A-859-83
L. R. Appleton et tous les autres pilotes de Eas
tern Provincial Airways Ltd. dont les noms appa-
raissent à l'annexe «A» des présentes (ci-après
appelés les «nouveaux pilotes») (requérants)
c.
Eastern Provincial Airways Ltd., Association
canadienne des pilotes de lignes aériennes, Conseil
canadien des relations du travail et sous-procureur
général du Canada (intimés)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Mahoney
et juge suppléant Cowan—Ottawa, 23, 24, 25, 26
août et 5 octobre 1983.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Relations du
travail — Les requérants ont été engagés comme pilotes au
cours d'une grève à la compagnie aérienne — L'agent négocia-
teur et la compagnie aérienne ont déposé des plaintes de
pratiques déloyales de travail — Le Conseil a ordonné à
l'employeur de cesser de conférer un statut d'employés perma
nents aux remplaçants venant de l'extérieur de l'unité de
négociation et de réintégrer les employés qui avaient fait la
grève — Les requérants ont qualité pour déposer une demande
fondée sur l'art. 28 — Les requérants sont des «parties direc-
tement affectées» par l'ordonnance, au sens de l'art. 28(2) de la
Loi — La loi offre un recours et il convient de donner au mot
«partie» une interprétation large — Les requérants sont des
personnes dont les intérêts sont touchés par l'ordonnance —
Faisant partie de l'unité représentée par l'Association des
pilotes, ils sont donc des parties de facto — Déni de justice
naturelle — Les requérants n'ont pas été avisés des procédures
engagées devant le Conseil et ils n'ont pas eu la possibilité de
se faire entendre — L'ordonnance du Conseil ayant trait à
l'inamovibilité et aux intérêts des requérants est annulée —
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art.
28(1)a),(2) — Règlement du Conseil canadien des relations du
travail (1978), DORS/78-499, art. 13, 14 — Charte cana-
dienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7.
Relations du travail — Engagement de pilotes remplaçants
pendant une grève — La compagnie aérienne et l'agent négo-
ciateur ont déposé des plaintes de pratiques déloyales de
travail — Les nouveaux pilotes demandent l'examen et l'annu-
lation de l'ordonnance du Conseil portant que l'employeur doit
cesser de conférer un statut d'employés permanents aux rem-
plaçants et réintégrer les employés qui ont fait la grève — Déni
de justice naturelle — Les requérants n'ont pas été avisés des
procédures engagées devant le Conseil et n'ont pas eu la
possibilité de se faire entendre — Les requérants sont des
«parties directement affectées» par l'ordonnance au sens de
l'art. 28(2) de la Loi — L'ordonnance du Conseil est annulée
en partie — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.),
chap. 10, art. 28(1)a),(2) — Règlement du Conseil canadien
des relations du travail (1978), DORS/78-499, art. 13, 14.
Les requérants demandent l'examen et l'annulation de l'or-
donnance que le Conseil canadien des relations du travail a
rendue suite aux diverses plaintes de pratiques déloyales de
travail déposées par les intimées, l'Association canadienne des
pilotes de lignes aériennes («ACPLA») et Eastern Provincial
Airways Ltd. (»EPA»), les 11 et 29 mars 1983, respectivement.
Les requérants sont des pilotes de ligne engagés par EPA à
divers moments, après le 1»' mars 1983, au cours d'une grève.
L'ordonnance enjoignait à l'employeur, EPA, de cesser de
conférer le statut d'employés permanents aux remplaçants
«venant de l'extérieur de l'unité de négociation» ainsi que de
réintégrer dans leurs postes les pilotes qui avaient fait la grève.
Il faut déterminer si les requérants sont des parties directement
affectées par l'ordonnance, au sens du paragraphe 28(2) de la
Loi sur la Cour fédérale, s'ils ont par conséquent qualité pour
agir et pour déposer la présente demande, et s'il y a eu déni de
justice naturelle à leur égard parce qu'ils n'ont pas été avisés
des procédures déposées devant le Conseil ni eu la possibilité de
se faire entendre.
