T-1859-81
La Reine (demanderesse)
c.
Wellington Taylor (défendeur)
Division de première instance, juge Rouleau—
Windsor, Ontario, 13 juin; Ottawa, 14 août 1984.
Impôt sur le revenu — Pénalités — La charge qui incombe
au Ministre en application de l'art. 163(3), d'établir les faits
qui justifient l'imposition de la pénalité comprend-t-elle la
charge d'établir les faits qui justifient la cotisation d'impôt et
qui ont servi de fondement à la pénalité? — Loi de l'impôt sur
le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 152 (mod. par S.C.
1973-74, chap. 14, art. 53), (8), 163(2),(3).
Impôt sur le revenu — Pratique — Obligation de présenter
la preuve le premier — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C.
1970-71-72, chap. 63, art. 152 (mod. par S.C. 1973-74, chap.
14, art. 53), (8), 163(2),(3) — Règles de la Cour fédérale,
C.R.C., chap. 663, Règle 494.
Le Ministre a établi de nouvelles cotisations pour les années
d'imposition 1974 et 1975 du défendeur, alléguant un revenu
non déclaré pour les deux années et a imposé des pénalités à
l'égard de celles-ci en application du paragraphe 163(2) de la
Loi. Le défendeur a interjeté appel de la cotisation et des
pénalités. La Commission de révision de l'impôt a accueilli
l'appel pour le motif que le Ministre n'avait pas prouvé ses
prétentions, sur le fondement d'une interprétation du fardeau
de la preuve qui incombe au Ministre en application du para-
graphe 163(3) de la Loi.
Il s'agit d'une demande sur mémoire spécial ayant pour but
de trancher deux questions: 1) La charge qui incombe au
Ministre en application du paragraphe 163(3) de la Loi com-
prend-t-elle la charge d'établir les faits qui justifient la cotisa-
tion d'impôt à l'égard du revenu et qui ont servi de fondement à
la pénalité? 2) Dans quelle mesure cette charge a-t-elle un effet
sur l'ordre de présentation de la preuve à l'occasion d'un appel
en matière fiscale et, précisément, qui a l'obligation de présen-
ter la preuve le premier et, sur quoi doit porter la preuve?
Jugement: 1) La charge qui incombe au Ministre en applica
tion du paragraphe 163(3) ne soustrait pas le contribuable,
dans les cas où il conteste une cotisation et une pénalité fondée
sur les mêmes éléments, à la charge de démontrer le caractère
erroné de la cotisation; 2) le contribuable est tenu de présenter
sa preuve le premier dans un appel en matière fiscale.
Les cotisations sont réputées valides en vertu du paragraphe
152(8) de la Loi. En appel d'une cotisation, il incombe au
contribuable d'écarter celle-ci; il est presque le seul à connaître
les faits.
En ce qui a trait aux pénalités, le paragraphe 163(3) n'a pas
une portée générale et ne s'applique que dans le cas de l'imposi-
tion d'une pénalité. L'expression «cotisation d'impôt» a délibéré-
ment été exclue de la disposition. Si le législateur avait eu
l'intention de restreindre la présomption de validité de la
cotisation d'impôt, il l'aurait incluse.
Une décision rendue contre le Ministre en vertu des paragra-
phes 163(2) et 163(3) n'était pas destinée à éliminer l'obliga-
tion qu'impose l'article 152 au contribuable. Les cotisations
sont réputées valides et obligatoires aux termes du paragraphe
152(8) «sous réserve de modifications qui peuvent être appor-
tées ou d'annulation qui peut être prononcée lors d'une opposi
tion ou d'un appel fait en vertu de la présente Partie». Toute-
fois, la décision prise en vertu du paragraphe 163(3) n'est pas
une décision prise en vertu de la «Partie» visée au paragraphe
152(8).
