A-660-83
La Reine du chef du Canada, représentée par le
conseil du Trésor (requérante)
c.
Alliance de la Fonction publique du Canada
(intimée)
et
Commission des relations de travail dans la Fonc-
tion publique (mise-en-cause)
Cour d'appel, juges Heald, Urie et Ryan—Ottawa,
les 15 et 31 janvier 1985.
Fonction publique — Exclusion d'employés de l'unité de
négociation — L'employeur a assigné à 260 employés la tâche
de s'occuper officiellement des griefs présentés au premier
palier de la procédure de règlement des griefs et de rendre en
son nom des décisions exécutoires à cet égard — L'employeur
cherche à les exclure de la négociation collective au motif qu'il
s'agirait de personnes préposées à la gestion ou à des fonctions
confidentielles — Absence de mauvaise foi — Refus de la
CRTFP d'admettre les exclusions — Étendue de la compé-
tence de la CRTFP à l'égard du contrôle des exclusions — Loi
sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C.
1970, chap. P-35, art. 2, 7, 99(4) (mod. par S.C. 1974-75-76,
chap. 67, art. 28), 100 (mod. idem, art. 29) — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Fonction
publique — Exclusion d'employés de l'unité de négociation —
L'employeur a assigné à 260 de ses employés le pouvoir de
s'occuper officiellement des griefs au premier palier de la
procédure de règlement des griefs et de rendre des décisions
exécutoires en son nom — L'employeur cherche à exclure ces
employés de la négociation collective au motif qu'il s'agirait de
personnes préposées à la gestion ou à des fonctions confiden-
tielles — Absence de mauvaise foi — Refus de la CRTFP
d'admettre les exclusions — Étendue de la compétence de la
CRTFP à l'égard du contrôle des exclusions — L'art. 28 de la
Loi sur la Cour fédérale l'emporte sur la clause privative
contenue à l'art. 100 de la Loi et rend celui-ci inapplicable —
Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, chap. P-35, art. 2, 7, 99(4) (mod. par S.C.
1974-75-76, chap. 67, art. 28), 100 (mod. idem, art. 29) — Loi
sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 28.
Compétence — Cour fédérale — Division d'appel —
Examen d'une décision de la CRTFP portant sur l'exclusion
de certains employés d'une unité de négociation — Art. 28 de
la Loi sur la Cour fédérale l'emporte sur la clause privative de
l'art. 100 de la Loi — Loi sur les relations de travail dans la
Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-35, art. 2, 7, 99(4)
(mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 67, art. 28), 100 (mod. idem,
art. 29) — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.),
chap. 10, art. 28.
Le conseil du Trésor a proposé que soient désignés pour
exclusion de l'unité de négociation 260 surintendants des doua-
nes au motif qu'ils étaient des personnes préposées à la gestion
ou à des fonctions confidentielles au sens de l'article 2 de la Loi
sur les relations de travail dans la Fonction publique. L'em-
ployeur avait assigné à chacun d'entre eux la tâche de s'occuper
de façon officielle des griefs présentés au premier palier de la
procédure de règlement des griefs et les avait investis du
pouvoir de rendre des décisions exécutoires en son nom. Le
syndicat s'est opposé à ces exclusions et l'affaire a été portée
devant la Commission des relations de travail dans la Fonction
publique qui a annulé les exclusions même si elle a conclu que
l'employeur avait effectivement assigné aux employés en cause
les fonctions susmentionnées en matière de règlement des
griefs.
La présente demande d'examen est fondée sur l'argument
que le Parlement n'a pas habilité la Commission à faire échec
au pouvoir que la Loi donne à l'employeur de désigner des
personnes dont la décision sur un grief constitue un palier de la
procédure du règlement des griefs. L'intimée prétend que si la
Commission n'avait pas la compétence pour examiner le bien-
fondé des décisions de la direction dans un cas donné, son rôle
se bornerait à servir de machine à signer. L'intimée laisse
également entendre qu'en désignant un nombre aussi important
d'employés, l'employeur pourrait circonvenir le processus de
négociation collective et en saper les fondements. La Commis
sion, elle, soutient que ses décisions sont protégées par la clause
privative contenue à l'article 100 et qu'elles ne peuvent être
annulées par un tribunal de révision que si elles sont jugées
«manifestement déraisonnables».
Arrêt: il y a lieu d'accueillir la demande.
