A-178-83
La Reine (appelante)
c.
Imperial General Properties Limited (intimée)
Cour d'appel, juges Urie, Stone et MacGuigan—
Toronto, 13 décembre 1984; Ottawa, 11 janvier
1985.
Impôt sur le revenu — Appel d'un jugement statuant que le
bénéfice tiré de la vente d'un terrain a été inclus à juste titre
dans le revenu de 1968 — La promesse de vente remonte à
1968 — Dépôt de 70 000 $ fait en 1968 — Le transfert de la
propriété remonte à 1970 — Appel accueilli — La vente n'a
pas eu lieu avant que les conditions suspensives n'aient été
remplies — Le solde du prix d'achat, en plus des 70 000 $
effectivement reçus en 1968, n'est pas un «montant recevable.
au sens de l'art. 85e(1)b) avant 1970, année de la réalisation de
la condition relative à la Planning Act — L'art. 85e ne
s'applique pas aux sommes reçues en 1968 — Le dépôt de
70 000 $ n'est pas un revenu reçu en 1968, et ce en raison de
l'existence d'une éventualité — L'arrêt Minister of National
Revenue v. Atlantic Engine Rebuilders Ltd., [/9671 R.C.S. 477
s'applique — Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap.
148, art. 85e(1) (mod. par S.C. /952-53, chap. 40, art. 73; S.C.
1955, chap. 54, art. 26).
Contrats — Conditions — Conditions suspensives ou condi
tions résolutoires — Promesse de vente d'un terrain assujettie
à des conditions touchant le zonage, l'état du sol, la viabilité et
l'approbation de la S.C.H.L. — Un droit de renonciation
exprès n'a jamais été exercé — Contrat également assujetti au
respect de l'art. 26 de la Planning Act — Pas de droit de
renonciation — Toutes les conditions étaient de véritables
conditions suspensives — L'arrêt Turney v. Zhilka, /1959/
R.C.S. 578 s'applique — Le droit de renonciation ne modifie
pas la nature d'une véritable condition suspensive — Le droit à
l'exécution du contrat découlait des interventions de tierces
parties — Absence de contrat exécutoire tant que les condi
tions ne sont pas remplies — The Planning Act, R.S.O. 1960,
chap. 296, art. 26(l) (mod. par S.O. 1960-61, chap. 76, art.
1)a),e) (mod. par S.O. 1966, chap. 116, art. 2), 326(1) (édicté
par S.O. 1961-62, chap. 104, art. 8), (2) (mod. par S.O. 1966,
chap. 116, art. 5).
Biens immeubles — Promesse de vente qui remonte à 1968
— Transfert de la propriété en 1970 — Absence de contrat
exécutoire tant que les conditions suspensives ne sont pas
remplies — Un droit de possession incompatible avec le pou-
voir exclusif du vendeur sur le bien n'a pas été établi — Dans
le contrat, le droit de démolir les bâtiments existants et de
commencer à construire est assujetti à la délivrance des permis
de construction et à l'enregistrement du plan de lotissement —
Ces événements ne se sont pas réalisés avant 1970 — Le droit
d'accès au terrain est tout aussi compatible avec un simple
droit d'accès qu'avec un droit de possession exclusive.
Vente de terrain — Statute of Frauds — La description du
terrain est suffisante pour satisfaire aux exigences de la
Statute of Frauds — La Cour suprême du Canada a statué,
dans Dynamic Transport Ltd. c. O.K. Detailing Ltd., /19781 2
R.C.S. 1072, qu'on peut tenir compte du comportement des
parties pour déterminer si la description d'un terrain est
suffisante — Les parties n'ont pas éprouvé de difficultés à
reconnaître le terrain — The Statute of Frauds, R.S.O. 1960,
chap. 381.
Pratique — Plaidoiries — Il est allégué que le contrat n'est
pas exécutoire parce que la description du terrain est insuffi-
sante — Cet argument n'a pas été expressément invoqué dans
la défense qui a fait suite à la déclaration modifiée —
L'accord initial et les accords de modification ont été invoqués
dans la défense — Application du principe énoncé dans Re
Vandervell's Trust (No. 2), /19741 3 All E.R. 205 (C.A.) — Il
suffit d'énoncer les faits — Il n'est pas nécessaire d'indiquer
les conséquences juridiques.
Appel formé à l'encontre d'un jugement de première instance
statuant que la vente d'un terrain a eu lieu en 1968. Le ministre
du Revenu national prétend que la vente a eu lieu en 1970. La
promesse de vente est en date du 29 octobre 1968. Ce contrat
était assujetti à des conditions touchant le zonage, l'état du sol,
la viabilité et l'approbation de la S.C.H.L. Si les conditions
n'étaient pas remplies dans les deux ans qui suivaient la date de
la signature, l'acheteur devait, soit renoncer aux conditions, soit
mettre fin à l'opération. L'acheteur avait le privilège de démolir
tout bâtiment construit sur le terrain et de commencer la
construction. Ce contrat devait également respecter les disposi
tions de la Planning Act, ce qui ne s'est pas produit avant 1970.
Cette condition ne pouvait faire l'objet d'une renonciation. Le
transfert lui-même est daté du 9 septembre 1970. Il s'agit de
déterminer si le juge de première instance a commis une erreur
en décidant que c'est à juste titre que le contribuable a inclus le
bénéfice réalisé lors de la vente de la propriété dans son revenu
de 1968. L'intimée allègue que la propriété a été vendue en
1968 et qu'elle a eu raison d'inclure dans son revenu de 1968 le
dépôt reçu en 1968 et le solde à recevoir. En question prélimi-
naire, l'appelante prétend qu'il n'y avait pas de contrat exécu-
toire avant que la description n'ait été déterminée de façon
définitive en 1970. L'intimée s'oppose à la présentation de cet
argument à ce stade parce qu'il n'a pas été expressément
invoqué.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
Dans la défense qui a fait suite à la déclaration modifiée, il
n'est pas précisément allégué que la description était insuffi-
sante, mais l'appelante a invoqué l'ensemble de l'accord initial
et les accords de modification. Selon le principe énoncé dans Re
Vandervell's Trust (No. 2), [1974] 3 All E.R. 205 (C.A.), il
suffit que le plaideur énonce les faits importants. Il n'est pas
tenu d'indiquer les conséquences juridiques. Il reste cependant
que la description du terrain est suffisante pour respecter la
Statute of Frauds. Aucune partie n'a éprouvé de la difficulté à
reconnaître le terrain. L'accord de modification portait sur la
bande initiale et en prévoyait son élargissement. L'absence
d'une description précise des tenants et aboutissants ne parvient
pas à rendre le terrain insuffisamment reconnaissable.
