A-975-83
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et secré-
taire d'État aux affaires extérieures (appelants)
(intimés)
c.
Franklin Chiu -Fan Lau et Felix Siu Wai Lau
(intimés) (requérants)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Ryan et
Stone—Toronto, 22 mai; Ottawa, 25 juin 1984.
Immigration — Le fils du requérant a atteint l'âge de 21 ans
entre la date à laquelle son père a demandé des visas d'immi-
grant pour lui-même et les personnes à sa charge et la date à
laquelle les visas ont été délivrés — L'agent des visas a, à bon
droit, refusé de délivrer un visa au fils en tant que personne à
charge, au motif qu'il avait 21 ans révolus à la date de la
délivrance du visa — L'admissibilité au visa est fonction de
l'âge à la date de la délivrance du visa — L'obtention d'un visa
n'emporte pas le droit à l'établissement — L'agent des visas
n'est pas autorisé à accorder le droit d'établissement; son rôle
se borne à déterminer si la personne qui demande le visa
«semble être une personne qui peut obtenir le droit d'établisse-
ment» — L'art. 9 du Règlement doit être rapproché de la
définition des termes «personne à charge» et «personne à
charge qui l'accompagne» — Le fils n'était pas «à la charge»
de son père «au moment où un visa d'immigrant» a été délivré
à son père — Le juge en chef Thurlow s'associe à la décision
en se fondant sur une interprétation des premiers mots de l'art.
9(4) de la Loi suivant lequel l'agent des visas n'est investi du
pouvoir de délivrer un visa que lorsqu'il «constate» l'existence
des faits qui y sont énumérés, et non lorsque la demande est
présentée — La date à considérer pour déterminer l'admissibi-
lité de la personne à charge est celle à laquelle l'agent des
visas a fait les constatations requises relativement au père et
aux personnes à sa charge — Loi sur l'immigration de 1976,
S.C. 1976-77, chap. 52, art. 9(1),(2),(4), 12(1), 14(2) — Règle-
ment sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1), 6(4)
(mod. par DORS/82-702, art. 2(2)), 9 (mod. par DORS/79-
851, art. 3).
Il s'agit d'un appel d'une ordonnance en mandamus pronon-
cée par le juge de première instance qui a prescrit le réexamen
de la demande de visa d'immigrant de Franklin Lau, en tenant
compte du fait que l'agent des visas avait commis une erreur en
refusant d'accorder un visa à Felix Lau au seul motif qu'il était
âgé de plus de 21 ans à la date de la délivrance des visas. Felix
Lau a atteint 21 ans entre la date à laquelle son père a
demandé des visas d'immigrant pour lui-même et pour les
personnes à sa charge et la date à laquelle les visas ont été
délivrés à ses parents et à son frère. Le litige porte sur la
question de savoir si l'admissibilité à l'obtention d'un visa
s'établit en fonction de l'âge à la date de la demande ou en
fonction de l'âge à la date de la délivrance du visa. L'article 9
du Règlement autorise l'agent des visas à délivrer un visa à la
personne qui présente une demande de visa «ainsi qu'aux per-
sonnes à sa charge qui l'accompagnent» si «lui-même et les
personnes à sa charge ... satisfont aux exigences de la Loi et
du présent règlement». Le paragraphe 9(4) de la Loi autorise
l'agent des visas à délivrer un visa s'il constate que la personne
qui le demande «satisfait aux exigences de la présente loi et des
règlements.. Les appelants soutiennent que c'est donc à la date
de la délivrance du visa que les exigences de la Loi et du
Règlement doivent être satisfaites. Entre la date de la demande
et la date de la délivrance, l'agent des visas doit s'assurer «que
l'établissement ... ne contreviendrait ni à la présente loi ni aux
règlements». Les intimés soutiennent que la raison d'être de
l'expression «personne à charge qui l'accompagne» définie à
l'article 9 du Règlement est d'éviter que le requérant principal
se fasse délivrer un visa lorsque la personne à charge qui
l'accompagne est déclarée inadmissible. Ils soutiennent égale-
ment que toute ambiguïté pouvant exister dans le Règlement
doit être résolue en leur faveur.
