T-1073-84
James Bauer (requérant)
c.
La Reine (Commission de l'immigration du
Canada) (intimée)
Division de première instance, juge McNair—
Toronto, 28 mai; Ottawa, 6 juillet 1984.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Prohibition
— Refus d'une demande de transcription des procédures de
révision des motifs de détention menées à sept jours d'inter-
valle sous le régime de la Loi sur l'immigration — Le bref de
prohibition ne peut être décerné que pour empêcher un tribunal
d'instance inférieure d'excéder sa juridiction ou de l'exercer
d'une façon irrégulière — Il n'y a pas eu, en l'espèce, d'irrégu-
larité de procédure équivalant h un excès de juridiction — En
l'absence d'une disposition législative au contraire, un tribunal
administratif n'est pas tenu de faire sténographier ses débats
— Suivant la décision Bauer c. La Reine (Commission de
l'immigration du Canada), C.F. 1" inst., dossier T-125-84, ni
la common law ni la Loi n'oblige à garantir la présence d'un
sténographe lors des audiences de révision de détention — Les
circonstances n'exigeaient pas la prise de notes sténographi-
ques — Les règles d'équité dans la procédure n'ont pas été
violées — Rien ne démontre qu'on n'a pas donné au requérant
une juste occasion de se défendre — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 18.
Immigration — Révision de détention en vertu de l'art.
104(6) — Le requérant se plaint qu'on lui a refusé le droit de
retenir les services d'un sténographe judiciaire pour consigner
les procédures de révision de sa détention — Ce refus va-t-il h
l'encontre de la Loi, de la Charte ou du principe de l'équité de
la procédure reconnue par la common law? — La révision de
détention constitue-t-elle une enquête? — Suivant la décision
Bauer c. La Reine (Commission de l'immigration du Canada),
C.F. 1" inst., dossier T-125-84, la Loi n'oblige pas h garantir
la présence d'un sténographe lors des audiences de révision de
détention — Les révisions de détention ne sont pas des enquê-
tes — Le requérant ne peut se prévaloir des termes impératifs
de l'art. 29(2) — Le refus constituait une décision administra
tive — Rien ne permet de conclure que les procédures de
révision se soient déroulées de manière inéquitable — Requête
en prohibition rejetée — Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, chap. 52, art. 29(2), 34, 104(6),(7).
Droit constitutionnel — Charte des droits — Refus de la
permission de retenir les services d'un sténographe judiciaire
pour consigner les procédures de révision de détention prévues
par la Loi sur l'immigration — La Charte n'oblige pas Zr
assurer la présence d'un sténographe lors d'audiences sur la
révision d'une détention: Bauer c. La Reine (Commission de
l'immigration du Canada), C.F. 1" inst., !dossier T-125-84 —
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie
I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.).
Il s'agit d'une demande de bref de prohibition ou de tout
autre redressement pour faire annuler des procédures visées par
la Loi sur l'immigration de 1976. On a refusé au requérant la
permission de retenir, à ses frais, les services d'un sténographe
judiciaire pour consigner les procédures de révision aux sept
jours de sa détention menées conformément aux paragraphes
104(6) et 104(7) de la Loi. Le requérant prétend que ces
procédures de révision sont des enquêtes. Le paragraphe 29(2)
de la Loi dispose que l'arbitre doit, à la demande de la personne
détenue, permettre à des observateurs d'assister à l'enquête,
dans la mesure où leur présence n'est pas susceptible d'en
entraver le déroulement. La première question à résoudre est de
savoir si le bref de prohibition constitue le recours approprié en
l'espèce. Dans le cas contraire, il échet d'examiner si le refus de
permettre de retenir les services d'un sténographe contrevient à
la Charte ou enfreint par ailleurs un principe de justice
fondamentale.
