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A-178-83
La Reine (appelante)
c.
Imperial General Properties Limited (intimée)
Cour d'appel, juges Urie, Stone et MacGuigan— Toronto, 13 décembre 1984; Ottawa, 11 janvier 1985.
Impôt sur le revenu Appel d'un jugement statuant que le bénéfice tiré de la vente d'un terrain a été inclus à juste titre dans le revenu de 1968 La promesse de vente remonte à 1968 Dépôt de 70 000 $ fait en 1968 Le transfert de la propriété remonte à 1970 Appel accueilli La vente n'a pas eu lieu avant que les conditions suspensives n'aient été remplies Le solde du prix d'achat, en plus des 70 000 $ effectivement reçus en 1968, n'est pas un «montant recevable. au sens de l'art. 85e(1)b) avant 1970, année de la réalisation de la condition relative à la Planning Act L'art. 85e ne s'applique pas aux sommes reçues en 1968 Le dépôt de 70 000 $ n'est pas un revenu reçu en 1968, et ce en raison de l'existence d'une éventualité L'arrêt Minister of National Revenue v. Atlantic Engine Rebuilders Ltd., [/9671 R.C.S. 477 s'applique Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art. 85e(1) (mod. par S.C. /952-53, chap. 40, art. 73; S.C. 1955, chap. 54, art. 26).
Contrats Conditions Conditions suspensives ou condi tions résolutoires Promesse de vente d'un terrain assujettie à des conditions touchant le zonage, l'état du sol, la viabilité et l'approbation de la S.C.H.L. Un droit de renonciation exprès n'a jamais été exercé Contrat également assujetti au respect de l'art. 26 de la Planning Act Pas de droit de renonciation Toutes les conditions étaient de véritables conditions suspensives L'arrêt Turney v. Zhilka, /1959/ R.C.S. 578 s'applique Le droit de renonciation ne modifie pas la nature d'une véritable condition suspensive Le droit à l'exécution du contrat découlait des interventions de tierces parties Absence de contrat exécutoire tant que les condi tions ne sont pas remplies The Planning Act, R.S.O. 1960, chap. 296, art. 26(l) (mod. par S.O. 1960-61, chap. 76, art. 1)a),e) (mod. par S.O. 1966, chap. 116, art. 2), 326(1) (édicté par S.O. 1961-62, chap. 104, art. 8), (2) (mod. par S.O. 1966, chap. 116, art. 5).
Biens immeubles Promesse de vente qui remonte à 1968 Transfert de la propriété en 1970 Absence de contrat exécutoire tant que les conditions suspensives ne sont pas remplies Un droit de possession incompatible avec le pou- voir exclusif du vendeur sur le bien n'a pas été établi Dans le contrat, le droit de démolir les bâtiments existants et de commencer à construire est assujetti à la délivrance des permis de construction et à l'enregistrement du plan de lotissement Ces événements ne se sont pas réalisés avant 1970 Le droit d'accès au terrain est tout aussi compatible avec un simple droit d'accès qu'avec un droit de possession exclusive.
Vente de terrain Statute of Frauds La description du terrain est suffisante pour satisfaire aux exigences de la Statute of Frauds La Cour suprême du Canada a statué,
dans Dynamic Transport Ltd. c. O.K. Detailing Ltd., /19781 2 R.C.S. 1072, qu'on peut tenir compte du comportement des parties pour déterminer si la description d'un terrain est suffisante Les parties n'ont pas éprouvé de difficultés à reconnaître le terrain The Statute of Frauds, R.S.O. 1960, chap. 381.
Pratique Plaidoiries Il est allégué que le contrat n'est pas exécutoire parce que la description du terrain est insuffi- sante Cet argument n'a pas été expressément invoqué dans la défense qui a fait suite à la déclaration modifiée L'accord initial et les accords de modification ont été invoqués dans la défense Application du principe énoncé dans Re Vandervell's Trust (No. 2), /19741 3 All E.R. 205 (C.A.) Il suffit d'énoncer les faits Il n'est pas nécessaire d'indiquer les conséquences juridiques.
Appel formé à l'encontre d'un jugement de première instance statuant que la vente d'un terrain a eu lieu en 1968. Le ministre du Revenu national prétend que la vente a eu lieu en 1970. La promesse de vente est en date du 29 octobre 1968. Ce contrat était assujetti à des conditions touchant le zonage, l'état du sol, la viabilité et l'approbation de la S.C.H.L. Si les conditions n'étaient pas remplies dans les deux ans qui suivaient la date de la signature, l'acheteur devait, soit renoncer aux conditions, soit mettre fin à l'opération. L'acheteur avait le privilège de démolir tout bâtiment construit sur le terrain et de commencer la construction. Ce contrat devait également respecter les disposi tions de la Planning Act, ce qui ne s'est pas produit avant 1970. Cette condition ne pouvait faire l'objet d'une renonciation. Le transfert lui-même est daté du 9 septembre 1970. Il s'agit de déterminer si le juge de première instance a commis une erreur en décidant que c'est à juste titre que le contribuable a inclus le bénéfice réalisé lors de la vente de la propriété dans son revenu de 1968. L'intimée allègue que la propriété a été vendue en 1968 et qu'elle a eu raison d'inclure dans son revenu de 1968 le dépôt reçu en 1968 et le solde à recevoir. En question prélimi- naire, l'appelante prétend qu'il n'y avait pas de contrat exécu- toire avant que la description n'ait été déterminée de façon définitive en 1970. L'intimée s'oppose à la présentation de cet argument à ce stade parce qu'il n'a pas été expressément invoqué.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
Dans la défense qui a fait suite à la déclaration modifiée, il n'est pas précisément allégué que la description était insuffi- sante, mais l'appelante a invoqué l'ensemble de l'accord initial et les accords de modification. Selon le principe énoncé dans Re Vandervell's Trust (No. 2), [1974] 3 All E.R. 205 (C.A.), il suffit que le plaideur énonce les faits importants. Il n'est pas tenu d'indiquer les conséquences juridiques. Il reste cependant que la description du terrain est suffisante pour respecter la Statute of Frauds. Aucune partie n'a éprouvé de la difficulté à reconnaître le terrain. L'accord de modification portait sur la bande initiale et en prévoyait son élargissement. L'absence d'une description précise des tenants et aboutissants ne parvient pas à rendre le terrain insuffisamment reconnaissable.