Arrêt: l'appel est accueilli.
Le juge Stone (avec l'appui du juge Ryan): La question doit
être tranchée suivant l'interprétation de l'article 9 du Règle-
ment. Felix Lau ne pouvait pas se faire délivrer un visa
d'immigrant en vertu de la demande de son père parce qu'il
n'était pas, comme le prévoit le Règlement, «à la charge» de son
père «au moment où un visa d'immigrant» a été délivré à son
père. Voilà l'effet de l'article 9 lorsqu'on le rapproche des
définitions des termes «personne à charge. et «personne à
charge qui l'accompagne». L'agent des visas a eu raison de
refuser de délivrer un visa d'immigrant à Felix Lau.
Le juge en chef Thurlow (souscrivant au résultat): Il faut
interpréter le Règlement conjointement avec la Loi et les
dispositions du Règlement qui sont incompatibles avec celles de
la Loi doivent céder le pas devant ces dernières. Les premiers
mots du paragraphe 9(4) de la Loi signifient que l'agent des
visas n'est investi du pouvoir de délivrer un visa à un immigrant
qui remplit les conditions voulues que lorsque «L'agent des
visas» «constate» l'existence des faits énumérés à ce paragraphe.
Puisque le règlement doit s'interpréter comme donnant effet à
la loi, la date à considérer pour déterminer l'admissibilité du
fils à recevoir un visa en tant que personne à la charge de son
père est celle à laquelle l'agent des visas a constaté l'existence
des faits énumérés au paragraphe 9(4) relativement au père et
aux personnes qui étaient à sa charge à l'époque.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
City of Ottawa v. Boyd Builders Ltd., [ 1965] R.C.S. 408.
DÉCISION EXAMINEE:
Ahmad c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(décision en date du 26 mai 1981, Commission d'appel de
l'immigration, V80-6255, non publiée).
DÉCISION CITÉE:
In re Heathstar Properties Ltd., [1966] 1 W.L.R. 993
(Ch.D.).
AVOCATS:
B. R. Evernden pour les appelants (intimés).
C. L. Rotenberg, c.r. et D. S. Wilson pour les
intimés (requérants).
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
les appelants (intimés).
Goldberg, Wilson, Toronto, pour les intimés
(requérants).
Cecil L. Rotenberg, c.r., Don Mills (Ontario),
pour les intimés (requérants).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Le juge Stone a
exposé les faits dans les motifs de son jugement. Je
n'ai donc pas besoin de les répéter. Le litige porte
sur la question de savoir si l'agent des visas était
justifié à refuser de délivrer un visa à Felix Siu
Wai Lau en tant que personne à la charge de son
père, Franklin Chiu -Fan Lau, au motif qu'au
moment où le visa du père a été accordé, Felix Lau
était âgé de plus de 21 ans et que, par conséquent,
il n'était plus à ce moment à la charge de son père,
au sens du paragraphe 2(1)' du Règlement sur
l'immigration de 1978 [DORS/78-172]. Felix
n'avait pas encore 21 ans au moment où son père a
fait sa demande.
Le litige porte sur l'interprétation de l'article 9
[mod. par DORS/79-851] du Règlement, lequel
dispose:
9. Lorsqu'un immigrant, autre qu'une personne appartenant
à la catégorie de la famille, qu'un parent aidé ou qu'un réfugié
au sens de la Convention cherchant à se réétablir, présente une
demande de visa, l'agent des visas peut, sous réserve de l'article
1 1, lui délivrer un visa d'immigrant ainsi qu'aux personnes à sa
charge qui l'accompagnent, si
a) lui-même et les personnes à sa charge, qu'elles l'accompa-
gnent ou non, satisfont aux exigences de la Loi et du présent
règlement; et
b) suivant son appréciation selon l'article 8,
(i) dans le cas d'un immigrant, autre qu'un retraité ou un
entrepreneur, il obtient au moins cinquante points d'appré-
ciation, ou
(ii) dans le cas d'un entrepreneur ou d'un candidat d'une
province, il obtient au moins vingt-cinq points d'apprécia-
tion.
