A-313-82
Nordair Ltd. (appelante)
c.
Commission canadienne des transports (Comité
des transports aériens) (intimée)
Cour d'appel, juges Heald et Ryan, juge suppléant
Cowan —Ottawa, 1" et 2 juin 1983.
Aéronautique — Appel contre une ordonnance rendue par la
CCT intimant à la compagnie aérienne de cesser d'offrir à ses
passagers des coupons leur donnant droit à des services de
limousines et de location de voitures — En vertu de l'art. 10(2)
de la Loi sur l'aéronautique, la CCT a compétence pour
décider si une certaine pratique publicitaire est interdite ainsi
que pour en ordonner la cessation — Les programmes contre-
viennent à l'art. 112(10) du Règlement puisque les coupons
constituent un rabais permettant le transport à un taux diffé-
rent de celui des tarifs — Les coupons ont une certaine valeur
même si tous ne les utiliseront pas — L'offre de coupons de
transport terrestre est liée au transport aérien — Loi sur
l'aéronautique, S.R.C. 1970, chap. A-3, art. 10, 14(1)m), 15—
Règlement sur les transporteurs aériens, C.R.C., chap. 3, art.
2, 23, 112(10) — Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970,
chap. N-17, art. 64(5) (abrogé et remplacé par S.R.C. 1970 (2 e
Supp.), chap. 10, art. 65 (Item 32)).
Au mois de novembre 1981, le Comité des transports aériens
de la Commission canadienne des transports ordonnait à Nor-
dair de cesser d'offrir certains programmes de location de
voitures pour des fins publicitaires. Le Comité a estimé que les
programmes étaient contraires au paragraphe 112(10) du
Règlement sur les transporteurs aériens parce qu'ils compor-
taient une offre de rabais permettant le transport à un taux
différent de celui des tarifs de Nordair. Après la date prévue
pour se conformer à l'ordonnance, Nordair a fait paraître une
annonce dans un quotidien de Montréal et, en conformité, a
offert à ses passagers des coupons leur donnant droit à des
services de transport par limousines ou de location de voitures.
Cependant, elle a continué à percevoir les montants correspon-
dant aux taux prévus dans les tarifs applicables à son service.
Le Comité a informé Nordair que l'offre de la compagnie
paraissait contrevenir aux décisions antérieures du Comité. Par
la suite, et en vertu du paragraphe 10(2) de la Loi sur
l'aéronautique, il a rendu l'ordonnance en cause, laquelle enjoi-
gnait à Nordair de cesser d'offrir ces programmes.
Nordair pose deux questions à la Cour: (1) la Commission
avait-elle compétence pour rendre ladite ordonnance? (2) est-ce
à tort que la Commission a statué que les programmes de
limousines et de location de voitures contrevenaient au paragra-
phe 112(10)?
Arrêt (le juge Heald dissident): l'appel est rejeté.
Le juge suppléant Cowan (avec l'appui du juge Ryan): Il
ressort clairement du paragraphe 10(2) de la Loi que la Com
mission a compétence pour ordonner à un transporteur aérien
comme Nordair d'abandonner une pratique publicitaire con-
traire à la Partie II de la Loi, à un règlement ou à une
ordonnance de la Commission. Cette disposition confère égale-
ment à la Commission «pleine juridiction pour entendre et juger
toute question tant de droit que de fait» aux fins de l'article 10;
par conséquent, la Commission a compétence pour décider s'il y
a eu contravention. La Commission avait donc compétence
pour rendre l'ordonnance dont on fait appel.
En outre, le Comité était fondé en droit à statuer que les
programmes offerts contrevenaient au paragraphe 112(10).
Selon ces programmes, le passager qui achetait un billet de
transport aérien avait droit à un coupon de réclame. On ne
s'attendait pas à ce que tous les passagers fassent usage des
coupons, mais il est clair qu'ils avaient une valeur pour ceux-ci.
En fait, le passager payait moins pour son transport aérien que
s'il avait payé le taux approuvé sans recevoir d'autre contrepar-
tie que le transport aérien en tant que tel.
Le fait que Nordair offrait à ses passagers un droit à certains
modes de transport terrestre plutôt qu'aérien n'empêche pas
l'application du paragraphe 112(10): l'offre était liée au trans
port aérien des passagers et équivalait à une offre de rabais
visée par l'interdiction du paragraphe (10).