L'intimée prétend qu'un bien est vendu quand (1) la pro- priété réelle est transmise en vertu d'une promesse de vente exécutoire, et (2) l'acheteur détient un droit de possession qui est incompatible avec le pouvoir exclusif du vendeur sur le bien.
À l'appui de son second argument, l'intimée invoque que l'acheteur avait le droit de démolir et celui de construire. Toutefois, ces droits n'ont pris naissance qu'après la délivrance de permis de construction et l'enregistrement du plan de lotisse- ment, ce qui n'a pas eu lieu avant 1970. Ces droits ne prouvent pas l'existence d'un droit de possession à la date de la signature en 1968. La disposition qui prévoit le libre accès au terrain est ambiguë en ce qu'elle est tout aussi compatible avec un simple droit d'accès qu'avec un droit de possession exclusive, à titre de propriétaire.
Il n'y avait pas de promesse de vente exécutoire avant 1970, année les conditions suspensives ont été remplies. L'intimée prétend que la promesse de vente aurait délibérément été rédigée pour faire en sorte que les conditions soient des condi tions résolutoires. Les parties ne peuvent de leur propre chef réaliser ou non une condition suspensive. Une véritable condi tion suspensive est une condition externe dont dépend l'exis- tence de l'obligation. Le pouvoir de renonciation ne modifie pas la nature d'une véritable condition suspensive. Puisque les conditions étaient soumises à la volonté d'un tiers, le droit à l'exécution découlait seulement des interventions faites par des tierces personnes et ayant pour effet de satisfaire aux conditions suspensives, liant ainsi les deux parties contractantes.
Le contrat était aussi assujetti à l'article 26 de la Planning Act. Comme la condition constituait une modalité du contrat, il n'est pas nécessaire de prouver qu'il fallait obtenir le consente- ment du Comité de dérogation conformément à l'article 32b de cette Loi. La condition de se conformer à la Planning Act constitue une véritable condition suspensive dont l'accomplisse- ment dépendait entièrement de l'arrivée d'un événement subor- donné à la volonté d'un tiers. La condition ne pouvait faire l'objet d'une renonciation. Ainsi, jusqu'à ce que la condition ait été remplie, l'acheteur n'aurait pu demander l'exécution inté- grale du contrat.
Le solde du prix d'achat, après la réception effective des 70 000 $ en 1968, n'était pas un «montant recevable» au sens de l'alinéa 85B(1)6) avant 1970, année de la réalisation de la condition relative au respect de la Planning Act. Est applicable le principe tiré de l'arrêt Minister of National Revenue v. John Colford Contracting Co. Ltd., [1960] R.C.E. 433, selon lequel il doit exister un [TRADUCTION] «droit juridique clair, bien que n'étant pas nécessairement exécutoire, à ... recevoir [le montant] ».
Le dépôt de 70 000 $ n'était pas un revenu reçu en 1968 parce que le droit de l'intimée de conserver cette somme dépendait d'une éventualité.
Les seuls dépôts considérés comme un revenu dans l'article 85B sont ceux qu'envisage le sous-alinéa 85B(1)a)(ii), qui ne s'applique pas. Puisque ce sous-alinéa s'applique aux dépôts, le Parlement n'a donc pas voulu que le sous-alinéa précédent le fasse également. L'article 85B ne s'applique pas au dépôt versé en 1968.
À part l'article 85B, la Cour suprême du Canada a statué, dans l'arrêt Minister of National Revenue v. Atlantic Engine Rebuilders Ltd., [1967] R.C.S. 477, que rien dans la Loi de l'impôt sur le revenu n'exige que les dépôts soient considérés comme des bénéfices de l'intimée. Ainsi le critère pour détermi- ner s'il s'agit d'un revenu reste celui de savoir si la somme en question est devenue la propriété absolue du contribuable ou s'il s'agit d'un dépôt reçu sous condition: Dominion Taxicab Assn.
v. Minister of National Revenue, [ 1954] R.C.S. 82; [1954] C.T.C. 34.
JURISPRUDENCE DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Re Vandervell's Trust (No. 2), [1974] 3 All E.R. 205 (C.A.); Dynamic Transport Ltd. c. O.K. Detailing Ltd., [1978] 2 R.C.S. 1072; Turney v. Zhilka, [1959] R.C.S. 578; Hobart Investment Corpn. Ltd. v. Walker et al., [1977] 4 W.W.R. 113 (C.A.C.-B.); Robertson Ltd.. Ken- neth B.S. v. Minister of National Revenue, [1944] R.C.E. 170; Diamond Taxicab Assn. Ltd. v. Minister of National Revenue, [1952] R.C.E. 331; [1952] C.T.C. 229; Dominion Taxicab Assn. v. Minister of National Revenue, [1954] R.C.S. 82; [1954] C.T.C. 34; Minister of National Revenue v. Atlantic Engine Rebuilders Ltd., [ 1967] R.C.S. 477; Minister of National Revenue v. John Colford Contracting Co. Ltd., [1960] R.C.E. 433.
DÉCISIONS ÉCARTÉES:
Genern Investments Ltd. v. Back, [1969] 1 O.R. 694 (H.C.); Dennis v. Evans (1972), 27 D.L.R. (3d) 680
(C.A. Ont.); confirmant [1972] 1 O.R. 585 (H.C.).
DÉCISIONS CITÉES:
384238 Ontario Limited c. La Reine du chef du Canada, [1984] 1 C.F. 661; (1983), 52 N.R. 206 (C.A.); Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; 84 DTC 6305; Kirby v. Cowderoy, [1912] A.C. 599 (P.C.); Re Shantz and Hallman (1927), 60 O.L.R. 543 (C.A.); Barnett c. Harrison, [1976] 2 R.C.S. 531; Wilchar Cons truction Ltd. c. R., [1982] 2 C.F. 489 (C.A.).
AVOCATS:
Ian MacGregor et Michael Templeton pour l'appelante.