Arrêt (le juge suppléant Cowan dissident): la décision du
Conseil, dans la mesure où ce dernier a conclu que EPA, en
engageant des remplaçants et en essayant de négocier leur
inamovibilité, contrevenait au Code canadien du travail, doit
être annulée de même que le passage de l'ordonnance du
Conseil qui ordonne à EPA de cesser de conférer un statut
d'inamovibilité aux remplaçants venant de l'extérieur de l'unité
de négociation ainsi que les autres passages de l'ordonnance qui
affectent les intérêts des requérants.
Le juge en chef Thurlow (avec l'appui du juge Mahoney):
Bien qu'adressée à EPA, l'employeur, l'ordonnance affecte de
manière directe et immédiate les requérants puisqu'elle enjoint
à EPA de cesser de conférer le statut d'employés permanents
aux requérants qui ont été engagés alors qu'ils ne faisaient pas
partie de l'unité de négociation. Elle ordonne en outre à EPA
de réintégrer dans leurs postes les pilotes qui ont fait la grève,
même s'il faut pour cela retirer aux nouveaux pilotes les postes
qu'ils occupent. Les requérants sont des «parties» au sens du
paragraphe 28(2) de la Loi. La loi offre un recours et il
convient de donner au mot «partie» une interprétation large. En
leur qualité de membres de l'unité représentée par ACPLA,
l'agent négociateur accrédité, ils étaient des parties de facto et,
en tant que personnes dont les intérêts allaient être touchés par
l'ordonnance, ils étaient des personnes auxquelles aurait dû être
offerte la possibilité d'être parties avant le prononcé d'une telle
ordonnance. Il ressort manifestement du dossier que les requé-
rants n'ont pas été avisés des procédures engagées devant le
Conseil et qu'ils n'ont pas eu la possibilité de se faire entendre.
Du point de vue de la justice naturelle, ils avaient droit à la
signification des procédures et à la possibilité de se faire
entendre.
Le juge suppléant Cowan (dissident): Aux termes du para-
graphe 13(1) du Règlement du Conseil canadien des relations
du travail (1978), le greffier doit aviser par écrit toute personne
qui, à son avis, peut être touchée par la demande. EPA qui, de
l'avis du greffier, pouvait être affectée par les plaintes, a reçu
un avis, a comparu aux audiences qui ont porté sur les plaintes
déposées par ACPLA et a soumis au Conseil toutes les ques
tions concernant ses rapports avec les pilotes, y compris les
requérants. Le Conseil n'a pas omis d'observer un principe de
justice naturelle en ne signifiant pas les plaintes aux requérants
ou à l'un d'eux ou en ne donnant pas aux requérants ou à l'un
d'eux la possibilité de se faire entendre puisqu'au moment de la
réception des plaintes de ACPLA, le Conseil ne disposait
d'aucun renseignement pouvant indiquer qu'une personne autre
que EPA pourrait être affectée par ces plaintes. Pour répondre
à la question concernant l'avis aux parties intéressées, il faut
prendre la date à laquelle la demande en cause a été reçue par
le Conseil. De plus, le conflit opposant ACPLA et EPA était
suffisamment connu parmi tous les employés de EPA pour que
les nouveaux pilotes aient eu connaissance du dépôt des plaintes
par ACPLA et des procédures engagées devant le Conseil. La
partie directement affectée est EPA et tout effet que l'ordon-
nance pourrait avoir sur les nouveaux pilotes, en tant qu'em-
ployés, est indirect. Le Conseil n'a pas porté atteinte au droit
des requérants à la liberté.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Le Syndicat canadien des télécommunications, division
n° 1 des Travailleurs unis du télégraphe c. La Fraternité
canadienne des cheminots, employés des transports et
autres ouvriers, et autres, [1982] 1 C.F. 603 (C.A.).
AVOCATS:
Eric Durnford pour les requérants.