Le juge Heald (dissident): En vertu de l'article 10 de la Loi,
le Comité avait compétence d'enquêter sur la pratique qui a fait
l'objet d'une ordonnance. Au sens étroit de pouvoir de connaître
de l'enquête, il avait compétence pour rendre l'ordonnance
attaquée. Toutefois, il n'était pas fondé en droit à décider que
les programmes de Nordair contrevenaient au paragraphe
112(10).
L'article 2 du Règlement définit les termes «tarif» et «taux»
en faisant référence au mot «trafic» ou «transport». Ce terme
signifie «le transport aérien des passagers». C'est pourquoi il
faut interpréter le paragraphe 112(10) en partant du principe
que les trois termes s'appliquent uniquement au transport
aérien. Dans le cas du terme «taux», cela reste vrai malgré le
fait que la définition fait allusion non seulement au prix facturé
pour le transport mais également à celui facturé «pour tout
service y afférent».
Le paragraphe (10) doit donc s'interpréter comme interdi-
sant une offre uniquement si le rabais ou la concession portent
sur le prix du billet de la compagnie en tant que tel. La mention
d'un rabais ou d'une concession «qui permettrait le transport»
(c'est l'arrêtiste qui souligne) vise uniquement le prix du billet
émis par la compagnie aérienne. Par contre, dans le cas d'es-
pèce, les programmes portent sur quelque chose de très diffé-
rent, en dehors des paramètres du paragraphe 112(10), en
l'occurrence un transport terrestre.
L'intimée fait valoir néanmoins que l'expression «in respect
of the transportation», dans la version anglaise, est assez large
pour inclure un programme comme celui qu'offre Nordair
puisqu'en fin de compte le coût total du transport aérien pour le
passager est modifié. La version française de cette expression
confirme cependant l'interprétation restrictive du paragraphe
112(10). Les termes «qui permettrait le transport» de la version
française montrent clairement que le rabais qu'envisage le
paragraphe 112(10) doit être directement lié au coût du trans
port aérien et en faire partie intégrante. Dans les autres disposi
tions du Règlement, lorsque le législateur veut donner au terme
«transport» un sens plus large que celui de transport aérien, il
prend soin de le faire en termes clairs et non équivoques; en
l'absence de termes d'une portée similaire au paragraphe (10),
on ne devrait pas l'interpréter dans un sens aussi large.
Il est peu probable que tous les passagers de Nordair se
prévalent des coupons. Pour ceux qui ne les utilisent pas, ils
n'ont aucune valeur pécuniaire. Pour les passagers qui les
utilisent, les coupons procurent l'avantage d'une réduction de
leur coût de transport aérien d'un point à un autre, mais cela ne
change en rien la nature de l'offre. Selon l'interprétation qu'en
donne l'intimée, tout rabais offert par une compagnie aérienne,
si éloigné soit-il du transport aérien proprement dit, tant que
l'offre est faite en conjonction avec l'achat d'un billet de
transport aérien, serait interdit par le paragraphe 112(10). En
l'absence de termes exprès interdisant tout programme dont
l'effet net ou le résultat aboutirait à un transport aérien de
passagers pour un prix différent de celui que permet le tarif
autorisé, je ne peux souscrire à cette interprétation.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Union internationale des employés des services, local no.
333 c. Nipawin District Staff Nurses Association, et
autres, [1975] 1 R.C.S. 382; Le Syndicat canadien de la
Fonction publique, section locale 963 c. La Société des
alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227; 26
N.R. 341.
AVOCATS:
J. R. Laffoley et P. Habib pour l'appelante.
D. J. E. Scott pour l'intimée.
PROCUREURS:
Campbell, Pepper, Laffoley, Montréal, pour
l'appelante.
