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T-4780-76
Canamerican Auto Lease & Rental Limited (fai- sant affaires sous la dénomination sociale «Hertz») et Hertz Canada Limited (faisant affai- res sous la dénomination sociale «Hertz») (demanderesses) (intimées)
c.
La Reine (défenderesse) (requérante)
Division de première instance, juge Dubé—Mont- réal, 18 juin; Ottawa, 20 juin 1984.
Pratique Requête, en application de la Règle 480, en ordonnance d'instruction de l'action, sur la question de la responsabilité uniquement, et en renvoi de la question des dommages-intérêts en référence Affaire concernant un appel d'offres pour services de location de voitures aux aéro- ports internationaux Opposition des demanderesses à la référence vu l'état de préparation avancé de l'affaire, les dépenses déjà engagées sur la question des dommages et une éventuelle répétition des témoignages Requête rejetée La Règle 480 a pour but de réduire au minimum les frais d'une action Lorsqu'il n'y a pas acquiescement des parties, une référence ne devrait pas être imposée si la demanderesse s'y oppose, à moins qu'il ne soit raisonnablement certain qu'elle permettrait d'économiser temps et argent Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 480.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS CITÉES:
Brouwer Turf Equipment Ltd. c. A and M Sod Supply Ltd., [1977] 1 C.F. 51 (C.A.); Baxter Travenol Labora tories of Canada, Ltd. c. Cutter Ltd., [1982] 1 C.F. 388 (1" inst.).
AVOCATS:
Raymond D. LeMoyne pour les demanderes- ses (intimées).
Donald J. Rennie pour la défenderesse (requérante).
PROCUREURS:
Doheny Mackenzie, Montréal, pour les demanderesses (intimées).
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse (requérante).
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DUSÉ: Par requête, la défenderesse conclut en application de la Règle 480 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] une ordon-
nance disant que l'action des demanderesses doit être instruite sur la question de la responsabilité uniquement et que la question des dommages-inté- rêts doit faire l'objet d'une référence.
En substance, les demanderesses soutiennent dans leur action qu'en 1976, lors de son appel d'offres pour services de location de voitures, dans neufs principaux aéroports internationaux du Canada, puis à l'adjudication, le ministère des Transports s'est écarté des spécifications qu'il avait données avant l'appel d'offres, ce qui fait qu'un concurrent des demanderesses (Avis Rent a Car) a conservé ses concessions, privant ainsi les deman- deresses d'un bénéfice de l'ordre de 5 000 000 $.
L'action a été engagée en décembre 1976. Un chassé-croisé d'exceptions interlocutoires s'en est suivi. Des efforts considérables ont été consacrés à la communication de preuves littérales et autres concernant la question des dommages-intérêts beaucoup plus que la question de la responsabilité. La défenderesse soutient qu'en raison de l'impor- tance de la préparation qu'il reste encore à faire au sujet des dommages-intérêts, l'affaire est loin d'être en état. Au procès, la défenderesse entend citer cinq témoins, dont quatre experts auxquels il sera demandé de se prononcer sur la question du montant du dommage. Elle soutient donc qu'il est dans l'intérêt des deux parties de séparer les deux questions: la date de l'instruction devrait être avancée et la question de la responsabilité résolue; alors la question des dommages-intérêts pourrait ne plus se poser.
Le but véritable de la Règle 480, c'est que les frais de l'action soient réduits au minimum'. La Cour doit déterminer s'il ne serait pas plus écono- mique de connaître d'abord de la question de la responsabilité, puis éventuellement de celle des dommages-intérêts, si nécessaire. Il est souvent difficile de savoir à l'avance si une référence va accélérer l'instance ou si, au contraire, elle peut aboutir à la création de deux instances au lieu d'une et même susciter deux appels différents. Lorsqu'il n'y a pas acquiescement, il me semble que le juge saisi de la requête ne devrait pas imposer la référence, surtout si le demandeur s'op-
' Voir le juge en chef Jackett dans l'espèce Brouwer Turf Equipment Ltd. c. A and M Sod Supply Ltd., [ 1977] 1 C.F. 51 (C.A.), à la p. 54.
pose vigoureusement à cette division de son action, à moins qu'il ne paraisse raisonnablement certain qu'une référence permettrait effectivement d'épar- gner temps et argent. Lorsqu'il n'y a pas consente- ment, il doit y avoir une «raison influant sur la conduite de l'action dans son ensemble» pour laquelle il faudrait ordonner une référence z .
Les demanderesses s'opposent à une référence en l'espèce, faisant valoir plusieurs motifs valables que je regroupe, pour plus de commodité, sous trois propositions distinctes.
D'abord, l'instance est en cours depuis presque huit ans. Si uniquement la question de la responsa- bilité devait être instruite maintenant, et qu'appel soit accordé de ce jugement, la référence sur les dommages-intérêts pourrait n'avoir lieu que plu- sieurs années plus tard. Un témoin est déjà décédé. Plusieurs autres ne travaillent plus pour le groupe de sociétés dont les demanderesses font partie. Et, de toute évidence, la mémoire de ceux qui survi- vent ne s'améliorent pas avec le temps.
Deuxièmement, la nature de l'affaire est telle que, pour établir la responsabilité de la défende- resse, les demanderesses devront de toute façon montrer qu'en raison du marché de la location de voitures à l'époque, elles se seraient emparées d'une partie de la clientèle d'Avis Rent a Car. Pour démontrer ce lien de causalité, les demande- resses soutiennent qu'elles doivent rapporter des preuves concernant certaines réalités, dont les méthodes de commercialisation, de vente et de publicité à l'époque en cause, qui va de 1976 à 1979, et faire témoigner des experts; ces témoigna- ges et ces preuves seraient exactement de même nature que certains témoignages et preuves néces- saires à l'établissement du montant des dommages. Certains témoins, sinon tous, devraient ainsi témoigner deux fois. En cas de référence, les demanderesses auraient à supporter le fardeau supplémentaire de diviser le témoignage de ces témoins en deux ou de revenir deux fois sur les mêmes questions.
Troisièmement, les parties ont déjà engagé des frais considérables et consacré beaucoup de temps aux interrogatoires préalables et à la communica-
2 Voir le juge Mahoney dans l'espèce Baxter Travenol Labo ratories of Canada, Ltd. c. Cutter Ltd., [1982] 1 C.F. 388 (1'e inst.), à la p. 390.
tion de pièces portant sur le montant des domma- ges; c'est un peu tard pour séparer la question du montant des dommages de celle de la responsabi- lité.
Dans les circonstances, compte tenu du cours suivi par l'action dans son ensemble et vu le préju- dice que risqueraient de subir les demanderesses, vu le dédoublement éventuel des preuves et des témoignages rassemblés et vu le stade avancé de préparation du dossier relatif à la question des dommages-intérêts, ainsi que les frais engagés à ce sujet, il ne me semble ni opportun ni raisonnable d'imposer une référence aux demanderesses contre leur volonté.
ORDONNANCE
Requête rejetée. Les dépens à suivre l'issue de l'instance.
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