T-2786-79
Robert McLaren, Garry Seeman et Donald
Thompson (demandeurs)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Muldoon—
Regina, 26 et 27 octobre 1983; Ottawa, 1°r mai
1984.
Restitution — Les demandeurs ont fourni des semences et
des services à un «rancher» possesseur de fait d'un terrain de
la Couronne en attendant l'issue de procédures judiciaires —
Le «rancher» n'a pas eu gain de cause — Actions fondées sur
l'enrichissement sans cause — Le bénéfice réel a été moindre
que l'avantage potentiel en raison des mauvaises herbes et de
la nécessité de couper le blé en andains et de le mettre en
balles — Actions rejetées vu l'inexistence d'un rapport parti-
culier entre les parties — Application de Nicholson v. St-
Denis et al. (1975), 57 D.L.R. (3d) 699 (C.A. Ont.) — Il faut un
lien contractuel, un lien de fiducie ou un lien matrimonial —
Le rapport est habituellement caractérisé par la connaissance
de l'avantage de la part du défendeur et par une demande
expresse ou tacite du défendeur pour obtenir l'avantage, ou un
acquiescement à son exécution — La théorie de l'avantage
indéniable qui permettrait d'exiger d'un défendeur le paiement
d'un avantage sans avoir à prouver une condition de volonté
n'est pas reconnue au Canada comme motif justifiant l'inter-
vention des tribunaux dans une action fondée sur l'enrichisse-
ment sans cause — Une distinction est faite avec l'arrêt
Greenwood v Bennett, [1972) 3 All E.R. 586 (C.A.) qui étend le
principe au-delà du cas d'un rapport particulier, c'est-à-dire à
un cas oie le demandeur avait effectué des réparations sur le
bien dont il croyait honnêtement être le propriétaire — Les
demandeurs savaient qu'ils n'étaient pas propriétaires du ter
rain et qu'ils avaient fourni des semences et des services au
«rancher» à qui ils devaient en réclamer le paiement.
Mandat — Mandat d'urgence — Les demandeurs ont fourni
des semences et des services au «rancher» demeuré en posses
sion de fait d'un terrain de la Couronne en attendant l'issue de
procédures judiciaires. Il n'existe pas de lien contractuel entre
les demandeurs et la défenderesse — Il n'y avait aucune
urgence incitant les prétendus mandataires à agir selon leur
propre conception de l'urgence puisque le prétendu commet-
tant, que ce soit le «rancher», la défenderesse ou les Affaires
indiennes, était accessible en tout temps pour obtenir des
instructions précises — Le «rancher» savait qu'il n'avait aucun
pouvoir précis pour faire quoi que ce soit sur le terrain ou pour
procéder aux semences du printemps — Aucun mandat con-
tractuel, aucun mandat tacite ni mandat d'urgence — Si les
demandeurs ont été les victimes innocentes de fausses déclara-
tions, celles-ci résultent des paroles et de la conduite du
«rancher».
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Nicholson v. St-Denis et al. (1975), 57 D.L.R. (3d) 699
(C.A. Ont.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Greenwood v Bennett, [1972] 3 All E.R. 586 (C.A.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Comeau v. Province of New Brunswick (1973), 36
D.L.R. (3d) 763 (C.A.N: B.); Fibrosa Spolka Akcyjna v.
Fairbairn, Lawson, Combe Barbour Ld., [1943] A.C. 32
(H.L.).
DÉCISIONS CITÉES:
McKissick, Alcorn, Magnus & Co. v. Hall, [1928] 3
W.W.R. 509 (C.A. Sask.); Morrison v. Can. Surety Co.
and McMahon (1954), 12 W.W.R. (N.S.) 57 (C.A.
Man.); Deg[man v. Constantineau, [1954] R.C.S. 725;
[1954] 3 D.L.R. 785; Reeve v. Abrahams (1957), 22
W.W.R. 429 (C.S. Alb.); Walsh Advertising Co. Ltd. v.
The Queen, [1962] R.C.É. 115; Estok v. Heguy (1963),
43 W.W.R. 167 (C.S.C.-B.); Glavin v. MacLean (1972),
5 N.S.R. (2d) 288 (C. cté); Ross v. Ross, Jr. et al.
(1973), 33 D.L.R. (3d) 351 (C.B.R. Sask.); Pettkus c.
Becker, [1980] 2 R.C.S. 834; T & E Development Ltd. v.