Roy L. Heenan et Peter M. Blaikie pour
Eastern Provincial Airways Ltd., intimée.
John T. Keenan, Lila Stermer et Luc Marti-
neau pour l'Association canadienne des pilotes
de lignes aériennes, intimée.
Ian G. Scott, c.r., pour le Conseil canadien
des relations du travail, intimé.
PROCUREURS:
McInnes, Cooper & Robertson, Halifax, pour
les requérants.
Heenan, Blaikie, Jolin, Potvin, Trépanier,
Cobbett, Montréal, pour Eastern Provincial
Airways Ltd., intimée.
John T. Keenan, Montréal, pour l'Association
canadienne des pilotes de lignes aériennes,
intimée.
Gowling & Henderson, Toronto, pour le Con-
seil canadien des relations du travail, intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Les requérants
sont des pilotes de ligne engagés par Eastern Pro
vincial Airways Ltd. (EPA) à divers moments,
après le 1 mars 1983, au cours d'une grève des
pilotes réguliers de la compagnie aérienne. Affir-
mant être des parties directement affectées par
une ordonnance du Conseil canadien des relations
du travail, lesdits nouveaux pilotes demandent
l'examen et l'annulation de l'ordonnance au motif
qu'ils n'ont pas reçu signification des procédures
engagées devant le Conseil qui ont abouti à ladite
ordonnance et qu'il ne leur a pas été donné la
possibilité de se faire entendre pour défendre leurs
intérêts dans cette affaire.
L'ordonnance a été délivrée à la suite de trois
plaintes de pratiques déloyales de travail déposées
contre EPA par l'Association canadienne des pilo-
tes de lignes aériennes (ACPLA) agent négocia-
teur de l'unité dont faisaient partie les pilotes en
grève. L'ordonnance comportait les alinéas sui-
vants:
2.i) l'employeur doit cesser de conférer un statut d'employés
permanents et donc d'inamovibilité aux remplaçants venant de
l'extérieur de l'unité de négociation qui ont été engagés pendant
la grève; ... et cesser de faire de la discrimination contre les
pilotes qui ont fait la grève, en ce qui a trait à leur réintégration
dans leurs anciens postes et (ou) dans des postes essentiellement
équivalents, pour le seul motif qu'ils ont participé à un arrêt de
travail légal.
iv) L'employeur, Eastern Provincial Airways, conformément
aux clauses dans le protocole de retour au travail que les parties
auront négociées pour remplacer les clauses 7 et 12, comme il
est indiqué au paragraphe 2ii) ci-dessus, devra réintégrer dans
son poste ou dans un poste essentiellement équivalent chaque
pilote en grève qui aura fait parvenir sa demande comme il est
stipulé au paragraphe 2iii) ci-dessus, même si, pour cela un
remplaçant doit être muté, mis à pied, congédié ou rétrogradé
d'un poste dans lequel il avait été promu, afin de donner du
travail audit pilote qui a fait grève.
Pour ce qui est de la question soulevée par
l'expression «toute partie directement affectée par
la décision ou l'ordonnance» au paragraphe 28(2)'
de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e
Supp.), chap. 10], je suis d'avis qu'au moins cer-
tains des nouveaux pilotes mentionnés dans les
extraits précités de l'ordonnance du Conseil sont
des parties directement affectées par cette ordon-
28....
(2) Une demande de ce genre peut être faite par le procureur
général du Canada ou toute partie directement affectée par la
décision ou l'ordonnance, par dépôt à la Cour d'un avis de la
demande dans les dix jours qui suivent la première communica
tion de cette décision ou ordonnance au bureau du sous-procu-
reur général du Canada ou à cette partie par l'office, la
commission ou autre tribunal, ou dans le délai supplémentaire
que la Cour d'appel ou un de ses juges peut, soit avant soit
après l'expiration de ces dix jours, fixer ou accorder.
nance. L'ordonnance s'adresse à EPA. Mais elle
enjoint EPA de cesser de conférer un statut d'em-
ployés permanents à certains, au moins, des requé-
rants qui ont été engagés alors qu'ils ne faisaient
pas partie de l'unité de négociation. Elle ordonne
en outre à EPA de réintégrer dans leurs postes les
pilotes en grève, même s'il faut pour cela retirer
aux nouveaux pilotes les postes qu'ils occupent.