Contentieux, Commission canadienne des
transports, Ottawa, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD (dissident): Cet appel soulève
deux questions. La première est de savoir si la
Commission canadienne des transports (Comité
des transports aériens) avait compétence pour
rendre l'ordonnance attaquée. A mon avis, le
Comité avait cette compétence, au sens étroit de
pouvoir de connaître de l'enquête, en vertu des
pouvoirs conférés par l'article 10 de la Loi sur
l'aéronautique [S.R.C. 1970, chap. A-3]'. Je crois
que le Comité «a tranché une question qui lui
Comparer Union internationale des employés des services,
local no. 333 c. Nipawin District Staff Nurses Association, et
autres, [1975] 1 R.C.S. 382, à la page 389.
revenait pleinement et qu'il appartenait à [lui seul]
de trancher dans les limites de sa compétence» 2 .
En conséquence, je répondrais par l'affirmative à
la question relative à la compétence.
Le deuxième point est de savoir si le Comité
était fondé en droit à décider que le programme de
l'appelante consistant à offrir un service gratuit de
limousines pour ses vols en provenance ou à desti
nation des aéroports de Montréal (Dorval), de
Toronto et d'Hamilton contrevenait au paragraphe
112(10) du Règlement sur les transporteurs
aériens [C.R.C., chap. 3]. Cet article est [dans la
Partie VI] intitulée «TARIFS ET TAUX». Voici. son
paragraphe (10):
112. ...
(10) Il est interdit à un transporteur aérien, ou à l'un
quelconque de ses fonctionnaires ou de ses agents ou représen-
tants d'offrir, de concéder, de donner, de solliciter, d'accepter
ou de recevoir un rabais, une concession ou un privilège, qui
permettrait le transport, par quelque moyen que ce soit, à un
taux différent de celui des tarifs en vigueur, ou selon des
modalités ou des conditions différentes de celles qui sont énon-
cées dans ces mêmes tarifs, sauf s'il a obtenu au préalable
l'autorisation du Comité.
L'article 2 du Règlement sur les transporteurs
aériens comporte les définitions suivantes:
2. Dans le présent règlement et dans les permis délivrés en
vertu de la Loi,
«tarif» désigne une publication contenant les conditions de
transport, les taux, règles, règlements et pratiques applicables
au transport qu'assure un transporteur aérien et comprend
une modification ou un supplément à un tarif ou à une page
d'un tarif à feuillets mobiles;
«taux» désigne tout prix facturé ou établi selon toute cotation,
réduction ou franchise par un transporteur aérien pour le
transport, l'expédition, le soin, la manutention ou la livraison
des personnes, des marchandises ou du courrier ou pour tout
service y afférent;
«trafic» ou «transport» signifie le transport aérien des passagers,
du courrier et des marchandises;
Le terme «tarif» défini ci-dessus est limité au trans
port par un transporteur aérien. De même, le
terme «taux», défini ci-dessus se limite au «prix
facturé», etc., établi par un transporteur aérien
«pour le transport ... des personnes ... ou pour
2 Selon les termes du juge Dickson dans l'arrêt Le Syndicat
canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. La
Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S.
227, la page 237; 26 N.R. 341, à la page 350.
tout service y afférent» alors que le terme «trafic»
ou «transport» signifie «le transport aérien des pas-
sagers .. .»
C'est pourquoi je pense qu'il faut interpréter le
paragraphe 112(10) en partant du principe que les
termes «tarifs», «taux» et «trafic» ou «transport»
s'appliquent uniquement au transport aérien.