Jugement: la requête est rejetée. Le bref de prohibition ne
peut être décerné que pour empêcher qu'un tribunal d'instance
inférieure n'excède sa juridiction ou qu'il ne l'exerce d'une
façon irrégulière et non pour remédier à une irrégularité de la
procédure, à moins que cette irrégularité n'équivaille à un excès
de juridiction. Le refus de permettre de retenir les services d'un
sténographe ne constitue pas une irrégularité de procédure
équivalante à un excès de juridiction. Quant à la deuxième
question, il y a lieu d'appliquer les motifs du juge Collier dans
la demande de mandamus qui a fait l'objet de la décision Bauer
c. La Reine (Commission de l'immigration du Canada), ordon-
nance en date du 28 février 1984, Division de première instance
de la Cour fédérale, T-125-84, encore inédite. Ni la Loi sur
l'immigration de 1976, ni la common law, ni la Charte n'obli-
gent à assurer la présence d'un sténographe lors de procédures
de révision de détention ou lors d'enquêtes. Il est toutefois
vraisemblable que, lorsque le refus de permettre la présence
d'un sténographe est entaché d'injustice, la Cour doive interve-
nir et exercer son contrôle judiciaire. La question de savoir s'il
est nécessaire de conserver un procès-verbal sténographique
dépend des circonstances de chaque espèce. Les procédures de
révision de détention constituent simplement des accessoires du
processus général de l'enquête et ne sont pas des enquêtes au
sens de la Loi. Les termes impératifs du paragraphe 29(2) ne
s'appliquent pas. Le refus de l'arbitre constituait une décision
administrative. Rien ne permet de conclure que les procédures
de révision de détention se soient déroulées de manière inéqui-
table et rien ne démontre qu'on n'a pas donné au requérant une
juste occasion de se défendre. Il n'y a pas eu violation des droits
garantis par la Charte. Le refus opposé à la demande de
sténographe n'était pas injuste dans les circonstances. En revan-
che, cette affaire baigne dans une atmosphère d'iniquité. Le
requérant a été incarcéré pendant une période d'au moins treize
mois. Le mécanisme administratif permettant de trancher le
cas du requérant pourrait certainement être accéléré.
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Bauer c. La Reine (Commission de l'immigration du
Canada), ordonnance en date du 28 février 1984, Division
de première instance de la Cour fédérale, T-125-84,
encore inédite; Belgo Canadian Pulp and Paper Co. v.
Court of Sessions of the Peace of Three Rivers (1920),
54 D.L.R. 597 (C.S. Qc); Re Ashby, [1934] 3 D.L.R. 565
(C.A. Ont.); Martineau c. Comité de discipline de l'Ins-
titution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602.
DÉCISIONS CITÉES:
Mindamar Metals (Corp.) v. Richmond County, [1955] 2
D.L.R. 183 (C.S.N: E.); Re Fitzpatrick and City of
Calgary (1965), 47 D.L.R. (2d) 365 (C.S. Alb.).
A COMPARU:
James Bauer pour son propre compte.
AVOCAT:
M. Duffy pour l'intimée.
LE REQUÉRANT POUR SON PROPRE COMPTE:
James Bauer, Toronto.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MCNAIR: Par la présente requête
fondée sur l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10], le
requérant, James Bauer, demande un bref de pro
hibition ou tout autre redressement approprié,
pour faire annuler des procédures prises en vertu
de la Loi sur l'immigration de 1976 [S.C.
1976-77, chap. 52] et qui iraient à l'encontre de la
Charte [Charte canadienne des droits et libertés,
qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle
de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada,
1982, chap. 11 (R.-U.)] et des règles de l'équité de
la procédure. Le requérant a comparu pour son
propre compte, et l'intimée était représentée par
avocat.
Si j'ai bien saisi, le grief formulé par le requé-
rant est simplement qu'on lui a refusé le droit de
retenir, à ses frais, les services d'un sténographe
judiciaire pour consigner et transcrire les procédu-
res de révision périodique des motifs de sa déten-
tion prolongée à l'établissement à sécurité maxi-
male de Rexdale, qui ont eu lieu tous les sept
jours, conformément à la procédure prescrite par
les paragraphes 104(6) et (7) de la Loi sur l'im-
migration de 1976. Il est apparu évident que le
requérant désire une «transcription» des notes sté-
nographiques pour, très probablement, attaquer les
décisions sur la révision de sa détention. Le requé-
rant soutient que ces procédures de révision sont
des enquêtes qui doivent être sténographiées par
un sténographe judiciaire compétent et que la
négation de ce droit va à l'encontre du texte même
de la Loi sur l'immigration de 1976, qu'elle con-
trevient à la Charte et viole le principe de l'équité
de la procédure reconnu par la common law.
Il ressort des documents produits et des déclara-
tions faites lors de l'audition que le requérant a été
arrêté et incarcéré en vertu de la Loi sur l'immi-
gration de 1976 et que sa détention a fait l'objet de
révisions périodiques conformément à l'article 104.
La disposition législative qui traite directement de
la question est le paragraphe 104(6) de la Loi sur
l'immigration de 1976, dont voici le texte:
1o4....