Aucune option n'est donnée à EPA. Bien qu'adres-
sée à EPA, l'ordonnance affecte les requérants
d'une manière aussi directe et immédiate que si
l'ordonnance leur était adressée et leur ordonnait
de démissionner. A mon avis, elle les affecte donc
directement.
Je pense également que ces pilotes sont des
«parties» au sens du paragraphe 28(2). La loi offre
un recours et, comme le faisait observer le juge Le
Dain dans Le Syndicat canadien des télécommu-
nications, division n° 1 des Travailleurs unis du
télégraphe c. La Fraternité canadienne des chemi-
nots, employés des transports et autres ouvriers,
et autres, [1982] 1 C.F. 603 [C.A.], à la page 611,
il convient de donner au mot «partie» une interpré-
tation large de manière à inclure un requérant
dont les droits sont directement affectés par l'or-
donnance et auquel aurait du être offerte la possi-
bilité d'être partie, qu'il ait ou non été constitué
partie à ces procédures au sens technique du
terme. Les requérants en l'instance, qu'ils aient été
employés par la compagnie avant le début de la
grève ou qu'ils aient été engagés après le début de
la grève, étaient tous membres de l'unité de négo-
ciation dont l'agent accrédité était ACPLA. En
leur qualité de membres de cette unité, ils sont liés
par la convention collective qui a été établie par le
Conseil dans son ordonnance. Il est toutefois évi-
dent que leurs intérêts sont opposés à ceux de
ACPLA. En leur qualité de membres de l'unité
représentée par ACPLA, ils étaient à mon avis des
parties de facto et, en tant que personnes dont les
intérêts allaient être touchés par l'ordonnance, ils
étaient des personnes auxquelles aurait du être
offerte la possibilité d'être parties avant le pro-
noncé d'une telle ordonnance.
L'autre point à trancher est celui de savoir si, du
point de vue de la justice naturelle, lesdits pilotes
avaient droit à la signification des procédures et à
la possibilité de se faire entendre avant la déli-
vrance d'une telle ordonnance. À mon avis, ils
avaient droit à cette possibilité et, bien que l'affi-
davit de William Sidor ne constitue pas une preuve
suffisante sur ce point, j'estime qu'il ressort mani-
festement du reste du dossier que les pilotes n'en
ont pas été avisés et n'ont pas eu la possibilité de se
faire entendre. De plus, rien n'indique, dans les
faits qui ont été portés à notre connaissance, que
l'on a cherché d'une manière ou d'une autre à les
avertir que leurs droits pourraient être affectés, de
la manière dont ils l'ont été ou autrement, par une
ordonnance que le Conseil pourrait délivrer au
sujet des plaintes dont il était saisi.
En conséquence, bien que cela puisse paraître
inutile compte tenu de la décision qui va être
rendue sur la demande présentée par EPA contre
l'ordonnance du Conseil, j'annulerais, dans le
cadre de la présente requête, (1) la décision du
Conseil, dans la mesure où ce dernier a conclu que
EPA, en engageant des remplaçants et en essayant
de négocier leur inamovibilité, contrevenait au
Code canadien du travail [S.R.C. 1970, chap.
L-1], (2) le passage de l'alinéa 2i) de l'ordonnance
du Conseil qui ordonne à EPA de «cesser de
conférer un statut d'employés permanents et donc
d'inamovibilité aux remplaçants venant de l'exté-
rieur de l'unité de négociation qui ont été engagés
pendant la grève» et (3), l'alinéa 2iv) de l'ordon-
nance et les passages de l'alinéa 2ii) auxquels
renvoie l'alinéa 2iv) qui affectent les intérêts des
nouveaux pilotes.