Hoornaert (1977), 78 D.L.R. (3d) 606 (C.S.C.-B.);
Republic Resources Ltd. v. Ballem, [1982] 1 W.W.R.
692 (C.B.R. Alb.); Ledoux v. Inkman et al., [1976] 3
W.W.R. 430 (C. cté C.-B.); Norda Woodwork & Inte
riors Ltd. v. Scotia Centre Ltd., [1980] 3 W.W.R. 748
(C.B.R. Alb.).
AVOCATS:
Paul Elash pour les demandeurs.
Mark Kindrachuk pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Kohaly & Elash, Estevan, Saskatchewan,
pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
NOTE DE L'ARRÊTISTE
L'arrêtiste a décidé de publier les motifs du
jugement ci-joint en raison de la discussion des
questions relatives au mandat d'urgence et à
l'enrichissement sans cause. Les faits peuvent
cependant être résumés sans nuire à la compré-
hension des questions de droit que cette décision
comporte.
Voici les faits. Un «rancher» avait hypothéqué
sa terre en faveur de la Banque d'expansion
industrielle. Celle-ci a exercé son droit de saisie.
Le ministère des Affaires indiennes et du Nord
s'est porté acquéreur du titre de propriété. Le
«rancher» a engagé des procédures judiciaires
(qui, finalement, ne lui ont pas donné gain de
cause) en vue d'obtenir la possibilité de racheter
son ranch. Pendant ce temps, le «rancher» a eu
la permission, en vertu d'une entente non offi-
cielle, de demeurer en possession de fait du
ranch. C'est au cours de cette période que les
demandeurs ont fourni des semences et des ser
vices au «rancher». Ils ont intenté contre Sa
Majesté une action en recouvrement de la valeur
de ces semences et services en invoquant le
mandat d'urgence ou l'enrichissement sans
cause. ll n'y a en l'espèce aucun lien contractuel
entre les demandeurs et la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MULDOON: L'avocat des demandeurs
soumet premièrement qu'on est en présence d'un
mandat d'urgence ou d'un mandat tacite, ou les
deux. À cet égard, il a simplement cité Halsbury,
(troisième édition, volume 1). Il prétend qu'il est
constant en droit qu'un mandat peut naître au
moins d'une des deux façons possibles, et il a cité
un passage de la page 145 du volume mentionné:
[TRADUCTION] ... il y a mandat lorsqu'une personne, appelée
«le mandataire», a le pouvoir, exprès ou tacite, d'agir au nom
d'une autre personne, appelée «le commettant», et y consent.
L'avocat a ensuite mentionné le paragraphe 364
du volume 1 [aux pages 152 et 153], de Halsbury,
(troisième édition) en lisant les passages suivant,
mais en omettant les mots qui sont entre crochets:
[TRADUCTION] Le contrat de mandat est établi par conven
tion expresse ou tacite entre le commettant et le mandataire, ou
par ratification [par le commettant des actes faits en son nom
par le mandataire.]
et
[TRADUCTION] Un mandat tacite naît de la conduite ou de la
situation des parties, [ou de l'urgence].
Par la suite, l'avocat a indirectement cité le para-
graphe 373 dudit volume en disant:
[TRADUCTION] Halsbury mentionne également, au paragraphe
373, ce qu'il appelle le mandat d'urgence. Selon Halsbury, ce
mandat naît du devoir qui s'impose à une personne d'agir au
nom d'une autre, indépendamment de l'existence préalable d'un
mandat et dans des circonstances d'urgence, afin de prévenir un
préjudice irréparable. Il s'agit là d'une analogie et certainement
pas d'un cas identique à l'espèce.
Halsbury ajoute qu'un mandat d'urgence peut également
naître lorsqu'une personne agit dans l'intérêt d'une autre afin
d'empêcher la destruction de son bien.
Comme ce qui précède constitue l'argument des
demandeurs relativement à l'application du droit
du mandat dans les circonstances présentes, il faut
souligner que l'avocat de la défenderesse, en
réponse, a mentionné l'arrêt Comeau v. Province
of New Brunswick'. On aurait pu trancher cette
affaire différemment en se fondant sur des princi-
pes d'équité. Le sommaire, qui résume suffisam-
ment les faits essentiels et le droit appliqué, est
ainsi rédigé [à la page 763]:
[TRADUCTION] Lorsqu'un travailleur social employé par le
ministère de la Santé et du Bien-être social d'un gouvernement
provincial, en vue d'amener un locateur à louer des locaux à un
certain locataire, s'engage à ce que les locaux soient laissés en
bonne condition, et que le locateur, sur la foi de cet engage
ment, loue les locaux au locataire, le gouvernement provincial
n'est pas responsable de l'inexécution de cet engagement. Un
tel engagement n'est pas autorisé par la loi, et ne se rapporte
pas nécessairement aux objets du ministère de la Santé et du
Bien-être social. Par conséquent, du moins en l'absence de toute
autorisation expresse d'un fonctionnaire responsable, le gouver-
nement n'est pas lié par l'engagement.