Sous cet angle, à mon avis, l'interdiction du
paragraphe (10) «d'offrir . .. un rabais, une con
cession ou un privilège, qui permettrait le trans
port, par quelque moyen que ce soit, à un taux
différent de celui des tarifs ...» ne vise que les
offres de rabais, etc., portant sur le prix du billet
de la compagnie pour le transport aérien qui per-
mettent à un passager d'être transporté par la
compagnie aérienne pour un montant en dollars
différent de celui qui est prévu dans le tarif en
vigueur pour ce vol particulier. À mon avis, l'ex-
pression «qui permettrait» le transport, au paragra-
phe (10), vise uniquement le prix du billet émis par
la compagnie aérienne. Dans le cas d'espèce, le
«rabais» ou la «concession» offerte porte sur quel-
que chose de très différent, en dehors des paramè-
tres du paragraphe (10), en l'occurrence un trans
port terrestre. Toutefois, l'avocat de l'intimée fait
valoir que l'expression «in respect of the transpor
tation», dans la version anglaise, est assez large
pour inclure un programme comme celui en cause
puisqu'en fin de compte le coût total du transport
aérien pour le passager est modifié. Je ne souscris
pas à cette interprétation; je crois que le paragra-
phe (10) ne vise que le prix du transport aérien. La
version française du paragraphe (10) confirme
d'ailleurs mon interprétation. «In respect of the
transportation» est rendu, dans la version fran-
çaise, par «qui permettrait le transport». À mon
avis, ces termes montrent clairement que le rabais
doit être directement lié au coût du transport
aérien et en faire partie intégrante. Il est intéres-
sant de remarquer que lorsque le législateur veut
donner au terme «transport» un sens plus large que
celui de transport aérien, il prend soin de le faire
en termes clairs et non équivoques. Je pense à la
Partie IV du Règlement sur les transporteurs
aériens qui traite des «affrètements internatio-
naux». Dans cette Partie, l'article 23 a défini
«transport» dans le cas d'un voyage tout compris,
comme «le transport aérien ou par tout autre
moyen des participants au voyage et de leurs baga-
ges personnels entre a) tous les points de l'itiné-
raire du voyage, et b) les aéroports ou les gares de
transport terrestre et l'endroit où le logement est
fourni, à tous les points de l'itinéraire du voyage
autres que le point d'origine». [C'est moi qui
souligne.]
En l'absence de termes d'une portée similaire au
paragraphe (10), je ne saurais l'interpréter dans le
sens que suggère l'avocat de l'intimée. Ce dernier a
aussi souligné que dans la définition de «taux»,
précitée, l'expression «ou pour tout service y affé-
rent» a pour effet d'en élargir la portée et d'y
inclure les services de transport terrestre. Je ne
suis pas de cet avis. Pour les raisons données
ci-dessus, comme le terme «taux» s'applique au
trafic et comme le «trafic» est lié au transport
aérien, je crois qu'il s'ensuit que l'emploi du terme
«taux» au paragraphe (10) doit aussi nécessaire-
ment ne viser que le transport aérien et ne s'appli-
quer qu'à lui.
En conséquence, pour les motifs précités, je
conclus que le programme de l'appelante ne consti-
tue pas une atteinte au paragraphe 112(10) pré-
cité. Certes les passagers de Nordair qui utilisent
les coupons de transport terrestre reçoivent ainsi
un avantage, avec par voie de conséquence la
réduction de leur coût de transport aérien d'un
point à un autre, mais cela ne change en rien la
nature de l'offre. Il est peu probable que tous les
passagers de Nordair se prévalent des coupons.
Certains sont accueillis à l'aéroport par des amis
ou des parents; d'autres habitent sans doute assez
près pour se rendre chez eux à pied ou ont garé
leur voiture à l'aéroport. Pour ces passagers, le
coupon de transport gratuit n'a aucune valeur
pécuniaire. Je ne crois pas que le paragraphe
112(10) du Règlement puisse recevoir une inter-
prétation aussi large. L'avocat de l'intimée a admis
au cours des débats que l'interprétation qu'il fai-
sait valoir ferait entrer dans la compétence du
Comité, par exemple, l'offre par la compagnie
aérienne à ses passagers d'une boisson gratuite ou
d'un cirage gratuit des chaussures, à l'aérogare, ou
encore l'offre de prix réduits à l'hôtel. On pourrait
donner d'autres exemples d'offres et de rabais de
ce genre, n'ayant qu'un rapport lointain avec les
vols commerciaux eux-mêmes. Si l'intimée a
raison, tout rabais offert par une compagnie
aérienne, si éloigné soit-il du transport aérien pro-
prement dit, tant que l'offre est faite en conjonc-
tion avec l'achat d'un billet de transport aérien,
serait interdit par le paragraphe 112(10). En l'ab-
sence de termes exprès dans l'article interdisant
tout programme dont l'effet net ou le résultat
aboutirait à un transport aérien de passagers pour
un prix différent de celui que permet le tarif
autorisé, je ne peux souscrire à l'interprétation du
paragraphe 112(10) que fait valoir le procureur de
l'intimée.