L'intimée prétend qu'un bien est vendu quand (1) la pro-
priété réelle est transmise en vertu d'une promesse de vente
exécutoire, et (2) l'acheteur détient un droit de possession qui
est incompatible avec le pouvoir exclusif du vendeur sur le bien.
À l'appui de son second argument, l'intimée invoque que
l'acheteur avait le droit de démolir et celui de construire.
Toutefois, ces droits n'ont pris naissance qu'après la délivrance
de permis de construction et l'enregistrement du plan de lotisse-
ment, ce qui n'a pas eu lieu avant 1970. Ces droits ne prouvent
pas l'existence d'un droit de possession à la date de la signature
en 1968. La disposition qui prévoit le libre accès au terrain est
ambiguë en ce qu'elle est tout aussi compatible avec un simple
droit d'accès qu'avec un droit de possession exclusive, à titre de
propriétaire.
Il n'y avait pas de promesse de vente exécutoire avant 1970,
année où les conditions suspensives ont été remplies. L'intimée
prétend que la promesse de vente aurait délibérément été
rédigée pour faire en sorte que les conditions soient des condi
tions résolutoires. Les parties ne peuvent de leur propre chef
réaliser ou non une condition suspensive. Une véritable condi
tion suspensive est une condition externe dont dépend l'exis-
tence de l'obligation. Le pouvoir de renonciation ne modifie pas
la nature d'une véritable condition suspensive. Puisque les
conditions étaient soumises à la volonté d'un tiers, le droit à
l'exécution découlait seulement des interventions faites par des
tierces personnes et ayant pour effet de satisfaire aux conditions
suspensives, liant ainsi les deux parties contractantes.
Le contrat était aussi assujetti à l'article 26 de la Planning
Act. Comme la condition constituait une modalité du contrat, il
n'est pas nécessaire de prouver qu'il fallait obtenir le consente-
ment du Comité de dérogation conformément à l'article 32b de
cette Loi. La condition de se conformer à la Planning Act
constitue une véritable condition suspensive dont l'accomplisse-
ment dépendait entièrement de l'arrivée d'un événement subor-
donné à la volonté d'un tiers. La condition ne pouvait faire
l'objet d'une renonciation. Ainsi, jusqu'à ce que la condition ait
été remplie, l'acheteur n'aurait pu demander l'exécution inté-
grale du contrat.
Le solde du prix d'achat, après la réception effective des
70 000 $ en 1968, n'était pas un «montant recevable» au sens de
l'alinéa 85B(1)6) avant 1970, année de la réalisation de la
condition relative au respect de la Planning Act. Est applicable
le principe tiré de l'arrêt Minister of National Revenue v. John
Colford Contracting Co. Ltd., [1960] R.C.E. 433, selon lequel
il doit exister un [TRADUCTION] «droit juridique clair, bien que
n'étant pas nécessairement exécutoire, à ... recevoir [le
montant] ».
Le dépôt de 70 000 $ n'était pas un revenu reçu en 1968
parce que le droit de l'intimée de conserver cette somme
dépendait d'une éventualité.
Les seuls dépôts considérés comme un revenu dans l'article
85B sont ceux qu'envisage le sous-alinéa 85B(1)a)(ii), qui ne
s'applique pas. Puisque ce sous-alinéa s'applique aux dépôts, le
Parlement n'a donc pas voulu que le sous-alinéa précédent le
fasse également. L'article 85B ne s'applique pas au dépôt versé
en 1968.
À part l'article 85B, la Cour suprême du Canada a statué,
dans l'arrêt Minister of National Revenue v. Atlantic Engine
Rebuilders Ltd., [1967] R.C.S. 477, que rien dans la Loi de
l'impôt sur le revenu n'exige que les dépôts soient considérés
comme des bénéfices de l'intimée. Ainsi le critère pour détermi-
ner s'il s'agit d'un revenu reste celui de savoir si la somme en
question est devenue la propriété absolue du contribuable ou s'il
s'agit d'un dépôt reçu sous condition: Dominion Taxicab Assn.
v. Minister of National Revenue, [ 1954] R.C.S. 82; [1954]
C.T.C. 34.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Re Vandervell's Trust (No. 2), [1974] 3 All E.R. 205
(C.A.); Dynamic Transport Ltd. c. O.K. Detailing Ltd.,
[1978] 2 R.C.S. 1072; Turney v. Zhilka, [1959] R.C.S.
578; Hobart Investment Corpn. Ltd. v. Walker et al.,
[1977] 4 W.W.R. 113 (C.A.C.-B.); Robertson Ltd.. Ken-
neth B.S. v. Minister of National Revenue, [1944]
R.C.E. 170; Diamond Taxicab Assn. Ltd. v. Minister of
National Revenue, [1952] R.C.E. 331; [1952] C.T.C.
229; Dominion Taxicab Assn. v. Minister of National
Revenue, [1954] R.C.S. 82; [1954] C.T.C. 34; Minister
of National Revenue v. Atlantic Engine Rebuilders Ltd.,
[ 1967] R.C.S. 477; Minister of National Revenue v. John
Colford Contracting Co. Ltd., [1960] R.C.E. 433.
DÉCISIONS ÉCARTÉES:
Genern Investments Ltd. v. Back, [1969] 1 O.R. 694
(H.C.); Dennis v. Evans (1972), 27 D.L.R. (3d) 680
(C.A. Ont.); confirmant [1972] 1 O.R. 585 (H.C.).
DÉCISIONS CITÉES:
384238 Ontario Limited c. La Reine du chef du Canada,
[1984] 1 C.F. 661; (1983), 52 N.R. 206 (C.A.); Stubart
Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; 84
DTC 6305; Kirby v. Cowderoy, [1912] A.C. 599 (P.C.);
Re Shantz and Hallman (1927), 60 O.L.R. 543 (C.A.);
Barnett c. Harrison, [1976] 2 R.C.S. 531; Wilchar Cons
truction Ltd. c. R., [1982] 2 C.F. 489 (C.A.).
AVOCATS:
Ian MacGregor et Michael Templeton pour
l'appelante.
Wolfe D. Goodman, c.r. et Joanne E. Swystun
pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous -procureur général du Canada pour
l'appelante.