[arrêt appliqué: DeCosmos v. The Queen (1883), 1 B.C.R.
(Pt.II) 26]
De toute façon, il est clair que quel qu'ait été
l'état du terrain en l'espèce, on n'a pas établi un
mandat d'urgence en l'occurrence. Il ressort de la
preuve que même si les demandeurs allèguent que
M. Lees [le «rancher»] était leur commettant, ou
que la défenderesse ou les Affaires indiennes était
leur commettant, le prétendu commettant était
facilement accessible en tout temps pour obtenir
de lui des instructions précises; et il n'y avait
aucune urgence incitant les prétendus mandataires
à agir selon leur propre conception de l'urgence, le
cas échéant. M. Lees savait certainement, si les
demandeurs ne le savaient pas, qu'il n'avait aucun
pouvoir précis à l'époque pour faire quoi que se
soit sur le terrain ou pour procéder aux semences
du printemps. M. Lees savait, en raison de sa
ferme volonté de rester en possession illégitime du
terrain, que les Affaires indiennes le laisseraient
tranquille jusqu'à ce qu'elles aient une autorisation
claire des tribunaux pour l'expulser. M. Lees
aurait été volontairement aveugle de croire que M.
Irvine [agent des services aux entreprises pour les
Affaires indiennes] pouvait lui conférer le statut de
1 (1973), 36 D.L.R. (3d) 763 (C.A.N: B.).
mandataire au nom de la défenderesse. Il est fort
improbable qu'il l'ait même jamais cru. Un tel
statut n'a jamais été conféré ni en fait, ni en droit.
Le prétendu pouvoir, que M. Lees a dit avoir
obtenu de M. Leask [Directeur régional intéri-
maire des Affaires indiennes] au cours d'une con
versation téléphonique de ce dernier avec M. Bam-
ford [l'avocat de M. Lees], décédé depuis, n'est
pas établi selon la prépondérance des probabilités,
étant donné l'appréciation très crédible qu'avait
M. Leask de sa propre position et de son pouvoir à
l'époque concernée.
En somme, il n'y avait aucun mandat contrac-
tuel, aucun mandat tacite ou aucun mandat d'ur-
gence sur lequel les demandeurs peuvent fonder
avec succès leurs réclamations contre la défende-
resse. Si les demandeurs ont été les victimes inno-
centes de fausses déclarations, ces fausses déclara-
tions résultent des paroles et de la conduite de
M. Lees et non de ceux d'un fonctionnaire, d'un
mandataire ou d'un préposé de la défenderesse.
La notion de mandat tacite, rejetée auparavant,
pourrait être invoquée relativement au principal
argument de droit sur lequel l'avocat des deman-
deurs fonde leurs revendications, l'enrichissement
sans cause. Il est évident que la défenderesse a tiré
un avantage des services de M. McLaren et de M.
Seeman, de même que des semences vendues par
M. Thompson à M. Lees, qui, selon la prépondé-
rance des probabilités, ont été réellement semées
sur le terrain de la défenderesse. Cette conclusion,
qui est raisonnable vu les circonstances, se trouve
confirmée. Toutefois, tout l'avantage potentiel des
contributions des demandeurs n'équivaut pas au
bénéfice réel, et ce, en raison de l'infestation des
mauvaises herbes et de la nécessité pratique de
couper en andains et de mettre en balles une partie
du blé qui a poussé là où les demandeurs avaient
travaillé et semé. Par conséquent, si l'on fait droit
aux réclamations des demandeurs sur une base de
quantum meruit, on devrait leur accorder une
somme moins élevée que ce qu'ils demandent res-
pectivement. Ce serait vraiment très difficile, sinon
impossible, d'établir avec exactitude le montant
auquel ils auraient droit.
Premièrement, il est nécessaire de déterminer si
les demandeurs peuvent légitimement avoir gain
de cause relativement à leurs réclamations fondées
sur l'enrichissement sans cause que la défenderesse
aurait retiré aux dépens des demandeurs.