LE JUGE MAHONEY: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT COWAN (dissident): Les
requérants, ci-après appelés les «nouveaux pilotes»,
demandent en vertu de l'alinéa 28(1)a) de la Loi
sur la Cour fédérale, l'examen et l'annulation de
la décision et de l'ordonnance du Conseil canadien
des relations du travail (le «Conseil») en date du 27
mai 1983. Ces décision et ordonnance ont été
prononcées à l'issue de procédures concernant les
intimées, Eastern Provincial Airways Ltd. («EPA»)
et l'Association canadienne des pilotes de lignes
aériennes («ACPLA»).
Le 11 mars 1983, ACPLA a déposé devant le
Conseil trois plaintes de pratiques déloyales de
travail de la part de EPA. Le Conseil, après les
procédures usuelles, a fixé au 28 mars 1983 le
début de l'audition de ces plaintes. Aux environs
du 29 mars 1983, EPA a déposé deux plaintes
contre ACPLA pour des pratiques déloyales de
travail, et des audiences publiques concernant ces
cinq plaintes ont été tenues par le Conseil les 18,
19, 20 et 21 avril 1983. Le 27 mai 1983, le Conseil
a déposé sa décision et son ordonnance.
Les nouveaux pilotes ont été engagés par EPA
comme employés permanents, pour une durée
indéterminée, à diverses dates entre le 1°" mars et
le lei juin 1983.
Le 1e' juin 1983, EPA a demandé à la Cour, en
vertu de l'alinéa 28(1)a), l'examen et l'annulation
de la décision et de l'ordonnance du Conseil en
date du 27 mai 1983. Cette demande (A-783-83) a
été entendue en même temps que la demande
présentée par les nouveaux pilotes. Sur ordonnance
délivrée par la Cour le 29 juin 1983, le dossier
d'appel préparé pour la demande soumise par EPA
a été utilisé aux fins de la présente demande et il
lui .a été ajouté un affidavit de William Sidor
déposé le 27 juin 1983. Dans son affidavit, M.
Sidor déclare être l'un des 34 nouveaux pilotes qui
ont déposé la demande et avoir été autorisé par
tous les nouveaux pilotes à établir et déposer l'affi-
davit en question; il déclare en outre avoir fait une
demande d'emploi à EPA, comme pilote, et avoir
été engagé comme employé permanent de EPA
pour une durée indéterminée, vers le 27 mai 1983;
il affirme que les autres nouveaux pilotes lui ont
dit, et que lui-même croit réellement, que durant
la période de trois mois commençant le 1" mars
1983, EPA a engagé les autres nouveaux pilotes
selon les mêmes termes que ceux qui lui étaient
appliqués; qu'aucun des nouveaux pilotes n'a été
contacté par un employé du Conseil, ni informé de
la tenue d'une enquête ou autre procédure, avant
les auditions des plaintes de pratiques déloyales de
travail déposées par ACPLA et EPA et entendues
par le Conseil les 18, 19, 20 et 21 avril 1983;
qu'aucun avis n'a été affiché dans les locaux de
EPA, et qu'aucun avis n'a été donné, sous quelque
forme que ce soit, à l'un des nouveaux pilotes
concernant les audiences prévues, leur nature ou
leur incidence possible sur leurs emplois à EPA;
que le Conseil ne leur a en aucune manière signifié
leur droit de comparaître en personne, d'être
représenté ou de participer par d'autres moyens à
ces audiences; que la première possibilité pour les
nouveaux pilotes de prendre réellement connais-
sance de la teneur de la décision rendue par le
Conseil le 27 mai 1983 ne leur a été offerte qu'aux
environs du 8 juin 1983; que, si les nouveaux
pilotes avaient été informés des procédures ou
audiences, ils auraient jugé nécessaire et souhaita-
ble d'assister en personne aux audiences, ou de se
faire représenter, afin de s'assurer que leurs inté-
rêts dans les procédures étaient protégés; que la
décision du Conseil, prise en leur absence et sans
qu'ils en aient été avisés et sans qu'ils aient eu la
possibilité de participer de quelque manière aux
procédures qui y ont abouti, pourrait porter grave-
ment atteinte à leurs emplois à EPA et à leurs
postes chez d'autres employeurs, et qu'en consé-
quence, ils pensent qu'il y a eu, à leur égard, déni
de justice naturelle.