C'est à l'employeur et non à la Commission que le Parlement
a confié la responsabilité de désigner les personnes autorisées à
rendre en son nom des décisions exécutoires dans le cadre du
processus de règlement des griefs, conformément à l'alinéa e)
de la définition de «personne préposée à la gestion ou à des
fonctions confidentielles» de l'article 2 de la Loi. Le fait pour la
Commission de conclure que l'employeur avait effectivement
assigné la tâche de s'occuper des griefs en application de la Loi
réglait le litige opposant les parties; la Commission aurait dû
s'arrêter là et trancher la question en faveur de l'employeur. La
Commission a commis une erreur de droit en examinant si la
décision de la direction était par ailleurs justifiée. Le mot
«tenus» à l'alinéa e) de la définition précitée ne saurait être
interprété comme obligeant l'employeur à démontrer que la
désignation était nécessaire, ce qui donnerait à la Commission
compétence pour faire enquête sur la nécessité d'une telle
désignation et pour exiger de l'employeur des explications
raisonnables sur une augmentation de cette importance. Ni le
mot «nécessaire» ni d'autres mots de signification analogue ne
se retrouvent à la définition; en outre, l'interprétation «libérale»
que l'intimée propose irait à l'encontre de l'article 7 de la Loi.
Cet article nous oblige à adopter une interprétation de la Loi
qui ne porte pas atteinte aux droits de la direction de détermi-
ner comment doit être organisée la Fonction publique, d'attri-
buer des fonctions aux postes et de classer ces derniers.
Rien ne justifie de conclure à la mauvaise foi de l'employeur.
Les membres de la Commission n'ont d'ailleurs pas conclu à la
mauvaise foi. Dans certaines circonstances, une conclusion de
mauvaise foi pourrait toutefois justifier l'annulation d'exclu-
sions. L'argument relatif à la clause privative de l'article 100
est dénué de fondement. L'article 100 ne s'applique pas en
l'espèce parce que la demande a été introduite en vertu de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale qui donne compé-
tence à la Cour fédérale «Nonobstant ... les dispositions de
toute autre loi .. .«
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
La Reine c. L'Association canadienne du contrôle du
trafic aérien, [1982] 2 C.F. 475 (CA.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Affaires extérieures, affaire n° 1 (1968), Recueil des
décisions C.R.T.F.P., K195; La Reine c. L'Institut pro-
fessionnel de la Fonction publique du Canada, [1980] 2
C.F. 295 (C.A.).
AVOCATS:
Eric Bowie, c.r. et Harvey A. Newman pour la
requérante.
Maurice W. Wright, c.r. et A. J. Raven pour
l'intimée.
Ian Scott, c.r. et John E. McCormick pour` la
mise-en-cause.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada, pour
la requérante.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimée.
Gowling & Henderson, Toronto, pour la
mise-en-cause.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: La Cour statue sur une
demande présentée en vertu de l'article 28 pour
faire examiner et annuler une décision rendue le 4
mai 1983 par la Commission des relations de
travail dans la Fonction publique (la Commission).
À toutes les époques en cause, l'intimée était
l'agent négociateur accrédité de tous les employés
de niveaux 1 à 7 faisant partie du groupe de
l'administration des programmes. En 1968, au
moment de l'accréditation, la requérante et l'inti-
mée se sont entendues pour désigner pour exclu
sion quelque 430 personnes employées à Revenu
Canada, Douanes et Accise, à titre de personnes
préposées à la gestion ou à des fonctions confiden-
tielles. En 1974, les parties se sont entendues pour
exclure 150 autres employés. Ces exclusions ont
été faites conformément à l'alinéa h) de la défini-
tion du mot «employé» contenue à l'article 2 de la
Loi sur les relations de travail dans la Fonction
publique, S.R.C. 1970, chap. P-35, modifiée (la
Loi). Cet alinéa est ainsi conçu:
2....
«employé» désigne une personne employée dans la Fonction
publique, sauf
h) une personne préposée à la gestion ou à des fonctions
confidentielles,
Après 1979, la requérante a proposé l'exclusion de
260 autres employés occupant un poste d'adminis-
trateur des programmes de niveau 2. Ces person-
nes sont désignées dans la convention collective
sous l'appellation PM-2. La requérante leur a
attribué le titre de surintendants des douanes. Le
motif d'exclusion avancé par la requérante est
qu'on a assigné à chacun d'entre eux la tâche de
s'occuper de façon officielle, pour le compte de
l'employeur, des griefs présentés au premier palier
de la procédure de règlement des griefs et que, par
conséquent, ils tombent sous le coup de l'alinéa e)
de la définition de «personne préposée à la gestion
ou à des fonctions confidentielles» de l'article 2 de
la Loi. Lo passage de l'alinéa e) qui nous intéresse
est ainsi libellé:
2....