Wolfe D. Goodman, c.r. et Joanne E. Swystun pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous -procureur général du Canada pour
l'appelante.
Goodman & Carr, Toronto, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN: L'intimée attaque une nouvelle cotisation d'impôt pour l'année d'imposi- tion 1972. La contestation porte sur l'assujettisse- ment à l'impôt du produit de la vente d'un terrain qui, selon l'intimée, a eu lieu en 1968, mais qui, selon le ministre du Revenu national, s'est produite en 1970. La Division de première instance
[[1984] 1 C.F. 146] a donné raison à l'intimée et l'appelante a interjeté appel devant cette Cour.
L'intimée est une société qui a remplacé Bramp- ton Realty Limited («Brampton»). Elles ont toutes deux été constituées sous le régime des lois de la province de l'Ontario. Brampton se spécialise dans l'achat, la vente et la viabilité de terrains ainsi que dans la construction de nombreux genres d'immeu- bles.
En octobre 1968, Brampton était propriétaire d'un terrain situé dans la municipalité de Scarbo- rough dans la communauté urbaine de Toronto, au croisement du chemin Birchmount et de l'avenue Sheppard est. Ce terrain était assez grand pour permettre la construction d'un certain nombre d'immeubles à appartements. Le 29 octobre 1968, Brampton a promis de vendre à Jack Mendlewitz un terrain suffisant pour permettre la construction de deux immeubles à appartements.
Voici comment le juge de première instance décrit le contrat [aux pages 148 151]:
Les conditions pécuniaires de la promesse de vente et d'achat (que nous appellerons ci-après l'aaccord initial»), datée du 29 octobre 1968, prévoyaient que le prix d'achat de 844 250 $ serait versé de la manière suivante: 20 000 $ à la signature de l'accord, 50 000 $ le 31 octobre 1968, 145 000 $ au moment de l'enregistrement du plan du lotissement concernant la mise en valeur par Mendlewitz du terrain en question et le solde «établi à cette date» par deux hypothèques en faveur de Brampton lorsque certaines conditions auraient été remplies.
Le paragraphe introductif de l'accord initial dit ceci:
[TRADUCTION] Le soussigné, JACK MENDLEWITZ (ache- teur) convient avec BRAMPTON REALTY LIMITED (vendeur) par l'intermédiaire de Drillich & Company Realty Limited, mandataire du vendeur, d'acheter tous les terrains et locaux appartenant au vendeur et se trouvant dans la municipalité de Scarborough, au Nord de l'avenue Sheppard est, et à l'est du chemin Birchmount, lesdits terrains étant suffisants pour construire deux immeubles d'appartements comportant 307 unités (les deux bâtiments ayant approximativement les mêmes dimensions), l'un d'eux étant situé au coin des ave nues Sheppard et Birchmount, pour le prix de HUIT CENT QUARANTE QUATRE MILLE DEUX CENT CINQUANTE DOL LARS (844 250 $) en monnaie légale canadienne, payable de la manière suivante.
L'accord stipule que le prix d'achat a été calculé sur la base d'un prix de 2 750 $ pour chacun des 307 appartements, et prévoit qu'après l'enregistrement du plan de lotissement, des permis de construction seront obtenus pour la construction de deux immeubles d'appartements comportant chacun 307 unités d'une superficie brute minimum de 900 pieds carrés chacune.
Le paragraphe suivant dit ceci:
[TRADUCTION] L'accord est subordonné aux conditions énoncées ci-après et, si ces dernières ne sont pas remplies dans les deux années suivant la date de la signature, l'ache- teur doit parachever l'opération et renoncer aux conditions qui ne sont pas remplies, ou mettre fin à l'opération, ayant droit dans ce cas au remboursement de toutes les sommes versées au titre de l'accord, sans déductions et sans intérêts.
Les quatre conditions sont les suivantes: (1) la municipalité attribuera au lotissement un zonage autorisant la construction des bâtiments; (2) l'état du sol permettra la construction des bâtiments, sans augmentation des coûts; (3) le terrain sera viabilisé; (4) le terrain en question sera approuvé, aux fins d'hypothèques, par la Société centrale d'hypothèques et de logement.
Le paragraphe 4 se termine de la manière suivante:
[TRADUCTION] Toutefois si les conditions susmentionnées ne sont pas remplies dans l'année qui suit la date de la signa ture, l'acheteur pourra déclarer l'accord nul et non avenu et aura droit alors au remboursement de toutes les sommes versées conformément à celui-ci.
Le contrat prévoit ensuite le paiement du solde du prix d'achat «établi à cette date» par le moyen de deux hypothèques distinctes. Chaque paragraphe traitant de ces deux hypothèques inclut une clause portant que le débiteur hypothécaire (Mendie- witz) est autorisé à démolir tout bâtiment construit sur le terrain en question et à commencer la construction de nouveaux bâtiments, [TRADUCTION] «sans que la démolition et/ou la construction soient considérées comme un acte de dégradation équivalant à une défaillance du débiteur hypothécaire». Une disposition au même effet apparaît plus haut dans le même document, dans un paragraphe traitant du paiement du solde du prix d'achat. À la dernière page de ce document, qui comporte en tout huit pages, il est prévu que [TRADUCTION] «l'acheteur aura, à tout moment, libre accès au terrain pour lui permettre de procéder à la construction des bâtiments».
L'accord initial a été suivi par un contrat en date du 8 août 1969 conclu par Jack Mendlewitz, en tant qu'acheteur, et Imperial General Properties Limited, en tant que vendeur. Ce contrat reconnaît l'accord initial et mentionne la fusion de la société Brampton et de la société demanderesse.
Le contrat prévoit également que [TRADUCTION] «si l'ache- teur [Mendlewitz], avant le début de la construction des immeubles d'appartements, reçoit une offre acceptable faite de bonne foi en vue de l'achat du terrain ... [il] donnera au vendeur [la demanderesse] ... un droit de préférence» au montant de cette offre.