Relativement à la question de la procédure, l'argument selon
lequel le Ministre devrait être le premier à présenter la preuve
parce que la charge créée par l'article 163 et l'imposition de
pénalités avait pratiquement rendu les procédures quasi-péna-
les, ne peut être retenu. Ces procédures ne peuvent pas plus être
considérées comme «quasi-pénales» que ne le serait une action
visant à recouvrer une pénalité en vertu d'un contrat ou des
dommages-intérêts punitifs dans une poursuite en diffamation.
Le Conseil privé dans l'arrêt Arumugam Pillai et la Cour
d'appel des États-Unis dans l'arrêt Snell Isle ont jugé que
lorsque chaque partie a une preuve à présenter, le contribuable
doit présenter la sienne le premier. En outre, le contribuable est
un demandeur et la Règle 494 de la Cour fédérale prévoit que
dans les litiges en matière d'impôt sur le revenu, le demandeur
commence.
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Reg. v. Special Commissioners of Income Tax (ex parte
Martin) (1971), 48 T.C. 1 (Q.B. Div.), confirmée 48 T.C.
8 (C.A.); Arumugam Pillai v. Director General of Inland
Revenue, [1981] STC 146 (P.C.); Snell Isle v. Commis
sioner of Internal Revenue, 90 F.2d 481 (5th Cir. 1937),
certiorari refusé 302 U.S. 734 (1937); Anderson Logging
Co. v. The King, [ 1925] R.C.S. 45; Morch v. Minister of
National Revenue, [1949] R.C.É. 327.
DECISION EXAMINÉE:
Elchuk c. Ministre du Revenu national, [1970] R.C.É.
492.
AVOCATS:
Ian S. MacGregor et Michael D. Templeton
pour la demanderesse.
James K. Ball pour le défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Gignac, Sutts, Windsor, Ontario, pour le
défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: Il s'agit d'une demande sur
mémoire spécial ayant précisément pour but de
trancher deux questions:
1. La charge qui incombe au ministre du
Revenu national en application du paragraphe
163(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu
[S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par S.C. 1970-
71-72, chap. 63, art. 1)] savoir, «la charge d'éta-
blir les faits qui justifient l'imposition de la
pénalité» comprend-t-elle, comme l'a décidé la
Commission de révision de l'impôt, la charge
d'établir les faits justifiant la cotisation (à
l'égard du revenu proprement dit) d'impôt qui a
servi de fondement à la pénalité? [C.-à-d., puis-
que le Ministre doit établir les montants (les
éléments constitutifs) éludés pour justifier la
pénalité, pourquoi cette charge devrait-elle
échoir au contribuable lorsqu'il s'agit de la
détermination de l'impôt en vertu d'une cotisa-
tion prévue à l'article 152, et que les éléments
sont les mêmes?]
2. Dans quelle mesure la charge imposée par le
paragraphe 163(3) de la Loi, de la manière
établie dans la question 1, a-t-elle un effet sur
l'ordre de présentation de la preuve à l'occasion
d'un appel en matière fiscale? Plus précisément,
qui a l'obligation de présenter la preuve le pre
mier et, à cet égard, sur quoi doit porter la
preuve?
Un exposé conjoint des faits a été présenté à la
Cour afin qu'elle tranche les deux questions. Les
détails relatifs aux montants visés ne sont pas
pertinents, mais il est nécessaire d'expliquer briè-
vement les circonstances qui sont à l'origine de ces
questions.
Le contribuable défendeur exploitait une entre-
prise de récupération de ferraille et, dans le calcul
de son revenu pour les années 1974 et 1975, il a
déclaré certains montants des ventes ainsi que les
frais y afférents. Le Ministre a adressé de nouvel-
les cotisations au défendeur pour les deux années
d'imposition, alléguant un revenu non déclaré
d'environ 30 000 $ et 20 000 $ respectivement et a
imposé des pénalités relativement à ces montants,
en application du paragraphe 163(2) de la Loi. Le
défendeur s'est opposé aux nouvelles cotisations en
déposant des avis d'opposition et a interjeté appel
des cotisations d'impôt et des pénalités. La Com
mission de révision de l'impôt a été saisie de ces
questions en octobre 1980.