«personne préposée à la gestion ou à des fonctions confidentiel-
les» désigne toute personne qui
et comprend toute autre personne employée dans la Fonction
publique ... chaque fois qu'un agent négociateur d'une unité
de négociation a été accrédité par la Commission, est dési-
gnée de la manière prescrite par l'employeur, ou par la
Commission lorsque l'agent négociateur s'y oppose, pour être
une personne
e) qui est tenue, en raison de ses fonctions et de ses responsa-
bilités, de s'occuper officiellement, pour le compte de l'em-
ployeur, d'un grief présenté selon la procédure applicable aux
griefs, établie en vertu de la présente loi,
L'intimée s'est opposée à la totalité des 260
désignations supplémentaires proposées. Le litige
opposant les parties a, par conséquent, été porté
devant la Commission.
La Commission a décidé, à la majorité, qu'au-
cune des 260 autres personnes dont l'employeur
proposait l'exclusion ne devait être désignée con-
formément à l'alinéa e) de la définition de «per-
sonne préposée à la gestion ou à des fonctions
confidentielles» contenue à l'article 2 de la Loi. Le
membre dissident de la Commission s'est tacite-
ment rallié à l'opinion de la majorité qui affirmait
que la Commission avait compétence pour faire
enquête sur la «qualité» de la décision de la direc
tion. Il a toutefois rejeté l'interprétation que ses
confrères ont donnée des faits et en est venu à la
conclusion que l'employeur avait démontré, tout
au moins de prime abord, que sa désignation avait
été faite de bonne foi et que, compte tenu des faits,
la décision de l'employeur était «à la fois logique,
pratique et conforme aux dispositions et objectifs
de ladite loi».
La requérante prétend que la Commission a
commis une erreur de droit et qu'elle a outrepassé
sa compétence en refusant de désigner les 260
PM-2 désignés, après avoir constaté que l'em-
ployeur avait effectivement assigné aux employés
en cause la tâche de recevoir et de s'occuper
officiellement des griefs au premier palier de la
procédure et leur avoir délégué le pouvoir de
rendre en son nom des décisions exécutoires. Le
syndicat intimé rétorque que la Commission a
compétence pour déterminer s'il convient d'exclure
de la négociation collective les employés dont la
désignation est proposée. Le syndicat prétend éga-
lement que la position de la requérante équivaut à
réduire les pouvoirs de la Commission à ceux d'une
simple «machine à signer» relativement aux déci-
sions de l'employeur de désigner. Il ajoute que la
position de la Commission est fondée en droit et
conforme à la Loi et qu'elle s'accorde au rôle
particulier d'expert que le Parlement reconnaît à la
Commission. L'avocat de la Commission fait valoir
que la question à trancher est celle de savoir si, au
moment d'entendre une objection de l'agent négo-
ciateur aux désignations faites par l'employeur, le
rôle de la Commission se borne à examiner si
l'employeur a effectivement assigné aux employés
désignés la responsabilité de s'occuper des griefs et
si elle les a désignés de la manière prescrite, ou 'si
la Commission peut également examiner si, en
raison des fonctions et responsabilités qui leur ont
été assignées, les employés désignés sont «tenus»,
en réalité, aussi bien qu'en principe, d'intervenir
dans le processus de règlement des griefs. L'avocat
de la Commission ne voit dans cette question
qu'une simple question de fait. En d'autres termes,
les employés désignés sont-ils tenus, en raison de
leurs fonctions et responsabilités, d'intervenir offi-
ciellement dans le processus de règlement des
griefs?
L'argumentation de l'avocat de la requérante est
simple et directe. Il cite la définition que la Loi
donne de «personne préposée à la gestion ou à des
fonctions confidentielles» (précitée) et fait observer
que lorsque, comme en l'espèce, un agent négocia-
teur a été accrédité par la Commission, que les
employés ont été désignés par l'employeur de la
manière prescrite et que l'agent négociateur s'est
opposé à ces désignations, le rôle de la Commission
se borne à constater si les fonctions et responsabili-
tés de chacun des employés désignés consistent
notamment à s'occuper officiellement de griefs
pour le compte de l'employeur. À son avis, il
ressort du texte même de la Loi, que les pouvoirs
conférés à la Commission ne sauraient avoir pré-
séance sur le pouvoir que la Loi donne à l'em-
ployeur de désigner des personnes dont la décision
sur un grief constitue le dernier palier ou un palier
quelconque de la procédure de règlement des
griefs.
