T-59-82
Ports International Limited (appelante)
c.
Registraire des marques de commerce et Alex E.
MacRae & Co. (intimés)
Division de première instance, juge en chef adjoint
Jerome—Toronto, 15 mars; Ottawa, 15 décembre
1983.
Marques de commerce — Appel de la décision par laquelle
le registraire a radié l'enregistrement de la marque de com
merce «Ciao» de l'appelante — En réponse à une demande
fondée sur l'art. 44, on a, pour preuve d'emploi, déposé un
affidavit alléguant la donation de vêtements portant la marque
de commerce faite à l'Orchestre symphonique de Toronto pour
la vente de ceux-ci dans le cadre d'une collecte de fonds —
Appel rejeté — La pratique normale du commerce serait la
vente commerciale de vêtements — Il est normal, dans la
pratique du commerce, de faire don de vêtements à des orga-
nismes de charité mais, en l'absence de preuve d'activité com-
merciale normale, une telle donation, si elle est isolée, ne peut
être assimilée à une opération effectuée dans la pratique du
commerce — Aucune preuve de commerce de vêtements — Loi
sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10, art.
44, 56.
AVOCATS:
D. R. Bereskin, c.r., pour l'appelante.
M. I. Thomas pour le registraire des marques
de commerce, intimé.
S. Anissimoff et P. Salsbury pour Alex E.
MacRae & Co., intimée.
PROCUREURS:
Rogers, Bereskin & Parr, Toronto, pour
l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour le
registraire des marques de commerce, intimé.
MacBeth & Johnson, Toronto, pour Alex E.
MacRae & Co., intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: J'ai
entendu l'appel interjeté en vertu de l'article 56 de
la Loi sur les marques de commerce' à Toronto
(Ontario), le 15 mars 1983. L'appel vise une déci-
sion du registraire des marques de commerce datée
du 9 novembre 1981, sur une demande en vertu de
' S.R.C. 1970, chap. T-10.
l'article 44 de la Loi sur les marques de com
merce, décision qui radiait l'enregistrement au
Canada de la marque de commerce «Ciao» de
l'appelante.
Les faits du litige sont très simples et ne sont pas
contestés. La marque de commerce en cause a été
enregistrée le 28 novembre 1975. L'intimée, Alex
E. MacRae & Co., a demandé au registraire
d'émettre l'avis prévu à l'article 44, ce qu'il a fait
le 2 mars 1980. En réponse à cet avis, l'appelante a
déposé l'affidavit de Ephraim Harold Shapiro. En
voici le passage le plus pertinent:
[TRADUCTION] Ports International Limited a vendu la ligne de
vêtements CIAO au Canada de façon continue depuis 1970.
Le dernier emploi de la marque de commerce avant réception
de l'avis prévu à l'article 44 remonte à mars 1980 environ ...
Le déposant explique par la suite que certains
vêtements sur lesquels l'étiquette en cause était
apposée avaient été livrés à l'Orchestre symphoni-
que de Toronto pour être vendus dans le cadre
d'une collecte de fonds. N'étant pas satisfait de cet
affidavit, le registraire envoya à l'appelante une
lettre à cet effet datée du 9 septembre 1980. En
réponse, l'appelante déposa un deuxième affidavit.
A l'audience, l'avocat de la requérante a fait état
des parties de l'affidavit attestant que l'avis avait
été émis et les vêtements livrés à l'orchestre le
même mois, et attestant aussi que, selon les termes
de l'entente, l'orchestre vendrait toutes les robes
données. Le paragraphe 4 dit notamment:
[TRADUCTION] Dans le cours normal de ses affaires, la requé-
rante donne des vêtements d'hommes et de femmes à des
organismes de charité pour que ceux-ci les revendent. Par le
passé, ces dons se sont avérés très utiles pour promouvoir les
lignes de vêtements pour hommes et pour femmes de la
requérante.
J'ai aussi permis le dépôt d'un deuxième affidavit,
celui de Claire M. King, co-organisatrice de la
vente en cause, pour clarifier la déclaration sui-
vante de M. Shapiro:
[TRADUCTION] Selon Claire M. King, co-organisatrice de The
New Shop du comité féminin de l'Orchestre symphonique de
Toronto, et dont je ne mets pas la parole en doute, le comité a
reçu de Ports, moins d'un mois après le 4 février 1980, une
donation de vêtements pour femmes destinés à être revendus
par le comité au profit de l'orchestre.
Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelante a
reconnu que ces affidavits constituaient les seuls
documents prouvant l'emploi de la marque de
commerce et que, pour obtenir gain de cause dans
cet appel, il devait me convaincre aux termes du
paragraphe 44(3) qu'il s'agissait là d'un emploi
dans la pratique normale du commerce, dans le
but de distinguer les marchandises du propriétaire
de la marque de commerce de celles des autres. Au
cours de son argumentation, du reste très habile,
j'ai indiqué qu'il n'avait pas réussi à me convain-
cre, mais que j'examinerais la question plus à fond.
Les présents motifs reflètent ma conclusion initiale
que l'appel doit échouer.
Le dossier n'apporte aucune preuve d'un com
merce de vêtements portant cette étiquette. Dans
son affidavit, Shapiro allègue que de tels vête-
ments ont été continuellement en vente au Canada
depuis 1970, mais cette prétention n'a pas été
appuyée par le moindre élément de preuve, ni
devant le registraire, ni devant moi. En l'espèce, la
pratique normale du commerce serait la vente de
vêtements par le fabricant, le grossiste ou le détail-
lant. Évidemment, il est normal, dans cette indus-
trie, de faire don de vêtements à des ventes de
charité dans l'espoir d'agrandir la clientèle et de
mieux faire connaître la marque. Il est normal de
le faire dans le but d'augmenter les ventes, la
pratique normale du commerce. En l'absence de
preuve d'activité commerciale normale, une telle
donation, si elle est isolée, ne peut être assimilée à
une opération effectuée dans la pratique du com
merce. Étant donné que la donation constitue la
seule preuve d'emploi présentée par l'appelante,
j'estime que non seulement il ne s'agit pas d'une
preuve d'emploi dans la pratique normale du com
merce mais d'une preuve tendant plutôt à démon-
trer l'absence d'emploi, au sens commercial.
Je n'ai rien trouvé dans la preuve écrite ni dans
les plaidoiries de l'avocat qui ait pu me convaincre
que les prescriptions du paragraphe 44(3) ont été
respectées. L'appel est donc rejeté avec dépens.
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