Ce domaine de la common law est encore vague-
ment défini au Canada. Bon nombre des causes
citées se fondent sur les prémisses énoncées par
lord Wright dans l'affaire Fibrosa Spolka
Akcyjna v. Fairbairn, Lawson, Combe Barbour,
Ld. 2 :
[TRADUCTION] Il est clair que tout système de droit civilisé se
doit de prévoir des recours pour ces situations qualifiées d'enri-
chissement ou d'avantage sans cause, c'est-à-dire empêcher une
personne de garder l'argent ou de conserver un avantage qu'elle
a reçu d'une autre personne et qu'il serait moralement inaccep-
table de garder ou de conserver. Ces recours en droit anglais
sont génériquement différents de ceux qui sont propres aux
contrats ou aux délits, et ils appartiennent maintenant à une
troisième catégorie de la common law appelée quasi-contrat ou
restitution.
On ne peut guère contester ce principe, mais on
peut se demander dans quelles circonstances il
s'applique. Il est sûr que, s'il y a deux parties à une
convention et que la première, par ses paroles ou
sa conduite, a incité la deuxième à enrichir la
première dans des circonstances dans lesquelles la
deuxième ne lui aurait vraisemblablement pas fait
un don ou accordé un avantage gratuit et qu'on a
fait la preuve des paroles et de la conduite de la
première partie, le principe doive s'appliquer. Mais
que se passe-t-il si une troisième partie intervient?
Ou que se passe-t-il s'il n'y avait aucune conven
tion entre le demandeur et le défendeur? Qu'ar-
rive-t-il si, comme en l'espèce, on se trouve en
présence de ces deux circonstances? Ainsi l'énoncé
de lord Wright est bien plus simple et plus clair à
exprimer qu'à appliquer.
M. le juge (maintenant juge en chef adjoint)
MacKinnon a commenté cet énoncé même dans
l'arrêt Nicholson v. St-Denis et a1. 3 en Cour d'ap-
pel de l'Ontario. Après avoir cité ce passage, il dit
[à la page 701]:
[TRADUCTION] Le juge de première instance a reconnu que les
termes de ce passage sont extrêmement vagues et généraux,
mais il a estimé que la Cour ne devait pas tenter de les préciser.
L'avocat du demandeur s'est dit d'avis devant la présente Cour
que ces termes signifiaient réellement qu'il revient entièrement
à chaque juge de décider s'il estime que les circonstances
justifient d'accorder le moyen de redressement qu'est l'enrichis-
sement sans cause.
Si cette assertion exprimait la doctrine, alors à ce cheval
fougeux qu'est l'intérêt public viendrait se joindre un coursier
2 [1943] A.C. 32 (H.L.), à la p. 61.
3 (1975), 57 D.L.R. (3d) 699 (C.A. Ont.).
aux tendances encore plus imprévisibles. Le droit de l'enrichis-
sement sans cause, qu'il serait plus exact d'appeler la doctrine
de la restitution, s'est développé pour prévoir un redressement
dans les cas où il serait injuste, dans les circonstances, de
permettre à un défendeur de conserver un avantage que le
demandeur lui a octroyé à ses dépens. Cela ne signifie pas qu'il
y aura restitution dans tous les cas d'enrichissement d'une
personne et d'appauvrissement d'une autre. Certaines règles se
sont élaborées au cours des ans pour guider le tribunal lorsqu'il
détermine si cette doctrine s'applique dans un cas particulier.
Dans le passage qui suit, il a identifié un élément
caractéristique, celui de l'existence d'un rapport
particulier entre les parties:
[TRADUCTION] Il est difficile de concilier toute la jurispru
dence sur la restitution et il serait, à toutes fins, inutile d'es-
sayer de le faire. On peut dire, toutefois, que dans presque tous
les cas, les faits ont établi qu'il existait un rapport particulier
entre les parties, le plus souvent un lien contractuel au départ,
qui rendait injuste pour le défendeur de conserver l'avantage
que lui avait accordé le demandeur—un avantage, faut-il le
préciser, qui n'a pas été accordé a officieusement». Par ailleurs,
ce rapport est habituellement, mais pas toujours, marqué par
deux caractéristiques: premièrement, la connaissance de l'avan-
tage de la part du défendeur, et deuxièmement, une demande
expresse ou tacite du défendeur pour obtenir l'avantage, ou un
acquiescement à son exécution.