Goodman & Carr, Toronto, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN: L'intimée attaque une
nouvelle cotisation d'impôt pour l'année d'imposi-
tion 1972. La contestation porte sur l'assujettisse-
ment à l'impôt du produit de la vente d'un terrain
qui, selon l'intimée, a eu lieu en 1968, mais qui,
selon le ministre du Revenu national, s'est produite
en 1970. La Division de première instance
[[1984] 1 C.F. 146] a donné raison à l'intimée et
l'appelante a interjeté appel devant cette Cour.
L'intimée est une société qui a remplacé Bramp-
ton Realty Limited («Brampton»). Elles ont toutes
deux été constituées sous le régime des lois de la
province de l'Ontario. Brampton se spécialise dans
l'achat, la vente et la viabilité de terrains ainsi que
dans la construction de nombreux genres d'immeu-
bles.
En octobre 1968, Brampton était propriétaire
d'un terrain situé dans la municipalité de Scarbo-
rough dans la communauté urbaine de Toronto, au
croisement du chemin Birchmount et de l'avenue
Sheppard est. Ce terrain était assez grand pour
permettre la construction d'un certain nombre
d'immeubles à appartements. Le 29 octobre 1968,
Brampton a promis de vendre à Jack Mendlewitz
un terrain suffisant pour permettre la construction
de deux immeubles à appartements.
Voici comment le juge de première instance
décrit le contrat [aux pages 148 151]:
Les conditions pécuniaires de la promesse de vente et d'achat
(que nous appellerons ci-après l'aaccord initial»), datée du 29
octobre 1968, prévoyaient que le prix d'achat de 844 250 $
serait versé de la manière suivante: 20 000 $ à la signature de
l'accord, 50 000 $ le 31 octobre 1968, 145 000 $ au moment de
l'enregistrement du plan du lotissement concernant la mise en
valeur par Mendlewitz du terrain en question et le solde «établi
à cette date» par deux hypothèques en faveur de Brampton
lorsque certaines conditions auraient été remplies.
Le paragraphe introductif de l'accord initial dit ceci:
[TRADUCTION] Le soussigné, JACK MENDLEWITZ (ache-
teur) convient avec BRAMPTON REALTY LIMITED (vendeur)
par l'intermédiaire de Drillich & Company Realty Limited,
mandataire du vendeur, d'acheter tous les terrains et locaux
appartenant au vendeur et se trouvant dans la municipalité
de Scarborough, au Nord de l'avenue Sheppard est, et à l'est
du chemin Birchmount, lesdits terrains étant suffisants pour
construire deux immeubles d'appartements comportant 307
unités (les deux bâtiments ayant approximativement les
mêmes dimensions), l'un d'eux étant situé au coin des ave
nues Sheppard et Birchmount, pour le prix de HUIT CENT
QUARANTE QUATRE MILLE DEUX CENT CINQUANTE DOL
LARS (844 250 $) en monnaie légale canadienne, payable de
la manière suivante.
L'accord stipule que le prix d'achat a été calculé sur la base
d'un prix de 2 750 $ pour chacun des 307 appartements, et
prévoit qu'après l'enregistrement du plan de lotissement, des
permis de construction seront obtenus pour la construction de
deux immeubles d'appartements comportant chacun 307 unités
d'une superficie brute minimum de 900 pieds carrés chacune.
Le paragraphe suivant dit ceci:
[TRADUCTION] L'accord est subordonné aux conditions
énoncées ci-après et, si ces dernières ne sont pas remplies
dans les deux années suivant la date de la signature, l'ache-
teur doit parachever l'opération et renoncer aux conditions
qui ne sont pas remplies, ou mettre fin à l'opération, ayant
droit dans ce cas au remboursement de toutes les sommes
versées au titre de l'accord, sans déductions et sans intérêts.
Les quatre conditions sont les suivantes: (1) la municipalité
attribuera au lotissement un zonage autorisant la construction
des bâtiments; (2) l'état du sol permettra la construction des
bâtiments, sans augmentation des coûts; (3) le terrain sera
viabilisé; (4) le terrain en question sera approuvé, aux fins
d'hypothèques, par la Société centrale d'hypothèques et de
logement.
Le paragraphe 4 se termine de la manière suivante:
[TRADUCTION] Toutefois si les conditions susmentionnées ne
sont pas remplies dans l'année qui suit la date de la signa
ture, l'acheteur pourra déclarer l'accord nul et non avenu et
aura droit alors au remboursement de toutes les sommes
versées conformément à celui-ci.
Le contrat prévoit ensuite le paiement du solde du prix
d'achat «établi à cette date» par le moyen de deux hypothèques
distinctes. Chaque paragraphe traitant de ces deux hypothèques
inclut une clause portant que le débiteur hypothécaire (Mendie-
witz) est autorisé à démolir tout bâtiment construit sur le
terrain en question et à commencer la construction de nouveaux
bâtiments, [TRADUCTION] «sans que la démolition et/ou la
construction soient considérées comme un acte de dégradation
équivalant à une défaillance du débiteur hypothécaire». Une
disposition au même effet apparaît plus haut dans le même
document, dans un paragraphe traitant du paiement du solde
du prix d'achat. À la dernière page de ce document, qui
comporte en tout huit pages, il est prévu que [TRADUCTION]
«l'acheteur aura, à tout moment, libre accès au terrain pour lui
permettre de procéder à la construction des bâtiments».
L'accord initial a été suivi par un contrat en date du 8 août
1969 conclu par Jack Mendlewitz, en tant qu'acheteur, et
Imperial General Properties Limited, en tant que vendeur. Ce
contrat reconnaît l'accord initial et mentionne la fusion de la
société Brampton et de la société demanderesse.
Le contrat prévoit également que [TRADUCTION] «si l'ache-
teur [Mendlewitz], avant le début de la construction des
immeubles d'appartements, reçoit une offre acceptable faite de
bonne foi en vue de l'achat du terrain ... [il] donnera au
vendeur [la demanderesse] ... un droit de préférence» au
montant de cette offre.
La demanderesse et Mendlewitz ont conclu un autre contrat
d'achat et de vente, en date du 9 septembre 1969, concernant
d'autres terrains contigus au terrain en question, pour un
montant de 289 250 $. Cet accord était également subordonné
à certaines conditions qui devaient être remplies avant le 29
octobre 1970, faute de quoi l'acheteur pourrait mettre fin à
l'opération ou renoncer aux conditions qui n'étaient pas rem-
plies. Cet accord prévoyait en outre que la défaillance de
l'acheteur ou du vendeur, à l'égard de ce dernier accord,
constituerait une défaillance à l'égard de l'accord d'achat
initial.