L'avocat du ministre du Revenu national a pré-
senté le premier des éléments de preuve à l'appui
des nouvelles cotisations. Le contribuable n'a pré-
senté aucun élément de preuve et la décision a été
la suivante:
Cette présomption à première vue (que les conclusions ou les
présomptions de fait sur lesquelles le Ministre s'est appuyé pour
établir le montant des revenus et des frais de la cotisation sont
exactes sur le plan des faits) existe dans un appel où l'assujettis-
sement à l'impôt est la seule question en litige ...
Le fardeau de la preuve que régit la règle de common law fixée
dans (les décisions Anderson Logging Co. v. The King et
Johnston v. M.N.R.) est déplacé dans le cas d'une pénalité
imposée en vertu de l'article 163. Les mots figurant au paragra-
phe 163(3) ont pour effet d'enlever au contribuable et de faire
reposer sur le Ministre le fardeau de prouver les faits qui sont
des éléments constitutifs de la pénalité et qui sont en litige dans
un appel ...
Le mandataire de l'intimé a soutenu que le fait que le Ministre
ne puisse s'acquitter du fardeau qui lui incombe en vertu du
paragraphe 163(3) ne donne à l'appelant que le droit d'être
exempté des pénalités ...
D'après moi, les mots utilisés au paragraphe 163(3) sont
incompatibles avec l'affirmation selon laquelle l'intention du
Parlement était de limiter le fardeau qui incombe au Ministre à
quelques-uns mais non à la totalité des faits qui, aux termes du
paragraphe 163(2), sont nécessaires pour qu'une pénalité puisse
être imposée légalement. À mon avis, il est faux de prétendre
que le paragraphe 163(3) s'applique seulement aux faits indi-
quant l'existence d'éléments de connaissance ou de circons-
tances justifiant l'imputation d'une faute lourde. D'après les
termes de la Loi, le Ministre a, en vertu du paragraphe 163(3),
la charge d'établir tous les faits qui justifient l'imposition de la
pénalité et non seulement quelques-uns.
Selon moi, les mots utilisés au paragraphe 163(3) ne laissent
aucunement entendre que, dans un appel d'une cotisation d'im-
pôt et d'une pénalité, il revient aux deux parties en même temps
de prouver une question de fait, de sorte que ce fait pourrait, de
façon mystérieuse, exister pour les fins de l'assujettissement à
l'impôt, mais non pour celles de l'imposition d'une pénalité.
Le ministre du Revenu national allègue que la
charge ou le fardeau de la preuve nécessaire pour
écarter la cotisation d'impôt seulement incombe au
contribuable. I1 soutient que, avant l'adoption du
paragraphe 163(3) de la Loi, il incombait au
contribuable d'établir le caractère erroné de l'im-
position de la pénalité ainsi que de la cotisation
d'impôt; par suite de la modification, seul le far-
deau de la preuve qui a trait aux pénalités incombe
au Ministre.
À l'égard de la seconde question, savoir qui
devrait commencer les procédures par la présenta-
tion de la preuve, le Ministre allègue que, lorsque
le contribuable interjette appel de la cotisation
d'impôt et de l'imposition de la pénalité, la charge
de la preuve relative à la cotisation d'impôt
incombe au contribuable et la charge relative à
l'imposition des pénalités incombe au Ministre et
que, conformément à la règle générale de procé-
dure civile en common law, le contribuable appe-
lant est obligé de commencer.