L'avocat cite également les motifs de la majorité
de la Commission (dossier conjoint, vol. XXII,
page 3408) où il est déclaré:
8. Les preuves présentées, tant orales qu'écrites, au cours de la
présente audition, ont convaincu la Commission que l'em-
ployeur a satisfait aux exigences de la Loi et du Règlement
quant à la forme. L'employeur a effectivement assigné aux
employés en cause le pouvoir de recevoir et de s'occuper
officiellement des griefs au premier palier de la procédure et les
a investis du pouvoir de rendre en son nom des décisions
exécutoires, particulièrement sur des questions comme l'établis-
sement des calendriers des congés annuels, l'affectation aux
postes, les heures supplémentaires, les congés spéciaux et
autres, l'application de mesures disciplinaires dans les limites
prescrites, etc.
Fort de ce passage tiré des motifs de la majorité, la
requérante soutient que la Commission a constaté
que chacun des 260 employés dont l'exclusion était
proposée s'étaient effectivement vu assigner «le
pouvoir de recevoir et de s'occuper officiellement
des griefs au premier palier de la procédure».
L'avocat prétend en conséquence qu'après avoir
tiré cette conclusion de fait, la Commission était
tenue, aux termes de la Loi, de désigner chacun
des employés en cause et qu'elle a commis une
erreur de droit en refusant de le faire.
À l'appui de cet argument, l'avocat de la requé-
rante soutient que, pour comprendre la véritable
signification des mots employés dans la Loi, il
convient de rapprocher l'article 7 de la Loi du
paragraphe 99(4) [mod. par S.C. 1974-75-76,
chap. 67, art. 28] de la Loi. L'article 7 est ainsi
conçu:
7. Rien dans la présente loi ne doit s'interpréter comme
portant atteinte au droit ou à l'autorité que possède l'employeur
de déterminer comment doit être organisée la Fonction publi-
que, d'attribuer des fonctions aux postes et de classer ces
derniers.
Le paragraphe (4) de l'article 99 porte:
99....
(4) Pour l'application de toute disposition de la présente loi
concernant les griefs, l'employeur doit désigner la personne
dont la décision sur un grief constitue le dernier palier ou un
palier quelconque de la procédure applicable aux griefs. L'em-
ployeur doit, en cas de doute, au moyen d'un avis écrit, faire
connaître, à toute personne désirant présenter un grief ou à la
Commission, quelle est la personne dont la décision en l'espèce
constitue le dernier palier ou un palier quelconque de cette
procédure.
Sur le fondement de ces dispositions, la requérante
prétend que c'est à l'employeur et non à la Com
mission que le Parlement a confié la responsabilité
de désigner les personnes autorisées à rendre en
son nom des décisions exécutoires dans le cadre du
processus de règlement des griefs.
Je souscris à cette analyse de la question. À mon
avis, la définition de «personne préposée à la ges-
tion ou à des fonctions confidentielles» (précitée),
comprend manifestement les personnes à qui l'em-
ployeur a effectivement assigné la tâche de s'occu-
per de griefs en application de la Loi. Ainsi que
nous l'avons déjà dit, la Commission a, en l'espèce,
tiré une conclusion de fait affirmative à cet égard.
J'affirme, avec l'avocat de la requérante, que cette
conclusion a pour effet de régler le litige opposant
les parties et que la Commission aurait dû s'arrêter
là et trancher la question en faveur de l'employeur.
La raison pour laquelle j'en viens à cette conclu
sion est que les mots employés dans la définition
sont explicites et ne présentent aucune ambiguïté,
ce qui est encore plus vrai lorsqu'on les rapproche
de ceux de l'article 7 et du paragraphe 99(4) de la
Loi (précités). Je suis d'avis que la Commission a
de toute évidence commis une erreur lorsqu'elle a
affirmé qu'elle avait la compétence et la responsa-
bilité de se convaincre, à la lumière des circons-
tances de la présente affaire, du bien-fondé de la
décision de la direction. L'avocat du syndicat
intimé a fait valoir que s'il fallait retenir l'interpré-
tation défendue par la requérante, le rôle de la
Commission se bornerait à agir comme machine à
signer les décisions de l'employeur de désigner
certains employés. Il a également laissé entendre
qu'il serait facile pour l'employeur de [TRADUC-
TION] «se soustraire au processus de négociation
collective et à en saper les fondements» en usant du
simple subterfuge consistant à désigner un nombre
important d'employés. Je ne suis pas du même
avis. D'après ce que je comprends du libellé de la
définition de «personne préposée à la gestion ou à
des fonctions confidentielles» de l'article 2, la
Commission a le pouvoir et le devoir de détermi-
ner, dans le cas où il existe un agent négociateur
accrédité, où l'employeur a désigné certaines per-
sonnes et où l'agent négociateur s'est opposé à
cette désignation, si les personnes en cause corres
pondent aux catégories de personnes visées aux
alinéas c), d), e), J) ou g) de la définition. En
l'espèce, ce sont les personnes visées à l'alinéa e)
qui nous concernent. Par conséquent, la question à
décider, suivant les termes de cette disposition, est
de savoir si les personnes désignées par l'em-
ployeur sont effectivement tenues, en raison de
leurs fonctions et de leurs responsabilités, de s'oc-
cuper de griefs pour le compte de l'employeur.
Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, il
ressort des motifs de la majorité de la Commission,
qu'après avoir examiné la preuve tant orale qu'é-
crite, celle-ci s'est dite convaincue que l'employeur
avait «effectivement» assigné aux employés en
cause les fonctions visées à l'alinéa e). Cela ne
ressemble en rien à un rôle de machine à signer, à
mon avis. À cette étape, la Commission avait fait
l'enquête que la Loi l'obligeait à effectuer. Elle
aurait donc dû mettre fin à ses délibérations à ce
moment.
L'avocat de la Commission a toutefois soutenu
que le mot «tenus» doit être interprété au sens
large, c'est-à-dire qu'il doit être interprété comme
signifiant que l'importante augmentation proposée
à l'égard du nombre des fonctionnaires chargés des
griefs est nécessaire et que la Commission a com-
pétence pour faire enquête sur la nécessité d'une
telle désignation et pour exiger de l'employeur des
explications raisonnables sur une augmentation de
cette importance. Je ne retiens pas cet argument.
Je tiens tout d'abord à signaler que ni le mot
«nécessaire» ni d'autres mots de signification ana
logue ne se retrouvent à la définition. Je fais
également remarquer qu'une pareille interpréta-
tion irait directement à l'encontre de l'article 7 de
la Loi qui nous oblige à adopter une interprétation
des différentes dispositions de la Loi qui ne porte
pas atteinte aux droits de la direction de détermi-
ner «comment doit être organisée la Fonction
publique, d'attribuer des fonctions aux postes et de
classer ces derniers». Une telle interprétation
reviendrait à attribuer à tort à la Commission un
pouvoir que l'article de la Loi ne lui accorde pas'.
En outre, j'estime qu'il est significatif qu'à l'alinéa
g) de la même définition', le Parlement a jugé bon
de conférer expressément à la Commission le pou-
voir d'examiner le bien-fondé des désignations
d'employés faites par la direction. Si le Parlement
avait eu la même intention à l'égard de l'alinéa e),
il lui aurait été facile d'employer une formulation
analogue.
L'avocat de la Commission a cité, dans son
mémoire, la décision rendue par la Commission le
30 avril 1968 dans Affaires extérieures, affaire n°
1 (Recueil des décisions C.R.T.F.P., K195, à la
page K204) dans laquelle la Commission a déclaré
que l'employeur devait démontrer «... qu'on a
donné à ladite personne l'autorité nécessaire pour
rendre de sa propre initiative une décision exécu-
toire concernant certains genres de griefs». À mon
avis, cette affirmation de la Commission n'aide ni
l'avocat de la Commission ni celui de l'intimée,
compte tenu des conclusions de faits précises qu'a
tirées la Commission à la page 3408 du vol. XXII
citées plus haut. Ces conclusions démontrent clai-
rement que la personne concernée a reçu «l'auto-
rité nécessaire» pour rendre de sa propre initiative
des décisions exécutoires au premier palier de la
procédure de règlement des griefs. En lisant la
décision des Affaires extérieures, j'ai, en revanche,
relevé un exposé utile du problème sur lequel la
Commission est appelée à se prononcer lorsqu'une
association d'employés conteste les désignations
faites par l'employeur en vertu du paragraphe
99(4). Aux pages K199 et K200, la Commission
déclare:
' Pour une opinion semblable à l'égard de l'article 79 de la
Loi, voir La Reine c. L'Association canadienne du contrôle du
traffic aérien, [1982] 2 C.F. 475 (C.A.), à la page 485 (le juge
Urie).
2 L'alinéa g) est ainsi conçu: «qui n'est pas autrement décrite
aux alinéas c), d), e) ou f) mais qui, de l'avis de la Commission,
ne devrait pas faire partie d'une unité de négociation en raison
de ses fonctions et de ses responsabilités envers l'employeur».
[C'est moi qui souligne.]
À quelques reprises, nous avons invité les avocats des associa
tions d'employés qui ont comparu devant nous au cours des
procédures d'accréditation, à nous dire sur quelles normes
devrait se fonder la Commission pour déterminer si les désigna-
tions proposées par l'employeur étaient appropriées ou non.