Le 10 septembre 1970, Mendlewitz a autorisé la demande-
resse à établir la grosse d'un acte en faveur de Palmyra
Holdings Limited et d'un acte en faveur de St. Giles Develop
ments Limited, deux parties à chacune desquelles Mendlewitz
avait cédé une parcelle du terrain en cause. Le transfert
lui-même en vertu de la Loi sur l'enregistrement des droits
immobiliers de l'Ontario [R.S.O. 1960, chap. 204] est daté du
9 septembre 1970.
Une écriture d'ajustement, en date du 10 septembre 1970,
indique un prix d'achat total de 1 070 750 $, pour 307 et 83
appartements, duquel sont déduites plusieurs hypothèques, pour
un [TRADUCTION] «solde dû, à la signature, à Imperial General
Properties Limited» de 154 000 $.
Le 14 septembre 1970, le conseil municipal a adopté les
recommandations de la Commission de contrôle en faveur de la
modification de l'accord de lotissement demandée par la
demanderesse; les procureurs de la demanderesse l'ont notifiée
aux procureurs de Mendlewitz le 22 septembre 1970.
À partir de ces faits, il faut déterminer si le juge
de première instance a commis une erreur en
décidant que c'est à juste titre que Brampton a
inclus le bénéfice réalisé lors de la vente de la
propriété dans son revenu pour l'année d'imposi-
tion 1968. Pour ce faire, il faut établir à quel
moment la vente a été parachevée. L'intimée allè-
gue que la propriété a été vendue le 31 octobre
1968 et qu'elle a eu raison d'inclure dans son
revenu de 1968 les 70 000 $ qu'elle a reçus en 1968
ainsi que le solde de 774 240 $ à recevoir de Mend-
lewitz pour la propriété.
Le droit applicable est principalement l'article
85B de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, chap. 148, modifié [par S.C. 1952-53, chap.
40, art. 73; S.C. 1955, chap. 54, art. 26; S.C. 1957,
chap. 29, art. 19], dont une partie se lisait ainsi en
1968:
85B. (1) Dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une
année d'imposition,
a) tout montant reçu pendant l'année dans le cours d'une
entreprise
(i) qui est au titre de services non rendus ou de marchandi-
ses non livrées avant la fin de l'année ou qui, pour toute
autre raison, peut être considéré comme n'ayant pas été
gagné dans l'année ou une année antérieure, ou
(ii) qui, en vertu d'un arrangement ou d'une entente, est
remboursable en totalité ou en partie sur remise ou revente
au contribuable d'articles dans lesquels, ou au moyen
desquels, des marchandises ont été livrées à un client,
doit être inclus;
b) tout montant recevable à l'égard de biens vendus ou de
services rendus dans le cours de l'entreprise pendant l'année
doit être inclus, nonobstant le fait que le montant n'est pas
recevable avant une année subséquente, à moins que la
méthode adoptée par le contribuable pour le calcul du revenu
provenant de l'entreprise et acceptée aux fins de la présente
Partie ne l'astreigne pas à inclure, dans le calcul de son
revenu pour une année d'imposition, un montant recevable,
sauf s'il a été reçu dans l'année;
c) sous réserve du paragraphe (3), lorsque des montants
d'une catégorie décrite au sous-alinéa (i) ou (ii) de l'alinéa a)
ont été inclus dans le calcul du revenu du contribuable,
provenant d'une entreprise, pour l'année ou une année anté-
rieure, il peut être déduit un montant raisonnable comme
réserve à l'égard
(i) de marchandises qui, selon ce qui est raisonnablement
prévu, devront être livrées après la fin de l'année,
(ii) de services qui, selon ce qui est raisonnablement prévu,
devront être rendus après la fin de l'année,
(iii) de périodes pour lesquelles le loyer ou d'autres mon-
tants, visant la possession ou l'utilisation d'un terrain ou de
biens meubles, ont été payés d'avance, ou
(iv) de remboursements aux termes d'arrangements ou
d'ententes de la catégorie décrite au sous-alinéa (ii) de
l'alinéa a) qui, selon ce qui est raisonnablement prévu,
devront être faits après la fin de l'année sur remise ou
revente au contribuable d'articles autres que des bouteilles;
Examinons d'abord la question la plus impor-
tante, c'est-à-dire celle de la vente.
À ce propos, il faut tout d'abord se demander si
la description du terrain était suffisante. Selon
l'appelante, il ne pouvait y avoir de contrat exécu-
toire entre les parties à l'accord initial parce que ce
n'est qu'en 1970 qu'ont été déterminées de façon
définitive la superficie et la description du terrain
vendu. L'intimée conteste cette allégation et s'op-
pose à la présentation de cet argument par l'appe-
lante à ce stade-ci parce que, selon elle, il n'a pas
été expressément invoqué.
D'une part, je n'estime pas inéquitable que l'ap-
pelante soulève cette question, puisqu'elle a été
également soulevée au procès, même si le juge de
première instance ne l'a pas directement tranchée.
Bien que l'appelante remette en question la suffi-
sance de la description dans l'exposé des faits et du
droit présenté pour cet appel, elle n'a pas précisé-
ment invoqué ce moyen dans la défense qui a fait
suite à la déclaration modifiée. Il me semble que,
dans l'arrêt Re Vandervell's Trust (No. 2), [ 1974]
3 All E.R. 205 (C.A.), à la page 213 (appliqué par
cette Cour par le juge Stone dans 384238 Ontario
Limited c. La Reine du chef du Canada, [1984] 1
C.F. 661, à la page 678; (1983), 52 N.R. 206
(C.A.), à la page 217) lord Denning a formulé
avec exactitude le principe applicable:
[TRADUCTION] Il suffit que le plaideur énonce les faits impor-
tants. Il n'est pas tenu d'indiquer les conséquences juridiques.
S'il le fait pour fins de commodité, il n'est pas lié ni limité par
ce qu'il a déclaré. Il peut exposer, à titre d'argument, les
conséquences juridiques qui découlent des faits.
En l'espèce, l'appelante a invoqué dans sa défense
à la déclaration modifiée l'ensemble de l'accord
initial de même que les deux autres accords de
modification. Voilà quels sont essentiellement les
faits sur lesquels se fonde l'argument juridique.