Le contribuable soutient que, comme la Loi
charge le Ministre de faire la preuve lorsqu'il
impose des pénalités, celui-ci doit, afin d'imposer
la pénalité, convaincre la Cour que le contribuable
a volontairement et sciemment été négligent dans
la production de sa déclaration. Le Ministre,
s'étant donc engagé à faire la preuve de ces faits,
qui sont communs à l'imposition de la pénalité et à
la détermination de l'impôt à payer, est tenu d'éta-
blir les faits que, normalement, il n'aurait pas à
démontrer (lorsqu'il établit la cotisation d'impôt
seulement), par conséquent la preuve devrait s'ap-
pliquer également à la cotisation d'impôt. En d'au-
tres termes, les faits ou les éléments communs
tenus pour exacts par le Ministre lorsqu'il établit
la cotisation ne le sont pas dans le cas d'une
pénalité et, par conséquent, ils ne devraient pas
servir de fondement à la cotisation d'impôt
elle-même.
Le contribuable soutient que, dans les cas où le
Ministre a déterminé l'impôt à payer et a imposé
une pénalité, le fardeau de la preuve relativement
à l'imposition de pénalité incombe au Ministre.
Étant donné qu'il doit établir les faits qui sont
communs à la pénalité et à la cotisation d'impôt, le
Ministre devrait donc commencer.
Voici le texte du paragraphe 163(3) de la Loi de
l'impôt sur le revenu:
163. .. .
(3) Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au
sujet d'une pénalité imposée par le Ministre en vertu du présent
article, la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de
la pénalité incombe au Ministre.
Lorsque seule une cotisation d'impôt est établie,
il est admis que le ministre du Revenu national est
autorisé en vertu de l'article 152 de la Loi de
l'impôt sur le revenu à fixer le cas échéant l'impôt,
l'intérêt et les pénalités. Je suis convaincu que, en
vertu du paragraphe 152(8) de la Loi, la cotisation
est valide et exécutoire, sous réserve évidemment
de modification en appel. Voici le texte du para-
graphe 152(8):
152. ...
(8) Sous réserve de modifications qui peuvent y être appor-
tées ou d'annulation qui peut être prononcée lors d'une opposi
tion ou d'un appel fait en vertu de la présente Partie et sous
réserve d'une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être
valide et exécutoire nonobstant toute erreur, vice de forme ou
omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s'y
rattachant en vertu de la présente loi.
Comme je l'ai dit, la cotisation doit demeurer
valide jusqu'à ce que la Cour la déclare erronée.
Ce principe est énoncé dans la décision Morch v.
Minister of National Revenue, [ 1949] R.C.E. 327.
En appel, il incombe au contribuable d'écarter la
cotisation. La cotisation est réputée valide à cause
du paragraphe 152(8) de la Loi; il s'agit de l'appel
du contribuable et celui-ci doit par conséquent
démontrer que la cotisation contestée n'aurait pas
dû être établie et il s'ensuit qu'il est presque le seul
à connaître les faits. Ce principe fondamental
remonte à 1925 lorsqu'il a été clairement établi de
la manière suivante dans l'arrêt Anderson Logging
Co. v. The King, [ 1925] R.C.S. 45, la page 50:
[TRADUCTION] Examinons d'abord l'affirmation relative au
fardeau. Si, en appel devant le juge de la Cour de révision, il
ressort des faits véritables qu'on peut remettre en question
l'application de la disposition pertinente, en principe, il semble-
rait que la Couronne ne doive pas avoir gain de cause. Cela
semble nécessairement ressortir du principe selon lequel les lois
qui imposent une charge au citoyen ont, en raison d'une
pratique bien établie, été interprétées et appliquées. Toutefois,
en ce qui a trait à l'examen des faits, l'appelante se trouve dans
la même situation que tout autre appelant. Elle doit prouver
que la cotisation contestée n'aurait pas dû être établie, c'est-à-
dire que les faits permettent d'alléguer de façon affirmative que
la cotisation n'était pas permise par la loi fiscale ou que les faits
jettent sur l'affaire un doute tel qu'en ce qui touche les princi-
pes invoqués, la cotisation doit être rejetée. Bien entendu, les
faits véritables peuvent être établis par une preuve directe ou
des conclusions probables. L'appelante peut présenter des faits
constituant une présomption légale non réfutée; mais quand on
se demande si cela a été fait, il est important de ne pas oublier,
le cas échéant, que l'appelante a une connaissance spéciale
sinon exclusive des faits; toutefois cette dernière considération
ne doit pas, pour des raisons évidentes, être poussée trop loin.