Avant sa déclaration dans l'arrêt Fibrosa, lord Wright avait
déjà examiné la doctrine de la restitution dans l'arrêt Brook's
Wharf & Bull Wharf, Ltd. v. Goodman Bros., [1937] 1 K.B.
534, et avait précisé (p. 545):
La Cour impose l'obligation simplement en raison des cir-
constances de l'affaire et de ce qu'elle considère être juste et
raisonnable, eu égard aux rapports entre les parties.
(C'est moi qui souligne.) La Cour suprême a cité et appliqué
cet extrait dans l'arrêt County of Carleton v. City of Ottawa,
[1965] R.C.S. 663, à la p. 668; 52 D.L.R. (2d) 220 à la p. 225 4 .
Quel est ce rapport particulier? Il peut s'agir
d'un lien contractuel, de fiducie ou d'un lien matri
monial. Il peut s'agir d'un accord fortuit ou d'un
contrat inexécutable. Ce rapport semble être la
condition sine qua non de la réussite, mais il n'est
pas une garantie de la réussite. Le rapport particu-
lier est présent dans toutes les affaires citées par
l'avocat où les demandeurs ont eu gain de cause,
sauf dans deux cas. C'est le lien essentiel qui existe
entre les paroles et la conduite du défendeur et
l'octroi de l'avantage par le demandeur dans les
affaires suivantes:
4 Ibid., aux pp. 701 et 702.
McKissick, Alcorn, Magnus & Co. v. Halls; Mor-
rison v. Can. Surety Co. and McMahon 6 ; Deglman
v. Constantineau'; Reeve v. Abrahams 8 ; Walsh
Advertising Co. Ltd. v. The Queen 9 ; Estok v.
Heguy'°; Glavin v. MacLean"; Ross v. Ross, Jr. et
al. 12 ; Pettkus c. Becker ' 3 ; T & E Development
Ltd. v. Hoornaert 14 ; Republic Resources Ltd. v.
Ballem 15 .
Dans les arrêts McKissick et Republic Resources,
on a établi l'existence de rapports antérieurs, mais
d'autres circonstances ont néanmoins empêché les
demandeurs respectifs d'avoir gain de cause.
L'avocat a également cité un ouvrage qui étudie
en détail le sujet et qui s'intitule Unjust Enrich
ment de George B. Klippert (Butterworths,
Toronto, 1983), dans lequel l'auteur a réuni un
ensemble vaste et varié d'arrêts de jurisprudence.
Les premiers passages qui traitent du quantum
meruit et de [TRADUCTION] «l'avantage indénia-
ble» se trouvent à la page 95. Cette dernière
théorie, d'après l'éminent auteur, [TRADUCTION]
«permettrait d'exiger d'un défendeur le paiement
d'un avantage, sans avoir à prouver une condition
de volonté.» Toutefois, il conclut que les tribunaux
canadiens n'ont pas reconnu l'avantage indéniable
comme motif justifiant leur intervention dans une
action fondée sur l'enrichissement sans cause.
L'enrichissement sans cause a été invoquée dans
d'autres affaires, et cet argument a échoué lorsque
les tribunaux n'ont trouvé aucun lien ou rapport
particulier, ou aucun lien suffisant, entre les par
ties. Dans cette catégorie, notons les décisions:
Nicholson v. St-Denis et al. 16 ; Ledoux v. Inkman
et al."; Norda Woodwork & Interiors Ltd. v.
Scotia Centre Ltd. 18 .
5 [1928] 3 W.W.R. 509 (C.A. Sask.).
6 (1954), 12 W.W.R. (N.S.) 57 (C.A. Man.).
7 [1954] R.C.S. 725; [1954] 3 D.L.R. 785.
8 (1957), 22 W.W.R. 429 (C.S. Alb.).
9 [1962] R.C.É. 115.
1 ° (1963), 43 W.W.R. 167 (C.S.C.-B.).
11 (1972), 5 N.S.R. (2d) 288 (C. cté).
12 (1973), 33 D.L.R. (3d) 351 (C.B.R. Sask.).
13 [1980] 2 R.C.S. 834.
14 (1977), 78 D.L.R. (3d) 606 (C.S.C.-B.).
15 [1982] 1 W.W.R. 692 (C.B.R. Alb.).
16 Précitée, note 3 (autorisation de pourvoi à la C.S.C. refu
sée [1975] 1 R.C.S. x).
17 [1976] 3 W.W.R. 430 (C. cté C.-B.).
18 [1980] 3 W.W.R. 748 (C.B.R. Alb.).