' 2. (I) Dans le présent règlement,
«personne à charge», par rapport à toute personne, désigne le
conjoint de cette personne et tout fils ou fille non marié et
âgé de moins de vingt et un ans de cette personne ou de ce
conjoint;
Il est permis, je crois, d'interpréter le texte
même de cette disposition comme signifiant que
l'expression «Lorsqu'un immigrant ... présente
une demande» ne constitue pas uniquement une
condition préalable à la délivrance d'un visa au
requérant mais qu'elle fixe également la date à
laquelle le requérant est tenu de remplir les condi
tions d'admissibilité imposées aux immigrants et,
en supposant qu'il les remplisse, qu'elle fixe la date
à laquelle l'agent des visas est autorisé à délivrer le
visa. Suivant cette interprétation, l'expression ser-
virait vraisemblablement aussi à déterminer le
moment où, aux fins de la demande, est établie la
catégorie des personnes à charge. Au cas où des
événements qui se produiraient ultérieurement le
rendraient inadmissible, le requérant n'obtiendrait
évidemment pas de visa et ne serait pas admis. Ce
serait également le cas pour les personnes à sa
charge. Quoi qu'il en soit, le temps mis à établir
son admissibilité ne semble avoir rien à voir avec la
question de déterminer si on doit le déclarer
admissible sur présentation de sa demande ou de
déterminer auxquelles des personnes à sa charge
peuvent être délivrés des visas en vertu de l'alinéa
9a) du Règlement.
Cette interprétation irait dans le même sens que
celle qu'a adoptée la Commission d'appel de l'im-
migration, dans la décision Ahmad c. Le ministre
de l'Emploi et de l'Immigration (inédite-26 mai
1981, n° V80-6255), à propos d'un règlement for-
mulé en des termes analogues à l'égard de person-
nes qui étaient à la charge de personnes apparte-
nant à la catégorie de la famille.
Quoi qu'il en soit, j'estime qu'il faut interpréter
le Règlement en conjonction avec l'article 9 de la
Loi [Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77,
chap. 52] et, notamment, avec le paragraphe 9(4).
Les dispositions du Règlement qui sont incompati
bles avec celles de la loi doivent évidemment céder
le pas devant ces dernières. Voici le texte du
paragraphe 9(4):
9....
(4) L'agent des visas, qui constate que l'établissement ou le
séjour au Canada d'une personne visée au paragraphe (1) ne
contreviendrait ni à la présente loi ni aux règlements, peut lui
délivrer un visa attestant qu'à son avis, le titulaire est un
immigrant ou un visiteur qui satisfait aux exigences de la
présente loi et des règlements.
Il me semble que les premiers mots de cette
disposition signifient que l'agent des visas .l'est
investi du pouvoir de délivrer un visa à un immi
grant qui remplit les conditions voulues que lors-
que «L'agent des visas» «constate» les faits qui y
sont énumérés 2 et non au moment de la présenta-
tion de la demande. Puisque le règlement doit
s'interpréter comme donnant effet à la loi, il
semble que la date à considérer pour déterminer
l'admissibilité du fils à recevoir un visa en tant que
personne à la charge de son père est celle à
laquelle l'agent des visas a constaté les faits énu-
mérés au paragraphe 9(4) relativement au père et
aux personnes qui étaient à sa charge à cette
époque.
Le cas présent se distingue facilement, à mon
avis, de l'arrêt City of Ottawa v. Boyd Builders
Ltd.' que l'avocat des intimés en appel a invoqué.