Avant l'adoption du paragraphe 163(3) de la
Loi de l'impôt sur le revenu, il incombait au
contribuable d'établir non seulement le caractère
erroné de la cotisation mais également celui de la
pénalité. La modification a eu pour effet d'imposer
au Ministre le fardeau de la preuve relativement à
l'imposition de toute pénalité.
L'avocat du ministre du Revenu national allègue
que la charge imposée par le paragraphe 163(3)
s'applique exclusivement aux pénalités. Dans les
affaires relatives à la fraude fiscale, le Ministre
doit établir qu'un faux énoncé a été fait sciemment
ou dans des circonstances qui justifient l'imputa-
tion d'une faute lourde.
Il soutient que la cotisation d'impôt et l'imposi-
tion de pénalités sont des choses différentes et
distinctes qui mettent en jeu des charges différen-
tes. Il se fonde sur la décision Elchuk c. Ministre
du Revenu national, [1970] R.C.É. 492. 11 s'agis-
sait de l'appel d'une décision de la Commission
d'appel de l'impôt qui avait rejeté l'appel du con-
tribuable contre une nouvelle cotisation établie
contre lui. Le Ministre a, au moyen d'un appel
incident, déclaré qu'il était justifié en vertu de la
Loi d'imposer des pénalités à l'appelant. L'appel
de l'appelant et l'appel incident du Ministre ont
été rejetés. Le président Jackett, tel était alors son
titre, a jugé que la preuve relative à la nouvelle
cotisation de l'appelant n'était pas convaincante et
a conclu que les chiffres utilisés par le Ministre
étaient exacts. Par ailleurs, il a également jugé que
les pénalités ne pouvaient pas être imposées puis-
que les éléments de preuve nécessaires pour établir
une pénalité n'avaient pas été correctement
administrés.
Le Ministre allègue que le paragraphe 163(3)
n'a pas une portée générale mais qu'il s'applique
seulement à l'imposition d'une pénalité; c'est-à-
dire qu'il ne s'applique pas à la cotisation d'impôt.
Le législateur a délibérément exclu l'expression
«cotisation d'impôt» de la disposition. En consé-
quence, il allègue que le paragraphe 163(3) n'a
aucun effet sur la présomption de validité de la
cotisation d'impôt. Pour qu'une pénalité puisse être
imposée en application de cet article, il doit y
avoir: (1) assujettissement à l'impôt; (2) non-pro
duction de la déclaration ou un faux énoncé ou
omission; (3) intention de soustraire des renseigne-
ments sciemment ou dans des circonstances qui
justifient l'imputation d'une faute lourde.
En d'autres termes, le Ministre dit que la Loi
l'oblige à établir le montant de la fraude fiscale et
à démontrer la connaissance ou la faute lourde du
contribuable dans sa déclaration de revenu pour
appuyer toute imposition de pénalité. Cette obliga
tion ne modifie pas la charge qui incombe au
contribuable d'établir les faits qui démontrent le
caractère erroné de la cotisation. Il allègue qu'une
charge incombe à chaque partie et que le défaut
d'y satisfaire peut entraîner une décision contre
chacune d'elles sur cette question en particulier,
comme le président Jackett l'a fait dans Elchuck c.
Ministre du Revenu National (précité), et cette
conséquence doit s'appliquer même si les faits sont
communs à la cotisation et à la pénalité.