(6) Au cas où l'examen, l'enquête ou le renvoi qui, en vertu
de la présente loi, ont motivé la détention, n'ont pas lieu dans
les quarante-huit heures de celle-ci, la personne détenue doit
être immédiatement amenée devant un arbitre aux fins de
révision des motifs justifiant une détention prolongée; par la
suite, la personne devra être amenée devant un arbitre aux
mêmes fins, au moins une fois tous les sept jours.
Il a été admis que la détention du requérant a
donné lieu à de nombreuses procédures, judiciaires
et autres. Je ne veux pas m'y arrêter. Le grief
formulé par le requérant dans la présente requête
consiste simplement en ce qu'on lui a nié le droit à
un sténographe judiciaire lors des révisions de
détention qui ont eu lieu devant des arbitres sous le
régime du paragraphe précité.
Les débats indiquent clairement que le litige se
rattache notamment à la question de savoir si la
révision de détention prévue par l'article 104 de la
Loi constitue une enquête au sens de la Loi. L'avo-
cat de l'intimée prétend que non et affirme qu'une
procédure de révision est tout à fait différente
d'une enquête. Le requérant prétend le contraire et
invoque à l'appui de ses prétentions les articles 29
et 34 de la Loi.
À mon avis, l'article 34 ne s'applique pas de
façon particulière en l'espèce, si ce n'est qu'il
emploie l'expression «d'arrestation et de détention
aux fins d'enquête en vertu de l'article 104».
L'article 29 se rapporte aux enquêtes tenues par
les arbitres. De façon générale, elles doivent avoir
lieu en présence de la personne qui en fait l'objet.
Celle-ci a le droit de se faire représenter à l'en-
quête par un conseil, à ses frais. L'arbitre peut
recevoir lors de l'enquête les preuves qu'il consi-
dère dignes de foi eu égard aux circonstances de
l'espèce et fonder sa décision sur ces preuves.
L'arbitre rend sa décision le plus t8t possible après
l'enquête et le fait en présence de la personne
concernée, si les circonstances le permettent.
De toute évidence, c'est sur les paragraphes
29(2) et (3) de la Loi que le requérant appuie son
argument. Voici le texte de ces dispositions:
29....
(2) A la demande ou avec l'autorisation de la personne
faisant l'objet de l'enquête, l'arbitre doit permettre à des obser-
vateurs d'assister à l'enquête, dans la mesure où leur présence
n'est pas susceptible d'en entraver le déroulement.
(3) Sous réserve du paragraphe (2), l'arbitre mène l'enquête
à huis clos.
On remarquera le ton nettement impératif
employé par le législateur à ces deux paragraphes.
La première question à résoudre est de savoir si
le bref de prohibition ou les redressements de
même nature constituent le recours approprié en
l'espèce.
L'extrait suivant tiré de 1 Halsbury's Laws of
England, 4e éd., par. 130, page 138, énonce en
termes clairs et concis le principe général:
[TRADUCTION] Il y a lieu d'accorder un bref de prohibition en
cas d'excès ou d'absence de juridiction, mais également en cas
de manquement aux règles de justice naturelle. Il n'y a pas lieu
à prohibition toutefois lorsqu'il s'agit de corriger la pratique ou
la procédure d'un tribunal d'instance inférieure ou de réformer
une décision erronée sur le fonds. [C'est moi qui souligne.]
Cet énoncé de principe trouve un appui en droit
canadien, ainsi que le démontrent les passages
suivants de la décision du juge en chef Lemieux
dans la cause Belgo Canadian Pulp and Paper Co.
v. Court of Sessions of the Peace of Three Rivers
(1920), 54 D.L.R. 597 (C.S. Qc), dont le premier
extrait se trouve à la page 603:
[TRADUCTION] En dépit de la loi et des principes établis, le
but et l'objet du bref de prohibition semblent être trop souvent
mal compris. Le bref ne devrait être décerné et maintenu que
lorsqu'un tribunal d'instance inférieure excède sa juridiction ou
a exercé des pouvoirs qui ne relèvent pas de sa compétence.