D'autre part, je suis d'accord avec l'intimée pour
dire que la description du terrain à vendre est
suffisante pour répondre aux conditions de la Sta
tute of Frauds [R.S.O. 1960, chap. 381] et qu'elle
ne rend pas, par conséquent, le contrat inexécuta-
ble pour ce motif. Dans l'arrêt Turney v. Zhilka,
[1959] R.C.S. 578, la décision de la Cour suprême
selon laquelle le contrat ne pouvait faire l'objet
d'une exécution intégrale en vertu de l'article 4 de
la Statute of Frauds [R.S.O. 1950, chap. 371]
était motivée par le fait que [TRADUCTION] «les
parties n'ont jamais conclu un accord, oral ou
écrit, concernant la superficie ou la description du
terrain qui devait être conservé ou de celui qui
devait être vendu« (à la page 580). Dans l'arrêt
Dynamic Transport Ltd. c. O.K. Detailing Ltd.,
[1978] 2 R.C.S. 1072, où les faits étaient diffé-
rents, la Cour suprême a estimé suffisante la des
cription du terrain; le juge Dickson [tel était alors
sont titre] a indiqué que «Sur la question de la
précision d'une description de terrain, c'est à la
suite d'une longue évolution que les tribunaux en
sont venus à juger qu'une note est suffisante aux
fins de la Statute of Frauds» (à la page 1078). De
même, selon lui, on peut, pour déterminer si la
description du terrain soulève des difficultés, exa
miner le comportement des parties.
En l'espèce, seul le zonage d'une bande de 5,12
acres du terrain de 32 acres permettait la construc
tion d'immeubles à appartements et c'est cette
bande qui a fait l'objet des négociations de Mend-
lewitz. La preuve démontre que ni le vendeur, ni
l'acheteur n'ont eu de difficulté à identifier le
terrain. Qui plus est, l'accord de modification du 9
septembre 1969 portait sur cette bande initiale et
prévoyait son élargissement. Compte tenu des faits
de cette affaire, l'absence d'une description précise
des tenants et aboutissants ne parvient pas à
rendre le terrain insuffisamment reconnaissable.
Passons maintenant à la question de la vente
elle-même. La promesse de vente était datée du 29
octobre 1968 et la signature de l'acte de vente
devait avoir lieu le 31 octobre; 20 000 $ devaient
être versés au moment de la signature de la pro-
messe de vente et 50 000 $ à la signature de l'acte
de vente. L'acheteur avait jusqu'au 15 décembre
pour faire l'examen des titres. En ordre chronolo-
gique approximatif, il y a d'abord eu les études du
sol en 1968 et 1969. Ensuite, le 8 août 1969, le
Comité de dérogation a donné son consentement
pour la délivrance des actes. Puis, en 1970, l'ac-
cord de lotissement a été conclu et le plan de
lotissement a été enregistré le 8 juillet. La viabilité
du terrain a été complétée au milieu de 1970 et les
permis de construction de l'immeuble projeté ont
été délivrés en septembre 1970. Les rajustements
ont été établis au 10 septembre 1970 et les titres
ont été enregistrés a peu près au même moment.
L'intimée explique dans son exposé (et cette
explication semble être appuyée par la preuve) la
raison pour laquelle la signature de l'acte de vente
semble déphasée par rapport aux autres éléments
de l'opération:
[TRADUCTION] Les comptables de Brampton l'ont informée
qu'il serait avantageux que la vente de la propriété soit conclue
avant le P' novembre 1968 (date à laquelle Brampton a
fusionné avec un certain nombre d'autres sociétés pour former
l'intimée), de sorte que le bénéfice réalisé grâce à la vente
puisse être défalqué, aux fins de l'impôt, des pertes accumulées
par Brampton. (En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu,
dans la version qu'elle avait alors, ces pertes ne pouvaient être
reportées à un exercice financier de la société fusionnée ni
utilisées par celle-ci.)
Compte tenu de l'arrêt récent de la Cour
suprême du Canada Stubart Investments Ltd. c.
La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; 84 DTC 6305,
l'appelante n'a pas mis en doute la régularité de
l'opération de Brampton, mais elle a, pour bien des
raisons, estimé que le 31 octobre 1968 était une
date «symbolique» pour la conclusion du contrat.
L'intimée prétend néanmoins qu'un bien est
vendu quand deux conditions sont réunies: (1) la
propriété réelle est transmise en vertu d'une pro-
messe de vente exécutoire et (2) l'acheteur détient
un droit de possession qui est incompatible avec le
pouvoir exclusif du vendeur sur le bien.
En ce qui concerne la possession, l'intimée a
raison de prétendre que la possession d'un terrain
doit chaque fois être considérée comme un cas
d'espèce: Kirby v. Cowderoy, [ 1912] A.C. 599
(P.C.); Re Shantz and Hallman (1927), 60 O.L.R.
543 (C.A.). L'intimée a attiré notre attention sur
le droit qu'a l'acheteur-débiteur hypothécaire de
démolir tout immeuble se trouvant sur le terrain et
de commencer la construction sans que cette
démolition ou construction ne soit considérée
comme un acte de dégradation équivalant à une
défaillance du débiteur hypothécaire, droit que la
promesse de vente a précisé en des termes identi-
ques tant pour l'hypothèque en faveur d'un tiers
que pour l'hypothèque en faveur du vendeur. Tou-
tefois, ces droits n'ont pris naissance que trente
jours après l'obtention des permis de construction
et l'enregistrement du plan de lotissement. Non
seulement ces événements ne se sont réellement
produits que vers l'époque de l'enregistrement des
titres en septembre 1970, au moment où il y a eu
prise en compte des hypothèques dans l'état des
rajustements du 10 septembre 1970, mais ils
visaient clairement à correspondre au solde du prix
d'achat à l'époque des derniers rajustements et de
l'enregistrement des titres. Donc, ils ne peuvent
guère servir de preuve d'un droit de possession à la
date symbolique de signature de l'acte de vente en
1968.
La disposition de la promesse de vente selon
laquelle l'acheteur aura, à tout moment, libre
accès au terrain pour lui permettre de procéder à
la construction des bâtiments sur le terrain est
ambiguë en ce qu'elle est tout aussi compatible
avec un simple droit d'accès qu'avec un droit de
possession exclusive, à titre de propriétaire.