La demanderesse et Mendlewitz ont conclu un autre contrat d'achat et de vente, en date du 9 septembre 1969, concernant d'autres terrains contigus au terrain en question, pour un montant de 289 250 $. Cet accord était également subordonné à certaines conditions qui devaient être remplies avant le 29 octobre 1970, faute de quoi l'acheteur pourrait mettre fin à l'opération ou renoncer aux conditions qui n'étaient pas rem- plies. Cet accord prévoyait en outre que la défaillance de l'acheteur ou du vendeur, à l'égard de ce dernier accord, constituerait une défaillance à l'égard de l'accord d'achat initial.
Le 10 septembre 1970, Mendlewitz a autorisé la demande- resse à établir la grosse d'un acte en faveur de Palmyra
Holdings Limited et d'un acte en faveur de St. Giles Develop ments Limited, deux parties à chacune desquelles Mendlewitz avait cédé une parcelle du terrain en cause. Le transfert lui-même en vertu de la Loi sur l'enregistrement des droits immobiliers de l'Ontario [R.S.O. 1960, chap. 204] est daté du 9 septembre 1970.
Une écriture d'ajustement, en date du 10 septembre 1970, indique un prix d'achat total de 1 070 750 $, pour 307 et 83 appartements, duquel sont déduites plusieurs hypothèques, pour un [TRADUCTION] «solde dû, à la signature, à Imperial General Properties Limited» de 154 000 $.
Le 14 septembre 1970, le conseil municipal a adopté les recommandations de la Commission de contrôle en faveur de la modification de l'accord de lotissement demandée par la demanderesse; les procureurs de la demanderesse l'ont notifiée aux procureurs de Mendlewitz le 22 septembre 1970.
À partir de ces faits, il faut déterminer si le juge de première instance a commis une erreur en décidant que c'est à juste titre que Brampton a inclus le bénéfice réalisé lors de la vente de la propriété dans son revenu pour l'année d'imposi- tion 1968. Pour ce faire, il faut établir à quel moment la vente a été parachevée. L'intimée allè- gue que la propriété a été vendue le 31 octobre 1968 et qu'elle a eu raison d'inclure dans son revenu de 1968 les 70 000 $ qu'elle a reçus en 1968 ainsi que le solde de 774 240 $ à recevoir de Mend- lewitz pour la propriété.
Le droit applicable est principalement l'article 85B de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, modifié [par S.C. 1952-53, chap. 40, art. 73; S.C. 1955, chap. 54, art. 26; S.C. 1957, chap. 29, art. 19], dont une partie se lisait ainsi en 1968:
85B. (1) Dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition,
a) tout montant reçu pendant l'année dans le cours d'une entreprise
(i) qui est au titre de services non rendus ou de marchandi- ses non livrées avant la fin de l'année ou qui, pour toute autre raison, peut être considéré comme n'ayant pas été gagné dans l'année ou une année antérieure, ou
(ii) qui, en vertu d'un arrangement ou d'une entente, est remboursable en totalité ou en partie sur remise ou revente au contribuable d'articles dans lesquels, ou au moyen desquels, des marchandises ont été livrées à un client,
doit être inclus;
b) tout montant recevable à l'égard de biens vendus ou de services rendus dans le cours de l'entreprise pendant l'année doit être inclus, nonobstant le fait que le montant n'est pas recevable avant une année subséquente, à moins que la méthode adoptée par le contribuable pour le calcul du revenu provenant de l'entreprise et acceptée aux fins de la présente
Partie ne l'astreigne pas à inclure, dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition, un montant recevable, sauf s'il a été reçu dans l'année;
c) sous réserve du paragraphe (3), lorsque des montants d'une catégorie décrite au sous-alinéa (i) ou (ii) de l'alinéa a) ont été inclus dans le calcul du revenu du contribuable, provenant d'une entreprise, pour l'année ou une année anté- rieure, il peut être déduit un montant raisonnable comme réserve à l'égard
(i) de marchandises qui, selon ce qui est raisonnablement prévu, devront être livrées après la fin de l'année,
(ii) de services qui, selon ce qui est raisonnablement prévu, devront être rendus après la fin de l'année,
(iii) de périodes pour lesquelles le loyer ou d'autres mon- tants, visant la possession ou l'utilisation d'un terrain ou de biens meubles, ont été payés d'avance, ou
(iv) de remboursements aux termes d'arrangements ou d'ententes de la catégorie décrite au sous-alinéa (ii) de l'alinéa a) qui, selon ce qui est raisonnablement prévu, devront être faits après la fin de l'année sur remise ou revente au contribuable d'articles autres que des bouteilles;
Examinons d'abord la question la plus impor- tante, c'est-à-dire celle de la vente.
À ce propos, il faut tout d'abord se demander si la description du terrain était suffisante. Selon l'appelante, il ne pouvait y avoir de contrat exécu- toire entre les parties à l'accord initial parce que ce n'est qu'en 1970 qu'ont été déterminées de façon définitive la superficie et la description du terrain vendu. L'intimée conteste cette allégation et s'op- pose à la présentation de cet argument par l'appe- lante à ce stade-ci parce que, selon elle, il n'a pas été expressément invoqué.
D'une part, je n'estime pas inéquitable que l'ap- pelante soulève cette question, puisqu'elle a été également soulevée au procès, même si le juge de première instance ne l'a pas directement tranchée. Bien que l'appelante remette en question la suffi- sance de la description dans l'exposé des faits et du droit présenté pour cet appel, elle n'a pas précisé- ment invoqué ce moyen dans la défense qui a fait suite à la déclaration modifiée. Il me semble que, dans l'arrêt Re Vandervell's Trust (No. 2), [ 1974] 3 All E.R. 205 (C.A.), à la page 213 (appliqué par cette Cour par le juge Stone dans 384238 Ontario Limited c. La Reine du chef du Canada, [1984] 1 C.F. 661, à la page 678; (1983), 52 N.R. 206 (C.A.), à la page 217) lord Denning a formulé avec exactitude le principe applicable:
[TRADUCTION] Il suffit que le plaideur énonce les faits impor- tants. Il n'est pas tenu d'indiquer les conséquences juridiques. S'il le fait pour fins de commodité, il n'est pas lié ni limité par
ce qu'il a déclaré. Il peut exposer, à titre d'argument, les conséquences juridiques qui découlent des faits.
