A-1052-82
Procureur général du Canada (requérant)
c.
Roger Imbeault, Arthur Dancause, Jean-Marc
St-Laurent, Laurent Robichaud (intimés)
Cour d'appel, juges Pratte, Le Dain et Hugessen—
Québec, 15 février; Ottawa, 9 avril 1984.
Assurance-chômage — Demande d'examen et d'annulation
d'une décision d'un juge-arbitre qui a rejeté l'appel formé
contre une décision d'un conseil arbitral selon laquelle l'intimé
Dancause avait droit aux prestations qu'il réclamait — L'in-
timé a perdu son emploi à cause d'un arrêt de travail survenu
au lieu de son emploi — Par la suite, l'intimé a travaillé pour
un autre employeur pendant la durée de la grève — La
Commission a conclu que l'intimé était inadmissible aux pres-
tations parce que son emploi par un autre employeur pendant
la grève n'était pas un emploi de bonne foi au sens de l'art. 49
du Règlement puisqu'il n'avait pas travaillé à cet emploi
pendant deux semaines consécutives — Le conseil a jugé que,
dans le cas d'un emploi occasionnel, il n'était pas nécessaire,
pour qu'il y ait emploi de bonne foi, que l'employé travaille
pendant deux semaines consécutives — L'art. 49 du Règlement
définit «engagement de bonne foi« dans l'art. 44(1)b) de la Loi
comme étant l'exercice réel d'un emploi pendant au moins
deux semaines — L'idée de durée implique nécessairement une
certaine continuité — Demande accueillie — L'art. 49 du
Règlement exige qu'il y ait exercice réel d'un emploi pendant
deux semaines consécutives — Loi de 1971 sur l'assurance-
chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, art. 44(1)b), 58J) —
Règlement sur l'assurance-chômage, C.R.C., chap. 1576, art.
49 — Loi sur la Cour fédérale du Canada, S.R.C. 1970 (2 e
Supp.), chap. 10, art. 28.
AVOCATS:
Jean-Marc Aubry pour le requérant.
Marwan Bachir pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Boivin, Dandenault, Bachir, Baie -Comeau,
pour les intimés.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE PRATTE: Cette demande faite en vertu
de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale
[S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] est dirigée
contre une décision d'un juge-arbitre sur des
appels dont il était saisi en vertu de la Partie V de
la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage [S.C.
1970-71-72, chap. 48]. Cette décision statuait sur
neuf appels différents. Le requérant n'attaque au-
jourd'hui qu'une partie de la décision du juge-arbi-
tre: celle qui a rejeté l'appel que la Commission de
l'emploi et de l'immigration avait interjeté de la
décision du conseil arbitral à l'effet que l'intimé
Dancause avait droit aux prestations qu'il récla-
mait.
L'intimé Dancause travaillait pour la compagnie
de papier Quebec North Shore Limitée depuis le
13 mai 1980 lorsque, le 14 juillet 1980, il perdit
son emploi à cause d'un arrêt de travail dû à un
conflit collectif survenu au lieu de son emploi.
Comme l'a dit le juge-arbitre, il ne fait aucun
doute que, à ce moment-là, l'intimé Dancause est
devenu inadmissible au bénéfice des prestations
(paragraphe 44(1) de la Loi). Cependant, après
cela, l'intimé Dancause, comme plusieurs de ses
compagnons de travail, travailla pour un autre
employeur pendant la durée de la grève. C'est ce
qui a donné lieu à plusieurs appels dont fut saisi le
juge-arbitre. En un sens, tous ces appels soule-
vaient une même question: l'inadmissibilité de l'in-
timé Dancause et de ses compagnons de travail
avait-elle pris fin en vertu de l'alinéa 44(1)b)
suivant lequel l'inadmissibilité d'un prestataire se
termine s'il a été engagé «de bonne foi» à un
emploi exercé ailleurs dans le cadre de l'occupa-
tion qui est habituellement la sienne? Mais, en
réalité, l'appel relatif à l'intimé Dancause soulevait
un problème particulier. Alors que dans le cas de
ses compagnons de travail il s'agissait de savoir si
l'emploi qu'ils avaient exercé pendant la grève
était un emploi «dans le cadre de leur occupation
habituelle», la question que soulevait l'appel relatif
à l'intimé Dancause était celle de savoir si son
engagement par un autre employeur pendant la
grève était un «engagement de bonne foi» au sens
de l'article 49 du Règlement sur l'assurance-chô-
mage [C.R.C., chap. 1576]'.
' Suivant l'alinéa 58f) de la Loi, la Commission peut, avec
l'approbation du gouverneur en conseil, établir des règlements
«déterminant ... le sens de l'expression "engagement de bonne
foi" aux fins de l'article 44».