Aucune proposition concrète n'a été faite. Règle générale, on
proposait à la Commission d'étudier les faits de chaque cause et
d'apporter une solution quelconque. Inutile de dire que si nous
devions suivre ce conseil, nous nous érigerions en cour d'appel
chargée d'étudier la sagesse ou le manque de sagesse de l'em-
ployeur dans sa désignation de toute personne comme représen-
tant un palier de la procédure applicable aux griefs, sans
éclairer de quelque façon que ce soit l'employeur ou les associa
tions d'employés sur les principes à retenir dans la désignation
d'employés. Le pouvoir de désignation que détient l'employeur
en vertu du paragraphe (4) de l'article 99 perdrait alors toute
sa raison d'être. Si le Parlement avait eu en vue cette façon de
procéder, il aurait investi la Commission même du pouvoir de
désignation ou du moins aurait pris les dispositions nécessaires
pour que ce pouvoir soit exercé sous la direction et suivant les
conseils de la Commission. En réalité, le Parlement a déclaré au
paragraphe (4) de l'article 99 que «l'employeur doit désigner»,
et n'a rien ajouté de nature restrictive.
Aux pages K203 et K204, la Commission examine
le libellé du sous-alinéa 2u)(v) de la Loi (l'ancêtre
de l'alinéa 2e) qui, pour les besoins des questions
en litige en l'espèce, est identique). Voici ce que
déclare la Commission:
Examinons maintenant les termes mêmes du sous-alinéa (y)
de l'alinéa u) de l'article 2. On a laissé entendre que, si les
prétentions de l'employeur concernant cet article étaient accep-
tées, le rôle de la Commission se bornerait à opiner simplement
du bonnet. Une telle supposition ne tient pas compte du texte
de cet article. On ne classe pas une personne dans la section des
personnes préposées à la gestion simplement parce que l'em-
ployeur prétend que cette personne a été désignée en vertu du
paragraphe (4) de l'article 99. Pour que s'applique cet article
une personne doit être obligée de par ses fonctions et responsa-
bilités de s'occuper des griefs présentés en conformité de la
procédure applicable aux griefs établie par la présente Loi.
Bien qu'il ne soit spécifié nulle part dans la Loi ce qu'on entend
par l'expression «s'occuper officiellement», il nous semble qu'on
doit considérer cette expression comme quelque chose d'équiva-
lent à la «décision» mentionnée au paragraphe (4) de
l'article 99.
Si j'ai bien compris, ce que la Commission
affirme, c'est que la personne en cause doit avoir
reçu un pouvoir réel et que, si c'est le cas, cela met
fin au débat. Étant donné qu'en l'espèce la Com
mission s'est penchée sur cette question et que,
compte tenu de la preuve, elle a répondu à cette
question par l'affirmative, il aurait fallu que cela
règle le litige dont était saisie la Commission.
Dans sa première lettre d'opposition du 17 jan-
vier 1979, l'intimée alléguait que la décision de
l'employeur de désigner les 260 employés en ques-
tion était «un caprice de l'employeur, c'est-à-dire
une mesure dont les raisons ne sont pas toujours
uniformes». L'intimée a de nouveau soulevé la
question devant la Commission, avec l'intention
d'établir la mauvaise foi de l'employeur ou de
démontrer qu'il avait commis un abus de pouvoir.
Toutefois, après avoir examiné la preuve, je ne
trouve rien qui puisse nous justifier de conclure à
la mauvaise foi de l'employeur. Je ne crois pas non
plus qu'on puisse dire que la majorité ou le
membre dissident de la Commission aient conclu à
la mauvaise foi de l'employeur. À vrai dire, et
comme nous en avons déjà fait état, le membre
dissident, après avoir examiné attentivement la
preuve, en est venu à la conclusion que la décision
de l'employeur était «à la fois logique, pratique et
conforme aux dispositions et objectifs de ladite
loi». Au cours de son témoignage devant la Com
mission, le sous-ministre responsable de Douanes
et Accise, M. J. P. Connell, a indiqué que l'em-
ployeur avait effectué une étude approfondie de la
Direction, y compris une analyse des nécessités du
service, de ses besoins en personnel-cadre en géné-
ral et, plus précisément, de la capacité de ce
personnel à avoir des relations efficaces avec tout
le personnel syndiqué et ce à de nombreux
endroits. Le témoin a précisé qu'il avait été finale-
ment décidé d'établir un nouveau poste, celui de
surintendant des Douanes de niveau PM-2 et de
définir clairement ses fonctions et responsabilités.