En l'espèce, l'appelante a invoqué dans sa défense à la déclaration modifiée l'ensemble de l'accord initial de même que les deux autres accords de modification. Voilà quels sont essentiellement les faits sur lesquels se fonde l'argument juridique.
D'autre part, je suis d'accord avec l'intimée pour dire que la description du terrain à vendre est suffisante pour répondre aux conditions de la Sta tute of Frauds [R.S.O. 1960, chap. 381] et qu'elle ne rend pas, par conséquent, le contrat inexécuta- ble pour ce motif. Dans l'arrêt Turney v. Zhilka, [1959] R.C.S. 578, la décision de la Cour suprême selon laquelle le contrat ne pouvait faire l'objet d'une exécution intégrale en vertu de l'article 4 de la Statute of Frauds [R.S.O. 1950, chap. 371] était motivée par le fait que [TRADUCTION] «les parties n'ont jamais conclu un accord, oral ou écrit, concernant la superficie ou la description du terrain qui devait être conservé ou de celui qui devait être vendu« la page 580). Dans l'arrêt Dynamic Transport Ltd. c. O.K. Detailing Ltd., [1978] 2 R.C.S. 1072, les faits étaient diffé- rents, la Cour suprême a estimé suffisante la des cription du terrain; le juge Dickson [tel était alors sont titre] a indiqué que «Sur la question de la précision d'une description de terrain, c'est à la suite d'une longue évolution que les tribunaux en sont venus à juger qu'une note est suffisante aux fins de la Statute of Frauds» la page 1078). De même, selon lui, on peut, pour déterminer si la description du terrain soulève des difficultés, exa miner le comportement des parties.
En l'espèce, seul le zonage d'une bande de 5,12 acres du terrain de 32 acres permettait la construc tion d'immeubles à appartements et c'est cette bande qui a fait l'objet des négociations de Mend- lewitz. La preuve démontre que ni le vendeur, ni l'acheteur n'ont eu de difficulté à identifier le terrain. Qui plus est, l'accord de modification du 9 septembre 1969 portait sur cette bande initiale et prévoyait son élargissement. Compte tenu des faits de cette affaire, l'absence d'une description précise des tenants et aboutissants ne parvient pas à rendre le terrain insuffisamment reconnaissable.
Passons maintenant à la question de la vente elle-même. La promesse de vente était datée du 29
octobre 1968 et la signature de l'acte de vente devait avoir lieu le 31 octobre; 20 000 $ devaient être versés au moment de la signature de la pro- messe de vente et 50 000 $ à la signature de l'acte de vente. L'acheteur avait jusqu'au 15 décembre pour faire l'examen des titres. En ordre chronolo- gique approximatif, il y a d'abord eu les études du sol en 1968 et 1969. Ensuite, le 8 août 1969, le Comité de dérogation a donné son consentement pour la délivrance des actes. Puis, en 1970, l'ac- cord de lotissement a été conclu et le plan de lotissement a été enregistré le 8 juillet. La viabilité du terrain a été complétée au milieu de 1970 et les permis de construction de l'immeuble projeté ont été délivrés en septembre 1970. Les rajustements ont été établis au 10 septembre 1970 et les titres ont été enregistrés a peu près au même moment.
L'intimée explique dans son exposé (et cette explication semble être appuyée par la preuve) la raison pour laquelle la signature de l'acte de vente semble déphasée par rapport aux autres éléments de l'opération:
[TRADUCTION] Les comptables de Brampton l'ont informée qu'il serait avantageux que la vente de la propriété soit conclue avant le P' novembre 1968 (date à laquelle Brampton a fusionné avec un certain nombre d'autres sociétés pour former l'intimée), de sorte que le bénéfice réalisé grâce à la vente puisse être défalqué, aux fins de l'impôt, des pertes accumulées par Brampton. (En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, dans la version qu'elle avait alors, ces pertes ne pouvaient être reportées à un exercice financier de la société fusionnée ni utilisées par celle-ci.)
Compte tenu de l'arrêt récent de la Cour suprême du Canada Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; 84 DTC 6305, l'appelante n'a pas mis en doute la régularité de l'opération de Brampton, mais elle a, pour bien des raisons, estimé que le 31 octobre 1968 était une date «symbolique» pour la conclusion du contrat.
L'intimée prétend néanmoins qu'un bien est vendu quand deux conditions sont réunies: (1) la propriété réelle est transmise en vertu d'une pro- messe de vente exécutoire et (2) l'acheteur détient un droit de possession qui est incompatible avec le pouvoir exclusif du vendeur sur le bien.
En ce qui concerne la possession, l'intimée a raison de prétendre que la possession d'un terrain doit chaque fois être considérée comme un cas d'espèce: Kirby v. Cowderoy, [ 1912] A.C. 599
(P.C.); Re Shantz and Hallman (1927), 60 O.L.R. 543 (C.A.). L'intimée a attiré notre attention sur le droit qu'a l'acheteur-débiteur hypothécaire de démolir tout immeuble se trouvant sur le terrain et de commencer la construction sans que cette démolition ou construction ne soit considérée comme un acte de dégradation équivalant à une défaillance du débiteur hypothécaire, droit que la promesse de vente a précisé en des termes identi- ques tant pour l'hypothèque en faveur d'un tiers que pour l'hypothèque en faveur du vendeur. Tou- tefois, ces droits n'ont pris naissance que trente jours après l'obtention des permis de construction et l'enregistrement du plan de lotissement. Non seulement ces événements ne se sont réellement produits que vers l'époque de l'enregistrement des titres en septembre 1970, au moment il y a eu prise en compte des hypothèques dans l'état des rajustements du 10 septembre 1970, mais ils visaient clairement à correspondre au solde du prix d'achat à l'époque des derniers rajustements et de l'enregistrement des titres. Donc, ils ne peuvent guère servir de preuve d'un droit de possession à la date symbolique de signature de l'acte de vente en 1968.
La disposition de la promesse de vente selon laquelle l'acheteur aura, à tout moment, libre accès au terrain pour lui permettre de procéder à la construction des bâtiments sur le terrain est ambiguë en ce qu'elle est tout aussi compatible avec un simple droit d'accès qu'avec un droit de possession exclusive, à titre de propriétaire.