Par ces motifs et conformément au paragraphe
64(5) de la Loi nationale sur les transports
[S.R.C. 1970, chap. N-17, abrogé et remplacé par
S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 65 (Item
32)], je transmettrais à la Commission l'opinion
certifiée de la Cour dans les termes suivants:
(1) la Commission canadienne des transports
(Comité des transports aériens) avait compé-
tence, en vertu de l'article 10 de la Loi sur
l'aéronautique, pour rendre l'ordonnance atta-
quée; et
(2) c'est à tort que le Comité des transports
aériens de la Commission canadienne des trans
ports a statué que l'offre de l'appelante d'un
transport terrestre gratuit à ses passagers con-
trevenait au paragraphe 112(10) du Règlement
sur les transporteurs aériens.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT COWAN: Voici les ques
tions pour lesquelles l'autorisation d'appel a été
accordée:
1) La Commission canadienne des transports (Comité des
transports aériens) avait-elle compétence en vertu de l'article
10 de la Loi sur l'aéronautique pour ordonner à la requérante
de cesser d'offrir ses programmes de limousines et de location
de voitures Tilden?
2) Dans l'affirmative, est-ce à tort que la Commission cana-
dienne des transports a statué que ces programmes «contrevien-
nent» au paragraphe 112(10) du Règlement sur les transpor-
teurs aériens?
Par lettre datée du 20 novembre 1981, le Comité
des transports aériens de la Commission cana-
dienne des transports a statué que les programmes
de location de voitures Tilden offerts par Nordair
étaient contraires au paragraphe 112(10) du
Règlement sur les transporteurs aériens parce
qu'ils comportaient une offre de rabais permettant
le transport à un taux différent de celui des tarifs
en vigueur de la compagnie, sans autorisation
préalable du Comité. Le Comité ordonna à Nor-
dair de cesser d'offrir ces programmes à dater du
31 décembre 1981.
Le 7 janvier 1982, Nordair fit paraître dans The
Gazette de Montréal une annonce offrant des
«CADEAUX» à quiconque ferait un voyage aller-
retour en avion Nordair, en classe économique, du
lundi au vendredi entre Montréal, Toronto ou
Hamilton, et ce du 11 janvier au 18 mars 1982.
Voici cette annonce:
[TRADUCTION] Le choix que vous «DONNE» Nordair
Luxueuses limousines: Avec
Nordair, vous voyagez grand
luxe, jusque chez-vous!
Prenez l'Oiseau bleu service
extra jusqu'à votre porte.
Prenez une limousine, à nos
frais. Il vous suffit de deman-
der notre coupon spécial au
comptoir Nordair! Jamais la
classe économique n'a été
aussi agréable!
Tilden à votre service: Une
voiture Tilden, pour 24
heures, à votre arrivée—kilo-
métrage illimité! Ça vous
intéresse? Parfait! Nous nous
chargeons des frais de loca
tion. Vous ne payez que l'es-
sence et les taxes de vente, au
taux ordinaire indiqué.
Demandez simplement votre
coupon spécial au comptoir
Nordair. Naturellement, il y
a un «règlement»—par exem-
ple, vous devez être âgé d'au
moins 21 ans—ne vous
inquiétez pas: il s'agit d'une
aubaine.
Les vols les meilleurs (et fré-
quents): Notre horaire vous
donne chaque semaine 101
possibilités de vous prévaloir
de notre offre-cadeau! 34 vols
Nordair Montréal-Toronto
par semaine ... 33 par
semaine de Toronto à Mont-
réal. Et d'Hamilton à Mont-
réal? 17 vols par semaine—et
17 de Montréal à Hamilton.
101 vols en tout. À vous de
choisir! ... et de prendre
votre coupon-cadeau. Pour
plus de détails, téléphonez à
votre agent de voyage, ou
appelez-nous.
Le 14 janvier 1982, le Comité des transports
aériens informa Nordair par télex que l'offre de la
compagnie paraissait contrevenir aux décisions
antérieures du Comité. Le Comité lui intimait de
cesser immédiatement d'offrir ces programmes et
déclarait que l'ordonnance allait être homologuée
en Cour fédérale. Le Comité délivra alors l'ordon-
nance #1982-A-29, sur le fondement du paragra-
phe 10(2) de la Loi sur l'aéronautique', invitant
Nordair à cesser d'offrir ces programmes.
Le paragraphe 10(2) de la Loi sur l'aéronauti-
que porte:
10.