Je suis convaincu que le paragraphe 163(3) n'a
pas une portée générale et qu'il ne s'applique que
dans le cas de l'imposition d'une pénalité. Le légis-
lateur, lorsqu'il a adopté ce paragraphe, a délibéré-
ment exclu l'expression «cotisation d'impôt» de la
disposition. Il n'avait pas l'intention de restreindre
la présomption de validité de la cotisation d'impôt
que prévoit l'article 152, sinon il l'aurait prévu
clairement. La jurisprudence et la Loi sont assez
claires: la charge incombe au contribuable dans le
cas d'une cotisation d'impôt. Si l'on accepte les
arguments du contribuable, savoir que, si le Minis-
tre ne réussit pas à imposer une pénalité fondée sur
une conclusion de fait relative à des sommes dues,
alors la même conclusion devrait s'appliquer à la
cotisation d'impôt prise de façon isolée. Bien que
l'argument soit fondé à certains égards, je ne suis
pas d'accord avec les motifs ni avec la décision de
la Commission de révision de l'impôt. Dans le
système fiscal en vigueur au Canada, le contribua-
ble est presque le seul à posséder les renseigne-
ments et à connaître les faits. Il est tenu de
divulguer la totalité de son revenu. Dans le cas
d'une pénalité, le Ministre n'a pas seulement la
charge d'établir les montants, il a également la
charge d'établir les faits qui justifient l'imputation
d'une faute lourde.
Je peux facilement imaginer une situation rela
tive à l'imposition d'une pénalité dans laquelle la
Cour peut être saisie ou non de trois éléments
constitutifs différents et distincts: il se peut que les
montants ne soient pas présentés en preuve; il peut
y avoir une certaine confusion relativement aux
montants; ou, le Ministre peut être incapable de
démontrer que les faux énoncés ont été faits sciem-
ment ou dans des circonstances qui justifient l'im-
putation d'une faute lourde. Dans le cas où la Cour
conclut qu'on ne s'est pas acquitté de la charge de
la preuve parce qu'un doute suffisant a été soulevé,
il s'ensuit qu'aucune pénalité ne peut être imposée.
Il se peut très bien que l'élément constitutif en
vertu duquel elle a refusé de permettre l'imposition
d'une pénalité soit que le Ministre a été incapable
de démontrer que le contribuable avait sciemment
commis une faute lourde; ou, que la preuve relative
aux montants réclamés a causé une confusion con-
sidérable. Étant donné qu'aucune pénalité ne pour-
rait alors être imposée, comme je l'ai déjà men-
tionné, il en découlerait que la cotisation établie en
vertu de l'article 152 ne tiendrait plus parce qu'un
élément constitutif prévu au paragraphe 163(3)
n'aurait pas été prouvé. On éviterait de payer
l'impôt. La cotisation d'impôt établie en vertu de
l'article 152 serait annulée sans qu'elle n'ait été
particulièrement contestée en appel et modifiée en
vertu du paragraphe 152(8).
Je n'admets pas que le législateur ait prévu
qu'une décision rendue contre le Ministre en vertu
du paragraphe 163(2), ou plus particulièrement en
vertu du paragraphe 163(3) relatif à la charge,
puisse éliminer l'obligation qu'impose l'article 152
au contribuable. Le paragraphe 152(8) est tout à
fait clair et précis, «sous réserve de modifications
qui peuvent y être apportées ou d'annulation qui
peut être prononcée lors d'une opposition ou d'un
appel fait en vertu de la présente Partie...» Une
décision prise en vertu du paragraphe 163(3) n'est
pas une décision prise en vertu «de la présente
Partie» visée au paragraphe 152(8).