L'intimée ne réussit pas non plus à démontrer
l'existence d'une promesse de vente exécutoire en
vertu de laquelle la propriété réelle aurait été
transmise. Pour défendre cette thèse, l'intimée
aborde la question d'une manière tout à fait sub
jective, savoir que les parties à la promesse de
vente auraient délibéremment rédigé cette dernière
d'une manière inhabituelle pour faire en sorte que
les conditions qui y sont formulées soient des con
ditions résolutoires et non des conditions suspensi-
ves.
Non seulement la preuve extrinsèque sur
laquelle repose cette allégation est-elle trop ambi-
guë et insuffisante pour l'établir, mais encore la
jurisprudence montre que les parties ne peuvent de
leur propre chef réaliser ou non une condition
suspensive, même si elles peuvent y renoncer.
Ainsi, dans l'arrêt Turney v. Zhilka, [ 1959]
R.C.S. 578, aux pages 583 et 584, où, en l'absence
d'un pouvoir de renonciation, la Cour suprême a
statué, entre autres, qu'elle ne pouvait accorder
l'exécution intégrale, le juge Judson a dit:
[TRADUCTION] Aux termes du contrat, l'obligation imposée
aux deux parties dépendait d'un événement futur incertain dont
l'arrivée était entièrement subordonnée à la volonté d'un tiers—
le conseil du village. C'est une véritable condition suspensive—
une condition externe dont dépend l'existence de l'obligation.
Jusqu'à l'arrivée de l'événement, aucune partie n'a le droit
d'exiger l'exécution.
Le juge Dickson, au nom de la Cour à la majorité
dans l'arrêt Barnett c. Harrison, [1976] 2 R.C.S.
531, aux pages 558 560, a bien établi que seul un
droit exprès de renonciation peut permettre à une
partie contractante d'obtenir l'exécution intégrale
après qu'elle a renoncé à une condition du contrat
stipulée seulement à son avantage.
De toute évidence, nous sommes en présence de
pouvoirs de renonciation exprès en ce qui concerne
quatre des cinq conditions de la promesse de vente
en l'espèce. Je suis plus favorable à la prétention
de l'appelante que le pouvoir de renonciation ne
modifie pas la nature d'une véritable condition
suspensive, qui est une exigence soumise à la
volonté d'un tiers, mais que la renonciation peut
seulement, selon la manière dont elle est exercée et
lorsqu'elle est exercée, constituer une exécution de
la condition qui lie les deux parties contractantes.
Ce raisonnement suit l'arrêt de la Cour d'appel de
la Colombie-Britannique Hobart Investment
Corpn. Ltd. v. Walker et al., [1977] 4 W.W.R.
113 (C.A.C.-B.) (par le juge McIntyre) plutôt que
les décisions Genern Investments Ltd. v. Back,
[1969] 1 O.R. 694 (H.C.), et Dennis v. Evans,
[1972] 1 O.R. 585 (H.C.), confirmée pour d'autres
motifs par la Cour d'appel de l'Ontario, (1972), 27
D.L.R. (3d) 680. Selon les faits de l'espèce, les
pouvoirs de renonciation relatifs aux quatre condi
tions touchant le plan de lotissement, les études du
sol, les permis de construction et l'approbation de
la S.C.H.L. n'ont jamais été exercés. Par consé-
quent, puisque la plus grande partie, sinon la
totalité, de ces conditions était subordonnée à la
volonté d'un tiers, le droit à l'exécution ne décou-
lait pas de la renonciation, par l'acheteur, aux
exigences contenues dans les conditions, mais seu-
lement des interventions de tierces personnes qui
ont eu pour effet de satisfaire aux conditions sus-
pensives, liant ainsi les deux parties contractantes.
Néanmoins, je préfère fonder ma décision sur
l'existence d'une cinquième condition qui, bien que
n'étant pas formulée comme une condition suspen-
sive, en est manisfestement une. On la retrouve à
la page 7 de la promesse de vente et elle dispose:
[TRADUCTION] «Ce contrat est assujetti aux dispo
sitions de l'article 26 de la Planning Act, R.S.O.
1960 et ses modifications.» Les parties pertinentes
du paragraphe 26(1) (mod. par S.O. 1960-61,
chap. 76, art. 1; S.O. 1966, chap. 116, art. 2) et de
l'article 32b) (édicté par S.O. 1961-62, chap. 104,
art. 8; mod. par S.O. 1966, chap. 116, art. 5) de la
Planning Act [R.S.O. 1960, chap. 296] sont les
suivantes:
[TRADUCTION] 26.—(l) Le conseil d'une municipalité peut
prendre un règlement pour désigner une zone de la municipalité
comme zone de contrôle du lotissement et, sauf si
(a) la description du terrain fait partie d'un plan de lotisse-
ment enregistré, ou
(e) le consentement est donné pour aliéner, hypothéquer,
grever le terrain ou pour conclure un contrat relatif à ce
terrain
(i) par le comité de dérogation de la municipalité en vertu
de l'alinéa 2a et de l'article 32b, à l'exception des cas où la
zone a fait l'objet d'un décret du Ministre pris par applica
tion de l'alinéa b du paragraphe 1 de l'article 27, ou
(ii) par le Ministre, en l'absence d'un comité de dérogation
dont les règles de procédure sont approuvées ou lorsque la
zone a fait l'objet d'un décret du Ministre pris par applica
tion de l'alinéa b du paragraphe 1 de l'article 27
nul ne devra aliéner, transférer, hypothéquer ou grever un
terrain de cette zone, ni conclure une promesse de vente ayant
pour objet un terrain de cette zone, ni conclure un contrat
ayant pour effet d'accorder l'usage d'un terrain ou un droit sur
un terrain de cette zone, que ce soit directement ou en accor-
dant un droit de reconduction, et ce, pour une période de vingt
et un ans ou plus.
32b.—(1) Sur demande du propriétaire d'un terrain, d'un
immeuble ou d'une construction visés par le règlement de mise
en œuvre du plan officiel ou par le règlement adopté en vertu
de l'article 30, ou d'une version antérieure de cet article, ou sur
demande de toute personne titulaire d'une autorisation écrite
du propriétaire, le comité de dérogation peut, nonobstant toute
autre loi, permettre des dérogations mineures aux dispositions
du règlement relativement au terrain, à l'immeuble ou à la
construction en question, ou relativement à leur usage, si, à son
avis, une telle dérogation est souhaitable pour la mise en valeur
et l'usage qui convient au terrain, à l'immeuble ou à la cons
truction, pourvu que le comité soit d'avis que l'objet général du
règlement ou du plan officiel, s'il y a lieu, est respecté.