L'intimée ne réussit pas non plus à démontrer l'existence d'une promesse de vente exécutoire en vertu de laquelle la propriété réelle aurait été transmise. Pour défendre cette thèse, l'intimée aborde la question d'une manière tout à fait sub jective, savoir que les parties à la promesse de vente auraient délibéremment rédigé cette dernière d'une manière inhabituelle pour faire en sorte que les conditions qui y sont formulées soient des con ditions résolutoires et non des conditions suspensi- ves.
Non seulement la preuve extrinsèque sur laquelle repose cette allégation est-elle trop ambi- guë et insuffisante pour l'établir, mais encore la jurisprudence montre que les parties ne peuvent de leur propre chef réaliser ou non une condition suspensive, même si elles peuvent y renoncer.
Ainsi, dans l'arrêt Turney v. Zhilka, [ 1959] R.C.S. 578, aux pages 583 et 584, où, en l'absence d'un pouvoir de renonciation, la Cour suprême a statué, entre autres, qu'elle ne pouvait accorder l'exécution intégrale, le juge Judson a dit:
[TRADUCTION] Aux termes du contrat, l'obligation imposée aux deux parties dépendait d'un événement futur incertain dont l'arrivée était entièrement subordonnée à la volonté d'un tiers— le conseil du village. C'est une véritable condition suspensive— une condition externe dont dépend l'existence de l'obligation. Jusqu'à l'arrivée de l'événement, aucune partie n'a le droit d'exiger l'exécution.
Le juge Dickson, au nom de la Cour à la majorité dans l'arrêt Barnett c. Harrison, [1976] 2 R.C.S. 531, aux pages 558 560, a bien établi que seul un droit exprès de renonciation peut permettre à une partie contractante d'obtenir l'exécution intégrale après qu'elle a renoncé à une condition du contrat stipulée seulement à son avantage.
De toute évidence, nous sommes en présence de pouvoirs de renonciation exprès en ce qui concerne quatre des cinq conditions de la promesse de vente en l'espèce. Je suis plus favorable à la prétention de l'appelante que le pouvoir de renonciation ne modifie pas la nature d'une véritable condition suspensive, qui est une exigence soumise à la volonté d'un tiers, mais que la renonciation peut seulement, selon la manière dont elle est exercée et lorsqu'elle est exercée, constituer une exécution de la condition qui lie les deux parties contractantes. Ce raisonnement suit l'arrêt de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique Hobart Investment Corpn. Ltd. v. Walker et al., [1977] 4 W.W.R. 113 (C.A.C.-B.) (par le juge McIntyre) plutôt que les décisions Genern Investments Ltd. v. Back, [1969] 1 O.R. 694 (H.C.), et Dennis v. Evans, [1972] 1 O.R. 585 (H.C.), confirmée pour d'autres motifs par la Cour d'appel de l'Ontario, (1972), 27 D.L.R. (3d) 680. Selon les faits de l'espèce, les pouvoirs de renonciation relatifs aux quatre condi tions touchant le plan de lotissement, les études du sol, les permis de construction et l'approbation de la S.C.H.L. n'ont jamais été exercés. Par consé- quent, puisque la plus grande partie, sinon la totalité, de ces conditions était subordonnée à la volonté d'un tiers, le droit à l'exécution ne décou- lait pas de la renonciation, par l'acheteur, aux exigences contenues dans les conditions, mais seu- lement des interventions de tierces personnes qui ont eu pour effet de satisfaire aux conditions sus- pensives, liant ainsi les deux parties contractantes.
Néanmoins, je préfère fonder ma décision sur l'existence d'une cinquième condition qui, bien que n'étant pas formulée comme une condition suspen- sive, en est manisfestement une. On la retrouve à la page 7 de la promesse de vente et elle dispose: [TRADUCTION] «Ce contrat est assujetti aux dispo sitions de l'article 26 de la Planning Act, R.S.O. 1960 et ses modifications.» Les parties pertinentes du paragraphe 26(1) (mod. par S.O. 1960-61, chap. 76, art. 1; S.O. 1966, chap. 116, art. 2) et de l'article 32b) (édicté par S.O. 1961-62, chap. 104, art. 8; mod. par S.O. 1966, chap. 116, art. 5) de la Planning Act [R.S.O. 1960, chap. 296] sont les suivantes:
[TRADUCTION] 26.—(l) Le conseil d'une municipalité peut prendre un règlement pour désigner une zone de la municipalité comme zone de contrôle du lotissement et, sauf si
(a) la description du terrain fait partie d'un plan de lotisse- ment enregistré, ou
(e) le consentement est donné pour aliéner, hypothéquer, grever le terrain ou pour conclure un contrat relatif à ce terrain
(i) par le comité de dérogation de la municipalité en vertu de l'alinéa 2a et de l'article 32b, à l'exception des cas la zone a fait l'objet d'un décret du Ministre pris par applica tion de l'alinéa b du paragraphe 1 de l'article 27, ou
(ii) par le Ministre, en l'absence d'un comité de dérogation dont les règles de procédure sont approuvées ou lorsque la zone a fait l'objet d'un décret du Ministre pris par applica tion de l'alinéa b du paragraphe 1 de l'article 27
nul ne devra aliéner, transférer, hypothéquer ou grever un terrain de cette zone, ni conclure une promesse de vente ayant pour objet un terrain de cette zone, ni conclure un contrat ayant pour effet d'accorder l'usage d'un terrain ou un droit sur un terrain de cette zone, que ce soit directement ou en accor- dant un droit de reconduction, et ce, pour une période de vingt et un ans ou plus.
32b.—(1) Sur demande du propriétaire d'un terrain, d'un immeuble ou d'une construction visés par le règlement de mise en œuvre du plan officiel ou par le règlement adopté en vertu de l'article 30, ou d'une version antérieure de cet article, ou sur demande de toute personne titulaire d'une autorisation écrite du propriétaire, le comité de dérogation peut, nonobstant toute autre loi, permettre des dérogations mineures aux dispositions du règlement relativement au terrain, à l'immeuble ou à la construction en question, ou relativement à leur usage, si, à son avis, une telle dérogation est souhaitable pour la mise en valeur et l'usage qui convient au terrain, à l'immeuble ou à la cons truction, pourvu que le comité soit d'avis que l'objet général du règlement ou du plan officiel, s'il y a lieu, est respecté.