Les dispositions pertinentes de l'alinéa 28(1)a)
et du paragraphe 28(2) de la Loi sur la Cour
fédérale prévoient:
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute
autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger
une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou
ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature
administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus
judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une com
mission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédu-
res devant un office, une commission ou un autre tribunal
fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a
autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
(2) Une demande de ce genre peut être faite par le procureur
général du Canada ou toute partie directement affectée par la
décision ou l'ordonnance...
L'argumentation présentée au nom des requé-
rants consiste à dire qu'ils sont des parties directe-
ment affectées par la décision et l'ordonnance
attaquées. Ils affirment que dans sa plainte rela
tive aux pratiques déloyales, ACPLA a souvent
fait allusion à la part prise par les nouveaux pilotes
dans le différend qui l'opposait à EPA et au fait
que la situation des nouveaux pilotes et, en parti-
culier, le maintien de leur statut d'employés per
manents, faisaient partie intégrante des litiges
soumis par les parties dans les procédures engagées
devant le Conseil. Ils ont mentionné les ordonnan-
ces demandées par ACPLA au Conseil, qui
avaient une incidence sur les nouveaux pilotes et le
droit de EPA de continuer à employer, parmi ces
derniers, ceux qui ne faisaient pas partie de l'unité
de négociation au 26 janvier 1983, ainsi que sur la
nature des emplois des nouveaux pilotes à EPA.
Il a été signalé que, dans sa décision le Conseil a
examiné le statut des nouveaux pilotes et que, dans
son ordonnance, le Conseil a imposé ou interdit à
EPA de faire certaines choses qui pouvaient avoir
une incidence sur le statut des nouveaux pilotes.
On a soutenu, au nom des nouveaux pilotes,
qu'ils avaient qualité pour agir et demander l'an-
nulation de la décision et de l'ordonnance du Con-
seil, en vertu de l'alinéa 28(1)a), en tant que
parties directement affectées par cette décision et
ordonnance; que la décision et l'ordonnance du
Conseil étaient préjudiciables aux nouveaux pilo-
tes, alors que le Conseil ne les avait pas informés
des procédures ni ne leur avait donné la possibilité
d'y participer, et qu'en conséquence le Conseil
avait enfreint à leur égard un principe de justice
naturelle. On a soutenu en outre que le défaut du
Conseil d'informer les nouveaux pilotes constituait
une violation des droits de ces derniers aux termes
de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et
libertés [qui constitue la Partie I de la Loi consti-
tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)], qui prévoit
notamment:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa
personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor-
mité avec les principes de justice fondamentale.
La question de la signification des demandes
déposées auprès du Conseil est traitée dans le
Règlement du Conseil canadien des relations du
travail (1978) [DORS/78-499], pris en vertu du
Code canadien du travail; l'article 13 du Règle-
ment prévoit:
13. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le greffier doit, sur
réception d'une demande, aviser par écrit toute personne qui,
dans son avis, peut être touchée.
(2) Le greffier peut, par écrit, exiger d'un employeur qu'il
affiche immédiatement pour une durée de sept jours les avis
relatifs à la demande aux endroits où ces avis sont le plus
susceptibles d'attirer l'attention des employés qui peuvent être
touchés par la demande.
(3) Le greffier peut, par écrit, exiger de l'employeur, en plus
de l'affichage visé au paragraphe (2), ou au lieu de cet affi-
chage, qu'il informe de la demande les employés de la manière
qu'il prescrit.
(4) L'employeur qui s'est conformé aux exigences du greffier
doit, à la demande de ce dernier, soumettre au Conseil une
déclaration à cet effet.