(2) En plus des pouvoirs prévus au paragraphe 1, le comité
qui reçoit une demande peut permettre
(a) lorsqu'au jour de l'adoption du règlement un terrain, un
immeuble ou une construction était utilisée pour un objet
interdit par ce règlement et que cet usage s'est continué
jusqu'au jour de la demande au comité
(i) l'agrandissement de l'immeuble ou de la construction
pourvu que le terrain, l'immeuble ou la construction soit
encore utilisé de la même manière et pour le méme objet
qu'au jour de l'adoption du règlement, mais aucune per
mission ne peut être accordée pour agrandir l'immeuble ou
la construction au-delà des limites du terrain possédé et
utilisé en liaison avec cet usage le jour de l'adoption du
règlement, ou
(ii) l'utilisation du terrain, de l'immeuble ou de la struc
ture pour un objet qui, selon le comité, est semblable à
l'objet pour lequel il était utilisé au jour de l'adoption du
règlement, ou est plus compatible avec les usages permis
par le règlement que l'objet pour lequel il était utilisé au
jour de l'adoption du règlement, à la condition que le
terrain, l'immeuble ou la construction continuent d'être
utilisés de la même manière et pour le même objet que ce
qu'a autorisé le comité; ...
L'intimée prétend que l'appelante n'a pas le
droit d'invoquer cette condition puisqu'elle ne l'a
pas explicitement invoquée dans sa défense, mais
je ne saurais admettre cet argument pour les
motifs que j'ai déjà donnés en ce qui concerne la
régularité de la description du terrain. Dans la
défense présentée à la déclaration modifiée, l'appe-
lante invoque l'ensemble de l'accord initial qui,
selon elle, [TRADUCTION] «contenait plusieurs con
ditions suspensives qui devaient être remplies
avant la date de la vente». Cette phrase constitue
certainement une allégation suffisante des faits
pertinents sur lesquels on peut fonder d'autres
allégations portant plus directement sur les condi
tions, notamment celle dont il est question.
Quant au fond de la condition, il est vrai,
comme le prétend l'intimée, que l'appelante n'a
soumis aucune preuve pour démontrer que le ter
rain en question faisait partie d'une zone de con-
trôle du lotissement désignée par une municipalité
propre à entraîner l'application de l'article 26 de la
Planning Act et, par conséquent, l'obligation d'ob-
tenir le consentement du comité de dérogation de
la municipalité prévu par l'article 32b de cette loi.
Cependant, vu que cette condition était précisée
comme modalité du contrat, il n'est pas nécessaire
de prouver que ce consentement était requis. Les
parties lui ont, par leur contrat, donné la forme
d'une exigence, que la loi l'ait rendue nécessaire ou
non. Manifestement, la condition de se conformer
à la Planning Act constitue une véritable condition
suspensive au sens de l'arrêt Turney v. Zhilka,
dont l'accomplissement dépendait entièrement de
l'arrivée d'un événement subordonné à la volonté
de tiers. Il ne s'agit pas d'une condition qui d'après
les clauses du contrat ou d'après sa nature même
pouvait faire l'objet d'une renonciation. Ainsi, jus-
qu'à ce que la condition ait été remplie, l'acheteur
n'aurait pu demander l'exécution intégrale du con-
trat le 31 octobre 1968.
Dans ces circonstances, est-ce que le solde du
prix d'achat après la réception effective des
70 000 $ en 1968 peut être considéré comme un
«montant recevable» par l'intimée en 1968 au sens
de l'alinéa 85B(1)b) de la Loi de l'impôt sur le
revenu?
Pour répondre à cette question, il faut se référer
à l'arrêt Minister of National Revenue v. John
Colford Contracting Co. Ltd., [1960] R.C.É. 433,
appel rejeté [ 1962] R.C.S. viii, dans lequel la Cour
a décidé que les paiements échelonnés effective-
ment reçus constituent un revenu imposable dans
l'année de leur réception, comme l'est la portion
des retenues de garantie visée dans les certificats
que les architectes ou les ingénieurs ont délivrés,
même si elle n'est pas exigible dans l'année d'im-
position selon les modalités du contrat. La Cour a
décidé que les retenues de garantie à l'égard des-
quelles aucun certificat n'a été délivré ne consti
tuent pas des montants recevables dans l'année,
selon l'alinéa 85B(1)b). Le juge Kearney indique
ainsi comment établir la distinction (à la page
441):
[TRADUCTION] En l'absence d'une définition statutaire s'écar-
tant de ce sens, je pense qu'il ne suffit pas que le soi-disant
bénéficiaire ait éventuellement droit de recevoir le montant en
question. Il doit être titulaire d'un droit juridique clair, bien
que n'étant pas nécessairement exécutoire, à le recevoir. Un
autre sens de ce terme, comme le mentionne le juge Cameron,
est «à recevoir». Quant à Eric L. Kohler, dans A Dictionary for
Accountants, édition de 1957 la p. 408, il le définit comme
«percevable, qu'il soit ou non exigible.» Ces deux définitions, je
pense, comportent l'idée du droit au paiement.
Dans sa plaidorie orale, l'intimée n'a pas insisté
sur la prétention qu'elle fonde sur l'arrêt Wilchar
Construction Ltd. c. R., [1982] 2 C.F. 489 (C.A.),
et selon laquelle un contribuable peut librement
anticiper l'impôt en effectuant des versements
d'avance de sorte que je n'ai pas à faire de remar-
ques sur cette affaire ni à établir des distinctions
entre elle et la présente espèce.
En résumé, selon moi, le solde du prix d'achat
n'a pas été reçu, ni n'était recevable avant l'année
d'imposition 1970 de l'intimée, année de la réalisa-
tion de la condition relative au respect de la Plan
ning Act, époque à laquelle il a été correctement
inclus dans le calcul du revenu de l'intimée pour
cette année conformément à l'alinéa 85B(1)b) de
la Loi de l'impôt sur le revenu.
Il reste à trancher la question du raisonnement
adopté par l'intimée en ce qui concerne les
70 000 $ qu'elle a «reçus» le 31 octobre 1968.