Voici ce qu'a déclaré le membre dissident de la
Commission à propos des fonctions des PM-2 (dos-
sier conjoint, vol. XXII, pages 3442 à 3444):
5. Le résumé des fonctions, qui constitue la préface de la
description de poste intégrale, se lit comme suit:
Dirige les travaux d'employés chargés de l'application des
lois et règlements du Ministère et des autres ministères et
agences qui régissent le mouvement des marchandises et des
personnes entrant ou sortant du Canada;
s'acquitte de diverses fonctions de gestion du personnel afin
de veiller à l'utilisation efficace du personnel, à sa formation
et à sa motivation;
participe à la planification de l'exploitation des Opérations
douanières;
établit et entretient des relations de travail efficaces avec les
représentants des autres ministères, les forces policières et le
public, et s'acquitte d'autres fonctions.
Sans dénigrer d'aucune façon les autres fonctions ou responsa-
bilités énoncées dans la description de ce poste, je m'attacherai
aux suivantes:
en surveillant et en coordonnant le travail d'environ 10
employés, et, au besoin, un nombre restreint d'employés du
soutien administratif;
s'acquitte de diverses fonctions de gestion du personnel afin
de veiller à l'utilisation efficace du personnel, à sa formation
et sa motivation;
diriger le processus disciplinaire du Ministère de la façon
déléguée au Surintendant par le Sous-ministre;
participer à la procédure des griefs à titre officiel, au nom de
la Direction.
6. L'employeur a décidé d'établir un nouveau poste et une
description de ce poste applicable à l'échelle «nationale». Les
fonctions exécutées par le personnel de la direction des Opéra-
tions extérieures à Douanes et Accise sont essentiellement les
mêmes d'un bout à l'autre du pays. Il existe des différences
entre les fonctions des employés travaillant dans les terminaux
d'aéroports, les terminaux maritimes et les terminaux de
grande route, mais les fonctions restent les mêmes, que le
terminal soit situé à Halifax, à Montréal, à Toronto ou à
Vancouver. Si l'employeur avait agi «sans égard à la structure
organisationnelle, modifiée à l'occasion, de la direction des
Opérations extérieures» et si ses mesures semblaient n'être
«qu'un caprice de l'employeur, c'est-à-dire une mesure dont les
raisons ne sont pas toujours uniformes», comme l'a prétendu
l'agent négociateur dans sa lettre du 17 janvier 1979, ce dernier
doit au moins s'efforcer de présenter des preuves en ce sens. Or,
il n'en a rien fait, et j'ajouterai que ce serait le fait d'instaurer
ce nouveau poste dans une seule région comptant un nombre
limité d'employés proposés qui nous aurait immédiatement
portés à nous poser des questions sur la bonne foi de
l'employeur.
7. M. Connell a en outre témoigné que, conformément au
paragraphe 7(4) de la Loi sur l'administration financière et
conformément à l'article 5 de l'Ordonnance d'application des
conventions collectives dans la Fonction publique (conventions
générales), il avait délégué la plus grande partie de ses pouvoirs
à ses surintendants des douanes. Selon lui, il était tout à fait
logique de tenir les surintendants des douanes responsables des
décisions qu'ils prenaient en vertu de la délégation de pouvoirs.
Une façon d'y parvenir consistait à les investir du pouvoir de
répondre à un grief déposé contre une décision qu'ils avaient
rendue, c'est-à-dire à les désigner au premier palier de la
procédure applicable aux griefs. M. Connell ne considère pas
comme pertinente la question du nombre de griefs déposés,
qu'il s'agisse de cinquante ou d'aucun.
Après avoir examiné les dépositions des autres
témoins, le membre dissident a déclaré, à la page
3449:
Je prétends qu'il est évident, d'après tout ce qui précède, que
l'employeur a fait davantage que simplement remplir certaines
exigences relatives à la forme prévues par la Loi et le règle-
ment. Il a consacré beaucoup de temps et des sommes considé-
rables à former et à perfectionner ses surintendants des douanes
pour en faire ses représentants. L'agent négociateur a prétendu
que l'employeur avait arbitrairement assigné à des employés
dont les tâches et responsabilités régulières n'en faisaient pas
des «personnes préposées à la gestion ou à des fonctions confi-
dentielles», la tâche de répondre aux griefs. L'agent négociateur
a toutefois formulé cette allégation malgré l'existence de preu-
ves du contraire.