Le passage suivant du juge en chef, aux pages
604 et 605, est particulièrement instructif à cet
égard:
[TRADUCTION] ... le bref de prohibition n'est jamais accordé
comme moyen d'appel ou de révision à l'encontre des jugements
rendus par les tribunaux d'instance inférieure, mais uniquement
pour ramener ces tribunaux à l'intérieur des limites de leur
compétence, lorsqu'ils s'en sont éloignés ou qu'ils sont sur le
point de le faire. Par conséquent, ce bref ne doit pas étre
accordé pour remédier à une irrégularité de procédure commise
par une cour d'instance inférieure, si cette irrégularité n'équi-
vaut pas à un excès de juridiction. Il ne devrait pas non plus
être accordé pour réparer une illégalité, si grave soit-elle,
commise par un tribunal dans le cadre d'une instance pour
laquelle il a compétence ration materiae. Pour qu'une irrégu-
larité puisse donner lieu à prohibition, il est nécessaire qu'elle
équivaille à un excès de juridiction. *L'irrégularité doit toute-
fois être telle qu'elle revienne à un excès de juridiction. Une
simple erreur, aussi manifeste soit-elle ... ne constituera pas un
moyen ouvrant droit à un bref de prohibition.»
La raison d'être du bref de prohibition est expli-
quée de la façon suivante par le juge d'appel
Masten dans l'arrêt Re Ashby, [1934] 3 D.L.R.
565 (C.A. Ont.), aux pages 567 et 568:
[TRADUCTION] Il ne fait pas de doute suivant la doctrine et
la jurisprudence que, sauf en cas d'erreur de procédure invali-
dant la compétence, un bref de prohibition ne peut être décerné
à l'encontre d'un tribunal administratif qui a agi dans les
limites de ses attributions.
De toute évidence, le bref de prohibition ne peut
être décerné que pour empêcher qu'un tribunal
d'instance inférieure n'excède sa juridiction ou
qu'il ne l'exerce d'une façon irrégulière et non pour
remédier à une irrégularité de la procédure, à
moins que cette irrégularité n'équivaille à un excès
de juridiction. Le refus de l'arbitre de permettre
au requérant de retenir à ses frais les services d'un
sténographe pour qu'il consigne les débats des
révisions de sa détention ne constitue pas, à mon
avis, une irrégularité de procédure équivalante à
un excès de juridiction. La demande de prohibition
doit donc être rejetée.
Il nous reste à déterminer si le refus opposé au
requérant qui sollicitait les services d'un sténogra-
phe pour consigner les débats des révisions de
détention, à ses frais et pour ses propres besoins, va
à l'encontre d'un droit reconnu par la Charte
canadienne des droits et libertés' ou s'il enfreint
par ailleurs un principe de justice fondamentale.
' Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi
de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.).
Le requérant a fait allusion à la Loi constitution-
nelle de 1982, mais il est évident que c'est la
Charte qu'il veut invoquer.
Le requérant a formulé le même grief, en plus
de certains autres, à mon collègue, le juge Collier
[Bauer c. La Reine (Commission de l'immigration
du Canada), ordonnance en date du 28 février
1984, Division de première instance de la Cour
fédérale, T-125-84, encore inédite], dans une
demande de mandamus ou de redressement de
même nature. Le juge Collier a rejeté cette requête
par ordonnance rendue le 28 février 1984. Les
motifs du jugement ont été produits. Je suis d'ac-
cord avec le juge Collier lorsqu'il énonce le prin-
cipe de droit suivant [à la page 3]:
La loi n'oblige pas, en l'espèce, l'arbitre à garantir la pré-
sence d'un sténographe «judiciaire», qu'il soit officiel ou non,
lors des révisions de détention. Il n'est d'ailleurs pas expressé-
ment tenu de retenir un sténographe pour la tenue d'une
enquête. Tout au plus l'article 113 lui permet-il, s'il l'estime
nécessaire «à la tenue d'une enquête approfondie», de retenir les
services d'un sténographe. Je sais par expérience que les débats
qui ont lieu lors des enquêtes sont habituellement consignés
d'une façon ou d'une autre. Certaines procédures doivent être
consignées: voir, par exemple, le paragraphe 45(2).
Le demandeur prétend que les procédures visées au paragra-
phe 104(6) sont des enquêtes. A mon avis, il ne s'agit pas
d'enquêtes, mais de simples révisions des motifs justifiant une
détention prolongée.
Selon moi, ni la Loi sur l'immigration de 1976, ni la common
law, ni la Charte canadienne des droits et libertés n'obligent, à
peine de recours, à retenir sur demande, les services d'un
sténographe lors des auditions portant sur la révision des déten-
tions. Ces moyens à l'appui de la requête du demandeur sont
rejetés.