Dans l'exercice de ce pouvoir, la Commission a adopté
l'article 49 du Règlement, dont le texte est le suivant:
49. Aux fins de l'alinéa 44(1)b) de la Loi, l'«engagement
de bonne foi» s'entend de l'exercice réel d'un emploi pendant
au moins deux semaines.
En fait, l'intimé Dancause, pendant la grève,
avait travaillé pour un autre employeur pendant
les semaines commençant les 28 septembre, 2
novembre, 23 novembre et 14 décembre 1980. Le
31 décembre 1980, il fit une demande initiale de
prestations. Le 9 mars 1981, la Commission le
prévenait qu'on le jugeait inadmissible, d'une part,
parce qu'il avait perdu son emploi du fait d'un
arrêt de travail attribuable à un conflit collectif et,
d'autre part, parce que son emploi par un autre
employeur pendant la grève n'était pas un emploi
«de bonne foi» au sens de l'article 49 du Règlement
puisqu'il n'avait pas travaillé à cet emploi pendant
deux semaines consécutives.
Le conseil arbitral cassa cette décision de la
Commission jugeant que dans le cas d'un emploi
occasionnel comme celui de l'intimé il n'était pas
nécessaire, pour qu'il y ait emploi «de bonne foi»,
que l'employé travaille pendant deux semaines
consécutives. La Commission porta cette décision
en appel devant le juge-arbitre. Cet appel fut
entendu, je l'ai déjà dit, en même temps que
d'autres appels qui concernaient les compagnons
de travail de l'intimé Dancause et qui soulevaient
des questions entièrement différentes. Cela expli-
que que le juge-arbitre, en rendant la décision
attaquée, ait oublié que l'appel concernant l'intimé
Dancause soulevait un problème particulier et ait
omis de statuer sur cette question. En effet, il est
constant que le juge-arbitre a, par erreur, assimilé
l'appel concernant l'intimé Dancause à ceux qui
concernaient plusieurs de ses compagnons de tra
vail et qu'il a, dans tous ces cas, rejeté les appels de
la Commission au motif que les emplois exercés
par ces employés durant la grève étaient bien des
emplois dans le cadre de leurs fonctions
habituelles.
La question à résoudre est donc celle de savoir si
le conseil arbitral a erré en droit en jugeant que
l'emploi de l'intimé Dancause pendant la durée de
la grève était un emploi «de bonne foi» au sens de
l'article 49 du Règlement en dépit du fait que
l'intimé n'ait jamais exercé cet emploi pendant
deux semaines consécutives. Si le conseil a commis
une erreur en jugeant de cette façon, il s'ensuit que
le juge-arbitre a, lui aussi, commis une erreur de
même sorte en ne cassant pas la décision du con-
seil; tandis que si le conseil arbitral n'a pas mal
jugé, on ne peut alors rien reprocher à la décision
du juge-arbitre.
Suivant l'article 49 du Règlement, l'expression
«engagement de bonne foi» dans l'alinéa 44(1)b) de
la Loi signifie «l'exercice réel d'un emploi pendant
au moins deux semaines.» L'avocat du requérant
soutient que cette disposition doit être interprétée
comme exigeant que les deux semaines dont il
s'agit soient consécutives. L'avocat de l'intimé, lui,
plaide que cette interprétation ajoute au texte du
Règlement.
A mon avis, si on tient compte de la version
anglaise de l'article 49, il faut dire qu'une per-
sonne n'est engagée de bonne foi à un emploi au
sens de l'alinéa 44(1)b) de la Loi que si elle a
effectivement travaillé à cet emploi pendant une
durée de deux semaines («two weeks duration»).
Or, il me semble que l'idée de durée implique
nécessairement une certaine continuité. Il me
paraît clair qu'on ne peut dire d'une personne qui a
travaillé à un emploi une demi-journée par
semaine pendant vingt semaines qu'elle ait tra-
vaillé pendant une durée de deux semaines; et,
cela, malgré que cette personne ait pu travailler
aussi longtemps que celui qui aura effectué deux
semaines continues de travail. Pour le même motif,
il me semble que l'intimé Dancause n'ayant pas
travaillé pendant deux semaines consécutives ne
satisfaisait pas aux exigences de l'article 49 du
Règlement.
Je ferais donc droit à la demande, je casserais
la décision attaquée dans la mesure où elle se
rapporte à l'intimé Dancause et je renverrais l'af-
faire au juge-arbitre en chef pour qu'il la décide ou
la fasse décider par un autre juge-arbitre en pre-
nant pour acquis que l'article 49 du Règlement
exige, pour qu'un engagement soit «de bonne foi»
au sens de l'alinéa 44(1)b) de la Loi, qu'il y ait
exercice réel d'un emploi pendant deux semaines
consécutives.
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
LE JUGE HUGESSEN: Je suis d'accord.
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