Et l'article 14:
14. Lorsque l'avis d'une demande est affiché par l'employeur,
un de ses employés désirant répondre à la demande ou y
intervenir est réputé en avoir reçu avis dès le premier jour
d'affichage à moins qu'il n'en ait été avisé auparavant, selon les
paragraphes 13(1) ou (3).
Il appert que le greffier du Conseil a donné avis
par écrit à EPA des plaintes déposées par ACPLA
et que EPA s'est présentée devant le Conseil et a
participé à l'audition de ces plaintes et de deux
plaintes déposées par elle-même contre ACPLA.
Apparemment le greffier n'a pas demandé à EPA,
en tant qu'employeur, d'afficher l'avis des deman-
des, comme le prévoit le paragraphe 13(2) du
Règlement et il n'a pas exigé que l'employeur
informe de la demande les employés qu'elle pour-
rait toucher, comme le prévoit le paragraphe 13(3)
du Règlement.
Je note qu'aux termes des dispositions du para-
graphe 13 (1) du Règlement, le greffier doit aviser
par écrit toute personne qui, à son avis, peut être
touchée par la demande. Il appert que le greffier
pensait que les personnes affectées par les plaintes
étaient EPA, dans le cas des plaintes déposées par
ACPLA, et ACPLA, dans le cas des plaintes
déposées par EPA. La première plainte de
ACPLA comportait 81 paragraphes énonçant les
allégations de pratiques déloyales, la demande au
Conseil d'un certain nombre de déclarations et
ordonnances, et 40 pages de pièces. Les deux
autres plaintes étaient tout aussi détaillées et volu-
mineuses (voir le dossier conjoint, aux pages 5 à
93).
Les trois plaintes contenaient des allégations de
pratiques déloyales de travail de la part de EPA à
l'égard d'un certain nombre de questions dont
certaines concernaient les rapports entre EPA et
les pilotes qu'elle se proposait d'embaucher pour
remplacer les pilotes qui participaient à une grève
légale. Les plaintes déposées au nom de ACPLA,
ont été signées le 7 mars 1983 et n'allèguent ni ne
révèlent que EPA avait, à cette époque, engagé de
nouveaux pilotes et, sur ce point, mentionne sim-
plement des déclarations qui auraient été faites au
nom de EPA quant à son intention d'engager de
nouveaux pilotes à une date ultérieure.
Il est donc évident qu'au moment de la réception
des plaintes, le 11 mars 1983, le Conseil ne dispo-
sait d'aucun renseignement pouvant indiquer
qu'une personne autre que l'employeur EPA pour-
rait être affectée par ces plaintes. EPA, qui était
visée par les plaintes, a reçu un avis et a déposé des
réponses aux trois plaintes de ACPLA, et a com-
paru aux audiences tenues par le Conseil le 29
mars 1983 et les 18, 19, 20 et 21 avril 1983. Elle
s'est vigoureusement opposée au redressement que
demandait ACPLA et a défendu ses droits, en
qualité d'employeur, de traiter avec les pilotes
remplaçants de la manière qu'elle envisageait
avant le ler mars 1983 et selon les termes adoptés
pour traiter avec les pilotes remplaçants à la fin
des audiences, le 21 avril 1983. Sa position d'em-
ployeur des pilotes remplaçants et la position des
pilotes remplaçants, en tant qu'employés de EPA,
ont été mentionnées et il est évident que toutes les
questions relatives à la situation des nouveaux
pilotes, en tant qu'employés de EPA, ont été por-
tées à la connaissance du Conseil et exposées en
détail par EPA.
À mon avis, pour répondre à la question concer-
nant l'avis aux parties intéressées, il faut prendre
la date à laquelle la demande en cause a été reçue
par le Conseil. Dans le cas des plaintes de
ACPLA, cette date est le 11 mars 1983 et, à mon
avis, il n'y a aucune justification à l'allégation
selon laquelle le Conseil, dans ce cas, n'a pas
observé un principe de justice naturelle en ne
signifiant pas les plaintes aux requérants ou à l'un
deux ou en ne donnant pas aux requérants ou à
l'un d'eux la possibilité de se faire entendre à
l'audition des plaintes.