Le juge a ensuite formulé la mise en garde
suivante:
J'ajoute ceci. Il est sans doute souhaitable de faire sténogra-
phier les procédures de révision. Il est même tout à fait
vraisemblable que, lorsque le refus d'accorder un sténographe
est entaché d'injustice, la Cour doive intervenir en exerçant son
contrôle judiciaire.
En l'absence d'une disposition législative au con-
traire, un tribunal administratif n'est pas tenu de
faire sténographier ses débats 2 . La question de
savoir s'il est nécessaire de conserver un procès-
verbal sténographique dépend des circonstances de
chaque espèce. Il est certainement nécessaire que
2 Mindamar Metals (Corp.) v. Richmond County, [1955] 2
D.L.R. 183 (C.S.N.-É.), à la p. 189.
les notes sténographiques soient complètes 3 sous
peine de mettre le tribunal saisi d'un appel ou
d'une demande de contrôle judiciaire dans l'impos-
sibilité de s'acquitter de ses fonctions.
Il nous reste à déterminer si le refus de permet-
tre au requérant de retenir à ses frais les services
d'un sténographe pour consigner les procédures de
révision de détention l'a privé injustement d'un
droit ou a par ailleurs constitué un traitement
inéquitable à son endroit.
À mon avis, ces procédures de révision de déten-
tion constituent simplement des accessoires du pro-
cessus général de l'enquête et ne sont pas, à pro-
prement parler, des enquêtes au sens que la Loi
donne à cette expression. Le requérant ne peut
donc pas se prévaloir des avantages pouvant décou-
ler des termes impératifs du paragraphe 29(2).
L'arbitre n'est pas tenu de retenir, sur demande,
les services d'un sténographe pour consigner les
débats des révisions de détention. Le refus de
l'arbitre constituait une décision administrative.
Rien ne permet de conclure que les procédures de
révision de détention se soient déroulées de
manière inéquitable et rien ne démontre qu'on n'a
pas donné au requérant une juste occasion de se
défendre. Je suis d'avis qu'il n'y a pas eu violation
des droits garantis par la Charte.
Il ne nous reste plus qu'une question à résoudre:
le refus était-il juste? Le juge Dickson [tel était
alors son titre] formule la question de la façon
suivante dans l'arrêt Martineau c. Comité de dis
cipline de l'Institution de Matsqui 4 :
8. En conclusion, la simple question à laquelle il faut répon-
dre est celle-ci: compte tenu des faits de ce cas particulier, le
tribunal a-t-il agi équitablement à l'égard de la personne qui se
prétend lésée?
À cette question, je réponds que, d'après les faits
de l'espèce, le refus opposé au requérant à sa
demande d'un sténographe n'était pas injuste dans
les circonstances. A mon avis, il n'y a pas eu
violation des devoirs qu'impose l'équité. Pour ces
motifs, je dois rejeter la requête.
Cela suffit pour trancher la question. Il n'y a pas
eu d'injustice flagrante dans les actes qui ont été
posés dans le cas qui nous occupe. En revanche,
3 Re Fitzpatrick and City of Calgary (1965), 47 D.L.R. (2d)
365 (C.S. Alb.), à la p. 369.
4 [1980] 1 R.C.S. 602, la p. 631.
toute cette déplorable affaire me semble impré-
gnée d'une atmosphère d'iniquité. Les rouages de
l'administration peuvent sembler d'une lenteur
désespérante quand il s'agit de traiter de choses
courantes ou routinières, mais dans une société
libre et démocratique qui reconnaît la primauté du
droit et qui professe sa foi aux principes de la
liberté et de la protection contre l'arrestation et
l'emprisonnement arbitraires, il me semble que le
mécanisme permettant de trancher le cas du
requérant dans un sens ou dans l'autre pourrait
être accéléré. Le requérant a été incarcéré pendant
une période d'au moins treize mois. On ne peut pas
traiter ce fait à la légère. Il est vraisemblable qu'il
restera incarcéré pour une période indéfinie tant
que des démarches concrètes n'auront pas été
entreprises sur le plan administratif pour régler
sans délai son cas. La loi se fait toujours la cham-
pionne de la liberté et répugne à servir d'outil
d'oppression. Il serait bon que les tribunaux admi-
nistratifs se rappellent, lorsqu'ils exécutent les
fonctions que la loi leur confie, que l'obligation
d'être juste ne se limite pas à la lettre du principe.
ORDONNANCE
La requête est rejetée sans frais.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.