Je souscris aux conclusions précitées du membre
dissident de la Commission, M. D. G. Pyle, étant
donné qu'elles sont, à mon avis, appuyées par la
preuve. En ce qui concerne les conclusions de la
majorité de la Commission, je crois qu'il ressort de
leurs motifs qu'ils n'ont pas fondé leur conclusion
sur une constatation de mauvaise foi. De toute
évidence, la Commission croyait qu'elle avait com-
pétence pour exiger de l'employeur qu'il démontre
que sa décision de proposer la désignation d'autres
employés était «raisonnablement justifiée» (dossier
conjoint, vol. XXII, page 3435), et qu'elle avait le
pouvoir de faire enquête sur les exclusions propo
sées par l'employeur (vol. XXII, page 3438). Les
preuves versées au dossier n'ont pas convaincu la
Commission que la décision était raisonnablement
justifiée. Je réserve à une affaire où la mauvaise
foi serait établie suivant la preuve, la question de
savoir si une telle situation de fait aurait une
incidence sur la décision à rendre.
La majorité de la Commission, de même que
l'avocat de l'intimée, nous ont cité dans leurs
plaidoiries la décision rendue par la Cour fédérale
dans l'affaire La Reine c. L'Institut professionnel
de la Fonction publique du Canada, [1980] 2 C.F.
295 (C.A.). À mon avis, cette décision n'aide pas
l'intimée. Dans cette affaire, l'employeur préten-
dait qu'un employé donné tombait dans le champ
d'application de l'alinéa a) de la définition de
«personne préposée à la gestion ou à des fonctions
confidentielles» parce que, selon la requérante, il
occupait un poste de confiance auprès de l'agent
administratif en chef d'un élément de la Fonction
publique. La Cour a statué que la Commission
avait compétence pour déterminer si la personne
qu'on prétendait visée par l'alinéa a) faisait effec-
tivement partie de cette catégorie d'employés. À
mon avis, cette décision ne s'applique qu'aux
employés qu'on prétend visés par les alinéas a) ou
b) de la définition. Elle ne s'applique pas aux
personnes tombant dans le champ d'application
des alinéas c) à f), étant donné que le libellé de la
définition autorise manifestement la Commission à
agir comme juge des faits à l'égard de ces catégo-
ries d'employés. En l'espèce, la Commission a
effectivement agi comme juge des faits et a, au
paragraphe 8 de ses motifs, à la page 3408, tiré les
conclusions de fait sur lesquelles elle était tenue de
se prononcer. Elle a, à mon avis, commis une
erreur lorsqu'elle a ensuite entrepris de procéder à
une autre enquête qu'elle n'était pas autorisée à
mener.
L'avocat de la Commission a finalement fait
valoir qu'en tout état de cause les décisions des
tribunaux de relations de travail protégées par une
clause privative semblable à celle contenue à l'arti-
cle 100 de la Loi [mod. par S.C. 1974-75-76, chap.
67, art. 29] ne peuvent être annulées par un tribu
nal de révision que lorsqu'elles sont jugées «mani-
festement déraisonnables».
Je ne suis pas d'accord pour dire que la clause
privative contenue dans la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique (l'article 100)
s'applique en l'espèce, et ce, en raison du fait que
la présente demande a été introduite en vertu de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C.
1970 (2e Supp.), chap. 10]. En vertu de cet article,
la Cour fédérale reçoit son pouvoir de réviser
«Nonobstant ... les dispositions de toute autre loi
...» À,mon avis, la Cour a par conséquent com-
pétence pour examiner et annuler une décision
lorsque, notamment, le tribunal a commis une
erreur de droit. Je suis par conséquent d'avis, pour
les motifs précités, que la Commission a commis
une erreur de droit en l'espèce en interprétant à
tort l'alinéa e) de la définition de «personne prépo-
sée à la gestion ou à des fonctions confidentielles»
de l'article 2 de la Loi comme lui donnant le
pouvoir effectif d'examiner le bien-fondé de la
décision de l'employeur. Par conséquent, je ne
crois pas qu'il est nécessaire que la Cour aborde
cette question, laquelle aurait pu se poser si l'arti-
cle 100 de la Loi était applicable.
Par les motifs précités, je suis d'avis d'accueillir
la demande présentée en vertu de l'article 28,
d'annuler la décision rendue par la Commission le
4 mai 1983 et de renvoyer l'affaire à la Commis
sion pour qu'elle désigne, de façon individuelle, les
personnes qui sont tenues, en raison de leurs fonc-
tions et de leurs responsabilités, de s'occuper offi-
ciellement, pour le compte de l'employeur, des
griefs présentés selon la procédure applicable aux
griefs établie en vertu de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique, en tant que
personnes préposées à la gestion ou à des fonctions
confidentielles.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
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