(2) La Commission peut ordonner et prescrire à toute per-
sonne d'accomplir immédiatement, ou dans tel délai ou à telle
époque qu'elle fixe, et de la manière qu'elle détermine, en tant
qu'il ne s'y trouve rien d'incompatible avec la présente loi, tout
acte ou chose que cette personne est ou peut être tenue d'ac-
complir sous l'autorité de la présente Partie ou de tout règle-
ment, licence, permis, ordonnance ou directive que la Commis
sion a établie sous l'autorité de cette Partie; et elle peut aussi
interdire l'accomplissement ou la continuation de tout acte ou
chose contraire à la présente Partie ou à l'un de ces règlements,
licences, permis, ordonnances ou directives et, aux fins du
présent article, elle a pleine juridiction pour entendre et juger
toute question tant de droit que de fait.
L'alinéa 14(1)m) de la Loi sur l'aéronautique
autorise la Commission à prendre des règlements:
14. (1) ...
m) concernant le trafic, les taxes et les tarifs, et pourvoyant
(i) à l'annulation ou à la suspension, par la Commission,
de tout tarif ou de toute taxe,
(ii) à la substitution d'un tarif ou d'une taxe satisfaisants
pour la Commission, ou
(iii) à l'établissement, par la Commission, de tarifs ou
taxes remplaçant des tarifs ou taxes annulés par elle;
En vertu des pouvoirs que lui attribuait la Loi
sur l'aéronautique, la Commission a pris le Règle-
ment sur les transporteurs aériens, dont le para-
graphe 112(10) que voici:
112. . ..
(10) Il est interdit à un transporteur aérien, ou à l'un
quelconque de ses fonctionnaires ou de ses agents ou représen-
tants d'offrir, de concéder, de donner, de solliciter, d'accepter
ou de recevoir un rabais, une concession ou un privilège, qui
permettrait le transport, par quelque moyen que ce soit, à un
taux différent de celui des tarifs en vigueur, ou selon des
modalités ou des conditions différentes de celles qui sont énon-
cées dans ces mêmes tarifs, sauf s'il a obtenu au préalable
l'autorisation du Comité.
L'article 15 de la Loi sur l'aéronautique dispose:
15. Nonobstant tout contrat ou engagement antérieur ou
toute autre loi ou disposition générale ou spéciale, nul transpor-
teur aérien ne doit fournir de transport gratuit ou à tarif réduit,
sauf avec l'approbation écrite de la Commission et aux condi
tions et selon les formules que cette dernière peut prescrire.
Il ressort clairement du paragraphe 10(2) de la
Loi sur l'aéronautique que la Commission a com-
pétence pour ordonner à un transporteur aérien
3 S.R.C. 1970, chap. A-3.
comme Nordair d'abandonner une pratique publi-
citaire contraire à la Partie II de la Loi sur
l'aéronautique, à un règlement, à la licence ou au
permis d'un transporteur ou à une ordonnance ou
directive de la Commission. Le paragraphe porte
aussi qu'une décision quant à l'existence d'une
telle violation est de la compétence de la Commis
sion qui a pleine juridiction pour entendre et juger
toute question tant de droit que de fait, aux fins du
paragraphe 10(2).
À mon avis, la Commission canadienne des
transports (Comité des transports aériens) avait le
pouvoir, en vertu de l'article 10 de la Loi sur
l'aéronautique, d'ordonner à l'appelante Nordair
de cesser d'offrir ses programmes de limousines et
de location de voitures Tilden. La première ques
tion posée devrait donc recevoir une réponse
affirmative.
La seconde question est de savoir si c'est à tort
en droit que la Commission, par la décision de son
Comité des transports aériens, a statué que les
programmes offerts par Nordair «contreviennent»
au paragraphe 112(10) du Règlement sur les
transporteurs aériens.
Ce paragraphe interdit au transporteur aérien
d'offrir, de concéder, ou de donner un «rabais, une
concession ou un privilège, qui permettrait le
transport, par quelque moyen que ce soit, à un
taux différent de celui des tarifs en vigueur, ou
selon des modalités ou des conditions différentes
de celles qui sont énoncées dans ces mêmes tarifs,
sauf s'il a obtenu au préalable l'autorisation du
Comité».