Dans cette décision, c'est le droit de common law
du propriétaire d'un immeuble au moment de la
demande de permis de construction qui a été invo-
qué. Il s'agit d'un droit que la Cour est toujours
habilitée à faire respecter d'office.
Je suis d'avis de trancher l'appel dans le même
sens que le juge Stone.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STONE: Les intimés en appel sont
respectivement père et fils. Felix Lau est né le 17
juillet 1961. Au mois de mars 1982, Franklin Lau
résidait à Hong Kong avec son épouse, et ses fils
Felix et Frank. Ils étaient citoyens du Royaume-
Uni et de la Chine.
Franklin Lau avait déjà décidé le 26 mars 1982
de demander la résidence permanente au Canada.
A cette date, il a présenté une demande de rési-
dence permanente au Canada aux autorités com-
pétentes de l'immigration canadienne à Hong
Kong. Sur sa demande, figurait le nom de son
épouse, de même que celui de ses deux fils en tant
que [TRADUCTION] «enfants de moins de 21 ans».
Il a rédigé sa demande conformément aux disposi
tions du Règlement sur l'immigration de 1978
2 Comparer avec In re Heathstar Properties Ltd., [1966] 1
W.L.R. 993 (Ch.D.).
3 [1965] R.C.S. 408.
régissant les travailleurs autonomes, étant donné
qu'il avait l'intention d'établir un commerce au
Canada. À cette époque, il était le propriétaire
unique d'une entreprise commerciale à Hong
Kong. Son épouse et ses fils ont présenté une
demande de résidence permanente au Canada en
même temps. Franklin Lau a également demandé
des visas d'immigrants pour lui-même, son épouse
et ses deux fils.
Felix Lau a eu 21 ans le 17 juillet 1982. Les
autorités de l'immigration canadienne ont reçu
Franklin Lau et son épouse en entrevue le 13
septembre de la même année, à Hong Kong. Les
membres de la famille Lau ont ensuite subi des
examens médicaux dont les résultats ont été trans-
mis aux autorités de l'immigration. Par lettre en
date du 16 novembre 1982, les autorités de l'immi-
gration ont informé Franklin Lau que, sur récep-
tion de certains renseignements, [TRADUCTION]
«des visas d'immigrants valides jusqu'au 6 mai
1983 seront délivrés». Le post-scriptum suivant
avait été ajouté au bas de la lettre:
[TRADUCTION] Votre fils Lau Siu Wai est maintenant âgé de
21 ans. Il ne remplit donc plus les conditions lui permettant
d'être inclus dans votre demande. Veuillez nous aviser si cela
change de quelque façon votre décision de venir vous installer
au Canada.
Franklin Lau a été atterré par cette nouvelle. Il
croyait que le fait d'inclure Felix dans sa demande
de visa comme «personne à charge» autorisée à
l'accompagner ou à le suivre au Canada ne pose-
rait aucun problème étant donné que ce dernier
avait moins de 21 ans au moment de la demande.
Il a depuis lors immigré au Canada avec son
épouse et son fils Frank, laissant Felix à Hong
Kong.
Franklin Lau a décidé de contester la décision
des autorités de l'immigration et d'entreprendre
d'autres démarches. Ses premières tentatives sont
restées sans résultat. Par avis de requête en date
du 31 mars 1983, les intimés ont demandé à la
Division de première instance de délivrer un bref
de mandamus. Le juge Mahoney a accueilli cette
requête le 8 juin 1983 [Division de première ins
tance de la Cour fédérale, T-920-83, encore iné-
dite] et a rendu une ordonnance de la nature d'un
mandamus prescrivant le réexamen de la demande
de visa d'immigrant de Franklin Lau en tenant
compte du fait que l'agent des visas avait commis
une erreur de droit en refusant d'accorder un visa
à Felix Lau au seul motif qu'il était âgé de plus de
21 ans au 16 novembre 1982.
