa
personne. De plus, même si l'intimé avait eu le
droit de réclamer des dommages-intérêts, il ne
pouvait certainement faire valoir cette réclamation
par simple requête. En effet, même si on suppose
que l'article 24 de la Charte donne le droit de
réclamer des dommages-intérêts, il n'autorise cer-
tainement pas à ignorer les règles de procédure qui
prescrivent comment pareilles réclamations doi-
vent être faites. Il s'ensuit que cette partie du
jugement attaqué qui a accordé les dommages-
intérêts à l'intimé doit être cassée.
Quant au reste du jugement, il ne convient pas
de se prononcer sur son bien-fondé. La seule ques
tion qu'il soulève est celle de la validité de la
décision prise au sujet du transfèrement de l'in-
timé. Or, cette question n'a plus aucun intérêt
pratique puisque, suivant ce que les avocats nous
ont dit à l'audience, l'intimé a maintenant été
élargi.
Pour ces motifs, je casserais cette partie du
jugement attaqué qui a condamné l'appelant à
payer des dommages-intérêts à l'intimé et modifie-
rais le jugement en conséquence; pour le reste, je
rejetterais l'appel sans frais au motif que le problè-
me qu'il soulève est maintenant dénué d'intérêt
pratique.
LE JUGE MARCEAU: Je souscris à ces motifs.
* * *
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE HUGESSEN: D'accord avec mes collè-
gues, je considère que la condamnation aux dom-
mages-intérêts doit être écartée du jugement entre-
pris. Les règles de procédure ne permettent pas
qu'une telle condamnation puisse être prononcée
sur simple requête; prétendre le contraire porterait
gravement atteinte aux droits du défendeur de
faire valoir tous ses moyens de défense.
Quant au reste du jugement entrepris, l'on nous
a informés à l'audience que l'intimé n'est plus
détenu dans aucune institution fédérale et qu'il
bénéficie maintenant d'une libération condition-
nelle complète. Dans mon opinion, le débat quant
à la légalité de son transfert d'une institution dans
une autre est donc devenu sans objet, quels que
soient les motifs invoqués par le premier juge pour
rescinder ce transfert. Dans ces circonstances, je
considère qu'il n'est pas opportun que nous nous
prononcions sur les questions soulevées.
Je conclurais comme mes collègues.
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