On a affirmé, au cours des débats en cette Cour,
qu'entre le 1e` et le 11 mars 1983, quelques nou-
veaux pilotes avaient été engagés par EPA. On a
suggéré que leur nombre était inférieur à douze,
mais aucune preuve soumise à la présente Cour ne
précise lequel parmi les 34 requérants en l'espèce,
s'il en est, comptait parmi les nouveaux pilotes
engagés par EPA pendant cette période.
Il ressort de l'affidavit de William Sidor, un des
requérants, qu'il a été engagé comme employé de
EPA vers le 27 mai 1983, date de la décision et de
l'ordonnance du Conseil contestées en espèce. Il est
tout à fait évident à mon avis qu'on ne peut dire
que le Conseil a omis d'observer un principe de
justice naturelle en ne lui donnant pas avis des
plaintes déposées par ACPLA ou des auditions
devant avoir lieu à leur sujet, puisque les auditions
étaient terminées et que la décision et l'ordonnance
du Conseil étaient rendues, avant sa date d'entrée
en fonction à EPA comme nouveau pilote. Rien
n'indique non plus dans son affidavit ni dans aucun
autre document produit devant la Cour, qui, parmi
les requérants, était employé par EPA à la date
pertinente, en l'occurrence le 11 mars 1983.
De plus, je suis d'avis que, compte tenu de la
nature et de la longue durée du conflit opposant
ACPLA et EPA, ce différend était généralement
connu dans l'ensemble du territoire desservi par
EPA et, en particulier, parmi les employés de cette
compagnie, y compris les pilotes, qu'ils aient été en
grève ou qu'ils aient été embauchés pour rempla-
cer les grévistes, et qu'en conséquence il y a lieu de
tenir pour acquis que les nouveaux pilotes engagés
à la date pertinente avaient eu connaissance du
dépôt des plaintes par ACPLA et des procédures
engagées devant le Conseil.
Je suis aussi d'avis que les requérants ne sont
pas des parties directement affectées par la déci-
sion et l'ordonnance du Conseil. La partie directe-
ment affectée en l'espèce est l'employeur et tout
effet que l'ordonnance pourrait avoir sur les nou-
veaux pilotes, en tant qu'employés, est indirect.
En raison de ce qui précède, j'estime que le
Conseil n'a pas porté atteinte au droit des nou-
veaux pilotes à la liberté et qu'il n'a pas agi à leur
égard en violation des principes de justice
fondamentale.
Il convient de souligner, à mon avis, que pendant
toute la durée des auditions tenues par le Conseil,
EPA n'a jamais suggéré au Conseil que les nou-
veaux pilotes devraient être informés des procédu-
res ou représentés séparément devant le Conseil.
Cela tend à confirmer que, à mon avis, EPA était
prête à soumettre au Conseil, comme elle l'a fait,
toutes les questions concernant ses rapports avec
les pilotes, y compris les nouveaux pilotes.
Je rejetterais donc la demande présentée en
vertu de l'article 28.
Appendix "A" — Annexe «A»
L. R. Appleton Robert B. MacDonald
J. Ross Bartlett Brian Milson
G. Beland B. O'Connor
Ian G. Black Allan Phillips
Chris Boyer G. Pigeon
Max R. Brunner Robert Poirier
G. Clarke Peter Prins
R. Cortens Rod Pusch
Terrence R. Davis Robert Reeve
S. Gallant William A. Rommens
R. Garback R. Ruschmeier
D. Germain Dwight B. Sharpe
D. Graham William George Sidor
B. Groeneveld S. St. Laurent
D. Hatton Earle Cecil Vance
Franklin S. Horton G. S. Weatherly
Bruce Hughes Lorn S. Yanik
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