Les termes «tarif» et «taux» sont définis à l'arti-
cle 2 du Règlement comme suit:
2. ...
«tarif» désigne une publication contenant les conditions de
transport, les taux, règles, règlements et pratiques applicables
au transport qu'assure un transporteur aérien et comprend
une modification ou un supplément à un tarif ou à une page
d'un tarif à feuillets mobiles;
«taux. désigne tout prix facturé ou établi selon toute cotation,
réduction ou franchise par un transporteur aérien pour le
transport, l'expédition, le soin, la manutention ou la livraison
des personnes, des marchandises ou du courrier ou pour tout
service y afférent;
L'appelante fait valoir que les programmes de
transport en limousines et de location de voitures
ne relèvent pas du domaine des tarifs et que le
paragraphe 112(10) du Règlement ne s'applique
qu'au montant payable pour le transport aérien
fourni par l'appelante. Il a été admis que l'appe-
lante percevait de tous ses passagers, dans le prix
du billet, les montants correspondant aux taux
prévus dans les tarifs applicables à son service.
L'appelante soutient que rien de ce qu'elle offrait à
ses passagers en termes de transport par limousi
nes ou de location de voitures équivalait à un
rabais, à une concession ou à un privilège tarifaire
quelconque lié au transport de ses passagers.
À mon avis, les arguments de l'appelante à ce
sujet ne sont pas fondés. Les preuves sur lesquelles
s'appuie le Comité dans son ordonnance démon-
trent que l'appelante a perçu de ses passagers les
taux approuvés et leur a offert des coupons don-
nant droit au transport gratuit en limousine ou à la
location gratuite d'une voiture pour une journée.
On ne s'attendait pas à ce que tous les passagers
fassent usage des coupons, mais il est clair qu'ils
avaient une valeur pour ceux-ci et que tous les
passagers munis d'un billet de transport aérien
acheté au taux approuvé avaient droit au coupon.
Le fait que Nordair offrait aux passagers un
droit à certains modes de transport terrestre n'em-
pêche pas, à mon avis, l'application du paragraphe
112(10) du Règlement. Le paragraphe interdit à
un transporteur aérien toute offre de rabais, con
cession ou privilège «qui permettrait le transport
[de passagers, en l'espèce], par quelque moyen que
ce soit», à un taux différent de celui des tarifs en
vigueur; le passager, en payant le taux approuvé,
reçoit un coupon auquel est attaché une certaine
valeur, ce qui signifie qu'il paie moins pour son
transport aérien par l'appelante que s'il avait payé
le taux approuvé sans recevoir d'autre contrepartie
que le transport aérien auquel ce paiement du taux
approuvé lui donne droit.
Le Comité disposait de preuves démontrant que
l'offre de coupons de transport terrestre par l'appe-
lante était liée au transport aérien, c'est-à-dire au
transport aérien des passagers auxquels l'offre
était faite, que les coupons avaient une valeur pour
ces passagers et que l'offre équivalait à une offre
de rabais ou à une concession, permettant donc un
transport à un taux différent du taux approuvé.
À mon avis la Commission, par l'intermédiaire
du Comité des transports aériens, était fondée en
droit à statuer que les programmes offerts par
Nordair contrevenaient au paragraphe 112(10) du
Règlement sur les transporteurs aériens.
Donc, conformément au paragraphe 64(5) de la
Loi nationale sur les transports 4 , je transmettrais
à la Commission l'opinion certifiée de la Cour dans
les termes suivants:
1. la Commission canadienne des transports
(Comité des transports aériens) avait compé-
tence, en vertu de l'article 10 de la Loi sur
l'aéronautique, d'ordonner à l'appelante, Nor-
dair Ltd., de cesser d'offrir ses programmes de
transport par limousines et de location de voitu-
res Tilden;
2. la Commission canadienne des transports
était fondée en droit à statuer que ces program
mes contrevenaient au paragraphe 112(10) du
Règlement sur les transporteurs aériens.
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
4 S.R.C. 1970, chap. N-17 [mod. par S.R.C. 1970] (1°r
Supp.), chap. 44, art. 10 (Item 7), [et par S.R.C. 1970] (2e
Supp.), chap. 10, art. 65 (Item 32).
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