(2) En plus des pouvoirs prévus au paragraphe 1, le comité qui reçoit une demande peut permettre
(a) lorsqu'au jour de l'adoption du règlement un terrain, un immeuble ou une construction était utilisée pour un objet interdit par ce règlement et que cet usage s'est continué jusqu'au jour de la demande au comité
(i) l'agrandissement de l'immeuble ou de la construction pourvu que le terrain, l'immeuble ou la construction soit encore utilisé de la même manière et pour le méme objet qu'au jour de l'adoption du règlement, mais aucune per mission ne peut être accordée pour agrandir l'immeuble ou la construction au-delà des limites du terrain possédé et utilisé en liaison avec cet usage le jour de l'adoption du règlement, ou
(ii) l'utilisation du terrain, de l'immeuble ou de la struc ture pour un objet qui, selon le comité, est semblable à l'objet pour lequel il était utilisé au jour de l'adoption du règlement, ou est plus compatible avec les usages permis par le règlement que l'objet pour lequel il était utilisé au jour de l'adoption du règlement, à la condition que le terrain, l'immeuble ou la construction continuent d'être utilisés de la même manière et pour le même objet que ce qu'a autorisé le comité; ...
L'intimée prétend que l'appelante n'a pas le droit d'invoquer cette condition puisqu'elle ne l'a pas explicitement invoquée dans sa défense, mais je ne saurais admettre cet argument pour les motifs que j'ai déjà donnés en ce qui concerne la régularité de la description du terrain. Dans la défense présentée à la déclaration modifiée, l'appe- lante invoque l'ensemble de l'accord initial qui, selon elle, [TRADUCTION] «contenait plusieurs con ditions suspensives qui devaient être remplies avant la date de la vente». Cette phrase constitue certainement une allégation suffisante des faits pertinents sur lesquels on peut fonder d'autres allégations portant plus directement sur les condi tions, notamment celle dont il est question.
Quant au fond de la condition, il est vrai, comme le prétend l'intimée, que l'appelante n'a soumis aucune preuve pour démontrer que le ter rain en question faisait partie d'une zone de con- trôle du lotissement désignée par une municipalité propre à entraîner l'application de l'article 26 de la Planning Act et, par conséquent, l'obligation d'ob- tenir le consentement du comité de dérogation de la municipalité prévu par l'article 32b de cette loi. Cependant, vu que cette condition était précisée comme modalité du contrat, il n'est pas nécessaire de prouver que ce consentement était requis. Les parties lui ont, par leur contrat, donné la forme d'une exigence, que la loi l'ait rendue nécessaire ou non. Manifestement, la condition de se conformer
à la Planning Act constitue une véritable condition suspensive au sens de l'arrêt Turney v. Zhilka, dont l'accomplissement dépendait entièrement de l'arrivée d'un événement subordonné à la volonté de tiers. Il ne s'agit pas d'une condition qui d'après les clauses du contrat ou d'après sa nature même pouvait faire l'objet d'une renonciation. Ainsi, jus- qu'à ce que la condition ait été remplie, l'acheteur n'aurait pu demander l'exécution intégrale du con- trat le 31 octobre 1968.
Dans ces circonstances, est-ce que le solde du prix d'achat après la réception effective des 70 000 $ en 1968 peut être considéré comme un «montant recevable» par l'intimée en 1968 au sens de l'alinéa 85B(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu?
Pour répondre à cette question, il faut se référer à l'arrêt Minister of National Revenue v. John Colford Contracting Co. Ltd., [1960] R.C.É. 433, appel rejeté [ 1962] R.C.S. viii, dans lequel la Cour a décidé que les paiements échelonnés effective- ment reçus constituent un revenu imposable dans l'année de leur réception, comme l'est la portion des retenues de garantie visée dans les certificats que les architectes ou les ingénieurs ont délivrés, même si elle n'est pas exigible dans l'année d'im- position selon les modalités du contrat. La Cour a décidé que les retenues de garantie à l'égard des- quelles aucun certificat n'a été délivré ne consti tuent pas des montants recevables dans l'année, selon l'alinéa 85B(1)b). Le juge Kearney indique ainsi comment établir la distinction la page 441):
[TRADUCTION] En l'absence d'une définition statutaire s'écar- tant de ce sens, je pense qu'il ne suffit pas que le soi-disant bénéficiaire ait éventuellement droit de recevoir le montant en question. Il doit être titulaire d'un droit juridique clair, bien que n'étant pas nécessairement exécutoire, à le recevoir. Un autre sens de ce terme, comme le mentionne le juge Cameron, est «à recevoir». Quant à Eric L. Kohler, dans A Dictionary for Accountants, édition de 1957 la p. 408, il le définit comme «percevable, qu'il soit ou non exigible.» Ces deux définitions, je pense, comportent l'idée du droit au paiement.
Dans sa plaidorie orale, l'intimée n'a pas insisté sur la prétention qu'elle fonde sur l'arrêt Wilchar Construction Ltd. c. R., [1982] 2 C.F. 489 (C.A.), et selon laquelle un contribuable peut librement anticiper l'impôt en effectuant des versements d'avance de sorte que je n'ai pas à faire de remar- ques sur cette affaire ni à établir des distinctions entre elle et la présente espèce.
En résumé, selon moi, le solde du prix d'achat n'a pas été reçu, ni n'était recevable avant l'année d'imposition 1970 de l'intimée, année de la réalisa- tion de la condition relative au respect de la Plan ning Act, époque à laquelle il a été correctement inclus dans le calcul du revenu de l'intimée pour cette année conformément à l'alinéa 85B(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Il reste à trancher la question du raisonnement adopté par l'intimée en ce qui concerne les 70 000 $ qu'elle a «reçus» le 31 octobre 1968. L'appelante prétend que le droit de l'intimée de conserver la somme payée en 1968 dépend égale- ment d'éventualités, et que cette somme ne consti- tue pas un revenu selon le critère énoncé par le juge Thorson dans l'arrêt Robertson Ltd., Kenneth B.S. v. Minister of National Revenue, [ 1944] R.C.É. 170, aux pages 182 et 183:
[TRADUCTION] Est-ce que son droit au paiement est absolu, libre de toute restriction contractuelle ou autre quant à sa disposition, son usage ou sa jouissance? Autrement dit, est-il possible de considérer une somme confiée à un contribuable comme un bénéfice ou un gain tiré de son entreprise durant toute la période il garde cette somme sous réserve de conditions précises et non remplies et le droit de la garder et d'en faire usage ne lui est pas encore dévolu et peut ne jamais lui être dévolu? [C'est moi qui souligne.]