Relativement à la question de la procédure, le
Ministre a allégué que les appels en matière fiscale
sont des procédures civiles, étant donné qu'aucune
disposition ne prévoit l'interrogatoire préalable et
que, puisque le contribuable est presque le seul à
connaître les faits, il devrait être le premier à
présenter la preuve. Le contribuable a soutenu
que, en raison de la charge créée par l'article 163
et de l'imposition des pénalités, cela équivalait à
des procédures quasi pénales et le Ministre devrait
commencer. Je n'accepte pas cette interprétation
et je choisis de souscrire au raisonnement du juge
en chef lord Widgery qui a traité de la fiscalité et
de la fraude dans la cause Reg. v. Special Com
missioners of Income Tax (ex parte Martin)
(1971), 48 T.C. 1 (Q.B. Div.), confirmée par 48
T.C. 8 (C.A.), à la page 7, il s'est prononcé en ces
termes:
[TRADUCTION] L'autre moyen invoqué par M. Marcus Jones
pour dire que les commissaires ont commis une erreur en
l'espèce porte que ces procédures sont de nature quasi pénale. Il
en tire la conclusion, à laquelle il nous demande de souscrire,
que la règle du choix ne devrait pas s'appliquer à eux. Interpré-
tée de façon très large, l'expression «procédures quasi pénales«
peut comprendre ces procédures. Il s'agit d'une expression
souple qui n'est pas définie d'une manière précise et il se peut
qu'elle ne soit pas entièrement inappropriée si on l'interprète
d'une manière suffisamment large pour l'utiliser dans ce con-
texte. Toutefois, lorsqu'on examine les faits de l'affaire, il est
évident que les pénalités qui peuvent être imposées sur la
preuve de la fraude ou de la non-production volontaire ne
résultent pas d'une infraction criminelle. Les lois ne prévoient
pas que le contribuable coupable de fraude ou de non-produc
tion volontaire commet une infraction et doit être puni en
conséquence. Elles prévoient simplement que des pénalités
financières peuvent être imposées et que celles-ci peuvent être
recouvrées dans des procédures civiles devant la Haute Cour. À
mon avis il n'y a pas jusqu'à maintenant de rapports étroits
entre ces procédures et des procédures pénales. Evidemment,
toute procédure qui porte sur une pénalité est dans une certaine
mesure pénale, mais il me semble que ces procédures ne sont
pas plus près du droit pénal et pas mieux qualifiées pour la
description de «procédures quasi pénales» que ne le serait une
action visant à recouvrer une pénalité en vertu d'un contrat ou
des dommages-intérêts punitifs dans une poursuite en
diffamation.
Lorsque chaque partie a une preuve à présenter,
le contribuable doit présenter la sienne le premier.
C'est ce qu'a décidé le Conseil privé dans l'arrêt
Arumugam Pillai v. Director General of Inland
Revenue, [1981] STC 146 (P.C.). De plus, la
jurisprudence américaine de même nature, bien
qu'elle ne soit pas obligatoire, mais quand même
convaincante, applique cette procédure, et, en par-
ticulier, le Ministre a mentionné l'arrêt Snell Isle
v. Commissioner of Interna! Revenue, 90 F.2d 481
(5th Cir. 1937) (Cour d'appel des États-Unis)
certiorari refusé à 302 U.S. 734 (1937) (Cour
suprême des États-Unis).
Je suis convaincu que le contribuable est un
demandeur même s'il est appelé un appelant
(défendeur). Les litiges en matière d'impôt sur le
revenu sont présentés devant la Cour fédérale par
voie de procès de novo et, en application de la
Règle 494 de la Cour [Règles de la Cour fédérale,
C.R.C., chap. 663], le demandeur commence:
Sauf ordre contraire, le demandeur doit présenter
sa preuve le premier.
Les réponses aux deux questions sont les
suivantes:
1. «La charge d'établir les faits qui justifient
l'imposition de la pénalité», qui, en vertu du
paragraphe 163(3) de la Loi de l'impôt sur le
revenu, incombe au ministre du Revenu natio
nal, ne soustrait pas le contribuable à la charge
que lui impose une nouvelle cotisation établie en
vertu de l'article 152 et fondée sur les mêmes
éléments qui ont donné lieu à l'imposition de la
pénalité en vertu de l'article 163.
2. Le contribuable est tenu de présenter sa
preuve le premier dans un appel en matière
fiscale puisqu'il est le demandeur et qu'il est
presque le seul à connaître les faits.
Les dépens sont adjugés à la demanderesse, Sa
Majesté la Reine.
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