Les appelants prétendent que, pour arriver à sa
décision, le juge s'est trompé dans l'application de
la modification apportée le 1°r septembre 1982
[DORS/82-702] au paragraphe 6(4) du Règle-
ment à propos de l'admissibilité du fils (ou de la
fille) non marié(e) d'un requérant parrainé qui
demande un visa s'il (ou si elle) est âgé(e) de
moins de 21 ans au moment de la présentation de
la demande de visa et de moins de 23 ans au
moment de la délivrance. Ils prétendent aussi que
le juge aurait dû rendre sa décision en se fondant
sur les dispositions de l'article 9 du Règlement qui,
comme il a été admis, régit les conditions auxquel-
les Felix Lau peut se faire délivrer un visa d'immi-
grant. En voici le texte:
9. Lorsqu'un immigrant, autre qu'une personne appartenant
à la catégorie de la famille, qu'un parent aidé ou qu'un réfugié
au sens de la Convention cherchant à se réétablir, présente une
demande de visa, l'agent des visas peut, sous réserve de l'article
11, lui délivrer un visa d'immigrant ainsi qu'aux personnes à sa
charge qui l'accompagnent, si
a) lui-même et les personnes à sa charge, qu'elles l'accompa-
gnent ou non, satisfont aux exigences de la Loi et du présent
règlement; et
b) suivant son appréciation selon l'article 8,
(i) dans le cas d'un immigrant, autre qu'un retraité ou un
entrepreneur, il obtient au moins cinquante points d'appré-
ciation, ou
(ii) dans le cas d'un entrepreneur ou d'un candidat d'une
province, il obtient au moins vingt-cinq points d'apprécia-
tion.
En ce qui concerne le premier moyen, je ne vois
pas comment les intimés en appel peuvent préten-
dre que les dispositions de l'article 6 du Règlement
s'appliquent en l'espèce. Le paragraphe 6(4) a été
expressément adopté, notamment, «aux fins du
paragraphe (1)» de ce même article. Or, ce para-
graphe s'applique lorsqu'une «personne apparte-
nant à la catégorie de la famille présente une
demande de visa d'immigrant» et que cette per-
sonne a un répondant. À mon avis, l'article 6 du
Règlement vise la demande de visa d'immigrant
faite par une personne qui appartient à la catégorie
de la famille et qui est parrainée par une personne
de la même catégorie. La demande de visa d'immi-
grant de Franklin Lau n'ayant pas fait l'objet d'un
parrainage, les dispositions du paragraphe 6(4) ne
s'appliquent pas.
Le deuxième moyen d'appel concerne l'interpré-
tation de l'article 9 du Règlement, précité. Cet
article dispose que l'agent des visas peut délivrer
un visa d'immigrant à une personne qui lui en fait
la demande «ainsi qu'aux personnes à sa charge
qui l'accompagnent», si, notamment, «lui-même et
les personnes à sa charge, qu'elles l'accompagnent
ou non, satisfont aux exigences de la Loi et du
présent règlement». Les expressions «personne à
charge» et «personne à charge qui l'accompagne»
sont définies de la façon suivante au paragraphe
2(1) du Règlement:
«personne à charge», par rapport à toute personne, désigne le
conjoint de cette personne et tout fils ou fille non marié et
âgé de moins de vingt et un ans de cette personne ou de ce
conjoint;
«personne à charge qui l'accompagne», par rapport à toute
personne, désigne une personne à charge de cette personne
qui obtient un visa lorsqu'un visa est délivré à cette personne
afin de permettre à la personne à charge d'accompagner ou
de suivre cette personne au Canada;
L'avocat des appelants invoque le paragraphe
9(4) de la Loi qui autorise l'agent des visas à
délivrer un visa à la personne qui lui en fait la
demande s'il est d'avis que cette personne «satisfait
aux exigences de la présente loi et des règlements».