La Cour suprême du Canada en est arrivée à une conclusion semblable dans les arrêts Diamond Taxicab Assn. Ltd. v. Minister of National Reve nue, [1952] R.C.E. 331; [1952] C.T.C. 229 et Dominion Taxicab Assn. v. Minister of National Revenue, [1954] R.C.S. 82; [1954] C.T.C. 34, dans lesquels elle a décidé que le critère applicable pour déterminer s'il s'agit d'un revenu consiste à déterminer si la somme en question est devenue la propriété absolue du contribuable ou s'il s'agit d'un dépôt reçu sous condition.
Selon l'intimée, l'alinéa 85B(1)a) a renversé cette série d'arrêts et inclut dans le revenu des sommes qui n'ont pas encore été gagnées. L'inti- mée a, selon moi, réussi à démontrer que l'alinéa 85B(1)a) ne se limite pas aux montants reçus au titre de services non rendus ou de marchandises non livrées. L'interprétation que donne l'appelante ne tient pas suffisamment compte des mots «tout montant reçu dans l'année dans le cours d'une entreprise ... qui, pour toute autre raison, peut être considéré comme n'ayant pas été gagné dans
l'année ou une année antérieure.» Elle n'explique pas non plus la présence du «loyer ou d'autres montants, visant la possession ou l'utilisation d'un terrain» dans l'application du «loyer ou d'autres montants, visant la possession ou l'utilisation d'un terrain» de l'alinéa e) à l'alinéa a) si ce dernier se limite aux recettes tirées de marchandises et de services.
Toutefois, l'appelante prétend également que les seuls dépôts considérés comme un revenu dans l'article 85B sont ceux qu'envisage le sous-alinéa (1)a)(ii) qui, les deux parties, l'appelante et l'inti- mée, en conviennent avec raison, ne s'applique pas. Puisque les parties admettent que ce sous-alinéa s'applique aux dépôts, je dois conclure que le Parlement n'a pas voulu que le sous-alinéa précé- dent le fasse également. L'article 85B ne s'applique donc pas au montant payé par l'acheteur à l'inti- mée en 1968.
En ce qui concerne la Loi de l'impôt sur le revenu, indépendamment de l'article 85B, le prin- cipe appliqué dans l'arrêt Minister of National Revenue v. Atlantic Engine Rebuilders Ltd., [1967] R.C.S. 477, semble pertinent. Dans cette affaire, la Cour a décidé que des dépôts qui n'avaient pas été remboursés à la fin d'une année d'imposition et que le Ministre avait ajoutés au revenu du contribuable pour l'année ne devaient pas être considérés comme un revenu pour l'année en question. Le juge Cartwright, au nom de la majorité, a analysé la loi de la façon suivante (aux pages 479 et 480):
[TRADUCTION] L'article 4 de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que, sous réserve des autres dispositions de la Partie I de la Loi, le revenu provenant, pour une année d'imposition, d'une entreprise ou de biens est le bénéfice en découlant pour l'année.
La question essentielle dans cette affaire me parait être de savoir si en déclarant quel était son bénéfice pour l'année, l'intimée pouvait véritablement avoir inclus la somme en ques tion. À mon avis, il n'y a qu'une réponse: c'est impossible. li savait qu'il risquait de ne pouvoir rien conserver de ce montant et qu'il était probable qu'il devrait en remettre 96 pour cent aux déposants dans un proche avenir. Le fait que l'intimée soit juridiquement devenue la propriétaire des montants déposés entre ses mains et qu'il ne s'agissait pas d'un fonds de fiducie me paraît sans importance; on peut dire la même chose des sommes déposées par le client d'une banque et qui font partie de l'actif de la banque mais non de ses bénéfices. Considérer ces dépôts comme des recettes d'exploitation ordinaires de l'intimée équivaudrait à ne tenir aucun compte de toutes les circons- tances de la situation.
Les motifs sur lesquels se fonde la décision du juge Thurlow me paraissent confirmés par le raisonnement de cette Cour à la majorité dans l'arrêt Dominion Taxicab Association v. Minis ter of National Revenue, précité, à la p. 85, dans lequel on dit que, à chaque dépôt reçu par l'Association et ajouté à son actif correspondait un élément de passif éventuel d'un montant égal. C'est l'une des raisons pour lesquelles la Cour a conclu que les dépôts ne faisaient pas partie des bénéfices de l'Association. Depuis cet arrêt, il n'y a pas eu de modifications substantielles du libellé des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu sur lesquelles se fonde l'appelant.
Ce qui me parait déterminant c'est que rien dans les faits de l'espèce ne pourrait justifier de considérer ces dépôts comme des recettes d'exploitation ordinaires de l'intimée qu'elle aurait le droit d'inclure dans le calcul de ses bénéfices pour l'année.
À mon avis, rien dans la Loi de l'impôt sur le revenu n'exige que ces dépôts soient considérés comme des bénéfices de l'intimée.
De l'aveu général, la probabilité du rembourse- ment des dépôts était plus grande dans l'affaire Atlantic Engine Rebuilders que dans la présente espèce, mais l'élément déterminant est l'existence de l'éventualité elle-même. Par conséquent, j'es- time que le dépôt de 70 000 $ ne constitue pas un revenu reçu en 1968.
En conséquence, j'accueillerais l'appel avec dépens, j'annulerais le jugement de la Division de première instance et je rétablirais la cotisation d'impôt sur le revenu de l'intimée faite par le Ministre pour l'année d'imposition 1972.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs. LE JUGE STONE: Je souscris à ces motifs.
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