Dans ces dernières affaires, les demandeurs ont
échoué parce qu'aucun rapport particulier n'a été
établi, même si dans les deux dernières affaires
(Ledoux et Norda) les défendeurs savaient que les
demandeurs effectuaient des travaux qui avaient,
soutenait-on, augmenté la valeur des biens respec-
tifs des défendeurs.
Dans un arrêt étranger, celui de Greenwood y
Bennett 19 , malgré l'inexistence d'un rapport parti-
culier, le demandeur a eu gain de cause. Dans
cette affaire, le défendeur avait été victime du vol
et de l'appropriation de son automobile. Le deman-
deur avait cru avoir acheté cette automobile et
avait effectué les importantes réparations qu'a-
vaient entraînées les dommages causés principale-
ment par le voleur. Malgré la maxime nemo dat
quod non habet, le demandeur croyait honnête-
ment, bien qu'à tort, être le véritable propriétaire.
C'est pourquoi, il a réclamé du véritable proprié-
taire le coût des réparations. Le demandeur a
échoué en Cour de comté, mais il a interjeté appel
de cette décision. Lord Denning, M.R., a accueilli
son appel et a dit 20 :
[TRADUCTION] L'avocat de M. Bennett nous a cité les affaires
bien connues qui ont établi qu'une personne ne peut réclamer
une indemnité pour un travail effectué sur les biens ou la
propriété d'autrui à moins qu'il existe un contrat exprès ou
tacite de payer pour ce travail. Nous nous rappelons tous des
paroles du Chief Baron Pollock: «Si quelqu'un nettoie les
souliers d'un autre, qu'est-ce que ce dernier peut faire sinon les
mettre?» (Taylor y Laird (1856), 25 L.1 Ex 329 à la p. 332).
C'est sans aucun doute la règle lorsque la personne qui procède
au travail sait, ou devrait savoir que la propriété du bien ne lui
revient pas. Elle prend le risque de ne pas être payée pour le
travail qu'elle fait. Mais c'est tout autre chose lorsqu'elle croit
honnêtement être le propriétaire du bien et que, sachant cela,
sur la foi de cela, elle effectue le travail.
Cet arrêt étend le principe au-delà du cas d'un
rapport particulier. S'il représente l'état de la
common law au Canada, ce qui est fort douteux,
cet arrêt n'est néanmoins pas applicable en l'es-
pèce. Les demandeurs, dans le cas qui nous
occupe, savaient, de toute évidence, qu'ils n'étaient
pas eux-mêmes propriétaires du terrain en ques
tion. Puisqu'il était notoire dans la région que le
gouvernement contraignait Lees à abandonner son
ancienne terre, les demandeurs savaient probable-
ment, et avaient certainement de bonnes raisons de
croire, que Lees en était possesseur illégitime. Ils
19 [1972] 3 All E.R. 586 (C.A.).
20 Ibid., à la p. 589.
savaient tous qu'ils avaient fourni du blé et des
services à Lees, et non à la défenderesse, et ils
croyaient tous qu'ils devaient en réclamer le paie-
ment à Lees.
Il y avait manifestement des motifs probables de
malentendu entre la défenderesse et Lees, alimen-
tés et stimulés par l'espoir et la détermination
pratiquement invincibles de ce dernier de ne pas
être déplacé mais, plutôt, de redevenir propriétaire
du ranch sans interrompre son occupation. Les
Affaires indiennes, sur le conseil du ministère de la
Justice, ont simplement laissé Lees occuper le
terrain jusqu'à ce qu'elles aient eu l'autorisation
des tribunaux de l'expulser. Cette autorisation a
été accordée plutôt que Lees ou la défenderesse ne
l'avait prévu, et lorsqu'elle est survenue, la défen-
deresse a, de façon tout à fait conforme à sa
conduite passée, agi avec célérité pour procéder à
l'expulsion.
L'élément déterminant en l'espèce est l'absence
de tout rapport 'particulier entre les parties. C'est
la conduite de John Harold Maxwell Lees qui a
amené le litige entre les demandeurs et la défende-
resse, et c'est contre lui que les demandeurs
auraient pu avoir une cause d'action pour la valeur
des semences et des services, s'ils avaient choisi de
le poursuivre. Dans les circonstances de l'espèce,
étant donné l'absence de tout rapport particulier et
étant donné la preuve produite, il y a lieu d'exoné-
rer la défenderesse et de rejeter les actions des
demandeurs, avec dépens à être taxés si la défen-
deresse décide de les exiger.
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