Il en déduit que les exigences de la Loi et du
Règlement doivent être remplies à la date de la
délivrance du visa plutôt qu'à la date où le visa est
demandé. Il prétend que le paragraphe 9(4) oblige
l'agent des visas, entre la date de la demande et la
date de la délivrance, à s'assurer «que l'établisse-
ment ... ne contreviendrait ni à la présente loi ni
aux règlements». Il prétend que les dispositions des
alinéas 19(1)a) et c) de la Loi donnent des exem-
ples des questions qui doivent faire l'objet d'une
enquête avant la délivrance d'un visa. Il ajoute
qu'étant donné que Felix Lau ne satisfaisait pas
aux exigences de l'article 9 du Règlement à la date
à laquelle un visa d'immigrant a été délivré à son
père parce qu'il avait 21 ans révolus, il n'était pas
une «personne à charge qui l'accompagne» au sens
de l'article 9 du Règlement et que, par conséquent,
il ne remplissait pas les conditions d'admissibilité
pour obtenir un visa.
Les intimés contestent ces arguments. À leur
avis, la raison d'être de l'expression «personne à
charge qui accompagne» définie à l'article 9 est
simplement qu'on veut éviter que le requérant
principal se fasse délivrer un visa lorsque la per-
sonne à charge qui l'accompagne est déclarée inad
missible. L'avocat prétend que, dans une situation
comme celle en l'espèce, il faut que tous les visas
d'immigrants visés par la demande du requérant
principal soient délivrés en même temps, de sorte
que le requérant principal ne reçoive pas de visa si
l'une des personnes à charge qui l'accompagne est
déclarée inadmissible. Pour appuyer cette affirma
tion, l'avocat invoque la décision rendue par la
Commission d'appel de l'immigration le 26 mai
1981 dans l'affaire Ahmad c. Le ministre de l'Em-
ploi et de l'Immigration. La Commission s'est
penchée dans cette affaire sur la définition des
termes «personne à charge» et de «personne à
charge qui l'accompagne» et a dit [à la page 3]:
[TRADUCTION] En l'espèce, l'auteur principal de la demande
est le père et les personnes à charge qui l'accompagnent sont la
mère et le frère. Par conséquent, le père est «la personnes à
laquelle il est fait allusion dans la définition de l'expression
.personnes à charge qui l'accompagnent.. Relisons cette défini-
tion dans ce contexte:
.personne à charge qui l'accompagne», par rapport au père,
désigne une personne à charge du père qui obtient un visa
lorsqu'un visa est délivré au père afin de permettre à la
personne à charge d'accompagner ou de suivre son père au
Canada.
À mon avis, cette définition signifie simplement que les visas
sont délivrés en même temps à l'immigrant principal et aux
personnes à charge qui l'accompagnent. Voilà l'essence même
de cette définition. Enfin, d'après moi, elle ne signifie rien
d'autre.
Les appelants acceptent l'argument des intimés
dans son entier, même si, dans le cas présent, des
visas ont été délivrés respectivement au père, à la
mère et au frère en dépit du fait qu'aucun n'a été
délivré à Felix. Pour terminer, les intimés soutien-
nent que toute ambiguïté pouvant exister dans le
Règlement à propos de la date à laquelle l'exigence
relative à l'âge doit être satisfaite doit être résolue
en faveur de Felix Lau.