L'appelante prétend que le droit de l'intimée de
conserver la somme payée en 1968 dépend égale-
ment d'éventualités, et que cette somme ne consti-
tue pas un revenu selon le critère énoncé par le
juge Thorson dans l'arrêt Robertson Ltd., Kenneth
B.S. v. Minister of National Revenue, [ 1944]
R.C.É. 170, aux pages 182 et 183:
[TRADUCTION] Est-ce que son droit au paiement est absolu,
libre de toute restriction contractuelle ou autre quant à sa
disposition, son usage ou sa jouissance? Autrement dit, est-il
possible de considérer une somme confiée à un contribuable
comme un bénéfice ou un gain tiré de son entreprise durant
toute la période où il garde cette somme sous réserve de
conditions précises et non remplies et où le droit de la garder et
d'en faire usage ne lui est pas encore dévolu et peut ne jamais
lui être dévolu? [C'est moi qui souligne.]
La Cour suprême du Canada en est arrivée à
une conclusion semblable dans les arrêts Diamond
Taxicab Assn. Ltd. v. Minister of National Reve
nue, [1952] R.C.E. 331; [1952] C.T.C. 229 et
Dominion Taxicab Assn. v. Minister of National
Revenue, [1954] R.C.S. 82; [1954] C.T.C. 34,
dans lesquels elle a décidé que le critère applicable
pour déterminer s'il s'agit d'un revenu consiste à
déterminer si la somme en question est devenue la
propriété absolue du contribuable ou s'il s'agit
d'un dépôt reçu sous condition.
Selon l'intimée, l'alinéa 85B(1)a) a renversé
cette série d'arrêts et inclut dans le revenu des
sommes qui n'ont pas encore été gagnées. L'inti-
mée a, selon moi, réussi à démontrer que l'alinéa
85B(1)a) ne se limite pas aux montants reçus au
titre de services non rendus ou de marchandises
non livrées. L'interprétation que donne l'appelante
ne tient pas suffisamment compte des mots «tout
montant reçu dans l'année dans le cours d'une
entreprise ... qui, pour toute autre raison, peut
être considéré comme n'ayant pas été gagné dans
l'année ou une année antérieure.» Elle n'explique
pas non plus la présence du «loyer ou d'autres
montants, visant la possession ou l'utilisation d'un
terrain» dans l'application du «loyer ou d'autres
montants, visant la possession ou l'utilisation d'un
terrain» de l'alinéa e) à l'alinéa a) si ce dernier se
limite aux recettes tirées de marchandises et de
services.
Toutefois, l'appelante prétend également que les
seuls dépôts considérés comme un revenu dans
l'article 85B sont ceux qu'envisage le sous-alinéa
(1)a)(ii) qui, les deux parties, l'appelante et l'inti-
mée, en conviennent avec raison, ne s'applique pas.
Puisque les parties admettent que ce sous-alinéa
s'applique aux dépôts, je dois conclure que le
Parlement n'a pas voulu que le sous-alinéa précé-
dent le fasse également. L'article 85B ne s'applique
donc pas au montant payé par l'acheteur à l'inti-
mée en 1968.
En ce qui concerne la Loi de l'impôt sur le
revenu, indépendamment de l'article 85B, le prin-
cipe appliqué dans l'arrêt Minister of National
Revenue v. Atlantic Engine Rebuilders Ltd.,
[1967] R.C.S. 477, semble pertinent. Dans cette
affaire, la Cour a décidé que des dépôts qui
n'avaient pas été remboursés à la fin d'une année
d'imposition et que le Ministre avait ajoutés au
revenu du contribuable pour l'année ne devaient
pas être considérés comme un revenu pour l'année
en question. Le juge Cartwright, au nom de la
majorité, a analysé la loi de la façon suivante (aux
pages 479 et 480):
[TRADUCTION] L'article 4 de la Loi de l'impôt sur le revenu
prévoit que, sous réserve des autres dispositions de la Partie I de
la Loi, le revenu provenant, pour une année d'imposition, d'une
entreprise ou de biens est le bénéfice en découlant pour l'année.
La question essentielle dans cette affaire me parait être de
savoir si en déclarant quel était son bénéfice pour l'année,
l'intimée pouvait véritablement avoir inclus la somme en ques
tion. À mon avis, il n'y a qu'une réponse: c'est impossible. li
savait qu'il risquait de ne pouvoir rien conserver de ce montant
et qu'il était probable qu'il devrait en remettre 96 pour cent aux
déposants dans un proche avenir. Le fait que l'intimée soit
juridiquement devenue la propriétaire des montants déposés
entre ses mains et qu'il ne s'agissait pas d'un fonds de fiducie
me paraît sans importance; on peut dire la même chose des
sommes déposées par le client d'une banque et qui font partie
de l'actif de la banque mais non de ses bénéfices. Considérer ces
dépôts comme des recettes d'exploitation ordinaires de l'intimée
équivaudrait à ne tenir aucun compte de toutes les circons-
tances de la situation.
Les motifs sur lesquels se fonde la décision du juge Thurlow
me paraissent confirmés par le raisonnement de cette Cour à la
majorité dans l'arrêt Dominion Taxicab Association v. Minis
ter of National Revenue, précité, à la p. 85, dans lequel on dit
que, à chaque dépôt reçu par l'Association et ajouté à son actif
correspondait un élément de passif éventuel d'un montant égal.
C'est l'une des raisons pour lesquelles la Cour a conclu que les
dépôts ne faisaient pas partie des bénéfices de l'Association.
Depuis cet arrêt, il n'y a pas eu de modifications substantielles
du libellé des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu sur
lesquelles se fonde l'appelant.
Ce qui me parait déterminant c'est que rien dans les faits de
l'espèce ne pourrait justifier de considérer ces dépôts comme
des recettes d'exploitation ordinaires de l'intimée qu'elle aurait
le droit d'inclure dans le calcul de ses bénéfices pour l'année.
À mon avis, rien dans la Loi de l'impôt sur le revenu n'exige
que ces dépôts soient considérés comme des bénéfices de
l'intimée.
De l'aveu général, la probabilité du rembourse-
ment des dépôts était plus grande dans l'affaire
Atlantic Engine Rebuilders que dans la présente
espèce, mais l'élément déterminant est l'existence
de l'éventualité elle-même. Par conséquent, j'es-
time que le dépôt de 70 000 $ ne constitue pas un
revenu reçu en 1968.
En conséquence, j'accueillerais l'appel avec
dépens, j'annulerais le jugement de la Division de
première instance et je rétablirais la cotisation
d'impôt sur le revenu de l'intimée faite par le
Ministre pour l'année d'imposition 1972.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE STONE: Je souscris à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.