Avant de se prononcer sur ces différents argu
ments, il faut bien se rappeler que le fait de détenir
un visa d'immigrant n'emporte pas en lui-même le
droit d'établissement au Canada. Aux termes du
paragraphe 9(1) de la Loi, sauf dans certains cas
définis, «tout immigrant ... [doit] demander et
obtenir un visa avant de se présenter à un point
d'entrée». Cette demande doit, conformément au
paragraphe 9(2), être examinée par un agent des
visas «qui détermine si [cette personne] semble être
une personne qui peut obtenir le droit d'établisse-
ment ...». La personne qui désire venir au
Canada à titre d'immigrant doit, suivant le para-
graphe 12(1), «se présenter devant un agent d'im-
migration à un point d'entrée» afin que, notam-
ment, ce dernier détermine, après examen, si elle
doit être autorisée à entrer au Canada. Ce n'est
que lorsqu'il constate, conformément au paragra-
phe 14(2), qu'accorder le droit d'établissement ne
contreviendrait ni à la Loi ni au Règlement, qu'il
«doit ... accorder le droit d'établissement» à un
immigrant. L'agent des visas n'est pas en tant que
tel autorisé par la Loi à accorder le droit d'établis-
sement. Son rôle se borne à déterminer si la per-
sonne qui demande le visa «semble être une per-
sonne qui peut obtenir le droit d'établissement».
Pour reprendre les termes employés par l'avocat
des appelants, le fait de détenir un visa ne fait
[TRADUCTION] «qu'aplanir la voie» pour s'établir
au Canada. C'est à l'agent d'immigration qu'il
incombe, au point d'entrée, d'accorder ou de refu-
ser l'établissement, conformément à la Loi et au
Règlement.
À mon avis, la seule question à décider en
l'espèce est celle de savoir si, pour déterminer
l'admissibilité de Felix Lau à recevoir un visa
d'immigrant, il faut considérer son âge à la date de
la demande ou, suivant la prétention des appelants,
à la date à laquelle les visas d'immigrants ont été
délivrés à ses parents et à son frère. Si c'est la
première date qui doit être retenue, il ne fait pas
de doute que Felix Lau avait le droit d'être inclus
et de se faire délivrer un visa en tant que «personne
à charge qui accompagne» son père, étant donné
qu'il avait alors moins de 21 ans. Si, au contraire,
il faut prendre la seconde date, Felix Lau n'avait
pas droit à l'inclusion et c'est à raison qu'on lui a
refusé le visa. La question doit être tranchée sui-
vant l'interprétation que doit recevoir l'article 9 du
Règlement, lequel article régissait la demande de
visas d'immigrants qui nous occupe. Franklin Lau
a cherché dès le début à inclure son fils dans sa
demande pour que celui-ci puisse l'«accompagner
ou [le] suivre» au Canada à titre de «personne à
charge qui l'accompagne». À mon avis, Felix Lau
ne pouvait pas se faire délivrer un visa d'immi-
grant en vertu de la demande de son père parce
qu'il n'était pas, comme le prévoit le Règlement, «à
la charge» de son père «au moment où un visa
d'immigrant» a été délivré à son père. Voilà, il me
semble, l'effet de l'article 9, lorsqu'on le lit con-
jointement avec les définitions des termes «per-
sonne à charge» et «personne à charge qui l'accom-
pagne». Je conclus donc que l'agent des visas a eu
raison de refuser de délivrer un visa d'immigrant à
Felix Lau.
Bien que le texte du Règlement commande une
telle conclusion, il me semble que le résultat est
assez rigoureux. Si on fait abstraction de la ques
tion de l'âge, personne n'a laissé entendre que,
dans le cas présent, Felix Lau ne satisfaisait pas
aux autres exigences de la Loi ou du Règlement
nécessaires à l'obtention d'un visa. La demande est
restée entre les mains des responsables de l'immi-
gration pendant environ trois mois et demi avant
que Felix Lau n'arrive à l'âge de vingt et un ans. Il
est probable que si on s'était occupé de sa demande
avant la date de son anniversaire, il aurait, d'après
ce que j'en comprends, obtenu lui aussi un visa
d'immigrant. Dans ce cas, il semble donc que le
refus de délivrer un visa est uniquement attribua-
ble au fait que Felix Lau ait atteint 21 ans avant
qu'on ait terminé l'examen de sa demande.
Je suis d'avis d'accueillir l'appel et d'annuler
l'ordonnance de la Division de première instance
avec dépens, s'ils sont demandés, mais de rejeter la
requête sans frais.
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.